Le film est né d’une rencontre entre Andrés Padilla, artiste audiovisuel et plasticien, et Morgane Uberti, épigraphiste et chercheuse, qui ont fait le pari d’une contamination féconde de leurs univers. Cette recherche filmique se présente donc à la fois comme la mise en œuvre d’une rencontre des pratiques – scientifiques et artistiques – et une réflexion sur l’écriture et les temporalités, thématiques qu’Andrés Padilla et Morgane Uberti explorent dans leurs champs respectifs : l’image et le contemporain pour l’un, l’inscription et l’histoire pour l’une (◉5).
Sur la côte galicienne (◉6), une ville modeste et ses alentours apparaissent conquis par l’écriture. Les traces marquent les rochers en plein cœur de la forêt ainsi qu’en bord de mer (◉7, 8) ; elles envahissent les murs de la ville, ceux des cimetières, des lavoirs, des églises comme elles en recouvrent le sol (◉9, 10). Les signes laissés relèvent d’une graphie qui résiste parfois à la lecture et il est alors maintes interprétations possibles (◉11). Aucun indice de temporalité explicite ne permet de résoudre le mystère : rien sur le temps du geste graphique, sur le temps des formes, ni sur celui de leur découverte comme si toujours elles avaient été là. Face à cette présence des signes et leur entremêlement (◉12), un cinéaste cherche à comprendre le geste et à donner sens à ce paysage écrit qui se déploie entre cité et nature. Arrêtant les habitants, il questionne leurs manières d’être à cette présence énigmatique, envahissante et sauvage (◉13). Dans cette quête, au fil des interviews, émerge l’histoire d’un personnage local fascinant. En contrepoint, une voix disserte sur ces signes pour eux-mêmes, les décrivant, les interprétant, un verbiage qui prend l’apparence d’une rhétorique scientifique, mais l’apparence seulement : le discours et la méthode sont d’abord intuitifs et la langue si l’on y prête attention est décalée autant que sibylline (◉14). Ces traces ne servent en vérité aucun discours historique, il s’agirait plutôt de les contempler pour voir comment le temps de l’histoire peut s’en extraire au profit d’une historicité qui leur serait propre (◉15). Ainsi, dans la convergence de regards provenant d’horizons distincts et le choix de temporalités indéterminées s’invente un univers poétique. Progressivement, la quête d’une raison des gestes graphiques s’efface au profit d’une réflexion sur la raison d’être de l’écriture elle-même, comme une figure vivante, traversant et surpassant le temps jusqu’à le confondre.