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Strasbourg, une université dans la ville
et des collections en partage ?

Fermé de 2019 à 2024 pour des travaux de grande ampleur financés dans le cadre de l’Opération Campus, le musée zoologique est emblématique des thèmes du présent colloque. Ses locaux se situent à la jonction entre l’université-vitrine qu’avait conçue le pouvoir impérial allemand, l’extension urbaine de la Neustadt et le « Campus esplanade » construit dans les années 1960 en même temps que le quartier du même nom. Les collections du musée elles-mêmes manifestent des imbrications entre université et ville. Une partie des fonds remonte au cabinet personnel d’histoire naturelle de Jean Hermann (1738-1800), professeur à l’université protestante avant la Révolution française. Mais c’est la Ville qui s’en porta acquéreur dans les années 1830. Quant à l’actuel projet de dépoussiérage des collections, il résulte d’actions conjointes de la Ville de Strasbourg et du Jardin des sciences, service de médiation des sciences et de valorisation des collections de l’université1. Tout semble ainsi corroborer l’ancienne inscription au frontispice du musée zoologique : « Musée zoologique. Université de Strasbourg et Ville de Strasbourg »2 (fig. 1 et 2).

Cet exemple témoigne par ailleurs d’une tendance forte, dans une université de Strasbourg fusionnée en 2009 à partir des universités de sciences (Université Louis Pasteur), de lettres (Université Marc Bloch) et de droit (Université Robert Schuman), à se fabriquer une identité et mémoire communes à l’appui de son patrimoine bâti ou matériel.

Dix ans après un premier colloque à Bordeaux (2013) consacré aux collections universitaires, parmi lesquelles deux collections strasbourgeoises, vient aujourd’hui le temps d’un bilan d’étape sur la fabrique d’un « patrimoine culturel et immatériel » des universités. Dans quelle mesure l’université unique de Strasbourg a-t-elle mis en œuvre une patrimonialisation des objets académiques ? Sont-elles des collections en partage ?3

Fig. 1. Musée zoologique, rénovation dans le cadre de l’Opération Campus (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).
Fig. 1. Musée zoologique, rénovation dans le cadre de l’Opération Campus (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).
Fig. 2. Frontispice du Musée zoologique. Université de Strasbourg et Ville de Strasbourg (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).
Fig. 2. Frontispice du Musée zoologique. Université de Strasbourg et Ville de Strasbourg (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).

Étapes de patrimonialisation : fin XXeXXIe siècles

Si elle s’inscrit dans un contexte propre à Strasbourg où la ville et l’université ont souvent des intérêts mêlés, la démarche de patrimonialisation locale rejoint un plus vaste contexte de valorisation du patrimoine universitaire bâti et matériel, sensible en France depuis le début des années 2000, mais largement antérieur en Allemagne4.

À Strasbourg comme ailleurs, ce furent d’abord les bâtiments qui furent associés à la notion de patrimoine. Ainsi, le palais universitaire inauguré le 27 octobre 1884, a-t-il été inscrit dès 1990 aux Monuments historiques pour sa façade avec décors, et classé la même année pour son hall d’entrée, son atrium, ses escaliers principaux et les galeries de circulations ornées5.

Un autre temps marquant correspond à la demande d’inscription de la Neustadt strasbourgeoise au patrimoine mondial de l’Unesco ; le dossier a été porté par la Ville, mais mené avec le service de l’Inventaire du patrimoine Région Alsace et la participation d’universitaires. Couronnée de succès en 2017, cette candidature s’est accompagnée de retombées touristiques tant pour le quartier impérial allemand que pour les bâtiments universitaires de la même époque6.

En ce qui concerne les objets liés à la vie universitaire, la reconnaissance d’une dimension patrimoniale tient moins d’une procédure de patrimonialisation, soit la reconnaissance institutionnelle par labellisation nationale ou internationale, que d’un processus. Les objets présents dans les lieux d’enseignement ou de recherche ont d’abord pris une valeur historique aux yeux d’individus, d’enseignants, d’anciens étudiants, en ce qu’ils pouvaient être témoins de l’histoire d’une discipline, de l’histoire des sciences et des savoirs, de l’histoire de l’enseignement ou plus globalement d’histoires universitaires. Au-delà d’initiatives individuelles, à Strasbourg, l’existence durable d’un esprit de faculté et surtout d’instituts, hérité de l’université impériale et perpétué en dépit de la disparition de leur statut juridique, a parfois donné une dimension collective aux entreprises de mise en valeur des collections. Les déménagements internes, les départs de personnels impliqués dans ces valorisations n’en ont pas moins représenté à chaque fois des moments critiques pour la continuité de ces actions.

À partir de 2009, les premiers élans de valorisation ont pu bénéficier de la création d’institutions centrales attachées à la préservation du patrimoine, nées ou renforcées au moment de la fusion universitaire : les archives de l’université, le Jardin des sciences ou encore le service des bibliothèques universitaires (lequel expose ses collections patrimoniales sur Numistral7). Le Jardin des sciences, notamment, s’est fait une spécialité de la valorisation des collections. Il s’adresse à tout professionnel cherchant un appui pour mettre en valeur une collection, se former à la médiation, monter une exposition. Et son personnel s’active lui-même à inventorier, médiatiser des usages scientifiques, sauvegarder des collections universitaires. Son action s’est traduite entre autres par le signalement d’objets liés aux instituts de sismologie, de physique ou relatifs à l’observatoire. De nombreuses photographies d’instruments de mesure, de lunettes ou horloges astronomiques, etc. ont ainsi été versées à l’Inventaire général entre 2007 et 2020 et sont donc consultables désormais sur les bases du ministère de la Culture8.

Cependant, malgré une volonté d’instiller une démarche commune de patrimonialisation autour des collections scientifiques témoignant des activités passées de « l’université de Strasbourg », les périmètres d’actions et de compétences préexistant à la fusion ont la vie dure. Les collections que le Jardin des sciences a valorisées directement correspondent pour l’essentiel aux fonds de l’ancienne université des sciences, l’université Louis Pasteur9. Après avoir apporté un appui à des inventaires conformes aux procédés du service de l’Inventaire, le Jardin des sciences tend du reste à laisser la communication, l’ouverture des musées, ou la présentation des collections aux instituts/facultés/écoles qui en furent les premiers dépositaires ou les héritiers10. L’accompagnement offert par le Jardin des sciences a aussi connu des échecs. Une tentative de travail commun entre l’Association des amis des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Jardin des Sciences et le service de l’Inventaire autour des collections médicales installées en 2012 dans l’ancienne pharmacie a achoppé, en partie en raison de l’attachement à ce patrimoine que les bénévoles avaient contribué à rassembler et à inventorier à leur façon des années durant11. Quant aux collections médico-scientifiques issues de la Reichsuniversität Straßburg nazie, leur nature même, au centre de polémiques médiatiques en 2015, a présidé à la mise en place d’une commission historique spécifique. Son rapport final livré le 1er mai 2022 fait une large place aux collections d’anatomie, de pathologie, de médecine légale et de dermatologie, l’enjeu étant de sérier ce qui provenait de collections anciennes et ce qui a relevé de pratiques criminelles comme celles d’August Hirt en 1941-194412.

Pour ce qui est des autres collections, les initiatives sont nées directement à l’échelle des instituts, des facultés ou de centres de recherches, dont plusieurs utilisent encore les ressources anciennes à des fins de recherche ou d’enseignement. Ainsi, les « instituts » d’égyptologie13, d’archéologie classique et d’histoire de l’art, héritiers de Seminare allemands de l’université impériale de la fin du XIXe siècle, s’affairent-ils depuis une vingtaine d’années à décrire, préserver et valoriser ce qui était présent au palais universitaire. Localement, ils animent aussi la Cité par des expositions centrées sur ces collections universitaires. Les entreprises de patrimonialisation et de médiation varient, dans leurs modalités de financement et par l’échelle de mise en œuvre. D’une façon générale, soulignons qu’il s’agit d’une valorisation sur concours, permise par l’obtention de crédits IdEx internes14 ou par des réponses positives à des appels à projets nationaux. Outre la ville au travers de ses musées et la Haute école des Arts du Rhin (HEAR) volontiers sollicitée pour la conception d’expositions, un autre acteur strasbourgeois entre souvent en jeu : la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNUS). Cet établissement documentaire né en 1872, en compensation de la destruction de l’ancienne bibliothèque municipale et universitaire dans un bombardement allemand (24/08/1870), a d’emblée été doté de collections importantes, souvent complémentaires de celles des instituts.

Il est impossible d’inventorier ici chacune des initiatives menées autour de collections universitaires strasbourgeoises. Un projet de musée d’art et d’archéologie du Proche et Moyen Orient verra le jour à la BNUS en 2025. Porté par l’université de Strasbourg, les musées de la ville de Strasbourg et le musée du Louvre, il réunira des collections de l’institut d’archéologie orientale, de la BNUS, de la Ville et du musée du Louvre15. Parmi les derniers objets sortis de l’ombre figure en outre un ensemble de l’Institut d’Histoire de l’art constitué de près de 20 000 plaques de projection acquises entre 1890 et 1940. Aujourd’hui inventoriées, numérisées et accessibles sur Numistral, ces plaques à usage pédagogique – innovantes et coûteuses au tournant du XXe siècle si l’on pense à l’aménagement des salles et à l’acquisition des appareils de diffusion – n’eurent pas d’existence historique avant leur exhumation dans les années 2010. C’est au fond à la fois par leur caractère pionnier au départ, par le degré d’attention que les chercheurs leur ont récemment prêté, et par leur inscription sur un site signalant un patrimoine écrit que les plaques de verre ont gagné une dimension patrimoniale qu’elles n’avaient pas16. Il n’en sera pas de même de supports qui eurent des fonctions pédagogiques proches, tels les transparents de la fin du XXe siècles, jugés ordinaires, jetés par centaines lors de réaménagements d’instituts et du passage au diaporama numérique…

Quant à la collection de moulages antiques de près de 800 pièces fondée par Adolf Michaelis, directeur du Kunstarchäologisches Institut de l’université impériale, au sauvetage encore incertain en 201317, elle a finalement pu bénéficier de crédits IdEx et de l’appui logistique du Jardin des sciences. Depuis 2015, l’association des amis du musée Adolf Michaelis assure la restauration, la mise en valeur de ces collections et les ouvertures du musée situé au rez-de-jardin du Palais universitaire. Largement portée par des étudiants, l’entreprise a représenté pour plusieurs d’entre eux un tremplin professionnel18.

Aujourd’hui, et depuis une vingtaine d’années, une logique de préservation des objets du passé qui ont jalonné l’histoire académique semblent l’emporter tant à la tête de l’université que dans ses parties. Il y a bien une volonté commune de préserver l’héritage historique et de le valoriser, au moins pour ce qui a été utilisé et conservé jusque dans les années 1980. Devant le coût, le temps et l’investissement humain nécessaires, il existe cependant des difficultés à faire exister une politique globale pour cet héritage matériel, et même à se doter d’un portail commun19. Les sources de financement puisent à toutes les possibilités offertes : fonds universitaires, IdEx Opération Campus, fonds privés, dons via la Fondation de l’université etc., ce qui contribue encore à individualiser fortement le sort de chaque opération. La première mise en dialogue locale consacrée à l’histoire et aux usages des collections universitaires strasbourgeoises n’est intervenue qu’en novembre 2022 avec le colloque « Les collections de l’université de Strasbourg, Histoire et Usages », organisé par la Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme – Alsace (MISHA) et le Jardin des sciences20.

Objets de sciences, des histoires contrastées

Les quelques cas évoqués jusqu’à présent montrent combien les ensembles matériels encore conservés doivent à l’époque de la Kaiser-Wilhelms Universität, surtout quand les instituts ont pu rejoindre des locaux conçus ad hoc après 1884. Mais il ne s’agit en rien d’une règle générale : des vestiges modernes issus de collections personnelles d’enseignants persistent en médecine ou sciences naturelles ; les universités françaises ont enrichi les collections après 1919 ; quant à la Reichsuniversität de 1941-1944, elle a créé ses propres fonds asservis à l’idéologie nationale-socialiste21.

Ce qui fait désormais collection a souvent tenu au départ de ce que les Allemands appellent le Lehrapparat : des objets destinés à accompagner un enseignement fondé sur l’expérimentation et la recherche. Ces objets de science étaient présents dans quasiment toutes les disciplines, des instruments de mesure physique aux cristaux et herbiers des sciences naturelles, en passant par les cartes en géographie ou en histoire contemporaine, ou des monnaies antiques et des chartes en histoire médiévale. La valorisation actuelle de ces objets ne reflète pas forcément l’importance qui leur fut accordée lors de leur acquisition et de leur collecte. Certains, comme les moulages antiques, formaient déjà Sammlung en étant déployés dans l’écrin du premier étage du bâtiment universitaire central (Collegiumgebäude). De telles collections ont été sciemment fondées grâce à d’importants crédits22 pour placer l’université allemande de Strasbourg dans une compétition France/Allemagne comme dans une lutte pour l’excellence entre universités allemandes. Mais il importe de souligner que l’existence même de cette concurrence a conduit à des reclassements/déclassements constants entre instituts ou entre disciplines.

Après avoir caressé le rêve de développer une spécialité de diplomatique et de sciences auxiliaires dans les années 1870-1880, l’institut d’histoire médiévale, peu doté, s’arrête par exemple à l’acquisition de 11 chartes pour 500 Marks en 1877 (son équivalent à l’université de Göttingen dispose pour sa part de 472 diplômes !). Il renonce aussi à garder une collection numismatique qui lui avait été donnée à la fondation de l’université allemande par un Custos de l’Universität- und Landesbibliothek, le Dr. L. Müller. Dès 1886, faute de pouvoir compléter, inventorier et valoriser l’ensemble, l’institut cède la collection à la Kaiserliche Universität- und Landesbibliothek23. Étudier une collection universitaire peut donc demander, à Strasbourg, de sortir du strict périmètre de l’université tant l’histoire a produit des déplacements d’objets, témoins d’un recul de leur primauté dans l’enseignement universitaire.

Même les plus prestigieuses collections n’étaient pas à l’abri de remaniements. L’importante gypsothèque d’Adolf Michaelis déployée sur 1 300 m2 au palais universitaire à partir de 1884 est au centre de discussions dès 1907. Car la place manque pour la collection, mais surtout on cherche à déployer de nouvelles disciplines plus porteuses comme la psychologie. Entre 1907 et 1912, en dialogue avec Adolf Michaelis puis son successeur Franz Winter (1907-1912), plusieurs redéploiements sont projetés. L’éventail des solutions envisage le rajout d’une aile au Collegialgebäude côté jardin, l’utilisation de baraquements, la construction d’une annexe en rez-de-jardin ou l’installation de la collection de moulages dans des locaux proposés par la ville au Hohenlohemuseum. Ce sont alors les universitaires qui s’opposent à la dernière option au motif d’une dégradation des conditions d’utilisation pédagogique et du mauvais éclairage des moulages. Ironie du sort, devenue secondaire dans les usages didactiques, la collection d’archéologie classique trouve place en urgence en 1940 dans ce rez-de-jardin évoqué dès 1907, sous un éclairage artificiel. Elle y reste jusqu’au retour d’une dimension pédagogique. Si autrefois elle formait à l’enseignement et à la recherche dans la discipline, elle suscite désormais des travaux de recherches sur l’enseignement de l’archéologie/histoire de l’art au XIXe siècle et contribue à faire découvrir les tâches d’inventaire ou de médiation.

Et c’est au fond ce qu’ont actuellement en partage toutes les entreprises initiées autour des collections universitaires strasbourgeoises : elles servent chacune l’histoire des sciences et disciplines et forment aux démarches de valorisation du patrimoine.

Collections patrimoniales et récits de médiation

Avec l’université unique de Strasbourg et la mise en place d’un contexte général local favorable à la patrimonialisation24, se sont développés des « faits de langage ». S’ils peuvent parler à des curieux, des touristes ou des habitants de Strasbourg, ces récits ont pour premier destinataire le monde universitaire lui-même. Ils visent la construction d’une mémoire et de références culturelles collectives, partagées à l’échelle de la nouvelle université de Strasbourg, et productrices d’une identité universitaire collective (après fusion). De tels récits participent en outre à la fabrique du patrimoine :

Les récits sont donc indissociables de la patrimonialisation : ces objets et ces lieux ne font patrimoine qu’à partir du moment où ils prêtent à rêver, à raconter, et à se retrouver collectivement autour de valeurs communes issues du passé, proche ou lointain, infusant activement dans l’imaginaire social25.

L’expression la plus claire de ces traits langagiers identitaires émane de la valorisation de collections accompagnée par le Jardin des sciences26. Les récits reposent alors largement sur la mise en exergue d’un modèle strasbourgeois présentant une forte articulation de l’université et de la ville. Dans la démarche du Jardin des sciences, les étapes sont affichées de façon explicite : replacer l’objet dans le contexte du laboratoire/institut qui l’utilisait, puis le laboratoire dans le campus et le campus dans la ville27. Mais d’autres éléments de discours sont associés à cette fabrique patrimoniale par la médiation. Un récit, articulé autour du Jardin botanique du campus historique, servira ici d’illustration.

Ce jardin a été inscrit aux Monuments historiques le 7 décembre 1990. Une serre de la fin du XIXe siècle, l’ancienne serre Victoria, seule conservée après des dommages causés par la grêle en 1958 puis des destructions opérées en 1963 afin de construire le nouvel institut de botanique, y a été classée aux Monuments historiques le 25 mars 1993. Le jardin dans son ensemble a obtenu le label « jardin remarquable » en 2006 ; il est encore signalé sur le site du ministère de la Culture comme le « Jardin botanique de l’université Louis Pasteur ».

À la patrimonialisation institutionnelle s’est ajoutée une fabrique du patrimoine par le récit. Lequel s’est déployé, après 2006 et en parallèle de la création de l’université unique, sur les lieux mêmes de l’actuel jardin via un parcours historique de plusieurs stations, ainsi que sur le site internet de la faculté des sciences de la vie et un site propre au Jardin botanique. L’argumentaire, enfin, a été exposé sur les ondes dans le cadre d’une balade radiophonique28 (). Comme tout discours de médiation, il implique la valorisation, la concision, la simplification, voire l’enjolivement (il s’agit d’écrire de « belles histoires », pour reprendre l’expression de F. Henryot) :

« Le jardin botanique de l’université de Strasbourg », 
France Culture, 16.04.2013.
« Le jardin botanique de l’université de Strasbourg », France Culture, 16.04.2013.

Le jardin botanique de l’université de Strasbourg est créé en 1619, une vingtaine d’années après celui de Montpellier. La ville de Strasbourg est alors une ville d’intellectuels et d’artistes. Elle dispose d’une Académie dès la fin du XVIe siècle. Celle-ci se transforme ensuite en université avec son jardin botanique. Il est situé alors dans le quartier de la Krutenau qui signifie « plaine aux choux », au centre de la ville. Son créateur, Johann Rudolph Salzmann, est un professeur de médecine. Dans un premier inventaire édité en 1670, on recense 1600 espèces. […] Suite à la Révolution française, de nombreux jardins botaniques disparaissent et l’université de Strasbourg elle-même est supprimée. Transformé en cimetière lors du siège de la ville par les Allemands en 1870, le jardin botanique est déplacé sur le site de la nouvelle université impériale proche des anciens remparts de la ville. À la fin du XIXe siècle, l’enseignement de la botanique se développe au sein de l’Université, des serres monumentales sont édifiées. Sous la direction d’Anton de Bary qui va animer l’institut botanique achevé en 1882, le jardin devient avec l’université la vitrine scientifique, culturelle et pédagogique de l’Empire.

Le jardin botanique de l’Académie, Krutenau (1619-1882). Plan de Strasbourg en 1680, Jean-Adam Seupel (1662-1717), Grundriss der Statt Strassburg wie solche anno 1680 im wesen gestanden, 1698.
Fig. 3. Le jardin botanique de l’Académie, Krutenau (1619-1882). Plan de Strasbourg en 1680, Jean-Adam Seupel (1662-1717), Grundriss der Statt Strassburg wie solche anno 1680 im wesen gestanden, 1698. Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, M.CARTE.100.602, [ark :/12148/btv1b10110650k] Le jardin botanique apparaît sous le nom « Hortus medicis », au n° 64. L’actuel jardin botanique se situe au-delà des bastions, à l’est.

« Un jardin, deux lieux »

Le discours projette ainsi l’idée – très présente dans la communication contemporaine – d’une université d’excellence, qui aurait aussi compté parmi les premières par son jardin, tant sur le plan français en 1619 que sur le plan allemand en 1882. On s’interrogera néanmoins sur le bien-fondé d’une comparaison avec Montpellier pour un jardin qu’il faudrait en toute rigueur replacer dans la situation académique germanique du XVIIe siècle et qui n’est pas encore « universitaire » en 161929. Par la force du récit, deux lieux d’implantation successifs sont devenus un seul jardin, toujours présenté comme central dans le tissu urbain : « Un jardin, deux lieux » (fig. 3 à 5)30.

BNUS, photographie du jardin botanique de l’université impériale, 1906
Fig. 4. BNUS, photographie du jardin botanique de l’université impériale, 1906 (NIM04092 [ark :/12148/btv1b10225742r])

Or, l’examen historique renvoie à l’existence de deux jardins. Le premier, encore excentré au XVIIe siècle sur le site de la Krutenau31, fut conçu sur des terres acquises par la municipalité et placé sous la garde et l’expertise d’un enseignant de médecine et d’anatomie. Le second, qui ouvre officiellement en 1882, situé dans le périmètre de l’université impériale, est entièrement universitaire et relève alors de la Mathematisch-Naturwissenschaftliche Fakultät (Botanischer Institut). Le directeur de l’institut de botanique, de Bary, y a transféré à sa guise les plantes et la terre qu’il souhaitait récupérer dans l’ancien jardin, emportant aussi les inventaires32.

Au fond, le « beau récit » déployé en 2013 a plusieurs vertus : il naturalise l’Université de Strasbourg, en considérant dans un même tout, l’université germanique fondée en 1621, l’université française ultérieure à 1681, l’université allemande impériale, les facultés françaises du XIXe siècle, et implicitement l’université actuelle. Il gomme les conflits franco-allemands au profit d’un héritage universitaire syncrétique ; il tait aussi toute crispation entre la ville et les universités successives. Dans les faits, le statut hybride du jardin botanique de la Krutenau avec son foncier municipal et sa gestion universitaire a été source de tensions d’autant que les autorités de tutelle sont venues à plusieurs reprises modifier arbitrairement les équilibres locaux. Ce fut le cas lorsque les réorganisations napoléoniennes assignèrent, dans toute la France, l’entretien des locaux académiques aux municipalités (mais que devait-il en être de l’entretien des serres ?) ou quand les autorités allemandes conquérantes considérèrent, de 1870 à 1877, que le jardin et les locaux universitaires de la Krutenau étaient propriété de l’université33.

Fig. 5. Entrée de l’actuel jardin botanique, Faculté des sciences de la Vie, Campus historique, Université de Strasbourg (1882-) (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).
Fig. 5. Entrée de l’actuel jardin botanique, Faculté des sciences de la Vie, Campus historique, Université de Strasbourg (1882-) (cliché L. Buchholzer, 17/10/2023).

Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention aux « beaux récits » qui ont soutenu ou soutiennent encore à la fois la patrimonialisation des collections strasbourgeoises et l’identification à une même université, unique34. Mais, pour chaque collection valorisée, ne gagnerait-on pas d’une part à prendre un recul critique à l’égard des pratiques ou discours de patrimonialisation, et d’autre part à systématiser des travaux historiques de fond ? Indépendamment du gain scientifique, c’est un principe de sage précaution face aux lectures téléologiques ou médiatiques qu’induisent des objectifs contemporains. En tout état de cause, ironie du sort pour une université devenue unique, l’enquête historique conduit nécessairement à dépasser l’assimilation des parties au tout actuel. Elle oblige à voir, au-delà de l’université unique, une succession d’universités différentes, une série de lieux universitaires mouvants dans la ville, un lot de facultés, d’instituts, d’institutions (etc.) parfois disparus ou héritiers d’objets universitaires qui ne furent pas les leurs lors des processus d’acquisition ou de collecte.

Une collection transversale en partage ? Les thèses anciennes soutenues et publiées à Strasbourg

Parmi les dernières collections universitaires au centre d’initiatives de valorisation figurent les thèses anciennes soutenues et publiées à Strasbourg. L’impulsion première, en 2019, a été politique et correspondait à une volonté de mettre en valeur la science et la recherche dans toutes les disciplines, voire de soutenir l’employabilité des docteurs d’aujourd’hui en faisant référence à ceux du passé. Vues de loin, les thèses strasbourgeoises anciennes semblaient être un commun dénominateur fédérateur. La sollicitation s’est d’abord adressée aux services documentaires universitaires (Service des bibliothèques universitaires-SBU, BNUS), qui y ont saisi une occasion de mettre en exergue des ouvrages présents, disséminés dans les fonds imprimés, mais repérables en théorie grâce à l’indexation « travaux universitaires papier ». S’y intéresser supposait de travailler dans le sens d’une convergence, souhaitée, entre SBU et BNUS, en menant une politique concertée de numérisation et en alimentant une plateforme numérique commune (Numistral).

Du côté des équipes de recherche, en l’occurrence l’UR3400 (puis UMR3400), un regain d’intérêt pour l’histoire des savoirs, des objets et des pratiques d’enseignement a été l’occasion de se lancer aussi dans l’aventure. Par leur présence dans plusieurs disciplines et leur inscription dans la longue durée, les thèses anciennes forment un angle d’observation original sur l’histoire des collections académiques, des grades, de la constitution des catégories de savoirs ou de la sociologie des étudiants. Du point de vue des historiens, a très vite émergé le souci d’une description fine de l’objet « thèse » sans postuler son homogénéité et son harmonisation au cours des siècles ou entre disciplines. Constituer une base de données apte à recueillir ces éléments de description s’est imposé comme une évidence (Projet Synthèses). De même qu’il a semblé nécessaire de confronter les fonds présents à Strasbourg aux catalogues et inventaires de thèses, Inaugural-Dissertationen, Dissertationes ou autres Theses, constitués au fil du temps. Ces premières investigations ont montré combien il est illusoire, à Strasbourg, de travailler sur des collections universitaires sans sortir du strict périmètre des institutions documentaires universitaires actuelles, même élargi à la BNUS. La géographie des thèses conservées renvoie en effet aux vicissitudes des déplacements de facultés dans la ville, si ce n’est au-delà (à Nancy après 1870, notamment).

Dans le domaine des thèses anciennes, investiguer l’histoire des fonds est d’autant plus nécessaire que la destruction du « Temple-Neuf » dans un bombardement en 1870 crée un avant et un après des fonds de bibliothèques. C’est en ces lieux que s’était épanouie l’Académie, puis l’université (protestante) de l’époque moderne et c’est là qu’après la révolution demeuraient les fonds de la bibliothèque de la Ville et l’essentiel des fonds universitaires35. Au sort tragique des ouvrages du Temple-Neuf s’ajoute le fait, plus général, que la collecte systématique des thèses au nom des progrès de la science ne s’amorce en France qu’au cours du XIXe siècle (1841, puis 1877-1879 et 1882)36. Toute thèse ancienne présente à Strasbourg après le désastre aurait pu n’être que d’acquisition ultérieure…

Or, il se trouve que les reconfigurations institutionnelles du XIXe siècle, de même que la création de locaux universitaires hors des lieux centraux modernes ont contribué à une préservation d’ouvrages et de collections antérieurs à 1870. La Kaiserliche Universität- und Landesbibliothek (BNUS actuelle), constituée au lendemain de la guerre de 1870 pour combler la perte d’un patrimoine culturel germanique et devenir une vitrine du savoir allemand, a cherché d’emblée à compenser par dons et acquisitions ce qui avait été perdu. Elle a acquis, parmi ses premiers fonds, la bibliothèque de l’Académie, soit les ouvrages présents à la Krutenau où plusieurs facultés s’étaient installées dans les années 1820-1830. La médiathèque Saint-Guillaume héberge quant à elle des ouvrages qui ont été transférés depuis l’ancien collège protestant Saint-Guillaume en 1660, et remontant au premier XVIIe siècle. Quant à la médiathèque Malraux, héritière de la bibliothèque municipale perdue dans l’incendie et ressuscitée en 1873 sous l’égide de Rodolphe Reuss, elle a recueilli des dons d’institutions et de particuliers, parmi lesquels figurent ceux de nombreux universitaires. Cela lui vaut la présence d’exemplaires de thèses annotés, dédicacés, voire utilisés pour les jurys.

Au cours des sondages, il s’est aussi avéré que ces fonds éclatés résultent de réseaux d’échanges des thèses entre établissements strasbourgeois, nancéens et parisiens (BnF) animés par le collectionneur et imprimeur libraire Oscar Berger-Levrault dans les années 1880-1890. Il y eut indéniablement à l’époque un premier processus de patrimonialisation animé par des valeurs patriotiques – l’amour de la grande et petite Patrie, la France et Strasbourg – et tourné vers les thèses strasbourgeoises antérieures à l’annexion allemande de 1870. La répartition actuelle des fonds de thèses soutenues à Strasbourg avant 1880 est l’héritière de ces réseaux, puis de redistributions ultérieures. Leur étude suppose de ce fait l’intervention d’une myriade d’acteurs : BNUS, SBU, Médiathèque protestante, Médiathèque Malraux, mais aussi archives d’Alsace dépositaires des fonds privés Berger-Levrault. Elle repose aussi sur un effort commun de catalogage. Car ce sont des centaines de thèses non inventoriées et antérieures à 1870 qu’il faudrait traiter aux archives, à la médiathèque Malraux et à la médiathèque protestante, soit des institutions dont les outils de signalement sont différents de ceux de la BNUS et du SBU…37 Faire de l’entreprise un objectif partagé paraît difficile quand les institutions les plus susceptibles de répondre à des appels à projets ne sont pas les premières concernées… et quand, de l’aveu même des spécialistes des bibliothèques, l’objet « thèses anciennes » est peu à même de susciter un attachement dans le grand public38. Leur petit nombre de pages, leur absence de prestance et l’omniprésence de la langue latine n’y aident guère (fig. 6). Au sein même de la communauté universitaire, les thèses anciennes s’avèrent moins l’expression d’une référence commune que de normes et pratiques hétérogènes ; et, pour les thèses qui furent produites avant la seconde moitié du XIXe siècle, moins l’expression des « Progrès de la science » que d’exercices formels d’étudiants. L’intérêt bibliothéconomique et scientifique demeure, par exemple pour qui voudrait explorer la naissance des disciplines. Mais faute de sens commun et d’échos dans la Cité, ces objets de collecte et de collection perdent indéniablement en leviers de financement et en intérêt public.

Fig. 6. Thèses latines de Faustin Colin (1801-1865) soutenues à Strasbourg en 1837 (BNUS, C127407, cliché L. Buchholzer).
Fig. 6. Thèses latines de Faustin Colin (1801-1865) soutenues à Strasbourg en 1837 (BNUS, C127407, cliché L. Buchholzer).

À l’appui d’un riche héritage d’objets d’enseignement et de recherche universitaires, l’université de Strasbourg est à ce jour le cadre de processus de patrimonialisation avancés et massifs, au regard des autres cas présentés lors du colloque. Cette situation paraît indissociable du contexte de création d’une université unique. Car s’y déploie depuis plus d’une décennie une volonté politique cherchant à promouvoir la nouvelle institution au travers d’objets universitaires patrimonialisés. Ces processus, qui passent par une labellisation institutionnelle, des inventaires, une contextualisation, et qui devraient inclure une réflexion systématique sur la fabrique des collections et sur la patrimonialisation elle-même, sont plus ou moins aboutis. Certains sont temporaires, le temps d’une exposition. D’autres, les constructions patrimoniales les plus avancées, s’accompagnent d’une muséification. Globalement le sort du Lehrapparat de l’époque wilhelmienne est de mieux en mieux connu. Il reste cependant encore des zones d’ombre dans la trajectoire de certains objets ou collections et un déficit de réflexion sur l’évolution de leur valeur39.

Les locaux hérités de la Kaiser-Wilhelms-Universität ne sont pas seuls concernés par la présence d’objets universitaires valorisés ou potentiellement valorisables. La disparition de certains usages académiques, les changements institutionnels ou les évolutions politiques ont contribué à des transferts. À Strasbourg même, des pièces d’anciennes collections académiques peuvent se trouver dans les fonds de l’actuelle université, de la BNUS, des musées de la ville, des archives, des bibliothèques publiques ou confessionnelles… Comprendre les logiques de collectes, puis de mise en collections, suppose donc de penser non l’Université de Strasbourg, mais des universités au pluriel, des facultés, des professeurs, aux rapports changeants avec les pouvoirs urbains et les puissances tutélaires étatiques. Une telle pluralité entre nécessairement en tension avec des récits de médiation valorisant l’université unique. La dispersion de certaines collections dans la ville, à l’image des thèses anciennes, impose quant à elle de larges collaborations. L’entreprise commune supposerait cependant de dépasser des outils de description et des modes de gestion des collections qui, eux, ne sont pas partagés.

Notes

  1. Jardin des sciences. Université de Strasbourg. [https://jardin-sciences.unistra.fr/]. Voir la rubrique « à propos ».
  2. Voir Dorothée Rusque, Le dialogue des objets : fabrique et circulation des savoirs naturalistes : le cas des collections de Jean Hermann (1738-1800), thèse de doctorat sous la direction d’Isabelle Laboulais, Strasbourg, Université de Strasbourg, 2018 ; Marie-Dominique Wandhammer, « Musée zoologique », dans Roland Recht, Jean-Claude Richez (dir.), Dictionnaire culturel de Strasbourg, 1880-1930, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2017, p. 373-374 ; Isabelle Laboulais, « Rénover un musée zoologique », Artefact, 18 , 2023. [https://doi.org/10.4000/artefact.14115].
  3. On consultera avec profit l’article programmatif de Sébastien Soubiran, « Quand les sciences s’exposent à travers leur patrimoine… », La Revue de la BNU, 3, 2011. [https://doi.org/10.4000/rbnu.3433]. Le n° 32 de la Revue de la BNU, à paraître, sera consacré au patrimoine de l’enseignement et de la recherche. La patrimonialisation sera entendue ici comme un processus qui désigne un corpus d’édifices, d’objets, de pratiques hérités comme légitimes en leur attribuant une valeur et un sens collectifs. Voir notamment la définition donnée sur Geoconfluences [dernière mise à jour juin 2024, vérifié le 30/01/2025] [https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/patrimonialisation].
  4. Voir Université et histoire de l’art. Objets de mémoire (1870-1970), Marion Lagrange (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, introduction, p. 7-13 et p. 199-263. Voir In Situ, dossier « Les patrimoines de l’enseignement supérieur », 17, 2011. [https://doi.org/10.4000/insitu.839]. Pour l’Allemagne, [https://portal.wissenschaftliche-sammlungen.de].
  5. Voir François Loyer, « Le palais universitaire de Strasbourg. Culture et politique en Alsace au XXe siècle », Revue de l’Art, 1991, p. 9-25. L’ensemble architectural de la Kaiser-Wilhelms Universität, construit entre 1884 et la fin du XIXe siècle est désigné aujourd’hui comme le « Campus historique » alors que le campus de l’Esplanade conçu dans les années 1960 fait figure de « Campus central ».
  6. Parmi de nombreuses publications sur la Neustadt et sur l’université impériale, voir Marie Pottecher, Delphine Issenmann, « Une université modèle au cœur de la ville nouvelle. La Kaiser-Wilhelms Universität », dans L’université et la ville. Les espaces universitaires et leurs usages en Europe du XIIIe au XXIsiècle, Florence Bourillon, Nathalie Gorochov, Boris Noguès, Loïc Vadelorge (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 65-82 ; Sophie Eberhardt, « Les enjeux urbains et patrimoniaux de la reconstruction après la guerre franco-prussienne à Strasbourg », Revue d’Alsace, 142, 2016, p. 27-49 ; La Neustadt de Strasbourg, un laboratoire urbain 1871-1930 (exposition, Strasbourg, 29 septembre-10 décembre 2017), Marie Pottecher, Hervé Doucet, Olivier Haegel (dir.), Lyon, Lieux Dits, 2017.
  7. Numistral, « Collections patrimoniales numérisées des bibliothèques de l’université de Strasbourg », [https://cdm21057.contentdm.oclc.org/]. Outre des imprimés, les matériaux numérisés englobent des manuscrits, des monnaies, des plaques de verre (archéologie, égyptologie, histoire de l’art)…
  8.  [https://www.pop.culture.gouv.fr [vérifié le 27/03/2024].
  9. Ce n’est pas un choix délibéré du Jardin des Sciences [désormais JdS], mais la résultante de sa propre histoire : la structure née en 2008 a prolongé de missions initiées au sein de l’université des sciences. Parmi les collaborations du JdS au-delà du périmètre des « sciences dures », mentionnons le musée des moulages antiques, ou encore les collections d’ethnologie constituées dans les années 1960. [https://ethnologie.unistra.fr/collection].
  10. Le musée de minéralogie et les collections de météorites sont par exemple signalés sur le site de l’EOST, école héritière des instituts de géologie (chaires de géologie et de paléontogie) et de physique du globe (chaires de météorologie et de sismologie). [https://musee-mineralogie.unistra.fr/].
  11. Delphine Issenmann, « Les collections médicales, un champ d’étude du patrimoine scientifique à Strasbourg ? », In Situ, 31, 2017, [https://doi.org/10.4000/insitu.14124].
  12. La faculté de médecine de la Reichsuniversität Straßburg et l’hôpital civil sous l’annexion de fait nationale-socialiste 1940-1945, Christian Bonah, Florian Schmaltz, Paul Weindling, Université de Strasbourg, 2022, sur les collections, p. 371-430. [http://applications.unistra.fr/unistra/visionneuse/rapport-commission-historique-Reichsuniversitat-Strassburg/]. L’investigation a montré que l’essentiel des collections était antérieur à la Reichsuniversität. Mais les activités criminelles d’August Hirt, qui ambitionnait la création d’une « collection de squelettes juifs », ont conduit au meurtre de 86 prisonniers juifs dans une chambre à gaz du KL-Natzweiler (Struthof). Leurs dépouilles ont été inhumées après expertise en octobre 1945. Mais il restait à l’institut de médecine légale des pièces anatomiques conservées à « titre documentaire » et évoquées lors du procès de Metz en 1952 ; Raphaël Toledano les met en exergue en 2015. Les prélèvements sont alors inhumés auprès des restes des victimes juives en septembre 2015. L’identité de ces victimes a pu été établie par l’historien Hans-Joachim Lang.
  13. Frédéric Collin, « Comment la création d’une “bibliothèque de papyrus” à Strasbourg compensa la perte des manuscrits précieux brûlés dans le siège de 1870 », La Revue de la BNU, automne 2010, p. 25-47. Description de la collection [https://egypte.unistra.fr/la-collection-de-linstitut-degyptologie/]. Des objets de la collection ont fait l’objet de modélisations 3D. [https://egypte.unistra.fr/musee-virtuel/].
  14. IdEx, pour Initiatives d’excellence. Lauréate de l’appel à projet national lié au Programme Investissement d’Avenir 1 (PIA1), en 2012, l’Université de Strasbourg a alors bénéficié d’une dotation de 750 M€, confirmée en 2016. Une partie des sommes reçues est jusqu’à présent mise en concours en interne, sur appel à projets, selon 5 axes : recherche, formation, développement économique, Université et Cité, pilotage. L’axe Université et Cité est le cadre de plusieurs projets liés à la valorisation du patrimoine universitaire.
  15. Ce musée a été précédé par plusieurs expositions. Le financement participatif doit permettre de lever 50 000 euros pour l’exposition des collections du futur musée. Selon l’argumentaire déployé, ce musée partenarial aura vocation à devenir un lieu de rencontres pour les habitants de Strasbourg et les touristes. Voir Nourane Ben Azzouna, « L’Orient entre la France et l’Allemagne. Les collections d’arts de l’Islam au Musée des arts décoratifs de Strasbourg », Source(s), 12, 2018, p. 13-34. [https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=219&lang=en] ; Nourane Ben Azzouna, Claude Lorentz (dir.), avec la contribution de Léandra Panazzo, L’Orient inattendu. Du Rhin à l’Indus, Strasbourg, BNUS, 2021 ; Panorama général par Claude Lorentz, « Regard sur les collections orientales des bibliothèques universitaires de Strasbourg acquises après 1918 », Source(s), 19, 2021. [https://www.ouvroir.fr/sources/index.php ?id =551].
  16. Denise Borlée, Hervé Doucet, « La collection photographique de l’Institut d’Histoire de l’art de l’Université de Strasbourg : une collection pédagogique au service d’une identité et d’une idéologie », dans Marion Lagrange (dir.), Université et histoire de l’art, op. cit, p. 167-177 ; Denise Borlée, Hervé Doucet (dir.), La plaque photographique. Un outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècles), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2018. Les plaques de l’institut d’histoire de l’art sont visibles sur Numistral. [https://docnum.unistra.fr/digital/search/collection/coll22 !coll24 !p21057coll3].
  17. Jean-Yves Marc, « Le Kunstarchäologisches Institut de Strasbourg : un modèle pour l’université française ? » dans Marion Lagrange (dir.), Université et histoire de l’art, op. cit., p. 15-39. Le musée est cependant fermé depuis quelques mois pour des questions de sécurité d’usage des bâtiments.
  18. [https://jardin-sciences.unistra.fr/visite/les-musees-et-collections/musee-adolf-michaelis].
  19. Il reste difficile pour un visiteur extérieur de repérer toutes les collections liées aux universités successives de Strasbourg, signalées sur de nombreux supports (sites des facultés, du Jardin des sciences, Numistral…). On trouvera l’évocation de nombreuses collections dans le Dictionnaire culturel de Strasbourg (1880-1930), Roland Recht, Jean-Claude Richez (dir.), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2017. Voir aussi Claude Lorentz, « Les fonds anciens de l’Université Marc Bloch de Strasbourg : historique, essai d’évaluation et situation générale », mémoire de l’ENSSIB, 2000. [https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1340-les-fonds-anciens-de-l-universite-marc-bloch-de-strasbourg-historique-essai-d-evaluation-et-situation-generale.pdf].
  20. Colloque « Les collections de l’université de Strasbourg, Histoire et usages », MISHA, 22-23 novembre 2022. Programme [https://www.misha.fr/websites/misha/images/actus-agenda/2022/11-2022/programme-colloque-misha-2022-f-web.pdf].
  21. Outre les collections médicales inventoriées par la commission historique de 2015, on peut mentionner des plaques de verre accumulées par Hubert Schrade dans le contexte de la Reichsuniversität (1941-1944) : Hervé Doucet, « Hubert Schrade et sa collection de plaques de projection », Source(s), 12, 2018. [https://www.ouvroir.fr/sources/index.php ?id =229]. De même que les fonds de livres nazis (1920-1945) inventoriés sous l’égide de Catherine Maurer : fonds LIGESEP, [https://arche.unistra.fr/websites/arche/Productions/BDD_thesaurus/LIGESEP/ligesep.xml].
  22. Le Kunstarchäologisches Institut reçut une dotation initiale de 35 000 Marks alors que le budget annuel de l’Historisches Seminar était de 1 200 Marks.
  23. Archives d’Alsace, 103 AL 897.
  24. Ces réflexions sont inspirées du collectif dirigé par Fabienne Henryot, La fabrique du patrimoine écrit. Objets, acteurs, usages sociaux, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, 2020, que l’on lira avec grand profit pour définir et penser la patrimonialisation. Celle-ci suppose l’ancienneté, la perte de l’usage premier, une expertise savante (authentification des objets, mise en contexte). Elle passe par le signalement institutionnel, un assentiment public et politique, un effort de médiation et l’association des objets à des valeurs symboliques communes. Voir aussi « Récit et médiation des collections. Comment on raconte l’histoire des bibliothèques », Balisages, 2022/4. [https://publications-prairial.fr/balisages/index.php ?id =790].
  25. Citation extraite de l’introduction de Fabienne Henryot, ibidem, § 15.
  26. Delphine Issenmann, « Les collections médicales », art. cit.
  27. Voir dans L’université et la ville, op. cit., Marie Pottecher, Delphine Issenmann, « Une université modèle au cœur de la ville nouvelle ? », art. cit., p. 65-82.
  28. [https://jardin-botanique.unistra.fr/websites/sciencesvie/EMB/jardin-botanique/Documents/circuit-VF.pdf] ; [https://jardin-botanique.unistra.fr/] ; Émission « La fabrique de l’Histoire », 16 avril 2013, en présence du président de l’université de Strasbourg, Alain Beretz : « Le jardin botanique de l’université de Strasbourg ». [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/le-jardin-botanique-de-l-universite-de-strasbourg-1497916].
  29. En 1619, Strasbourg est le cadre d’un studium generale ou Académie par privilège impérial octroyé en 1566. L’institution ne peut délivrer de grades de bacheliers ou de maîtres dans d’autres domaines que les arts. L’Académie obtient officiellement le statut d’université en août 1621. Quatre facultés sont entérinées : théologie, droit, médecine, philosophie et philologie (arts), avec un total de 18 maîtres. L’université passe sous tutelle française en même temps que la ville en 1681.
  30. Titre de l’un des panneaux du parcours historique du jardin botanique (lu en octobre 2023).
  31. Le jardin botanique originel gagne en centralité quand, au XIXe siècle, faculté de médecine et faculté des sciences, nouvellement créée, sont dissociées. La faculté des sciences, après des années d’errance, emménage en 1826 rue de l’académie dans l’ancien hospice des enfants trouvés, à deux pas du jardin botanique. Lors de l’annexion allemande de 1870, cette localisation est maintenue jusqu’à l’ouverture du campus impérial dans la Neustadt.
  32. Archives d’Alsace 103 AL828, p. 29, p. 44-47. Des plantes avaient été mises en terre à la Krutenau dans l’attente de l’achèvement des travaux sur le site de l’université impériale (voir cahier d’inventaire de 1875).
  33. Archives d’Alsace, 1TP/SUP 279, 17/12/1813 : mise au point entre le maire et le doyen de la faculté de médecine à l’occasion de frais de réparation des serres du jardin botanique ; Archives d’Alsace, 103AL828, 18 mars 1882.
  34. Depuis l’émission radiophonique de 2013, le discours sur le jardin botanique a été complété par des investigations historiques. Voir texte de Frédéric Tournay dans la brochure parue en 2019, date anniversaire de la fondation du jardin de la Krutenau. [https://jardin-botanique.unistra.fr/websites/sciencesvie/00-ACTUS-AGENDA/Catalogues_Faculte/Jardin-botanique-catalogue-400ans_WEB.pdf] ; Voir aussi Françoise Deluzarche, Frédéric Tournay, « Les débuts du nouveau jardin botanique de Strasbourg à travers le cahier d’inventaire de 1875 et les échantillons de l’herbier de Strasbourg », Le Journal de botanique, 60, décembre 2012, p. 3-45.
  35. Voir Frédéric Barbier (dir.), Bibliothèques Strasbourg. Origines- XXIe siècle, Paris, éditions des Cendres, BNUS, 2015.
  36. Voir l’exposition virtuelle du projet mené sous l’égide de la BIS : « Devenir savants : thèses et doctorats ès lettres au XIXe siècle ». [https://nubis.univ-paris1.fr/s/theses-doctorats-es-lettres-19-siecle-exposition-devenir-savant/page/page-2]. Désormais, voir aussi La thèse et le doctorat. Socio-histoire d’un grade universitaire (XIXe -XXe  siècle), Pierre Verschueren, Laurie Aoustet, Pierre Bataille, Arnaud Desvignes, Lucie Lachenal, Cécile Obligi (dir.), Éditions de la Sorbonne-Presses universitaires de Franche-Comté, 2025.
  37. Voir Emmanuelle Chapron, Fabienne Henryot (dir.), Archives en bibliothèques (XVIe -XXIe siècles), Lyon, ENS Éditions, 2023. [https://doi.org/10.4000/books.enseditions.44474].
  38. Fabienne Henryot (dir.), La fabrique du patrimoine écrit…, op. cit., Introduction.
  39. Pour s’en tenir à un seul exemple, l’étude du devenir de la collection des 11 chartes de l’institut d’histoire médiévale butte sur la disparition de quelques-unes d’entre elles signalée en 1963-1964, moment de leur retour théorique aux archives de Haguenau. L’une d’entre elles (cote Ai, mandat de Sigismond aux bourgeois de Haguenau en 1436), identifiée en 2020 sur un site de vente en ligne, a pu faire l’objet d’une dénonciation pour recel par le procureur de la République grâce aux preuves d’acquisition par l’institut à la fin du XIXe siècle. Les collections antérieures à 1870 mériteraient quant à elles des études historiques plus systématiques. Sur la valeur, Michael Farrenkopf et al. (dir.), Alte Dinge- Neue Werte. Musealisierung und Inwertsetzung von Objekten, Göttingen, 2022.
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EAN html : 9791030011395
ISBN html : 979-10-300-1139-5
ISBN pdf : 979-10-300-1140-1
Volume : 35
ISSN : 2741-1818
Posté le 18/06/2025
17 p.
Code CLIL : 3669; 3076;
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Comment citer

Buchholzer, Laurence, « Strasbourg, une université dans la ville et des collections en partage ? », in : Mansion-Prud’homme, Nina, Schoonbaert, Sylvain, dir., Villes et universités. Quels patrimoines pour quels avenirs partagés ?, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 32, 2025, 315-332, [en ligne] https://una-editions.fr/strasbourg-une-universite-dans-la-ville-et-des-collections-en-partage [consulté le 20/06/2025].
Illustration de couverture • Maquette d’étude du quartier de l’Esplanade (mai 1959). C.-G. Stoskopf architecte (avec intégration du projet de R. Hummel pour le campus) (Archives d’Alsace-Site de Strasbourg, fonds Stoskopf, 60J62).
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