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Écran de fumée (1911)

Écran de fumée (1911)

Cette nouvelle traite d’une forme de violence basée sur la rumeur. La jeune et belle Mariña est d’abord victime de violences conjugales mais la fortune lui sourit et son bourreau meurt accidentellement. Pourtant, la rumeur s’installe, obtuse, inéluctable, et ce qui aurait pu marquer le début d’une nouvelle vie se transforme en un cauchemar éveillé. L’aurait-elle empoisonné ? Nul ne le sait mais tous la soupçonnent de l’avoir fait…

Entre humo glyphe titre

A los pocos días de residir en el poblachón de la montaña donde me confinaba mi carrera y la necesidad de empezar a formarme un porvenir –éramos seis hermanos, y mis padres tenían lo estricto y nada más– empezaron a hablarme de mi patrona a medias palabras reticentes.

Écran de fumée

Après quelques jours à peine dans ce village de montagne perdu où ma carrière et mon ambition m’avaient contraint à m’installer – nous étions six enfants et mes parents ne disposaient que du strict nécessaire –, on commença à me glisser à demi-mot des allusions douteuses sur ma logeuse.

Para combinar un arreglo económico, mi madre había escrito a aquella mujer, de quien supo por referencias, para que me cediese habitaciones y guisase mi pitanza. El precio nos pareció inverosímil, y cuando probé el trato creció mi sorpresa. Vivía yo como un príncipe glyphe expressions/culturèmes por una cantidad módica hasta lo sumo. No faltaban en mi mesa frescas truchas del río, pollos tiernos, jamón excelente, embutidos sabrosos y otros regalados manjares; mi alcoba y mi despachito eran tazas de plata; a mi ropa blanca no le faltaba cinta ni botón, y Mariña, la huéspeda me hablaba en tono de respeto, que gradualmente fue matizándose con unas ráfagas de algo que parecía cariño. Al oírme ensalzar las cualidades de Mariña, su habilidad de cocinera, en la tertulia de la botica y en las tardes ociosas del Casino, menudearon las indirectas, unas en tono de chanza, otras con acentuación grave y fúnebre. Mariña…, ejem… Mariña…, jum glyphe dialogue … Mariña…, ¡vamos! glyphe dialogue Bueno, Mariña…

Ma mère avait écrit à cette femme qu’on lui avait recommandée pour négocier un accord financier sur le gîte et le couvert. Le prix nous parut d’autant plus surprenant, voire incroyable, que l’accueil était soigné. Je vivais comme un prince pour une somme très modique. Ma table regorgeait de truites bien fraîches, de poulets à la chair tendre, d’un excellent jambon, de délicieuses saucisses et d’autres mets succulents. Ma chambre et mon bureau étaient de véritables écrins. Il ne manquait ni bouton ni ruban à mon linge. Et Mariña, ma logeuse, me parlait avec un respect qui, petit à petit, prit comme des accents de tendresse. Tandis que je vantais ses qualités et sa cuisine, lors des réunions chez le pharmacien ou au Casino, les sous-entendus  devinrent incessants, parfois sur le ton de la plaisanterie, parfois sur un ton plus grave, sinistre. Mariña, hum… Mariña, hum humVoyons ! Eh bien, Mariña…

Supuse, al pronto, que me insinuaban algo respecto a la conducta de la patrona en el terreno amoroso; y a la verdad, como este punto me tenía perfectamente sin cuidado y me encontraba en el hospedaje cual ratón en queso glyphe expressions/culturèmes , me encogí de hombros, echándome a reír. ¡Historias de mujeres y de hombres! ¡Pchs! glyphe dialogue Un comino… Sin embargo, miré con cierta curiosidad a Mariña. Frisaría en los treinta y pico, y su cara, de facciones bien perfiladas, no mostraba ese tono rojizo de las mujeres laboriosas de baja clase, sino una firme palidez, que daba realce al colorido de los labios, muy rojos. El pelo, negrísimo, abundoso, liso y fuerte, lo recogía en rodetes tras de la oreja. Los brazos, arremangados, eran de un modelado correcto. Bajo su blusa de percal, el seno conservaba proporciones juveniles. La mirada, un poco cautelosa, la velaban pestañas densas. Las cejas, sombrías, pobladas y juntas, imprimían cierta dureza a la fisonomía. Era, en suma, una mujer que, sin ser fea, no sugería ideas voluptuosas; un no sé qué en ella, alejaba la tentación. En cambio, indefinible recelo me empezó a acometer en medio del bienestar que la solicitud de Mariña me proporcionaba. Y es que un día tras otro, las vagas indicaciones hacen mayor efecto que haría la forma calumnia. Se apoderan del ánimo con fuerza superior; su lento trabajo es más seguro. Por otra parte, las insinuaciones, al reunirse, se condensaban.

Je supposai d’abord qu’on insinuait des choses sur son comportement amoureux. Mais comme je m’en moquais complètement et que j’étais chez elle comme un coq en pâte, je haussai les épaules en riant. Des histoires de jupons ! Pfff ! Des fadaises… Si ce n’est que Mariña commença à susciter ma curiosité. Elle devait avoir la trentaine passée, et son visage, finement dessiné, n’avait pas le teint rougeaud des travailleuses pauvres mais une blancheur d’albâtre qui faisait ressortir le rouge éclatant de ses lèvres. Elle ramassait son abondante et longue chevelure de jais en macarons derrière les oreilles. Ses bras nus étaient bien modelés et sous sa blouse de percale, ses seins avaient encore un galbe juvénile. Elle avait un regard un peu méfiant, dissimulé sous de longs cils, et ses sourcils rapprochés, sombres et épais, lui donnaient une certaine sévérité. En somme, sans être laide, cette femme n’invitait pas à la volupté ; un je-ne-sais-quoi en elle éloignait toute tentation. Mais, sans raison et malgré le bien-être que sa sollicitude me procurait, je commençai à me méfier d’elle. Eh oui, les remarques équivoques, répétées jour après jour, ont plus d’effet que la simple calomnie. Elles s’emparent de votre esprit avec plus de force, lentement mais sûrement. En outre, elles formaient une sorte de logique :

–¿Qué tal los guisos de Mariña?

– Alors, comment vous la trouvez la cuisine de Mariña ?

–Guisa bien la patrona, ¿eh?

– Elle cuisine bien, votre logeuse, hein ?

–¡Compone muy ricas las anguilas! ¡Qué empanadas! ¿Le da empanada?

– Elle réussit très bien les tourtes aux anguilles, quel délice ! Elle vous en fait ?

–Hay que comerlas con cuidado, que a veces hacen daño.

– Il faut les manger avec précaution, elles peuvent être dangereuses.

–Sí, esos platos fuertes…

– Oui, il y a des plats indigestes…

–No se atraque mucho, por si acaso, registrador… –me aconsejaban, sardónicos.

– Un conseil : ne vous goinfrez pas, M. le préposé, au cas où… me disaient-ils, sarcastiques.

Preocupado ya, decidí esclarecer el misterio. Cogí a Agonde, el boticario, hombre formal, de buen consejo, y le intimé mi formal voluntad de saber qué era aquello… ¡de una vez!

Inquiet, je décidai de tirer cette affaire au clair. Je pris à part Agonde, l’apothicaire, un homme sérieux, de bon conseil, et j’exigeai qu’on me dise enfin de quoi il retournait… une bonne fois pour toutes !

–Diré a usted… –murmuró el boticario, a la defensiva, sobándose reflexivamente la barba gris–. Son gaitas… La gente… ¡Cuentas claras!

– Que vous dire… murmura-t-il, sur la défensive, en tripotant nerveusement sa barbe chenue. Tout ça, c’est du pipeau… Vous savez, les gens… Reprenons du début !

El boticario escupió de soslayo, y, con calma, encendió un puro, dióme otro y, confortado y refugiado tras del humo de la primera chupada, profirió:

L’apothicaire cracha et alluma calmement un cigare, m’en donna un et, comme protégé par la fumée de la première bouffée, il se lança dans son récit :

–Bueno, ahí va esa… Mariña fue bonita y se casó con un tío suyo, un usurero, siendo moza como de veinte años. Que el tío le dio mala vida, hasta los gatos lo saben; la hacía levantar a las altas horas para guisarle caprichos, carne así y huevos del otro modo; le tiraba a la cara la tartera si no estaba a su antojo el guiso, y un día, por ese pelo tan largo que tiene aún, la amarró a la columna de la chimenea, en la cocina, y también tiene la lengua demasiado
larguita.
glyphe expressions/culturèmes

– Eh bien voilà… Mariña était jolie et s’est mariée avec un de ses oncles, un usurier, alors qu’elle avait une vingtaine d’années. Il lui a mené la vie dure, ce n’est un secret pour personne ; il la réveillait à point d’heure pour qu’elle lui prépare des plats selon sa fantaisie, une viande comme ci, des œufs comme ça ; il les lui jetait à la figure si ça ne lui plaisait pas et, un jour, dans la cuisine, il l’a attrapée par les cheveux, qu’elle portait aussi longs qu’aujourd’hui, et l’a pendue au conduit de la cheminée ; sauf qu’elle avait aussi la langue bien pendue.

–Al contrario; yo me quejo de la lengua corta… glyphe expressions/culturèmes Cuando se suelta un cabito, desembuchar glyphe expressions/culturèmes ya de una vez.

– Tant mieux, moi je me plains des langues qui restent dans leur poche… Quand on commence à vider son sac, on doit aller jusqu’au bout.

–Bien dice usted –observó, astutamente, Agonde–. Sólo que, para desembuchar, es necesario saber las cosas a punto cierto, y ahí está el quid, registrador… Hablar no es probar, ¿eh? Hablan, porque tienen boca.

– Vous avez raison, répondit Agonde, habilement. Mais pour vider son sac, encore faut-il connaître la vérité et c’est là le problème, M. le préposé… Parler n’est pas prouver, n’est-ce pas ? On parle parce qu’on a une bouche.

–Agonde –insistí–, estamos solos, y le doy mi palabra de caballero de que me callo. No le pido tampoco su opinión, pido nada más que saber a qué, mentira o verdad, aluden cuando me echan esas indirectas transparentes. Ea…, salga a relucir lo que demonios fuere: fue milagro que no se le pegase fuego a las ropas y no quedase ánima del purgatorio. Y así, nueve o diez años… De este modo salió tan buena guisandera, ¿eh?

– Agonde, insistai-je, nous sommes entre nous et je jure sur mon honneur de ne rien dire. Je ne vous demande même pas votre avis, je veux juste savoir à quoi les gens font si clairement allusion quand ils me parlent, que ce soit vrai ou faux… Allons, que la lumière soit faite par tous les diables ! Car c’est un miracle que Mariña n’ait pas été brûlée vive et expédiée au Purgatoire. Et dire que ça a duré comme ça neuf ou dix ans… C’est pour ça qu’elle cuisine aussi bien, hein ?

–No es milagro… ¡Hay que empezar por contar lo del marido antes de llegar a lo de ella…!

– Non, ce n’est pas un miracle… Il faut parler du mari avant de parler d’elle !

–Vamos, que tomaría un querido…

– Bah, elle avait dû s’acoquiner avec un autre…

¡Ca! glyphe dialogue No, señor. En ese particular, de Mariña no hubo que decir ni tanto… ¿Un querido? Más valiera… ¡Dios me perdone! –y Agonde rió, envuelto en el humo, que le prestaba atrevimiento y picardía.

Pfff, pas du tout, cher monsieur. Dans cette affaire, il n’y a pas grand-chose à reprocher à Mariña… Un amant ? Elle aurait mieux fait… Que Dieu me pardonne ! Et Agonde se mit à rire, enveloppé dans un nuage de fumée qui l’invitait à la malice.

–Entonces…

– Et alors ?

–Entonces… El cuento que corre es que, habiendo pescado el Miñoca, ¿no sabe?, ese viejo que saca del río las truchas a docenas, una anguila magnífica, gorda como mi brazo, se la trajo al marido de Mariña, que ordenó una empanada. La mujer se esmeró, y la empanada estaba tan rica, tan rica, que mi hombre se excedió tal vez… Ello fue que aquella misma noche, ¡pum! glyphe dialogue , al otro barrio.

– Alors… Ce qui se dit c’est que Miñoca, vous savez, le vieux qui pêche des truites par douzaines, comme il avait attrapé une énorme anguille, grosse comme mon bras, il l’a donnée au mari de Mariña qui lui a demandé de la faire en tourte. Elle s’est bien appliquée et la tourte était tellement bonne que son pauvre mari en a abusé sans doute… Bref, le soir même, paf ! Il avait passé l’arme à gauche.

Un frío sutil me serpeó por las venas…

Un frisson me glaça le sang…

La tragedia se me presentaba completa, lógica, como escrita por la mano profundamente artística de la Fatalidad. No me quedó ni sombra ni duda… ¿Quién podrá explicar por qué, al mismo tiempo, se me impuso la idea, el propósito firme, de tomar la defensa de la envenenadora y rehabilitarla si pudiese? Son fenómenos o aberraciones de la sensibilidad, anomalías del alma.

Je voyais la tragédie complète, parfaite, comme si elle avait été écrite d’une main artiste par la Fatalité. Je n’avais plus l’ombre d’un doute… Qui pourrait expliquer pourquoi, à cet instant précis, je pris la décision irrévocable de défendre l’empoisonneuse et de tenter de la réhabiliter ? Sans doute à cause d’une sensibilité maladive, d’une aberration de l’âme…

–¡Vamos! –exclamé, en voz alta, velándome también con el humo para disimular la expresión involuntaria de mis ojos–. ¿Y no hay más que eso? ¿Se hicieron averiguaciones serias? ¿Qué opinaron los médicos? ¿Medió la justicia? ¿No? –Agonde, tras la cortina de humareda, hacía con la cabeza signos negativos–. Pues entonces permítame que le diga que todo ello se reduce a chismes lugareños, a murmuraciones… El marido era viejo, ¿a qué sí? Tragaba como un bárbaro… ¿a qué sí? Y sobrevino la congestión… ¿a que sí? –Los signos negativos se habían convertido en afirmativos–. Y si no, Agonde, a ver: usted era entonces el único farmacéutico aquí, como ahora… Usted bien sabrá que no le despachó a esa mujer droga ninguna…

– Allons ! m’écriai-je, dissimulant moi aussi mon regard, de peur qu’il me trahisse, derrière le voile de fumée. C’est tout ? On a procédé à des vérifications sérieuses ? Les médecins en ont pensé quoi ? La justice est intervenue ? Non ? Derrière le rideau de fumée, Agonde faisait non de la tête. Eh bien, permettez-moi de vous dire que tout ceci n’est que ragots de village, racontars… Le mari était âgé, pas vrai ? Il mangeait comme un cochon, pas vrai ? Eh bien, il a eu une congestion… pas vrai ? Mon interlocuteur faisait maintenant oui de la tête. – Et d’ailleurs, Agonde, vous étiez déjà le seul pharmacien dans le coin… Vous devez bien savoir si vous avez vendu du poison à cette femme ou pas…

Apenas lo lancé me arrepentí; tal fue, y lo vi al través del humo, la descomposición de las facciones del boticario. Comprendí que había puesto el dedo en viva llaga, y que la inquietud de haber vendido, inadvertidamente, sabe Dios qué pócima, le atenaceaba mil veces, en horas insomnes. Y exclamó, con voz alterada, tartamudo:

À peine avais-je prononcé ces mots que je le regrettai déjà : malgré la fumée, je vis le visage de l’apothicaire se décomposer. Je compris que je l’avais touché au cœur, et que la crainte d’avoir vendu par inadvertance un quelconque poison n’avait cessé de le tenailler depuis. D’une voix altérée, il s’exclama en bégayant :

–¿Qué había de despachar? ¿Qué había de despachar? Pues no anda uno con poco cuidado…

– Qu’est-ce que j’aurais bien pu lui vendre, hein ? On prend toujours ses précautions…

Callamos breves momentos, y luego añadí, decisivo:

Nous sommes restés silencieux un moment puis j’ajoutai, fermement :

–Estamos usted y yo en el deber de atajar esos chismes…

– Il est de notre devoir de couper court à ces ragots…

Y el humo se mezcló, formando nube de misterio. Con dos o tres desplantes, nadie volvió a susurrarnos cosa alguna, aunque era fijo que continuaban pensando… Y yo pensaba también, y perdía el apetito no obstante los piperetes glyphe expressions/culturèmes con que Mariña me regalaba, desvivida por cuidarme…

Et la fumée se mit à former comme un mystérieux écran. Après deux ou trois mises au point, plus personne ne fit d’allusions devant nous mais il était évident que les gens n’en pensaient pas moins… Et moi aussi j’y pensais, et je perdais l’appétit malgré les petits plats que me préparait Mariña, si dévouée…

Solicité permuta, la obtuve, y me fui, no sin cierta pena. Los ojos de Mariña, al través de su denso pestañaje, perdida la cautela, parecían preguntar la causa de mi partida y en qué había podido desagradarme, ella que, noche y día, sólo se ocupaba en discurrirme platos gustosos, y en mullir mi limpia cama… Nunca he vuelto a encontrar patrona como Mariña.

Je demandai ma mutation et une fois obtenue, je quittai les lieux, l’esprit chagrin. Le regard de Mariña sous ses cils épais semblait me demander, maintenant qu’il y avait de la confiance entre nous, pourquoi je partais et en quoi elle avait pu me déplaire, elle, toujours prévenante, soucieuse de me servir des mets exquis et de garder mon lit douillet… Je n’ai jamais trouvé meilleure logeuse que Mariña.

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Pau
Chapitre de livre
EAN html : 9782353111992
ISBN html : 978-2-35311-199-2
ISBN pdf : 978-2-35311-200-5
Volume : 2
ISSN : 3040-312X
10 p.
Code CLIL : 4033
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Pardo Bazán, Emilia, « Écran de fumée », in : Pardo Bazán, Emilia, coord. Florenchie, Amélie et Orsini-Saillet, Catherine, trad. Destan, Laura, Florenchie, Amélie, Martinet, Léa, Orsini-Saillet, Catherine et Pobéda, Stéphanie, Féministe. Recueil de nouvelles d’Emilia Pardo Bazán, Pau, PUPPA, Collection Alm@e Linguae 3, 2025, 29-38 [en ligne] https://una-editions.fr/ecran-de-fumee-entre-humo [consulté le 10/09/2025].
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