Le travail de gravure de Sylvain Konyali est d’abord réflexif et processuel. Il témoigne aussi d’une expérience du temps à l’œuvre. Attentif au processus de création de l’image, Sylvain Konyali joue des possibilités offertes par la gravure : arrêter le geste de gravure, imprimer, revenir à la plaque originelle et poursuivre, s’arrêter à nouveau, jusqu’à un dernier geste ; cet événement qui achèverait l’œuvre, au moins pour un temps. C’est bien l’évolution d’une série qui fait œuvre autant que chacune des estampes qui en sont tirées : il s’agit de laisser à l’image une capacité à se transformer au rythme des états d’âme à l’égal de l’Auto-poème, ou d’une relation entre l’artiste et le sujet d’un portrait, nombreux dans le travail de Sylvain Konyali. Ainsi, l’image en construction, avec ses repentirs, ses ratés, ses excès, est là comme la manifestation d’une relation à soi ou à l’autre, avec ce que cela implique d’altérations comme de métamorphoses. En usant du palimpseste comme de l’ajout, Sylvain Konyali questionne de fait la vie de la matière et celle de l’œuvre et donc de toute évidence celle de leur relation au temps. Depuis la préparation d’une matrice métallique jusqu’à son incision, de son ancrage à son impression sur un support papier, jusqu’à l’épuisement de la matière, le long processus de l’estampe est de fait une voie pour penser cette relation ; la matière gardant en mémoire les traces de ses altérations : morsures d’acides, pressions du corps, contact du papier. Aussi, la pratique de l’artiste fait écho aux temporalités de l’inscription – lieu d’entrelacement des temps – comme à la difficulté d’en arrêter un état. À l’égal de la plaque métallique altérée, l’inscription se transforme, est bûchée, s’abîme voire disparaît, parce qu’elle est elle-même objet d’autres gestes ou simplement parce qu’elle est soumise aux altérations naturelles de la matière avec laquelle elle a partie liée. C’est sans nul doute là, dans cette matérialité vivante, que se réalise la rencontre entre la pratique du graveur et le regard du chercheur (◉48, 49).