Concept-clé
Le bashing est une pratique de dénigrement collectif en ligne qui s’attaque de manière systématique et répétitive à des cibles clairement identifiées.
Ainsi des personnalités médiatiques peuvent aussi bien en être victimes (ex. Greta Thunberg bashing), que des secteurs d’activité (ex. RH bashing), des entreprises (ex. SNCF bashing), des marques (ex. Nutella bashing), des pays (ex. French bashing), etc.
Résultant souvent de prises de position politiques ou idéologiques (éthiques, religieuses, linguistiques, etc.) qui leur sont associées, les discours véhiculent caricatures et stéréotypes. Ils peuvent être étiquetés comme des « discours anti » ou des « discours contre ». Le registre se veut émotionnel, voire passionnel, au détriment d’une approche rationnelle.
Inspiré de l’anglais « to bash » qui signifie « cogner », sa force de frappe vient de la simplification outrancière des concepts avancés, qui permettent de facilement circuler sur la toile, d’être repris, réappropriés, ré-énoncés, répétés et de s’inscrire ainsi dans la mémoire collective.
Synonymes
- Éreintage
- Dénigrement systématique d’un groupe
On me reproche d’être qui je suis et d’être là où je suis. C’est un lynchage médiatique sans fondement et tellement lâche !
– une victime
Ce qu’il faut retenir…
Plusieurs caractéristiques composent les différents épisodes d’attaques médiatiques du bashing :
- l’usage d’images fortes (métaphoriques ou métonymiques et souvent hyperboliques), qui peuvent être sans nuance voire fausses ;
- des qualifications dépréciatives, telles des insultes, des reproches, etc., mettant nominalement en cause la cible ;
- une répétition (la reprise d’un élément discursif) et une accumulation (plusieurs locuteurs qui dans différents discours s’en prennent à cette même cible) des propos en ligne qui intensifient l’attaque ;
- une montée en tension manifeste des propos (du point de divergence à l’agression caractérisée) qui met fin à toute possibilité de pacification ;
- la présence d’un public témoin qui assiste à la disqualification de la cible, ce qui confère une portée encore plus résonnante à l’acte de langage ;
- un discours en circulation qui amplifie la parole en ligne, son appropriation et sa reproduction.
Aux origines
Le concept de « bouc émissaire » remonte à l’Antiquité et est intrinsèquement lié à des pratiques rituelles observées dans plusieurs cultures, notamment au Proche-Orient ou encore en Asie Mineure.
Cependant son origine la plus documentée prend écho dans l’Ancien Testament, qui selon le livre Lévitique (16 : 7-10), s’ancre dans le rituel de purification de Yom Kippour, au cours duquel le Grand Prêtre d’Israël devait désigner deux boucs. Le premier devait être sacrifié en tant qu’offrande à Dieu, tandis que l’autre bouc, symboliquement chargé des péchés du peuple, était chassé dans le désert pour Azazel, afin de détourner la malédiction divine.
« Il prendra les deux boucs, et il les placera devant l’Éternel, à l’entrée de la tente d’assignation. Aaron jettera le sort sur les deux boucs, un sort pour l’Éternel et un sort pour Azazel. Aaron fera approcher le bouc sur lequel est tombé le sort pour l’Éternel, et il l’offrira en sacrifice d’expiation. Et le bouc sur lequel est tombé le sort pour Azazel sera placé vivant devant l’Éternel, afin qu’il serve à faire l’expiation et qu’il soit lâché dans le désert pour Azazel ».
Les religions juive et chrétienne enseignent que l’expiation est la doctrine selon laquelle les péchés et les transgressions de l’homme sont pardonnés par Dieu grâce à un châtiment enduré pour obtenir la rémission des fautes.
Encore aujourd’hui dans la pratique du bashing, la figure du bouc émissaire supplicié en place publique demeure. Il cristallise en ligne l’essentiel des maux de la société, pour lesquels un réprouvé tout désigné sera chargé au tribunal de la pénitence médiatique.
Exemple concret
Que dit le cadre légal…
Si la liberté d’expression est constitutionnellement protégée et la critique d’une entreprise, d’une marque, etc., autorisée dans le cadre d’un débat d’opinion, il n’en demeure pas moins que le bashing demeure pour sa part interdit.
Ainsi si un fait précis est imputé et porte atteinte à l’honneur et à la considération de la victime (à sa réputation, à ses produits et/ou à ses services, etc.) alors peuvent être concernés plusieurs articles de la Loi du 29 juillet de 1881 sur la liberté de la presse pour diffamation (publique ou privée) :
- l’article 29 lorsqu’il s’agit d’une « personne ou un corps, non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés » ;
- l’article 30 pour les diffamations à l’encontre des « cours, tribunaux, armées, corps constitués et administrations publiques » ;
- l’article 31 pour les diffamations à l’encontre des « fonctionnaires, dépositaires de l’autorité publique, citoyens chargés d’un service public ».
Par ailleurs, toute « expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » (articles 29 et 33).
Pour aller un peu plus loin…
Quelques références scientifiques :
- Barabel Michel, Pour une fonction RH inspirante : une réponse au RH bashing, coll. « Entreprises & Carrières », 2017, 272 pages.
- Bernard-Barbeau Geneviève, L’affaire Maclean’s entre critique légitime, bashing et violence détournée : le rôle du ressentiment dans l’interprétation d’un discours controversé, Semen, n° 40, 2015, p. 111‑118, [https://doi.org/10.4000/semen.10427].
- Bernard-Barbeau Geneviève, Le bashing : forme intensifiée de dénigrement d’un groupe, Signes, discours et sociétés, n° 8, 2012, [http://revue-signes.gsu.edu.tr/article/-LXz7csbNocGwoCcIp2Z].
- Chiron Yves, Françoisphobie. François Bashing. Ceux qui dénigrent le pape François, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, Éditions du Cerf, 2020, 345 pages.
- Girard René, Le Bouc émissaire, Grasset, 1982, 313 pages.
- Hetzel Patrick, Comment lutter contre l’élite-bashing ?, Pouvoirs, n° 161, 2017, p. 51‑60, [https://doi.org/10.3917/pouv.161.0051].
- Meinders Thomas R., Bashing Sarah Palin, iUniverse, 2011, 280 pages.
- Sereni Daniel, Sereni Carole, Médecine bashing !, Éditions du Cerf, 2019, 183 pages.
- Swanson Jean, Poor-bashing: The Politics of Exclusion, Toronto, Between the lines, 2002, 208 pages.
- Turbide Olivier, Vincent Diane, Laforest Marty, The circulation of discourse: the case of deprecating remarks on trash radio, Discourse Studies, vol. 12, n° 6, 2010, p. 785-801.
- Tyson Laura D’Andrea, Who’s Bashing Whom? Trade Conflict in High-technology Industries, Institute for International Economics, 1992, 324 pages.