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Conte primitif (1893)

Conte primitif (1893)

Dans cette première nouvelle, l’écrivaine offre une réécriture parodique de la Genèse où Ève est victime de la jalousie d’Adam. Pour une femme que l’on a considérée pendant des décennies comme très pieuse, elle fait preuve ici de beaucoup d’irrévérence. D’ailleurs, le titre est ambigu : primitivo renvoie-t-il à « primitif » au sens de grossier ou au sens de premier, originel et donc authentique ? La difficulté est double : il faut respecter le texte biblique pour que cette réécriture garde son lien de parenté avec la Genèse, mais il faut également introduire la dimension parodique sans tomber dans la caricature, car il se pourrait bien que cette nouvelle version soit la bonne…

Cuento primitivo glyphe structure

Tuve yo un amigo viejo, hombre de humor y vena, o como diría un autor clásico, loco de buen capricho glyphe intertextualité . Adolecía de cierta enfermedad ya anticuada, que fue reinante hace cincuenta años, y consiste en una especie de tirria sistemática contra todo lo que huele a religión, iglesia, culto y clero; tirria manifestada en chanzonetas de sabor más o menos volteriano, historietas picantes como guindillas, argumentos materialistas infantiles de puro inocentes, y teorías burdamente carnales, opuestas de todo en todo a la manera de sentir y obrar del que siempre fue, después de tanto alarde de impiedad barata, persona honradísima, de limpias costumbres y benigno corazón.

Conte primitif

J’ai eu pour ami un homme d’un certain âge, au caractère bien trempé, ou, comme dirait un auteur classique, un fou plein de bonnes intentions. Il souffrait d’une curieuse maladie, aujourd’hui passée de mode, mais qui a sévi il y a une cinquantaine d’années et qui consiste en une sorte d’aversion systématique pour tout ce qui a trait à la religion, l’église, le culte et le clergé. Cela se manifeste par des chansonnettes plus ou moins anticléricales, à la Voltaire, des historiettes qui ne manquent pas de piquant, des raisonnements matérialistes puérils et inoffensifs, et des théories bien graveleuses. Tout cela s’oppose à sa manière de penser et d’agir car, malgré l’étalage de son impiété de pacotille, c’est une personne très honorable, recommandable, au grand cœur.

Entre los asuntos que daban pie a mi amigo para despacharse a su gusto, figuraba en primer término la exégesis, o sea la interpretación –trituradora, por supuesto– de los libros sagrados. Siempre andaba con la Biblia a vueltas, y liado a bofetadas con el padre Scío de San Miguel. Empeñábase en que no debió llamarse padre Scío, sino padre Nescío, porque habría que ponerse anteojos para ver su ciencia glyphe ironie , y las más veces discurría a trompicones por entre los laberintos y tinieblas de unos textos tan vetustos como difíciles de explicar. Sin echar de ver que él estaba en el mismo caso que el padre Scío, y peor, pues carecía de la doctrina teológica y filológica del venerable escriturario, mi amigo se entremetía a enmendarle bizarramente la plana, diciendo peregrinos disparates que, tomados en broma, nos ayudaban a entretener las largas horas de las veladas de invierno en la aldea, mientras la lluvia empapa la tierra y gotea desprendiéndose de las peladas ramas de los árboles, y los canes aúllan medrosamente anunciando imaginarios peligros.

Parmi les sujets qui lui donnaient l’occasion de se défouler, il y avait d’abord l’exégèse, c’est-à-dire l’interprétation – dévastatrice bien sûr – des livres sacrés. Il avait toujours une bible à la main et ne cessait de se prendre le bec avec le père Scío de San Miguel. Il répétait sans cesse que ce dernier n’aurait pas dû s’appeler Père Scío mais plutôt Père Sot, car il faudrait être aveugle pour croire que c’était une lumière : il se perdait souvent dans les sombres arcanes de textes aussi anciens que difficiles à expliquer. Sans se douter qu’il était comme le père Scío, voire pire, car il n’avait pas la formation théologique et philologique de cet honorable exégète, il ne pouvait s’empêcher d’oser le corriger, alors qu’il disait d’énormes âneries. Prises à la légère, elles égayaient nos longues soirées d’hiver au village quand la pluie détrempe le sol et ruisselle le long des arbres nus, ou quand les chiens, apeurés, hurlent pour signaler des dangers imaginaires.

En una noche así, después de haber apurado el ligero ponche de leche con que espantábamos el frío, y cuando el tresillo glyphe expressions/culturèmes estaba en su plenitud, mi amigo la tomó con el Génesis, y rehízo a su manera la historia de la Creación. No vaya a figurarse nadie que la rehízo en sentido darvinista; eso sería casi atenerse a la serie mosaica de los seis días, en que se asciende de lo inorgánico a lo orgánico, y de los organismos inferiores a los superiores. No; la creación, según mi amigo –que, sin duda, para estar tan en autos, había celebrado alguna conferencia con el Creador–, fue de la guisa que van ustedes a ver si continúan leyendo. Yo no hago sino transcribir lo esencial de la relación, aunque no respondo de ligeras variantes en la forma.

Et un soir, après avoir bu un grog pour nous réchauffer un peu, tandis que la partie de cartes battait son plein, mon ami s’en est pris à la Genèse et a refait l’histoire de la Création, à sa manière. Et n’allez pas imaginer qu’il l’a refaite à la Darwin, loin s’en faut ; cela reviendrait presque à s’en tenir à l’enchaînement des six jours, selon la version de Moïse, en passant du non-organique à l’organique, puis des organismes inférieurs aux organismes supérieurs. Non. La Création, d’après mon ami – qui avait dû s’entretenir avec le Créateur pour en savoir autant – s’est déroulée de la façon que vous allez voir. Je ne fais que retranscrire l’essentiel de son récit mais je ne réponds pas des légères variations dans la forme.

***

En el primer día crió glyphe intertextualité Dios al hombre. Sí, al hombre; a Adán, hecho del barro o limo del informe planeta. Pues qué, ¿iba Dios a necesitar ensayos y pruebas y tanteos y una semana de prácticas para salir al fin y al cabo con una pata de gallo como el hombre? Ni por pienso; lo único que explica y disculpa al hombre es que brotó al calor de la improvisación, aun no bien hubo determinado el Señor condensar en forma de esfera la materia caótica.

Le premier jour, Dieu créa l’homme. Oui, l’homme : Adam, créé à partir de la glaise, du limon de notre planète informe. Alors quoi ? Dieu avait-il besoin d’une semaine d’essais, de tentatives, de tâtonnements et d’entraînement pour en arriver à un homme aussi mal fichu ? Certainement pas. La seule explication et la seule excuse qu’a l’homme, c’est qu’il a surgi à l’improviste, alors que le Seigneur venait juste de se résoudre à faire du chaos de la matière une sphère.

Y crió primero al hombre, por una razón bien sencilla. Destinándole como le destinaba a rey y señor de lo creado, le pareció a Dios muy regular que el mismo Adán manifestase de qué hechura deseaba sus señoríos y reinos. En suma, Dios, a fuer de buen Padre, quiso hacer feliz a su criatura y que pidiese por aquella bocaza.

Et Il créa l’homme en premier pour une raison très simple. En le destinant comme Il le destinait à être roi sur Terre, Dieu considéra qu’il était normal qu’Adam dise comment il souhaitait son royaume. En somme, Dieu, en bon Père, voulut rendre sa créature heureuse et qu’elle n’ait qu’à ouvrir la bouche pour que ses désirs soient des ordres.

Apenas empezó Adán a rebullirse, dolorido aún de los pellizcos de los dedos divinos que modelaron sus formas, miró en derredor; y como las tinieblas cubrían aún la faz del abismo, Adán sintió miedo y tristeza, y quiso ver, disfrutar de la claridad esplendente. Dios pronunció el consabido Fiat, y apareció el glorioso sol en el firmamento, y el hombre vio, y su alma se inundó de júbilo.

À peine Adam commença-t-il à bouger, encore endolori par la pression des doigts divins qui l’avaient modelé, qu’il regarda autour de lui ; et comme les ténèbres recouvraient encore la surface de l’abîme, Adam éprouva de la peur et de la tristesse ; aussi voulut-il voir, jouir de la clarté de la lumière. Dieu prononça le célèbre Fiat, et le glorieux soleil apparut dans le firmament, et l’homme vit, et son âme s’emplit de joie.

Mas al poco rato notó que lo que veía no era ni muy variado ni muy recreativo: inmensa extensión desnuda, calvos eriales en que reverberaba ardiente la luz solar, y que la devolvían en abrasadoras flechas. Adán gimió sordamente, murmurando que se achicharraba y que la tierra le parecía un páramo. Y sin tardanza suscitó Dios los vegetales, la hierba avelludada y mullida que reviste el suelo, los arbustos en flor que lo adornan y engalanan, los majestuosos árboles que vierten sobre él deleitable sombra. Como Adán notase que esta vestidura encantadora de la superficie terrestre parecía languidecer, aparecieron los vastos mares, los caudalosos ríos, las reidoras fuentecillas, y el rocío cayó hecho menudo aljófar sobre los campos. Y quejándose Adán de que tanto sol ya le ofendía la vista, el infatigable Dios, en vez de regalar a su hechura unas antiparras ahumadas, crió nada menos que la luna y las estrellas, y estableció el turno pacífico de los días y las noches.

Mais, au bout d’un moment, il remarqua que ce qu’il voyait n’était ni très varié, ni très récréatif : une immense étendue vide, des terres arides qui reflétaient la lumière ardente du soleil et la renvoyaient sous forme de flèches brûlantes. Adam poussa un gémissement sourd et murmura qu’il se desséchait et que la terre ressemblait à un désert. Et sans tarder, Dieu fit apparaître la verdure, l’herbe duveteuse et moelleuse qui recouvre le sol, les arbustes en fleur qui l’ornent et l’embellissent, les arbres majestueux qui le baignent d’une ombre délicieuse. Quand Adam observa que cette ravissante couverture terrestre se fanait, les vastes mers, les grands fleuves, les joyeuses fontaines apparurent et la rosée recouvrit la campagne de perles fines. Et quand Adam se plaignit de l’ardeur aveuglante du soleil, Dieu, infatigable, au lieu d’offrir à sa créature des lunettes aux verres teintés, ne fit rien de moins que la lune et les étoiles, et instaura la paisible alternance du jour et de la nuit.

A todas éstas, el primer hombre ya iba encontrando habitable el Edén. Sabía cómo defenderse del calor y resguardarse del frío; el hambre y la sed se las había calmado al punto Dios, ofreciéndole puros manantiales y sazonados frutos. Podía recorrer libremente las espesuras, las selvas, los valles, los pensiles y las grutas de su mansión privilegiada. Podía coger todas las flores, gustar todas las variadísimas y golosas especies de fruta, saborear todas las aguas, recostarse en todos los lechos de césped y vivir sin cuitas ni afanes, dejando correr los días de su eterna mocedad en un mundo siempre joven. Sin embargo, no le bastaba a Adán esta idílica bienandanza; echaba de menos alguna compañía, otros seres vivientes que animasen la extensión del Paraíso.

Alors, l’Éden parut plus vivable au premier homme. Il savait comment se protéger de la chaleur et se mettre à l’abri du froid. Dieu avait calmé sa faim et sa soif sur-le-champ en lui offrant des sources pures et des fruits mûrs. Il pouvait parcourir librement les fourrés, les forêts, les vallées, les clairières et les grottes de son exceptionnelle demeure. Il pouvait cueillir toutes les fleurs, goûter de grandes variétés de fruits savoureux, se délecter de toutes les eaux, se reposer sur tous les lits de mousse et vivre sans tourment ni passion, en laissant passer les jours de son éternelle jeunesse dans un monde sans âge. Mais ce bonheur idyllique ne suffisait pas à Adam. Il manquait d’un peu de compagnie, d’autres êtres vivants qui égaieraient le Paradis.

Y Dios, siempre complaciente, se dio prisa a rodear a Adán de animales diversos: unos, graciosos, tiernos, halagüeños y domésticos, como la paloma y la tórtola; otros, familiares, juguetones y traviesos, como el mono y el gato; otros, leales y fieles, como el perro, y otros, como el león, bellos y terribles en su aspecto, aunque para Adán todos eran mansos y humildes, y los mismos tigres le lamían la mano. No queriendo Dios que Adán pudiese volver a lamentarse de que le faltaba acompañamiento de seres vivos, los crió a millones, multiplicando organismos, desde los menudísimos infusorios suspensos en el aire y en el agua, hasta el monstruoso megaterio glyphe ironie emboscado en las selvas profundas. Quiso que Adán encontrase la vida por doquiera, la vida enérgica y ardorosa, que sin cesar se renueva y se comunica, y que no se agota nunca, adaptándose a las condiciones del medio ambiente y aprovechando la menor chispa de fuego para reanimar su
encendido foco.

Et Dieu, complaisant comme toujours, s’empressa d’entourer Adam de différents animaux : les uns drôles, tendres, flatteurs et faciles à domestiquer, comme la colombe ou la tourterelle ; certains, familiers, joueurs et malicieux, comme le singe et le chat ; d’autres encore, loyaux et fidèles, comme le chien, ou beaux et effrayants, comme le lion ; mais tous étaient humbles et dociles avec Adam, et même les tigres lui mangeaient dans la main. Afin qu’Adam ne puisse pas se plaindre à nouveau du manque de compagnie, Dieu créa des millions d’êtres vivants, les multiplia, qu’il s’agisse des plus infimes micro-organismes en suspension dans l’air et dans l’eau ou des grands mammifères monstrueux embusqués dans les forêts profondes. Il voulut qu’Adam puisse rencontrer la vie partout, une vie pleine d’énergie et d’ardeur, qui se renouvelle et se propage à l’infini, qui ne s’épuise jamais, s’adapte au milieu ambiant et profite de la moindre étincelle pour raviver sa flamme.

Al principio le divirtieron a Adán los avechuchos, y jugueteó con ellos como un niño. No obstante, pasado algún tiempo, notó que iba cansándose de los seres inferiores, como se había cansado del sol, de la luna, de los mares y de las plantas. Si el sol todos los días aparece y se oculta de idéntico modo, los bichos repiten constantemente iguales gracias, iguales acciones y movimientos, previstos de antemano, según su especie. El mono es siempre imitador y muequero; el potro, brincador y gallardo; el perro, vigilante y adicto; el ruiseñor, ni por casualidad varía sus sonatas; el gato, ya es sabido que se pasa el muy posma las horas muertas haciendo ron, ron. Y Adán se despertó cierta mañana pensando que la vida era bien estúpida y el Paraíso una secatura.

Au début, Adam s’amusa des volatiles et il joua avec eux comme un enfant. Après un certain temps, cependant, il se lassa de ces êtres inférieurs, comme il s’était lassé du soleil, de la lune, des mers et des plantes. Comme le soleil se lève et se couche toujours de la même manière, les bestioles répètent constamment les mêmes facéties, les mêmes gestes, prévisibles en fonction de leur espèce. Le singe passe son temps à imiter et à grimacer ; le poulain à sauter et à faire le beau ; le chien à surveiller et à rester au pied ; le rossignol, même par accident, ne change pas de mélodie ; et le chat, ce fainéant, c’est bien connu, ne se lasse pas de ronronner. Ainsi, en se réveillant un matin, Adam considéra que sa vie était sans intérêt et que le Paradis manquait de sel.

Como Dios todo lo cala, en seguida caló que Adán se aburría por diez; y llamándole a capítulo, le increpó severamente. ¿Qué le faltaba al señorito? ¿No tenía todo cuanto podía apetecer? ¿No disfrutaba en el Edén de una paz soberana y una ventura envidiable? ¿No le obedecía la creación entera? ¿No estaba hecho un archipámpano?

Comme Dieu saisit tout du premier coup, il devina qu’Adam s’ennuyait à mourir. Et au moment de s’entretenir avec lui, Il le réprimanda avec force. Monsieur n’était-il pas satisfait ? Ne disposait-il pas de tout ce dont on pouvait rêver ? Ne jouissait-il pas d’une paix souveraine et d’un bonheur enviable dans le jardin d’Éden ? La création tout entière ne lui obéissait-elle pas ? Ne vivait-il pas comme un grand manitou ?

Adán confesó con noble franqueza que precisamente aquella calma, aquella seguridad, eran las que le tenían ahíto, y que anhelaba un poco de imprevisto, alguna emoción, aunque la pagase al precio de su soñoliento reposo y amodorrada placidez.

Adam avoua avec une noble franchise qu’il en avait justement assez de ce calme, de cette sécurité, et qu’il désirait un peu d’aventure, d’émotion, même si c’était au prix de sa douce quiétude et de sa molle indolence.

Entonces Dios, mirándole con cierta lástima, se le acercó, y sutilmente le fue sacando, no una costilla, como dice el vulgo, sino unas miajitas del cerebro, unos pedacillos del corazón, unos haces de nervios, unos fragmentos de hueso, unas onzas de sangre…, en fin, algo de toda su sustancia; y como Dios, puesto a escoger, no iba a optar por lo más ruin, claro que tomó lo mejorcito, lo delicado y selecto, como si dijéramos, la flor del varón, para constituir y amasar a la hembra. De suerte que, al ser Eva criada, Adán quedó inferior a lo que era antes, y perjudicado, digámoslo así, en tercio y quinto.

Dieu lui porta alors un regard plein de compassion, s’approcha et lui ôta habilement, non pas une côte comme on le croit communément, mais des bouts de cervelle, des morceaux de cœur, un bouquet de nerfs, des éclats d’os, quelques gouttes de sang… en résumé, un petit quelque chose de tout ce qui fait sa substance. Et Dieu, ayant le choix, ne prit pas les parties les moins nobles, mais au contraire les plus délicates et raffinées, le nec plus ultra, en somme, la quintessence du mâle, pour modeler la femme. Par conséquent, une fois Ève créée, Adam était, disons, largement désavantagé, inférieur à ce qu’il avait été.

Por su parte, Dios, sabiendo que tenía entre manos lo más exquisito de la organización del hombre, se esmeró en darle figura y en modelarlo primorosamente. No se atrevió a apretar tanto los dedos como cuando plasmaba al varón; y de la caricia suave y halagadora de sus palmas, proceden esas curvas muelles y esos contornos ondulosos y elegantes que tanto contrastan con la rigidez y aspereza de las líneas masculinas.

De son côté, sachant qu’il avait entre les mains la fleur de la substance de l’homme, Dieu prit grand soin de lui donner la forme la plus parfaite possible. Il n’osa pas mettre autant de force dans ses doigts que lorsqu’il avait façonné le mâle. Ses courbes généreuses, sa silhouette onduleuse et élégante qui tranchent tant avec la rigidité et l’âpreté des lignes masculines, sont nées de la douce et flatteuse caresse des paumes divines.

Acabadita Eva, Dios la tomó de la mano y se la presentó a Adán, que se quedó embobado, atónito, creyendo hallarse en presencia de un ser celestial, de un luminoso querubín. Y en esta creencia siguió por algunos días, sin cansarse de mirar, remirar, admirar, ensalzarse e incensar a la preciosa criatura. Por más que Eva juraba y perjuraba que era hecha del mismo barro que él, Adán no lo creía; Adán juraba a su vez que Eva procedía de otras regiones, de los azules espacios por donde giran las estrellas, del éter purísimo que envuelve el disco del sol, o más bien del piélago de lumbre en que flotan los espíritus ante el trono del Eterno. Créese que por entonces compuso Adán el primer soneto que ha sido en el mundo.

Une fois Ève parachevée, Dieu la prit par la main et la présenta à Adam ; abasourdi, bouche bée, ce dernier se crut en présence d’un être céleste, d’un lumineux chérubin. Et il le crut pendant plusieurs jours sans se lasser de la mirer, de l’admirer, de s’exalter et d’encenser la jolie créature. Ève avait beau jurer encore et encore qu’elle provenait de la même matière que lui, Adam n’en croyait rien. Il jurait à son tour qu’Ève venait d’ailleurs, des étendues bleues parcourues par les étoiles, de l’éther le plus pur qui entoure le disque du soleil, ou plutôt de la mer de lumière où flottent les esprits devant le trône de l’Éternel. C’est sûrement à ce moment-là qu’Adam composa le premier sonnet au monde.

Duró esta situación hasta que Adán, sin necesidad de ninguna insinuación de la serpiente traicionera, vino en antojo vehementísimo de comerse una manzana que custodiaba Eva con gran cuidado. Yo sé de fijo que Eva la defendió mucho, y no la entregó a dos por tres; y este pasaje de la Escritura es de los más tergiversados. En suma, a pesar de la defensa, Adán venció como más fuerte, y se engulló la manzana. Apenas cayeron en su estómago los mal mascados pedazos del fruto de perdición, cuando…, ¡oh cambio asombroso!…, ¡oh inconcebible versatilidad!…, en vez de tener a Eva por serafín, la tuvo por demonio o fiera bruta; en vez de creerla limpia y sin mácula, la juzgó sentina de todas las impurezas y maldades; en vez de atribuirle su dicha y su arrobamiento, le echó la culpa de su desazón, de sus dolores, hasta del destierro que Dios les impuso, y de su eterna peregrinación por sendas de abrojos y espinas.

Cette situation dura jusqu’à ce qu’Adam, sans besoin d’aucune insinuation de ce félon de serpent, fut pris d’une envie irrépressible de manger la pomme qu’Ève protégeait soigneusement. Je sais de source sûre qu’Ève la défendit fermement et ne la lui céda pas sur un coup de tête, et ce passage des Écritures est l’un des plus mal interprétés. En somme, malgré les efforts d’Ève, Adam vainquit par la force et engloutit la pomme. À peine les quartiers du fruit de la perdition mastiqués en hâte furent-ils tombés dans son estomac que… Oh ! Quel changement stupéfiant ! Quelle inconcevable versatilité ! Au lieu de faire d’Ève un ange, il en fit un démon, une bête féroce. Au lieu de la croire pure et immaculée, il la jugea porteuse de toutes les impuretés et perversions. Au lieu d’en faire la source de son bonheur et de son ravissement, il l’accusa de son malheur, de ses maux, y compris du bannissement que Dieu leur imposa et de leur périple éternel sur des sentiers couverts de chardons et d’épines.

El caso es que, a fuerza de oírlo, también Eva llegó a creerlo; se reconoció culpada, y perdió la memoria de su origen, no atreviéndose ya a afirmar que era de la misma sustancia que el hombre, ni mejor ni peor, sino un poco más fina. Y el mito genesíaco se reproduce en la vida de cada Eva: antes de la manzana, el Adán respectivo le eleva un altar y la adora en él; después de la manzana, la quita del altar y la lleva al pesebre o al basurero…

Et, à force de se l’entendre dire, Ève finit par le croire. Elle admit sa culpabilité et en oublia ses origines, n’osant plus affirmer qu’elle était issue de la même substance que l’homme, n’étant elle-même ni meilleure ni pire, mais juste un peu plus raffinée. Depuis, le mythe de la Genèse se reproduit dans la vie de chaque Ève : avant la pomme, son Adam la met sur un piédestal et la vénère ; après la pomme, il la fait tomber de son piédestal et la jette au ruisseau…

Y, sin embargo –añadió mi amigo por vía de moraleja, tras de apurar otro vaso del inofensivo ponche–, como Eva está formada de la más íntima sustancia de Adán, Adán, hablando pestes de Eva, va tras Eva como la soga tras el caldero, y solo deja de ir cuando se le acaba la respiración y se le enfría el cielo de la boca. En realidad, sus aspiraciones se han cumplido: desde que Dios le trajo a Eva, el hombre no ha vuelto a aburrirse, ni a disfrutar la calma y descuido del Paraíso; y desterrado de tan apetecible mansión, sólo logra entreverla un instante en el fondo de las pupilas de Eva, donde se conserva un reflejo de su imagen.

Et pourtant, a ajouté mon ami en guise de morale après avoir vidé un autre verre de cet innocent grog, comme Ève est formée de la plus intime substance d’Adam, tout en la blâmant, ce dernier s’accroche à elle comme le coquillage à son rocher et ne cesse de s’accrocher qu’à bout de souffle et de force. En réalité, ses vœux ont été exaucés : depuis que Dieu lui a donné Ève, l’homme ne s’est plus jamais ennuyé et n’a plus jamais profité ni du calme ni de l’insouciance du Paradis. Et chassé de cette si agréable demeure, il ne peut plus en entrevoir le reflet, si ce n’est au fond de la prunelle des yeux d’Ève.

Notes

  1. El pastelero de Madrigal est une œuvre du XVIIIe siècle qui raconte comment un humble boulanger, Gabriel de Espinosa, réussit à se faire passer pour don Sebastián, roi du Portugal, que l’on croyait mort. Toute la pièce tourne autour de la double identité de Gabriel. L’expression est utilisée par don Rodrigo dans le deuxième acte pour décrire le comportement extravagant de ce personnage insolite : « Mucho de él he presumido, que quando le hablé, me habló con tan grave señorío y tan rara Magestad, que á no haber su garvo visto, le tuviera en su preñez por loco de buen capricho ». Cela signifie que, sans avoir vu son allure majestueuse, il l’aurait pris pour un fou ayant de bonnes intentions.
  2. L’expression peut également faire penser au personnage de Don Quichotte créé par Miguel de Cervantes et qualifié de cuerdo loco, ce qu’Aline Schulman traduit par « un homme sensé devenu fou », L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Seuil, 1997, 2e partie, chap. XVII, p. 126.
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Pau
Chapitre de livre
EAN html : 9782353111992
ISBN html : 978-2-35311-199-2
ISBN pdf : 978-2-35311-200-5
Volume : 2
ISSN : 3040-312X
12 p.
Code CLIL : 4033
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Pardo Bazán, Emilia, coord. Florenchie, Amélie et Orsini-Saillet, Catherine, trad. Destan, Laura, Florenchie, Amélie, Martinet, Léa, Orsini-Saillet, Catherine et Pobéda, Stéphanie, « Conte primitif », in : Féministe. Recueil de nouvelles d’Emilia Pardo Bazán, Pau, PUPPA, Collection Alm@e Linguae 3, 2025, 17-28 [en ligne] https://una-editions.fr/conte-primitif-cuento-primitivo [consulté le 10/09/2025].
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