Concept-clé
Le flaming consiste en une série de messages hostiles et insultants en ligne qui s’adressent à une personne ou un groupe de personnes et touchent à leur intégrité physique ou psychique.
YouTube et Twitch encouragent une culture constante de la visibilité et de la représentation qui se construit dans le regard de l’autre. Bien souvent elle se matérialise par une dynamique conversationnelle qui s’engage entre la communauté et le joueur qui diffuse sa partie de jeu (streamer) par exemple, grâce à une fenêtre de discussion instantanée.
Les commentaires publics laissés s’imposent à tous, relèvent d’une symbolique forte et attestent d’une valeur sociale élevée attribuée à ce qui est mis en ligne. Mais parfois les propos dévient et se transforment en une « cohorte de la haine », un véritable cyberharcèlement sur la toile, exercé en meute.
Ils participent d’un lynchage social et psychologique sur la place publique ; le caractère instantané et émotif de ces échanges laissant peu de place à une réflexion nuancée et une pensée raisonnée.
Synonymes
- Propos inflammatoires
- Commentaires haineux
- Flamebait
- Flamewar
L’insulte est devenue un moyen simple de propager de la haine envers quelqu’un sans se soucier des conséquences.
– une victime
Ce qu’il faut retenir…
Des insultes constructives :
- qui marquent pour les streamers et youtubers l’appartenance au collectif et structurent les rapports sociaux du groupe ;
- qui s’inscrivent comme des rituels au sein de communautés en ligne et participent d’un jeu social ;
- qui sont dénuées d’atteinte morale et visent au contraire à renforcer les liens, à prouver l’amitié, ou à éprouver l’attachement porté.
Des insultes annihilantes :
- qui dénigrent les qualités dont les victimes disposent (ou peuvent exagérer les qualités dont elles ne disposent pas) et qui polarisent sur les échecs qu’elles cumulent pour les acquérir ;
- qui instaurent des enjeux de pouvoir, où la propagation d’insultes en ligne devient un mode de communication.
Aux origines
Les forums, les fils de discussions et autre type de publication en ligne qui permettent aux lecteurs de commenter leurs contenus ont encouragé une rhétorique par conversations polémiques en réseau, désignée au travers du terme de « flame ».
La flame se nourrit de sujets de « discorde » par « processus de propagation » favorisant « des discussions enflammées, conflictuelles » : les prises de position systématiques et virulentes deviennent des confrontations (flamewar).
Si, initialement, le flamer argumente pour le divertissement (« entertainement value »), cette mise en scène d’un art de la dispute en réseau peut se transformer en occurrences intrusives, non sollicitées en mode de communication interpersonnelle.
Exemple concret
Que dit le cadre légal…
Adoption le 13 mai 2020 d’une proposition de loi qui vise à lutter contre la propagation des discours de haine sur Internet portée par la députée Laëtitia Avia (la « loi Avia ») :
- l’article 1 définit un nouveau régime de responsabilité administrative applicable aux opérateurs de plateformes qui leur impose de retirer ou de rendre inaccessible des contenus dits « haineux » dans un délai maximal de 24 heures après notification par tout internaute ;
- l’article 3 contraint les opérateurs de plateformes à communiquer une information claire sur les voies de recours, y compris judiciaires, à leur disposition ;
- l’article 4 donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel les compétences nécessaires pour exercer les missions de supervision (possibilité d’émettre des recommandations pour mieux accompagner les opérateurs de plateformes dans l’identification des contenus illicites).
Pour aller un peu plus loin…
Quelques références scientifiques :
- Bertucci Marie-Madeleine, Boyer Isabelle, « Ta mère, elle est tellement… », joutes verbales et insultes rituelles chez les adolescents issus de l’immigration francophone, Adolescence, n° 3, 2013, p. 711-721, [https://doi.org/10.3917/ado.085.0711].
- Clair Isabelle, Le pédé, la pute et l’ordre hétérosexuel, Agora débats/jeunesses, vol. 60, n° 1, 2012, p. 67-78, [https://doi.org/10.3917/agora.060.0067].
- Détrie Catherine, Verine Bertrand, Quand l’insulte se fait mot doux : la violence verbale dans les SMS, in : Ulla Tuomarla, Juhani Härmä, Liisa Tiittula, et al., Miscommunication and Verbal Violence / Du malentendu à la violence verbale / Misskommunikation und verbale Gewalt, tome XCIII, University of Helsinki, coll. « Mémoires de la Société Néophilologique de Helsinki », 2015, p. 59‑71.
- Fisher Sophie, L’insulte : la parole et le geste, Langue française, vol. 114, n° 4, 2004, p. 49-58, [https://doi.org/10.3917/lf.144.0049].
- Ghorbanzadeh Keyvan, Bêtes et méchants ? Pour une analyse positionnelle du discours de la Ligue du LOL, Mots. Les langages du politique, n° 125, 2021, p. 53-71, [https://doi.org/10.4000/mots.27988].
- Lagorgette Dominique, Larrivée Pierre, Interprétation des insultes et relations de solidarité, Langue Française, n° 144, 2004, p. 83-103.
- Moïse Claudine, Gros mots et insultes des adolescents, La lettre de l’enfance et de l’adolescence, n° 83-84, 2011, p. 29-36, [https://doi.org/10.3917/lett.083.0029].
- Ridley Simon, Les discours de haine et l’université : des flame wars à l’alt-right, Mots. Les langages du politique, n° 125, 2021, p. 93-108, [https://doi.org/10.4000/mots.28073].