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Une université dans une ville de commerce
à l’époque moderne, l’exemple nantais

Le 4 avril 1460, à la demande du duc de Bretagne, François II (1458-1488), était créée l’Université de Nantes par le pape Pie II (1458-1464). Auparavant, les ducs Jean V (1399-1442) puis François Ier (1442-1450) avaient tenté à trois reprises (1414, 1424, 1449) de créer cette Université sans que leur démarche puisse aboutir. Le dernier duc voyait en revanche l’aboutissement d’une démarche fréquente de la part des princes pendant ce siècle. Ainsi à Bordeaux, l’université est créée à la demande du duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre Henri VI (1422 à 1453) en 1441. Pour ces souverains, il était important de disposer de bons administrateurs de leurs territoires, et donc de juristes qualifiés. Ces créations permettaient également de rivaliser avec des universités plus anciennes, dont celle de Paris. À Nantes, en 1460, est donc institué un studium generale : des facultés de droit civil, de droit canon, ès arts, de médecine et de théologie sont constituées. Dans les décennies suivantes, la vie de l’Université bretonne est cependant chaotique : à la fin du XVe siècle, l’Université est marquée par la guerre franco-bretonne (1465-1491) et, au siècle suivant, par les conflits religieux, l’université prenant partie pour la Ligue. Henri III (1574-1589), roi de France mais également souverain de la Bretagne, décide alors de transférer l’institution à Rennes (1588), sans que cette décision soit suivie d’effet. Cette ordonnance est finalement annulée en 1598 par Henri IV (1589-1610). Par la suite, si au XVIIe, l’histoire de l’Université nantaise se confond avec celle de toutes les universités du royaume, la date de 1735 voit une rupture dans son histoire puisque les facultés de droit sont transférées à Rennes. Les facultés de médecine, ès arts, théologie, qui ont une aura moins importante, restent cependant dans la cité ligérienne jusqu’à la Révolution.

Cette histoire est assez bien connue par plusieurs thèses et ouvrages, dont l’Histoire de l’université de Nantes (1460-1993)1. Mais comme l’écrit déjà Furetière dans son Dictionnaire universel, l’université est un « nom collectif qui se dit de plusieurs collèges établis dans une ville où il y a des professeurs et des hommes savants en diverses sciences pour les enseigner et pour y prendre des degrés ou certificats d’études2 ». Or, aucune étude précise du patrimoine architectural nantais, qui a certes presque entièrement disparu au cours des siècles, n’a été menée et le lien entre les édifices universitaires et l’urbanisme, terme certes anachronique pour l’époque moderne mais qui a l’avantage d’être compris par tous, n’a pas été dessiné. Seule une carte indiquant les emplacements des facultés a été publiée3. Pour bien mettre en avant le rôle de l’implantation des différentes facultés dans la vie de l’université et les emprises dans la ville, il semble probant de revenir sur les trois phases centrales de l’histoire de l’Université de Nantes pour les Temps modernes. L’aménagement urbain, les liens économiques et urbanistiques entre la ville et l’Université sont autant d’éléments qui permettront de compléter nos connaissances sur l’histoire de cette Université établie dans une ville connue pour son développement aux XVIIe et surtout au XVIIIe siècle grâce à son commerce maritime notamment triangulaire.

Une installation au cœur d’une ville déjà dense

Jusque dans les premières décennies du XVIIIe siècle, la ville de Nantes qui connaît un développement sans précédent lié à son commerce maritime, et notamment à la traite, est délimitée par des enceintes définissant un quadrilatère d’environ 800 mètres dans son axe le plus grand et, avec ses 27 hectares de superficie, elle reste une ville de taille réduite. Très marquée par la présence de son fleuve et des collines qui la délimite, la cité ligérienne est l’une des plus petites cités du royaume dans sa catégorie de ville supérieure. Des hôtels particuliers prestigieux mais surtout des édifices religieux en grand nombre marquent fortement la ville intra-muros, comme on peut encore le voir sur le plan dressé par François Cacault au milieu du XVIIIe siècle (fig. 1).

Fig. 1. Plan de la ville et de ses faubourgs, levé par François Cacault en 1750 et 1757 (Archives Municipales de Nantes (AMN) II 157/6).
Fig. 1. Plan de la ville et de ses faubourgs, levé par François Cacault en 1750 et 1757 (Archives Municipales de Nantes (AMN) II 157/6).

C’est aussi dans cet espace pourtant déjà surchargé que sont implantées les différentes facultés au XVe siècle. Il importe en effet qu’elles soient à proximité immédiate du château, lieu d’exercice du pouvoir ducal et de son administration, et de la cathédrale, l’évêque étant le chancelier de cette nouvelle institution. Comme dans beaucoup de villes du royaume, les facultés sont installées dans des locaux dispersés, le plus souvent religieux puisque l’Université reste d’émanation religieuse. La faculté ès arts, institution qui forme les jeunes gens aux humanités, est placée dans le collège Saint-Jean, celle de médecine, dans une maison à la Porte Blanche à la limite de la ville, et les enseignements de théologie sont dispensés dans le palais épiscopal et dans plusieurs couvents, ceux des Carmes, des Cordeliers ou des Dominicains (fig. 2). Des locaux, même petits, sont donc trouvés pour ces trois facultés dans des institutions religieuses implantées au cœur de la ville. En revanche, il semble plus difficile de trouver des locaux pour les enseignements du droit, civil ou canon. Cette complication indique combien ce domaine reste laïc dans la conception même du créateur de l’Université, le duc de Bretagne. Pour cet enseignement, la municipalité s’implique en revanche directement en louant une salle, avant de l’acheter (1550), toujours dans le cœur de la ville, entre le château et la cathédrale. Cet enseignement est d’autant plus nécessaire qu’une Chambre des comptes est installée à Nantes en 1492 – un édifice est d’ailleurs construit exclusivement à cet effet de 1515 à 1553, phénomène exceptionnel en France – et que le parlement se réunit encore alternativement à Rennes et Nantes. Il n’est définitivement installé à Rennes qu’en 1554. Pour les négociants-armateurs qui occupent une place centrale dans la vie politique de la cité, former des juristes à Nantes, ville dans laquelle pourrait être installées les deux cours souveraines, matérialiserait le rôle premier de Nantes dans la province de Bretagne. Cependant, aucune faculté ne bénéficie de locaux spécifiquement dédiés à l’enseignement. Cette situation n’est cependant pas étonnante et se retrouve partout ailleurs en France dans ces années.

Fig. 2. Implantation des différentes facultés au XVIe siècle d’après le plan Cacault (extrait). Les locaux de la faculté es arts sont indiqués en jaune, ceux de la faculté de médecine en bleu et ceux de la faculté de théologie en rouge.
Fig. 2. Implantation des différentes facultés au XVIe siècle d’après le plan Cacault (extrait). Les locaux de la faculté es arts sont indiqués en jaune, ceux de la faculté de médecine en bleu et ceux de la faculté de théologie en rouge.

Si la guerre franco-bretonne puis la suppression de la chancellerie de Bretagne (1553), l’installation du Parlement à Rennes (1554) et enfin les guerres de religion – Nantes épousant le parti de la Ligue à la suite du gouverneur de Bretagne, le duc de Mercœur – portent des coups certains à l’Université, et voient le départ de bon nombre d’étudiants vers d’autres universités (Angers, Orléans, Paris notamment), les facultés demeurent dans leurs différents sites pendant tout le XVIe siècle. Il en va différemment au siècle suivant. Compte tenu de l’instabilité politique et religieuse qui règne alors, il importe alors que toutes les facultés soient bien placées dans les enceintes de la ville au plus près du cœur politique de la cité.

À la recherche de nouveaux espaces

Au cours du XVIIe siècle, de nombreux ordres religieux, très dynamiques, cherchent à s’implanter à Nantes, comme dans beaucoup de villes d’ailleurs. La municipalité, trouvant que les religieux occupent déjà une place très importante dans la ville, ne les autorise à s’installer qu’à la condition de le faire à l’extérieur des enceintes de la ville. Visitandines, Ursulines, Minimes, Oratoriens s’établissent alors dans le faubourg de Richebourg, à l’Est de la cité. Ainsi, en 1615, les Oratoriens, une congrégation enseignante, s’implantent à proximité d’un établissement d’enseignement, le collège Saint-Clément (fig. 3). En 1626, la ville demande même aux Oratoriens d’assumer la direction du collège, contre l’avis de l’Université, qui voit là une concurrence à la formation qu’ils assurent dans le collège Saint-Jean. Mais, la ville a déjà dû se substituer aux religieux pour l’entretien du collège Saint-Jean. Le refus de l’Université ne peut donc pas être agréé par la municipalité. Immédiatement après, la faculté ès arts est agrégée au collège Saint-Clément. Les Oratoriens assurent seuls la formation des jeunes gens. Il n’est donc pas étonnant que les Oratoriens demandent l’incorporation des maîtres de la faculté ès arts dans l’Oratoire, ce qui leur permettrait d’obtenir les privilèges et immunités de l’Université. Cette dernière accepte mais précise que cet accord ne concerne que la faculté ès arts qui constitue, de fait, une propédeutique aux autres facultés. Le collège, établissement qui forme les jeunes de 13 à 18 ans, et la faculté ès arts, pour les enseignements de 15 à 18 ans, sont totalement confondus. Cette situation n’est de fait pas étonnante puisque, dès la fondation de la congrégation de l’Oratoire de Jésus et de Marie Immaculée (1611), le pape Paul V (1605-1621) avait imposé à Pierre de Bérulle (1575-1629), outre la formation des prêtres, de créer des collèges, en concurrence avec ceux des Jésuites. En prenant en charge la faculté ès arts, les religieux qui ont déjà mis en place un collège, dépassent le vœu du pape fondateur de la congrégation. Il est vrai que les Oratoriens restaient très pédagogues et accordent une grande importance aux sciences exactes, ce qui devait séduire les négociants-armateurs nantais. Les Oratoriens bénéficient, outre l’appui de la municipalité, de l’aide de l’évêque de Nantes. Non seulement, Charles Bourgneuf (1598- 1617) les fait venir à Nantes, mais il leur lègue sa bibliothèque ce qui facilite certainement leur reconnaissance locale et la formation des jeunes gens4.

Fig. 3. Implantation des facultés ès arts (Saint-Clément et Oratoire) et de théologie (Oratoire) au XVIIe siècle d’après le plan Cacault (extrait). La faculté es arts est indiquée par deux cercles, celle de théologie par un carré.
Fig. 3. Implantation des facultés ès arts (Saint-Clément et Oratoire) et de théologie (Oratoire) au XVIIe siècle d’après le plan Cacault (extrait). La faculté es arts est indiquée par deux cercles, celle de théologie par un carré.

Quelques années plus tard, « l’offensive » de ces derniers se poursuit puisqu’ils intègrent également la faculté de théologie. En 1654, en effet ils obtiennent que les cours de la faculté de théologie soient ouverts dans le collège de l’Oratoire. Si cette situation permet, dans un premier temps, de conserver une faculté de théologie active à Nantes, les choses se complexifient lorsque les prêtres de l’Oratoire participent fortement à la diffusion de jansénisme pendant la seconde moitié du XVIIe siècle et dans les premières années du siècle de Lumières5. De plus, peu à peu, l’Oratoire se substitue à l’Université, ce qui montre une perte incontestable du pouvoir de cette dernière.

Une formation en théologie et dans les humanités, est bien dispensée, à l’extérieur des limites de la ville, non loin de la cathédrale, dans un même bâtiment, le collège Saint-Clément. De cet établissement, il ne reste aujourd’hui que la chapelle bâtie de 1651-1665 par Jacques Malherbe puis Gilles Corbineau6, mais nous disposons de quelques documents graphiques et pièces archivistiques lesquelles permettent de connaître le plan du collège et la disposition des pièces (fig. 4). Les salles de cours étaient réparties sur trois ailes (la 4e n’a jamais été construite) autour d’une cour de 150 pieds de longueur sur 100 pieds de largeur. Selon la description donnée en 1669, lors de l’enquête effectuée dans toutes les universités de France, il apparaît que se succèdent les salles de « théologie, physique, logique, rhétorique », des enseignements spécifiques aux facultés ès arts et de théologie7. Le bâtiment d’enseignement, entretenu par la ville est séparé des édifices conventuels par une cour et une ruelle. On peut remarquer que le collège n’est pas placé directement sur la rue puisque deux bâtiments – corps de garde et un octroi en 1792 – ferment l’accès sur la place. Mais une porte monumentale permet d’accéder à une avant-cour, devant le collège (fig. 5).

Si les facultés ès arts et de théologie se situent dans un même édifice, elles ne relèvent plus qu’indirectement de l’Université puisque l’enseignement est dispensé par les seuls Oratoriens. Il est vrai qu’à partir du XVIIe siècle, partout en Europe, « les bénéfices attendus d’une présence universitaire font moins rêver les édiles en raison […] du moindre dynamisme du XVIIe siècle8 ». De plus, à Nantes, rien ne permet de souligner architecturalement leur présence. Qu’en est-il pour les deux autres facultés celles de médecine et de droit ?

Fig. 4. Plans des trois maisons de la Visitation, du collège Saint-Clément et de l’Oratoire, par Praud, [sd] (AMN, 1 Fi 121).
Fig. 4. Plans des trois maisons de la Visitation, du collège Saint-Clément et de l’Oratoire, par Praud, [sd] (AMN, 1 Fi 121).
Fig. 5. Porte d’accès au collège, 1792 (AMN, 1 Fi 122).
Fig. 5. Porte d’accès au collège, 1792 (AMN, 1 Fi 122).

Entre ville close et faubourg

Au XVIIe siècle, les enseignements théoriques de droit et de médecine sont toujours dispensés dans des locaux petits au cœur de la ville. Les étudiants ne peuvent donc être en nombre dans ces espaces. Or, la situation de ces facultés évolue considérablement puisque Louis XIV entreprend de réformer considérablement les études de droit (1679) et celles de médecine (1707). Pour lui, ces deux domaines doivent relever des services publics de l’État. Il n’est donc pas étonnant que ces enseignements soient uniformisés, réglementés et contrôlés dans le but de satisfaire les besoins de l’État. Pour le souverain, il s’agit d’une part de former des hommes qui sont appelés à construire le royaume ou à rendre la justice du roi (faculté de droit) et, d’autre part, à éduquer les médecins, voire les chirurgiens et apothicaires pour entretenir une population nombreuse, expression de la richesse du royaume. L’enseignement et les lieux d’enseignement doivent donc être repensés.

À Nantes, ces principes ont des conséquences différentes en fonction des facultés. Ainsi, pour les médecins, les enseignements théoriques, assez rares d’ailleurs dans cette ville9, sont dispensés depuis les premières années du XVIIe siècle dans le couvent des Carmes, dans des locaux de petite taille, tandis qu’une pratique de la médecine se développe au sein de l’hôtel-Dieu. Cet enseignement, qui s’amplifie dans toute la France à partir du règne de Louis XV surtout, est très précoce à Nantes puisque l’on en retrouve des traces dès la fondation de l’Université10. De plus, il bénéficie au cours du XVIIe siècle d’une reconnaissance royale liée au fait que Nantes soit une ville portuaire. En effet, en 1681, est prise une ordonnance portant l’obligation d’un service de santé à bord des navires. Un chirurgien, voire plusieurs en fonction de la taille du bateau, doit se trouver à bord de tout navire transatlantique. De plus, par un édit de 1692, une formation pratique doit être assurée par un médecin : le chirurgien doit indiquer un organe et le médecin en expliquer la fonction. Pour ce faire, l’enseignement est dispensé à l’hôtel-Dieu, rebâti de 1644 à 1655 sur l’île Gloriette à la demande du duc de la Meilleraye, gouverneur de la Bretagne. La formation de ces chirurgiens est complétée dès 1702 par des cours d’anatomie, d’ostéologie et de « principes » (physiologie, pathologie, thérapeutique). De plus, comme les médecins, les chirurgiens pratiquent des dissections. Au XVIIIe siècle, à Nantes, elles sont opérées successivement dans différentes parties des enceintes de la ville : la tour des Espagnols, 1702, puis la tour Communeau, 1735, et enfin celle du Connétable (Brancas, 1741). Ces tours, qui ont toutes disparu, ont l’avantage d’être circulaires et d’offrir une vue large sur le cadavre (fig. 6). Elles sont également toujours situées à l’extrémité de la ville et en hauteur, ce qui peut sembler plus salubre alors que les recherches sur la salubrité se développent. Pour disposer d’un amphithéâtre répondant pleinement aux besoins de l’enseignement, la ville demande à son architecte voyer, Nicolas Portail, d’aménager un édifice en 1743. L’édifice est installé dans la tour Brancas, une aération verticale est prévue dans l’axe du corps à disséquer pour des raisons d’hygiène, et de nombreuses fenêtres sont prévues pour bien éclairer la pièce (fig. 7). De fait, ce type de plan reprend celui de l’amphithéâtre de chirurgie Saint-Cosme réalisé à Paris (1707-1711) ainsi que celui de médecine exécuté quelques décennies plus tard dans la même ville par Louis Barbier de Blignier (1742-1745). Un espace est cependant ajouté puisqu’une salle de « préparation » est placée immédiatement sous la salle de dissection, au centre de l’édifice comme l’indique le dessin sous la retombe (fig. 8).

Cependant, si des réflexions sont apportées sur l’enseignement de la chirurgie, et parallèlement sur l’apothicairerie – un jardin des simples est créé à la limite des enceintes une nouvelle fois –, il faut remarquer que la chirurgie ne constitue pas une discipline enseignée dans la faculté de médecine. De plus, pendant toute cette période, les professeurs de médecine nantais montrent un grand corporatisme ce qui nuit à l’exercice de la médecine dans cette ville. En effet, si dans la première moitié du XVIIe siècle de nombreux médecins étrangers ont pu exercer dans la ville, à partir de 1653, les médecins nantais exigent que leurs confrères soient gradués dans la ville pour pouvoir y dispenser leur savoir. Malgré l’édit royal de réformation de 1707, cette situation se poursuit jusqu’en 1783. Dans ces conditions, il est difficile, à cette faculté, de se développer et des écoles concurrentes commencent à apparaître à la veille de la Révolution. Une école de médecine et de chirurgie est créée ainsi par Guillaume Laënnec (1748-1822). Si des bâtiments existent bien pour l’apprentissage de la chirurgie ou de l’apothicairerie, il n’existe donc pas d’édifice spécifique pour l’enseignement de la médecine.

Fig. 6. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, élévation extérieure (AMN II 158/68).
Fig. 6. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, élévation extérieure (AMN II 158/68).
Fig. 7. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, plan du rez-de-chaussée (AMN II 158/68).
Fig. 7. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, plan du rez-de-chaussée (AMN II 158/68).
Fig. 8. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, plan avec le sous-sol (AMN II 158/68).
Fig. 8. Amphithéâtre de chirurgie, dessin de Nicolas Portail, 1743, plan avec le sous-sol (AMN II 158/68).

La faculté de droit, dans les premières années du XVIIIe siècle, est quant à elle toujours située intra-muros, cette fois dans la chapelle Saint-Gildas, et bénéficie également d’une salle dans le couvent des Carmes depuis 1669. Il n’est donc pas étonnant que l’Université ait souhaité la construction de nouveaux locaux qui seraient implantés à proximité du couvent des Carmes dans lequel ils occupent déjà une salle et à l’angle de trois rues dans une parcelle irrégulière. Il n’est donc pas envisagé un déplacement de cette faculté en dehors du cœur de la ville alors que les négociants armateurs n’hésitent pas à s’éloigner du centre politique et religieux pour bâtir de fastueuses maisons. Il est vrai que la Loire constitue l’espace d’activité de ces derniers alors que les juristes travaillent le plus souvent à la Chambre des comptes encore inscrite dans les enceintes. La municipalité qui, depuis l’installation de la faculté de droit à Nantes, a pris en charge son financement, demande en 1732 à l’ingénieur militaire Jacques Goubert (1685-1762), qui œuvre beaucoup dans la ville de Nantes, de dresser un devis en vue de l’édification d’un bâtiment spécifique sans doute très sobre puisque rien n’est spécifié à cet égard si ce n’est qu’il serait caractéristique d’un « édifice public ». Selon ce mémoire, sont prévues, trois salles de belle taille, assez bien éclairées, la plus grande étant certainement celle des actes, comme il est coutume de faire alors11. Les salles ouvrent comme toujours sur une cour commune. Goubert, en 1733, évalue à 61 000 livres les acquisitions et constructions. Cependant la municipalité, contrairement à ce qu’elle avait pu faire au XVIe siècle, ne peut engager seule les frais. À la même époque, elle finance en effet la construction des quais, la canalisation de la Loire, la construction du pont Feydeau et projette de construire des halles en avant des enceintes. De plus, cette fois, le parlement est installé à Rennes de longue date – une école de droit a d’ailleurs été instituée à Rennes – et la Chambre des comptes a une aura bien inférieure. Les édiles nantais peuvent en outre accéder à la noblesse par leur seule activité municipale (en tant que maire). Leur intérêt pour la formation des juristes à Nantes s’est donc beaucoup affaibli depuis le XVIe siècle. D’ailleurs, déjà, en 1728, le maire de Nantes et subdélégué de l’intendant, Gérard Mellier, qui avait participé activement au développement de la ville, avait demandé à l’intendant Latour et au gouverneur de la Bretagne, le comte de Toulouse, d’opérer un transfert de l’Université à Rennes. L’un et l’autre s’y étaient alors opposés. Il n’empêche que cette prise de position révèle clairement combien l’institution universitaire ne constituait plus la priorité pour la ville. Il n’est donc pas étonnant que pour financer la nouvelle faculté de droit, elle n’ait pas voulu trop investir. Elle sollicite donc les États de Bretagne puisque les étudiants de toute la province doivent pouvoir étudier dans les facultés nantaises. Cependant, depuis la fin du XVIe siècle, les étudiants bretons préfèrent se rendre à Paris, Angers ou Orléans notamment, des universités historiques. Finalement, deux ans plus tard, le 1er octobre 1735, par déclaration royale, les facultés de droit sont transférées à Rennes12. Deux grands arguments sont avancés alors : cette ville est plus centrale en Bretagne et un vivier plus important y existe puisque le Parlement y siège. La faculté de droit est d’ailleurs installée à proximité du parlement dans un bâtiment préexistant. Dans la déclaration royale, Nantes est en revanche signalée avant tout comme une ville de commerce, internationale. Le droit n’y est pas indispensable. De plus, il est rappelé que cette volonté de lier le parlement et l’université s’était déjà rencontrée à Pau et à Dijon. La situation bretonne n’est donc pas exceptionnelle et ce transfert, immédiat, s’explique pour des raisons de rationalité. Il faut cependant remarquer que cette décision est prise lorsque l’Université souhaite construire de nouveaux locaux, toujours à l’intérieur des enceintes. Un déménagement en dehors des murailles aurait-il changé la donne ? Cela est difficile à affirmer d’autant qu’en 1764 et 1778 encore des bruits d’un transfert complet (incluant médecine et théologie) se font jour. Ces opérations ne seront pas suivies d’effet. Il n’empêche que pendant ces trois siècles, la volonté municipale, et plus largement le politique, a des conséquences fondamentales sur la vie de l’Université.

Conclusion

Au XVe siècle, l’Université de Nantes avait été implantée pour former certes des jeunes gens mais aussi pour accroître le prestige du duché et plus particulièrement de la ville de Nantes. Les facultés avaient donc été implantées au cœur d’une ville très dense à proximité immédiate des lieux de pouvoir civils et religieux. Dès le XVIIe siècle, a lieu un premier transfert (faculté ès arts et de théologie) hors les murs avec, de fait, un nouvel équilibre des pouvoirs. L’enseignement de la médecine, à partir du XVIIe siècle et surtout au siècle des Lumières, se développe également extra muros. Seul le droit reste dans les enceintes mais végète avant d’être transféré à Rennes. À Nantes, il n’est donc pas bon qu’une faculté reste en cœur de ville, surtout lorsque le commerce seul domine par ailleurs. Il est vrai, qu’à l’échelle de l’Europe urbaine également, du XVIe au XVIIIe siècle, la place de l’université dans la ville évolue fortement, notamment du fait de nouveaux usages de l’université dans le système culturel des villes comme l’ont rappelé Thierry Amalou et Boris Noguès13. La place de l’architecture universitaire dans la ville ne peut alors qu’être transformée. Cette démarche se retrouve également au XXe siècle. Ainsi, à Nantes, comme dans beaucoup de villes, lors de la refondation de l’Université (en 1961), les différentes facultés sont implantées loin du centre-ville et cette dynamique se développe encore aujourd’hui avec le futur déménagement du CHU, et de la faculté de médecine. Le raccourci est sans doute osé et la démarche s’inscrit dans l’ère du temps, mais il semblait intéressant de le rappeler dans le cadre d’un colloque ayant pour titre « Villes et Universités, quels patrimoines pour quel avenir partagé ? ».

Notes

  1. Presses universitaires de Rennes, 2002.
  2. Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, 1690, t. 3, p. 837.
  3. Histoire de l’université de Nantes, PUR, 2002, p. 107 : schéma dressé d’après le plan Cacault de 1756 et 1757.
  4. Hélène Rousteau-Chambon, La Naissance de l’architecture publique en France (XVIe-XVIIIe siècles), Mare & Martin, 2024, à paraître, p. 126.
  5. Bachelier, Essai sur l’Oratoire de Nantes au 17e et au 18e siècle, Nizet et Bastard, Paris, 1934 ; Yves Alcime Durand (dir.), Histoire du diocèse de Nantes, Beauchesne, Paris, 1985.
  6. Jessy Jouan, Une dynastie d’architectes-sculpteurs : les Corbineau, thèse soutenue à Nantes Université, 2023 sous la direction de Hélène Rousteau-Chambon.
  7. Archives départementales de Loire-Atlantique (AD 44), BB 6966.
  8. Thierry Amalou, Boris Noguès, « Hic et ubique terrarum, Écrire une histoire de l’université à l’échelle de la ville », dans Thierry Amalou, Boris Noguès (dir.), Les Universités dans la ville XVIe-XVIIIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 17.
  9. Michel Nassiet, « L’université de Nantes et ses facultés (1492-1735) », Histoire de l’université de Nantes (1460-1993), op. cit., p. 35.
  10. Claude de Laguérenne, « Une faculté au sein de la cite nantaise : la médecine », Ibid., p. 60-73.
  11. AD 44, CC 399.
  12. AD 44, DD 2.
  13. Thierry Amalou, Boris Noguès, op. cit., p. 21.
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Pessac
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EAN html : 9791030011395
ISBN html : 979-10-300-1139-5
ISBN pdf : 979-10-300-1140-1
Volume : 32
ISSN : 2741-1818
Posté le 18/06/2025
13 p.
Code CLIL : 3669; 3076;
licence CC by SA

Comment citer

Rousteau-Chambon, Hélène, « Une université dans une ville de commerce à l’époque moderne, l’exemple nantais », in : Mansion-Prud’homme, Nina, Schoonbaert, Sylvain, dir., Villes et universités. Quels patrimoines pour quels avenirs partagés ?, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 32, 2025, 27-40, [en ligne] https://una-editions.fr/l-exemple-nantais [consulté le 20/06/2025].
Illustration de couverture • Maquette d’étude du quartier de l’Esplanade (mai 1959). C.-G. Stoskopf architecte (avec intégration du projet de R. Hummel pour le campus) (Archives d’Alsace-Site de Strasbourg, fonds Stoskopf, 60J62).
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