Faire taire la différence. Prélude grec
En 2021 aux éditions La Découverte parait le recueil Manifestes signé par deux écrivains et intellectuels antillais, Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau. Inscrit dans la ligne éditoriale dissidente de La Découverte1 ainsi que dans le parcours d’engagement et de militantisme des deux auteurs, le recueil regroupe six textes à caractère programmatique ou manifestaire parus initialement entre 2000 et 2009 dans différents revues et journaux où Glissant et Chamoiseau exposent leurs idées centrées sur le présent et l’avenir des Antilles. Interventionnistes, belliqueux, visionnaires, utopiques, les écrits réédités en 2021 constituent un ensemble à la fois disparate au niveau de la forme (où des manifestes proprement dits2 côtoient d’autres formes telles que la lettre ou l’adresse3) et cohérent sur le plan de la problématique abordée (l’avenir des Antilles et de la société mondiale). Un autre point commun de ces textes est aussi leur style qui, mobilisant diverses stratégies discursives et rhétoriques ainsi qu’un certain lyrisme engagé, permet à Edvy Plenel, auteur de la postface du recueil, d’y voir la mise en œuvre d’« une poétique de la politique »4. Il semble intéressant d’examiner de plus près cette esthétique manifestaire contemporaine, ses assises idéologiques ainsi que ses inspirations stylistiques, pour voir dans quelle mesure Glissant et Chamoiseau investissent la langue au profit d’un projet socio-politique précis : celui de la souveraineté des Antilles appelées par les auteurs à devenir les premiers espaces post-capitalistes, structurés socialement, politiquement et économiquement selon les principes de « la pensée de la Relation ». À l’aune d’autres textes de Glissant (notamment Le discours antillais, 1981 et Poétique de la relation, 1990) et de Chamoiseau (Écrire en pays dominé, 1997), nous tenterons de présenter les prises de position des deux auteurs au sujet de l’avenir des Antilles tout en concentrant notre attention sur les effets rhétoriques et poétiques propres à l’écriture manifestaire des deux écrivains.
Même si l’engagement d’Édouard Glissant et de Patrick Chamoiseau dans la lutte en faveur du renouveau de la vie sociale et politique en Martinique, et plus largement aux Antilles, est bien connue, il convient de rappeler ici quelques étapes majeures de ces deux parcours liés par un parallélisme de visions et d’idées, ainsi que par une inspiration réciproque.
Poète, romancier, essayiste et penseur, Édouard Glissant (1928-2011) est, dès le début de son activité intellectuelle, lié au mouvement anticolonial et à celui de la négritude. Proche du milieu de la revue Présence Africaine5, Glissant participe au Premier congrès des écrivains et artistes noirs à Paris en 1956, devient membre de la Société africaine de culture créée à l’issue de cette manifestation, et figure parmi les participants du Deuxième congrès des écrivains et artistes noirs, qui se tient à Rome en 19596. Pour Glissant, jeune auteur de l’essai Soleil de la conscience paru en 1956, le congrès à Rome marque également le début de son amitié avec Paul Niger (Albert Béville) avec qui, en avril 1961, il fondera le « Front antillo-guyanais » visant principalement la décolonisation des Antilles. Officiellement appelée le « Front des Antilles et de la Guyane pour l’autonomie », cette organisation sera vite dissoute par un décret du général de Gaulle du 22 juillet 19617[7]. Renonçant à l’action militante directe, Glissant passera ensuite à une nouvelle étape de son engagement, celle de l’activisme intellectuel et artistique qui aboutira à la théorisation de « l’antillanité », approche socio-culturelle qui, prenant ses distances d’avec la négritude à la Césaire, se caractérisera par une plus grande attention portée à la réalité locale des Antilles, et une affirmation identitaire enracinée dans le monde antillais. L’évolution de la réflexion sur le caractère créolisé de la culture antillaise, et plus largement caribéenne, mènera Glissant à élaborer une nouvelle vision philosophique et anthropologique de la Caraïbe, connue sous le nom de « la pensée de la Relation », qui s’étendra pour devenir une nouvelle conception du monde à l’ère de la globalisation. « Mise en relation », « créolisation », « Tout-monde » : voici quelques-uns des mots-clés du riche glossaire glissantien conçu pour rendre compte du caractère mouvant, processuel et transcendant des identités et des cultures dans le tourbillon global d’échanges, de fluctuations, d’interdépendances et d’interpénétrations typiques, selon Glissant, du monde contemporain.8
Quant à Patrick Chamoiseau, qui se désigne lui-même comme fils spirituel de Glissant9, rappelons qu’il est l’un des auteurs d’Éloge de la créolité publié en 1989 avec Raphaël Confiant et Jean Bernabé. Le texte, largement inspiré des réflexions de Glissant, mettait en avant l’idée d’une identité antillaise métissée ou créolisée, tout en essentialisant cette dernière au point de provoquer une critique sévère, y compris de la part de l’auteur du Discours antillais lui-même10. C’est en réaction à cette critique, et en référence à l’évolution de la pensée glissantienne sur les effets des flux culturels à l’époque contemporaine, que Chamoiseau proposera une autre vision du statut de l’écrivain antillais (et de l’écrivain en général) en publiant, en 1997, son essai Écrire en pays dominé. Prenant comme point de départ la situation des Antilles en proie à l’aliénation politique et culturelle causée par la colonisation française (dont la départementalisation ne serait qu’une forme contemporaine), Chamoiseau étend son diagnostic au monde entier en dénonçant une nouvelle domination, plus insidieuse, celle de l’homogénéisation culturelle à l’ère de l’hypermédiatisation et de la communication globalisée. Face à cette nouvelle forme d’aliénation liée non plus au système colonial historique, mais au rouleau compresseur de l’uniformisation culturelle, Chamoiseau assigne à l’écrivain, et à tout intellectuel, la tâche de rester aux aguets afin de protéger sa liberté. Devenu « guerrier de l’imaginaire »11, l’artiste doit, selon Chamoiseau, débusquer tous les pièges tendus par les systèmes hégémoniques et lutter en faveur de l’indépendance de son propre esprit et de la conscience de sa communauté d’appartenance. Effort constant d’autoanalyse et de prise de conscience, désaliénation culturelle et mentale, liberté d’esprit – voici quelques mots d’ordre que Chamoiseau formule dans son programme visant à préserver ce qu’il nomme, avec Raphaël Confiant, la « Diversalité »12 du monde. Écrire en pays dominé se présente ainsi comme un texte travaillé en profondeur par l’esprit d’opposition envers toute forme de domination et d’aliénation comme son corollaire. Il constitue également un fervent appel adressé aux écrivains et aux intellectuels contemporains, sommés de lutter contre toutes les hégémonies à l’œuvre dans le monde contemporain.
Toutes les valeurs clés exposées par Glissant et Chamoiseau dans les textes évoqués réémergent avec force dans les Manifestes. En effet, les assises idéologiques des diagnoses posées dans Le discours antillais, Poétique de la Relation ou Écrire en pays dominé constituent un large cadre conceptuel pour les projets exposés dans les différents écrits qui composent le recueil. L’acte de publication de ces différents textes réactive également la figure de l’écrivain/intellectuel engagé, telle que définie par Glissant et Chamoiseau dans leurs réflexions antérieures. En même temps, nous assistons ici à une sorte de recontextualisation du système de valeurs conçu et posé dans les années 1980 et 1990 par les deux auteurs qui tentent, dans la première décennie du XXIe siècle, d’adapter leur vision aux défis de l’extrême-contemporain, notamment en matière d’économie et d’écologie. Le projet de désaliénation socio-politique et culturelle des Antilles se voit ainsi réactivé et, au même moment, redéfini par son inscription dans une réflexion sur l’avenir de l’humanité confrontée aux écarts et aux injustices économiques grandissants entre le Nord et le Sud, ainsi qu’à la crise environnementale du XXIe siècle.
Le recueil s’ouvre par « Manifeste pour un projet global », paru initialement en 2000 dans le magazine Antilla sous le titre révélateur « Manifeste pour refonder les DOM »13. On y voit se tracer d’emblée les lignes directrices de la vision des Antilles, telle qu’elle sera développée par Glissant et Chamoiseau dans des textes postérieurs, notamment dans « Manifeste pour les « produits » de haute nécessité », paru originellement en 2009, et inclus dans la partie conclusive du recueil de 2021. La structure du recueil reflète ainsi une boucle rhétorique qui s’opère sur le plan des conceptions et des idées clés de la pensée manifestaire de Glissant et Chamoiseau, celle-ci étant basée principalement sur le postulat de la souveraineté des Antilles par rapport à la France, sur le projet de développement des îles dans le respect de l’environnement (d’où la vision des Antilles imaginées comme la première région gouvernée selon le principe de la bioéconomie), ainsi que sur la revendication d’une mise à bas du capitalisme néolibéral.
Quant au concept de souveraineté, il convient de souligner qu’il apparaît comme fondamental pour imaginer la simple possibilité, fût-elle hypothétique, d’un avenir pour les Antilles. Reprenant le cadre conceptuel développé par Glissant dans les années 1960 (époque de son engagement du côté du Front antillo-guyanais), ainsi quedans Le discours antillais (publié en 1981), les signataires du « Manifeste pour un projet global » insistent sur la nécessité vitale de l’accès des Antillais à l’autogouvernance :
L’auto-organisation est le propre de l’organisme vivant. La décentralisation, avancée ou pas, ne détermine aucun possible d’auto-organisation. La décentralisation ne saurait supporter l’apparition d’un organisme nouveau. Il en est de même pour l’autonomie qui ne connaît que l’horizon de son statut et la focalisation d’un centre qui l’autorise. Décentralisation ou autonomie seraient des tissus inertes si elles ne se dépassaient pas en projet.
Seuls les espaces de souveraineté, rendus nécessaires par un projet global, peuvent supporter le nouveau, l’inattendu, la combinaison imprévisible, l’organisme Vivant qui évolue et qui s’équipe. Seul l’espace de souveraineté permet l’auto-organisation, qui ne se ramène pas à une élémentaire autogestion.14
Anesthésiées par « la colonisation réussie »15 de la départementalisation, les sociétés antillaises n’ont, selon les signataires de « Manifeste pour un projet global », qu’une seule issue : celle de l’auto-organisation arrachée à la France par la voie de négociations initiées par les Antillais eux-mêmes. Car, toujours selon les auteurs du manifeste, « […] la liberté ne peut pas provenir d’en haut. Elle émerge du dedans. »16. Ancrée dans un certain idéal de la lutte indépendantiste qui n’est pas sans rappeler les réflexions de Frantz Fanon17, la conception mise en avant dans le manifeste de 2000 réactive l’ancien rêve d’une auto-décolonisation mentale, culturelle et politique des Antillais, telle que définie dans les revendications des contributeurs de la revue Légitime défense, dans les années 193018.
La nouveauté qui apparait dans le texte de 2000, c’est l’ancrage de la vision des Antilles souveraines dans le contexte socio-économique de la crise environnementale. En effet, le postulat politique de l’émancipation administrative va de pair avec la proclamation d’une autre nécessité, celle d’une refonte profonde du système économique des îles. Face à la crise climatique, les auteurs du manifeste appellent ainsi à mettre les Antilles sur la voie du développement durable en favorisant l’essor d’une économie basée sur le respect du cadre naturel des îles, sans exclure pour autant les exigences de rendement et de profitabilité de l’exploitation agricole :
Les conditions générales des Antilles, de la Guyane et de la Caraïbe (des îles, ou des espaces facilement nettoyables, aisément transformables) font que la valeur ajoutée que nous pouvons envisager résulterait d’une production à caractère biologique, dont la demande grandit irrésistiblement sur le marché mondial. Il nous faut occuper ce créneau.
C’est pourquoi, depuis quelque temps déjà, certains d’entre nous ont proposé de mettre en place en Martinique le projet global d’une économie centrée sur des produits biologiques diversifiés, et de conquérir sur le marché mondial le label irréfutable « Martinique, pays à production biologique », ou « Martinique, premier pays biologique du monde.19
Les auteurs du manifeste de 2000 suggèrent ainsi un scénario qui saurait concilier l’idée de souveraineté et une certaine garantie de survie économique. Or, c’est à travers cette rationalisation économique que « Manifeste pour un projet global » dévoile aussi le caractère mitigé de son élan révolutionnaire. Certes, la vision des Antilles souveraines vis-à-vis de la France, dotées de compétences d’autogestion et d’auto-détermination et d’une politique écologique est là. Mais, en même temps, le raisonnement des auteurs tend ici à négocier avec les dogmes de l’économie capitaliste contemporaine. Le projet qui s’y énonce, radical sur le plan politique, demeure très modéré au niveau économique et contraste avec la tonalité bien plus audacieuse du « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » de 2009.
Paru dans le sillage des mouvements sociaux qui ont secoué la Martinique et la Guadeloupe en janvier 2009 et qui ont visé principalement « la vie chère », « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » expose une vision hétérodoxe, voire hérétique20 de l’avenir des îles. Celles-ci, libérées du carcan de la dépendance politique vis-à-vis de la France, seraient destinées, selon les signataires du manifeste21, à devenir les premiers espaces post-capitalistes dans le monde, un lieu qui destituerait les lois de l’économie néolibérale centrée sur le profit financier et la croissance effrénée au nom d’un système de valeurs autre, alternatif car favorisant la dignité humaine, l’épanouissement de l’être humain non seulement sur le plan matériel, mais aussi intellectuel, artistique et culturel tout en respectant l’équilibre environnemental :
[…] en nous débarrassant des archaïsmes coloniaux, de la dépendance et de l’assistanat, en nous inscrivant résolument dans l’épanouissement écologique de nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du postcapitalisme et d’un rapport écologique global aux équilibres de la planète…22
Cette vision d’un avenir meilleur, car contraire aux règles de jeu du capitalisme perçu comme un système ravageur, s’appuie dans le texte sur l’idée de rééquilibrer le système socio-économique des îles23 entre les deux grands domaines du « Politique » et du « Poétique », le premier correspondant à la gestion des besoins fondamentaux de la société, à savoir « boire-survivre-manger (en clair : le prosaïque) », et le second désignant « l’aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d’honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, d’amour, de temps libre affecté à l’accomplissement du grand désir intime […] »24. Le projet mis en avant dans « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » aspire ainsi à une profonde restructuration qui, sans négliger le réalisme des conditions de vie, s’opposerait à l’économisation excessive de la vie et à une perception du monde réductrice « où l’économique devient […] sa propre finalité et déserte tout le reste » à tel point que « les aspirations de notre vie, et son besoin de sens, peuvent se loger dans ces codes-barres que sont le “pouvoir d’achat” ou le “panier de la ménagère”»25. La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion deviendraient ainsi des laboratoires où pourrait émerger une nouvelle réalité pour ces « [p]etits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d’être les premiers exemples de sociétés postcapitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s’inscrit dans l’horizontale plénitude du vivant… »26. La conception de ce monde nouveau, bâti non plus sur l’hégémonie de quelques puissances mondiales, mais sur la coopération entre de « petits pays » forts de leur ancrage local et, en même temps, de leur insertion dans un réseau planétaire d’échanges et de transferts économiques et culturels, aboutit dans le texte à la vision d’une réalité humaine complexe, où le processus de créolisation s’étendrait sur tous les domaines du fonctionnement humain, favorisant une réelle communication entre les nations, les peuples, leurs richesses et leurs cultures.
Assumant pleinement le caractère utopique de cette vision de l’avenir des Antilles, d’autres territoires d’Outre-mer français, mais aussi du monde entier, Glissant et Chamoiseau adoptent dans leurs textes une posture intellectuelle résolument dissidente. Cette dissidence passe bien évidemment par les idées et les postulats eux-mêmes dans la mesure où ils dépassent les limites de ce que la logique capitaliste, reposant sur les critères de faisabilité et de rentabilité, nous fait tenir pour réalisable, voire réel. Mais, de plus, elle se laisse entrevoir au niveau d’un discours qui semble être destiné à saper, dans un geste de transgression lyrique, les normes de la doxa socio-politique et économique contemporaine. En effet, si les écrits de Glissant et de Chamoiseau semblent distincts, voire originaux, c’est peut-être aussi avant tout en raison de leur style, qui fait fusionner, sur le plan discursif, la rhétorique de la révolte (politico-économique) et l’esthétique de la rêverie poétique. Un remarquable travail formel visant à combattre la stérilité du langage politique contemporain, rigide et crispé autour de la seule efficacité de communication, et du calcul du gain potentiel de soutiens ou de parrainages, voire, plus concrètement, de votes.
La pulsion oppositionnelle traverse tous les manifestes de Glissant et Chamoiseau, et se laisse entendre dans chaque phrase, mais elle devient particulièrement sensible dans les passages où s’exprime la critique du système administratif français et du capitalisme néolibéral. Quant à la départementalisation, les auteurs fustigent sans ambages les cadres institutionnels contraignants en recourant de préférence à la figure de l’étouffement :
Notre incapacité à penser/vouloir un projet est sans doute la résultante du corset départemental qui engoue encore nos imaginaires de solutions dépendantes et assistées, solutions qui nous posent des problèmes et qui nous stérilisent. La dépendance-assistanat déréalise toute résistance ; elle invalide l’intuition juste en l’empêchant de se doter d’outils réalistes performants. Ce système exclut tout ce qui ne lui est pas conforme, ou propice, et se révèle incapable de comprendre ou d’admettre la nécessité de la moindre audace ; il prolifère ainsi jusqu’à ce qu’il s’asphyxie lui-même.27
Oppressif, stérilisant, voire paralysant, le système départemental apparaît ici comme l’ennemi principal des Antillais, dépourvus de liberté de penser et profondément aliénés par rapport à leurs propres besoins. Les auteurs du texte procèdent ainsi de manière classique par rapport à la composition canonique des manifestes dont l’un des mécanismes typiques est la polarisation des camps et une nette distinction du « Mal », contre lequel le texte donné s’insurge28. Le cadre bipolaire construit sur l’opposition « nous-eux », qui désignerait ici respectivement les Antillais, et les partisans du statut actuel des îles (aussi bien les représentants de la « Métropole » que les responsables locaux, fidèles au système départemental), permet à Glissant et à Chamoiseau de déployer une vision tranchée de la réalité, propice à émettre des appels à l’action. Insistant sur les motifs d’urgence et de nécessité historique dans un registre injonctif, les auteurs cherchent à mobiliser la volonté d’agir des lecteurs :
Le monde, et non pas seulement la France, est à notre horizon. Si nous, Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais, ne réagissons pas à cette situation nouvelle, si nous n’entrons pas audacieusement et directement dans ce débat des accords et des antagonismes universels, dont les règles sont si impitoyables et si imprévisibles, nous ne nous apercevrons même pas du moment où nous aurons commencé d’être, non pas des poussières, mais des résidus de ce jeu planétaire.29
La lutte à laquelle les signataires appellent, celle de l’émancipation mentale et politique des Antillais, apparaît comme un impératif conditionnant la survie des sociétés caribéennes dans le tourbillon des forces politiques et économiques du monde contemporain. Le texte déploie dès lors une rhétorique de combat qui repose sur l’injonction à l’engagement en faveur d’un changement radical et urgent. Entre la menace d’un futur incertain et l’inaction dont Glissant et Chamoiseau accusent leurs compatriotes, l’impératif de l’adhésion au projet exposé dans le texte n’en devient que plus brûlant. D’autant plus que les signataires du manifeste manient bien les effets de dramatisation obtenus ici par la juxtaposition d’une vision crépusculaire des îles sujettes à la départementalisation, et d’une image prometteuse d’un avenir meilleur qui pourrait résulter du projet avancé dans le texte. Entre apocalypse et utopie, le manifeste tisse son discours sur une ligne fine de la tension qui exige un choix, une décision de la part du lecteur.
La dynamique oppositionnelle du manifeste de 2000 ne fait que s’exacerber dans « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité ». Enraciné idéologiquement dans des conceptions marxistes, l’écrit de 2009 s’inscrit dans la lignée des discours anticapitalistes par son élan rhétorique où prime une critique acerbe de la domination du capitalisme néolibéral :
La « hausse des prix » ou la « vie chère » ne sont pas de petits diables-ziguidi qui surgissent devant nous en cruauté spontanée, ou de la seule cuisse de quelques purs békés. Ce sont les résultantes d’une dentition de système où règne le dogme du libéralisme économique. Ce dernier s’est emparé de la planète, il pèse sur la totalité des peuples, et il préside dans tous les imaginaires – non à une épuration ethnique, mais bien à une sorte d’« épuration éthique » (entendre : désenchantement, désacralisation, désymbolisation, déconstruction même) de tout le fait humain. Ce système a confiné nos existences dans des individuations égoïstes qui vous suppriment tout horizon et vous condamnent à deux misères profondes : être « consommateur » ou bien être « producteur ». Le consommateur ne travaillant que pour consommer ce que produit sa force de travail devenue marchandise ; et le producteur réduisant sa production à l’unique perspective de profits sans limites pour des consommations fantasmées sans limites.30
En référence à deux mots d’ordre des grévistes martiniquais et guadeloupéens de 2009 (la « hausse des prix » et la « vie chère »), les auteurs du manifeste livrent ici une véritable harangue contre la doctrine néolibérale dépeinte comme une machinerie déshumanisante et profondément aliénante. La révolte contre un tel système, révolte qui semble toute naturelle face aux méfaits d’un tel ennemi, libère alors un élan visionnaire où, sur un ton prophétique mêlé d’espérance et d’enthousiasme, résonne l’appel solennel à une action commune :
Il y a donc une haute nécessité à nous vivre caribéens dans nos imports-exports vitaux, à nous penser américains pour la satisfaction de nos nécessités, de notre autosuffisance énergétique et alimentaire. L’autre très haute nécessité est ensuite de s’inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n’est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d’un dogme. La haute nécessité est de tenter tout de suite de jeter les bases d’une société non économique, où l’idée de développement à croissance continuelle serait écartée au profit de celle d’épanouissement ; où emploi, salaire, consommation et production seraient des lieux de création de soi et de parachèvement de l’humain. Si le capitalisme (dans son principe très pur qui est la forme contemporaine) a créé ce Frankenstein consommateur qui se réduit à son panier de nécessités, il engendre aussi de bien lamentables « producteurs » – chefs d’entreprise, entrepreneurs, et autres socioprofessionnels ineptes – incapables de tressaillements en face d’un sursaut de souffrance et de l’impérieuse nécessité d’un autre imaginaire politique, économique, social et culturel. Et là, il n’existe pas de camps différents. Nous sommes tous victimes d’un système flou, globalisé, qu’il nous faut affronter ensemble. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et producteurs portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible, cette haute nécessité qu’il nous faut réveiller, à savoir : vivre la vie, et sa propre vie, dans l’élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant.31
Tirade dont l’énergie discursive s’apparente à celle d’une adresse proclamée lors d’un rassemblement politique, le passage ci-dessus repose sur des procédés rhétoriques propres à la l’art oratoire, tels que l’anaphore (celle du couple « haute nécessité ») qui confère aux trois premières phrases le rythme spécifique d’une amplification solennelle, ou bien l’usage du pronom « nous » dont le rôle consiste, dans les dernières phrases, à englober les émetteurs et les destinataires du discours dans une vision fédératrice d’une communauté de militants et fervents défenseurs d’une organisation socio-politique visant l’épanouissement total des individus et de toute la société32. De plus, les auteurs du texte n’hésitent pas à se servir de tournures inédites ou extraordinaires dont le caractère inventif permet d’intensifier la radicalité des jugements (« la plénitude hystérique d’un dogme », pour définir le capitalisme, ou « Frankenstein consommateur », pour qualifier l’homme soumis à cet ordre hégémonique. La verve discursive de ce manifeste de 2009 est celle d’une protestation directe, d’une manifestation de rue. Intellectuels et écrivains, Glissant et Chamoiseau tentent ainsi de rejoindre les manifestants, de se solidariser avec leur colère en ajustant la forme de leur texte à celle des grèves qui ont eu lieu en janvier de la même année à Fort-de-France ou à Basse-Terre. Par là même, ils cherchent aussi à donner à leur intervention la dimension d’une action concrète et palpable, celle d’une voix intellectuelle de soutien aux revendications du peuple antillais.
Insurgé contre la réduction de l’être humain au statut d’un mécanisme biologique soumis à la logique productiviste, le manifeste de 2009 promeut « le Poétique » comme l’un des deux grands principes censés régir la nouvelle organisation socio-économique et politique des Antilles (et du monde) à venir. Principe fondateur au niveau du contenu, « le poétique » imprègne également le style du manifeste où l’on observe, à côté de la rhétorique de résistance et de combat, une forte métaphorisation du propos et une intensification du pouvoir évocateur du discours. C’est dans les passages critique vis-à-vis du système capitaliste que se fait le mieux sentir cette propension aux images fortes, voire choquantes. Ces dernières sont censées dénoncer la complexité tortueuse, déroutante et menaçante du capitalisme, comparé à un « labyrinthe obscur et indémêlable » propice à la manipulation, à l’exploitation et à la mise en place du « camps sans barbelés du chômage structurel »33. Par références ou analogies, « dans une densité poétique péremptoire »34, les auteurs du manifeste rendent compte du caractère cynique, impitoyable et oppressif du capitalisme qui, dans le contexte néocolonial des Antilles, devient un « nuage de voracités »35, une force fantomatique aussi agressive qu’invisible car dispersée dans les méandres politico-économiques contemporains globalisés.
Or, les auteurs du « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » recourent également à une autre tonalité poétique, plus lumineuse et prometteuse. Dans les passages dédiés à la construction d’un avenir alternatif, le texte, ancré dans une téléologie utopique pleinement assumée, tente d’aspirer le lecteur/destinataire dans une vision qui enchante par son ampleur :
[…] quand nous nous serons débarrassés du dogme marchand, les avancées technologiques (vouées à la sobriété et à la décroissance sélective) nous aiderons à transformer la valeur-travail en une sorte d’arc-en-ciel, allant du simple outil accessoire jusqu’à l’équation d’une activité à haute incandescence créatrice. Le plein-emploi ne sera pas du prosaïque productiviste, mais il s’envisagera dans ce qu’il peut créer en socialisation, en autoproduction, en temps libre, en temps mort, en ce qu’il pourra permettre de solidarités, de partages, de soutiens aux plus démantelés, de revitalisations écologiques de notre environnement…36
Résolument idéaliste, le texte expose la croyance en un avenir glorieux car égalitaire et universel où le travail, soustrait au dictat de la productivité, cessera d’être aliénant et offrira à l’homme la plénitude du choix. Imprégnée d’optimisme révolutionnaire, cette vision tire une part de son attrait d’un style hautement coloré et expressif recourant à des formules hors du commun (« activité à haute incandescence créatrice »), et d’une puissance évocatrice qui se laisse également saisir dans l’effet d’accumulation de l’énumération finale. Cette dernière amplifie l’aspect visionnaire du propos, et en même temps, rythme le discours qui devient incantatoire et prophétique.
Entre dénonciation d’un présent insoutenable et promesse d’un avenir meilleur, « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » se donne à lire comme un texte à la fois classique (par son échafaudage compositionnel et rhétorique) et innovant, notamment à travers une esthétique inhabituelle mêlant l’analyse socio-économique et la métaphorisation, la proclamation politique, et le lyrisme d’une vision poétique idéalisée. Aussi se trouve-t-on face à un écrit hybride, voire hétérogène qui, tout comme les essais de Glissant et de Chamoiseau évoqués au début du présent article, frappe le lecteur, l’interpelle par son idéalisme et sa forme discursive qui semble être consciemment conçue pour transcender les codes et les normes et ouvrir par là même un espace de réflexion au-delà de l’horizon idéologique standard. Inspirer en provoquant, inviter à dépasser les limites imposées par la doxa politique et économique contemporaine, briser les présupposés de la pensée capitaliste et imaginer un monde nouveau – tels semblent être l’intention de Glissant et Chamoiseau, et le sens de leur engagement par l’écriture. Intellectuels postcoloniaux par excellence37, situés à la croisée des cultures, des imaginaires et des rapports de force entre le centre dominant et ce lieu de paradoxes que sont les Antilles, les deux auteurs tentent de démêler la complexité de la situation des Caraïbes francophones, de saisir les contradictions qui déterminent la réalité socio-culturelle et politico-économique de cette région, et de proposer un projet salvateur. Fidèles à leurs engagements passés, Glissant et Chamoiseau réaffirment ainsi leur posture d’opposition à tout système hégémonique, totalisant et homogénéisant. Comme le constate Edvy Plenel,
[d]epuis la Caraïbe, cet archipel qui fut le lieu de bascule dans notre modernité d’un monde en relation, à la fois fini, commun et marchand, pour le meilleur et pour le pire, Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau n’ont cessé d’inventer une poétique de la politique. Une politique qui soit d’horizon et d’échappée, plutôt que d’assignation et de repli. Une politique d’élévation et d’émancipation qui se refuse aux langues mortes du pouvoir et de la puissance. Une politique où l’égalité n’est plus l’alibi de l’uniformité. Une politique du divers et du pluriel.38
Les Manifestes, et notamment « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité » apparaissent ainsi comme une fervente prise de position en faveur de la pensée (et de la poétique) de la Relation qui, à travers la créolisation, privilégie non plus le global plafonnant et subjuguant le local, mais inversement, le local qui, par la mise en relation avec d’autres lieux du monde, fonderait une globalité plurielle. En désamorçant toute velléité hégémonique, la voie proposée par Glissant et Chamoiseau serait celle de l’échappée à l’uniformisation et de l’affirmation de la multiplicité des cultures, des sensibilités et des modes de vie, au-delà des dictats réducteurs de la pensée productiviste. Pour inviter à imaginer cette réalité alternative, les deux auteurs se servent d’un discours lui-même créolisé, suspendu entre le réalisme et l’utopie, entre l’oralité et l’écriture, entre la proclamation politique et l’imprécation prophétique. En somme, entre le prosaïque et le poétique.
Références bibliographiques
- Abastado, C., 1980, « Introduction », Littérature, 39, octobre 1980, p. 3-11.
- Chamoiseau, P. et Confiant, R., 1991, Lettres créoles. Tracées antillaises et continentales de la littérature 1635-1975, Paris, Hatier.
- Chamoiseau, P., 1997, Écrire en pays dominé, Paris, Gallimard.
- Corio, A., 2010, « De l’Éloge de la créolité au manifeste Pour une littérature-monde », Francofonia, 59, p. 75-86.
- Demers, J. et McMurray, L., 1986, L’Enjeu du manifeste : le manifeste en jeu, Longueuil : Éditions du Préambule.
- Fabre, G., 2011, « Parti pris et Maspero », Bulletin d’histoire politique, 19, no 2, avril 2011, p. 87-96.
- Fanon, F., 1956, « Racisme et culture », Présence Africaine, 8/10/1956, p. 122-131.
- Glissant, E., 1981, Le Discours antillais, 4e éd., Paris, Gallimard (rééd. 1997).
- Glissant, E., Chamoiseau P., Juminer, B. et Delver, G., 2021a,« Manifeste pour un projet global » dans Glissant, E. et Chamoiseau, P., Manifestes, Paris, La Découverte et Les Éditions de l’Institut du Tout-Monde, p. 1-9.
- Glissant, E., Chamoiseau, P., et al., 2021b, « Manifeste pour les “produits” de haute nécessité », dans Glissant, E. et Chamoiseau, P., Manifestes, Paris, La Découverte et Les Éditions de l’Institut du Tout-Monde, p. 1-12.
- Gradhiva, no 10/2009, numéro spécial « Présence africaine. Les conditions noires : une généalogie des discours ».
- Heimpel, R. S., 2001, Généalogie du manifeste littéraire, New Orleans, University Press of the South.
- Joubert, J.-L., 2005, Édouard Glissant, Paris, Association pour le développement de la pensée française.
- Kesteloot, L., 2001, Histoire de la littérature nègro-africaine, Paris, Karthala/AUF (rééd. 2004).
- Mbégane Ndour, E., 2021, « Glissant, Édouard & Chamoiseau, Patrick. 2021. Manifestes – compte rendu », Études françaises en Afrique australe, 51.1.
- Murphy, D. (dir.), 2016, The First World Festival of Negro Arts, Dakar 1966: Contexts and Legacies, Liverpool, Liverpool University Press.
- Obszyński, M., 2016, Manifestes et programmes littéraires aux Caraïbes francophones. En/jeux idéologiques et poétiques, Boston/Leyden, Brill/Rodopi.
- Plenel, E., 2021, « Une poétique de la politique – Postface », dans Glissant, E. et Chamoiseau, P., Manifestes, Paris, La Découverte et Les Éditions de l’Institut du Tout-Monde, p. 1-5.
- Ponzanesi, S., 2021, « Postcolonial intellectuals : new paradigms », Postcolonial Studies, 24:4, p. 433-447. URL : https://doi.org/10.1080/13688790.2021.1985232
- Satoshi H., 2020, « Chronique de l’engagement de l’écrivain : Édouard Glissant au milieu de l’autonomisme des Antillais à Paris (1959-1962) », dans Noudelmann, F., Yann, T. et Simasotchi-Bronès, F. (dir.), Archipels Glissant, Paris, Presses universitaires de Vincennes, p. 125-139.
Notes
Les recherches qui sont à la base du présent article ont été financées dans le cadre de la bourse de recherche Sonata (n° 2020/39/D/HS2/00638), accordée par le Centre National de la Science, Pologne (National Science Center, Poland). Dans le cadre de la politique de libre accès, l’auteur a appliqué une licence de droit d’auteur public CC-BY à toute version du manuscrit accepté par l’auteur (AAM) découlant de cette soumission.
- La maison d’édition La Découverte est héritière et continuatrice des Éditions Maspero. Fondées en 1959 par François Maspero, ces dernières ont publié dans la seconde moitié du XXe siècle, certaines auteurs phares de la lutte révolutionnaire, anti-impériale et anticoloniale, tels que Paul Nizan, Frantz Fanon, Che Guevara. À travers divers réseaux de coopération ou d’échange avec, entre autres, les Éditions Parti pris au Québec ou Groove Press à New York, les éditions Maspero ont contribué à la diffusion de la pensée de gauche radicale dans différentes parties du monde. Cf. Fabre, 2011, p. 87-96.
- Un manifeste peut être défini comme un texte dans lequel un groupe ou un mouvement social, politique ou littéraire proclame son existence et son projet, et qui est explicitement désigné comme tel par une mention générique dans le titre ou le corps du texte. Cf. Abastado, 1980, p. 3-11 ; ainsi que Heimpel, 2001. Pour un panorama général des typologies du manifeste littéraire, voir : Obszyński, 2016, p. 13-42.
- Il s’agit en particulier de deux textes : « De loin… Lettre ouverte au ministre de l’Intérieur de la République française à l’occasion de sa visite en Martinique » et de « L’intraitable beauté du monde – Adresse à Barack Obama ».
- Cf. Edvy Plenel, « Une poétique de la politique – Postface », in : Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, Manifestes, Paris : La Découverte et Les Éditions de l’Institut du Tout-Monde [version numérique ePUB], p. 1-5.
- Fondée en 1947 par Alioune Diop, Présence Africaine est vite devenue la principale tribune de l’intelligentsia noire du monde francophone des années 1950 et 1960 ainsi qu’une institution de la vie socio-politique et culturelle des Noirs de Paris de la même époque. Cf. Gradhiva, no 10/2009, numéro spécial « Présence africaine. Les conditions noires : une généalogie des discours ».
- Organisés par le milieu intellectuel groupé autour d’Alioune Diop et de Présence africaine, les deux congrès ont été particulièrement importants dans l’histoire du panafricanisme, notamment sur le plan des analyses de la culture africaine. Les participants au congrès à Rome ont également formulé l’idée d’organiser un grand festival de célébration de la richesse culturelle de l’Afrique ce qui aboutira au Premier festival mondial des arts nègres, tenu en 1966 à Dakar. Trois autres manifestations similaires suivront : le Premier festival panafricain (Alger, 1969), le festival Zaïre 74 (Kinshassa, 1974) et le Second festival mondial des arts nègres (Lagos, 1977). Cf. Murphy (dir.), 2016.
- Hirota, 2020, p. 125-139.
- Un panorama explicatif de l’œuvre et de la pensée de Glissant est à retrouver dans : Joubert, 2005.
- Chamoiseau et Confiant, 1991, p. 167.
- Corio, 2010, p. 75-86.
- Chamoiseau, 1997, p. 302.
- Chamoiseau et Confiant, 1991, p. 204.
- Le texte, cosigné par Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Bertène Juminer et Gérard Delver, a été par la suite réédité dans le journal Le Monde.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021a, p. 7.
- Glissant, 1981 (1997), p. 654.
- Glissant, Chamoiseau et al.,2021a, p. 4.
- Dans « Racisme et culture », une communication présentée lors du Premier congrès des écrivains et noirs à Paris en 1956, parue par la suite dans la revue Présence Africaine, Fanon avance que la disparition du racisme et de la dégradation des peuples colonisés est strictement conditionnée par la lutte anticoloniale qui, elle, doit être entreprise par les sociétés colonisées elles-mêmes. Fanon insiste ainsi sur l’importance de la mobilisation interne des colonisés, sans laquelle toute libération ne sera que partielle car soit accordée soit imposée par la puissance colonisatrice. Ce raisonnement sera également au fondement de sa conception de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, développée dans Les Damnés de la terre. Cf. Fanon,1956, p. 122-131.
- Fondée en 1932 par René Ménil, Jules-Marcel Monnerot et Étienne Léro, trois étudiants martiniquais séjournant à Paris, anciens collaborateurs de La Revue du monde noir, Légitime défense n’a eu qu’un seul numéro, qui, pourtant, en raison du caractère inflammatoire des revendications y présentées, fut une source d’inspiration décisive pour les intellectuels noirs francophones, tels qu’Aimé Césaire ou Léopold Sédar Senghor, futurs fondateurs de la négritude, et constitua un événement majeur de l’histoire des mouvements anticoloniaux dans l’espace socio-politique français. Cf. Kesteloot, 2001 (2004), p. 18-19.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021a, p. 5.
- Par rapport, bien entendu, à la doxa du capitalisme néolibéral.
- En plus de Glissant et Chamoiseau, le manifeste est signé par Ernest Breleur, Serge Domi, Gérard Delver, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021b, p. 10.
- Il est important de noter que la vision présentée dans le texte s’étend, à l’instar d’Éloge de la créolité sur d’autres territoires, notamment La Réunion.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021b, p. 2.
- Ibid, p. 3.
- Ibid, p. 10.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021a, p. 3.
- Demers et McMurray, 1986, p. 62-85.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021a. p. 1.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021b, p. 3.
- Ibid., p. 6.
- Le caractère oral du manifeste est aussi attesté par Edvy Plenel qui, dans sa postface, affirme qu’il ne faut pas « […] hésiter à lire à voix haute ces Manifestes, à les dire et à les réciter, de préférence à plusieurs […]. Ils sont même faits pour cela, être dits autant que lus […] ». Plenel, 2021, p. 4.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021b, p. 8.
- Mbégane Ndour, 2021, p. 179.
- Glissant, Chamoiseau et al., 2021b, p. 5.
- Ibid., 8.
- Selon Engin Isin, l’un des traits caractéristiques d’un intellectuel postcolonial serait sa position transversale entre le centre et la périphérie. Cf. Ponzanesi, 2021, p. 433-447.
- Plenel, 2021, p. 1.