Relire-Relier est né de la fascination de l’artiste pour les particularités graphiques des inscriptions : abréviation, élision, formes graphiques mêlant entrelacements, inclusions, jeux d’échelle. Cette mise en œuvre visuelle et matérielle du langage, si particulière, contrarie, pour le non-initié, l’accès au message inscrit, comme si l’écriture épigraphique relevait d’une langue du secret : l’inscription comme cryptographie, voilà une première clé d’entrée, assumée, dans l’œuvre de Naomi Melville. L’autre tient dans l’impression d’un geste d’écriture guidé par une logique du fragment, puisque ces textes épigraphiques ne donnent à voir jamais plus qu’une partie d’un tout. Cette appréhension de l’inscription trouve sa résonnance dans une pratique attestée entre le XIIIe et le XVIe s. dans toute l’Europe : des textes sacrés hébraïques ont été tronqués et réutilisés comme reliure pour des livres de notaire. C’est cette relation entre un lisible-visible résiduel et son origine – un texte entier où tous les mots seraient développés, le livre sacré – qui anime le dispositif mis en place par Naomi Melville. Relire-Relier montre ainsi deux textes descriptifs, en partie abrégés, se développant sur un morceau de bois brut (◉36) : l’un, se réfère à l’inscription qui accompagne un plat de reliure d’un livre liturgique du XIIe siècle (◉37), l’autre à un fragment de manuscrit hébreu du XVe s. retrouvé plié dans la reliure d’un livre notarial espagnol (◉38). Ces deux textes, le premier courant sur toute la tranche de la chute de bois (◉39), l’autre sur ses faces (◉40), finissent alors par se croiser. Les mots RELIRE-RELIER, gravés à la verticale, les recoupent tout en les unissant (◉41). Le procédé convoque les modalités de création, mais aussi de lisibilité, communs à ces deux objets graphiques (l’inscription, l’extrait manuscrit) : l’élision, la fragmentation, le déchiffrage. Écho de l’intérêt de l’artiste pour la force poétique du langage, son incarnation matérielle et partant son expérience spatiale (◉42), la pièce s’inscrit dans une recherche plus large des résonnances entre différents motifs formels ou textuels, à travers le temps de l’histoire, indépendamment des cultures de référence.