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Stratégies de l’auteur-traducteur Samuel Beckett face au double ou multiple sens : le cas de Company/Compagnie

Stratégies de l’auteur-traducteur Samuel Beckett face au double ou multiple sens : le cas de Company/Compagnie

par

Introduction : Samuel Beckett et Company/Compagnie1

Samuel Beckett (1906-1989), écrivain et dramaturge d’origine irlandaise, a écrit et (auto)traduit ses textes principalement en deux langues : anglais et français. Après son émigration en France en 1937 et le subséquent « siège dans la chambre »2, il changea sa langue d’écriture de la première version et commença, à partir des années 1940, à écrire en français, langue qu’il a acquise. Le « passage au français » était un événement important, mais non pas un choix définitif : il a connu le « retour à l’anglais » dans les années 1960. Pendant toute sa carrière, il fit des va-et-vient entre les deux langues.

Parmi les nombreuses œuvres de Beckett, penchons-nous sur Company/Compagnie. Ce texte a été écrit et traduit à la fin des années 1970. Il appartient à la période du bilinguisme mixte de Beckett dans laquelle il écrivait et autotraduisait en entrecroisant les deux langues3. La version anglaise a été écrite en premier à partir de mai 1977 avec plusieurs pauses et reprises, pour finalement être achevée fin juillet 1979. En revanche, Beckett a entrepris la version française le 3 août 1979, dès la version anglaise finie. Seulement 24 jours plus tard, la version française Compagnie est achevée, avec une relative fluidité par rapport à la première version. Il est à noter que la publication de la version française, soit la version autotraduite, devance celle de la version anglaise, soit l’original4. Cela résulte en un « chevauchement chronologique inhabituel »5 où l’ordre conventionnel entre l’original et la traduction est renversé6.

Cette œuvre Company/Compagnie, considérée comme l’une des plus autobiographiques de Beckett, est difficile à qualifier sur un plan littéraire. Il s’apparente au roman, mais Beckett apporte parfois des éclairages inattendus qui relèvent du théâtre et du cinéma. Du fait que les souvenirs racontés sont les siens, mais avec une narration spécifique, les questions se posent sur sa nature ; est-elle une autobiographie, une autofiction, une autobiografiction ou encore une autographie ?

La construction de la prose est intéressante. Le texte est composé de 59 « fragments »7. On aurait pu s’attendre à en trouver 60, du fait que Beckett est très intéressé par l’écoulement du temps. Il aurait pu reprendre l’idée de fractionnement d’une heure en 60 minutes. Le terme « fragment » correspond également au déroulement du texte. En citant les mots de Louis Hay, Georgina Nugent-Folan compare Company/Compagnie à une « écriture à programme »8. À partir de l’observation des manuscrits en anglais, elle conclut que Beckett a établi le plan avant la rédaction9. Dans la majeure partie, les fragments suivent ce plan, l’auteur-traducteur ayant prédestiné chaque fragment à l’un des personnages. Trois personnages animent l’œuvre : A est l’entendeur-créature (hearer-creature), B est l’imaginant-imaginé (devised-deviser), et V la voix (voice)10. Le système de « personnes » est défini en amont et la narration s’y conforme, à quelques exceptions près. La voix V s’adresse à l’entendeur-créature A en utilisant la deuxième personne, le « you » anglais et le « tu » français ; elle narre des histoires ou des scènes du passé qui sont censées appartenir à A. La métanarration raconte les conditions de l’entendeur, la configuration de la fiction, entre autres aspects. Une ambiguïté existe, car Beckett met aussi en scène mystérieusement et sporadiquement un autre personnage, « l’autre », ainsi appelé en français et appelé « the cankerous other » en anglais. Ce personnage, probablement B dans le plan initial, s’adresse à la troisième personne.

En examinant les exemples de « lie » et « gésir » ainsi que de « still » et « encore » tirés de Company/Compagnie, nous allons étudier comment Samuel Beckett a utilisé le double ou le multiple sens dans la première version en anglais et comment il l’a rendu en français en tant qu’autotraducteur créatif. Cette analyse va mettre en évidence à quel point Company/Compagnie illustre la poétique de l’« autotraduction » chez Beckett, à la fois dans le sens propre et métaphorique.

« lie » et « gésir »

« lie » et le mensonge

Examinons un premier cas de double sens avec les verbes anglais-français, « lie »/« gésir ». Dans Company, le narrateur dit « You lie… ». Le verbe anglais « to lie » signifie à la fois « mentir » ou « s’allonger ». Le double sens n’apparaît pas tout de suite ; des étapes préparatoires existent avant de suggérer la polysémie. Au début du récit, dans le fragment 2, le narrateur fixe d’abord la position allongée de l’entendeur en disant : « You are on your back in the dark »11 et il reprend cette expression en citation12, autotraduite dans la version française par « Tu es sur le dos dans le noir »13.

À partir du fragment 29, la narration change de tournure : « The light there was then. On your back in the dark the light there was then. […] You lie in the dark and are back in that light. […] You lie in the dark and are back in that light. »14 Le narrateur pose discrètement le mot « lie », comme si l’expression « on your back » était paraphrasée. Celle-ci est remplacée par « lie », mais le mot « back », également polysémique, est maintenu pour exprimer l’idée que l’entendeur est à nouveau dans la lumière. Il est clair que « lie » indique la posture horizontale du corps dans le fragment 4115. Ici, cette posture est opposée aux autres postures diverses : la levée, l’adossement contre le mur, le va-et-vient, et de nombreuses autres postures similaires. Toutefois, par rapport à la problématique que pose le récit autobiographique Company/Compagnie, il est probable que cela ne soit pas sans arrière-pensée16.

Quelle que soit l’appellation − autobiographie, autofiction, récit autobiographique, autographie, ou toute autre variation du genre littéraire − le genre littéraire « autobiographie » se confronte sans exception au dilemme du menteur. Les histoires racontées par le narrateur manifestent sa triple identité, le « je » auteur/narrateur/personnage principal, caractéristique de ce type d’écriture17. Pourtant, dès qu’une histoire est racontée, elle devient une représentation ; le temps vécu et le temps de narration diffèrent ainsi que la subjectivité de la personne qui vit et qui raconte aussi. Par la bouche du conteur qui parle, ou par la plume de l’auteur qui écrit, le récit est -inventé.

C’est la raison pour laquelle le remplacement de « on your back » par le verbe « lie » est significatif. Ici, comme on peut le lire dans le fragment 3 ci-dessous, les souvenirs de l’auteur Beckett sont narrés à la deuxième personne, non pas à la première comme dans le récit autobiographique traditionnel :

Use of the second person marks the voice. That of the third that cankerous other. Could he speak to and of whom the voice speaks there would be a first. But he cannot. He shall not. You cannot. You shall not. L’emploi de la deuxième personne est le fait de la voix. Celui de la troisième celui de l’autre. Si lui pouvait parler à qui et de qui parle la voix il y aurait une première. Mais il ne le peut pas. Il ne le fera pas. Tu ne le peux pas. Tu ne le feras pas.18

Dans les fragments 12 et 23, la première personne du singulier émerge : « Yes I remember/Oui je me rappelle »19. En revanche, elle peut n’être que silence, voire même dénégation, comme nous l’avons vu dans la pièce de théâtre Not I/Pas moi. Mais dans le fragment 28 de Company/Compagnie, une autre voix s’élève et décide d’un ton impératif : « Unnamable. Last person. I. Quick leave him./Innommable. Toute dernière personne. Je. Vite motus. »20 Dès que la première personne du singulier est évoquée, une voix ordonne de l’éviter ou de s’enfuir. De même, dans le fragment 58, la première personne du pluriel est bannie.

You do not murmur in so many words, I know this doomed to fail and yet persist. No. For the first personal singular and a fortiori plural pronoun had never any place in your vocabulary. Tu ne te murmures pas mot à mot, Je sais voué à l’échec ce que je fais et néanmoins persiste. Non. Car la première personne du singulier et incidemment à plus forte raison du pluriel n’ont jamais figuré dans ton vocabulaire.21

Cet enjeu de la personne gagne en importance par le truchement d’une figure « autre » qui est en anglais dans Company « devise […] the fable », en français dans Compagnie « imagine […] la fable ». Ce récit prétend être une fable au lieu d’être les mémoires d’une personne22. Le narrateur imagine au lieu de se souvenir, ce qui sape le fondement même de l’autobiographie23. Cet « autre » invite le lecteur à s’interroger sur la véracité de la narration et de la métanarration. Nous verrons plus loin que ce mode de narration, la définition du mensonge évoquée par « lie » dans la version anglaise, se retrouve avec plus d’intensité dans l’autotraduction de « still ».

« gésir » et la mort

Poursuivons l’étude des doubles sens avec un autre aspect qui entre en jeu : la vie et/ou la mort. Dans la version autotraduite française de Compagnie, le côté fictionnel/factuel du texte autobiographique est absent. Pour rendre le verbe « lie » en anglais dans le fragment 29, l’autotraducteur Beckett a choisi le verbe « gésir » : « La lumière qu’il y avait alors. Sur ton dos dans le noir la lumière qu’il y avait alors. […] Tu gis dans le noir dans cette lumière à nouveau. […] Tu gis dans le noir dans cette lumière à nouveau. »24 Dans le fragment 41, la traduction du verbe est à l’infinitif.

Should he now decide to lie and come later to regret it could he then rise to his feet for example and lean against a wall or pace to and fro? Si maintenant il se décidait à gésir et qu’il en vint plus tard à le regretter pourrait-il alors se mettre debout par exemple et s’appuyer contre un mur ou faire les cent pas ?25

L’autobiographie traite d’habitude de la vie de l’auteur, mais le mot « gésir » est couramment employé pour décrire une personne décédée sur la pierre d’épitaphe. Les stèles funéraires portent l’inscription « Ci-gît… », évoquant ainsi un poème de Beckett écrit initialement en 1938 : « Ci-gît qui y échappa tant/Qu’il n’en échappe que maintenant »26, lequel fut ultérieurement inséré dans la nouvelle intitulée Premier Amour, écrit dans les années 194027. De plus, l’entendeur « you » est présenté comme déjà résidant dans la tombe, « dans le noir » « avec les yeux fermés ». De cette manière, tant l’autotraduction en français que la version initiale en anglais sont associées à la mort. Cette thématique est également abordée par Beckett dans A Piece of Monologue/Solo, comme en témoigne sa première phrase. Avant d’arriver à la phrase « Birth was the death of him. » dans la version anglaise, le manuscrit présente plusieurs variantes : « My birth was my death. », « My birth was the death of me. », « Birth was my death. », et bien d’autres28. Ces tentatives montrent que la narration autobiographique beckettienne et la mort sont enchevêtrées, comme le suggère Pascale Sardin-Damestoy : « La mort […] se trouve en effet au centre de la problématique du bilinguisme beckettien. »29

Revenons au mot « gésir ». Ce verbe choisi dans l’autotraduction Compagnie renforce le côté macabre déjà présent dans l’original et dans l’univers beckettien. Plus spécifiquement, sur le plan langagier, alors que le verbe « lie » est un mot banal avec un double sens, le verbe « gésir » dans la version française est, pour les lecteurs français, inhabituel et même surprenant. Le verbe est traduit pas moins de six fois à l’infinitif, alors qu’il ne s’emploie, dans le langage courant, qu’au présent, à l’imparfait et au participe présent (git, gisait, gisant) dans Compagnie. On peut expliquer le verbe « gésir » dans l’autotraduction comme une stratégie de défamiliarisation.

La stratégie de défamiliarisation provient des formalistes russes. Au fil du temps, cette notion fut reprise et reproduite par différents théoriciens, notamment par Bertolt Brecht. Celui-ci établit la théorie du Verfremdungseffekt, terme qui signifie l’effet de distanciation et d’aliénation, souvent traduit en français par « défamiliarisation ». La défamiliarisation, définie par l’auteur allemand comme l’élément essentiel de l’art, empêche volontairement l’immersion facile du public dans l’œuvre, ainsi que la compréhension aisée. Comme l’expliquent les traductologues, la défamiliarisation ou le décentrement est une revendication opposée aux tendances d’« annexion »30, de « traduction ethnocentrique »31 ou de « domestication »32. La traductologie nous éclaire sur la manière dont le traducteur se sert de la langue, voire contrôle et manipule la langue et la culture du texte de départ pour les transmettre dans la langue et la culture du texte d’arrivée. Le traducteur choisit de mettre l’accent dans son texte tantôt sur la langue et la culture de départ tantôt sur celles d’arrivée. La traduction « défamiliarisée » préserve l’inconnu ou l’étrangeté existant dans l’original et les fait ressentir dans le texte traduit, tandis que la traduction « familiarisée » les dissimule comme si le texte était écrit dans la culture de la langue d’arrivée.

Dans notre propos ici, il est important de souligner que la stratégie de défamiliarisation n’est pas totalement celle de Beckett autotraducteur dans Company/Compagnie, même si elle lui est familière dans l’ensemble de ses œuvres qui inclut les « originaux » et ses « autotraductions ». Dans sa seconde version, avec le mot « gésir », il incorpore un sentiment d’étrangeté inexistant à cet endroit-là dans la première version, mais omniprésent dans ses œuvres entières. Cette autotraduction qui incorpore sa poétique de la vie et de la mort montre sa créativité.

Pour renforcer cette impression d’étrangeté, Beckett utilise cette stratégie pour la traduction du mot anglais « prone » par le mot français « prostré » :

But once fallen and lying on his face there is no reason why he should not turn over on one or other of his sides or on his only back and so lie should any of these three postures offer better company than any of the other three. […] Prone in the dark he strains to see how best he may lie prone. How most companionably. Mais une fois bien prostré rien ne l’empêche de basculer sur l’un ou l’autre de ses deux flancs ou sur son unique dos et ainsi de gésir si l’une quelconque de ces trois postures devait s’avérer plus distrayante que l’une quelconque des trois autres. […] Prostré dans le noir il s’acharne à vouloir voir comment il peut le mieux se tenir prostré. Comment prostré le mieux se tenir compagnie.33

Dans le fragment 54 ci-dessus, « lie » est traduit une fois par « gésir » et une autre fois par « se tenir ». Alors que « prone » a plusieurs sens et est fréquemment utilisé en anglais, « prostré » est moins utilisé et moins familier dans la langue française. L’usage de ce mot en français est aussi lié au manque d’énergie mentale et physique, et à la posture chrétienne de la soumission. Cependant, à la fin du fragment, le mot « prostré » est ajouté même s’il était absent dans l’original, comme si le traducteur voulait accentuer le mot et son effet. L’emploi du langage peu courant dans la traduction suscite un sentiment d’étrangeté. Cette stratégie de défamiliarisation fait sentir une langue autre lorsque l’on parle de soi-même dans un texte autobiographique, ou même l’inquiétante étrangeté, si l’on emprunte le terme de Sigmund Freud.34

« still » et « encore »

« still » et son contraire

Le mot anglais « still » est un mot beckettien. Il est présent dans un grand nombre d’œuvres de Beckett, notamment dans les titres, Still/Immobile et Stirring Still/Soubresauts. Dans Company, le mot est utilisé comme adjectif, verbe, nom et adverbe, et signifie plusieurs choses en même temps : l’absence du son et/ou du mouvement, la persistance d’une action et/ou d’un état à un moment donné (fig. 1). Ce mot peut être un cas exceptionnel de synesthésie et Beckett l’emploie au point qu’il l’épuise quand il arrive à Worstward Ho dans les années 1980.

Figure 1.
Fig. 1.

Dans Company/Compagnie, l’expression revient 22 fois, et même 23 fois si nous incluons le mot « standstill ». Dans l’autotraduction en français, le mot « still » est majoritairement autotraduit par « encore »35 (fig. 1), ce mot français qui ne s’utilise qu’en adverbe. L’autotraducteur doit trouver d’autres formes grammaticales : par deux fois, il le remplace par l’adverbe « toujours ». Il utilise aussi deux fois le mot « silence » ainsi que les adjectifs « calme » et « inapaisable » pour la traduction de « unstillable » et « immobile ». Parfois même, « still » n’est pas traduit (fig. 2).

Figure 2.
Fig. 2.

La polysémie du mot « still » est utilisée comme un dispositif poétique par Samuel Beckett, créant un contraste entre les images de mouvement et de non-mouvement, ainsi qu’entre le son (bruit) et le silence. Cette collision évoquant l’ambiguïté devient évidente lorsque nous examinons le fragment 4836 :

You are on your back at the foot of an aspen. In its trembling shade. She at right angles propped on her elbows head between her hands. Your eyes opened and closed have looked in hers looking in yours. Still. You feel on your face the fringe of her long black hair stirring in the still air. Within the tent of hair your faces are hidden from view. She murmurs, Listen to the leaves. Eyes in each other’s eyes you listen to the leaves. In their trembling shade. Tu es sur le dos au pied d’un tremble. Dans son ombre tremblante. Elle couchée à angle droit appuyée sur les coudes. Tes yeux refermés viennent de plonger dans les siens. Dans le noir tu y plonges à nouveau. Encore. Tu sens sur ton visage la frange de ses longs cheveux noirs se remuer dans l’air immobile. Sous la chape des cheveux vos visages se cachent. Elle murmure, Écoute les feuilles. Les yeux dans les yeux vous écoutez les feuilles. Dans leur ombre tremblante.37

Ce fragment présente une autre ambiguïté que Beckett exploite en suggérant subtilement un transfert de tremblement. La traduction du mot « aspen », l’arbre contre lequel le personnage s’est adossé, appartient à l’espèce des trembles. Selon Ann Beer, Beckett avait choisi au départ un autre type d’arbre, le hêtre, mais en traduisant ce mot en français il a eu l’idée de le changer en « tremble ». Ainsi, l’auteur-traducteur met l’accent sur l’émotion des personnages par le caractère tremblant de l’arbre38. Si nous regardons de près, il est évident que « In its trembling shade/Dans son ombre tremblante » au début du fragment devient à la fin « In their trembling shade/Dans leur ombre tremblante », lorsque les regards sont échangés. Les vibrations spontanées de l’arbre rejoignent les émotions des personnages, et peut-être le tremblement physique provoqué par celles-ci. Par le processus d’autotraduction de l’anglais vers le français, Beckett approfondit son esthétique liée à la polysémie bilingue. De plus, nous constatons un cycle intra-intertextuel39, une confluence transtextuelle ou une corrélation latérale40 entre la (ou les) version(s) en anglais Company et la (ou les) version(s) en français Compagnie. L’acte d’autotraduction chez Beckett devient un moyen de réviser sa première version ou l’« original », en y apportant des changements pour éventuellement modifier encore davantage sa deuxième version.

L’utilisation de l’ambiguïté imagée de « aspen »/« tremble » est encore renforcée avec le contraste entre les deux sens du mot anglais « still », l’absence de mouvements et de sons. Dans « You feel on your face the fringe of her long black hair stirring in the still air » [nous soulignons], « stirring » et « still » ont un sens opposé : les cheveux bougent alors que l’air est en apesanteur, signifiant bien le contraste entre le mouvement et l’absence de mouvement. De la même manière, dans le fragment 9, « labour was still in swing »41, le terme « swing » (balancement) entre en opposition avec « still » qui signifie un état statique ou une activité persistante. Par ailleurs, l’auteur joue avec la similarité sonore des mots. Dans la version anglaise, en juxtaposant les mots « stirring » et « still », il utilise le son [st], allitération sifflante. En tant qu’autotraducteur, Beckett trouve des solutions différentes. À partir de la sonorité sibilante de la version anglaise, il change la qualité sonore de la version française avec un son [m] répété pris dans les mots « se remuer » et « immobile », qui rejoignent le mot « murmurer » qui suit. Nous trouvons une autre solution ailleurs dans ces deux textes. Dans le fragment 26, « Pangs of faint light and stirrings still. Unformulable gropings of the mind. Unstillable. »42 Beckett traduit ainsi : « Lueurs d’agonisant encore et tressaillements. Informulables soubresauts de l’esprit. Inapaisables. »43 Il a traduit « gropings » et « stirrings still » en utilisant des mots composés de consonnes sifflantes répétées : « gropings of the mind » devient « soubresauts de l’esprit » et « stirrings still » est traduit par « tressaillements » avec un « encore » qualifiant le mot précédent, pour rendre le double sens de « still ». [nous soulignons]  L’auteur-traducteur n’hésite pas à adapter la traduction tout en gardant le contraste et l’ambiguïté et il développe sa poétique dans, par et entre deux langues. Dans les années 1980, il reprendra ces idées dans des titres mentionnés plus haut.

Le mot « still » qui renvoie à l’absence de son contraste également avec le bruissement des feuilles d’arbre et le murmure suggéré par le personnage féminin « she » mis en scène. Dans les deux cas, le lecteur peut se demander pourquoi les cheveux et les feuilles tremblent et comment entendre le murmure puisque tout est « still », c’est-à-dire calme, sans son ni mouvement. La véracité du propos peut être sérieusement remise en question par la narration illogique typiquement beckettienne. Dans un premier temps, l’impression suggérée fait partie de la défamiliarisation déjà évoquée lors de l’autotraduction de « lie » en « gésir ». Cet illogisme joue également sur la problématique ou la contradiction du récit autobiographique. Tout en admettant que le processus de fiction existe dans l’autobiographie, Company/Compagnie nous invite à soupçonner le genre littéraire lui-même44. Ne serait-il pas tout à fait inventé comme le laisse penser le mot « lie » au sens de « mentir » dans la version anglaise Company ? Dans cette perspective, Chiara Montini aborde l’« impossibilité autobiographique » en observant que « Company/Compagnie met en scène l’autobiographie comme s’il s’agissait d’un récit impossible où le je/jeu entre les langues, dans une sorte de je/jeu pronominal et linguistique, semble dire que tout ce qui le concerne est “tu”»45. Ainsi, au cœur de Company/Compagnie réside ou se pose la problématique du genre autobiographique, voire même celle de la narration, de la fiction ou de la littérature de manière plus globale.

« encore » et « à nouveau »

Outre son sens de la durée, le mot « encore » peut aussi avoir le sens de répétition, « à nouveau ». Dans l’autotraduction du fragment 48 cité ci-dessus, « Your eyes opened and closed have looked in hers looking in yours. In your dark you look in them again. Still. You feel on your face the fringe of her long black hair stirring in the still air » [nous soulignons] est ainsi traduit en français : « Tes yeux refermés viennent de plonger dans les siens. Dans le noir tu y plonges à nouveau. Encore. Tu sens sur ton visage la frange de ses longs cheveux noirs se remuer dans l’air immobile ». [nous soulignons] La phrase composée à dessein d’un mot, « Still. », est traduit par « Encore. », mais Beckett a pris le soin d’ajouter le mot « à nouveau » dans la phrase qui précède, « Dans le noir tu y plonges à nouveau. » [nous soulignons]  Cette redondance peut être examinée de plusieurs points de vue. Elle est originairement due à la polysémie du mot « still », qui renvoie à l’immobilité et/ou à la continuité. On ne sait pas si la phrase « Still. » peut être liée à l’un des trois mots adjacents : « air », « looking » et « feel ».

D’une part, dans la version anglaise, elle sert à renforcer la comparaison entre le mouvement et le non-mouvement. Le même mot suit immédiatement la phrase, « in the still air », comme nous l’avons souligné précédemment. D’autre part, comparée à la phrase précédente, la phrase en question est liée à l’action de regarder dans les yeux de « her » qui regarde « you » : « hers [her eyes] looking in yours ». Ici, « Still. » est le prolongement de cette action. Pourtant, en français, il est impossible de rendre cette action exprimée par le participe présent anglais en utilisant un seul mot. C’est la raison de l’ajout d’une phrase entière avec la répétition du verbe « plonger ». L’adverbe « y » dans la phrase ajoutée renvoie aux yeux. En choisissant d’ajouter « à nouveau » pour renforcer « encore », les deux sens de « still », le non-mouvement et la continuité de l’action, s’annihilent. Néanmoins, une autre dimension surgit dans Compagnie : s’il s’agit d’une histoire qui se déroule dans le passé, l’action se passe encore une fois dans le présent.

Enfin, et de même, la continuité associée à « still » peut être interprétée par rapport au début de la phrase suivante, notamment si l’on prête attention au verbe « to feel ». Le personnage (« you ») qui s’allonge dans le noir est toujours en train de sentir les cheveux du passé. Ce sens de « still » est aussi lié au terme cinématographique, à savoir la photographie de film46. L’entendeur « you » voit son passé et perçoit la « scène » avec distance. Cette manière de raconter apparaît plusieurs fois dans le récit comme dans le fragment 39 : « You lie in the dark with closed eyes and see the scene/Tu gis dans le noir les yeux fermés et vois la scène. »47 Par la narration dans Company/Compagnie, « you » revit le moment, comme l’auteur qui l’écrit, puis l’autotraducteur le réécrit au présent. Les histoires du passé sont répétées par la narration au présent, la première version est répétée en étant autotraduite encore une fois au présent dans une autre langue. Lorsque Sinéad Mooney affirme à propos de Beckett que « plusieurs de ses caractéristiques stylistiques proviennent de ses traductions48, cette observation s’étend également à la relation entre l’autotraduction et l’auto(bio)graphie. À travers le processus qui consiste à traduire son propre texte ou à se traduire, l’auteur-traducteur explore non seulement les complexités de la langue, mais aussi sa propre identité et son rapport à la narration de sa vie. Dans la narration autobiographique, Beckett-auteur revit, par le truchement de l’écriture, ses moments d’enfance déjà vécus. De même, en traduisant son propre texte, Beckett-autotraducteur revit l’écriture dans une autre langue. Selon le narratologue H. Porter Abbott, Company/Compagnie ne semble pas être une autobiographie, car il est encodé comme une fiction49. Il en conclut ensuite qu’il s’agit plutôt d’une autographie50, d’une écriture de soi (« self-writing » en anglais)51. En supprimant le préfixe « bio- » qui renvoie à la narration historique, l’acte d’écrire le soi au moment présent devient plus important que la simple rétrospective de la vie. De manière similaire, Jeanette den Toonder soutient que « [l]’écriture autobiographique de Compagnie est donc surtout l’autobiographie de l’écriture »52. En conséquence, Company/Compagnie peut être considéré comme une autotraduction, une manière de se déplacer ou de se téléporter soi-même à travers l’acte d’écriture dans un autre moment, conformément à la définition métaphorique de la traduction53.

Conclusion : la poétique de l’autotraduction

Nous avons examiné les stratégies de Samuel Beckett qui, en tant qu’auteur et autotraducteur, joue avec la polysémie et l’intègre à sa poétique de narration autobiographique dans Company/Compagnie. Il est intéressant de constater comment, en utilisant le double sens du verbe « to lie », « s’allonger » et « mentir », il remet en question l’aspect autobiographique de son texte. Dans le fragment 2, il a même renié la trinité du « je » autobiographique, auteur-narrateur-personnage principal, tout en l’utilisant comme élément d’illogisme narratif. Par la polysémie de « lie », Beckett suggère que le personnage « you » ment tout au long de la narration. Cet aspect rejoint les spécificités analysées dans l’autotraduction de la phrase « Still. »

Les polysémies se développent en « expressions beckettiennes », via le va-et-vient entre les deux langues, anglais-français ou français-anglais. Beckett modifie ses textes lors des autotraductions. Il développe son esthétique en mettant en collision et en contradiction ses images et ses narrations. Ce point est parfaitement illustré dans le choix de l’arbre « tremble » et la polysémie du mot anglais « still » dans le fragment 48. Ces modifications sont rendues possibles par sa pratique bilingue « intra-intertextuelle » qui donne lieu à une « confluence transtextuelle ». Beckett profite de son privilège fondé sur le statut d’autotraducteur. Il utilise des stratégies presque inaccessibles pour un allotraducteur, telles que la défamiliarisation. Il intègre à ses « œuvres complètes » le résultat de cette réécriture dans une autre langue en le rattachant à sa poétique. L’utilisation bilingue de la polysémie est liée non seulement à Company/Compagnie, mais également aux autres textes beckettiens.

Traduire le double ou le multiple langage d’une langue est une tâche compliquée, voire impossible. Néanmoins, Beckett, autotraducteur, bénéficie d’une liberté et d’une créativité accrues qui lui permettent d’évoluer jusqu’aux confins de son propre monde artistique. Ses stratégies polysémiques sont déjà remarquables bien sûr dans l’original, celles présentes dans ses autotraductions sont d’une originalité absolue. Les deuxièmes versions composent, autant que les premières, le monde artistique beckettien. Les stratégies analysées sont inséparables des questions que pose le texte autobiographique Company/Compagnie, démontrant ainsi le rapprochement entre l’auto(bio)graphie et l’autotraduction comme une poétique comme l’art de faire chez Samuel Beckett.

Bibliographie

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Notes

  1. Ce passage fait partie du chapitre 3 de la première partie de ma thèse de doctorat, soutenue en 2024 à l’université Paris 8, intitulée « La poétique de l’auto-traduction chez Samuel Beckett : L’intra-intertextualité de Company/Compagnie ». Les idées explorées ici ont été initialement présentées lors de ma participation à la journée d’étude « Traduire le double langage : double jeu et double sens » en 2021, ce qui a joué un rôle crucial dans le développement de ma thèse.
  2. Bair, 1978, p. 294.
  3. Montini, 2009.
  4. « [A]lthough Company’s manuscript was completed before Beckett began the French version, it was Compagnie that was first to see the light of day, Beckett having subjected the text of his “originalˮ version to revisions based on the translated adaptation, which necessitated a certain delay in the publication of the originally conceived work. » (Krance, 1993, p. XX) « [A] translation that succeeds it in composition date but precedes it in publication date. » (Nugent-Folan, 2015, p. 92)
  5. Nugent-Folan, 2021, p. 33-34.
  6. Il est intéressant d’observer son épigenèse (variants ou après-textes de la version publiée), terme proposé par Van Hulle (2014). Voir Nugent-Folan (2015) pour une étude épigénétique sur six variants de Company/Compagnie.
  7. Le nom pour qualifier l’unité ou « fragment » dans Company/Compagnie diffère selon les études. Beckett lui-même a donné une note à l’imprimerie dans laquelle il les appelle les « sections ». (Nugent-Folan, 2021  p. 115) Ici, nous avons opté pour le terme « fragment » suivant l’appellation de Charles Krance, beckettien américain, afin de différencier cette unité de l’appellation habituelle de « paragraphe ».
  8. Nugent-Folan, 2021, p. 31-32.
  9. Nugent-Folan, 2021, p. 85, 91.
  10. Nugent-Folan, 2021, p. 29.
  11. Beckett, 2009, p. 3.
  12. « Although repetition-in-quotation occurs elsewhere in Beckett’s work, it is relentless in Company. The first quotation from the voice is ˮYou are on your back in the dark“, and that sentence repeats what has already been narrated, redolent of the ambiguity between “the darkˮ as lack of light and as a metaphor for consciousness. The phrase will be repeated, with variations, countless times. » (Cohn, 2001, p. 351)
  13. Beckett, 1980, p. 7.
  14. Beckett, 2009, p. 15-16. [nous soulignons]
  15. Beckett, 2009, p. 28-29 ; Beckett, 1980, p. 58-60.
  16. En étudiant l’ironie dans Company/Compagnie, Ian W. Wilson l’a également observé : « The pun (itself an ironic structure) in the English version on “lying” as both telling a lie and lying down introduces either further support for the text’s highly fictional and inconsistent nature (an additional contradiction of being supine enabling something that lying prevented) or, more likely and ironically, both. » (Wilson, 1999, p. 99)
  17. « Pour qu’il y ait une autobiographie (et plus généralement littérature intime), il faut qu’il y ait identité de l’auteur, du narrateur et du personnage. » (Lejeune, 1996  p. 15) Les problèmes rencontrés pour circonscrire l’autobiographie conduisent plus tard au concept de l’« espace autobiographique ».
  18. Beckett, 2009, p. 3-4 ; Beckett, 1980, p. 8-9.
  19. Beckett, 2009, p. 9, 13 ; Beckett, 1980, p. 20, 27.
  20. Beckett, 2009, p. 15 ; Beckett, 1980, p. 31. [nous soulignons]
  21. Beckett, 2009, p. 41 ; Beckett, 1980, p. 85-86. [nous soulignons]
  22. Solveig Hudhomme (2015) explique la fable comme le mythe ou la « mythification » de soi dans l’œuvre beckettienne. Cela n’est pas sans rapport avec le narrateur dans Le Calmant qui évoque un mythe ou une fable en racontant son passé.
  23. « Besides the fragmentation of life memories this text displays, which already questions the linearity and coherence of this specific type of narrative, Company undermines the very basis of autobiography, by denunciating what is said as being, at all levels, a mere fable and by consequently questioning the possibility of even saying (and writing) “Iˮ in the first place, as well as of identifying the author with the narrator or with the character of the text. » (Della Casa, 2017, p. 19)
  24. Beckett, 1980, p. 32-33. [nous soulignons]
  25. Beckett, 2009, p. 28 ; Beckett, 1980, p. 59-60. [nous soulignons]
  26. Beckett, 2012, p. 225.
  27. Beckett, 1970, p. 10.
  28. Krance, 1993.
  29. Sardin-Damestoy, 2002, p. 17.
  30. Meschonnic, 1973.
  31. Berman, 1984.
  32. Venuti, 1995.
  33. Beckett, 2009, p. 36-37 ; Beckett, 1980, p. 77-78. [nous soulignons]
  34. Le lien entre l’inquiétante étrangeté (unheimlich) et l’autotraduction est bien expliqué dans l’ouvrage de Sardin-Damestoy (2002).
  35. Brian T. Fitch observe que l’ambiguïté dans la version en anglais est résolue dans la version en français. Par exemple, il analyse une phrase où « still » est autotraduit en « encore » qui signifie « la continuité temporaire » et non pas « l’immobilité spatiale » et il conclut que le double sens est beaucoup plus prononcé dans la version en anglais. (Fitch, 1988, p. 105).
  36. Les mots encadrés grisés symbolisent le non-mouvement et le silence, et ceux dans les cases claires, le mouvement et le son. On renvoie au fragment 48 jusqu’à la fin de cette partie.
  37. Beckett, 2009, p. 31 ; Beckett, 1980, p. 65-66. [nous soulignons]
  38. « Originally in the manuscript, this tree was “a great beech.ˮ Yet while translating the early draft into French Beckett had a sudden perception, possibly aroused as he played with French tree names, of a tree particularly apt to be evoked for the fragility and delicate movement of its leaves. In French this is “un trembleˮ : “au pied d’un tremble. Dans son ombre tremblante.ˮ He then returned to the English original and added, in a different ink in the margin, “Aspen.ˮ The “tremblingˮ of the name is not present in English, yet the image of the tree itself adds to the scene’s effect, an aspen being more obviously associated with quickly fluttering, delicate leaves than a beech. The trembling which is so effective in adding to the emotional atmosphere gains visual strength in English, and both visual and verbal support in French. » (Beer, 1991, p. 779)
  39. Je me réfère à ce que Brian T. Fitch (1988) a nommé l’« intra-intertextualité » chez l’œuvre bilingue beckettienne.
  40. Charles Krance, après son examen des manuscrits de Company/Compagnie et de A piece of monologue/Solo, constate un phénomène de « confluence transtextuelle (transtextual confluence) » chez Beckett. (Krance, 1993, p. XIX-XXIV) Plus tard, il observe que la collatéralité est également présente dans l’ensemble de textes beckettiens après avoir étudié les manuscrits de Mal vu mal dit/Ill Seen Ill Said. (Krance, 1997)
  41. Beckett, 2009, p. 7.
  42. Beckett, 2009, p. 14.[nous soulignons]
  43. Beckett, 1980, p. 29.[nous soulignons]
  44. Néanmoins, la version française Compagnie est incluse dans l’« autobiographie en France : auteurs nés après 1885 » par Philippe Lejeune. (Lejeune, 2010, p. 102)
  45. Montini, 2015, p. 93.
  46. Sur l’analyse cinématographique ou la « cinécriture » de Company/Compagnie, voir Deirdre Flynn (2016).
  47. Beckett, 2009, p. 24 ; Beckett, 1980, p. 51.
  48. « Many of his stylistic signatures derive from his translations » (Mooney, 2011, p. 25).
  49. Abbott, 1987, p. 120.
  50. Tout en s’appuyant sur cette théorie, Nugent-Folan explore le lien entre l’autographie de Samuel Beckett et celle de Gertrude Stein dans son article (2022) et dans son ouvrage (2023).
  51. Abbott, 1996, p. X.
  52. Den Toonder, 1996, p. 145.
  53. Cette définition de l’auto(-)traduction est une impression partagée parmi certains beckettiens dont Krance (1993, 1997), Sardin-Damestoy (2002), Montini (2007, 2015), Della Casa (2017) et Nugent-Folan (2021).
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Pau
Chapitre de livre
EAN html : 9782353111688
ISBN html : 978-2-35311-168-8
ISBN pdf : 978-2-35311-169-5
Volume : 1
ISSN : en cours
16 p.
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Comment citer

Yoo-jung, Kim, « Stratégies de l’auteur-traducteur Samuel Beckett face au double ou multiple sens : le cas de Company/Compagnie », in : Buisson, Françoise, Daguerre, Blandine, dir., Traduire le double langage : double jeu et double sens, Pau, PUPPA, Collection Alm@e Linguae 1, 2024, p. 103-118, [en ligne] https://una-editions.fr/strategies-de-lauteur-traducteur-samuel-beckett [consulté le 20/07/2024].
10.46608/almaelinguae1.9782353111688.7
Illustration de couverture • Réalisation T. Ferreira, PUPPA.
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