Le campus de l’Université Paris Nanterre (UPN) se déploie aujourd’hui sur 32 ha (25 bâtiments) dont près de 10 ha d’espaces ouverts et d’équipements sportifs. Comme beaucoup d’autres universités, l’université Paris Nanterre se caractérise par un parc immobilier ancien marqué par l’urbanisme moderne correspondant aux débuts de sa construction (60 % du bâti construit dans les années 1960). Les conditions originelles d’implantation de l’université sont longtemps demeurées des entraves à son articulation avec la ville de Nanterre et le territoire environnant. Si, en 2000, le projet Seine Arche et l’aménagement des Terrasses depuis la Défense jusqu’à la Seine sont venus complexifier les liens entre acteurs territoriaux, ce grand projet d’aménagement a aussi favorisé une réflexion stratégique sur la place de l’université dans son environnement. Il a permis également au projet universitaire et au projet urbain de s’articuler après bien des vicissitudes. Aujourd’hui, le dernier secteur à aménager de la ZAC Seine Arche arrive à échéance et engage l’université dans un plan d’aménagement des franges du campus qui lui permettra de consolider son ancrage territorial et de requalifier et améliorer les interfaces de l’université avec la ville.
Le présent article restitue l’histoire du campus depuis sa création jusqu’aux projets actuels en se centrant sur la question d’une ouverture progressive de l’université à son environnement. Pour éclairer cette période, qui court sur près de soixante ans, on se penchera d’abord sur la genèse de la création de l’université et les spécificités de sa localisation qui soulignent sa double singularité comme îlot isolé du territoire et comme campus ouvert. On interrogera ensuite les différentes dimensions de son développement ultérieur et son rattachement au projet Seine Arche qui a ouvert un nouveau cycle dans l’histoire de l’université et de ses liens à la ville.
Une université conçue comme un îlot clos sur lui-même dans un territoire inhospitalier
1962 est l’année d’aboutissement des négociations, entreprises depuis 1959, entre le ministère de la Défense et le ministère de l’Éducation Nationale en vue de l’implantation d’une université à Nanterre. L’ancien camp militaire dédié à l’aviation (depuis 1917) constitué de hangars de dépôt de matériel aéronautique – appartenant à l’Établissement central du matériel aéronautique (ECMA) – est concédé à l’Éducation Nationale sur le lieu-dit « la Folie » (fig. 1). Ce terrain d’un seul tenant doit permettre d’accueillir la construction d’une deuxième faculté des lettres alors que l’Université de Paris-La Sorbonne est saturée et que le nombre d’étudiants ne cesse de croître. Cette implantation de l’université à proximité du nouveau quartier de La Défense, inscrite au PADOG1 en 1960, traduit aussi une volonté politique et un mouvement plus large de transfert de facultés à la périphérie de Paris.

Construite en 1963 et ouverte en 1964, l’université a été marquée dès ses débuts par trois grands éléments qui vont longtemps en constituer son identité : des coupures urbaines majeures, un tissu urbain d’habitat collectif et industriel et un encerclement par de grandes infrastructures (voies SNCF au nord et au sud, route départementale RD 914 (2×2 voies) à l’est, puis ultérieurement l’A86 à l’ouest et l’A14 au sud) et des talus. Cette localisation fera dire à R. Rémond que cela « donnait l’impression d’être au cœur d’une gare de triage2 ». Cet enclavement de l’université dans un triangle marqué par des infrastructures lourdes en constitue ses limites, l’enserre et la sépare des autres quartiers de la ville. En outre, son environnement se caractérise par la proximité de terrains industriels, de grands ensembles d’habitat collectif ou de bidonvilles (dont la résorption sera effective en 1971), mais aussi par des terrains vagues qui circonscrivent le domaine universitaire. Tout cela vient renforcer l’idée d’un environnement très lâche et de marges urbaines fragmentées (fig. 2).
Le plan masse de l’université élaboré par les frères Chauliat est validé en mars 1963 3(fig. 3). Dans cet environnement difficile, et sans doute en réponse à ce contexte, le vaste campus imaginé sur un terrain de 32 ha pour 18 000 étudiants prévus se caractérise par une volonté d’organiser l’espace de l’université en adoptant une composition introvertie. Ainsi, d’un point de vue morphologique, c’est autour d’un vaste espace central en forme de quadrilatère que devront s’implanter les bâtiments formés de grands blocs emblématiques de l’esprit de l’architecture moderne aux partis pris simples qui prévaut alors.

Le projet d’ensemble situé dans l’aire d’intervention de l’EPAD4 est approuvé en 1963. Il se poursuit par un ensemble d’études, de cessions et d’échanges fonciers, le dépôt du permis de construire et un marché de travaux. La construction de l’université sera soumise à la libération progressive des terrains militaires et se fera donc de manière graduelle. Néanmoins, il s’agit d’aller vite et la construction du bâti fera appel à la préfabrication et à la répétition5. Le système bâti est constitué par une ossature poteau/poutre en béton armé, des murs porteurs en façade et des murs rideaux. Le chantier débute d’abord sur 6/7 ha par le bâtiment A et la tour de l’administration (tour B) livrés en septembre 1964. En 1965 puis en 1966, ces livraisons seront suivies par celles des bâtiments C, D et E. Le tout composant la barre dite de la Faculté des lettres et sciences humaines (fig. 4). Cette rangée de cinq plots surmontés de bâtiments constitués en ilots séparés desservis par des voies et ponctués de patios ouverts est reliée par un même long couloir. Cette rue intérieure est composée de halls, elle dessert le pied de chacun des bâtiments et est éclairée par de larges baies filantes. Le parti pris intérieur est le même d’un bâtiment à l’autre : de grands amphithéâtres de grande hauteur à rez-de-chaussée, des salles de cours et des bureaux dans les étages. Seule la tour B se distingue tant par sa hauteur (8 étages contre 4 pour les autres bâtiments) que par son affectation. Y dominent des bureaux pour l’administration et la présidence de l’université, une salle des conseils au dernier étage et une vaste cafétéria abritée au rez-de-chaussée. Au cours des années 1967/1968, ce sont les facultés de droit (bâtiment F) et de sciences économiques (bâtiment G) aux vastes halls, qui s’installent sur le domaine universitaire perpendiculairement aux bâtiments de la faculté de lettres. La chaufferie centrale isolée du reste occupera l’arrière de la barre des lettres.
![Fig. 4. La barre A à E et le premier restaurant universitaire, s.d. [c. 1968] (Coll. BDIC, fonds Grappin).](https://nakala.fr/iiif/10.34847/nkl.1badjwla/full/600,/0/default.jpg)
Une cité universitaire de 1 400 chambres de quatre ensembles de deux bâtiments chacun voit le jour en 1965. Et un premier restaurant universitaire s’implante en 1964 (pour la 1ère tranche) à proximité du bâtiment A. Il fermera ultérieurement en 1970. Un autre restaurant voit le jour près de la bibliothèque en 1967. Le centre sportif universitaire constitué d’une piscine, d’un gymnase et de salles de sports est livré en 1968. Enfin, la bibliothèque universitaire doublé de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC) dessinées par E. Albert assisté de F. Marotti sont érigées en 1970. Le bâtiment est en réalité composé de cinq bâtiments, avec au centre, une tour (R+16) et en périphérie quatre ailes (R+1). Cette construction vient parachever le domaine universitaire durant cette période. Cette organisation générale du bâti du campus met en scène une vaste plaine centrale dont la vocation est à dominante sportive avec des terrains de jeu et des pelouses qui se partageront cet espace de plusieurs hectares. À la suite de ces constructions, les vastes hangars militaires qui tenaient lieu de bibliothèque, de salles d’examens ou de sports et de lieux pour les spectacles sont démolis.
Le début des années 1970 est marqué par deux faits majeurs pour l’université. D’une part, c’est alors que devient effective la destruction du mur d’enceinte, héritage du camp militaire, qui entourait le campus. D’autre part, après de nombreuses hypothèses de tracés comme d’implantation d’une gare, l’arrivée du RER A en 1972 et la construction d’une gare enjambant les voies et d’une passerelle piétonne vers la Cité Berthelot vont permettre au campus d’être plus accessible et de ménager un lien avec le quartier. Le site mal relié à Paris n’était auparavant accessible qu’en voiture, qu’en bus ou par une seule ligne de train depuis la gare de Paris-Saint-Lazare/ en direction de Saint Germain en Laye. Toutefois, ces réalisations n’atténueront que modestement les coupures urbaines préexistantes.
Le campus encore très minéral demeurera pendant près de 10 ans un vaste chantier boueux ponctué de bâtiments achevés ou en cours de construction, entouré de quelques plantations d’arbres, de nappes de parkings ou de hangars aéronautiques en voie de démolition. Même ouvert sur son environnement à la suite de la destruction du mur d’enceinte, la proximité de bidonvilles, de barres d’habitat collectif de la cité A. France et de terrains vagues conforte un campus presque autonome, replié sur lui-même et difficilement intégré à la ville. D’autant que l’ouverture de l’université sur la ville en termes de liens fonctionnels est plus que ténue et vient renforcer la défiance de la ville de Nanterre tenue à l’écart des choix étatiques d’implantation d’une université sans concertation préalable. La dissociation entre université et ville demeure. Le campus achevé fin 1970 connaitra peu d’évolutions jusqu’au début des années 1990 qui annonce des transformations majeures.
Une université qui connaît une seconde phase de son développement dans un territoire marqué par un grand projet d’aménagement urbain
Localisée à Nanterre dans le département des Hauts de Seine et à proximité du périmètre du quartier de la Défense, l’université est à ce double titre concernée par les évolutions de ces territoires. La période qui s’ouvre au début des années 1990 se caractérise par de fortes perturbations politico-institutionnelles entre la ville de Nanterre et l’État. Les débats concernent le projet de prolongement vers Nanterre du grand axe historique qui relie Paris à l’Arche de La Défense au sein d’une opération d’intérêt national (OIN). Et opposent les tenants de la promotion d’un urbanisme local à ceux qui défendent une planification centrée sur la croissance des programmes immobiliers (bureaux/logements). Les transformations majeures que le projet retenu va engendrer auront des effets de longue durée sur le campus tout en favorisant l’élaboration d’une stratégie universitaire.
Rassembler un territoire disparate : une difficile synthèse entre quartier d’affaires, ville et université
Insérée dans le périmètre d’intervention de l’EPAD depuis les années 1960 et dans celui de l’OIN depuis 1983, c’est surtout à partir du début des années 1990 que les changements profonds en matière d’aménagement se dessinent pour l’université. En 1990-1991, une consultation internationale d’urbanisme pour restructurer le territoire, aménager et prolonger La Défense à l’ouest par un grand axe de l’Arche à la Seine est lancée. L’idée défendue est de faire de cette extension sur Nanterre une sorte de « Défense bis » d’envergure nationale et ouverte à l’international. À sa suite en 1992-1995, l’EPAD, qui a vu ses moyens se renforcer, initie une série d’études et de plans guides (plan de P. Chemetov en 1992, plan de R. Castro en 1995). Cependant, les nombreuses controverses entre le département 92, la Ville de Nanterre et l’État sur le sens à donner à ce que doit devenir ce territoire stratégique auront raison de ces orientations6. Dès lors, en 2001-2002, deux éléments marquants vont permettre de dessiner une vaste opération d’aménagement empruntant une autre voie. D’une part, en 2001, la création la ZAC Seine-Arche de 124 hectares permet d’envisager une phase opérationnelle sur plusieurs secteurs dont celui de la gare de Nanterre-université (opération Cœur de quartier) et celui des franges de l’université (opération République-secteur université). D’autre part, en 2002, le projet urbain proposé par l’équipe Treuttel-Garcias-Treuttel « les terrasses de Nanterre » est retenu7. Ce projet vise à structurer un territoire fragilisé et décousu en permettant à partir de la couverture de l’autoroute A14 de reconstituer des continuités urbaines et des liaisons de proximité mises à mal par les infrastructures. Le parti d’aménagement est fondé sur une promenade piétonne et plantée de 3,5 km, sur le toit de l’autoroute A14 autour d’un axe reliant la Grande Arche et le quartier d’affaires de La Défense à la Seine. Axe sur lequel se greffent des opérations. Il s’agit de bâtir un nouveau quartier constitué d’activités mixtes avec des façades alignées sur un des côtés de l’axe des terrasses qui constitue le lien entre les quartiers (fig. 5). Le portage sera assuré par un nouvel établissement : l’EPASA8.
En parallèle, l’université va se lancer dans une politique immobilière dynamique comprenant deux volets. Le premier volet concerne la densification du campus par de nouvelles constructions à la faveur de plans nationaux initiés par le ministère de l’Enseignement Supérieur. Le second front se caractérise par l’élaboration d’un schéma directeur d’aménagement du campus qui a notamment pour objectif de mieux maitriser le foncier disponible du campus et de pouvoir négocier avec l’EPASA.
Une seconde phase de construction et de densification du campus à partir des années 1990 et le lancement d’un schéma directeur universitaire
Pour faire face à un déficit chronique de locaux du à l’augmentation des effectifs étudiants (de 2 400 étudiants en 1964 à 20 000 en 1980), au développement des formations et des unités de recherche, l’université va ouvrir une nouvelle période de construction à la faveur du plan « Université 2000 » (1992)9 fondé sur les orientations d’un programme à long terme de modernisation des universités.
Ainsi, de 1992 à 1997, quatre bâtiments provisoires seront érigés sur les franges de l’université (T, M, J et K tous deux démolis ultérieurement en 2008 et en 2010). De plus, trois constructions en dur viendront étoffer l’offre de locaux : le bâtiment DD en 1992 intégré dans le plan masse d’origine de la barre des lettres ; le bâtiment L à l’est du campus en 1996 qui abrite notamment le théâtre et enfin en 1997, la Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie (MAE) destinée à la recherche qui sera construite sur l’emplacement du premier restaurant universitaire détruit en 1987.
Puis, à la faveur du programme « Université du troisième millénaire » (U3M) en 2000 et des financements liés aux CPER10 successifs œuvrant à une stratégie d’investissement à long terme (2000-2015), le développement de l’Université Paris Nanterre va connaître un nouvel essor qui va contribuer en partie à combler le déficit avéré de locaux universitaires. Depuis les années 2000, échelonnés sur une dizaine d’années, cinq nouveaux bâtiments ont vu le jour en lien avec le premier schéma directeur : en 2004, le bâtiment des services logistiques (BSL) ; en 2006, les bâtiments S (bâtiment enseignement et recherche) et H (gymnase) pour les formations Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ; en 2010, le bâtiment V, bâtiment des langues et la Maison des Étudiants (MDE) (fig. 6). Ultérieurement, en 2017, un bâtiment dédié aux laboratoires de recherche ainsi qu’un bâtiment consacré à la formation continue (BFC) sont édifiés, tous deux inscrits au schéma directeur d’aménagement de 2010.
Pour organiser cette dynamique immobilière et spatiale et entreprendre une réflexion sur les relations de l’université avec son environnement, la direction de l’université s’est attelée dans le même temps à l’élaboration d’un schéma directeur pour pouvoir combiner une politique propre et disposer d’un plan d’ensemble cohérent dans un contexte urbain en mutation. Cette mission est confiée à C. Devillers en 200011 (fig. 7). Les constructions nouvelles présentées ci-dessous sont l’incarnation des orientations proposées par le schéma directeur. Elles répondent au souhait de rééquilibrer la composition de l’espace en orientant la construction au nord du campus pour permettre une diversification des flux et faire vivre les différents secteurs du campus tout au long de la journée tout en préservant l’espace ouvert central (dénommé aussi le carré vert ou le jardin intérieur). Cette nouvelle composition de l’espace respecte le quadrilatère originel des frères Chauliat tout en introduisant une densification interne du site. Quant à l’espace central, totalement piéton, il fait l’objet en 2003 et 2004 d’une vaste opération de réhabilitation des installations sportives en plein air et de requalification paysagère en renforçant son urbanité et en offrant une mixité des usages à la communauté universitaire et extra-universitaire. En outre, un système de patios arborés est mis en place le long de la barre A-E associé à une pergola qui longe les bâtiments et les relie entre eux tandis que le bâtiment B et ses halls sont totalement repensés.
L’autre objectif fixé au schéma directeur est d’articuler son projet avec des opérations structurantes d’aménagement urbain projetés par l’EPASA tout en donnant les moyens à l’université de maitriser son territoire et son foncier disponible. Ce foncier se trouve aux franges du campus dans le périmètre opérationnel de la ZAC Seine Arche qui conçoit ces terrains comme une simple opportunité foncière. Leur gestion est donc stratégique pour préserver les franges de l’université, y développer les futurs programmes et pour connecter le campus avec son environnement urbain. Le schéma directeur apparait donc comme un moyen d’envisager une mutabilité maitrisée et de se placer en position de négocier face à l’EPASA. Car de profondes divergences existent entre l’établissement public et l’université concernant la programmation de la ZAC Seine Arche notamment sur le programme de construction de bureaux et de logements imaginé sur les franges de l’université. Ce dernier apparaît comme contraignant et comme un frein au développement du campus et à son desserrement. De plus, les hésitations sur l’emplacement de la nouvelle gare ou le tracé du futur tramway ne sont pas sans effets sur les rapports tendus entre l’université et les acteurs du territoire.
En 2009, l’actualisation du Schéma Directeur est confiée à l’agence Architecture Studio qui poursuit le mouvement de transformation du campus et de mobilisation de ses franges. L’université compte alors 31 000 étudiants. Le déficit de locaux se chiffre à 41 000 m² et les constructions neuves envisagées concernent près de 110 000 m². Le projet universitaire doit permettre d’améliorer le ratio m²/étudiant, de répondre au développement des laboratoires de recherche et surtout de l’ensemble des Unités de Formation et de Recherches (UFR) et de s’adapter aux évolutions pédagogiques. Le projet immobilier est dense et articule programmation de bâtiments neufs et réhabilitation / rénovation lourde du patrimoine existant, notamment celle des deux barres A-E et F-G, ainsi que celle de la bibliothèque universitaire et du centre sportif. À moyen terme cinq bâtiments sont envisagés (dont le nouveau bâtiment de la BDIC) couplés à des extensions de la barre des lettres sous formes de plots érigés à l’arrière de l’existant. À long terme, cinq nouveaux bâtiments sont envisagés situés majoritairement sur les franges du campus au nord avenue de la République et à l’est vers la RD 914 (fig. 8). Par ailleurs, le nouveau schéma directeur propose une nouvelle composition faites de façades urbaines universitaires donnant sur les infrastructures de transports. Il formule également des orientations d’aménagement urbain : requalification des entrées principales, traitement des voies et des accès en lien avec la gare.
À la suite de ce schéma d’autres études initiées cette fois par l’EPADESA12 nouvellement créé verront le jour. Elles porteront sur la cohérence urbaine, les enjeux environnementaux ou encore la constructibilité des franges de l’université. Les discussions entre acteurs institutionnels se poursuivront. Mais le schéma directeur universitaire de 2010 deviendra pour parti caduque. Car une nouvelle étape est franchie pour la ZAC Seine Arche à la faveur du protocole « politique » signé en 2015 entre l’État, l’Université, le Crous, l’EPADESA et la Ville de Nanterre. Il concerne la dynamique de développement du secteur université et son aménagement. Le protocole se double d’un nouveau plan guide (plan CoBe) et d’une modification de la ZAC en 2016 qui viennent préciser les nouvelles ambitions partagées par ces acteurs entre autres sur les franges. Elles se traduisent par une combinaison de plusieurs éléments : une programmation mixte (logements sur la frange ouest ; un front urbain sur la frange nord accueillant pour partie des activités universitaires ; un traitement des coupures sur la frange est) ; la requalification urbaine autour du parvis de la gare et du nouveau bâtiment de la Contemporaine-BDIC ; l’amélioration des interfaces entre ville, université (cité Anatole France) et la revalorisation les espaces publics.
Dès lors, le projet global élaboré il y a 20 ans lors du lancement en 2000 de la ZAC Seine Arche connait une nouvelle étape et une nouvelle inflexion et semble esquisser la fin des aménagements à l’horizon 2030. Pour réaliser ces objectifs un nouvel établissement public local est créé en 2018 « Paris la Défense » (PLD, ex EPADESA).
Une nouvelle dynamique université / territoire à la faveur de projets en phase de réalisation
Depuis près de dix ans, le campus s’insère dans un territoire contrasté qui a connu de profondes mutations et de nouvelles dynamiques de projets achevés, en phase de réalisation effective ou à venir.
Des projets multiples aux abords de l’université
Ainsi, près de l’université, la construction du pôle multimodal organisé autour d’une nouvelle gare accompagnant l’opération « Cœur de Quartier » (programme de logements, bureaux commerces de 128 000 m2) a vu le jour en 2015. Ce pôle gare offre un parvis à l’université, réduit l’enclavement par les infrastructures et permet une meilleure insertion urbaine de l’université. Plus loin, à l’est de l’université, l’île ferroviaire et surtout le secteur des Groues est en cours de transformation lourde sur 65 ha. Il sera desservi par le RER E et, à l’horizon 2030, par la ligne 15 du Grand Paris Express. Sur le nouveau quartier des Groues sont prévus 288 000 m² de logements, 210 500 m² de bureaux (dont PME-PMI, start-up, espaces de coworking…), 79 000 m² dédiés aux activités, commerces et équipements publics ou privés. Au nord, sur l’emplacement des anciennes papeteries, le projet de l’Arboretum se déploie sur 25 ha dont 126 000 m2 de bureaux et services, le tout entouré de 9 ha de parc. L’université est en outre concernée par le prolongement du tramway T1 (Colombes / Nanterre / Rueil-Malmaison) et par la requalification de l’avenue de la République qui longe l’A86. Enfin, l’aménagement des Terrasses en direction de la Seine doit s’achever avec la réalisation d’une coulée verte jusqu’à la Seine associée à une liaison piétonne et cyclable. Pour animer le territoire le renforcement de l’agriculture urbaine ou d’événements culturels ou associatifs sont imaginés.
La promesse des franges
Les franges de l’université, tout à la fois fragment de l’université, de la Zac Seine Arche et de la ville, sont quasiment le dernier maillon à aménager de ce secteur qui a connu depuis les années 2000 bien des fluctuations en termes de projet urbain. Mais dans le contexte de transformation urbaine globale et de mutation accélérée, l’articulation du campus avec ses franges en limite de l’avenue de la République d’une part et en limite de la cité Anatole France d’autre part constitue un enjeu majeur en termes tant politique que socio-spatiale. D’autant que la construction de la Contemporaine (ex. Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine), premier bâtiment construit en dehors de la composition repliée des frères Chauliat, offre une façade sur la ville et ouvre sur l’esplanade de la gare, sur le quartier et sur le secteur environnant. Ce bâtiment clé devient le point de jonction entre le campus et le territoire et symbolise la pointe avancée de la requalification à venir.
Actuellement, ce secteur des franges, espace lâche et sans qualité, est pris en tenaille à l’ouest par l’arrière de la barre A-E et le quartier Anatole France. Son tissu urbain qui témoigne d’une certaine inertie, héritage de la juxtaposition de logiques fonctionnelles, apparait comme fragmenté et dégradé. Il est composé d’un terrain de sports, d’une des deux chaufferies du campus, d’un bâtiment modulaire (T) dédié à l’enseignement depuis 1996, d’une voie sinueuse et d’un vaste parking (fig. 9). Ces éléments font jonction avec les immeubles d’habitat collectif. Au nord, le secteur est délimité par l’avenue de la République qui surplombe l’A86, les bâtiments universitaires et la résidence du Crous. Dans l’entre deux sont implantés le cirque « Les Noctambules » et la Ferme du Bonheur et, de manière résiduelle, des espaces verts, des friches (occupées jusque récemment par des gens du voyage) et un parking de bus.
L’avancement des négociations ont abouti à un schéma urbain et à une programmation urbaine et immobilière élaborés par une nouvelle maitrise d’œuvre en 2022 (le cabinet Illiex-Sathy). Ce projet de développement repose sur plusieurs objectifs et doit contribuer à une meilleure intégration urbaine de l’université́ dans la ville sur les plan urbain, social et environnemental. Le projet qui s’y dessine à l’horizon 2030 va reconfigurer le campus et ses abords à l’ouest et au nord. D’abord en améliorant les interfaces et les liens de l’université avec la ville par une meilleure desserte, la requalification des abords et des entrées du campus, l’arrivée du tramway et la revalorisation de la trame des espaces publics environnants avec une intégration plus marquée des circulations douces. Ensuite en introduisant une diversité et une mixité fonctionnelle avec la programmation d’un nouveau bâtiment universitaire et de logements étudiants et chercheurs, un programme de logements familiaux, des activités économiques et le renouvellement urbain de la cité Anatole France (fig. 10).

L’université à la faveur de réserves foncières État (« affectataire » université) qui constituent une partie de ces franges sous emprise du périmètre opérationnel de la ZAC Seine Arche se révèle être un acteur clé de l’aménagement à venir même si dans la longue durée l’université est longtemps demeurée un acteur « faible » dans le procès global d’aménagement de l’OIN et un acteur soumis aux aléas de partenariats multiples aux visées différentes sinon opposées.
S’il se réalise, ce projet sera l’aboutissement d’un accord après de plus de 20 ans de débats, d’esquisses abandonnées et de controverses sur le plan guide, le programme, le montage foncier et financier qui ont parfois mis à mal les partenariats existants. En effet, tant le schéma urbain, que la programmation ou encore le découpage foncier voire aussi la gestion future des espaces requalifiés relèvent d’objectifs distincts et de logiques parfois difficilement conciliables entre la multiplicité d’acteurs concernés : université Paris-Nanterre, aménageur-PLD, ville de Nanterre, bailleurs sociaux (Seqens, Armée) mais aussi entre acteurs de l’État (Préfecture, DIE et Rectorat sur les questions foncières).
Néanmoins, le projet d’aménagement des franges universitaires, dernière pièce maitresse de la ZAC, longtemps source de conflits entre l’État (EPA/PLD), la ville et l’université amorce le renouveau de ce secteur et esquisse un mouvement vers l’achèvement de la ZAC qui modifiera à n’en pas douter les interactions entre l’université et la ville.

Aujourd’hui, l’université compte environ 35 000 étudiants et personnels. Le campus de Nanterre regroupe 25 bâtiments (toutes fonctionnalités confondues) et près de 168 000 m2 de SDP dominé par un bâti ancien (60 % du patrimoine immobilier existant a été construit au cours des années 1960) (fig. 11). Longtemps perçue comme un corps étranger à la ville, vivant en vase clos et centrée sur elle-même, l’université de Paris Nanterre a connu depuis soixante ans bien des mutations qui ont conduit à l’organisation du campus actuel. L’université est un rares espaces ouverts du secteur et un lieu très fréquenté à la faveur de son carré vert aux multiples usages (fig. 12). En outre, elle joue un rôle important bien au-delà de la communauté universitaire, grâce à ses nombreux équipements (théâtre, piscine, musée, lieu d’expositions…). La logique d’enclave qui prévalait à ses débuts n’a plus cours. Sur le plan de sa composition spatiale les changements depuis 1964 ont été importants avec de nouvelles constructions, un rééquilibrage du bâti vers le nord, une diversification architecturale et un investissement dans le domaine environnemental. Tout cela a permis de dessiner une nouvelle cartographie du campus. Cependant, il reste à traiter des modalités de son insertion et de sa participation au développement territorial. Réinterroger la place du campus au sein d’un territoire dense et en projet, c’est à présent finaliser le travail sur les lisières et les interfaces avec la ville (même si l’ouverture au territoire ne se réduit pas aux dynamiques d’aménagement). À cet égard, le projet d’aménagement des franges, « pièce maitresse » du secteur, s’il a connu au cours du temps bien des fluctuations programmatiques, des malentendus et des relations d’intensité variable voire difficiles et/ou conflictuelles entre les différents acteurs institutionnels semble annoncer une nouvelle étape et surtout une nouvelle maturité dans la construction du lien entre l’université et le territoire dans lequel elle s’inscrit.
Notes
- Plan d’Aménagement et d’Organisation Générale de la Région Parisienne
- René Rémond, La règle et le consentement : gouverner une société, Fayard, 1979 ; Presses universitaires de Paris, Nanterre et SciencesPo les presses, réédition, 2022, p. 85.
- Fonds des architectes Jean-Paul et Jacques Chauliat 2012011 / 1-106, Service des archives de l’université Paris Nanterre.
- Établissement Public pour l’Aménagement de La Défense créé en 1958
- Géraud Kerhuel, « Nanterre-université : rigueur et pré-fabrication en réponse à l’urgence » dans Florence Bourrillon (dir), De l’université de Paris aux universités d’Île-de-France, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 51-65.
- Guy Burgel, « Du campus incomplet au quartier universitaire urbain » dans Burgel Guy (dir.), Université et ville : Paris X- La Défense, le défi, Villes en parallèle, documents n° 2 Laboratoire de géographie urbaine, Paris X Nanterre, décembre 1993, p. 9-11.Guy Burgel, « Paris X-Nanterre et le Grand Axe de La Défense. Chronique d’un rendez-vous manqué » dans Querrien Anne et Lassave Pierre (dir.), Universités et territoires, numéro spécial de la revue Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 62-63, juin 1994. p. 179-186.
- Marcel Roncayolo, Territoires en partage. Nanterre, Seine-Arche : en recherches d’identité (s), Ed, Parenthèses, 2007.
- Établissement Public d’Aménagement de la Défense Seine Arche
- Au niveau national, ce plan U2000 permettra notamment de construire 3,5 millions de mètres carrés de locaux neufs, de créer sept universités nouvelles et de développer les formations IUT.
- Contrat de Plan État Région
- Yann Watkin, « L’aménagement des campus universitaires de proche couronne : Paris X Nanterre et Paris XIII Villetaneuse », Cahiers de l’IAURIF, les universités en Ile de France, n°143, octobre 2005, p. 105-115.
- Établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche