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Upskirting

Upskirting

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L’upskirting est une pratique voyeuriste qui vise à prendre une photo de l’entrejambe d’une femme, en plaçant un appareil photo en dessous de sa jupe, à son insu, et de la diffuser sur Internet via les réseaux sociaux, plateformes vidéo ou de mobile à mobile.

Les victimes sont presque exclusivement féminines et ne savent pas la plupart du temps qu’elles ont été observées. Les images subtilisées (parfois issues de vidéos) peuvent aussi bien être celles de femmes assises que debout les jambes entrouvertes, de telle manière à ce que leurs sous-vêtements soient observables.

Les hommes qui pratiquent l’upskirting sont attirés par la représentation de l’intimité féminine. La pièce de lingerie sous les jupes incarne l’objet de leur obsession, car elle cache la partie du corps qui suscite chez eux le désir. L’investissement imaginaire du vêtement qui le couvre et qui est en contact direct avec le sexe féminin peut donner à la culotte une valeur de fétiche.

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  • Upskirts
  • Panchira
  • Contre-plongée sous la jupe

Ce n’est pas parce que je porte une jupe que je suis consentante pour que l’on regarde dessous !
– une victime

Dans les pratiques d’upskirting, la psychanalyse considère que deux types de fétiches peuvent être rattachés aux pièces de lingerie que les agresseurs photographient sous la jupe des femmes.

Le fétichiste peut tout d’abord rechercher la capture d’images de bas et porte-jarretelles. Puissant symbole de féminité érigé en attribut érotique, l’objet fétiche peut aussi bien se décliner en guêpière qu’en serre-taille. Sa particularité est qu’il s’agrafe au niveau des reins et que les bas y sont fixés par des attaches. Boutons, clips, boucles représentent autant de systèmes contraignants sur le corps de la femme qui sont caractéristiques des « fétiches attachants ».

Le fétichiste peut également rechercher dans les photos subtilisées sous les jupes, le sous-vêtement féminin, qui ajusté, couvre les fesses et le pubis. Est ainsi expliqué que la culotte opère une fonction de voile qui permet aux hommes de ne pas voir dans le sexe féminin l’image de l’ablation de leur propre appareil génital. Ces sous-vêtements sont alors considérés comme des « fétiches enveloppants ».

Que l’on adhère ou pas à ce postulat psychanalytique, il est à noter que le fétichisme est intimement lié à la notion de souvenir qui ravive une fixation du désir sexuel au contact ou à la vue d’une partie du corps ou d’un objet, etc.

Si Alfred Binet et Richard von Krafft-Ebing ont été les premiers – en 1886 – à poser le caractère fondateur du fétichisme sexuel dans la littérature scientifique, une pratique proche de l’upskirting que nous connaissons aujourd’hui s’est popularisée culturellement dès les années 1950 au Japon.

En effet, un fétichisme de la petite culotte (« burusera » qui vient des mots « éclore » [buru] et « sailor » [sêrâ] qui est le surnom donné aux uniformes glamour des jeunes lycéennes japonaises) a émergé dans le travail du mangaka Osamu Tezuka (créateur d’Astro, le petit robot) qui a représenté visuellement ces premières pièces de lingerie. Il s’est depuis démocratisé dans de nombreux animes.

Aujourd’hui la pratique du « panchira », néologisme japonais issu des mots « culotte » (pantsu) et « apercevoir » (chirari to miru), consiste notamment à regarder la culotte sous la jupe. Celle du « kagaseya » vise à sentir la culotte portée par le modèle. « Namasera » est le fait d’enlever la culotte portée directement devant le client et de la lui remettre en main propre.

Photographe censuré du dessous d'une jupe d'une femme.
Capture d’écran d’une victime.

La qualification de l’upskirting a longtemps posé un problème juridique en France. En effet, sans contact entre l’auteur des faits et la victime, l’agression sexuelle ne pouvait être retenue, ni celle d’atteinte à la vie privée par captation d’images présentant un caractère sexuel, car les faits se déroulaient généralement dans un espace public (rue, centres commerciaux, etc.).

Aussi l’amendement 135 du 28 juin 2018 du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a prévu l’insertion dans le Code pénal du délit de captation d’image impudique :

  • article 226-3-1 : « constitue une captation d’images impudiques le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir ou tenter d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne ».

« La captation d’image impudique est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes ».

Quelques références scientifiques :

  • Binet Alfred et Béjin André, Le Fétichisme dans l’amour, Paris, Payot, 2001, 126 pages.
  • Calvert Clay et Brown Justin S., « Video Voyeurism, Privacy and the Internet Exposing Peeping Toms in Cyberspace », Cardozo Arts & Entertainment Law Journal, 2000, p. 469‑651.
  • Krafft-Ebing Richard von, Psychopathia sexualis. Encyclopédie des perversions sexuelles, Rosières-en-Haye, Camion blanc, 2012, 758 pages.
  • Lum Aimee Jodoi, « Don’t Smile, Your Image Has Just Been Recorded on a Camera-Phone: The Need for Privacy in the Public Sphere », University of Hawai’i Law Review, vol. 27, 2005, p. 377‑549.
  • Miller Gavin, « Nina Cornyetz and J. Keith Vincent (eds), Perversion and Modern Japan: Psychoanalysis, Literature, Culture », Social History of Medicine, vol. 23, n° 3, 2010, p. 680‑682, [https//doi.org/10.1093/shm/hkq065].
  • Powell Anastasia, Henry Nicola, Sexual Violence in a Digital Age, Londres, Palgrave Macmillan, 2017, 317 pages, [https://doi.org/10.1057/978-1-137-58047-4].
  • Rouleau Joanne-Lucine et Barsetti Ian, « Chapitre 3 – Les paraphilies et les infractions sans contact », Traité de l’agression sexuelle, Wavre, Mardaga, coll. « PSY-Émotion, intervention, santé », 2017, p. 53‑70.
  • Thompson Chrissy, Everyday Misogyny: On ‘Upskirting’ As Image-Based Sexual Abuse, thèse de doctorat, Université de Melbourne, 2019.
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Chapitre de livre
Pessac
EAN html : 9791030008425
ISBN html : 979-10-300-0842-5
ISBN pdf : 979-10-300-0843-2
Volume : 1
ISSN : en cours
6 p.
licence CC by SA

Comment citer

Dulaurans, Marlène, « Upskirting », in : Dulaurans, Marlène, Violences en ligne : décrypter les mécanismes du cyberharcèlement, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection V@demecum 1, 2024, 213-218 [en ligne] https://una-editions.fr/upskirting/ [consulté le 15/07/2024].
10.46608/vademecum1.9791030008425.38
couverture de l'ouvrage Violences en ligne de la collection V@demecum
Illustration de couverture • Design Roman Vinçon et Nicolas Ruault
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