Cet article résume la réception des cultes isiaques à Rome depuis leur introduction jusqu’à la destruction du Serapeum d’Alexandrie en 391. L’auteur suit la thèse de F. Coarelli, qui propose une première pénétration, de caractère privé, par le truchement d’Égyptiens s’installant à Rome, et ce dès le début du IIe siècle a.C., puis une seconde phase, de la fin du IIe siècle, quand la célébration de ces cultes commence à se marquer de façon plus nette, pour arriver à la fondation du collège des pastophores sous Sylla. Pour nous, les textes invoqués sont loin d’être contraignants1. La construction de l’Iseum Metellinum, probablement une chapelle, est à mettre en relation avec la prestigieuse famille des Metelli, et plus précisément, suivant l’hypothèse de Coarelli, avec Q. Metellus Pius, consul en 80 a.C.2.
Après les répressions de la fin de l’époque républicaine, en 43, les triumvirs promettent de construire un temple à Sarapis et Isis, que certains auteurs identifient à l’Iseum Campense. Auguste refoula les cultes isiaques hors de l’Urbs, mais ceux-ci ne subirent pas de répressions violentes. A. A. (p. 305, n. 30) voit une preuve de cette tolérance dans une table en marbre consacrée par Auguste, en l’an 1 p.C., en l’honneur de divinités du panthéon romain, auxquelles Isis (et peut-être Sarapis) sont adjoints (RICIS 501/0137). C’est là une erreur, car la dédicace émane d’un certain L. Lucretius Zethus, affranchi de Lucius, qui agit sur l’ordre de Jupiter, d’abord au profit de l’empereur. Après quelques lignes sur la suite de la dynastie julioclaudienne, il est ensuite question des liens privilégiés que Vespasien noue avec Sarapis qui lui a conféré, dans son temple d’Alexandrie, la dignité suprême et des pouvoirs guérisseurs. On passe alors à l’attitude des empereurs Trajan, Hadrien, Marc Aurèle et Commode, et aux relations privilégiées entre Sarapis et les Sévères.
La thèse qui veut que la disposition des cheveux, avec mèches retombant sur le front, sur certaines têtes de Septime Sévère rappelle volontairement la coiffure de Sarapis3, traduisant ainsi l’identification de l’empereur au dieu, ne fait plus l’unanimité4 ; il peut s’agir simplement d’une volonté de marquer une dévotion, mais pas une identification, car Septime Sévère n’apparaît pas avec le modius. Il appartient à Caracalla de conférer aux dieux égyptiens une reconnaissance officielle, y compris dans le pomerium. Ensuite, mise à part la parenthèse du règne d’Héliogabale, les cultes isiaques subissent un déclin, ce qui nous semble tout sauf assuré. L’histoire des dieux égyptiens à Rome obéit au schéma de la religio instrumentum regni, d’abord au travers des revendications de leurs adeptes dans la Rome républicaine, puis par le biais d’empereurs qui trouvent un appui en Sarapis.
- Lorsque Cicéron, De divin., I, 132 mentionne la présence des isiaci coniectores dans un passage d’Ennius, on peut se demander si cette mention n’est pas une interpolation de Cicéron ; le plus ancien témoignage de l’emploi adjectival d’isiacus se trouve précisément dans ce passage. Quant à l’épisode (Valère Maxime, I, 3, 4) qui met en scène le consul L. Aemilius Paulus détruisant lui-même les portes du sanctuaire isiaque, seul Coarelli identifie ce magistrat avec le vainqueur de Pydna, ayant exercé le consulat en 182 et en 168, alors que les autres historiens reconnaissent en l’acteur de cette scène son descendant homonyme, consul en 50, ce qui cadre beaucoup mieux avec la suite des persécutions décrétées par le Sénat en 58, 53 et 48 a.C.
- Cette gens s’éteignit au début de l’Empire.
- Cf. H. P. L’Orange, Apotheosis in Ancient Portraiture, Oslo, 1947, 76 sq. ; A. M. Mccann, The Portraits of Septimius Severus (A.D. 193-211), Rome, 1968.
- Cf. D. Baharal, “Portraits of the Emperor L. Septimius Severus (193-211 A.D.) as an Expression of his Propaganda”, Latomus, 48, 1989, 566-580 ; J. Rader, “Herrscherbildniss und Münzpropaganda: zur Deutung des ‘Serapistypus’ des Septimius Severus”, JDAI, 107, 1992, 175-196 ; S. Adamo Muscettola, “Pozzuoli, Settimio Severo, Serapide”, dans N. Bonacasa & A. M. Donadoni Roveri (éds), Faraoni come dei. Tolomei come faraoni. Atti del V Congresso Internazionale Italo-Egiziano. Torino, 8-12 dicembre 2001, Turin-Palerme, 2003, 329-330.