Paru dans Teseo e Romolo. Le origini di Atene e Roma a confronto.
Atti del Convegno internazionale di Studi Scuola archeologica italiana di Atene 2003,
E. Greco dir., Athènes, Scuola archeologica italiana, Tripodes 1, 2005, p. 125-141.
Les rois d’Athènes sont beaucoup plus nombreux que les rois de Rome (37 au lieu de 7), et la durée totale de leur règne est de huit siècles et demi au lieu de deux siècles et demi, mais la tradition sur leur compte est beaucoup moins riche. Plutarque a certes consacré une biographie à Thésée comme à Romulus, mais sur l’ensemble des rois nous ne disposons d’aucun récit détaillé semblable à celui de Tite-Live.
Le document le plus complet sur les rois athéniens est très tardif. Il s’agit d’une liste qui figure dans les Chronica d’Eusèbe de Césarée au début du IVe siècle après J.-C. ; le texte grec est perdu, mais nous en avons une traduction arménienne et une traduction latine due à saint Jérôme. Eusèbe cite explicitement Castor de Rhodes1, historien et chronographe du Ier siècle avant J.-C. Félix Jacoby a montré que cette liste, peut-être à travers Ératosthène, remonte pour l’essentiel aux Atthidographes, et principalement au premier d’entre eux, Hellanicos de Lesbos2, dont l’œuvre date du dernier tiers du Ve siècle avant J.-C. Voici la liste.
- Cécrops (1556-1506)
- Cranaos (1506-1497)
- Amphiction, fils de Deucalion et gendre de Cranaos (1497-1487)
- Érichthonios, “qui est appelé Érechthée par Homère” (1487-1437)
- Pandion Ier, fils d’Érichthonios (1437-1397)
- Érechthée, fils de Pandion (1397-1347)
- Cécrops II, frère d’Érechthée (1347-1307)
- Pandion II, fils d’Érechthée (1307-1282)
- Égée, fils de Pandion II (1282-1234)
- Thésée, fils d’Égée (1234-1205)
- Ménesthée, usurpateur d’une autre branche des Érechthéides, qui participa à la guerre de Troie (1205-1183)
- Démophon, fils de Thésée (1183-1150)
- Oxintès, fils de Démophon (1150-1136)
- Aphidas, fils d’Oxintès (1136-1135)
- Thymoitès, frère d’Aphidas(1135-1127), le dernier des Érechthéides
Néléides - Mélanthos, fils d’Andropompos (1127-1090)
- Codros, fils de Mélanthos (1090-1069)
- Médon, fils de Codros (1069-1049)
- Acastos, fils de Médon (1049-1013)
- Archippos, fils d’Acastos (1013-994)
- Thersippos, fils d’Archippos (994-953)
- Phorbas, fils de Thersippos (953-922)
- Mégaclès, fils de Phorbas (922-892)
- Diognétos, fils de Mégaclès (892-864)
- Phéréclès, fils de Diognétos (864-846)
- Ariphron, fils de Phéréclès (846-826)
- Thespeus, fils d’Ariphron (826-798)
- Agamestôr, fils de Thespeus (798-778)
- Aischylos, fils d’Agamestôr (778-755)
- Alcméon, pas d’indication généalogique (755-753)
Rois ou archontes décennaux, médontides - Charops (753-743)
- Aisimidès (743-733)
- Cleidicos (733-723)
- Hippoménès (723-713)
Rois ou archontes décennaux, non médontides - Léocratès (713-703)
- Apsandros (703-693)
- Érixias (693-683)
En 683/682, commence avec Créon la liste des archontes annuels et éponymes.
L’établissement de cette liste a exigé des Atthidographes beaucoup d’ingéniosité pour concilier des traditions diverses souvent contradictoires et les faire entrer dans un schéma qui non seulement ait une cohérence interne, mais qui soit aussi en accord avec les reconstructions chronologiques globales de l’histoire grecque3. Dans un cas, Castor signale une contradiction non résolue : l’Érichthonios de la tradition attique, fils de la Terre et du désir d’Héphaïstos pour Athéna, est le roi qu’Homère appelle Érechthée.
Cette liste élaborée par les Atthidographes comporte évidemment beaucoup d’invraisemblances. De Mélanthos à Aischylos (14 générations), les rois d’Athènes se succèderaient de père en fils, alors qu’un tel phénomène est rarissime sur une aussi longue durée. On remarque aussi que quatre des premiers rois (Cécrops, Érichthonios, Érechthée et Égée) ont régné cinquante ans ou presque ; ce sont les personnages les plus fameux qui ont régné le plus longtemps. Dans la liste des Médontides, enfin, on note la présence de noms très suspects : Mégaclès (23) et Alcméon (30) sont les homonymes de deux Alcméonides célèbres, tandis qu’Ariphron (26) porte le nom du grand-père de Périclès.
La liste est en partie une construction artificielle, mais il est clair que les Atthidographes se sont aussi appuyés sur des traditions antérieures, principalement orales, quelquefois écrites4.
Érechthée n’est pas une invention des Atthidographes. Le Catalogue des vaisseaux de l’Iliade (II, 547) évoque Athènes comme le δῆμος d’Érechthée (à la fois le pays et le peuple d’Érechthée5) : c’est le seul texte homérique dans lequel le mot dèmos est précisé par le nom d’un roi, et qui plus est d’un roi mort depuis longtemps. Cette formule surprenante doit être ancienne, mais on peut se demander si elle reflète une image d’Athènes répandue dans toute la Grèce à l’époque de la composition du Catalogue ou si, au moment de la recension pisistratique, un interpolateur l’aurait empruntée aux traditions locales d’Athènes. Le texte précise qu’Érechthée est fils de la Terre, qu’Athéna l’éleva et l’installa dans son riche sanctuaire, ἑῷ ἐν πίονι νηῷ (II, 549). Le fait même que, selon Castor, l’Érechthée d’Homère doive être identifié à l’Érichthonios des listes montre que les mythes relatifs aux premiers rois d’Athènes et leurs généalogies provenaient de sources diverses, parfois difficiles à concilier.
Thésée est mentionné à la fois dans l’Iliade et dans l’Odyssée. À la fin du récit de l’évocation des morts, Ulysse regrette de n’avoir pas eu le temps de rencontrer les héros d’autrefois, en particulier Thésée et Pirithoos (XI, 630-631) ; le lien avec le contexte étant assez lâche, on a souvent considéré cette remarque comme une interpolation6. En revanche, lorsque Nestor évoque les compagnons de sa jeunesse qui combattirent les Centaures, la mention de Thésée fils d’Égée à côté de Pirithoos et de bien d’autres héros est tout à fait naturelle (Il. I, 265), et il n’y a pas lieu de la considérer comme suspecte. La familiarité du public d’Homère avec la légende de Thésée apparaît encore plus nettement dans la brève mention d’Aithra parmi les suivantes d’Hélène (Il. III, 144) : le poète n’a pas besoin de préciser qu’Aithra est la mère de Thésée, ses auditeurs savent qu’elle a été capturée par les Dioscures quand ils ont repris leur sœur enlevée par Thésée. C’est parce que la geste de Thésée est bien connue que l’allusion peut être brève7.
Ménesthée est mentionné huit fois dans l’Iliade. Dans le Catalogue des vaisseaux, le poète n’a pas besoin d’expliquer pourquoi Ménesthée commande le contingent athénien devant Troie (II, 552) : le public sait qu’il s’est emparé du pouvoir au détriment de Thésée et de ses fils8. Le texte du Catalogue ajoute que “Ménesthée n’a point encore trouvé son égal parmi les hommes d’ici-bas pour ranger les chars et les hommes d’armes” (II, 553-554). Dès l’Antiquité, Zénodote condamnait ces deux vers, cet éloge de Ménesthée contrastant avec le rôle très modeste du roi et du contingent athéniens dans l’ensemble de l’Iliade. Les Athéniens ne jouent qu’un rôle secondaire dans la guerre de Troie : les auteurs de la recension pisistratique n’ont pas pu modifier cette donnée ancienne de la tradition épique. La notoriété des épopées homériques dès le VIIIe siècle limitait les possibilités d’interpolation. Solon, pour appuyer les prétentions athéniennes sur Salamine, aurait introduit dans le Catalogue des vaisseaux deux vers montrant Ajax rangeant ses vaisseaux aux côtés de ceux des Athéniens (II, 557-558), mais les Mégariens auraient vigoureusement dénoncé la fraude9.
Alors que tous les contingents achéens énumérés dans le Catalogue sont composés de plusieurs bourgades ou plusieurs peuples, le poète ne mentionne que “la forteresse bien bâtie”10 d’Athènes, semblant considérer, de manière tout à fait exceptionnelle, qu’il n’y a qu’une communauté politique en Attique. On ne saurait exclure que cette présentation, qui suggère que le synœcisme de l’Attique était déjà réalisé à l’époque de la guerre de Troie, soit l’œuvre d’un Athénien du VIe siècle, mais il est tout aussi vraisemblable qu’un poète ionien du VIIIe, constatant que l’Attique de son temps était unifiée, ait supposé qu’elle l’était déjà sous le règne de Ménesthée. Thucydide (II, 15) déclare que, sous Cécrops et les premiers rois, les habitants de l’Attique vivaient dans plusieurs poleis ayant chacune son prytanée et ses magistrats, mais que Thésée, joignant la puissance à l’intelligence, sut organiser le pays et instaurer un conseil et un prytanée uniques. Pour Thucydide, il n’y a qu’un synœcisme d’Athènes, celui de Thésée. L’auteur de la Constitution d’Athènes pseudo-aristotélicienne suppose une évolution plus complexe : 1) synœcisme d’Ion11 avec création des quatre tribus et des quatre rois de tribu12 ; 2) partage du pouvoir entre les fils de Pandion (II) et stasis entre les habitants de l’Attique ; 3) restauration de l’unité par Thésée et établissement d’une constitution “s’écartant un peu du régime royal”, avec octroi de droits égaux à tous les Athéniens13.
Les textes antérieurs au Ve siècle sur les rois d’Athènes sont rares, mais il en existe assez pour qu’on puisse exclure l’hypothèse selon laquelle la liste aurait été entièrement forgée par les Atthidographes. En outre, l’analyse interne de la liste suggère que ses auteurs de l’époque classique ont dû tenir compte de constructions historiques ou pseudo-historiques14 antérieures, qu’ils ont pu remanier, mais dans une certaine mesure seulement.
Les Athéniens se disent autochtones15, et prétendent avoir repoussé les invasions béotienne et dorienne. Cependant, les migrations postérieures à la guerre de Troie marquent une rupture dans l’histoire d’Athènes telle que se la représentaient les Athéniens : si elles n’ont pas modifié le peuplement de l’Attique, elles ont entraîné un changement de dynastie. Thymoitès, le dernier roi descendant de Thésée, se dérobe quand le roi béotien Xanthos invite un Athénien à l’affronter en combat singulier. C’est Mélanthos, un Néléide chassé de Pylos par le Retour des Héraclides, qui relève le défi ; il tue Xanthos par une ruse16, devient roi et fonde une nouvelle dynastie17. Il est évident qu’on retrouve dans l’histoire de Mélanthos un des thèmes fréquents de la “légende du conquérant” : la royauté y apparaît comme le prix d’une victoire18. On ne saurait exclure que la légende de Mélanthos soit une invention de la fin de l’époque archaïque, forgée sur le modèle d’autres mythes de souveraineté, mais il est tout aussi probable qu’elle date de l’époque où régnaient les Médontides : l’exploit de leur ancêtre servait de justification à leur pouvoir.
Un peu plus tard, sous le règne de Codros fils de Mélanthos, Athènes est assiégée par des Doriens venus du Péloponnèse. Un oracle annonce aux assaillants qu’ils s’empareront d’Athènes à condition d’épargner son roi. Informé de cette prédiction, Codros pénètre sous un déguisement dans le camp ennemi, et provoque une querelle qui se termine par sa mort. Les Doriens découragés abandonnent le siège. L’histoire de Codros reflète une idée assez répandue chez les Grecs : le roi est le bouc émissaire par excellence, son sacrifice peut assurer le salut de la cité (ainsi, la mort de Léonidas aux Thermopyles aurait selon certains préservé Sparte de la destruction19). Il n’est pas totalement impossible qu’Hellanicos20 ait imaginé de toutes pièces l’histoire de Codros, en se fondant sur des conceptions anciennes et sur le parallèle récent de Léonidas – ou qu’il ait repris une tradition forgée peu avant lui –, mais il est plus probable que les Médontides se soient donné Codros comme ancêtre à l’époque où ils régnaient encore, et qu’ils aient alors aussi créé ou remodelé l’histoire de son dévouement à des fins de propagande.
Après la mort de Codros, deux de ses fils, Médon et Nélée, revendiquent sa succession. Médon est l’aîné, mais il est boiteux ; la Pythie tranche en faveur de Médon ; Nélée et les autres fils de Codros partent fonder les cités d’Ionie21. Le droit d’aînesse triomphe des réticences suscitées par une infirmité, la claudication, souvent conçue comme la contrepartie d’un charisme supérieur : sur ce point encore, les parallèles sont nombreux22, et l’on peut y voir les preuves de l’ancienneté et de la diffusion de ces conceptions politiques aussi bien que les modèles possibles d’une fiction athénienne tardive. Le nom de l’éponyme de la dynastie, Médon, est certainement fictif : “Médontides” signifie simplement “famille régnante” (de manière analogue, les rois d’Éphèse et d’Érythrées sont appelés Basilides23). Certains historiens modernes ont supposé que le rôle attribué à Athènes dans la fondation des cités ioniennes, ainsi que la parenté entre Néléides d’Ionie et Médontides d’Athènes, étaient des inventions destinées à justifier l’impérialisme athénien du Ve siècle24. L’hypothèse n’est guère vraisemblable. Un fragment de Mimnerme de Colophon, de la fin du VIIe siècle, évoque le Pylien Andrémon comme œciste de Colophon25, ce qui suggère que les dynasties ioniennes se sont donné une origine pylienne dès l’époque où s’élaboraient les traditions épiques. D’autre part, si Pisistrate, dans sa propagande, tient à souligner que son genos descend de Nélée comme celui des Médontides (Hdt., V, 65), c’est que ces derniers, pour justifier leur pouvoir, s’étaient déjà donné comme ancêtres les rois héroïques de Pylos et qu’ils invoquaient cette origine pour justifier leur pouvoir.
La tradition selon laquelle les Codrides auraient abandonné la royauté pour l’archontat, déjà mentionnée dans la Constitution d’Athènes de l’école aristotélicienne (III, 3), est généralement considérée par les Modernes comme invraisemblable26. Le développement de cette tradition tient à deux raisons principales. La première est l’ambiguïté du vocabulaire : βασιλεύς désigne aussi bien le roi annuel de l’époque classique que le monarque héréditaire des temps anciens, et tout magistrat peut être qualifié d’ἄρχων. De l’affirmation selon laquelle le βασιλεύς est devenu un ἄρχων, on a pu conclure que l’ἄρχων a remplacé le βασιλεύς comme premier dignitaire de la cité. La seconde raison n’est autre que la volonté, commune à de nombreuses cités, de donner aux institutions de l’époque classique le plus d’ancienneté possible : la préséance de l’archonte éponyme sur le βασιλεύς à partir de 683/682 a conduit à supposer une situation analogue dans la période antérieure.
À l’époque classique, les neuf archontes jurent de prêter serment “comme sous Acastos”27. La formule doit être ancienne : au Ve ou au IVe siècle, on aurait invoqué Thésée ou l’un de ses prédécesseurs plutôt qu’un Médontide par ailleurs obscur. Il n’est pas totalement impossible que les rois médontides aient commencé à prêter serment à une date très ancienne et que certaines des modalités de leur prestation de serment aient été ensuite étendues aux neuf archontes28. Il est beaucoup plus probable cependant que ces serments datent de l’époque archaïque. Deux hypothèses peuvent être envisagées. Ou la généalogie des Médontides est déjà fixée auparavant ; dans ce cas, la référence au quatrième roi de la dynastie régnante ou récemment écartée vise à donner un caractère traditionnel au serment nouvellement créé. Ou Acastos est un personnage de l’époque archaïque, et on inséra son nom parmi les premiers Médontides29 pour rehausser le prestige du serment qui invoquait son nom.
Les dix-huit successeurs d’Acastos, d’Archippos à Érixias, ne sont que des noms, auxquels la tradition n’attribue aucune action, aucune anecdote – à l’exception d’un seul d’entre eux, Hippoménès. Les premiers rois (ou archontes) décennaux de la tradition sont encore des Médontides. Selon Nicolas de Damas30, la chute des Médontides s’expliquerait par la conduite sacrilège du dernier d’entre eux : ayant surpris sa fille avec un amant, il la fit périr en l’enfermant avec un cheval affamé. La maison fut détruite, mais l’endroit fut appelé Ἵππου καὶ Κόρης en souvenir de cet événement. Le résumé de la Constitution d’Athènes d’Aristote que donnent les Extraits d’Héraclide (§ 1) présente une version légèrement différente de l’épisode : les Codrides auraient déjà cessé d’être choisis comme rois “parce qu’ils passaient pour amis du luxe et de la mollesse”, et c’est pour réagir contre cette mauvaise réputation que l’un d’entre eux, Hippoménès, aurait châtié sa fille avec une sévérité extrême. Si l’on prend ce témoignage au pied de la lettre, Hippoménès ne serait pas un roi, mais un aristocrate de l’ancienne famille royale déjà mise à l’écart31. La première mention de l’anecdote apparaît dans le Contre Timarque (§ 182) : Eschine présente simplement le père comme “l’un des citoyens” et donne en exemple sa sévérité, qu’il oppose à la décadence morale de son temps. On a parfois déduit du texte d’Eschine que l’histoire du cheval et de la jeune fille n’avait d’abord aucun rapport avec les Médontides, et on en a conclu que l’insertion de cette affreuse légende dans l’histoire de l’ancien genos royal serait postérieure à 34632. Cet argument ex silentio est très faible. Eschine veut donner en exemple le châtiment sévère infligé à la jeune fille, et doit donc omettre tout ce qui pourrait rappeler que l’attitude du père a suscité la réprobation. En outre, on voit mal pour quelle raison, dans la deuxième moitié du IVe siècle, on aurait tenu à charger la mémoire des Médontides, alors qu’ils ne jouaient plus aucun rôle politique33. La cruauté prêtée à Hippoménès évoque les actes d’ὕβρις attribués à divers tyrans dans leur vie familiale. Elle rappelle aussi le récit relatif au dernier roi de Messénie Aristodémos, souillé du meurtre de sa fille et incapable d’assurer le salut de son peuple (Paus., IV, 9, 6-9)34. Il est impossible de dire avec certitude à quel moment on a prêté au dernier des Médontides l’attitude violente et sacrilège caractéristique des tyrans, mais l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’on a délibérément chargé la mémoire des Médontides au début du VIIe siècle, lors de l’instauration d’un régime aristocratique35. Il est même possible que les auteurs de cette histoire aient visé un but politique précis : le châtiment cruel et impie infligé par Hippoménès à sa fille ne serait pas seulement un acte d’ὕβρις individuel, ce serait une souillure héréditaire qui disqualifierait toute sa famille pour l’exercice du pouvoir36.
Le sens général de l’évolution politique athénienne telle que la reconstruisaient les Athéniens eux-mêmes est assez clair. On retrouve à Athènes les mêmes phénomènes que dans les traditions de la plupart des cités grecques : la royauté a été divisée en plusieurs magistratures, la durée des fonctions politiques a été réduite, l’accès au pouvoir a été élargi. Sur le rythme et les étapes de cette évolution, les divergences de nos sources créent un certain flou. Il est possible que la mention de δεκαετεῖς entre les rois ou archontes à vie et les archontes annuels reflète une volonté de donner à l’évolution politique athénienne le caractère le plus progressif possible, mais il serait imprudent d’affirmer péremptoirement qu’ils sont fictifs.
Les traditions locales des autres régions du monde grec sont pour la plupart moins bien connues que les traditions sur les rois d’Athènes, mais présentent pour l’essentiel la même structure. On a presque partout trois dynasties successives : 1) les rois primordiaux qui sont souvent les éponymes des fleuves et des montagnes correspondent aux rois nés de la terre à Athènes (les récits relatifs à ces premiers rois visent souvent à expliquer les particularités de la géographie locale, ainsi que certains rites originaux) ; 2) viennent ensuite les dynasties héroïques, auxquelles appartiennent les héros des guerres de Thèbes et de Troie célébrées par l’épopée ; 3) de nouvelles dynasties s’installent deux ou trois générations après la guerre de Troie, souvent à l’époque du Retour des Héraclides. La seule exception est l’Arcadie, qui ne connaît qu’une dynastie avant et après la guerre de Troie, avant et après le Retour des Héraclides : contrairement à ce que l’on rencontre en Attique, l’autochtonie se double en Arcadie d’une parfaite continuité dynastique37.
Les ressemblances entre les diverses traditions grecques sont plus précises encore. Les traditions relatives aux dynasties post-héroïques présentent presque toujours les trois mêmes éléments. 1) Des récits assez détaillés racontent l’instauration des nouvelles dynasties, leurs premières conquêtes et leurs premiers exploits. 2) Les dynasties royales, et les communautés tout entières, tombent dans la plus complète obscurité à partir de la deuxième, de la troisième ou de la quatrième génération. Fréquemment, les sources anciennes se contentent de dire que la dynastie établie lors des grandes migrations s’est maintenue sans interruption jusqu’à son renversement beaucoup plus tard. Dans quelques cas, comme à Athènes, des listes de rois tentent de combler la lacune. 3) Après cette longue période vide, d’assez nombreux rois apparaissent dans des textes relatifs au VIIIe et au VIIe siècles ; souvent, ces textes dénoncent des actes de démesure – comme celui d’Hippoménès à Athènes38.
Ce schéma, que révèle l’analyse des traditions grecques, correspond dans une large mesure à la structure générale des traditions orales (surtout africaines) analysées par Jan Vansina. Les informations sur le passé très récent sont nombreuses, mais se raréfient dès qu’on remonte à la quatrième génération avant l’informateur. Pour les périodes antérieures, il y a un hiatus, ou tout au plus quelques noms : c’est ce que Vansina appelle le “floating gap”, car, avec le passage des générations, la transmission s’estompe et de nouveaux pans d’un passé qui s’éloigne tombent dans l’oubli. Pour le temps très lointain des origines, on dispose à nouveau de beaucoup de récits détaillés39.
Le passé grec a incontestablement la même structure tripartite, et il est certain que la tradition écrite des historiens grecs repose dans une large mesure sur une tradition orale antérieure. Le milieu du VIe siècle, c’est-à-dire l’akmè des grands-parents des informateurs les plus âgés d’Hérodote, est le moment où nos informations se multiplient et où, grâce à Hérodote, quelques grandes lignes de l’histoire grecque commencent à nous apparaître. La césure avec ce qui précède est cependant moins nette que dans les traditions purement orales. Hérodote n’est pas le premier historien. Hécatée et Phérécyde ont pu bénéficier de traditions orales abondantes remontant à la fin du VIIe siècle. Certains documents officiels, la liste d’archontes à Athènes, la grande Rhètra à Sparte par exemple, ont été mis par écrit dès le VIIe siècle et ont pu contribuer à conserver certaines traditions anciennes. En outre, la Grèce archaïque est une période où de nombreux poèmes réputés bénéficient d’une transmission, orale et écrite, sous une forme relativement fixe : autour de ces textes ont pu se maintenir des fragments de tradition orale, sur la Paros d’Archiloque, la Mytilène d’Alcée ou l’Athènes de Solon. Il faut tenir compte, tout particulièrement, du prestige de la tradition épique qui confère au passé lointain une épaisseur et une richesse exceptionnelles : l’élaboration de cette tradition a duré des siècles, pendant lesquels les auditeurs des aèdes n’ont cessé d’essayer de se situer par rapport aux héros. Les traditions orales expliquant le passage de l’âge des héros à une époque très différente ressentie par Hésiode comme l’âge de fer ont pu se transmettre parallèlement à la tradition épique elle-même. En outre, la tradition épique a un caractère panhellénique : elle veut parler de tous les Grecs, et tous les Grecs veulent qu’elle parle d’eux, si bien qu’il y a un va-et-vient continu entre traditions locales et traditions communes à tous les Grecs.
Les limites entre le temps des origines et celui des hommes ordinaires, comme entre le passé oublié et le passé remémoré, sont moins nettes en Grèce que dans beaucoup d’autres traditions. Quel qu’ait été le rôle d’Hellanicos dans la composition d’une histoire continue des rois d’Athènes, le premier des Atthidographes s’est appuyé principalement sur une tradition orale d’une structure analogue à beaucoup d’autres traditions orales, mais déjà en partie fixée par l’influence de documents écrits, et plus encore par celle de l’épopée.
Une tradition orale implique une chaîne plus ou moins longue de personnes qui ont transmis le récit. Chaque étape de la transmission introduit des modifications, souvent destinées à expliquer ou justifier le présent. La déformation du récit peut être cependant limitée par le souci de transmettre complètement et fidèlement des informations jugées capitales. Certains rois d’Afrique centrale doivent lors de leur avènement réciter la liste de leurs prédécesseurs ; ils doivent éviter des oublis ou des modifications qui choqueraient les Anciens. Accepter à la lettre tout ce que dit la tradition dès lors qu’il n’y a pas d’invraisemblance majeure, c’est oublier que chacun de ceux qui transmettent une tradition peut transformer le récit traditionnel – délibérément, par souci de propagande, ou spontanément par la sélection de ce qui est devenu important à ses yeux. Rejeter globalement a priori tout ce qu’un groupe dit sur lui-même, c’est souvent renoncer à toute histoire. La solution suggérée par Vansina est de considérer la tradition orale comme une hypothèse historique formulée par le groupe étudié lui-même40.
Pour accepter ou rejeter les hypothèses proposées par la tradition orale, il faut d’une part faire une analyse interne de leur structure et de leur genèse vraisemblable, d’autre part soumettre ces hypothèses à une confrontation avec d’autres sources, lorsqu’il en existe. Dans le cas des rois athéniens, ces autres sources sont d’une part les indications sur les attributions du βασιλεύς à l’époque classique, d’autre part l’archéologie.
Quand la Constitution d’Athènes (LVII, 1) déclare que le roi s’occupe pour ainsi dire de tous les sacrifices traditionnels, on pourrait penser que l’auteur du traité se contente de reprendre à son compte un préjugé sur l’ancienneté de la royauté athénienne, mais l’examen de l’ensemble des indications nombreuses et variées sur les cultes célébrés par le βασιλεύς montre que le roi et son épouse la βασίλιννα étaient associés à des rites archaïques, souvent secrets41. Le second jour des Anthestéries, la reine fait prêter serment aux quatorze γεραιραί42 choisies par le roi, près de l’autel, “au-dessus des corbeilles” ; avec les γεραιραί, elle ouvre ensuite les corbeilles et manie des objets sacrés dont il est interdit de révéler la nature ; après une procession, elle est donnée en mariage à Dionysos dans le Boucoleion. C’est le roi qui choisit les deux arrhéphores, petites filles chargées de tisser le peplos d’Athéna qui lors des Arrhéphories accomplissent un rite étrange : elles placent sur leur tête des corbeilles contenant des ἱερά dont elles ignorent la nature, descendent par un passage souterrain de l’Acropole au sanctuaire d’Aphrodite aux jardins, déposent ce qu’elles ont porté et remontent avec d’autres objets également recouverts et dissimulés43. C’est encore le roi qui veille à la désignation des parasitoi, qui sont notamment chargés de distribuer de l’orge sacrée du Boucoleion à divers sanctuaires. Il est exclu que tous ces rites soient des créations archaïsantes postérieures à 683/682. Le magistrat athénien appelé βασιλεύς est l’héritier des fonctions religieuses de rois beaucoup plus anciens, liées tantôt à l’Acropole, tantôt au Boucoleion.
On a souvent souligné que la combinaison hâtive des traditions et des données archéologiques pouvait conduire à des mirages : un archéologue interprète les vestiges matériels qu’il découvre à la lumière des traditions, et un historien s’extasie ensuite sur le fait que les fouilles confirment les traditions. L’enchaînement des deux démarches forme un raisonnement circulaire. Certains en ont conclu que l’archéologue ne devait tenir aucun compte des légendes, mais un tel choix appauvrit l’analyse : il conduit à étudier la Grèce mycénienne et archaïque comme on étudie le paléolithique ou le néolithique, et à se priver des hypothèses des Grecs eux-mêmes sur leur propre passé pour se contenter de modèles universels passe-partout.
Il est possible d’éviter les deux écueils, pour peu que l’on distingue méthodiquement les diverses démarches. La tradition peut fournir des pistes à l’archéologue : elle peut lui suggérer par exemple de chercher un palais dans la plaine de Sparte ou près du golfe pagasétique. Il n’est pas justifié pour autant de qualifier de “palais” le premier édifice d’une certaine importance trouvé en Laconie ou en Thessalie ; les critères archéologiques doivent être déterminants. En outre, même si les fouilles ont vérifié l’hypothèse initiale, l’identification entre le site fouillé et le site mentionné dans la tradition reste une question non résolue : il n’est pas prouvé qu’Hissarlik soit la Troie de Priam, ni Ano Englianos le palais de Nestor à Pylos44. Un écart subsiste nécessairement. Le rôle de l’historien est d’apprécier cet écart, de confronter les hypothèses des Anciens aux suggestions hypothétiques des archéologues pour proposer des constructions historiques elles-mêmes hypothétiques qui rendent compte aussi bien que possible des unes comme des autres45.
L’archéologie ne permet pas d’affirmer qu’il y avait un palais mycénien sur l’Acropole d’Athènes, ni d’en nier l’existence. La construction d’impressionnantes terrasses dès l’HR IIA pourrait être liée à l’édification d’un palais, mais ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres. L’unique fragment de colonne de l’HR IIIB retrouvé sur l’Acropole ne permet pas de reconstruire tout un megaron, et les massives fortifications de l’HR IIIB ne servaient pas forcément à défendre la demeure d’un roi. À l’inverse, on a fait valoir que les travaux des VIe et Ve siècles ont été si importants qu’ils ont pu faire disparaître toute trace de palais mycénien. De même, si l’on n’a pas trouvé de tholos à Athènes, certaines des plus riches tombes à chambre de l’Agora pourraient être interprétées comme des sépultures royales, sans que cette interprétation s’impose46.
Il semblerait à première vue que la présence d’une grande tholos du XIIIe siècle sur le site de Menidi, à 16 km d’Athènes, implique que le maître du lieu était indépendant d’un éventuel roi de l’Acropole, et donc qu’il n’y avait pas de synœcisme de l’Attique à l’époque mycénienne47. À la réflexion cependant, tout le raisonnement repose sur le postulat discutable selon lequel les tholoi seraient réservées à des souverains et à leurs familles.
Sur l’Acropole, on a trouvé quatorze tombes à cistes très simples de l’époque submycénienne (1065-1000 avant J.-C. environ) ; il y avait probablement un hameau très modeste dans le voisinage immédiat, ce qui veut dire que l’Acropole n’était pas alors entièrement consacrée au roi et aux dieux. Archéologiquement, il y a un très long hiatus entre le palais mycénien (s’il a existé) et les premières attestations assurées d’un culte important au Géométrique récent (770-700 avant J.-C.)48. On ne saurait cependant exclure que des cultes modestes, non archéologiquement décelables, aient été célébrés sur l’Acropole pendant les Âges obscurs. En outre et surtout, une tradition glorieuse, associant étroitement la demeure d’Érechthée et celle d’Athéna, a fort bien pu se maintenir ou se développer en dépit d’une situation réelle beaucoup plus terne. Dans l’imaginaire athénien, l’Acropole est de plus en plus étroitement associée à Athéna, qui a d’abord protégé la cité aux côtés du roi, avant de la protéger sans le roi.
La dispersion des nécropoles, du XIe au VIIe siècle, suggère qu’Athènes (Ἀθῆναι, au pluriel) était alors constituée de plusieurs hameaux relativement dispersés, mais l’étude approfondie des tombes, précieuse pour l’histoire sociale et culturelle d’Athènes, ne nous apprend rien sur son organisation politique49.
La découverte d’une inscription relative à l’Aglaurion sur le flanc est de l’Acropole, combinée avec les indications de Pausanias, permet de suggérer avec une grande vraisemblance la localisation de l’ancienne Agora, du Prytaneion et du Boucoleion immédiatement à l’est de l’Acropole50, dans une zone qu’il est difficile de fouiller parce qu’elle est recouverte par une partie du quartier de Plaka.
À une date qu’on ne saurait fixer avec précision, mais très antérieure au début du VIIe siècle, des rois installés au Boucoleion ont célébré des sacrifices, jugé des procès et peut-être conduit des guerres. Ces rois se disaient descendants des Néléides de Pylos, mais prétendaient aussi succéder à des rois plus anciens installés sur l’Acropole, dont les deux figures emblématiques étaient Érechthée et Thésée.
Qu’il y ait eu ou non des rois installés sur l’Acropole à l’époque mycénienne, la tradition sur les rois d’Athènes est une construction historique assez ancienne qui, dans ses grandes lignes, remonte au moins au VIIIe siècle – même si, évidemment, elle s’est encore beaucoup modifiée jusqu’à l’époque des Atthidographes.
Notes
- Dans son édition des fragments de Castor de Rhodes (FrGrHist II B n° 250), F. Jacoby cite la traduction allemande par Karst de la version arménienne d’Eusèbe. La liste des rois d’Athènes est le fragment 4.
- F. Jacoby, Atthis. The Local Chronicles of Ancient Athens, Oxford, 1949. Pour une présentation d’ensemble d’Hellanicos, voir FrGrHist I n° 4, et sur les fragments de l’Atthis, FrGrHist III B n° 323a. L’Atthis d’Hellanicos est relativement brève – deux livres, dont le premier, selon Jacoby, traite de la période antérieure à Acastos. Si les Atthides que nous connaissons le moins mal, celles d’Androtion (FrGrHist III B n° 324) et de Philochore (FrGrHist III B n° 328), n’ont consacré elles aussi qu’un livre à l’histoire la plus ancienne d’Athènes, il semble qu’au contraire Kleidémos (FrGrHist III B n° 323), Démon (FrGrHist III B n° 327) et surtout Phanodémos (FrGrHist II B n° 325), proche de l’orateur Lycurgue, aient présenté un récit plus détaillé qu’Hellanicos de l’époque des rois. La question des sources d’Hellanicos et de ses successeurs a suscité de nombreuses controverses. – Les trois premiers chapitres de la Constitution d’Athènes de l’école aristotélicienne, consacrés à l’Athènes des rois, sont perdus, mais on peut en reconstituer partiellement le contenu grâce au résumé des changements de constitution du chapitre XLI et au fragment 1 du résumé d’Héraclide. Pour un commentaire détaillé, voir P.J. Rhodes, A Commentary on the Aristotelian Athenaiôn Politeia, Oxford, 19922 éd. révisée (1ère éd. 1981), p. 65-79. On notera simplement ici que la place faite aux temps anciens est beaucoup plus réduite que dans les Atthides. – Le fameux Marbre de Paros (FrGrHist II B n° 239) est une chronique des principaux événements de toute l’histoire grecque, mais mentionne constamment les rois d’Athènes, probablement parce que sa chronologie (en partie différente de celle de Castor) est fondée sur une liste des rois d’Athènes.
- Dans la liste de Castor, la mention d’un roi est assez souvent suivie de brèves indications de synchronisme (Érechthée contemporain de Persée, ou Démophon contemporain d’Oreste par exemple).
- F. Jacoby, Atthis…, p. 8-70, a montré que l’hypothèse d’U. Wilamowitz-Moellendorff, Aristoteles und Athen, Berlin, 1893, p. 280-282 notamment, selon laquelle les exegetai auraient tenu des chroniques année après année à la manière des pontifes romains ne repose sur aucun témoignage. En revanche, il est tout à fait possible qu’une liste des archontes ait commencé à être notée dès 683, et que des généalogies écrites aient circulé au moins dès le VIe siècle. À quoi il faut ajouter les textes des poètes, dont la diffusion était à la fois écrite et orale.
- Érechthée réapparaît dans l’Odyssée (VII, 80-82) : quittant l’île des Phéaciens, Athéna se rend à Marathon, puis dans l’Athènes aux larges rues et dans la demeure d’Érechthée aux murs épais (Ἐρεχθῆος πυκινὸν δόμον).
- En particulier Plu., Thes., 20, 2 : Pisistrate aurait introduit ces deux vers dans la Nekyia pour faire plaisir aux Athéniens.
- L’analyse la plus approfondie de la “figure mythique” de Thésée à partir de l’époque classique est C. Calame, Thésée et l’imaginaire athénien, Lausanne, 1990, mais l’auteur s’intéresse peu à la genèse de la tradition. La théorie de H.J. Walker, Theseus and Athens, New York-Oxford, 1995, selon laquelle Thésée serait à l’origine un héros local d’Aphidna est très fragile, comme l’a souligné J.-M. Luce, “Thésée, le synœcisme et l’agora d’Athènes”, RA, n. s. 1, 1998, p. 3-31.
- Une tradition ultérieure fera de Ménesthée le premier des démagogues (Plu., Thes., 32, 1-2).
- Arist., Rh., 1375b 19 ; Str., IX, 1, 10 ; Plu., Sol., 10, 1 ; scholies ad locum notamment.
- εὐκτίμενον πτολίεθρον (II, 546).
- Ion était par sa mère Créuse le petit-fils du roi Érechthée. Au moment de la guerre menée contre Athènes par Eumolpos d’Éleusis, Ion fut choisi comme chef militaire par les Athéniens, recevant une position analogue à celle des futurs polémarques (Ath., III 2). Le père attribué à Ion est généralement Xouthos, roi de l’Aigialée au nord-ouest du Péloponnèse – la future Achaïe –, mais Euripide dans sa tragédie intitulée Ion fait du héros le fils d’Apollon. Il est évident que la plupart des mythes relatifs à Ion ont un caractère étiologique, mais les coutumes et les termes qu’ils visent à expliquer peuvent être très anciens, tout comme le sentiment de parenté entre Ioniens et Athéniens, bien antérieur à tout impérialisme de la part des seconds : Solon déjà qualifiait l’Attique de “plus ancienne terre d’Ionie”(éd. Diehl, F 4).
- Sur les φυλοβασιλεῖς à l’époque classique, voir P. Carlier, La Royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, 1984, p. 353-359. Mon élève Antoine Pierrot prépare une étude des traditions relatives à ces rois de tribu.
- Ath., XLI 2 : Extraits d’Héraclide, 1. La perte des trois premiers chapitres de l’œuvre nous prive des détails de cette reconstruction historique. Les textes anciens sur le synœcisme d’Athènes sont rassemblés et commentés par M. Moggi, I sinecismi interstatali greci, Pise, 1976, p. 44-81.
- Peu importe en ce qui concerne la genèse de la liste.
- Sur ce thème, voir en particulier N. Loraux, Les Enfants d’Athéna, Paris, 1981.
- L’épisode sert d’aition aux Apaturies, fête des phratries commune aux Athéniens et à tous les Ioniens. Le rapprochement ἀπάτη–Apaturies est une étymologie populaire, mais il est possible que ce mythe reflète certains aspects de l’initiation éphébique (voir en particulier P. Vidal-Naquet, Le Chasseur noir, Paris, 1981, p. 155-163).
- Le texte le plus ancien est Hellanic., FrGrHist III B n° 323a F23, 2.
- Voir en particulier M. Delcourt, Œdipe ou la légende du conquérant, Liège, 1944, p. 103-140.
- Selon Hdt., VII, 220, Léonidas se serait d’autant plus volontiers sacrifié lors des Thermopyles qu’un oracle de Delphes aurait prédit qu’il fallait “ou bien que Lacédémone fût détruite par les Barbares ou bien que son roi pérît”.
- C’est à propos de Codros aussi le témoignage le plus ancien (FrGrHist III B n° 323a, F23, 3).
- Paus., VII, 2, 1 ; Élien, VIII, 5. Le fragment d’Hellanic. F23, que cite une scholie au Banquet de Platon, indique simplement que l’aîné Médon succéda à son père, et que le cadet Nélée partit fonder les cités de la dodécapole ionienne.
- Voir notamment J.-P. Vernant, “Le Tyran boiteux : d’Œdipe à Périandre”, Le Temps de la réflexion 2, 1981, p. 239-240.
- Voir P. Carlier, La Royauté…, p. 442-443 et 444-445.
- Par exemple J. Toepffer, Attische Genealogie, Berlin, 1889, p. 225-242, et M.B. Sakellariou, La Migration grecque en Ionie, Athènes, 1958, p. 30-32.
- F 10 Bergk, cité par Str., XIV, 1, 3.
- Voir par exemple A. Ledl, Studien zur älteren athenischen Verfassungsgeschichte, Heidelberg, 1914, p. 258-259, et C. Hignett, A History of the Athenian Constitution, Oxford, 1952, p. 41-42. Il convient de souligner qu’il n’y a pas sur ce point unanimité des sources anciennes : les uns qualifient les Médontides de rois, les autres d’archontes, et il semble qu’on ait la trace des deux usages dans la Constitution d’Athènes. Pour un examen détaillé de ce point délicat de terminologie, voir P. Carlier, La Royauté…, p. 366-369.
- Ath., III, 3. Sur ces serments des archontes, voir aussi Ath., LV, 5.
- Telle est la thèse soutenue par J. Sarkady, “Ende des Königtums und Anfang des Archontats in Athens”, ACD 3, 1967, p. 28.
- C’est ce que suggérait déjà G. de Sanctis, Atthis. Storia della repubblica ateniese, Turin, 1898, p. 115.
- FrGrHist II A n° 90, F49. D. S., VIII, 22 fait un récit très voisin de l’épisode.
- Il convient cependant d’être prudent, car il s’agit d’un fragment de résumé : le texte a pu être mal résumé ou mal coupé.
- Notamment R. Drews, Basileus. The Evidence for Kingship in Geometric Greece, New Haven, 1983, p. 92.
- Une conjecture pseudo-historique, inspirée par une hostilité de principe à la royauté héréditaire ou fondée sur le modèle de la décadence d’autres dynasties, n’est pas cependant tout à fait exclue.
- Pour plus de détails, voir P. Carlier, La Royauté…, p. 379-380.
- Si l’attribution d’un acte d’ὕβρις à Hippoménès s’explique par des raisons politiques, l’acte particulier qui lui est reproché s’explique peut-être par son nom : la fille d’Hippoménès-Hippomanès était toute désignée pour être victime d’un cheval fou – à moins que l’on n’ait donné au père un nom en rapport avec le crime qu’on lui prêtait.
- Chacun sait le rôle qu’a tenu dans les luttes politiques athéniennes l’ἄγος des Alcméonides.
- P. Carlier, La Royauté…, p. 405-407.
- Je résume ici très brièvement les résultats des analyses détaillées présentées dans P. Carlier, La Royauté…, p. 233-514.
- J. Vansina, Oral Tradition as History, Londres, 1985, p. 23 notamment. L’intérêt des recherches de Vansina pour l’étude des traditions grecques est signalé par J. Assmann, La memoria culturale. Scrittura, ricordo e identità politica nelle grandi civiltà antiche, trad. ital., Turin, 1997, p. 23-24. Lors de la publication de mon étude sur la royauté en Grèce en 1984, je ne connaissais pas les travaux de Vansina. Il y a donc convergence des analyses.
- J. Vansina, Oral Tradition…, p. 196 : “As such, oral tradition is not only a raw source. It is a hypothesis, similar to the historian’s own interpretation of the past. Therefore, oral traditions should be treated as hypotheses, and as the first hypothesis the modern scholar must test before he or she considers others”.
- Pour une analyse détaillée, voir P. Carlier, La Royauté en Grèce…, p. 329-337.
- L’étymologie du terme est discutée. Il est tentant de les rapprocher des γεραιαί de Troie, ces “anciennes” qui entourent Hécube lors de son offrande à Athéna (Il. VI, 296).
- Ce rite est très vraisemblablement lié au mythe des Aglaurides, filles du roi Cécrops.
- Dans ce deuxième cas cependant, les tablettes en linéaire B suggèrent que la localité où se trouve le palais s’appelle pu-ro, Pylos.
- Le raisonnement de l’historien, et notamment celui de l’historien de l’Antiquité, relève de la logique du vraisemblable merveilleusement analysée par Aristote dans la Rhétorique.
- Les données archéologiques relatives à l’Athènes mycénienne sont commodément rassemblées par P. Mountjoy, Mycenaean Athens, Göteborg, 1995. Les études archéologiques récentes sont très divisées à propos du palais de l’Acropole. Plutôt pour : J.M. Hurwit, The Athenian Acropolis, Cambridge, 1999, p. 71-89 ; J.M. Camp, The Archaeology of Athens, New Haven, 2001, p. 16-20. Très prudemment pour : R. Étienne, Athènes, espaces urbains et histoire. Des origines à la fin du IIIe siècle ap. J.-C., Paris, 2004, p. 13-15. Sceptique : B. Holtzmann, L’Acropole d’Athènes. Monuments, cultes et histoire, Paris, 2003, p. 37.
- Sur la tholos de Menidi, voir O. Pelon, Tholoi, tumuli et cercles funéraires, Paris, 1976, Th. 32. Une synthèse archéologique sur l’Attique mycénienne fait actuellement défaut.
- B. Holtzmann, L’Acropole…, p. 37-40.
- Dans ces conditions, le recours au modèle des big men mélanésiens est arbitraire. Contre une utilisation mécanique de ce modèle, voir P. Carlier, “Les basileis homériques sont-ils des rois ?”, Ktèma 21, 1996, p. 5-22. Je ne reprends pas ici le problème de la date et des modalités de l’unification de l’Attique, sur lesquelles travaille actuellement Antoine Pierrot.
- G.S. Dontas, “The True Aglaurion”, Hesperia 52, 1983, p. 48-63 ; J.-M. Luce, “Thésée, le synœcisme et l’agora d’Athènes”, RA n. s. 1, 1998, p. 17 et 20-23.