Des universités et institutions du territoire de l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine Euskadi Navarre, habituées à coopérer entre elles, ont décidé de formaliser ce partenariat en organisant des cours d’été transfrontaliers. Elles sont le fruit des rencontres organisées depuis 2019 entre les différentes universités et centres de recherche de l’eurorégion : l’Université de Bordeaux (UB), l’Université du Pays basque (UPV/EHU), les Cours d’Été de l’UPV/EHU, l’Université Bordeaux Montaigne (UBM), l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), l’Université Publique de Navarre (UPNA/NUP) et, Euskampus Fundazioa et CNRS/IKER, et du concours des collectivités territoriales, la Diputación Foral de Guipúzcoa, l’Eurorégion Nouvelle Aquitaine-Euskadi-Navarre (NAEN) et la Communauté d’agglomération Pays basque (CAPB). La MSH Bordeaux a intégré le projet en 2023 avec, notamment, ce projet éditorial.
Ce territoire plurilingue et interculturel, ainsi que les universités et institutions du consortium, colorent ces cours d’été tant sur le fond que sur la forme pour les rendre uniques et attractifs pour les universitaires, les scientifiques et la société civile dans son ensemble. Le territoire invite à questionner tant les défis et enjeux des sociétés multilingues que la construction de l’individu plurilingue dans les situations sociales et éducatives. Le « transfrontalier » nous plonge sur une réflexion et des expériences autour de la frontière physique, linguistique et symbolique mettant en dialogue les notions de complexité et d’inclusion dans nos sociétés et particulièrement les eurorégionales. À ce propos, les cours proposés soulèvent des questions liées aux structures, aux échanges, aux mobilités, aux migrations, aux créations ou productions issus de la confrontation ou la coopération de sociétés plurielles et ce, en combinant plusieurs échelles territoriales (du local à l’international).
Les deux premières éditions des cours d’été transfrontaliers, organisées en juillet 2022 et 2023 à Bayonne, ont fait la preuve de son efficacité comme lieu stratégique de rencontre et pôle de diffusion de la connaissance interculturelle et multilingue qui se traduisent par de nouvelles opportunités et propositions à court, moyen et long terme. Lors de l´édition 2023, 1 215 personnes ont participé aux conférences, avec 132 experts d’Espagne, de France, d’Argentine et des Pays-Bas.
L’ouvrage collectif publié aux éditions des Presses Universitaires de Pau et des Pays de l’Adour (PUPPA) vient renforcer ces orientations en utilisant un support issu d’un autre consortium des universités de la région Nouvelle-Aquitaine, en cherchant à être reconnu comme un outil de valorisation et de rayonnement international, ce que le transfrontalier vient consolider. La plateforme UN@ étant en accès libre et gratuit sur Internet, le potentiel des lecteurs de plusieurs pays et continents se voit ainsi démultiplié. Le format numérique semble particulièrement intéressant et pertinent dans la mesure où le multilinguisme dans un même ouvrage est possible (avec des articles écrits dans des langues différentes dont le français, l’espagnol, l’anglais, l’euskara ou l’occitan) et le contenu des chapitres s’enrichit avec des podcasts, des liens, des vidéos ou d’autres ressources complémentaires.
Ce premier ouvrage collectif qui reprend les textes de l’édition 2023 s’intitule « Environnements transfrontaliers » en mettant l’accent sur la diversité des environnements qui caractérisent son contenu. Gilles Ferréol définit « l’environnement » comme « l’espace que s’approprient collectivement les individus »1, en mobilisant les théories du sociologue Maurice Halbwachs2. Ce dernier auteur arrive à dessiner certaines sociabilités à partir des formes d’interactions – il parlera de genres de vie – lui permettant de mieux comprendre l’intégration d’un individu dans un collectif. Halbwachs s’est intéressé ainsi aux conditions spatiales pour comprendre les phénomènes sociaux en considérant que la distribution spatiale influence la manière dont les individus interagissent entre eux avec, pour corollaire, une certaine manière de s’approprier l’environnement en jouant sur les représentations collectives et les actions. Son concept de mémoire collective3 a été mobilisé4, voire interrogé5, par certains auteurs travaillant sur le borders studies pour aborder les questions des représentations et des identités collectives en illustrant le rapport qu’il propose entre formes spatiales et sociales. Par ailleurs, des auteurs comme Boudes6 relient la morphologie sociale de Halbwachs à la sociologie de l’environnement en reconnaissant son apport interdisciplinaire « à l’étude des relations entre les sociétés et leur milieu naturel »7.
Cet ouvrage collectif est composé de cinq sections correspondant à cinq cours qui illustrent des « environnements » pluriels et nous permettent de mieux comprendre les enjeux et défis de notre espace transfrontalier. La première section, reliant les environnements social et naturel, est dirigée par Itziar Aguado (UPV/EHU) et Julien Rebotier (UPPA) et concerne des chapitres sur le changement climatique et le territoire à partir d’une approche géographique. La deuxième section, dirigée par Nahia Idoiaga (UPV/EHU), rassemble des chapitres qui apportent une proposition d’éducation et de recherche pour dépasser les frontières en encourageant la participation des enfants et des jeunes. Ensuite, la troisième section coordonnée par Yannick Hernández (UBM) enchaîne les environnements éducatifs et virtuels pour proposer des analyses transfrontalières et transnationales des jeux-vidéo en interrogeant les usages, les interactions et l’accompagnement lors de pratiques vidéoludiques. Enfin, Celine Teyssier (UPPA) explore les défis de l’intelligence artificielle aux prismes de la sécurité et de la justice.
Tenant compte de l’un des objectifs des cours d’été transfrontaliers et de la ligne éditoriale de PUPPA-UN@, l’ouvrage est destiné tant à des universitaires (enseignant•e•s, cherheur•e•s, et étudiant•e•s) qu’à la société civile. Le but étant, en cohérence avec les orientations de UN@ et les cours d’été transfrontaliers, de s’adresser à un lectorat spécialisé mais aussi à la société civile et même de co-construire les connaissances par le biais de ces ouvrages. Nous contribuons ainsi à accomplir les orientations européennes autour de la science pour et avec la société, très présentes dans les établissements d’enseignement supérieur du consortium.
Nous souhaitons au lecteur d’apprécier le contenu et espérons qu’il contribuera à sa diffusion.
Bibliographie
Ouvrages et articles d’ouvrages
- Clementi K. (2023), “Les enjeux sociaux et cognitifs du rapport à la frontière: une étude sur l’agglomération strasbourgeoise: pour une psychologie du rapport aux objets géographiques. Psychologie”, thèse inédte soutenue à l’Université de Strasbourg, Strasbourg. https://publication-theses.unistra.fr/public/theses_doctorat/2023/CLEMENTI_Kevin_2023_ED519.pdf.
- Ferréol G. (2017), Environnements et identités, Louvain-la-Neuve, EME editions.
- Halbwachs M. (1938), La morphologie sociale, Paris, Armand Colin.
- Halbwachs M. (1950), La mémoire collective, Paris, PUF.
- Velasco-Graciet H. (2006), “Le destin rebondissant des zones frontalières, d’espaces proscrits en espaces prescrits”, dans Amilhat-Szary A-L et Fourny M.-C. (dir.), Après les frontières, avec la frontière. Nouvelles dynamiques transfrontalières en Europe, La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, p. 71-86.
Articles
- Amilhat Szary A.-L. (2015), “Identités collectives à la frontière”, Civilisations [En ligne], 60 (1), p. 81-101. https://doi.org/10.4000/civilisations.2896.
- Boudes P. (2011), “Morphologie sociale et sociologie de l’environnement: l’apport de Halbwachs à l’étude des relations entre les sociétés et leur milieu naturel”, L’Année sociologique, 61 (1), p. 201-224.
- Erll A. (2011), “Travelling memory”, Parallax, 17 (4), p. 4-18. https://doi.org/10.1080/13534645.2011.605570.
- Pfoser A. (2022), “Memory and Everyday Borderwork: Understanding Border Temporalities”, Geopolitics, 27 (2), p. 566-583. https://doi.org/10.1080/14650045.2020.1801647.