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Âgisme numérique

Âgisme numérique

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L’âgisme numérique concerne toute expression qui vise à disqualifier, à stigmatiser, à marginaliser une personne en raison de son âge, dans un contexte de technologie et/ou d’utilisation d’appareils électroniques.

Bien souvent, cette pratique tend à invisibiliser ou dénigrer la catégorie des séniors et des personnes du troisième âge dans la culture médiatisée actuelle, véhiculant de nombreux présupposés tels que leurs faibles capacités d’apprentissage dans ce domaine, leurs faibles intérêts pour la technologie, etc.

L’âgisme numérique peut également se manifester par le biais de pratiques discriminatoires dans la conception de produits technologiques, comme en omettant de prendre en compte dans l’élaboration d’objets (connectés) ou de logiciels, les besoins et les attentes des utilisateurs les plus âgés.

Si dans sa première acception, l’âgisme numérique est spontanément associé à la vieillesse, les enfants du numérique qui ont grandi avec ces technologies n’échappent pas non plus à certaines représentations stigmatisantes, qui peuvent être critiquées à leur tour pour leur utilisation inexpérimentée, excessive, inappropriée, etc.

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  • Discrimination numérique liée à l’âge
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Combien de fois je me suis entendu dire que je ne devrais pas utiliser les réseaux sociaux à mon âge, que c’est dangereux pour moi parce que je ne comprends pas comment ça marche !
– une victime

Plusieurs recherches ont démontré que l’âgisme se conjugue souvent à des stéréotypes sexistes, dévalorisant davantage des catégories spécifiques parmi les séniors : les femmes. Elles souffrent alors d’une double discrimination, identifiée scientifiquement par le concept de « double norme du vieillissement ».

Susan Sontag (1972), qui est à l’origine de ce terme, désigne par cette notion une forme de dépréciation toute singulière dans les sociétés occidentales. En effet, pour elle, les femmes âgées sont doublement victimes.

D’une part, comme elles sont constamment juvénisées dans leur parcours de vie, valorisées pour leur beauté et conditionnées à un rôle principal de séduction, voire de reproduction, leur vieillesse les renvoie à une forme « d’infécondité » et donc « d’incompétence » qui les exclut à terme culturellement et socialement.

D’autre part, à âge égal avec les femmes, les hommes semblent bénéficier auprès de la société d’une plus grande clémence quant à leur image et leurs performances. Ils sont ainsi perçus comme vieux beaucoup plus tardivement, indépendamment de leurs aspirations et de leurs capacités.

Si l’âge est une variable fondamentale dans la perception d’autrui, il a pour la première fois été posé comme un concept discriminant socialement dans une publication du gérontologue américain Robert Butler, datant de 1969, intitulée Age-ism: another form of bigotry (« L’âgisme : une autre forme de sectarisme »).

Cette définition de l’âgisme émerge dans la continuité du mouvement des droits civiques et des luttes contre les discriminations raciales engagé aux États-Unis. Plus largement, il prend racine dans un contexte où l’égalité des droits de la personne devient un enjeu central dans la représentation des rapports sociaux.

Si depuis cette première publication la définition de l’âgisme n’a cessé d’évoluer, il est intéressant de noter qu’il emprunte aujourd’hui d’autres terminologies pour le caractériser. On parle dorénavant de « préjugé ultime », de « dernière discrimination », ou encore de « maladie psychosociale ».

L’âgisme peut ainsi regrouper plusieurs catégories. L’adultisme concerne par exemple les comportements qui considèrent que les adultes sont plus capables que les jeunes, et peuvent par conséquent décider à leur place sans leur accord.

Le jeunisme pour sa part recherche à faire de la jeunesse un modèle imposé, où le culte de la perfection exhorte à la vitalité, la beauté, la performance, etc.

Enfin, le vieillisme se focalise sur les attitudes discriminantes à l’égard des personnes âgées, qu’elles soient intentionnelles ou non (publicités, signalétique urbaine, etc.).

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D’après l’article 225-1 du Code pénal, toute discrimination, soit « toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement […] de leur apparence physique […] de leur état de santé, de leur perte d’autonomie […] de leur âge » commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste entre autres à « refuser la fourniture d’un bien ou d’un service », à « entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque », à « refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne », etc.

La provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur apparence physique […], la diffamation non publique (article R625-8), l’injure non publique (article R625-8-1), sont punies d’une amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (1 500 euros d’amende).

D’après la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, la provocation publique à la haine ou à la violence à l’encontre d’une personne en raison de son apparence physique […], la diffamation publique (article 32), l’injure publique (article 33) commises envers une personne en raison de son apparence physique ou de ses caractéristiques génétiques sont également punies d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Quelques références scientifiques :

  • Butler Robert N., Age-Ism: Another Form of Bigotry, The Gerontologist, vol. 9, n° 4, 1969, p. 243-246, [https://doi.org/10.1093/geront/9.4_Part_1.243].
  • Charmarkeh Houssein, Les personnes âgées et la fracture numérique de « second degré » : l’apport de la perspective critique en communication, Revue française des sciences de l’information et de la communication, n° 6, 2015, [https://doi.org/10.4000/rfsic.1294].
  • Delias Lucie, Vieillissement et usages numériques, Terminal, n° 131, 2021, [https://doi.org/10.4000/terminal.7867].
  • Ève Michael, Smoreda Zbigniew, La perception de l’utilité des objets techniques : jeunes retraités, réseaux sociaux et adoption des technologies de communication, Retraite et société, n° 33, 2001, p. 22-51.
  • Herold David, Digital natives: Discourses of exclusion in an inclusive society, in : Haddon Leslie, Loos Eugène, Mante-Meijer Enid, Generational use of new media, Routledge, 2012, p. 71-87.
  • Hunsaker Amanda, Hargittai Eszter, A review of Internet use among older adults, New Media & Society, vol. 20, n° 10, 2018, p. 3937-3954, [https://doi.org/10.1177/1461444818787348].
  • Rennes Juliette, Conceptualiser l’âgisme à partir du sexisme et du racisme. Le caractère heuristique d’un cadre d’analyse commun et ses limites, Revue française de science politique, vol. 6, n° 70, 2020, p. 725-745, [https://doi.org/10.3917/rfsp.706.0725].
  • Sawchuk Kim, Lafontaine Constance, Grenier Line, « C’est étonnant à votre âge ! » ou le mythe du manque d’intérêt pour le numérique, in Marier Patrick, Billette Véronique, Seguin Anne-Marie (dir.), Le vieillissement sous la loupe : entre mythes et réalités, Presses de l’université Laval, 2018, p. 43-51.
  • Sontag Susan, The Double Standard of Aging, The Saturday Review, 1972, [https://warwick.ac.uk/fac/arts/english/currentstudents/undergraduate/module/literaturetheoryandtime/susan_sontag_the_double_standard_of_aging.pdf].
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Pessac
EAN html : 9791030008425
ISBN html : 979-10-300-0842-5
ISBN pdf : 979-10-300-0843-2
Volume : 1
ISSN : en cours
6 p.
licence CC by SA

Comment citer

Dulaurans, Marlène, « Âgisme numérique », in : Dulaurans, Marlène, Violences en ligne : décrypter les mécanismes du cyberharcèlement, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection V@demecum 1, 2024, 21-26 [en ligne] https://una-editions.fr/agisme-numerique/ [consulté le 15/07/2024].
10.46608/vademecum1.9791030008425.6
couverture de l'ouvrage Violences en ligne de la collection V@demecum
Illustration de couverture • Design Roman Vinçon et Nicolas Ruault
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