Depuis 2009, l’association des publicistes palois organise régulièrement les journées de la jeune recherche en proposant aux doctorantes et doctorants ainsi qu’aux jeunes docteurs de se réunir autour d’une problématique originale et d’actualité. Après « l’infraction pénale »1, « droit public et cinéma »2, « fête et droit public »3, « le juge et le moment »4, la jeune recherche en droit public de l’UPPA a retenu pour la sixième journée d’étude, la thématique « l’acceptabilité et le droit public ». Le présent ouvrage est issu de la manifestation qui s’est tenue à l’université de Pau, le 19 novembre 2021.
L’originalité du choix de ce sujet est la conséquence d’une réflexion menée sur les rapports entre les sciences sociales, lato sensu, et le droit public à proprement parler. Force est de constater que de nombreuses branches des sciences sociales se sont saisies à leur manière de la notion d’acceptabilité ; le droit public y est quant à lui davantage rétif.
Qu’entendre par la notion d’acceptabilité ?
L’analyse des définitions classiques de l’acceptabilité tend à dire qu’il s’agit de rendre quelque chose acceptable. Il est alors intéressant d’interroger les termes « acceptable », « accepter ». Il faut sûrement retenir deux définitions. En premier lieu, celle qui entend l’action d’accepter comme le fait de donner son consentement, son assentiment à ce qui est offert. C’est l’idée d’agréer, de donner son adhésion volontaire à quelque chose (à un objet de représentation) ou quelqu’un (à une personne). En second lieu, il y a la définition selon laquelle le fait d’accepter est le fait de subir ce qui arrive, ce qui se lie avec l’idée de résignation, ou moins fortement l’idée de tolérance.
En somme, de la notion d’acceptabilité il faut retenir l’idée de gradation de l’acceptable. L’acceptabilité semblerait être un concept permettant de marquer la force de l’adhésion, de la tolérance à un énoncé, un comportement, un don, une offre. Il n’est pas question ici de ce qui est proposé mais de l’agrément à ce qui est proposé.
S’intéresser à la notion d’acceptabilité contraint, au regard des définitions, à questionner principalement le point de vue du receveur. Cependant, le point de vue de celui qui propose n’est pas totalement absent des interrogations soulevées par l’acceptabilité et le droit public.
Les sciences sociales se sont intéressées à la notion d’acceptabilité en lui adjoignant certains qualificatifs, tels que l’« acceptabilité sociale », l’« acceptabilité technologique », l’« acceptabilité économique ». Dans le présent ouvrage, la notion d’acceptabilité sera traitée de façon autonome, chaque contributeur ou contributrice a eu la liberté de compléter ou non cette notion.
Ainsi, l’acceptabilité peut être entendue comme intervalle d’accord entre celui qui propose et celui qui reçoit. Cet intervalle peut être large : l’extrémité inférieure correspondrait à une acceptabilité difficile et sans consensus, l’extrémité supérieure correspondrait à une acceptabilité consensuelle avec un compromis minimal.
Dès lors, la notion d’acceptabilité se confronte de manière assez évidente à celle d’autorité qui peut correspondre à la composante unilatérale du droit public.
Confrontation de la notion d’acceptabilité et du droit public
Dans un contexte globalisé de « crise de la démocratie », la défiance face au fait politique est de plus en plus prégnante. La matière juridique – et plus particulièrement le droit public – accorde une place centrale à l’acceptabilité, en ce qu’elle transcende la viabilité de la norme. Cette question a été sûrement une des clefs de la construction même d’un droit « dérogatoire ». Pourtant, l’acceptabilité n’a qu’à de très rares cas été abordée frontalement par la doctrine juridique5 française6 et encore moins par la norme ou la décision de justice.
En dehors de ces cas précis, le droit public ne s’est pas directement saisi de la notion d’acceptabilité, mais on peut toutefois identifier trois objets qui viennent questionner l’acceptabilité et le droit public.
D’abord la norme, tant dans les conditions de son édiction que dans sa diffusion, se confronte à la question de l’acceptabilité. D’une part, la réception de la norme questionne la façon dont cette dernière peut être acceptée par le public visé, d’autre part le respect de la norme est, en partie, conditionné à son niveau d’acceptabilité.
Ensuite, l’utilisation de la norme est souvent perçue comme unilatérale. L’application de la norme, tant par les dépositaires de l’autorité que par les juridictions, nécessite une certaine forme d’acceptation pour être mise en œuvre en évitant le sentiment d’oppression.
Enfin, et de façon plus connexe mais non moins éminente, le cérémonial qui entoure la norme ou son application est peut-être d’autant plus brutal en droit public à l’égard de ses récepteurs. Ces spécificités sont des points centraux de l’acceptabilité du droit public.
Ainsi, l’acceptabilité et le droit public sont inextricablement liés. Tant et si bien que le respect du droit public dépend, en partie, de l’acceptabilité des décisions prises. Le droit s’étant jusqu’alors peu saisi de cette question, il semble pertinent d’interroger la place de l’acceptabilité dans le droit public. Au-delà, il est important de montrer que malgré des prémisses frémissantes de l’intégration de la notion d’acceptabilité au droit public, tout reste à faire dans ce domaine.
Remerciements
L’organisation d’une journée d’études de la jeune recherche paloise ne peut jamais se réaliser seul. C’est la raison pour laquelle le comité directeur tient à adresser de chaleureux remerciements aux personnes qui ont œuvré à la réalisation de cette aventure. Il s’agit de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, l’Institut d’études ibériques et ibérico-américaines, l’Institut fédératif des transitions juridiques et l’UMR Transitions énergétiques et environnementales. Nous adressons un merci particulier à Mesdames Claude Fournier, Alice Moulène-Dauba et Isabelle Montin pour leur soutien dans l’organisation de cet évènement. Nous adressons également un immense remerciement à Monsieur le Professeur Denys de Béchillon et à Madame Maylis Douence qui nous ont épaulés dans la construction intellectuelle du colloque, aux doctorantes et doctorants ainsi qu’aux jeunes docteurs qui ont contribué à cet ouvrage7.
Pour finir, un merci tout particulier doit être adressé à Madame la Professeure Nicole Belloubet, ancienne garde des Sceaux, actuelle ministre de l’Éducation nationale, qui a accepté le haut patronage de ce colloque ainsi que d’en réaliser les propos introductifs.
Cet ouvrage est à jour d’octobre 2023.
Bibliographie
NIQUEGE (S.) (dir.), L’infraction pénale, actes de la journée d’étude organisée le 30 avril 2009, à Pau, l’Harmattan, 2010, 214 p.
CONNIL (D.) et DUVIGNAU (J.) (dir.), Droit public et cinéma, actes de la journée d’étude organisée le 14 avril 2011, à Pau, l’Harmattan, 2012, 185p.
AZARETE (A.), GUERRERO (E.) et MORETTO (T.) (dir.), Fête et droit public, actes de la journée d’étude organisée le 13 février 2015, à Pau, l’Harmattan, 2017, 189 p.
DOUTEAUD (S.), ESTANGUET (P.) et VÉRON (N.), Le juge et le moment, actes de la journée d’études organisée le 28 juin 2019, PUPPA, 2020, 217 p.
Notes
- NIQUEGE, 2010.
- CONNIL, 2012.
- AZARETE, 2017.
- DOUTEAUD, 2020.
- Il faut ici noter l’exception du droit de l’environnement qui par certains aspects s’intéresse à la notion d’acceptabilité.
- D’autres systèmes juridiques se sont davantage confrontés à la notion d’acceptabilité, tel est le cas du Canada.
- Notons qu’une communication du colloque a été publiée de façon autonome par son autrice et ne sera par conséquent pas retranscrite ici.