« Je ressens toujours la même frustration et parfois une véritable angoisse à sentir que mon plus ferme assaut n’a en rien ébranlé mes juges, que leur conviction qui m’était contraire à l’origine n’a nullement changé, bref, que je suis inutile. Brillant ou plat, qu’importe, je sors de l’audience avec le sentiment terrible de l’impuissance »1
La justice est sujette à dispute. Elle est sujette à critiques, parfois justifiées, parfois infondées, il suffit de laisser traîner son oreille en sortie d’audience pour s’en assurer. La justice, en tant qu’institution bien entendu, a de quoi convaincre, mais aussi, parfois, des raisons de décevoir. Et donc de questionner. Sur l’opportunité d’une audience ou d’un procès, par exemple. Sur l’efficacité de ce processus souvent long et coûteux. Et finalement, sur sa capacité à évoluer, se transformer, se réinventer. Certes, « la justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s’installe »2, pour autant, pourrait-on imaginer une justice sans procès ? Une justice sans robe, sans mémoire en défense, sans plaidoirie, sans « Madame la Présidente », sans effet de manche ? Une justice alternative, qui repose sur d’autres fondements que l’affrontement des parties, tel un combat de boxe sur un ring, et l’unilatéralité de la peine, telle la sentence irrévocable du juge-arbitre. Une justice appuyée sur des modes alternatifs, afin de régler, ou du moins tenter de résoudre certains conflits. Ces interrogations prennent tout leur sens lorsque l’on s’invite à étudier les modes alternatifs de règlement des conflits.
Communément, le terme de « modes de règlement des conflits » est évoqué tant pour les modes juridictionnels (arbitrage, ou recours à un tribunal public par exemple) que non-juridictionnels (médiation, transaction, conciliation). S’ils ont pour principal but le règlement des litiges, il n’est cependant pas assuré qu’ils règlent dans le même temps les conflits dans lesquels ils s’inscrivent.
Les différentes appellations – litiges, conflits, différends – ne visent finalement pas de catégorie juridique distincte3. Il semble logique que la manipulation de ces termes puisse s’avérer parfois malaisée, notamment lorsqu’il s’agit de les différencier. Par exemple, le nouveau Code de procédure civile privilégie le premier terme, quand le Code du travail dispose, lui, que les conseils de prud’hommes connaissent des « différends »4, terme alors employé comme synonyme du précédent5.
Un conflit peut ainsi s’entendre « d’une relation antagonique que réalise ou révèle une opposition de prétentions ou aspirations […] et qui peut connaître une succession d’épisodes, d’actions, d’affrontements »3, quand la notion de litige recouvre « l’opposition de prétentions juridiques soumises à une juridiction civile, pénale, administrative ou arbitrale, appelée à la trancher par une décision »6. Voilà donc des notions complexes à définir dans leur globalité, la première recouvrant un champ sémantique vaste et varié, la seconde se rattachant davantage à une vision juridique, au même titre que le différend est lui qualifié de « désaccord juridique non encore porté, formalisé, devant une juridiction par un acte ouvrant une procédure »7. L’on pourrait même s’interroger quant au fait de savoir si le litige n’apparaîtrait finalement pas comme la « traduction ou la mise en scène juridique d’un conflit »3. Nous pourrions, certes. L’intérêt n’est pas anecdotique, ni même relatif, mais une telle démarche nous mènerait à des développements trop pléthoriques pour être raisonnablement envisagés en l’espèce (c’est pourquoi nous ne nous attarderons pas non plus à opérer la distinction, pourtant judicieuse, entre les modes « alternatifs » de règlement des conflits et les modes « amiables »8), et nous ferons le choix d’user du terme de MARC qui est aujourd’hui l’usage, notamment selon Antoine Jeammaud9.
Disons donc simplement que les MARC ont été définis par le professeur Laurent Richer, comme des « modes de résolution des différends juridiques qui ne peuvent être utilisés que si les parties y consentent, et qui aboutissent à une solution qui n’est pas imposée par l’une des parties »10. Présentés comme des modes de règlement consentis, égalitaires, négociés et favorisant l’équité des litiges11, leur principale caractéristique réside dans leur diversité.
Il nous serait alors bien inutile, pour ne pas dire fastidieux, de dresser un panorama complet des modes alternatifs de règlement des conflits, lesquels recouvrent notamment la transaction, la médiation, la conciliation, le recours administratif12 ou encore l’arbitrage. Il reste cependant important de distinguer ces différentes notions qui n’entraînent pas les mêmes conséquences et suivent des logiques et procédures qui leur sont propres. Nous ne pouvons que nous en satisfaire, tant chaque conflit suggère un mode de résolution approprié, une réponse adaptée.
L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître »13. Bien que les arrêts rendus par le juge administratif relatifs à la transaction ne fassent point référence à cet article14, l’article L. 423-1 du Code des Relations entre le Public et l’Administration y fait mention et ajoute que ce processus doit porter sur un « objet licite » et contenir des « concessions réciproques et équilibrées »15. La transaction est alors formalisée par un contrat écrit, et ne suppose pas l’intervention d’un tiers. L’arbitrage peut intervenir par effet d’une clause compromissoire contenue dans un contrat, ou par la naissance d’un litige après que les parties ont décidé de se soumettre à ce processus. Un arbitre (voire une cour arbitrale, selon les cas) intervient alors, donnant lieu in fine à une sentence arbitrale, laquelle revêt l’autorité de la chose jugée16. Au même titre que la transaction (et à la différence de la médiation ou conciliation), la solution retenue a force obligatoire auprès des parties. La conciliation induit l’intervention d’un conciliateur de justice, nommé par le Premier Président de la Cour d’appel, dont le rôle est de trouver un accord amiable17. Ce constat d’accord peut alors être signé par les parties et le conciliateur avant d’être soumis au juge, sans quoi les parties restent libres de saisir le tribunal. Enfin, la médiation intervient lors d’un litige avec l’administration et implique l’entremise d’un médiateur, un tiers indépendant et impartial18, guidant les parties dans la recherche d’un accord. C’est une procédure favorisant la communication et l’équité dans le litige, décidée par les parties ou par le juge, aboutissant à un constat d’accord ou d’échec, lequel n’a pas de valeur juridique (le juge reste cependant libre d’homologuer le constat d’accord pour lui donner une pleine valeur juridique).
La diversité de ces modes alternatifs de règlement des litiges nous conduira à traiter le sujet en nous référant essentiellement à la médiation, laquelle reste le processus recevant le plus les faveurs des professionnels et faisant l’objet de nombreux commentaires doctrinaux19, en évoquant cependant, lorsque nous y trouverons une pertinence, les MARC dans leur globalité.
Une fois ces premiers éléments posés, nous vient une interrogation partagée par Marie-Claude Rivier dans un rapport de recherche en 20016 : « Peut-on aborder le thème des MARC sans le rattacher au constat d’une crise […] des appareils de justice ? ». À l’évidence, le rattachement de l’apparition des MARC avec la remise en question de la légitimité de la justice n’a rien d’extravagant, bien au contraire. Cette liaison étant faite, précisons que « les pouvoirs publics eux-mêmes y contribuent, en intégrant les réformes relatives aux modes alternatifs dans les mesures destinées à améliorer le fonctionnement de la justice ».
Si le terme de « crise » provient du vocabulaire médical, représentant l’étape charnière d’une maladie, il désigne à partir du XIXe siècle « l’état de dysfonctionnement d’un système, devenu incapable d’assurer ses fonctions, que cette incapacité résulte du retournement de la conjoncture ou bien de ses caractéristiques intrinsèques »20.
« Incapable », « défectueux »21… nul ne peut alors s’étonner de lire, ici, comme ailleurs, que le droit souffre de maladie, victime (ou responsable ?) d’une crise dont les facteurs sont multiples. Partant, les MARC ne seraient-ils pas qu’un symptôme ? Celui des « maux dont souffre la justice […], des défaillances de l’institution judiciaire »22 ?
La crise évoquée s’habille de formes tout à fait diverses, et il serait impossible (et, peut-être, peu pertinent) de dresser l’ensemble des raisons nous poussant à décrire une telle réalité. Autorisons-nous cependant à citer quelques exemples qui figurent parmi les plus évidents : le coût de la justice en premier lieu, qui en fait une matière profondément inéquitable et rend l’accessibilité au juge largement variable en fonction des ressources et revenus du justiciable23. Le manque de moyens humains, techniques, financiers dont souffre la justice et, de facto, les délais de procédures et de jugements excessivement longs24 pour lesquels la France a d’ailleurs pu être condamnée à maintes reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme25. L’apparition de lois dénoncées comme liberticides, entraînant une certaine remise en cause du législateur et des interrogations quant à la finalité de la justice. Le manque d’indépendance des magistrats, notamment du parquet, vis-à-vis du gouvernement dont résulte un manque d’indépendance de la justice26. La faiblesse dans la motivation de certains jugements27, tout comme le sentiment d’une justice « à deux vitesses », forte avec les faibles, faible avec les forts. La complexité de la règle de droit : si « nul n’est censé ignorer la loi », encore faut-il pour le profane pouvoir la comprendre. Ou encore un déficit dans l’acceptabilité des décisions de justice, voire, pis, la règle de droit.
Et si l’enjeu essentiel n’était justement pas celui-ci : l’acceptabilité du droit ? Non seulement des décisions, mais également de l’existence de la règle de droit ? Lier « crise du droit » et « acceptabilité du droit » n’est pertinent qu’en saisissant bien la notion d’acceptabilité, terme qualifié de « flou » et « embarrassant », encore instable et plutôt mobilisé dans le champ des sciences sociales28. Il n’est pas inutile de rappeler que les substantifs formés d’un suffixe en –ité, dans le vocabulaire juridique, se définissent comme constituant les caractères, les qualités des opérations ou situations juridiques qu’ils désignent29. Ainsi, il est logique d’entendre par « acceptabilité » la vocation de tout ce qui peut être reconnu comme acceptable en droit30.
Certes. Toutefois, ne nous contentons pas de cette définition simpliste, tant le champ des sciences sociales nous offre des définitions et études variées sur la notion d’acceptabilité (sociale, cette fois-ci, et non plus juridique. Pourtant, est-il réellement pertinent de distinguer ces deux notions ?). En premier lieu, permettons-nous une évidence : acceptabilité n’est pas acceptation. La première renvoie à une qualité attribuée au processus d’élaboration d’un projet, d’une décision ou solution et, le cas échéant, à sa réalisation. La seconde est, elle, définie comme l’approbation effective (ou tacite) à ce projet, cette décision ou solution6. Dès lors, l’acceptation est l’un des résultats possibles d’un processus plus large, l’acceptabilité, qui désigne, elle, « l’opération d’agrégation, de cristallisation potentielle des conditions qui rendraient un objet défini – projet ou décision – acceptable ou non ». Elle serait ainsi entendue comme une « forme d’ingénierie sociale », écho aux tensions qui règnent dans la société et ayant pour but de « faire atterrir les projets »31. L’acceptabilité sociale induit alors un partage du projet, reposant sur le respect de processus démocratiques6 ainsi que la participation des citoyens pouvant aller jusqu’à la coproduction d’une décision ou l’implication effective dans la réalisation d’un projet32. Si l’acceptabilité peut donc être présentée comme une notion floue, elle n’en demeure pas moins une « invitation à enrichir le discours juridique d’emprunts aux sciences sociales afin d’apprécier de la façon la plus fine la qualité de notre justice »6.
Finalement, la doctrine offre de nombreuses études relatives à l’acceptabilité sociale33, lesquelles s’interrogent régulièrement sur la manière de rendre les projets, rencontrant initialement des oppositions dans la population, comme « acceptables ». Les MARC ne feront donc pas office d’exception, tant il sera important de s’interroger sur l’acceptabilité des mesures alternatives au règlement traditionnel des conflits. Car, après tout, le justiciable et la justice sont-ils réellement irréconciliables ? Marie-Claude Rivier affirme sans détour le contraire : « […] La justice trop coûteuse, trop complexe, trop lourde, trop lente, mais aussi la crise de confiance que les justiciables français ont dans leur justice : c’est cette “désaffectation pour la justice étatique” qui a expliqué le développement de l’arbitrage, lui-même aujourd’hui victime de son succès, marqué par des dérives, et dès lors concurrencé par les MARC ». De là à penser les MARC non plus comme un symptôme mais comme un remède à la crise, il n’y a qu’un pas que nous nous garderons de franchir trop aisément. En effet, les opinions sont partagées, et « les auteurs très prudents. Réponse “qualitative” et non “quantitative” à la crise, les modes alternatifs ne sauraient être une panacée »34.
Changeons de prisme : plus qu’un symptôme ou un remède, les MARC ne seraient-ils finalement pas simplement un outil au service de la justice ? Un instrument destiné, notamment, à combler les manques du système actuel, les lacunes dont souffre le droit, et permettant de « gommer » quelque peu les critiques qui affectent le monde juridique telles que décrites précédemment, sans pour autant prétendre les effacer ? Nous serons tentés de répondre à cette question par l’affirmative, en ce sens que les MARC apparaissent comme un outil pertinent pour favoriser l’acceptabilité du droit (et notamment du droit public, dont il est présentement question). Ces modes alternatifs de règlement des conflits impliquent effectivement une participation active du justiciable et instaurent un dialogue contenu dans une démarche globale de conciliation. Placer le justiciable dans une démarche proactive, le rendant acteur de la décision qui sera rendue, n’est-ce pas là un moyen de rendre la justice davantage « acceptable » ? C’est en tout cas le point de vue que nous tenterons de défendre.
Ainsi, pour traiter ces enjeux, nous évoquerons les MARC à la lumière du droit administratif tout comme du droit pénal. L’on sait toute la difficulté, ou, à tout le moins, certaines hésitations à ranger le droit pénal dans la catégorie du droit privé ou du droit public. L’on définit traditionnellement le droit public comme la branche du droit visant à organiser les rapports entre les personnes publiques et les particuliers, ou les personnes publiques entre elles35. Jusqu’ici, aucune difficulté, donc. Cependant, le droit pénal pourrait être qualifié de « droit mixte », relevant à la fois du public et du privé, tant il vise à sanctionner et réprimer les comportements proscrits par la société portant atteinte à un individu en particulier, mais également à la société en elle-même, à la paix et l’équilibre social. C’est ainsi que l’auteur de l’infraction peut être poursuivi par la victime, certes, mais également par l’État, représenté par le Procureur de la République. C’est la raison pour laquelle certaines mesures alternatives en droit pénal reposent sur le triptyque suivant : auteur de l’infraction, victime, et membre de la société, le but étant alors de réparer l’atteinte causée à la fois à la victime et à la société dans son ensemble. Dès lors, la doctrine semble ouverte (et même parfois convaincue) à classer le droit pénal au sein du droit public36 (au-delà, bien entendu, des seules matières de droit pénal qui relèvent, par leur nature même, du droit public, tel que le droit pénal international). Comme l’affirme Maud Baldovini, concernant cet embarras à répertorier le droit pénal, la « cause est entendue », et « d’après le critère de divisions des branches du droit, le droit pénal appartient sûrement au droit public »37. Nous souscrivons, sans détour, à ce constat. C’est pour ces raisons que notre étude reposera tant sur les instruments développés en droit administratif que les outils existant en droit pénal.
Il nous reviendra alors la tâche d’étudier ces MARC en nous questionnant quant à leur réussite ou, a contrario, leur échec, tant dans l’apparition et le déploiement de ces mesures que dans leur mise en œuvre. Ce n’est en effet qu’à la lumière de ce constat que nous pourrons étudier l’acceptabilité des MARC.
Nous verrons alors que l’acceptabilité des mesures dites alternatives, si elle est quasiment acquise aujourd’hui, a mis du temps pour émerger en France et n’a pas été un long fleuve tranquille (I). Cette notion d’acceptabilité est à lier avec celle d’effectivité des MARC, tant elles entretiennent des relations réciproques : un déficit dans l’acceptabilité des MARC impactera assurément leur réussite et, inversement, la réussite des MARC peut avoir, à n’en pas douter, des effets favorables sur l’émergence et la prospérité de ces dernières (II).
I. Apparition des modes alternatifs de règlement des conflits : une acceptabilité à géométrie variable
En France, l’idée même d’instituer des mesures destinées à régler certains conflits de façon « alternative » n’a germé que tardivement, contrairement à d’autres États connus pour avoir, très tôt, fait le choix de ne pas recourir dans certaines situations à la justice dite « traditionnelle » au profit de procédés amiables (A). Cela n’a cependant pas fait obstacle à un accueil favorable des MARC, par la « communauté juridique »38, lorsque ces mesures ont émergé en droit interne à la fin du XXe siècle (B).
A. Une émergence tardive des modes alternatifs de règlement des conflits
Les mesures alternatives ont, dans un premier temps, investi le champ pénal suivant le mouvement initié plus tôt par certains États tels que le Canada ou les États-Unis, avant d’être progressivement accueillis en droit administratif. Le défaut d’acceptabilité de l’opinion publique vis-à-vis des MARC peut alors apparaître comme un facteur important, sinon essentiel, expliquant l’apparition tardive de ces mesures.
1. En droit interne : une apparition progressive
Bien malheureusement, nous ne pourrons revenir avec précision et exhaustivité sur l’historique de l’apparition des MARC en droit interne français comme à l’étranger. Pour cela, il suffira de se référer aux nombreux travaux qui s’intéressent au domaine des modes alternatifs39. Cependant, il reste intéressant, pour étudier la notion d’acceptabilité à travers la question des MARC, de procéder à quelques rappels historiques, concis, quant à leur émergence.
Ainsi, nous pourrons relever un premier élément important : il serait bien inutile d’entreprendre une étude sur l’acceptabilité des MARC dès le XXe siècle, tant ces modes alternatifs sont apparus tardivement en droit interne. Dès lors, étudier l’acceptabilité des MARC, c’est se situer historiquement dans une période récente, comprise entre la fin du XXe siècle (pour les modes alternatifs relevant du domaine purement pénal) et le début du XXIe siècle s’agissant de la branche administrative du droit.
C’est en effet le droit pénal, et plus particulièrement la matière criminelle, qui, sans doute aucun, figure parmi les précurseurs en matière de règlement alternatif des conflits. Précisons d’emblée que la simple apparition du terme « alternatif » pour qualifier les modes de règlement des conflits apparaît dans la période 1970-1984, et pour la première fois dans la Revue de sciences criminelles40.
Ce n’est qu’à partir de 1985 que l’idée des MARC séduit et se répand dans les autres matières, pour entrer dans les manuels en 1996 seulement. La production doctrinale ayant pour objet d’étude les modes alternatifs des conflits connaîtra alors un véritable essor, dans toutes les branches du droit, et spécifiquement en droit processuel civil et droit de la famille.
Alors, d’où vient ce concept visant à régler les conflits en dehors du domaine juridictionnel ? L’apparition des modes alternatifs renvoie aux « ADR » nord-américaines, les Alternative Dispute Resolution41. Ce courant de l’ADR apparaît aux États-Unis dans un contexte pénal laborieux, et propose de nouvelles méthodes de règlement des conflits, précédemment évoquées, et allant jusqu’à inspirer l’apparition de nouvelles mesures telles que les « community mediation »42 ou les « Victim-Offender mediation »43. Le succès de ces mesures, privilégiant écoute, dialogue et compréhension de l’autre, inspirera alors rapidement le Canada, plus spécifiquement le Québec, qui verra éclore progressivement un véritable système : la « justice réparatrice ». Cette dernière ne s’est pas arrêtée aux frontières de l’Atlantique, la France ayant su, certes tardivement, accueillir ce nouveau système (alors dénommé ici « justice restaurative »)44.
Cependant, les MARC, comme précédemment explicité, ne sont pas restés étrangers aux autres domaines du droit, et notamment au droit public et administratif. En effet, selon Jean-Marc Sauvé45, « l’idée de développer les procédures amiables en matière administrative est si ancienne et si répétée qu’elle ressemble un peu à un serpent de mer »46. Bien entendu, tout est relatif, tant l’apparition des MARC dans le domaine administratif est postérieure aux sciences criminelles, mais il est vrai que, dès 1993, le Conseil d’État se préoccupe des MARC dans une étude adoptée par son assemblée générale47. De même que le 29 juillet 2011, le Conseil d’État publie une étude intitulée « Développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne »48, preuve de l’intérêt sans cesse grandissant du juge administratif envers les modes alternatifs de règlement des conflits. En préambule, le Conseil évoque les inconvénients de la judiciarisation croissante des différends et vante la médiation en tant qu’alternative. En effet, « elle privilégie la volonté de s’entendre entre parties en leur offrant le cadre d’un véritable dialogue, souvent plus efficace que l’engagement d’une procédure devant un tribunal »6. Déjà, en 2011, le Conseil d’État reconnaît les vertus des modes amiables de règlement des conflits, fondés sur deux éléments essentiels : la volonté des parties (de s’entendre, mais également, en amont, d’engager une procédure amiable en dehors du schéma juridictionnel classique) et le dialogue. L’étude a alors pour but d’analyser les « critères qui permettent de définir un régime cohérent de la médiation et recenser l’ensemble des nombreux régimes de médiation existants »6, et proposer, dans un souci de sécurité juridique, les évolutions législatives et réglementaires nécessaires à l’instauration d’un droit cohérent de la médiation. Voilà donc un projet ambitieux porté par le Conseil d’État dès 2011 : améliorer, de façon constante, la qualité de la justice par le développement des voies extra-juridictionnelles.
Dans ce contexte, la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles49 vient modifier l’article L. 211-4 du Code de justice administrative. Désormais, « dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, les chefs de juridiction peuvent, si les parties en sont d’accord, organiser une mission de conciliation et désigner à cet effet la ou les personnes qui en seront chargées »50. Cependant, les hypothèses de conciliation « n’ont pas fleuri au sein des juridictions »51. La même année, la médiation à proprement parler fait enfin son entrée dans le Code de justice administrative à l’article L. 771-3, par l’effet de l’ordonnance du 16 novembre 201152 mais pour une application limitée aux différends transfrontaliers auxquels le juge administratif n’est que rarement confronté53.
La fameuse loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, de 201654, complétée par la loi du 23 mars 201955, viendra fixer les règles de fonctionnement de la médiation qui figurent à présent dans le chapitre III du Titre Ier du Livre II du Code de justice administrative : la procédure sera alors « étendue au Conseil d’État pour les litiges en premier et dernier ressort (CJA, art. L. 114-1) », et la médiation pourra être proposée « à l’initiative des juges ou à l’initiative des parties dans le cadre d’un contentieux présent ou à venir (CJA, art. L. 213-1 et s.) »56.
Si le Vice-Président Jean-Marc Sauvé, dans son allocution à l’occasion des sixièmes États généraux du droit administratif en 2016, se voulait optimiste quant à la « percée » des MARC en droit administratif, estimant qu’« aucune fatalité ne saurait entraver l’essor de ces procédures et la refonte prochaine de notre cadre législatif […] pour développer de nouvelles initiatives et coopérations au sein de la communauté juridique »46, Hélène Masse-Dessen et Elsa Costa sont, trois ans plus tard, plus nuancées. Il semblerait que le champ d’application apparaisse « actuellement limité dans le contentieux soumis à la haute juridiction », et bien qu’elle « connaisse désormais un développement non négligeable »56, cet essor demeure très inégal selon les tribunaux et l’engagement personnel des magistrats. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de cette étude.
Cette apparition progressive induit alors une certaine acceptabilité des MARC, en France, variable selon les époques. Le début des années 2000 fut certes propice à une ouverture en faveur de l’émergence des mesures dites alternatives, mais l’on ne saurait ignorer l’impact important qu’a pu avoir l’opinion publique sur leur développement tardif.
2. L’apparition tardive des MARC : l’impact certain de l’opinion publique
Comment entreprendre la lente apparition des MARC au sein de notre système juridique sans se poser la question de l’impact de l’opinion publique sur l’émergence de ces mesures alternatives ? Il est vrai que « le respect ou l’acceptation de la décision de justice ne s’appuie pas seulement sur sa légitimité institutionnelle. Elle doit aussi bénéficier de la confiance des citoyens »57.
Dans le domaine pénal, il est certain que le choix de l’orientation de la politique pénale, lequel appartient au gouvernement (et s’exerce au travers des Procureurs généraux et Procureurs de la République placés sous l’autorité du garde des Sceaux), peut se voir parfois influencé par un contexte particulier ou des événements exceptionnels et/ou fortement médiatisés. Et, à contexte pénal tendu, réponse généralement répressive…
Laurent Mucchielli explique que, même dans une société où le crime et la délinquance sont en baisse, la politique pénale peut se durcir dès lors que la société devient davantage intolérante aux comportements illicites tant les délits et crimes « se font rares »58. Le diallèle apparaît alors : la criminalité baisse, entraînant une intolérance au crime accrue, abandonnant à l’exécutif tout le loisir d’instaurer une législation stricte dans le but d’apaiser l’opinion publique (ou flatter l’électeur…). Cette frénésie législative59 s’illustre aisément : c’est le cas du mandat de Nicolas Sarkozy, marqué par un tournant répressif dès son arrivée au pouvoir, avec l’instauration du dispositif de peine-plancher en 2007 ou encore l’adoption de la loi du 10 août 200760 supprimant l’excuse de minorité pour les jeunes récidivistes de 16 à 18 ans. C’est également l’adoption de la loi relative à la rétention de sûreté61 de 200862, dont on a pu y voir une réponse à l’émoi populaire causé par l’absence de procès de Romain Dupuy, jugé irresponsable pénalement63 après avoir tué et mutilé deux infirmières en hôpital psychiatrique, à Pau, quatre ans plus tôt.
Finalement, tout l’esprit de cette politique pénale s’incarne dans la citation suivante, prononcée par Rachida Dati, ministre de la Justice entre 2007 et 2009 : « La sécurité de tous, au prix de la liberté de quelques-uns »64.
Pareillement, François Hollande n’a-t-il pas réagi aux attentats de janvier 2015 en accélérant considérablement le chantier de la décriée « Loi sur le renseignement »65 ? Et comment ne pas citer le mandat de Emmanuel Macron, véritable tournant répressif en matière de violences policières et dont le premier quinquennat aura notamment été marqué par les projets de loi « Sécurité globale »66 (bien qu’en l’occurrence, le poids de l’opinion publique aura finalement eu l’effet inverse, entraînant la réécriture d’un article décrié et considéré comme une dérive dangereuse et liberticide opérée par le gouvernement. La France ayant d’ailleurs été avertie par la Cour européenne des droits de l’Homme, rappelée à l’ordre par l’ONU, le Conseil de l’Europe, le Défenseur des droits, et dénoncée par nombre d’organisations de défense des libertés publiques ou droits humains), ou encore les projets de loi « immigration »67, dont le fameux dernier en date projet de loi « asile et immigration » faisant un lien douteux, mais appuyé par une partie de l’opinion publique, entre immigration et délinquance.
Cela ne semble donc pas aller dans le sens du développement des mesures dites alternatives, lesquelles privilégient la conciliation, l’entente, le dialogue, ou autrement dit induit l’ouverture (aux autres) plutôt que l’enfermement (aux geôles).
Quid de l’opinion publique en matière de droit administratif ? Quels impacts sur les MARC dans ce domaine ? L’idée précédemment développée n’est pas forcément vraie s’agissant des MARC en droit administratif : d’abord, les affaires pénales semblent emporter les faveurs de l’opinion publique bien davantage que le droit administratif. Tout au plus, la justice administrative serait affectée d’un soupçon d’illégitimité, d’un « défaut de confiance »32 (pour diverses raisons, tenant essentiellement à la lenteur des décisions, à l’opacité et la complexité de l’organisation juridictionnelle duale)68 qui s’est potentiellement atténué au fur et à mesure que la position du juge administratif s’est consolidée69, mais qui ne reflète pas d’un intérêt particulier du justiciable à l’égard du droit administratif.
Donc, si l’opinion publique peut avoir des impacts sur la politique pénale menée par le gouvernement70 (notamment à l’approche des périodes électorales…), ce qui peut avoir in fine des conséquences sur l’apparition, plus ou moins tardive, et la démocratisation des mesures alternatives (pouvant être considérées comme « laxistes » lorsqu’elles sont encore méconnues), cela est moins vrai s’agissant des MARC en droit administratif. Il ne s’agit cependant pas de sous-estimer l’impact, cette fois-ci inverse, de la communauté juridique, ou disons le simplement, des « juristes », sur l’apparition des mesures alternatives.
B. Des MARC accueillis favorablement par la communauté juridique
Si l’acceptabilité des MARC peut avoir un impact sur la réussite des mesures71, encore faut-il que ces dernières voient le jour dans notre droit interne. De nombreux facteurs interviennent alors dans l’émergence de ces mesures, dont une certaine remise en question du modèle de justice dit « classique », comme démontré dans nos propos liminaires. Cependant, cette apparition de mesures fondées sur le dialogue, la conciliation, la volonté revendiquée des parties, est également à mettre en corrélation avec l’acceptabilité desdites mesures par la communauté juridique elle-même. Il conviendra alors de s’interroger sur l’impact que peuvent avoir les professionnels du droit sur la mise en œuvre de ces mesures, s’ils se révèlent confiants et convaincus par les avantages de ces dernières.
1. L’accueil des MARC par la doctrine : un réel impact sur l’existence des mesures ?
L’acceptabilité des MARC par la communauté du droit a des impacts sur la mise en œuvre des mesures qui s’avère, de facto et de manière logique, la clé de leur réussite. Si les magistrats s’écartent des modes alternatifs, peu de chance de réussite pour ces derniers. Cela ne vaut cependant qu’au domaine administratif, le justiciable étant relativement libre dans le domaine pénal pour engager des mesures alternatives.
Avant d’entrer dans une sphère plus factuelle à travers la réception des MARC par les professionnels, accordons quelques instants à l’analyse de la doctrine concernant ces modes alternatifs. Déjà en 2001, dans le rapport du CERCRID34, les MARC sont qualifiés comme des mesures « en vogue », certes venues de l’étranger mais trouvant une place régulière dans les débats et manuels de droit. À l’évidence, l’apparition de ces nouveaux processus, dont on se demandait d’ailleurs à l’époque s’ils n’étaient pas qu’un simple « effet de mode », fut largement favorisée par l’implication du législateur lui-même72. Ainsi, le discours des juristes, dès le début des années 2000, a apporté sa contribution à l’émergence de ce phénomène avec un nombre important d’études consacrées aux MARC. Voilà donc une preuve évidente d’une certaine acceptabilité des modes alternatifs de règlement des conflits, dès le début du XXIe siècle, par une doctrine certes en retard par rapport aux voisins étrangers mais consciente des opportunités qu’offrent ces nouvelles mesures73. Si l’objet d’étude acquiert au sein de la communauté du droit une « visibilité plus grande […], un sujet d’actualité », les MARC ne sont pas exempts de certaines critiques, faisant émerger une opposition entre les juristes désignés comme « classiques » ou « traditionnels » par le CERCRID, et les adeptes de ce discours d’actualité, plus « modernes ».
Ne caricaturons pas : les critiques de l’époque liées aux MARC ne se justifient pas par une simple « crainte du renouveau », une supposée méfiance dans l’évolution de notre justice, mais par des arguments, ou à tout le moins des interrogations, justifiés : quantitativement d’abord, le recours aux MARC semblait ne concerner qu’un nombre très limité de conflits, d’où une capacité à séduire relativement faible. Qualitativement ensuite, le repérage de l’adéquation des mesures par rapport au type de contentieux semble très variable, disparate voire contradictoire d’un domaine du droit à l’autre34. Cependant, l’on comprend rapidement que l’acceptabilité des MARC s’impose : dès 1996, il est rare de constater l’absence de référence au développement des modes alternatifs dans les ouvrages juridiques.
Si la « méfiance » originelle d’une partie des juristes français a disparu dans la doctrine, la confiance des professionnels eux-mêmes, notamment les magistrats administratifs, s’agissant de l’opportunité de recourir aux MARC, n’est pas forcément acquise aujourd’hui.
2. L’accueil contrasté des MARC par les professionnels du droit affectant la mise en œuvre des mesures
Il apparaît peu pertinent d’évoquer la bonne (ou mauvaise) réception des mesures alternatives par le juge pénal, tant la volonté et le consentement d’engager de tels processus proviennent généralement des parties elles-mêmes, victimes comme infracteurs. Ainsi, le juge pénal, s’il peut bien entendu connaître des MARC et même inciter voire encourager les parties à se tourner vers ces mesures, n’a pas un impact décisif sur leur mise en œuvre.
Il en va autrement pour les juridictions administratives. Nous l’avons précédemment évoqué, le Conseil d’État a joué un véritable rôle de moteur dans la mise en place de mesures de médiation devant la juridiction administrative74, preuve d’un accueil favorable. Pour autant, la mise en place de la médiation devant les formations contentieuses du Conseil d’État lui-même n’en est qu’à ses balbutiements, et une convention a été signée le 22 mai 2019 entre le président de la section du contentieux et le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour définir le champ et le fonctionnement de la médiation devant la haute juridiction51. Malgré ces débuts encourageants, tout reste à faire et à améliorer : la définition du champ encore trop circonscrit des médiations apparaît comme une limite, et la formation des acteurs ainsi que la sensibilisation à cette démarche figurent parmi des objectifs primordiaux pour la démocratisation de ces procédures alternatives.
En revanche, les cours administratives d’appel et tribunaux administratifs ont réceptionné ces modes alternatifs avec intérêt, à en juger leur développement non négligeable6. Cela ne signifie pas que les MARC ne rencontrent aucune difficulté : manque d’information, de lisibilité des outils, de cadre prévu au niveau des juridictions, ainsi que de formation des intervenants, des modalités d’homologation des accords de médiation empreints d’incertitudes… des problèmes persistent. Les potentielles résistances peuvent davantage provenir des administrations ou des parties à la démarche, plus que des professionnels : ces derniers, magistrats comme avocats75, semblent accueillir favorablement ces modes alternatifs, ce qui joue indéniablement dans le sens de leur démocratisation (bien que nous en sommes encore loin) et de leur réussite76.
Sans doute serait-il opportun d’instaurer des cellules de médiation au sein de chaque juridiction, à l’instar de ce qui existe déjà pour les expertises, en allouant les moyens nécessaires et en s’appuyant sur un magistrat exclusivement consacré aux médiations…
Toujours est-il que, plus que leur émergence, c’est bien la réussite des MARC qui semble induire une certaine acceptabilité de ces mesures. Et la réciproque est toute aussi vraie : plus les mesures alternatives seront acceptées et prospéreront, plus les chances de réussites seront élevées.
II. La réciprocité des notions d’acceptabilité et de réussite dans la mise en œuvre des MARC
L’acceptabilité des MARC dépend de leur réussite. Difficile d’adhérer à un système incapable de démontrer ses qualités, d’autant plus quand il est mis en œuvre dans le but de corriger les imperfections du système dit « classique » (A). Cependant, l’inverse semble correct : la réussite des mesures alternatives dépend fortement de l’acceptabilité qui les entoure. En d’autres termes, plus les professionnels du droit et les justiciables seront en mesure de recevoir favorablement les MARC et d’accepter de s’engager dans ces processus « originaux », plus les chances de succès seront élevées (B).
A. La nécessaire acceptabilité des MARC comme préalable à leur réussite
Tout l’intérêt d’étudier l’acceptabilité des modes alternatifs de règlement des conflits réside dans les effets constatés sur leur réussite : les mesures s’écartant des biais traditionnels, si elles sont tolérées, favorablement accueillies voire plébiscitées en droit interne, seront alors forcément dotées d’une force et d’un avantage certain quant à leur réalisation. C’est en cela que la volonté et le consentement des parties restent des facteurs absolument essentiels pour engager des mesures alternatives. De la même manière, et en se détachant davantage de la réussite intrinsèque des mesures elles-mêmes, l’expansion des modes alternatifs dans notre système juridique dépendra également de l’acceptabilité qui pèse sur ces mesures.
1. L’absence d’acceptabilité par les parties synonyme d’échec intrinsèque des MARC
Le consentement éclairé des parties pour engager une mesure alternative est un principe cardinal, d’autant plus dans le domaine pénal. Aussi, cette volonté doit être multilatérale, et ne peut échapper à aucun des protagonistes : chacune des parties doit librement et clairement consentir à un processus de médiation, de conciliation ou, par exemple en France s’agissant des infractions, à un « cercle de soutien et de responsabilité »77 ou un « cercle de parole »78. Sans cela, les chances de réussites intrinsèques seraient fortement réduites sinon compromises, en tout cas « gravement hypothéquées par la cristallisation de l’antagonisme pour rechercher des solutions consensuelles »79. Il s’agit d’une condition qui s’impose « afin de respecter les libertés individuelles, mais surtout compte tenu de la nature et des finalités du processus restauratif », concernant les MARC en droit pénal. Il s’agit donc de créer un climat serein, de confiance, basé sur la discussion (ou dans certains cas la négociation), avec des parties enclines à débattre. Pour cela, il faut effectivement qu’elles l’aient, en toute connaissance de cause, décidé.
En matière pénale, des conditions entourent alors le consentement : celui-ci doit être libre, non recueilli par des moyens indus ou déloyaux, et éclairé, en ce sens que chacune des parties doit avoir reçu l’ensemble des informations entourant la mesure (quant à leurs droits, la nature du processus et les éventuelles conséquences). Enfin, il doit être révocable à tout moment, qu’importe l’avancement de la procédure, par la victime comme par l’infracteur, sans besoin de motiver la raison d’un désistement. Il convient donc de ne pas estimer, à tort, la réussite des MARC par rapport à l’aboutissement ou non de la mesure mise en œuvre : il ne s’agit pas d’un critère.
C’est en ce sens que l’acceptabilité semble avoir un impact sur les MARC : comme déjà démontré précédemment, l’acceptation est l’un des résultats de l’acceptabilité80. Dès lors, l’acceptation apparaît comme une condition pour entamer une mesure alternative, il est nécessaire que ces mesures aient emporté l’acceptabilité de l’ensemble des justiciables pour avoir des chances de réussir.
Du côté de la justice administrative, les mêmes principes essentiels à la réussite des MARC peuvent être identifiés : la médiation est un processus libre, qui exige le consentement de toutes les parties sur l’engagement du processus, l’objet et la nature des désaccords, et la solution pouvant être envisagée ainsi que l’accord final. De la même manière, il est possible de mettre fin à la médiation administrative à tout moment, sans avoir à justifier d’une raison quelconque, et la règle de la confidentialité s’applique.
Notons que la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, de 2016, prévoit l’expérimentation jusqu’au 16 novembre 2020 des médiations administratives préalables obligatoires, ce qui peut, au premier abord, nous amener à nous interroger sérieusement, tant la condition du consentement libre à une telle mesure apparaît précieuse. Cependant, force est de constater que les professionnels tirent un bilan, tant quantitatif que qualitatif, positif et encourageant de cette expérimentation81, et le Conseil d’État a proposé de pérenniser ce dispositif (sous réserve de quelques évolutions). C’est très probablement ce qui a incité le gouvernement à prolonger cette expérimentation jusqu’au 31 décembre 202082 et la généralisation de cette procédure dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale83.
Sans être complètement convaincus de la nécessité de rendre obligatoire une mesure de médiation, reconnaissons que la réussite de cette expérimentation, d’autant plus compréhensible qu’il s’agit du domaine administratif et non pénal, s’avère encourageante.
2. L’acceptabilité des MARC comme un moyen de favoriser la réussite extrinsèque des mesures
Classiquement, l’on constate qu’un modèle capable d’emporter les faveurs du justiciable comme des professionnels du droit est un modèle voué à se démocratiser et connaître une certaine pérennisation.
À ce titre, nous avons démontré que les MARC, s’ils sont apparus tardivement en droit interne par rapport à nos voisins étrangers, font l’objet d’une acceptabilité plutôt élevée, du moins dans le monde juridique. Nous avons également explicité que cette acceptabilité, en ce qu’elle induit, in fine, l’acceptation des mesures, pouvait avoir des impacts positifs sur la réussite intrinsèque des mesures alternatives.
Ce raisonnement peut alors trouver à s’appliquer quant aux chances de réussite extrinsèque des MARC. Expliquons-nous. Les modes alternatifs ont peiné à s’imposer en droit français. Cependant, la réussite des mesures alternatives doit permettre à ces dernières de connaître un essor considérable dans un but précis : celui de s’adapter à toutes les situations, à l’ensemble des litiges dans leur grande diversité. À cet égard, plus les mesures seront élaborées et ajustées de façon à apparaître comme l’instrument idoine pour tel conflit, plus les intervenants seront formés et en capacité à conseiller au mieux la mesure la plus efficace et à en mener sa réalisation, plus les modes alternatifs pourront prospérer et s’appliquer à différentes situations (étant entendu que tout litige ou tout procès étant différent d’un autre, de la même manière que tout justiciable, toute victime ou tout infracteur est unique).
Cela explique alors l’apparition d’un modèle de justice nouveau en France, précédemment évoqué, issu de la loi de 2014 dite « Loi Taubira »84 : la justice restaurative, désormais inscrite dans le Code de procédure pénale85. Il ne s’agit pas ici d’une mesure, mais bien d’un modèle dans sa globalité, regroupant un nombre important de mesures diversifiées, soumises à des procédures strictes, spécifiques, des modalités divergentes suivant les litiges, mais poursuivant finalement le même but : restaurer le dialogue et rétablir la paix sociale, tant pour la victime que pour l’infracteur86. Autrement dit : nul n’est oublié, nul n’est stigmatisé. Ce modèle, largement inspiré de celui de la « justice réparatrice » au Canada, rencontrera alors un certain succès en France après un voyage outre-Atlantique de l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira, en 2013.
L’acceptabilité des mesures alternatives dans le domaine du droit pénal a donc permis, au-delà de la réussite intrinsèque des mesures, une véritable émulsion permettant à un système global, solide et aujourd’hui acquis à la cause des juristes de voir le jour.
B. La réussite des MARC comme facteur d’acceptabilité
Si les MARC peuvent séduire, c’est essentiellement dans leur capacité à corriger les inconvénients de la justice traditionnelle voire certains échecs régulièrement constatés. Ces avantages se révèlent également, à bien des égards, vis-à-vis du justiciable lui-même. Identifier ces effets bénéfiques, tant pour la justice que pour les différentes parties d’un litige, participe alors à une acceptabilité accrue des mesures alternatives.
1. La correction des maux de la justice « classique » par les MARC
Nous avons longuement évoqué la réussite des mesures alternatives, mais il nous revient à présent de démontrer dans quelle mesure celles-ci peuvent être qualifiées de satisfaisantes. Pour cela, revenons à l’essentiel, aux prémices de notre propos : la crise du droit.
Cette crise n’est pas imaginaire. Elle n’est pas une simple formule, elle se caractérise par nombre d’éléments exposés dans nos propos liminaires. Les MARC sont eux des instruments pouvant venir atténuer voire, dans certains cas, faire obstacle à certaines anomalies du système de justice dit « classique ».
En droit administratif, le principal enjeu semble être celui de l’engorgement des juridictions, phénomène qui induit indubitablement une lenteur excessive de la justice. Le développement des mesures alternatives permet alors de ne pas sur-solliciter le juge administratif et, in fine, aboutir à une solution sans subir les délais de traitement des dossiers excessivement allongés. À titre d’exemple, la MPO n’a certes « pas dégonflé les flux contentieux, du moins pas de manière évidente et significative »87, mais il est certain qu’elle a eu un « impact positif »6 sur le flot global des recours : le contentieux du RSA a par exemple diminué de 60 % durant l’expérimentation débutée en 2018, contre une baisse de 21 % sur les départements non concernés.
Les MARC ont également une multitude d’effets positifs sur le droit pénal, que nous ne pourrons pas tous dénombrer. Cependant, citons peut-être le plus primordial : celle de la lutte contre la récidive. Dès lors que les mesures alternatives poursuivent aussi un but de resocialisation de l’infracteur (ce que la prison ne permet de toute évidence pas), la lutte contre la récidive est un objectif. Le dialogue avec la victime (ou une autre victime d’une même infraction), encadré par une tierce personne, dans un climat privilégiant la discussion et empêchant les reproches, a des impacts concrets sur les condamnés, quand la prison ou la peine sévère connaissent eux des effets pervers88.
De plus, les mesures alternatives permettront à la victime d’engager un processus de dialogue, d’agir alors même que la prescription pourrait être acquise à l’infracteur par exemple. En effet, il est des cas où la victime ne souhaite engager une action en justice (pour différentes raisons, qu’il est impossible de remettre en question par ailleurs tant le choix de la victime doit être respecté, quel qu’il soit), laissant alors le délai de prescription s’écouler. Si par ailleurs, celle-ci souhaitait dénoncer les faits qu’elle a pu subir, la voie judiciaire classique lui serait alors fermée. Cependant, en vertu des mesures alternatives telles que la médiation ou les cercles de parole, une autre voie lui est offerte, bienveillante, encadrée et fondée sur la volonté et l’échange.
2. Les avantages des mesures alternatives à l’égard du justiciable
Les MARC ont des effets pleinement positifs sur notre système de justice, et cela est bienvenu ; mais, s’il est vrai que cela induit, in fine, des effets positifs pour le justiciable, l’entreprise d’une mesure alternative peut impacter directement ce dernier, sans concerner de près ou de loin le système de justice classique.
D’abord, si la position sociale de l’individu est un facteur qui joue fortement quant à l’accès au juge, son capital économique reste l’élément fondamental et peut représenter un frein. En effet, « la justice est chère, c’est un lieu commun »89. Malgré le développement dans les États de droit contemporain de dispositifs visant à garantir la gratuité de la justice pour les justiciables dotés d’un faible capital économique90, les frais de procès ainsi que les honoraires d’avocats impliquent malgré tout, parfois, une charge que tous ne peuvent pas forcément supporter91. Les modes alternatifs ont pour avantage d’être bien moins coûteux, voire gratuits, car tendant à la déjudiciarisation des conflits et induisant donc une réduction des frais de procédure.
Par ailleurs, les modes alternatifs ont l’avantage d’emporter plus aisément la satisfaction de l’ensemble des parties, dès lors que la solution retenue découle d’un accord de volonté, d’une discussion voire d’une négociation tenue à l’écart d’un juge qui, par sa position et son statut, peut potentiellement cristalliser les positions. De plus, particulièrement pour les affaires pénales et sensibles, le recours aux modes alternatifs permet de déjudiciariser la procédure (tendance apparue très tardivement en France cependant, les professionnels préférant opter pour les MARC parallèlement de la procédure judiciaire classique, voire postérieurement) et ainsi épargner les parties d’un procès parfois dévastateur pour la victime elle-même (confrontations, témoignages difficiles, reconstitutions par photographies ou vidéos, etc.). Il s’agit donc d’enrayer le phénomène de « victimisation secondaire »92, c’est-à-dire les conséquences découlant d’une infraction, de la réception de la plainte par les forces de l’ordre au procès en lui-même, et pouvant impacter la victime (par l’apparition, par exemple, de troubles de stress post-traumatique), par le biais d’une reconstruction qui s’opère par le dialogue et la compréhension de l’autre93.
Les MARC en droit administratif ont cet avantage de réinstaurer un dialogue, longtemps abandonné entre administré et administration. Ils permettent d’aboutir à une solution concertée, laquelle n’aurait pas été perçue de la même manière si elle avait été rendue de manière unilatérale par un juge. C’est donc assez logiquement que l’on observe, du 1er avril 2018 au 31 mars 2021, à l’occasion de l’expérimentation des MPO, un taux de réussite global des mesures s’élevant à 76 %94. Voilà un bilan satisfaisant.
Finalement, si l’acceptabilité des MARC apparaît comme un véritable enjeu pour la réussite de ces derniers, et si l’inverse est tout aussi vrai, tous ces éléments nous mènent à formuler un vœu. Celui de la démocratisation des mesures alternatives, ainsi que la véritable appropriation de ces instruments par l’ensemble des professionnels du droit – principalement juristes, professeurs, magistrats, avocats – afin d’emporter définitivement l’adhésion de l’opinion publique et permettre l’éclosion d’un système nouveau prenant le pas sur l’ancien. Un système fondé sur la conciliation. Un système ancré dans le dialogue. Un système permettant à tout justiciable de voir ses intérêts pris en considérations, quels que soient ses revenus, quel que soit son parcours, quelles que soient ses aspirations.
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Notes
- Citation de Robert Badinter, tirée de son manifeste « L’exécution », paru en 1973, résumant son combat contre la peine de mort et ses réflexions sur la justice, l’audience et le rôle de l’avocat.
- Citation de Michel Audiard.
- JEAMMAUD, 2001.
- Article L. 1411-1 du Code du travail : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail ».
- En effet, l’article L. 1411-1 du Code du travail, lequel fait référence au terme de « différend », est inséré dans le Chapitre 1er, du Titre Ier, du Livre IV intitulé « La résolution des litiges – Le conseil de prud’hommes ». De même, l’article R. 1412-1 du Code du travail dispose que « l’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent », sans réellement définir ni distinguer les deux notions.
- Ibid.
- CADIET, 1998.
- Pour cela, nous pourrions renvoyer aux écrits de Loïc Cadiet et Thomas Clay : CADIET, CLAY, 2019. Voir encore : CONSEIL D’ÉTAT, 2016 ; BERNABE, 2014 ; BOCQUILLON, MARIAGE, 2022, p. 73-88.
- JEAMMAUD, 2001. Cela reste à nuancer, certains auteurs évoquent encore les « modes de règlements des litiges », voire des « différends ». L’existence même de la commission des modes amiables de résolution des différends du barreau de Paris en est une illustration.
- RICHER, 1997, p. 4.
- LÖHRER, 2013, p. 29.
- Comme l’exprime Dimitri Löhrer dans la thèse précitée, « la multiplication des hypothèses de recours administratifs préalables obligatoires pourrait conduire à nuancer le propos dès lors que l’usage de cette voie de droit ne repose plus sur le consentement des parties. Il s’agirait davantage de “recours adressés à une autorité administrative, qui statue en tant que telle […], mettant en jeu la légalité ou l’opportunité d’un acte juridique de l’administration” », Ibid. Dès lors, le RAPO ne supposant plus véritablement l’acceptation des parties, nous ne nous attarderons pas sur cette notion. Voir également en ce sens : AUBY, 1997, p. 10.
- CHAVRIER, 2000, p. 548.
- Tout au mieux, certains arrêts isolés mentionnent simplement le Code. Voir en ce sens : CE, 21 décembre 1983, Centre hospitalier de La Rochelle c/ Société Saunier-Duval, n° 35849 ; CE, 14 décembre 1998, Chambre d’agriculture de la Réunion, n° 146351.
- Le lecteur pourra alors se référer aux arrêts du Conseil d’État relatifs à la transaction administrative : CE, sect., 10 février 2014, SA Gecina, n° 350265 ; CE, Ass., 11 juillet 2008, Société Krupp Hazmag, n° 287354.
- Cela ne signifiant pas pour autant que le litige ne peut plus être tranché par un juge. D’ailleurs, une partie non satisfaite par la sentence peut faire appel, à l’instar d’un jugement de première instance.
- MUNOZ, 1997, p. 41.
- GUILLAUME-HOFNUNG, 1997, p. 30.
- V. en ce sens : CERCRID, 2001, p. 71-91. Dans ce rapport du CERCRID (Centre de Recherches Critiques sur le Droit), il est d’ailleurs démontré que la conciliation peut être considérée comme subissant une perte de vitesse, « au profit de la médiation […], figure centrale dans la vague des modes alternatifs ». Ce mouvement perdurera, la médiation demeurant la mesure la plus commentée et suivie par la doctrine s’agissant des MARC.
- ORDIONI, 2011, p. 137-150.
- Plus de 40 % des affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’Homme sont motivées par les dysfonctionnements de la justice, sur la base de l’article 6&1 de la CEDH. Voir : DE SANTIS FAUSTO, LEVENBERGER, 2010, p. 5-11.
- RIVIER, 2001.
- DORIAT-DUBAN, 2001, p. 77-100.
- Rappelons à ce titre que le droit à une justice rendue dans un délai raisonnable trouve sa source dans divers textes : article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 6&1 de la Convention européenne des droits de l’Homme prévoyant que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] dans un délai raisonnable », ou encore, en droit interne, l’article 2 du Code de procédure civile qui dispose qu’« il appartient [aux parties] d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis », et l’article 3 d’ajouter que « le juge veille au bon déroulement de l’instance ; il a le pouvoir d’impartir des délais et d’ordonner des mesures nécessaires ». L’article préliminaire du Code de procédure pénale va également en ce sens : « Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait l’objet dans un délai raisonnable », tout comme l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire qui dispose que « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice […] cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».
- CEDH, 9 juin 1998, Cazenave de la Roche c/ France, 39/1997/823/1029 ; CEDH, 24 août 1998, Benkessiouer c/ France, 95/1997/879/1091.
- Cela se comprend simplement en observant l’organisation du ministère public, lequel connaît une « organisation pyramidale » avec, à sa tête, le garde des Sceaux. Voir en ce sens : DESPORTES, LAZERGES-COUSQUER, 2015, § 836.
- Pour le cas du juge constitutionnel, lire : BARANGER, 2015.
- BONNOTTE, 2016, p. 689-700.
- L’applicabilité relève du caractère de ce qui est applicable, la collégialité relève du caractère de ce qui est organisé en collège, etc.
- Selon le « jurictionnaire » du CTTJ, Centre de Traduction et de Terminologie Juridique, Faculté de droit, Université de Moncton, Canada.
- ARNAULD DE SARTRE, 2021.
- BONNOTTE, 2016.
- Voir par exemple, sur des thématiques diverses : MAYAUX, 2015, p. 237-259 ; FRISER, 2021, p. 136 ; TERRADE et al., 2009, p. 383-395 ; BAGGIONI, CACCIARI, 2019, p. 137-156.
- CERCRID, 2001.
- Pour une définition et distinction du droit public et du droit privé, voir : TRUCHET, 2018, p. 19-28 ; RIVERO, 1947, p. 18.
- Par exemple : SEBAN, HENON, 2012.
- BALDOVINI, 2012. Selon l’autrice, cette division repose sur une « différence d’objet entre le droit public et le droit privé, respectivement dominés par les notions de “souveraineté et d’État” et de “famille et de propriété” ».
- Le terme employé (nous pourrions également parler de « communauté du droit ») étant volontairement large afin de désigner l’ensemble des « acteurs juridiques » : les chercheurs d’une part, mais également les praticiens, professionnels, tels que les avocats, les magistrats, les procureurs… Ce terme est d’ailleurs employé par Jean-Marc Sauvé lui-même : SAUVE, 2016.
- Voir par exemple : JARROSSON, 1997 ; BERG, 1998 ; RIVIER, 2001 ; BAYLAC-MARTRES, 2002 ; CHEVALIER, DESDEVISES, MILBURN, 2003 ; BEN MRAD, 2012 ; CADIET, CLAY, 2019 ; VIAUT, 2021.
- CERCRID, 2001. Précisons que le terme « alternatives » est entendu comme « alternatives à la justice », et vu au regard de trois axes : ce sont des procédures soit extrajudiciaires (dimension institutionnelle), soit informelles (dimension procédurale), soit non juridictionnelles (dimension décisionnelle). Voir : ARNAUD, BONAFE-SCHMITT, 1993.
- SCHULTZ, 2002, p. 153-203.
- Le but étant d’apporter une réponse pacifique aux conflits naissant dans la communauté, et d’« améliorer la qualité de vie des personnes en se basant sur un changement social intégrateur, sur la solidarité et la coopération » : DE LA RUA EUGENIO, 2008.
- Mesure figurant parmi les plus anciens outils de médiation, dont le but est la réconciliation des parties. Pour un exemple célèbre : BONAFE-SCHMITT, 1995, p. 239.
- Lire en ce sens : SAYOUS, 2016.
- Vice-Président du Conseil d’État de 2006 à 2018 s’il était nécessaire de le rappeler.
- SAUVE, 2016.
- CONSEIL D’ÉTAT, 1993.
- CONSEIL D’ÉTAT, 2011.
- L. n° 2011-1862, 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles.
- La loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l’indépendance des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel avait déjà modifié l’article L. 3 de l’ancien Code des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel (alors devenu l’article L. 211-4 du Code de justice administrative), en y introduisant un alinéa 2 investissant les juridictions de première instance d’une mission de conciliation. Il ne s’agissait cependant là que d’un alinéa indicatif, confiant une mission non-contraignante au juge sans réellement le doter d’un pouvoir en ce sens.
- MASSE-DESSEN, COSTA, 2019, p. 2158.
- Ord. n° 2011-1540, 16 novembre 2011, portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.
- C’est d’ailleurs en ce sens qu’Hélène Masse-Dessen et Elsa Costa affirment : « L’article L. 771-3 n’a, d’ailleurs, à notre connaissance, jamais connu d’application concrète » : MASSE-DESSEN, COSTA, 2019.
- L. n° 2016-1547, 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle.
- L. n° 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
- MASSE-DESSEN, COSTA, 2019.
- JEAN, 2007, p. 43.
- MUCCHIELLI, 2008, p. 138.
- Terme employé par Laurent Mucchielli, notamment pendant la période 2002-2007 en France.
- L. n° 2007-1198, 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
- Destinée à placer dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté un détenu ayant exécuté sa peine mais présentant un risque très élevé de récidive.
- L. n° 2008-174, 25 février 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
- Son discernement ayant été jugé comme « aboli ».
- SALLES, 2007.
- L. n° 2015-912, 24 juillet 2015, relative au renseignement.
- L. n° 2021-646, 25 mai 2021, pour une sécurité globale préservant les libertés. Cette loi comporte des mesures décriées telles que la limitation de la diffusion d’images des forces de l’ordre sur le terrain, l’autorisation du port d’arme de service dans les établissements recevant du public par les policiers et gendarmes, ou encore l’usage de drones lors de manifestations en cas de craintes de « troubles graves à l’ordre public » dans un contexte d’augmentation des violences policières et du nombre de blessés en manifestation.
- Citons, pour exemple et dans l’attente de la promulgation de la dernière réforme sur l’asile et l’immigration (prévue pour 2024), la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Le projet initial étant jugé « coercitif » car emportant de réelles brèches dans le droit d’asile dénoncées par la présidente de l’association « Médecins du monde » Françoise Sivignon.
- JORAT, 2008, p. 456.
- LOCHAK, 1993.
- DUBE, GARCIA, 2018, p. 243-275.
- Voir infra, II.
- Pour comprendre l’évolution, se référer au I., A., 1.
- Selon le rapport du CERCRID de 2001, « en l’espace de trois ans, trois revues […] ont consacré un numéro spécial aux modes alternatifs de règlement ».
- Supra, I., A., 1.
- D’ailleurs, par une décision du 18 décembre 2020, les MARD (Méthode alternative de règlement des différends) font officiellement leur entrée dans le règlement intérieur national des avocats.
- Voir par exemple la mise en place d’une commission de règlement amiable (ici, par le Conseil général de Seine-Saint-Denis, donc l’administration elle-même et non le juge) lors de la réalisation des travaux d’une ligne de tramway, caractérisée par une volonté d’efficacité et de transparence : COSTA, 2012, p. 1834.
- Processus s’adressant à des infracteurs, auteurs de violences sexuelles, qui sortent de détention, présentent un fort risque de récidive et connaissent un grand isolement social. Il s’agit alors de leur proposer un accompagnement, à un rythme adapté, par des bénévoles, pour leur réinsertion et la reconquête de leur autonomie. La principale originalité étant que la victime n’est pas présente lors de cette mesure.
- Le consentement du tier présent, souvent membre de la communauté affectée par l’infraction concernée et donc représentant la société, ne faisant pas office d’exception.
- SAYOUS, 2016.
- Voir introduction.
- CONSEIL D’ÉTAT, septembre 2021 ; DE MONTECLER, 2021 ; DIEMER, 2022.
- D. n° 2020-1303, 27 octobre 2020, modifiant le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux.
- L. n° 2021-1729, 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire, art. 27. C’est le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux qui est venu préciser les modalités d’application.
- L. n° 2014-896, 15 août 2014, relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
- Article 10-1 du Code de procédure pénale.
- Et non pas, contrairement à ce que l’on pourrait être amené à croire, tendre vers la réconciliation des parties.
- CONSEIL D’ÉTAT, juin 2021.
- KENSEY, BENAOUDA, 2011.
- JOLIOT, 1976, p. 22.
- RIALS, 1993.
- DION-LOYE, 1997.
- GAUDREAULT, 2009, p. 29.
- Et non pas, il nous semble important de le répéter, le « pardon ».
- DE MONTECLER, 2021.