Dans cet article, l’auteur commence par examiner la première diffusion isiaque (qui débute fin IVe siècle-début du IIIe siècle dans le monde grec) et constate que le culte d’Isis a précédé hors d’Égypte celui des membres de son cercle, et que cette “exportation” est le fait d’Égyptiens plutôt que d’Alexandrins. Ces initiatives semblent personnelles et ponctuelles et ne relèvent pas d’une politique d’influence lagide, comme le montrent les récits de fondation et les arétalogies.
Les vecteurs de cette première diffusion combinent des facteurs d’ordre commercial, économique, politique et social, un ensemble dans lequel l’île de Rhodes a dû jouer un rôle important. Durant cette première phase, le clergé revêt des formes inspirées de l’Égypte, et, même lorsque le culte devient public, après que les autorités grecques aient observé une certaine réserve, il n’est pas rare de voir faire appel à des “spécialistes” égyptiens. Assez rapidement, les citoyens participent au culte, dans un premier temps comme membres d’associations cultuelles, puis comme prêtres, dès lors que les cultes isiaques bénéficient d’un statut public. Quant aux femmes, elles semblent alors participer au culte d’Isis, sans apparemment exercer encore des charges de prêtresses.
À la fin du IIIe siècle, les divinités d’origine égyptienne ont conquis une place non négligeable dans l’Orient méditerranéen. En une seconde étape, à partir de la fin du IIe siècle, les cultes isiaques se répandent largement en Italie, puis dans l’Occident méditerranéen de l’Empire romain. Cette seconde diffusion a eu pour tremplin les negotiatores italiques de Délos, sans exclure le rôle de la Sicile grecque. Ensuite, au départ de centres importants, comme Rome, Ostie, Aquilée, les dieux égyptiens ont essaimé le long des voies romaines, avec les commerçants et les fonctionnaires.
L. B. souligne, avec raison, que l’idée d’une expansion d’Isis et de Sarapis liée essentiellement au problème de la romanisation est une erreur d’optique, dans la mesure où il est clair que ce sont forcément les centres urbains bien romanisés qui nous ont laissé le plus de traces. Il n’en demeure pas moins vrai que des petites trouvailles isolées d’isiaca ne sont pas à prendre systématiquement comme des exotica ; bien souvent des découvertes ultérieures confirment leur valeur religieuse.
Enfin, l’idée que l’affaiblissement des cultes isiaques fait suite à l’époque sévérienne est peut-être aussi une illusion, tenant à la difficulté de bien dater les sources épigraphiques et à une sous-utilisation de la documentation numismatique. Il est sans doute tout aussi hasardeux de prétendre qu’à la fin du IVe siècle les divinités isiaques se replient dans les cercles aristocratiques romains, ce qui n’expliquerait guère la virulence des actes des pamphlétaires chrétiens.