Cette série d’estampes est née de la rencontre entre Sylvain Konyali, artiste-graveur, et Paul Vergonjeanne, tailleur de pierre alors étudiant à l’École d’architecture de Madrid. Tous deux ont pris pour point de départ de leur travail commun les similitudes entre les gestes du graveur et ceux du tailleur de pierre : l’altération de la matière via le mouvement du corps et la technique. Fruits d’une contamination réciproque de leurs pratiques, leurs expérimentations s’inscrivent dans un processus allant de la sélection du matériau jusqu’à l’estampage en passant par le travail de taille. Les diverses traces d’outils laissées par Paul Vergonjeanne à la surface des pierres sont encrées variablement, puis l’artiste y pose une légère feuille de papier exerçant manuellement la pression nécessaire au transfert. À l’égal de la plaque de cuivre, ces chutes de pierres altérées par le geste technique deviennent la matrice d’une série ouverte d’impressions. Le procédé d’estampage vient ainsi capturer le geste de l’exécutant. Néanmoins, si son résultat renvoie à l’instant de la gravure, il est lui-même l’occasion d’une remise en jeu du corps, medium indispensable ici à la transformation de la trace en sa représentation. Plutôt qu’une série de miniatures inanimées à l’esthétique sobre et élégante, ces légères feuilles graphiques (et vierges d’inscriptions !) s’entendent d’abord comme les empreintes d’un mode opératoire. En pendant à ces pierres qu’il resterait à graver, Paul Vergonjeanne a créé une véritable matrice épigraphique qui concrétise la métamorphose de la matière en inscription, laissant apparaître les différents états d’altérations du matériau jusqu’à la gravure des signes, déployant dès lors la temporalité du geste “épigraphique“. En raison de leur évidence, presque naïve, ces procédés artistiques sont indéniablement efficaces pour ramener à l’œuvre et à l’inscription en train de se faire, pour la penser non seulement comme une rencontre de la matière et des corps, mais aussi dans le temps long de ses manipulations et réappropriations (◉22 à 35).