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La restitution numérique du pont d’Avignon :
reconstruire le pont pour déconstruire la légende

Vue panoramique d’Avignon d’Étienne Martellange depuis la rive gauche, 1608 
(Ashmolean Museum, Oxford WA.C. Lar.11.103).
Fig. 1. Vue panoramique d’Avignon d’Étienne Martellange depuis la rive gauche, 1608 (Ashmolean Museum, Oxford WA.C. Lar.11.103).

Objet de fascination, célèbre dans le monde entier, le pont d’Avignon provoque admiration et interrogation. De son histoire oubliée, émergent quatre personnages disparus dans les brumes du temps : un fleuve infidèle qui a changé mainte fois de lit, une tour solitaire orpheline d’un pont moignon dont il ne reste qu’une splendide section privée de toute destination, et un saint énigmatique, Bénezet, initiateur du projet de pont. C’est de cette fascination et de cette interrogation qu’est né le projet de restitution du pont d’Avignon en trois dimensions.

Reconstitution en trois dimensions de la Tour par Leonard Gügi, 
d’après les croquis et relevés de Bernard Sournia.
Fig. 2. Reconstitution en trois dimensions de la Tour par Leonard Gügi, d’après les croquis et relevés de Bernard Sournia.

Le projet Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, précurseur en matière numérique

Dès les années 2000 le projet Chartreuse numérique a mobilisé les étudiants de l’INSG (Institut National Supérieur de Géographie) pour procéder à un relevé de l’ensemble du bâtiment sur plus d’un hectare et demi puis l’UMR MAP (Unité mixte de recherche 3495, Modèles et simulations pour l’Architecture et le Patrimoine) du CNRS a pris le relai pour une restitution de l’église de la Chartreuse en réalité augmentée sous la direction de Michel Berthelot. Ce qui a permis de reconstruire l’abside effondrée et de replacer les magnifiques peintures aujourd’hui présentées au musée pierre de Luxembourg à Villeneuve.

Michel Berthelot en action (Cliché Henri Poirier, Pyfilm).
Fig. 3. Michel Berthelot en action (Cliché Henri Poirier, Pyfilm).

En 2004, au retour d’une présentation des Travaux de l’UMR MAP à Versailles, j’ai proposé à cette équipe de réfléchir à la restitution du pont d’Avignon vue de la tour Philippe le bel. Ce projet est né dès le départ dans l’enthousiasme et la bonne humeur. Depuis le début, il est villeneuvois. C’est ici qu’il convient de rendre hommage à Michel Berthelot directeur adjoint du MAP disparu au printemps 2014 alors qu’il menait la mission scientifique PAVAGE crée avec le soutien de l’ANR (agence nationale de la recherche) et sans qui rien ne se serait passé1. J’ai donc eu le privilège de travailler en binôme avec lui, mon rôle étant de trouver les soutiens territoriaux (convaincre les élus) et les fonds nécessaires (monter les budgets) et obtenir les soutiens de la Région et de l’Europe. 

Transhumance numérique et phases d’ensablement

Étant passé entre temps de la Chartreuse a la Direction des affaires culturelles de Villeneuve-lès-Avignon, j’ai continué, à la demande du maire de Villeneuve et actuel président de l’agglo Jean-Marc Roubaud, mon travail de rapprochement de part et d’autre du fleuve. Les relations avec Avignon, légitime propriétaire du pont, n’allaient pas de soi.  Les prétentions de Villeneuve non plus. Le fleuve marquant une historique méfiance, qu’il convenait de dépasser, il a fallu trouver une structure porteuse et c’est la maire d’Avignon Marie-José Roig, Présidente de l’agglomération à l’époque, qui nous a aiguillé vers l’agglomération du Grand Avignon, seule capable d’en assurer la juste équidistance, dans un œcuménisme territorial de bon aloi. L’agglomération du Grand Avignon à cheval sur deux rives, deux départements deux régions trouvait là un projet symbolique fort de nature à incarner son territoire. J’ai donc rejoint l’Agglomération comme chargé de mission en 2013 bouclant ainsi une transhumance numérique un peu inattendue. C’est donc au terme d’une épopée de neuf années que nous avons présenté en décembre 2013 le film de la traversée du pont d’Avignon.

L’étude du monument dans son paysage fluvial : un objet de recherche complexe 

La restitution numérique du pont d’Avignon dans son paysage fluvial a été en soi une aventure scientifique hors norme par l’étendue de l’espace et du temps explorée, par la diversité des savoirs concentrée, par la dimension légendaire de l’ouvrage et sa renommée internationale. 

Une indispensable transversalité, des temporalités différentes des langages scientifiques différents 

Le temps et l’espace du géo morphologue (le fleuve a 40 millions d’années, on a travaillé sur 50 km²) et ceux des archivistes, des archéologues, des historiens médiéviste sont très différents. Le langage des architectes spécialistes de la modélisation numérique n’a rien à voir avec celui la physique des sols, lui-même très éloigné, de l’épigraphie latine. Il a donc fallu rassembler des tribus scientifiques aux cultures et langages hétérogènes autour d’une maquette numérique, véritable totem qui permettait à chacun de voir la même chose et d’échanger pour compléter les manques de cette maquette. Passer du dessin au fusain de l’historien de l’architecture à l’hypothèse de restitution numérique s’avère être une très riche expérience transdisciplinaire et transgénérationnelle.

Le totem numérique, outil de l’interdisciplinarité et vecteur transgénérationnel

Pour construire ce modèle il a fallu :

  • étudier et cartographier 50 km² de territoire (un carré de 7,1 km de coté) en procédant à des forages, des carottages, des mesures d’électro-résistivité, à des recherches bathymétriques (échographie sous-marine) et dendrochronologies (datation des bois anciens) ;
  • relever par scanner 150 nuages de points soit 6 milliards de coordonnées 3D en x,y,z ;
  • prendre 10324 photographies ;  
  • utiliser 14 techniques de modélisation ;
  • étudier 221 sources iconographiques en séminaire de critique iconographique afin de démêler leur valeur historique et leur fantaisie artistique. 
  • consulter les fonds du palais des papes et du Vatican ; 
  • produire 1.8 TO de données produites (modèles 3D, images et vidéos.)  

C’est ainsi qu’au fil des séminaires une communauté de chercheurs (le programme PAVAGE) s’est constituée autour de ce pont virtuel projeté comme dans un rêve, qui galvanisait toutes les énergies.

Contrechamp du dessin d’Étienne Martellange en restitution numérique  (Léo Gügi, Pyfilm UMR MAP).
Fig. 4. Contrechamp du dessin d’Étienne Martellange en restitution numérique (Léo Gügi, Pyfilm UMR MAP).

Éléments de géographie générale

Le Rhône 

Le Rhône apparait il y a environ 40 millions d’années, à l’Eocène ; les Alpes se soulèvent doucement depuis cette date et constituent un château d’eau avec des fleuves qui irriguent toute l’Europe, le Rhône, le Rhin, le Danube et le Pô. La grande force du Rhône est donc qu’il reste fluvio-glaciaire, long de 812 kilomètres, il prend sa source dans le glacier du Rhône, en Suisse, à une altitude de 2209 mètres. Il parcourt 290 kilomètres dans ce pays et se jette dans le lac Léman. Après son passage à Genève, il entre ensuite en France où il parcourt 545 kilomètres, pour finir son cours en  Méditerranée dans le delta de CamarguePort-Saint-Louis-du-Rhône est la dernière ville de France sur le Rhône. Du côté d’Avignon, l’île de la Barthelasse émerge progressivement au fil des siècles. Elle sera reliée à l’île Piot tardivement lors de la crue de 1801 où le chenal disparaît. En 1856, la Barthelasse est rattachée à Avignon, au préalable elle appartenait à Villeneuve-lès-Avignon et l’île Piot appartenait aux Angles. Le régime hydrologique du Rhône varie de 1 à 3, au cœur de l’été il est à 600 m3/seconde.  En moyenne, il est à 1450 m3/seconde et, en hautes eaux, à 1750 m3/seconde.

Photo aérienne de la confluence (cliché M. C. Collin).
Fig. 5. Photo aérienne de la confluence (cliché M. C. Collin).

L’épisode Messinien

Le Rhône a beaucoup changé il y a 5,5 millions d’années, l’Afrique remonte sur l’Espagne et comble le détroit de Gibraltar ; le niveau d’eau de la Méditerranée baisse de plus de 1000 mètres en mille ans, soit un mètre par an. Il faut donc imaginer le niveau du Rhône à Arles 500 mètres plus bas, créant ainsi un gigantesque grand canyon jusqu’à Lyon. Par la suite, il y a environ 5,33 millions d’années, l’ouverture du détroit de Gibraltar fait se déverser l’océan Atlantique dans la mer Méditerranée de manière extrêmement rapide, à un débit de 100 millions de m3/seconde.

La Durance

La Durance parcourt 324 kilomètres, son régime hydrologique est beaucoup plus étendu que celui du Rhône : de 1 à 165 (soit 30 m3/seconde à 5000 m3/seconde). Sa confluence tumultueuse est source de nombreuses inondations. Lors de crues importantes, la Durance fait barrage à l’écoulement du Rhône provoquant de mémorables inondations dont celle de 1856 qui contraint l’empereur à se déplacer en barque. Elle constitue le deuxième affluent du Rhône pour la longueur et troisième affluent pour le débit après l’Isère. Son cours est parsemé d’un ensemble d’iles fluviales qui n’a cessé d’évoluer au fil des chenaux creusés dans d’importants lits de galets. Son paysage actuel ressemble beaucoup à celui du Rhône avant la construction du pont d’Avignon.

Napoléon III au secours des sinistrés en juin 1856 en barque à Tarascon, huile sur toile, 
William Bougereau, 1856 (Hôtel de ville de Tarascon, cliché Marc Andrieu).
Fig. 6. Napoléon III au secours des sinistrés en juin 1856 en barque à Tarascon, huile sur toile, William Bougereau, 1856 (Hôtel de ville de Tarascon, cliché Marc Andrieu).

Le contexte historique et climatique 

Des bouleversements en chaîne : une période troublée  

La période de construction du pont Avignon 1177-1293 et son utilisation jusqu’en 1669 se situe dans une période troublée par de violents épisodes : la croisade des albigeois (1226), le schisme de Rome et l’arrivée des papes (1309-1376), la guerre de Cent Ans (1337 -1453) le tout ponctué de grandes pestes et de famines. À cet égard il est significatif que les remparts de la ville d’Avignon construits par Innocent VI après 1355 étaient destinés à prémunir la ville des armées sans soldes du roi de France contraintes de rançonner les contrées traversées. 

Les remparts d’Avignon inondés, photographie Édouard Baldus, 1856 
(Archives municipales d’Avignon, 11 Fi 297).
Fig. 7. Les remparts d’Avignon inondés, photographie Édouard Baldus, 1856 (Archives municipales d’Avignon, 11 Fi 297).

Le royaume et l’empire 

Le Rhône qui au départ appartient au Saint Empire Romain Germanique va faire l’objet d’une longue conquête territoriale à partir de Philippe Auguste, conquête continuée par tous les capétiens pour devenir une frontière entre le royaume et l’empire. Ce mouvement continu pour accéder à la méditerranée se traduit par toute une série de fortification sur la rive droite du Rhône jusqu’à Aigues-Mortes.

La création par le roi de Villeneuve-lès-Avignon, anciennement bourg Saint-André rattaché à l’évêché d’Avignon en 1226 (acte de paréage signé par Louis VIII lors de la croisade des Albigeois, poursuivi en 1292 d’un deuxième acte de paréage signé par Philippe le Bel) traduit cette volonté hégémonique sur la rive droite. Avec la tour de Villeneuve, Philippe le Bel verrouille l’entrée du pont d’Avignon, par la suite Jean le bon construit le fort St André pour fait face à la cité papale.

Un changement climatique radical : le petit âge de glace

À partir du milieu du XIIIe siècle, un refroidissement climatique durable frappe l’Europe, les glaciers s’étendent, les dégels provoquent d’importantes crues et les nappes phréatiques remontent, provocant des phénomènes d’affouillement qui font tourner les piles sur elles même jusqu’à effondrement.

Qu’avons-nous découvert ? Reconstruction du pont, déconstruction de la légende, identification du (des) coupable(s) de la destruction 

Une chronologie trompeuse et de multiples reconstructions

Au départ il s’agit d’un pont digue en bois qui arrive tout au plus au milieu du fleuve, il contrôle l’énorme trafic fluvial qui transite nord sud et dont le volume constitue une source de revenus majeur. La foire de Beaucaire draine des marchandises en provenance de la Flandre et de l’Europe du Nord.  Pour assurer ce trafic considérable six milles chevaux font la remonte et la décize le long des chemins de halage (4 jours à la descente 40 jours à la remontée) 

Les travaux du pont d’Avignon débutent en 1177.  Le pont digue en bois ne sera prolongé en pierre sur toute la longueur qu’en 1293 au bas de la tour Philippe le Bel. Soit 116 ans au lieu des sept années de construction de la légende. A la mort de saint Bénezet en 1184 les Avignonnais construisent une chapelle pour y déposer ses reliques, qui feront l’objet de très nombreux pèlerinages sources de revenus. L’analyse des fondations des piles démontre que les pieux de bois sont issus du réemploi de charpentes des chapelles romanes du rocher des doms recouverts en pierre après le VIe siècle. Il n’y a donc pas eu de pont romain pour servir de support au pont d’Avignon  

Du bois à la pierre, les avatars d’un pont soumis aux caprices du fleuve 

Sa construction se fait en de multiples étapes y compris de reconstruction comme celle de 1234 après destruction en 1226 lors de la croisade des albigeois. D’abord en bois il devient en pierre au prix de difficultés techniques et financières que l’ordre du pont a du mal à assumer. Le pont dès son origine fera l’objet de constantes réparations plus ou moins provisoires comme en témoignent les tabliers de bois. La découverte de deux arches de sections plus réduites en son milieu atteste d’un renforcement tardif de l’ouvrage. Cette chronologie est d’autant plus trompeuse que les quatre arches restantes de l’actuel pont d’Avignon datent d’une autre reconstruction au XVe siècle après le siège d’Avignon en 1410 pour expulser les catalans de Benoit XIII.

Des enrochements incertains

Les piles d’Avignon sont posées sur des lits de galets ou des fonds limoneux. Ils expliquent la sinuosité du tracé sur 21 piles et 22 arches. Sur un segment de 850 m le pont développe 70 m supplémentaires afin de trouver de trop rares   appuis rocheux. Ses arcs surbaissés et la très élégante finesse du tablier explique sa fragilité.  

Une modification fatale du lit du fleuve par l’homme

Le canal des Tuileries, plan de l’ingénieur Montaigu, 15 janvier 1685 (Archives nationales, G 7 300 ; 
l’image du plan a été retravaillée graphiquement en surimpression sur une vue aérienne actuelle).
Fig. 8. Le canal des Tuileries, plan de l’ingénieur Montaigu, 15 janvier 1685 (Archives nationales, G 7 300 ; l’image du plan a été retravaillée graphiquement en surimpression sur une vue aérienne actuelle).

Sous l’impulsion de Colbert qui veut rabattre les prétentions d’indépendance économique d’AvignonLe bras actif du Rhône est détourné entre 1672 et 1686 de son lit avignonnais pour couler dans le canal des tuileries qui côtoie le Languedoc. L’accélération du courant qui en découle déstabilise l’ouvrage.

Une instabilité financière et historique de l’œuvre du pont

L’institution avignonnaise est   un mélange instable de laïcs et de frères. Sa scission au milieu XIIIe siècle traduit les tensions politiques entre l’évêque Zoens et les consuls de la ville et fragilise l’institution d’un point de vue financier. La confrérie passe sous contrôle de l’évêque et se cantonne à la gestion de l’hôpital, l’œuvre quant à elle passe sous le contrôle de la ville pour les quêteurs et la récupération des legs. À la faveur de cette dissension certains gardiens du pont sabotent l’ouvrage afin de favoriser leur cousin du bac à traille, une certaine mafia s’installe. Dans ce contexte la légende qui se construit à la mort de Bénezet en 1184, sert à renforcer la capacité des quêteurs à vendre les lettres d’indulgence par des récits merveilleux, toutefois les financements se sont avérés insuffisants face aux couts de réparation toujours plus importants.

La légende de saint Bénezet

C’est au milieu du XIIIe siècle que la légende de Bénézet se fixe et se répand grâce aux quêteurs de l’Œuvre du Pont qui la lisaient en chaire afin d’obtenir des fonds. Un jeune berger, du nom de Bénezet, descendit en 1177 des montagnes de l’Ardèche. Il se disait envoyé par Dieu pour construire un pont à Avignon. Au début, on le prit pour un fou, mais il avait entendu une voix venue du ciel lui dictant : « Bénézet, prend ta houlette et descends jusqu’en Avignon, la capitale du bord de l’eau : tu parleras aux habitants et tu leur diras qu’il faut construire un pont. ». Un dimanche de fête, pendant que l’évêque d’Avignon donne sa bénédiction sur le parvis de Notre-Dame, Bénézet l’interpelle : « Seigneur évêque, je suis mandaté par le Tout-Puissant pour construire un pont sur le Rhône. ». Raillé par les Avignonnais, le berger est mis au défi par le prélat de charger une pierre énorme sur ses épaules et de la jeter dans le Rhône. Bénézet n’hésite pas un instant, et sous le regard de la foule ébahie, soulève le bloc de pierre avant de le jeter dans l’eau, aidé dit-on depuis par une intervention divine, et même par des anges baignés d’une lumière dorée. La foule l’acclame et vient lui apporter des dons. Par la suite il est crédité de toutes sortes de miracles : il rend la vue aux aveugles, il libère un paysan de sa faux collée à sa main car il avait commis le péché de travailler le dimanche, il trouve des pierres sous terre et indique l’endroit où creuser maçons.

Cette belle légende de saint Bénézet est passée dans la ferveur populaire, car la construction du pont a représenté un défi aux éléments. Le pont Saint-Bénézet est l’ouvrage le plus ancien construit sur le Rhône entre Lyon et la mer au XIIe siècle.

Bénezet a vraiment existé, il a su gérer l’œuvre du pont de façon charismatique il est mort en 1184 et ne put donc voir l’achèvement du pont un an plus tard. Il fonda l’ordre des frères du pont qui n’étaient pas constructeurs, mais, récolteurs de fonds, on l’a vu, il reçoit des dons, achète des terrains et engrange des revenus agricoles. Il gère également un hôpital avec les Frères hospitaliers qui apportaient aussi des bienfaits aux malades et aux miséreux. Ses reliques feront plus tard l’objet d’une dispute entre la ville et le roi de France. 

En 1674, le transfert des reliques retirées de la chapelle du pont qui tombait alors en ruines, pour être transférées dans l’église des Célestins, aux côtés de Pierre de Luxembourg amena le vocable à passer au pluriel et c’est depuis cette époque que la place fut rebaptisée « place des Corps-Saints » 

Retour sur le grand coupable : le Petit Âge glaciaire

En 2013, une équipe scientifique française dirigée par Franck Lavigne estime, au regard des éléments analysés, que cette période de refroidissement serait due à l’activité volcanique du volcan indonésien Samalas qui serait entré en éruption en 1257 lors d’une explosion qualifiée de mégacolossale. Cumulé avec une baisse d’activité du soleil cet hiver volcanique provoque une baisse de la température due aux cendres volcaniques et gouttelettes sulfuriques présentes dans l’atmosphère qui réfléchissent les rayons du soleil. On parle aussi de « forçage volcanique » expression construite à partir de l’anglais volcanic forcing.

De récentes recherches ont établi qu’à partir de la découverte de la méso Amérique en 1492, les épidémies de grippe espagnole décimant la population colonisé (on estime entre 4 et 6 millions de personnes touchées) ont abouti à une reforestation rapide des terres agricoles abandonnées sur d’immenses surfaces.  Les arbres captant le carbone ont ainsi contribué à refroidir l’atmosphère dans un scénario exactement inverse de la déforestation produisant le réchauffement climatique actuel 

Ce petit Age de glace est caractérisé par un refroidissement du climat, une augmentation continue des couverture glacières et des pluies provoquant des inondations importantes .il va durer jusqu’au milieu du 19eme siècle.  Il provoquera d’âpres famines à l’origine de révolutions et d’exode massif

L’émergence d’un patrimoine numérique

La spectaculaire reconstitution de la traversée ne doit pas nous faire oublier toutes les lacunes historiques restantes, elle ne traduit que l’hypothèse la plus probable au regard des connaissances accumulées. 

Nous voyons ici apparaître l’émergence d’un véritable patrimoine numérique légué aux chercheurs suivants qui pourront faire évoluer la maquette au fil des campagnes de recherche à venir. Cette mémoire vive est ouverte, malléable, modifiable à tous moments.

Ce qu’il reste de l’arrivée du pont d’Avignon au bas de la tour Philippe le Bel (cliché Marc Andrieu).
Fig. 8. Ce qu’il reste de l’arrivée du pont d’Avignon au bas de la tour Philippe le Bel (cliché Marc Andrieu).
Implant numérique reconstituant la tour porte (Léo Gügi, Pyfilm UMR MAP).
Fig. 9. Implant numérique reconstituant la tour porte (Léo Gügi, Pyfilm UMR MAP).

Elle a profondément modifié les méthodes de travail des chercheurs qui peuvent, au-delà de leurs différences, partager en temps réel une même visionpour alimenter leurs échanges.

L’évolution extrement rapide des techniques de modélisation permettent de reconstiteur et de donner à voir pour des couts raisonables des batiments au jourd’hui disparus.

La réalité augmentée demontre une efficacité pédagogique immédiate et reconcilie le public avec son histoire, ce qui n’est pas le moindre des enjeux à venir.      

Note

  1. Signalons le remarquable travail de recherche sur l’épineuse question du nombre de piles du pont élucidé par Michel Berthelot quelques semaines avant sa disparition. [en ligne] http://www.pavage.map.archi.fr/Le_Pont_dAvignon/Travaux_files/%23Combien_de_piles.pdf [consulté le 26/08/2023]
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Chapitre de livre
EAN html : 9791030008333
ISBN html : 979-10-300-0833-3
ISBN pdf : 979-10-300-0834-0
ISSN : 2741-1818
11 p.
Code CLIL : 3385
licence CC by SA

Comment citer

Andrieu, Marc, “La restitution numérique du pont d’Avignon : reconstruire le pont pour déconstruire la légende”, in : Schoonbaert, Sylvain, coord., Des ponts et des villes : histoires d’un patrimoine urbain, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 28, 2023, 99-110, [en ligne] https://una-editions.fr/la-restitution-numerique-du-pont-d-avignon [consulté le 17/10/2023].
doi.org/10.46608/primaluna28.9791030008333.11
Illustration de couverture • Vue de la ville et du pont de Bordeaux, Ambroise Louis Garneray, ca. 1823 (Archives de Bordeaux Métropole, Bordeaux XL B 99).
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