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Le préambule de la Constitution de 1946
et la précarité menstruelle

Le préambule de la Constitution de 1946
et la précarité menstruelle

« Aucune femme ne devrait avoir à s’inquiéter pour sa prochaine protection périodique ». Tel est le principe annoncé dans un billet d’Elisabeth Moreno 1, ministre déléguée chargée de la mission d’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances entre juillet 2020 et mai 2022.

Ces billets semblent s’inscrire dans un mouvement, plutôt naissant, de prise de conscience des problématiques entourant la précarité menstruelle. Effectivement, les pouvoirs publics tentent désormais d’apporter des réponses concrètes à ces problématiques. La précarité menstruelle est avant tout une situation de précarité, c’est-à-dire de grande pauvreté, qui entraine, par voie de conséquence, une difficulté particulière d’accès aux protections hygiéniques périodiques par les femmes. De ce statut de précarité découlent alors des situations critiquables tant d’un point de vue social, économique, sanitaire que juridique. En effet, dans le monde, environ cinq-cents millions de femmes n’ont pas les moyens de se procurer régulièrement des protections périodiques. En France, elles seraient entre un million et demi et deux millions 2.

La première réponse à cette problématique fut l’adoption, le 11 décembre 2015, à l’unanimité par les députés, d’un amendement visant à réduire le taux de TVA appliqué aux produits liés à l’hygiène féminine de 20 % à 5,5 %. Dès lors, ce que l’on appelle la « taxe tampon » a été réduite dans le but d’une meilleure accessibilité à ces produits. De plus, cette problématique est d’autant plus importante qu’elle a fait l’objet d’une partie III nommée « Le coût des protections : pourquoi et comment lutter contre la précarité menstruelle ? » soulevée dans un rapport d’information de l’Assemblée nationale de 2020 3.

Enfin, en 2019, une proposition de loi concernant la gratuité des protections hygiéniques, accompagnée d’un projet de distribution gratuite dans les écoles, les hôpitaux ou encore les prisons était à l’étude, mais cette gratuité pour toutes n’a pas encore intégré le droit positif.

Or, notre Nation aurait pu suivre les traces des députés écossais, qui, le 24 novembre 2020, ont voté en faveur d’une proposition de loi posant le principe d’un accès gratuit aux protections périodiques. Cette timide évolution souligne combien la question des menstruations est taboue, même au-delà des frontières françaises. En Inde, on parle de « religion mensuelle » pour ne pas dire qu’on est indisposée. Dans ce pays, les règles sont considérées comme une ignominie, comme un phénomène impur. Durant leur période, les Indiennes doivent se cacher et ne divulguer à personne qu’elles sont dans cet état. Dès lors, beaucoup de jeunes Indiennes ont honte de leur corps avant même de comprendre ce que sont les règles. Cela se double de plusieurs mesures contraignantes telles que l’interdiction de rentrer dans une cuisine, celle de se laver les cheveux, celle de dormir dans le lit conjugal et autres. Dans le même sens, la pratique népalaise du chaupadi consiste en l’éloignement les femmes pendant leurs menstruations en les enfermant dans des logements insalubres.

Partout dans le monde, le tabou des règles n’est pas une simple question de pudeur mais plutôt une façon supplémentaire de rabaisser le corps féminin.

Cette situation taboue est pourtant naturelle. Effectivement, selon le docteur Marie Mawet [/efn_note]MAWET (M.),« Les règles c’est quoi ? », gynand co, 11 janvier 2016. [/efn_note], les règles sont des écoulements sanguins que les femmes vivent chaque mois pendant une durée moyenne de cinq jours, dès la puberté et jusqu’à la ménopause. Pour cerner ce phénomène dit de « règles », il semble aussi important de cerner le phénomène de « cycle menstruel ». Ce dernier correspond à la période allant du premier jour des règles jusqu’au premier jour des règles suivantes, ce dernier durant en moyenne vingt-huit jours. Ce cycle est régulé par des hormones situées dans le cerveau. Environ à la moitié de ce cycle, un ovule est libéré, quitte l’ovaire dans lequel il a été créé et descend dans les trompes de Fallope pour se diriger vers l’utérus. Dans le même temps, les ovaires produisent des hormones qui vont quelque peu épaissir et tapisser la paroi de l’utérus avec une muqueuse nommée endomètre. Ces bouleversements physiologiques préparent l’utérus à recevoir un ovule fécondé et donc une éventuelle grossesse. S’il n’y a pas de fécondation par un spermatozoïde, l’ovaire va conséquemment diminuer sa production d’hormones, ce qui déclenche ensuite le détachement du surplus de muqueuse utérine et l’évacuation de celui-ci par le vagin. C’est ce surplus qui est appelé communément « règles » ou « menstruations ».

Cette explication biologique démontre le caractère naturel et impératif de ce phénomène qui s’abat sur les personnes de sexe féminin, et ce, malgré elles.

Aussi, ce phénomène, si naturel soit-il, existe depuis toujours. Ainsi, les femmes ont dû user d’ingéniosité pour s’en protéger à travers le temps. En effet, les toutes premières protections hygiéniques connues datent de 1550 avant Jésus-Christ chez les Égyptiennes qui fabriquaient des tampons à base de papyrus ramolli. Dans la Grèce antique, elles concevaient des tampons avec des sortes de compresses enroulées autour de morceaux de bois. Cependant, avec la montée des religions monothéistes, les femmes n’ont plus eu le droit de s’insérer d’objets dans le vagin, cet acte étant jugé « impur ». Durant le Moyen-Âge, les femmes ne portent pas de sous-vêtements. En 1800, apparaît l’ancêtre des serviettes hygiéniques, que l’on appelait « sac à chiffons ». Puis, la première serviette jetable apparaît en 1888. C’était une sorte d’étoffe de lin que la femme accrochait avec une épingle à nourrice à une ceinture. En 1920, le même produit est utilisé mais cette fois en fibres de coton. Le premier modèle de serviette hygiénique en coton industriel a vu le jour grâce à la société Kimberly Clark. Il s’agissait d’un morceau de tissu lavable qui se fixait à l’aide d’épingles ou des ceintures accrochées à la taille. Ensuite, la société Tampax invente le premier tampon jetable en 1934. À l’époque, ils étaient dotés d’un applicateur en carton et étaient réservés aux femmes mariées car l’on pensait qu’ils pouvaient faire perdre la virginité. À partir de 1963, les Françaises peuvent enfin acheter en magasin des serviettes hygiéniques jetables.

Les années 1980 et 1990 marquent le perfectionnement des serviettes hygiéniques. Ces dernières années, les nouvelles générations sont davantage sensibles aux questions écologiques, notamment en matière de déchets. En termes d’innovations, des coupes et des culottes menstruelles réutilisables ont été ainsi créées.

Désormais, l’idée contemporaine de mise en place de la gratuité absolue des protections périodiques semble encore n’être qu’un objectif plutôt qu’une réalité. Pourtant, la devise de notre République pose les principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de fraternité, repris à l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958. Or, force est de constater que ces principes semblent malmenés en pratique. Assurément, face à la précarité menstruelle, un certain nombre de principes constitutionnels, comme l’égalité, la dignité ou encore le droit à la protection de la santé se voient remis en cause.

Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 semble proclamer des droits que la doctrine appelle « sociaux », aussi appelés « droits-créances », ce qui suppose donc une action positive de l’État pour en assurer l’effectivité. Pourtant, cette action semble minime, bien que quelquefois, en pratique, des situations de fraternité peuvent être discernées notamment dans des mouvements d’associations relatifs à la précarité menstruelle des sans-abris. Assurément, l’association « Règles Élémentaires » est la première association française de lutte contre la précarité menstruelle. Aussi, l’association « Féminité Sans Abri », créée en 2015 à Bordeaux, s’est donné pour mission de distribuer des produits sanitaires aux personnes réglées mal logées ou sans domicile fixe. Ainsi, malgré de nombreux regards détournés sur cette question, il reste encore des personnes engagées à défendre ces principes contre la précarité menstruelle.

Il s’avère pourtant que, face à ce phénomène simple et naturel que sont les menstruations, ces droits soient totalement altérés en pratique. Or, le droit semble être l’arme la plus appropriée pour lutter contre cette précarité puisque le législateur a la possibilité d’aider ces dernières, en vertu de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. Pourtant, nous sommes plutôt face à une situation d’omission législative, dans la mesure où les pouvoirs publics n’ont, à ce jour, voté aucune loi permettant de lutter efficacement contre la précarité menstruelle. Il n’existe à ce jour en droit, aucun recours possible accordé aux administrés pour constater cette omission.

C’est à partir de ce postulat qu’il est possible de démontrer que la précarité menstruelle remet en cause des principes constitutionnels (I) mais il semble nécessaire de préciser que les pouvoirs publics commencent à agir dans le but de lutter contre cette dernière (II).

I – Des principes constitutionnels remis en cause par la précarité menstruelle

La précarité menstruelle semble en pratique remettre en cause des principes. En effet, elle entrave clairement le principe d’égalité (A), mais aussi le droit à la protection de la santé (B) qui se retrouvent, de ce fait, limités.

A – Le principe d’égalité entravé par la précarité menstruelle

L’alinéa 3 du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Or, les droits des hommes recoupent de nombreux pans et renvoient notamment à l’idée d’égalité 4.

Dès lors, le principe d’égalité, traditionnellement qualifié de « principe gigogne » en ce sens qu’il est constitué de plusieurs composantes, semble en l’occurrence pouvoir s’illustrer en l’espèce en un principe d’égalité financière entre les hommes et les femmes. Face à la précarité menstruelle, ces femmes sont dans une situation d’inégalité financière face aux hommes. En effet, les femmes doivent subir l’achat de ces protections qui représentent une somme colossale lorsqu’un calcul est effectué sur toute une vie. Effectivement, les estimations du budget dédié aux menstruations iraient de huit mille à vingt-trois mille euros pour la durée d’une vie 5. D’autres estimations plus basses ont été réalisées et plusieurs auditions ont notamment mis en avant un budget d’environ dix euros par mois, soit environ quatre mille cinq cents euros à l’échelle d’une vie menstruée.

Que l’on retienne la fourchette haute ou la fourchette basse de ces estimations, elles soulignent que ces coûts ne peuvent être négligés et qu’ils sont de nature à aggraver la situation des femmes précaires. Cependant, si l’on se focalise sur la fourchette la plus basse, la qualité des produits sera forcément plus mauvaise, entraînant de ce fait un contact permanent du sexe féminin avec des produits chimiques tels que le lindane et le quintozène. Ce phénomène ajoute donc à la situation de précarité de cette personne, une possible situation de maladie. Il incombera à la personne à la fois de se protéger le mieux possible mais en plus de se soigner, et ce, avec les mêmes moyens, entraînant ainsi une situation d’autant plus inégalitaire.

En découlent de nombreuses difficultés liées à l’impossibilité d’acheter de telles protections. En France, 4,7 millions de femmes vivent sous le seuil de pauvreté 6 et sont susceptibles de se priver de ce produit, pourtant de première nécessité. Dans le but d’y remédier, elles sont nombreuses à utiliser des protections de fortune comme des chaussettes, des papiers hygiéniques, des éponges, des cotons et autres. Ces dernières peuvent aussi décider de garder plus longtemps leur tampon, ce qui entraîne la possibilité d’un choc toxique 7 pouvant parfois entraîner la mort. En conséquence, nous pouvons constater une réelle inégalité entre les hommes et les femmes en pratique mais aussi entre les femmes elles-mêmes.

En plus d’entraves portées aux principes constitutionnels, c’est une véritable justice sociale qui se doit d’être opérée. Nous entendons la justice sociale comme un principe promouvant des droits et la solidarité mais également la distribution équitable des richesses. Or, dans le cas de la précarité menstruelle, nous sommes encore loin de ce que la conception que nous entendons comme un idéal de justice sociale.

Ainsi, le principe d’égalité se retrouve totalement entravé par cette précarité, tout comme le droit à la protection de la santé qui est largement limité par cette dernière.

B – Le droit à la protection de la santé limité par la précarité menstruelle

Les solutions opportunément trouvées par les femmes pour se protéger sont dangereuses pour leur santé. Or, selon l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946, « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». L’alinéa 11 ajoute que cette dernière « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Dès lors, les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées.

Malgré la consécration de ces principes en 1946, les personnes réglées ne peuvent bénéficier de protections gratuites ou remboursées par la sécurité sociale.

Dès lors, depuis 1946, des avancées certaines en termes de protection de la santé ont été réalisées. Or, la question de la précarité menstruelle, par son tabou, s’est pourtant encore trouvée reléguée au second rang, voire au dernier rang. En 2021, nous sommes encore très éloignés de cette « solidarité nationale ». À nouveau, le principe se voit totalement atténué dans sa mise en œuvre puisque la mauvaise utilisation de protections périodiques peut entraîner de graves conséquences sur la santé, notamment des infections, ou des chocs toxiques.

En outre, le droit à la protection de la santé constitue une obligation de moyens. Les pouvoirs publics doivent trouver les moyens les plus appropriés pour protéger la santé des individus et donc, en l’espèce, trouver les moyens d’empêcher les risques sanitaires induits par cette précarité. Ainsi, il existe un droit individuel à la protection de la santé, qui peut être perçu comme un droit défensif, caractérisé comme une interdiction faite aux pouvoirs publics d’agir contre la santé des individus. Mais ce droit est surtout un droit-créance qui, en tant que droit individuel, doit être compris comme un droit d’accès aux soins, à la médicamentation et en l’occurrence aux protections périodiques. Or, dans la plupart des hypothèses, quand le juge se saisit du droit individuel à la protection de la santé, c’est pour constater l’absence d’atteinte à ce droit. Ainsi, finalement, le droit collectif à la protection de la santé présente davantage de conséquences dans la jurisprudence puisque dans la plupart des décisions du Conseil constitutionnel, ainsi que celles du Conseil d’État 8, va se retrouver la nécessité de protéger la santé au travers des politiques publiques.

Par exemple, dans sa décision du 8 janvier 1991 sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme 9, le Conseil constitutionnel a dégagé le principe de santé publique d’une lecture collective du Préambule de la Constitution de 1946. Dès lors, il privilégie la nécessité de protéger la santé sur le plan collectif. Or, la santé publique aborde la santé de façon collective et dans toutes ses dimensions, et sa finalité est d’améliorer l’état de santé de la population. Dès lors, il est tout à fait concevable de considérer la précarité menstruelle comme une question de santé publique. En partant de ce postulat, le ministre des Solidarités et de la Santé fixerait ainsi une priorité de travail afin d’améliorer la qualité de vie et de la santé des femmes. Dès lors, il est du devoir des pouvoirs publics de réagir et de prendre conscience de ces problématiques.

II – L’action naissante des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics semblent enfin prendre conscience de cette problématique en tentant d’abattre le tabou entourant les menstruations et s’essayant aussi à trouver des solutions (A), bien que d’autres alternatives concrètes pourraient être proposées (B).

A – L’abattement du tabou entourant les menstruations par le biais de solutions

« Le tabou des règles impacte tous les aspects de la vie des femmes. C’est à l’origine une question intime, mais celle-ci touche en réalité à de nombreux niveaux de la vie sociale et économique » 10. En effet, ces dernières sont mal informées sur les règles, cachent leurs protections, n’en parlent que très peu. Ce sujet intime a pourtant des effets notables sur la santé, les ressources ou les relations sociales. Le tabou les entourant est alors partout.

Dès lors, l’État a semblé peu à peu prendre conscience de cette problématique en insistant fermement sur la nature tabou de ce sujet. Effectivement, la prise de conscience de ce tabou ressort clairement des billets d’Elisabeth Moreno précités 11. Aussi, par une question écrite 12, Marie Mercier, sénatrice, explique qu’ « il nous faut affronter ce tabou encore tenace ». Aussi, elle souhaite savoir « de quelle façon le Gouvernement compte régler cet enjeu de santé publique ». Cette question démontre que la représentation nationale prend conscience de la dangerosité de ce tabou entourant les règles et cherche des solutions pragmatiques dans le but de lutter efficacement contre ce problème. Or, cette question est un embryon de cette prise de conscience puisque c’est l’une des premières fois que ce sujet est abordé.

Aussi, cet intérêt porté à la précarité menstruelle semble lié à la féminisation nouvelle du Parlement depuis 2017. Il est alors possible d’observer un frémissement dans l’action des pouvoirs publics. Puisque la France est une République sociale 13, il est nécessaire de ne pas laisser ces femmes dans une telle situation sans agir. Conséquemment, le décret du 8 juillet 2019 14 charge une sénatrice, Patricia Schillinger, d’une mission temporaire de lutte contre la précarité menstruelle. Enfin, par le biais d’une question écrite 15, M. Jean-Noël Guérini explique que la TVA appliquée à ces produits est certes passée de 20% à 5,5 % le 1er janvier 2016, mais il semblerait que cette baisse n’ait pas été répercutée sur les prix. Cette question démontre que l’abaissement de la « taxe tampon » n’a en réalité pas changé les choses et que les pouvoirs publics vont devoir œuvrer plus fortement pour lutter contre cette précarité.

Aussi, après des expérimentations menées en 2020 16 et à la suite de l’annonce du président de la République Emmanuel Macron dans Brut 17, le Gouvernement traduira son engagement en apportant cinq millions d’euros en 2021 dans le but de tenter de trouver des solutions pour aider les personnes dans cette situation. Cette somme permettra de développer les dispositifs déjà mis en place pour venir en aide à ces femmes et briser ce tabou.

Le Gouvernement a également annoncé mettre en place des distributions gratuites de protections périodiques pour les étudiantes, lycéennes et collégiennes dans le besoin. La ville de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, propose des protections hygiéniques gratuites. Dès le 8 mars 2021, journée internationale des droits des femmes, la municipalité a mis en place deux distributeurs de protections périodiques gratuites.

Cette avancée importante illustre la prise de conscience collective mais elle met aussi en lumière des actions – locales en l’espèce – qui font défaut au Gouvernement. Enfin, le 23 février 2021, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a pris l’engagement de rendre gratuite les protections périodiques pour toutes les étudiantes. La veille, elle avait affirmé que c’était « une question de dignité » 18. Cela semble être une bonne initiative mais la théorie et la pratique sont souvent différentes.

C’est pour cette raison que nous avons pris la liberté de rechercher des solutions concrètes pour lutter contre cette précarité.

B – Des propositions de solutions concrètes de lutte contre la précarité menstruelle

Dans un premier temps, il semble important de rappeler que les collectivités territoriales sont compétentes pour intervenir en matière sociale et donc pour lutter contre cette précarité. Effectivement, la vocation sociale du département a été affirmée dès le premier acte de la décentralisation dans le cadre des transferts de compétences intervenus par le biais de la loi du 22 juillet 1983 19. Ce dernier constitue le chef de file de l’action sociale aux termes de la loi du 13 août 2004 20. Aussi, les Centres communaux d’action sociale (CCAS) ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre la précarité menstruelle.

Dans un second temps, il semble concevable de créer, en quelques sortes, des « bourses sur critères sociaux » à l’image de celles du CROUS 21 avec pour seul but de délivrer aux personnes répondant aux critères posés, une somme d’argent pour s’acheter sereinement des protections hygiéniques. Tout au plus, il semblerait tout aussi pertinent de mettre en place une cotisation salariale voire patronale, sans distinction de genre, qui serait donc payée par les femmes ainsi que les hommes, afin qu’in fine, la Sécurité sociale rembourse les protections achetées. Aussi, il semblerait tout aussi possible de créer plus généralement un « impôt-tampon ». Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour faire de la précarité menstruelle un objectif de santé publique qui pourrait être protégé par l’établissement public administratif Santé publique France, créé en mai 2016.

Ces solutions semblent certes simplistes et possibles mais elles s’accompagnent nécessairement d’une grande volonté du législateur ainsi que de ressources financières qui doivent être créées. Or, compte tenu du déficit produit par la crise de la COVID-19, ces solutions vont sûrement être encore repoussées.

Sitographie

MAWET (M.),« Les règles, c’est quoi ? », gynandco, 11 janvier 2016, consultable en ligne : https :// www.gynandco.fr/les-regles-cest-quoi/

INSEE, Pauvreté selon le sexe et le seuil – Données annuelles de 1996 à 2019, étude publiée le 5 octobre 2021, consultable en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3567016

Notes

  1. Billets d’Elisabeth Moreno, « Brisons le tabou des règles et de la précarité menstruelle », 18 décembre 2020.
  2. Ibid.
  3. Rapport d’information n° 2691 fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur les menstruations, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2020.
  4. DDHC, 26 août 1789, art. 6.
  5. Selon l’association Règles élémentaires, dans une communication en ligne sur le « crédit menstruel », publiée le 29 octobre 2020.
  6. INSEE, Pauvreté selon le sexe et le seuil – Données annuelles de 1996 à 2019, étude parue le 5 octobre 2021.
  7. Le choc toxique staphylococcique est une maladie aiguë grave pouvant survenir au cours des règles lors d’utilisation de dispositifs vaginaux chez des patientes souvent jeunes, en bonne santé et porteuses de la bactérie S. aureus, productrice de TSST-1 au niveau vaginal.
  8. Cette idée s’illustre notamment dans une ordonnance de référé rendue par le Conseil d’État le 8 septembre 2005 dite Garde des Sceaux contre Brunel s’agissant d’un détenu qui avait demandé un changement de cellule car il partageait la sienne avec des fumeurs, ce qui lui avait causé un infarctus.
  9. Cons. const., 8 janvier 1991, n° 90-283 DC.
  10. Propos de Marina Ogier, responsable des programmes et référente sur le genre de l’association Care France, dans Rapport d’information n° 2691 fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur les menstruations, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2020, p. 17.
  11. Billets d’Elisabeth Moreno,« Brisons le tabou des règles et de la précarité menstruelle », 18 décembre 2020.
  12. Question écrite n° 20717, soumise le 11 févr. 2021 par Marie Mercier sur la précarité menstruelle des étudiantes.
  13. Cons., 4 oct. 1958, art. 1.
  14. Décret du 8 juillet 2019 chargeant une sénatrice d’une mission temporaire, JORF, n° 0157, 9 juillet 2019, texte n° 19.
  15. Question écrite n° 08713 de M. Jean-Noël Guérini (Bouches-du-Rhône – RDSE), soumise le 7 février 2019 sur la précarité menstruelle, consultable en ligne : https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190208713. html
  16. Nous soulignons qu’il s’agit de la gratuité des protections hygiéniques pour les élèves du second degré, pour les personnes menstruées dans les universités, les sans-abris et les personnes détenues.
  17. Interview diffusée en live vendredi 4 décembre 2020 à 16 h.
  18. À l’occasion d’une interview à RTL, diffusée le 22 février 2022, sur l’islamo-gauchisme, la mise en place des tests salivaires dans les universités pour lutter contre l’épidémie du Covid-19 et la vaccination.
  19. Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, JORF, 23 juillet 1983|
  20. Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, JORF, n° 190, 17 août 2004, texte n° 1.
  21. Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires.
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Pau
Chapitre de livre
EAN html : 9782353111558
ISBN html : 2-35311-155-6
ISBN pdf : 2-35311-156-4
ISSN : 2827-1971
9 p.
Code CLIL : 3264
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Comment citer

Tuha, Camile, « Le préambule de la Constitution de 1946 et la précarité menstruelle », in : Humbert, Marion, Martins, Maverick, Routier, Romain, dir., Femmes et droit public. Liberté, Égalité, Sororité, Pau, PUPPA, collection Schol@ 2, 2023, 47-56, [en ligne] https://una-editions.fr/le-preambule-de-la-constitution-de-1946-et-la-precarite-menstruelle[consulté le 28/03/2023].
10.46608/schola2.5
Illustration de couverture • Photo de Mathias Reding sur Unsplash, montage Thomas Ferreira
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