Comment allier création artistique et recherche scientifique au sein d’une même institution ?
C’est le défi que relève la Casa de Velázquez, membre du réseau des Écoles françaises à l’étranger depuis sa création.
Au sein de ses installations au cœur de Madrid, elle accueille en résidence des chercheurs et des artistes venus d’horizons divers qui se côtoient au quotidien, échangent sur leurs travaux, partagent des moments de doute comme de bouillonnement.
Depuis près d’un siècle, la Casa de Velázquez mène des expériences diverses répondant à des initiatives nées du contexte unique qu’elle génère, mais aussi inspirées par les évolutions des pratiques tant dans le champ de la création que de la recherche, guidées par le germe fertile de l’hybridation et la nécessité de décloisonnement : par un besoin de mieux respirer ensemble, en somme.
Ainsi, le projet Sendas Epigráficas est né naturellement du désir de deux membres chercheurs – Morgane Uberti et Vincent Debiais, qui ont eu à cœur d’ouvrir leurs recherches autour de l’épigraphie à d’autres regards.
Autour d’eux, une promotion d’artistes, investis dans leurs projets personnels mais curieux de vivre l’imprévu.
De la simple cohabitation, a surgi la rencontre, une émulation contagieuse autour d’un sujet qui aurait pu sembler lointain de prime abord mais qui s’est avéré ouvrir d’interminables échanges – sans compter les multiples séances informelles, on ne dénombre pas moins de sept réunions de travail plénières entre octobre 2018 et avril 2019 – et de nouvelles voies à explorer.
Assez rapidement, séduits par la découverte de l’amplitude du champ épigraphique et contaminés par la passion des deux chercheurs, six artistes sur les quinze qui constituaient la promotion 2018-2019 de l’Académie de France à Madrid se sont déclarés intéressés à entrer dans leur monde et à se confronter à leur approche savante.
L’enjeu en retour pour les chercheurs a consisté à prendre de la distance avec leurs protocoles habituels, à se laisser perturber par d’inattendues propositions, à se mettre à l’épreuve du sensible.
L’alchimie que nous avons reconnue tout de suite comme une énergie à stimuler, à protéger, a connu diverses étapes et notre rôle d’accompagnants a surtout consisté à entretenir la complicité fondatrice contre les vents et marées d’un processus protéiforme forcément fragile, parfois déstabilisant, voire épuisant d’allers et retours nécessaires, d’abandons, de deuils et d’illuminations.
Cette exposition a permis de réunir de nombreux publics, de tous les âges, qui ont fait l’expérience de l’épigraphie ou tout simplement qui ont voyagé à travers son évocation, aidés par un livret pédagogique.
À travers le projet Sendas Epigráficas, nous sommes heureux d’avoir contribué à élargir les horizons en nourrissant la création contemporaine d’un fondement théorique solide et en valorisant, par le biais des arts, des savoirs scientifiques parfois considérés comme éloignés du réel.
Depuis, forte de ses expérimentations, l’Académie de France à Madrid a lancé son contrat doctoral artistique de “recherche par le projet”, structurant ainsi un nouveau dispositif ayant pour objectif de former une nouvelle génération d’artistes par la recherche et ainsi, de traverser à grandes enjambées les meilleurs chemins de l’innovation. En effet, les frontières entre les mondes artistique et scientifique ont aujourd’hui tendance à s’effacer, faisant émerger de nouvelles façons de voir, de penser mais aussi d’agir.
Favoriser la divulgation d’une expression sensible du monde et la mise en partage d’une compréhension des problématiques contemporaines est une démarche transversale essentielle qui s’inscrit pleinement dans la pérennité de la politique de la Casa de Velázquez.