Nicole Belloubet,
Professeure de droit public, Ancienne garde des Sceaux
L’acceptabilité, notion abondamment explorée et commentée en sociologie1, est encore mal maîtrisée et en tout cas peu utilisée en droit public, si ce n’est en droit de l’environnement2. Ses contours apparaissent flous et pas toujours également partagés. Pourtant à y regarder de près, cette approche de l’« acceptabilité » semble omniprésente. Quel décideur public n’a pas entendu dans un cabinet ministériel ou au plus haut niveau de l’État : « oui, ça peut passer » ou « non, ça ne passera pas » ? Rares sont aujourd’hui les décisions qui ne prennent pas appui de manière implicite ou explicite sur leur acceptabilité réelle ou supposée. L’acceptabilité est ici entendue comme un processus qui, à défaut d’entraîner l’adhésion de l’ensemble des destinataires d’une décision, évite les mécanismes de rejet. Elle se distingue en ce sens de l’acceptation « définie comme l’approbation effective ou tacite à un projet ou une décision ; l’acceptabilité renvoie, quant à elle, à une qualité attribuée au processus d’élaboration du projet ou de la décision, et, le cas échéant, à sa réalisation »3. Cette question de l’acceptabilité s’attache aussi bien au processus d’élaboration de la norme qu’à celui de la décision juridictionnelle. Il peut apparaître curieux de créer un lien entre la notion d’acceptabilité et les décisions de justice. Puisque celles-ci s’imposent en tout état de cause, on pourrait penser que leur acceptabilité n’est pas un concept adapté. Pourtant, les Français portent un regard de défiance sur la justice : celle-ci serait trop lente, incompréhensible, et surtout trop laxiste. De telles appréciations ont effectivement à voir avec l’acceptabilité.
La question se pose dès lors de savoir si l’acceptabilité peut aujourd’hui être considérée comme un critère d’édiction de la décision, si elle est une condition d’efficacité de l’action et si, en toute hypothèse, elle n’exige pas une forme d’éthique de la responsabilité.
I. Un critère d’édiction de la décision
Cheminons à rebours et observons quels sont les critères d’évaluation des décisions élaborant des politiques publiques4. Ce sont l’atteinte des objectifs ; leur pertinence ; la cohérence (la mise en œuvre de la politique et les moyens sont-ils en adéquation avec les objectifs ?) ; l’efficacité (les effets sont-ils à la hauteur des objectifs ?) et l’efficience (les effets sont-ils à la hauteur des coûts ?). Faut‑il désormais y ajouter l’acceptabilité ? L’envisager suppose d’examiner les phases d’élaboration et d’édiction des décisions publiques mais aussi d’approcher le mode de construction de la décision juridictionnelle.
A. Le processus d’élaboration de la décision publique
Dans tout processus de préparation de la décision publique et donc de la norme, une phase est aujourd’hui nécessairement consacrée à la consultation des partenaires puis à la concertation avec les organisations représentatives. Je ne prendrai pas ici l’exemple du droit de l’environnement où ce processus est inscrit depuis longtemps, y compris dans la charte de l’environnement5, mais le domaine de la justice.
Au cours des dix dernières années se sont déroulés trois grands processus de consultation, selon des formes diverses :
- Tout d’abord les conférences de consensus mises en place dans le cadre de l’élaboration d’une politique de lutte contre la récidive, tout à fait remarquables dans leur conception. Nicole Maestracci qui y a intensément participé en avait défini la logique : « aucune politique ne peut s’installer dans la durée si elle ne s’appuie pas sur un socle de connaissances scientifiquement validé et sur des choix compris et validés par le plus grand nombre »6.
- Ensuite les chantiers de la justice que j’ai mis en œuvre pour déterminer les principaux axes pragmatiques de la future loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019. La démarche, assez rapide, car il existait déjà beaucoup de travaux préalables, a été fondée sur cinq chantiers (transformation numérique, simplification de la procédure civile amélioration de la procédure pénale, adaptation de l’organisation judiciaire, sens et efficacité des peines). Elle devait traduire l’aspiration au changement ressenti sur le terrain et prenait appui sur l’ensemble des personnels de justice, de police, de gendarmerie, des professionnels du droit (avocats, huissiers, notaires) et des élus. De multiples auditions par des groupes de travail et de nombreuses bilatérales dans mon propre bureau ont abouti à un projet de texte. Ce projet a ensuite été soumis, dans le cadre d’une concertation plus institutionnelle, à l’ensemble des organisations représentatives liées au ministère de la justice avant d’être discuté au Parlement pour devenir la loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019.
- Les États généraux de la justice7 ont permis de dessiner les contours de l’actuelle loi de programmation en associant tous les acteurs concernés par la justice pour redéfinir ses axes d’action et penser les outils destinés à lui faire gagner en efficacité. Ces États généraux ont donc mobilisé l’ensemble de l’écosystème pour « remettre à plat le système judiciaire ». Les cinq mois de débats se sont articulés en trois phases : une phase de consultation avec une plate-forme « parlons justice » pour permettre à tous les citoyens de contribuer à la réflexion collective et aux professionnels de justice d’intervenir ; une phase d’expertise et de synthèse au terme de laquelle les remontées de 8 groupes thématiques ont été analysées ; enfin une phase de formulation favorisant le dialogue entre les parties prenantes. Un comité indépendant installé autour de Jean-Marc Sauvé a formulé in fine des propositions qui ont formé la base de réflexion pour la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
L’exemple de la justice démontre clairement que plus aucun texte n’est aujourd’hui élaboré sans faire l’objet, selon l’ampleur du texte, de longues phases de dialogue et de concertation.
Les contre-exemples sont connus et révélateurs. Pour mémoire j’en cite deux :
- Les 80 km/h : La limitation de la circulation sur les routes secondaires à 80 km/h a provoqué la colère des élus et a sans doute aussi constitué le point de départ de la fronde des « Gilets jaunes » en 2018. Dominique Bussereau, alors président de l’Assemblée des Départements de France, explique l’impopularité de la mesure : « À chaque fois, quand il n’y a pas de discussion avant, on est sûr de se planter. Là, on a rendu cette mesure impopulaire parce qu’on l’a systématisée, sans la moindre concertation »8. Alors que le premier ministre Édouard Philippe assumait cette mesure9, l’entourage du chef de l’État aurait critiqué son approche et sa mise en œuvre : « On se rend compte que des mesures très intelligentes ne font pas pour autant une bonne politique, car elles ne prennent pas en compte leur acceptabilité et leur environnement ».
- La baisse de l’allocation personnalisée au logement (APL) a largement pollué le début du premier quinquennat du Président Macron dès lors que le gouvernement, selon des propos attribués au chef de l’État, a fait la « connerie sans nom » de baisser ces aides au logement de 5 euros pour trouver des économies dans le courant de l’été 2017. Le raisonnement qui conduisait à cette mesure était peut-être logique mais alors qu’il n’a été ni partagé, ni expliqué, il est apparu inacceptable et incompris et s’est révélé politiquement très coûteux.
La prise en compte de l’acceptabilité apparaît donc comme un élément clef de l’élaboration d’une décision publique. Elle l’est tout autant dans la phase d’édiction de la décision.
B. L’édiction des décisions publiques
Le processus d’acceptabilité est renforcé dans cette phase par différents éléments.
Le rôle ex ante du Conseil d’État (CE) : consulté sur la plupart des projets de loi gouvernementaux, les observations du CE sont lourdes de sens. Tantôt elles confortent le gouvernement dans ses ambitions, le rassurant non seulement sur la conformité ou non aux normes supérieures des dispositions envisagées mais aussi sur ce qui sera acceptable. Tantôt elles alertent sur telle ou telle difficulté. Lorsqu’on sait à quel point les observations du Conseil sont disséquées par les adversaires des mesures proposées, il importe d’y prêter une attention particulière tout en sachant doser les répercussions qu’elles peuvent avoir. Je me souviens avoir accepté de suivre, pour des questions de constitutionnalité, les préconisations du Conseil sur les violences sexuelles commises sur les mineurs10 mais, ce faisant, avoir commis une erreur politique rectifiée par mon successeur. En toute hypothèse on peut estimer que le Conseil d’État fournit une réassurance sur l’acceptabilité juridique et parfois même sociale d’une mesure.
Le dialogue avec les parlementaires constitue un autre vecteur d’acceptabilité de la décision. Durant les débats, députés et sénateurs font remonter les craintes ou les espoirs qui émanent du terrain. Ce ne sont pas toujours des données très juridiques mais elles sont essentielles en ce qu’elles vont aussi contribuer à l’écriture de la norme. Toujours pour la loi justice de 2019, j’ai particulièrement en mémoire les craintes totalement infondées mais qui avait gagné du terrain par la force des réseaux sociaux concernant la fermeture des tribunaux. Cette crainte, vécue comme une atteinte aux territoires, donc totalement inacceptable pour les représentants de la Nation, a eu une double conséquence : j’ai passé presque plus de temps à répondre à ces inquiétudes fallacieuses qu’à travailler sur le texte même de la loi ; des écritures adaptées ont dû être élaborées pour les conjurer.
Les critères d’évaluation des décisions jouent également un rôle important dans leur acceptabilité. Le Conseil d’État y attache une réelle importance. Il le rappelle régulièrement par exemple en matière environnementale11.
Le choix des procédures les moins traumatisantes possibles dans le domaine judiciaire : pour assurer l’acceptabilité d’une réforme, il est parfois proposé des mesures les plus en phase avec l’attente de nos concitoyens ! Je pense aux mesures alternatives aux règlements des différends, les MARD. Dans leur diversité, voire dans leur complexité, ces procédures permettent aux citoyens de résoudre leurs différends en ayant recours à des mécanismes de conciliation ou de médiation, préalablement à toute introduction d’une action en justice ou au cours de celle-ci12. Le décret du 29 juillet 2023 introduit ainsi dans le Code de procédure civile deux mécanismes facultatifs de nature à favoriser le règlement amiable des litiges après la saisine du tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable (ARA) et la césure du procès civil. Le ministre Dupond-Moretti s’est beaucoup impliqué dans ces évolutions considérant que : « Changer de modèle, cela veut dire : je me réapproprie mon procès, j’en maîtrise la durée (…). En Angleterre, au Québec, un très grand nombre d’affaires dont le juge est saisi fait l’objet d’un règlement amiable »13. Certes il s’agit à la fois de décharger des juridictions asphyxiées et, a priori14, de diminuer les délais de jugements mais ces procédures présentent aussi l’avantage d’éviter à des citoyens toujours impressionnés par le temple de la justice les affres d’un contentieux15. Mesures moins traumatisantes donc plus acceptables !
Ici à nouveau deux contre-exemples disent à quel point l’acceptabilité doit demeurer en permanence en contrepoint de l’édiction d’une décision.
L’échec des deux projets de révision constitutionnelle portés par le gouvernement d’Emmanuel Macron, celui du 9 mai 2018 « pour une démocratie plus représentative, plus responsable et plus efficace » et celui du 28 août 2019 « pour un renouveau de la vie démocratique » est bien entendu lié à des causes parfaitement identifiables : d’une part le rejet des oppositions parlementaires qui refusaient l’introduction d’une dose de proportionnelle et la diminution du nombre de parlementaires ainsi que l’évolution des règles concernant le travail parlementaire ; d’autre part de manière plus conjoncturelle l’affaire Benalla, facteur d’interruption des débats parlementaires en juillet 2018. On peut toutefois s’interroger sur l’acceptabilité de ces réformes. Certes elles avaient été annoncées par le président de la République lors de la campagne électorale mais la tardiveté de leur mise en œuvre a sans doute fait baisser leur seuil d’acceptabilité. Par ailleurs pour écrire le texte même des réformes un petit groupe de travail avait été réuni à mes côtés. Groupe informel, composé de François Sureau, Christian Vigouroux, Marc Guillaume, Denys de Béchillon et mon cabinet, il avait produit des textes présentés au premier ministre. Des débats avaient été organisés autour du président de la République. De très nombreux contacts avaient été pris avec les groupes parlementaires mais on ne peut pas parler de réunions ouvertes et largement partagées. Peut-être, indirectement, ce processus trop fermé a-t-il contribué à l’échec de ces tentatives de révision ?
Quant à la première tentative de réforme des retraites des quinquennats Macron, le processus engagé a montré que si la phase de consultation/concertation était indispensable pour assurer l’acceptabilité d’une réforme, elle n’était pas suffisante. Le choix du moment, la pédagogie préalable, la maturité de l’évolution d’une opinion publique forment également un puissant vecteur de l’acceptabilité d’un processus de réforme. Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye a remis un rapport au premier ministre Édouard Philippe le 18 juillet 2019. Ce rapport qui prévoyait l’instauration d’un système universel devait servir de base à la réforme. Après sa présentation, une concertation avec les partenaires sociaux s’est ouverte. À l’issue, un projet finalisé été présenté en conseil des ministres fin janvier 2020. Ce projet provoquera de nombreuses critiques et suscitera d’importantes manifestations. En mars 2020, le Président de la République suspendra la réforme au moment où il annoncera les mesures de confinement liées au Covid-19. Le projet porté par Élisabeth Borne ne sera, quant à lui, adopté que grâce à la mise en œuvre du 49-3. On mesure ici à quel point l’acceptabilité dépasse les simples processus de concertation. Mais il ne s’agit de rien d’autre au fond que d’appropriation politique !
L’acceptabilité d’une décision sera d’autant plus grande qu’elle entraînera des améliorations concrètes dans la vie de nos concitoyens et notamment une amélioration du fonctionnement des services publics. À ce stade une question peut être envisagée : faut-il ajouter un nouveau principe aux trois lois de Rolland : continuité, mutabilité et égalité ? En réalité, aucun véritable accord n’existe sur le nombre de principes à mobiliser pour qu’un service public fonctionne régulièrement, réponde aux besoins des usagers (qui peuvent varier selon les époques) et satisfasse à l’intérêt général. On a notamment évoqué l’ajout des principes de neutralité, laïcité, indépendance ou gratuité. Quid alors de l’acceptabilité ? Une acceptabilité qui, paradoxalement, n’est pas, à mon sens, pas absente de la construction des décisions juridictionnelles.
C. L’élaboration des décisions juridictionnelles
Le juge n’a certes pas à prendre le pouls de l’attente sociale pour élaborer sa décision. Il doit appliquer la loi générale à des situations spécifiques avec la marge d’interprétation qui est la sienne. Pourtant, il n’est pas incongru de parler d’acceptabilité à propos d’une décision de justice.
Quant à la construction du fond de la décision, les références textuelles des juges sont connues et répertoriées : textes législatifs, bloc de constitutionnalité, normes européennes ou conventionnelles… Son raisonnement qui n’est plus seulement fondé sur le syllogisme a été maintes fois analysé. Cependant ce n’est pas tout ce qui forge l’âme d’un juge (j’emploie ce mot sciemment). Ce dernier ne vit pas dans un univers éthéré. Il ne saurait être insensible à un climat social qui le mobilise ou le contraint. Martha Nussbaum l’écrit : la justice « exige de nombreux instruments non littéraires : une maîtrise technique du droit, une connaissance de l’histoire et du précédent, une attention scrupuleuse à l’impartialité juridique. Le juge doit être un bon juge à tous ces égards. Mais afin d’être pleinement rationnel, les juges doivent également être capables de fantaisie et de sympathie. Ils doivent éduquer non seulement leurs capacités techniques, mais également leur capacité à l’humanité. Sans cela leur impartialité sera bornée et leur justice aveugle »16.
Dans l’élaboration de sa décision juridictionnelle le juge peut, en certaines situations sensibles, faire le choix de mobiliser, ou non, telle ou telle norme qu’il jugera consciemment ou inconsciemment mieux adaptée à la situation. Je choisis deux exemples à cette fin :
- Dans la décision mariage pour tous17, le Conseil s’est prononcé sur la possibilité, pour deux personnes de même sexe de se marier. Il a jugé que ce choix du législateur, auquel il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation, n’était contraire à aucun principe constitutionnel. En particulier, il a jugé que même si la législation républicaine antérieure à 1946 et les lois postérieures ont, jusqu’à la loi déférée, regardé le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, cette règle n’intéressait ni les droits et libertés fondamentaux, ni la souveraineté nationale, ni l’organisation des pouvoirs publics ; elle ne pouvait donc constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Dans ce débat douloureux et violent, le Conseil a clos la phase des heurts pour engager celle de l’apaisement et c’est ce qui était attendu !
- Pour la première fois, en 2018, le Conseil constitutionnel (CC) a jugé que la fraternité était un principe à valeur constitutionnelle18. Il découle de ce principe, fondé sur les articles 2, 72‑3 et le préambule, la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. Le CC rappelle toutefois sa jurisprudence constante selon laquelle l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public et juge qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public. Quel autre formidable principe que celui-ci pouvait énoncer le CC, produit des valeurs de notre République et des mobilisations d’un grand nombre de nos concitoyens ?
Au fond, le juge en tant que créateur de droit (dans les limites que l’on sait) ne peut en aucun cas faire abstraction de l’environnement dans lequel il intervient. En ce sens, il englobe consciemment ou non, dans le raisonnement juridique d’élaboration de sa décision, ce qui constituera un facteur d’acceptabilité. Certains, tels Édouard Philippe, semblent le regretter : « C’est une caractéristique commode de notre époque de penser, d’une part que la mise en œuvre d’un processus rigoureux permet de garantir l’impartialité d’une décision et, d’autre part, que l’acceptabilité d’une décision est au moins aussi importante que son contenu »19. Mais effectivement, il en est ainsi ! Le caractère acceptable d’une règle conforte son contenu. Il renforce sa crédibilité en dévoilant toutes ses proximités avec le réel ! L’acceptabilité, critère non normé d’édiction de la décision est aussi une condition de sa mise en œuvre.
II. Une condition d’efficacité de l’action publique
Le processus d’acceptabilité d’une décision ne s’arrête pas à sa phase d’édiction. Il faut aussi en assurer la mise en œuvre et le rejet d’une décision peut encore intervenir à ce moment. Je ne reprendrai pas ici les phénomènes de désobéissance civile qui peuvent se constituer notamment autour des zones à défendre (ZAD). Mais j’envisagerai trois éléments qui contribuent à renforcer le processus d’acceptabilité : la mobilisation des acteurs, les voies de contrôle et la communication autour des décisions prises.
A. La mobilisation des acteurs
La force de l’évidence ou la puissance de la conviction contribuent à rendre acceptable une décision. Le degré d’intensité de la mobilisation peut varier selon qu’on est en situation normale ou de crise.
En temps normal
Mettre en œuvre une décision constitutive d’une politique publique suppose une puissante énergie pour mobiliser les acteurs concernés. Je prendrai encore une fois l’exemple de la loi Justice de 2019. Au-delà du pilotage quasi quotidien de toute la réforme, assuré par la ministre et son directeur de cabinet, il est apparu nécessaire de construire des outils de pilotage pour en assurer un suivi très précis : calendrier de parution des textes et outils spécifiques d’accompagnement ; calendrier d’exécution ; points d’étapes de l’avancement selon chacun des chapitres du texte ; communication adaptée… Il fallait y adjoindre le suivi des OVQ (objets de la vie quotidienne) en fonction des réalisations très concrètes que le Président de la République nous avait demandé de satisfaire (suivi par les justiciables de leur procédure contentieuse en ligne…).
Ce processus n’a été rendu possible que par une forte mobilisation des acteurs, non seulement des cadres de l’administration centrale mais aussi des personnels des juridictions, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : des déplacements ont été organisés dans chaque juridiction pour répondre aux questions, expliquer et tenter de convaincre. Ainsi pour mettre en œuvre certains axes de ce texte, je pense notamment à la question du prononcé des peines, qui supposait une implication plus immédiate des magistrats pour les rendre plus effectives, il est très vite apparu nécessaire d’engager une mobilisation très serrée des différents acteurs concernés (magistrats, avocats, personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation…). Une telle mobilisation est aujourd’hui devenue une condition de l’acceptabilité et donc de l’effectivité des réformes.
En situation de crise
Ces temps singuliers portent en germe la nécessité d’agir. Dans un premier temps, cela peut être bien compris et accepté par une population sous le choc, qu’il s’agisse de l’émotion liée aux attentats terroristes, de la sidération causée par la propagation d’un virus ou d’une catastrophe naturelle qui bouleverse des équilibres écologiques et humains. C’est ainsi que le gouvernement a pu faire adopter par le parlement les différentes lois sur les états d’urgence. Mais dans une seconde phase, plus le temps s’écoule, plus les décisions initiales font l’objet de contestations. Le confinement du 15 mars 2020 ne serait plus accepté aujourd’hui selon la première manière. Le discours présidentiel en porte trace qui parle d’un état de « guerre » dans ses premières interventions puis glisse vers le « quoi qu’il en coûte ». Car il faut faire accepter à la population des mesures destinées à la protéger contre elle-même. Les controverses dialectiques du couple contraintes/libertés qui se sont focalisées autour du pass sanitaire et les hésitations du gouvernement avant de proposer cette mesure témoignent du souci et de l’attention portée à son acceptabilité par l’opinion publique.
Mes fonctions auront été marquées, entre autres crises, par celle, si spécifique, de la Covid-19. C’est une expérience forte qui rend la présence ministérielle indispensable d’un double point de vue.
- Pour élaborer des règles adaptées à une période singulière de pandémie tout d’abord. Il faut se replacer dans la temporalité du mois de mars 2020. On découvre le virus. Les craintes sont vives. Le gouvernement décide, avec l’aval du parlement, de confiner les Français. Il faut alors prendre des décisions pour organiser la justice, protéger les citoyens et l’ordre public. Lors du conseil des ministres du 25 mars 2020, j’ai donc présenté 4 ordonnances pour régir les relations juridiques durant cette période20. Le rôle du ministre est ici essentiel, sans doute pas exempt d’erreurs mais d’abord guidé par la volonté de protéger les citoyens (les délais répondant à une obligation de faire ont été prorogés pour éviter des difficultés) et les entreprises (des mesures ont été prises pour éviter les faillites). Ces mesures s’inscrivaient parfaitement dans le respect des principes de l’État de droit21.
- Pour conserver la cohésion de la communauté judiciaire ensuite. Il fallait alors (le moment, je le répète, est important car la perception d’aujourd’hui n’est plus la même) gérer cette crise en premier lieu pour assurer la protection sanitaire des personnels de justice, des justiciables, des détenus. Autrement dit, cela exigeait de réduire les interactions humaines tout en maintenant une activité dans les tribunaux au moins pour les contentieux essentiels, de prévoir des masques, d’organiser la vie judiciaire au temps de la Covid-19. Cette gestion, évolutive, a été rendue possible grâce à l’engagement des personnels, aux liens très étroits entretenus avec les juridictions et à la présence permanente du ministre à leurs côtés. La figure ministérielle est d’ailleurs si puissante que, dans une juridicisation exacerbée, et incompréhensible, des choix politiques, la Cour de Justice de la République a été saisie de différentes plaintes concernant la gestion de cette crise. Sans évoquer ici celles concernant le premier ministre et les ministres de la santé, une vingtaine d’entre elles a concerné la ministre de la Justice accusée de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour éviter les risques de pandémie dans les prisons22.
Dans cette mobilisation impérative des différents acteurs, un contre-exemple apparaît très vite, celui de la taxe sur les carburants. Le mouvement social spontané des « Gilets jaunes » de 2018 est né de cette opposition contre la hausse des prix du carburant et la baisse du pouvoir d’achat. Le gouvernement avait-il été peu attentif aux avertissements de la Commission nationale du débat public sur l’acceptabilité de la hausse de la taxe carbone, jugée pénalisante pour « les plus dépendants et les plus captifs aux énergies fossiles » en l’absence de refonte de la fiscalité générale23 ? Le chef de l’État a reconnu lui-même que la taxe carbone sur les carburants était une « erreur » dont on avait « sous‑estimé les effets » sur « la classe moyenne »24. Décidée dans le PLF 2019, elle ne pourra jamais être mise en œuvre. Aujourd’hui, le président affirme en avoir tiré des leçons dans sa façon d’appréhender la transition écologique. « Il est nécessaire d’accompagner les gens », « les classes moyennes » et les « foyers modestes » pour qu’ils puissent s’y adapter.
B. Les voies de contrôle
Les contrôles a posteriori exercés par le pouvoir juridictionnel, indépendant, en renforçant la confiance quant à la conformité aux normes supérieures, contribuent au processus d’acceptabilité des mesures prises.
Parfois, la simple décision du juge clôt le débat et assure l’acceptabilité de la décision en cela seulement qu’il l’a validée. Ainsi en sera-t-il très certainement pour les cours criminelles départementales25. Instaurées par la loi de 2019 puis généralisées ensuite, leur création a été contestée en tant qu’elles rompaient avec la présence d’un jury populaire pour sanctionner les crimes. Saisi, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître l’existence un principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l’intervention d’un jury pour juger les crimes de droit commun, plusieurs lois en ayant précédemment écarté le principe. Il n’a pas relevé non plus de rupture du principe d’égalité considérant que « les personnes jugées devant une cour criminelle départementale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés et aux circonstances exigées pour leur renvoi devant cette juridiction, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d’assises ». Avec cette décision, l’acceptabilité de ces cours devrait être assurée.
Cette réassurance se traduit tant par les nouvelles techniques de contrôle développées que par la portée de ces contrôles en réponse aux attentes de nos concitoyens.
1. Les techniques de contrôle
Trois modalités de contrôle sont susceptibles de contribuer à l’acceptabilité des décisions de justice et donc à la confiance qui en découle : les contrôles de proportionnalité et in concreto ainsi que la gestion des effets dans le temps.
- La proportionnalité : toute mesure restreignant un droit fondamental doit, pour être proportionnée, satisfaire à une triple exigence d’adéquation, de nécessité et de proportionnalité au sens strict. Ce contrôle qui permet de rechercher un équilibre, est précieux, aux yeux de nos concitoyens, pour la défense des droits26.
- Le contrôle in concreto : il « consiste à admettre qu’une règle, dont la conventionnalité abstraite n’est pas contestée, peut être écartée lorsqu’il est démontré par le demandeur que son application, dans les circonstances particulières de l’espèce, affecterait de manière disproportionnée un droit reconnu par un texte international27 ». Le premier contrôle de conventionnalité in concreto, parfois plus simplement appelé « contrôle de proportionnalité », a été réalisé par la 1re Chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 4 décembre 201328. La Cour a décidé que le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille, divorcée d’avec son fils, revêtait à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de 20 ans, alors même que la loi française prohibe le mariage entre alliés. En un sens, ce type de contrôle ne peut que contribuer à l’acceptabilité des décisions car il prend en compte la situation singulière d’une personne ou d’un groupe de personnes29. Tel est aussi le cas de Madame G., qui souhaitait mener à bien le projet d’enfant conçu avec son mari, décédé depuis lors de maladie. Elle voulait, pour ce faire, transférer les gamètes de son époux en Espagne afin de bénéficier d’une insémination post-mortem prohibée par la loi bioéthique en France mais autorisée en Espagne. La loi française qui l’interdisait a été écartée par le conseil d’État pour atteinte manifestement excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale30. Le contrôle concret, s’il peut constituer un vecteur supplémentaire d’acceptabilité des décisions de justice, pose cependant des questions en termes de sécurité juridique et d’égalité devant la loi. En jugeant en équité, en fonction des circonstances propres particulières à chaque espèce, indépendamment de la loi, les juridictions nationales peuvent créer un risque important d’insécurité, voire d’inégalité.
- Les effets dans le temps : en principe, selon l’article 62 al. 2 de la constitution31, l’effet d’une déclaration d’inconstitutionnalité est purement abrogatif. Cette abrogation n’entraîne pas la disparition rétroactive des effets de la loi. Appliqué dans toute sa rigueur, le principe de non-rétroactivité aurait sans doute un puissant effet dissuasif à l’égard des justiciables. « C’est pourquoi le Conseil constitutionnel a fait pleinement usage de la seconde phrase de l’al. 2 de l’article 62 en inversant le rapport du principe à l’exception32 ». Selon le paragraphe rédigé en 2011 et inchangé depuis, le CC spécifie qu’en principe, « la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la QPC et la disposition déclarée contraire à la constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel33 ». Le principe est donc désormais que, par défaut, une décision d’inconstitutionnalité bénéficie à celui qui en est à l’initiative34. Ce principe de l’effet utile, avec tous les tempéraments qu’il doit recevoir en raison de la complexité des règles qui en découlent, est essentiel dans l’appropriation et l’acceptabilité des décisions du conseil35. Le juge doit cependant rechercher un équilibre entre la sécurité juridique et le progrès normatif qu’il réalise. C’est la recherche de cet équilibre qui offre une garantie supplémentaire d’acceptabilité.
2. La portée des contrôles effectués
Elle se caractérise par une puissante intégration du respect des droits fondamentaux et par un souci d’éviter des blocages institutionnels.
Je ne reviens pas ici sur la manière dont les droits fondamentaux ont progressivement et fortement imprégné l’idéologie des juges. Mais précisément, pour l’objet qui nous intéresse, le défenseur des droits fondamentaux qui sommeille en tout juge36 ne peut que conforter l’acceptabilité d’une décision contrôlée.
Les décisions du Conseil constitutionnel durant la période des états d’urgence terroriste ou sanitaire en témoignent37. Le conseil a été saisi à de très nombreuses reprises dans le cadre de l’état d’urgence terroriste : ses premières décisions validaient largement les choix gouvernementaux ; les dernières se montraient plus intransigeantes. S’il a toujours très clairement précisé son rôle (assurer la conciliation entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des droits et libertés), ses décisions ont permis de délimiter le niveau acceptable d’atteinte aux libertés fondamentales par le pouvoir exécutif en état d’urgence et de fixer des lignes rouges en vérifiant que les atteintes aux libertés étaient à chaque fois clairement circonscrites, justifiées et entourées de garanties suffisantes38. Toutefois, subissant les effets de l’érosion du temps entre les premières décisions et celles qui ont suivi, le juge a aussi intégré les risques liés aux atteintes répétées aux libertés : une lecture attentive des décisions montre qu’au fil des recours, le conseil se montre de plus en plus exigeant et attentif à la protection des libertés39.
Le souci d’éviter des blocages institutionnels ou sociaux se caractérise par la pondération de certaines décisions juridictionnelles.
L’arrêt French Data Network40 témoigne de ce souci d’acceptabilité sociale d’une décision. Sur le plan politique, il exprime la recherche d’un équilibre entre protection des données personnelles, le respect de la vie privée et l’efficacité de la lutte contre la criminalité et le terrorisme et propose donc, au fond, une certaine vision de l’ordre politique et social. Par prudence et pour ne pas exciter une opinion publique qui se fracture aisément sur les questions de souveraineté et d’appartenance européenne, le Conseil d’État, dans un dossier très difficile politiquement a réussi à éviter trois écueils : s’opposer frontalement à la CJUE en ne respectant pas la jurisprudence européenne, ce que lui demandait le gouvernement ; renoncer définitivement à recourir à la notion d’identité constitutionnelle de la France en ne faisant aucune observation ; fracturer une opinion publique très sensible aux questions de souveraineté nationale et européenne en ne se soumettant pas à la primauté de la précédente jurisprudence de la CJUE, Télé2 Sverige41. Cet arrêt témoigne du souci d’une véritable acceptabilité des décisions de justice par la recherche d’un dialogue des juges peut être factice mais énoncé comme tel ce qui évite le risque de rupture42.
Le contrôle du juge est un tel vecteur de confiance et d’acceptabilité que c’est à lui que l’on s’adresse lorsqu’il n’est pas explicitement mentionné dans un processus. Ainsi, le rapport du Conseil d’État sur les états d’urgence recommande que tous les textes instaurant ces régimes spécifiques soient soumis au Conseil.
Parfois, certaines jurisprudences sont bruyamment critiquées ce qui traduit la difficulté à les accepter. Peut-être faut-il dépasser des lectures politiques, trop orientées, qui ne mesurent pas suffisamment les progrès de l’État de droit. Mais toute démocratie suppose aussi d’accepter les critiques ! À titre d’exemple, une jurisprudence de 202343 sur l’immigration vient enrichir une nouvelle critique à l’endroit des juges européens. À l’occasion d’une question préjudicielle posée par la Conseil d’État, la CJUE a tranché le point de savoir dans quelles conditions on pouvait refouler à la frontière, en l’occurrence entre l’Italie et la France, une personne d’un état tiers qui ne remplissait pas les conditions pour entrer régulièrement sur notre territoire. La CJUE reconnaît qu’en application des textes européens, un État peut rétablir temporairement le contrôle aux frontières mais que l’emplacement des points de contrôle se situant parfois en retrait des frontières, lorsque l’étranger se présente au contrôle il est en réalité déjà sur le territoire. Dès lors, les conditions de la directive retour doivent s’appliquer à savoir dignité, délai pour quitter volontairement le territoire… Cela conduit Jean-Éric Schoettl à affirmer que « cet édifice -de la construction européenne- a ouvert toujours plus largement la porte des entrées, restreint toujours davantage les possibilités de refoulement, de rétention et d’éloignement et réduit la politique européenne en matière d’immigration irrégulière à une question de solidarité entre pays membres en vue de relocaliser les migrants »44. Même si cette lecture de la décision semble un peu rapide et partielle, elle s’inscrit dans une approche politique de refus des décisions de justice européennes. Pour lutter contre la dépossession démocratique, une proposition des « LR » souhaite modifier la constitution pour y inscrire « la possibilité de déroger à la primauté de traités et du droit européen avec une loi organique… approuvée par referendum, quand les intérêts fondamentaux de la nation sont en jeu ». Entre ceux qui veulent casser la baraque, évoquant même la « légitimité usurpée » des juges, et ceux qui veulent dialoguer pour évoluer, le clivage est là. Je me rallie évidemment aux seconds, considérant que l’acceptation d’une décision juridictionnelle, je ne parle plus ici, j’en ai conscience d’acceptabilité, est une condition de la démocratie.
C. La communication et l’explicitation des décisions
L’acceptabilité d’une décision passe aussi par son explicitation. Il n’est ainsi pas anodin d’avoir vu le Président de la République, à l’issue de la crise des « Gilets jaunes », lancer le grand débat national qui l’a conduit à arpenter le pays pour répondre aux questions les plus diverses, expliquer et expliquer encore ! Il est significatif d’avoir vu le premier ministre Édouard Philippe, à la télévision, reprendre de manière très pédagogique les éléments signifiants de la Covid-19 justifiant les mesures annoncées. L’explicitation est encore et toujours essentielle.
En matière juridictionnelle, c’est une quadruple démarche qui a été engagée impliquant l’ensemble des juridictions :
- La première concerne la motivation des décisions de justice : toutes les juridictions ont fourni un réel effort en ce sens même si certains plaident pour des évolutions plus drastiques encore qui pourraient conduire à des modifications substantielles de leur fonctionnement45
- La deuxième s’attache au style des décisions. Partout le style direct est devenu la règle, les paragraphes ont remplacé les considérants ; de petits pas pour les juges mais un grand pas pour le justiciable afin de rendre ces décisions plus intelligibles et donc plus acceptables !
- La troisième évolution s’attache à la communication autour de ces décisions. Les communiqués de presse du Conseil constitutionnel, les conférences de presse données à l’occasion de certaines décisions très sensibles du Conseil d’État (conférence de presse de Jean-Marc Sauvé du 24 juin 2014 sur l’affaire Vincent Lambert)46, s’attachent à rendre ces jurisprudences plus claires pour l’opinion publique. Elle l’est même dans le suivi du processus judiciaire lorsqu’apparaît un risque de fracture sociale. Tel est le cas à propos de Thomas, l’adolescent tué à Crépol en novembre 2023, situation dramatique, générant des troubles connexes et pour laquelle le procureur de la république a dû expliquer la manière dont il procédait avec les mises en garde qui en découlent : après que des personnes suspectées d’avoir une responsabilité dans la mort du jeune garçon de 16 ans ont été placées en détention provisoire et alors qu’une « information judiciaire criminelle » a été ouverte, le procureur de la République a pris la parole, suite aux violences commises à Romans‑sur‑Isère, dans la Drôme, en explicitant les actions conduites et en rappelant que « Nul ne peut se faire justice en dehors de la loi ».
- C’est enfin l’open data qui constituera un élément supplémentaire d’acceptabilité des décisions de justice. Concrétisé par la loi pour une république numérique de 2016 qui prévoit l’ouverture par défaut des données des administrations et collectivités publiques, l’open data des décisions de justice est mise en œuvre par la loi du 23 mars 2019 et un décret d’application du 29 juin 2020. Ces textes permettent de rendre disponibles à tous, à titre gratuit, les décisions rendues par les juridictions judiciaires et administratives dont certaines données personnelles seront occultées en raison de risques pour la vie privée et la sécurité (noms des magistrats, des parties, des tiers). Ce seront plus de 300 000 décisions administratives et 3 millions de décisions judiciaires qui seront ainsi proposées à tous47. Cela favorisera l’accès au droit, renforcera la connaissance et la confiance des citoyens dans leur justice.
Le Vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé proposait sept éléments permettant de rendre compte de la qualité de la justice48 : l’accessibilité ; la célérité du procès, la prévisibilité et l’optimisation du temps judiciaire ; la stabilité et la prévisibilité des jugements ; la qualité de la relation entre le juge et les parties ; l’intelligibilité des décisions rendues ; la possibilité d’en obtenir l’exécution, forcée le cas échéant ; enfin, « l’acceptabilité sociale de la justice rendue, c’est-à-dire la légitimité de cette justice et la confiance qu’elle suscite auprès des justiciables »49.
Ces propos me semblent ici très justes quant au dernier critère envisagé et directement ou non, les juridictions prennent en compte cet élément.
III. Une éthique de la responsabilité
Bien sûr, Weber est ici encore appelé en renfort. L’éthique de responsabilité suppose que le décideur fonde ses décisions « sur une approche juste et raisonnable » de sorte qu’il puisse répondre des conséquences prévisibles de ses actes. Il ne saurait donc être exclusivement soumis à une potentielle acceptabilité mais veiller à la mesure dans l’élaboration de la décision. Le processus d’acceptabilité ne peut être réellement considéré que si, aux côtés des éléments précités, il convoque la primauté de l’intérêt général, s’il respecte la prévisibilité et la stabilité du droit et s’il mobilise un processus de renouvellement de l’expression démocratique.
A. La primauté de l’intérêt général
Le décideur politique est constamment sur un fil. En équilibre entre les attentes de ses concitoyens et ce qui semble juste et raisonnable au nom de l’intérêt général. Il lui appartient donc de faire des choix pertinents au-delà des exigences populaires, voire parfois populistes. Il doit être en mesure de mettre à distance l’acceptabilité politique d’une décision. En ce sens, il faut distinguer entre l’éthique de la responsabilité qui suppose l’édiction de telles mesures et l’acceptabilité relative dont elles pourront faire l’objet. Je prendrai deux exemples en ce sens :
- Les mesures exigées par la Covid-19 au tout début de la pandémie alors même que l’on n’en connaissait pas exactement les contours. Le gouvernement a dû réagir et prendre des décisions qui avec le recul apparaissaient sans doute excessives ; mais au moment où elles ont été prises, notamment celle du confinement, elles étaient impératives quel que soit leur degré d’acceptabilité par l’opinion publique.
- L’autre exemple concerne les mesures de sûreté à l’égard des personnes condamnées pour terrorisme. Dans notre pays, la peur des attentats terroristes est-elle que de nombreux parlementaires répondant à l’inquiétude de l’opinion publique ont voulu prévoir des dispositifs pour garder sous contrôle des personnes ayant déjà purgé l’intégralité de leur peine. Une proposition de loi présentée par Yaël Braun-Pivet, alors présidente de la commission des lois, prévoyait que la justice pourrait ordonner à leur égard, en fonction de leur « particulière dangerosité » des mesures allant de l’obligation de solliciter l’autorisation d’un juge pour changer de travail ou de domicile, jusqu’au port d’un bracelet électronique, en passant par l’obligation de pointer trois fois par semaine dans un commissariat ou une gendarmerie. Décidées pour un an, ces mesures étaient renouvelables jusqu’à un maximum de 10 ans après la sortie de prison de l’intéressé. Alors ministre de la Justice, j’ai hésité à soutenir ce texte au nom du gouvernement mais après avoir évoqué cette question avec le premier ministre, j’ai consenti à y apporter un soutien du bout des lèvres. C’est sans doute un des actes dont je suis le moins fière. Ce texte a d’ailleurs été annulé par le Conseil constitutionnel à juste titre50. Depuis de nouvelles décisions ont été prises, jugées conformes à la constitution.
Ce souci de mettre à distance l’acceptabilité d’une décision et de fonder le choix politique sur une éthique de la responsabilité se traduit encore par la volonté de ne pas prendre de décision à chaud après un événement, en réaction à une émotion.
- On pourrait penser à la revendication qui a fait fureur au moment de la crise des « Gilets jaunes » : le référendum d’initiative citoyenne (le RIC). Au moment où a été rédigé le deuxième projet de loi constitutionnelle du premier quinquennat, il y eut de vifs débats pour savoir comment réagir face à ce qui était devenu un slogan. Il ne s’agissait pas d’y répondre positivement car chacun savait les dangers d’un referendum de ce type. En revanche, il fallait apporter d’autres éléments de réponse traduisant des évolutions vers la démocratie participative. C’est ce qui a été proposé (élargissement du référendum de l’article 11 et du rôle du CESE aux conventions citoyennes…) mais pas voté !
- Plus emblématique encore fut l’affaire Sarah Halimi. Peut-on, doit-on réagir à chaud, immédiatement, sous le coup d’une émotion partagée ? Le meurtre de Sarah Halimi par un individu sous l’emprise de psychotropes suscita un vif émoi. Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation, tout en reconnaissant le caractère antisémite du crime, a entériné une décision de la cour d’appel de Paris ayant conclu à l’irresponsabilité pénale du meurtrier, atteint de bouffées délirantes et sous l’emprise d’une forte consommation de cannabis. Dès le début, la colère le disputa à l’incompréhension. Le président de la République s’était exprimé sur ce sujet et, pour tenter de calmer les esprits, j’avais décidé de confier à Philippe Houillon et Dominique Raimbourg, anciens présidents de la commission des lois de l’Assemblée nationale, la conduite d’une commission de réflexion chargée de réfléchir à une éventuelle modification des textes. Le sujet était délicat car s’il est un principe fondateur de nos lois pénales c’est qu’« en démocratie, on ne juge pas les fous ». Dès l’arrêt de la cour de cassation, Éric Dupond-Moretti a reçu mandat du président de la République pour faire évoluer le régime de l’irresponsabilité pénale en comblant ses lacunes51. Deux nouvelles infractions spécifiques ont été créées pour réprimer la prise délibérée de produits psychoactifs tels que les drogues ou l’alcool par une « personne ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l’intégrité d’autrui ». Ce n’est donc pas le crime commis en l’absence de discernement qui est puni mais la cause de cette abolition de discernement. Beaucoup de personnes et d’organisations se sont opposées à ces textes notamment le syndicat de la magistrature qui s’est appuyé sur les travaux de la commission précitée et qui dénonce une série de confusions. Ce sujet montre à quel point, quelle que soit l’acceptabilité d’une évolution, il faut toujours y réfléchir avec une certaine distanciation.
B. La mesure du juge
La préoccupation de l’acceptabilité des décisions ne doit pas conduire le juge à abandonner ce qui fait la force et la colonne vertébrale d’un état de droit : la stabilité ou en tout cas la prévisibilité du droit.
« La sécurité juridique, qui peut être définie par la trilogie clarté, stabilité et prévisibilité du droit, est une exigence qui progresse dans l’ordre juridique français depuis plusieurs décennies en réaction à l’accélération et à la complexification des rapports juridiques »52. Un revirement de jurisprudence, surtout lorsqu’il se produit au bénéfice des justiciables, ne peut pas être le lieu de critiques. Toutefois, on peut s’interroger sur certaines situations. Qu’en est-il par exemple de la décision du Conseil constitutionnel qui a modifié le régime juridique des ordonnances ? Lorsqu’en mai 202053, le Conseil décide qu’une ordonnance, qui intervient dans le domaine de l’art. 34 de la constitution, a valeur législative dès lors que le délai de ratification est expiré et alors même qu’elle n’a pas fait l’objet d’une ratification parlementaire. Il renverse la règle qui jusqu’alors voulait que ces actes demeurent de nature réglementaire. Il accroît ainsi le champ de son contrôle mais il modifie singulièrement les compétences du Parlement qui voit ainsi naître un texte de nature législative qu’il n’a pas voté ! Une proposition de loi constitutionnelle a depuis été déposée par des sénateurs pour tenter (sans succès) de contrer cette initiative. Cette évolution, significative, a permis de soumettre au contrôle du Conseil constitutionnel un nombre important d’ordonnances de l’état d’urgence sanitaire, susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles. En ce sens, elle constitue sans doute un progrès pour le respect des droits fondamentaux mais il serait souhaitable que les juridictions préparent et anticipent leurs évolutions jurisprudentielles pour assurer la sécurité juridique.
Autre précaution indispensable pour ne pas verser dans un souci d’acceptabilité au fil de l’eau : assurer l’absence de contradiction entre les différents tribunaux sur un même sujet. Je prends ici encore deux exemples.
- Lors de la crise de la Covid-19, les tribunaux ont été fermés aux publics et seuls les contentieux essentiels continuaient à être jugés. Ainsi les débats contradictoires, préalables indispensables à toute remise en liberté, ne pouvaient avoir lieu en raison de la mobilisation trop importante de personnels qu’ils supposaient. Ces débats devant se tenir dans des délais impératifs prévus par la loi, j’ai décidé dans une ordonnance du 16 mars 2020 (art. 16), pour ne pas être contrainte à remettre en liberté des détenus dont certains pouvaient être dangereux, de prolonger les délais de détention provisoire d’un à trois mois selon les situations. Consulté pour avis sur ces ordonnances, le Conseil d’État n’a pas fait d’observations. Saisi en référé, il a considéré que ces mesures ne portaient pas « d’atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées par les requérants54 ». Puis le ton est monté parmi les juristes, les avocats et certains syndicats de magistrats. Des débats à la fois techniques et politiques se sont engagés. Finalement la Cour de cassation a été saisie et a rendu un arrêt précisant que ces mesures n’étaient compatibles avec l’art. 5 de la CEDH que « si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention provisoire, rend dans un délai rapproché une décision prise dans le cadre d’un débat contradictoire, par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé de la mesure55 ». Du fait de cette décision nous avons dû remettre en liberté une centaine de personnes parmi les 30 000 placées en détention provisoire. Mais plus tard, alors que le débat contraintes/libertés sur les mesures relatives au Covid-19 s’était amplifié, le CC s’est saisi de cette même ordonnance (du fait de l’évolution jurisprudentielle précédemment relevée). Il a bien entendu (et c’est logique de son point de vue) fait prévaloir la liberté individuelle et déclaré contraires à l’article 66 de la Constitution les mesures sur la détention provisoire56. Plus tard encore, le Conseil d’État, statuant au fond, rejoindra la solution proposée par la Cour de cassation57. Sur cette mesure, en un an, quatre juges se sont prononcés et ont, à chaque fois, apporté des solutions différentes ce qui ne contribue manifestement pas à l’acceptabilité des décisions ! Le Conseil d’État dans son rapport sur les états d’urgence souligne d’ailleurs que de telles situations sont à éviter et propose que soit mise en place, dans ces circonstances, une instance de réflexion entre les juridictions. De mon point de vue, ces censures, d’autant plus incisives que s’éloignait la stupeur des premiers temps de la pandémie, répondaient pour partie, à ce qui paraissait inacceptable aux juristes et à certains de nos concitoyens. Cette acceptabilité est nécessairement prise en compte parce qu’elle fonde aussi la légitimité de l’institution juridictionnelle.
- Autre exemple en droit de l’environnement. Bien sûr, chacun connaît la longueur excessive des projets d’équipement qui parfois prennent vie plus de 30 ans après leur conception ou sont abandonnés (Notre-Dame-des-Landes, le barrage de Sivens dans le Tarn, etc.). Durant ce délai, des contentieux se superposent, des juridictions se prononcent à intervalles réguliers et, parce que les circonstances évoluent, elles sont conduites à élaborer des réponses successives et parfois divergentes. Je pense ici à l’exemple du pont de Beynac en Dordogne. Le projet de « voie de la vallée » date d’une trentaine d’années. Il s’agissait d’aménager un itinéraire le long de la Dordogne entre Libourne en Gironde et Souillac dans le Lot. Plusieurs portions de route ont été construites au fil des années. Il ne reste aujourd’hui que deux chaînons manquants dont celui qui prévoit d’éviter la traversée de Beynac, l’un des plus beaux villages de France. Pour cela, il fallait construire une nouvelle route de 3 km avec deux ponts enjambant la Dordogne. En 2011, le Conseil d’État a validé la déclaration d’utilité publique émise en 2001. Il a par la même occasion débouté les opposants au contournement de Beynac qui depuis une dizaine d’années enchaînaient les recours devant les tribunaux. Le conseil départemental, très favorable au projet (le Président du département était maire de Beynac jusque très récemment) a trouvé les financements. Mais ce projet a suscité de nombreuses crispations, les opposants (dont Stéphane Bern) estimant que la construction de cet itinéraire dévisagerait la vallée de la Dordogne et détruirait la biosphère. Un arrêté préfectoral de 2018 a toutefois autorisé les travaux qui ont commencé (deux immenses piles sortent de l’eau) mais, à la suite de multiples recours le 29 juin 2019, le Conseil d’État a jugé qu’il fallait arrêter les travaux et remettre le site en l’état. Les populations s’opposent toujours très fortement sur ce projet et le président du conseil départemental parle de « scandale démocratique58 ». Car c’est bien le fonctionnement de nos démocraties qui est ici interpellé par la question de l’acceptabilité des décisions.
C. Un renouvellement des processus démocratiques
Cette question de l’acceptabilité, en ce qu’elle interroge le mode d’élaboration de la décision et sa réception par nos concitoyens, pose celle du fonctionnement des démocraties et plus particulièrement de la démocratie représentative. De quelle autonomie, de quelle amplitude d’action bénéficient nos représentants des pouvoirs exécutif et législatif, voire les magistrats, pour prendre leurs décisions ?
Nos concitoyens ont changé en 20 ans. Jérôme Fourquet le démontre : « depuis le milieu des années 80, la France est métamorphosée en profondeur. Accélération de la désindustrialisation, apogée de la société des loisirs et de la consommation, poursuite de la périurbanisation, hybridation des traditions populaires sous l’influence de la mondialisation, syncrétisme spirituel et religieux, sont autant de réalités nouvelles qui structurent en profondeur cette France qui a irrémédiablement changé depuis la fin des 30 glorieuses. Or, l’écart entre le pays, tel qu’il se présente désormais à nos yeux et les représentations que nous en avons est abyssal »59.
Les nouveaux clivages jouent un rôle manifeste dans la déconstruction d’un monde politique ancien. Olivier Mongin en témoigne. Évoquant les mouvements de désobéissance civile qui ne sont pas sans lien avec la notion d’acceptabilité, il observe que « refusant de se plier aux règles de la politique imposée d’en Haut, ceux-ci posent les conditions d’un renouvellement de la vie politique qui valorise moins les partis que le désir de citoyenneté et en appelle à des changements par le Bas, préalables à la réécriture de la constitution »60.
Dans un contexte où la démocratie représentative est de plus en plus contestée pour laisser place à plus de démocratie participative, les décideurs publics qui doivent aujourd’hui, sous menace d’une contestation réitérée de leurs décisions consulter un grand nombre d’acteurs de la société civile et justifier leurs décisions auprès d’eux, peuvent être fragilisés ou se transformer en Gulliver empêtré. Le Conseil d’État le relève, même dans les situations d’urgence : « Les états d’urgence révèlent également les difficultés inhérentes à la démocratie représentative : structurer le débat public et l’expression de toutes les sensibilités, permettre de dégager des majorités, lutter contre la démagogie, disposer d’instances représentatives reconnues sont des enjeux qui transcendent les périodes ordinaires et extraordinaires »61.
Si la dynamique de la démocratie participative est généralement acceptée, voire revendiquée, son articulation avec les acteurs de la démocratie représentative et la nature de leurs délibérations est complexe à établir notamment pour la construction de la légitimité des pouvoirs publics. Pierre Rosanvallon62 relève ainsi que, dans la démocratie aujourd’hui, « la volonté générale n’est approchée que par l’expression majoritaire ». Or, « il est illusoire de penser qu’il existe une modalité parfaite de la démocratie : la démocratie est toujours imparfaite dans chacune de ses modalités et il faut donc en démultiplier les formes… Un exécutif fort ne peut voir les obligations qu’il fixe suivies d’effets réels et légitimes que s’il rend des comptes et se montre transparent ».
Les attentes par rapport à la décision politique ou juridique évoluent. Mais s’il est un point certain, c’est qu’il demeure absolument nécessaire qu’un pays soit gouverné. C’est à cette tâche de réinvention des modèles d’élaboration de la décision qu’il convient désormais de s’atteler pour une démocratie « continuée » mais pas paralysée !
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- Art. 7 de la charte de l’environnement du 1er mars 2005.
- Rapport au premier ministre, 2013.
- Le 14 septembre 2021, le Président de la République annonçait ses premières intentions lors de la clôture du Beauvau de la sécurité avec notamment la simplification des cadres d’enquête et un débat annuel de politique pénale devant le parlement pour mieux informer et guider les parlementaires.
- Sur RTL, D. BUSSEREAU ajoute : « Au lieu de prendre une mesure dont on savait qu’elle serait strictement impopulaire, on était prêt à prendre nos responsabilités et à se mettre autour d’une table ».
- « Quand nous avons pris cette décision avec le gouvernement, avec le président de la République, nous avons pris nos responsabilités. Nous avons pris une décision que nous savions impopulaire (…) mais qui ne nous paraît pas remettre en cause la façon dont nos concitoyens peuvent se déplacer et qui produit des résultats. Nous sommes fiers des résultats, de ces vies épargnées ».
- Avis du 21 mars 2018 sur le PJL renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.
- CE, 6-5 CR, 15 avril 2021, n° 425424, en évoquant des seuils de normes : « Il résulte des termes de la directive, tels qu’interprétés par la Cour de Justice de l’Union européenne, que l’instauration, par les dispositions nationales, d’un seuil en deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d’évaluation environnementale n’est compatible avec les objectifs de cette directive que si les projets en cause, compte tenu, d’une part, de leurs caractéristiques, en particulier leur nature et leurs dimensions, d’autre part, de leur localisation, notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques qu’ils sont susceptibles d’affecter, et, enfin, de leurs impacts potentiels, ne sont pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine ».
- Depuis le 18 janvier 2021, il est recommandé aux avocats, selon le professeur Loïc Cadiet, de déterminer pour « chaque type de conflit, son mode de solution approprié (…) dans une gestion fine de l’orientation des affaires » (CADIET, 2017, p. 522).
- Lancement de la politique de l’amiable, 13 janvier 2023, ministère de la Justice, https://www.justice.gouv.fr/actualites/actualite/lancement-politique-lamiable.
- LINGIBE, 2023.
- Article 127 du Code de procédure civile : « Hors les cas prévus à l’article 750-1, le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige une mesure de conciliation ou de médiation ».
- NUSSBAUM, 2015 p. 240.
- Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
- Cons. const., 6 juillet 2018, n° 2018-717/718 QPC, M. Cédric H. et autre [Délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger].
- PHILIPPE, 2023, p. 219.
- Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ; Ord. n° 2020-304, 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété ; Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ; Ord. n° 2020-596, 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid-19.
- BELLOUBET, 2020.
- Elles seront classées sans suite par la chambre d’instruction de la Cour de Justice de la République.
- Avertissements consécutifs au débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.
- Interview en anglais diffusée sur la chaîne américaine CBS en avril 2021.
- Cons. const., 24 novembre 2023, n° 2023-1069/1070 QPC, M. Sékou D. et autre [Cours criminelles départementales].
- Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel, v. GOESEL-LE BIHAN, 2007.
- DUTHEILLET DE LAMOTHE, PAOLI, 2019.
- C. cass., Civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-26.066.
- Au terme de longues péripéties juridiques dont une censure par le Conseil constitutionnel (décision du 5 août 2015 [https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2015/2015715DC.htm]), le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse a finalement vu le jour avec l’ordonnance du 22 septembre 2017, ratifiée par la loi du 29 mars 2018.
- CE, Ass., 31 mai 2016, n° 396848, Mme G.
- « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».
- Sur ces points voir MOUTON, CARPENTIER (dir.), 2020.
- Cons. const., 25 mars 2011, n° 2010-108 QPC, Madame Marie-Christine D.
- Const. const., 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC, consort L. [cristallisation des pensions].
- Pascale Deumier avait d’ailleurs relevé en 2015 que le Conseil devait certes « porter une attention particulière au justiciable, sans lequel il n’aurait d’ailleurs pas été en mesure de relever une telle inconstitutionnalité mais la portée effective des censures doit être relativisée : si elle s’impose pour l’avenir, elles interviennent souvent trop tardivement pour profiter au requérant » (DEUMIER, 2015, p. 65).
- « Notre ordre juridique est en effet fondé sur les libertés, il a pour fin leur conservation et le but de l’action des pouvoirs publics est leur sauvegarde et leur jouissance par chacun. L’État de droit est donc un État qui se soumet au droit mais pas n’importe lequel : un droit fondé sur la séparation des pouvoirs et sur un système de valeurs dont l’expression réside dans les droits de l’homme et les libertés publiques » (MOLINS, 2021).
- Les textes instaurant l’état d’urgence sanitaire n’ont pas été soumis au CC. Sa décision du 11 mai 2020, première décision sur ce sujet était donc très attendue. Elle caractérisait en ce sens la portée des débats entre la primauté des libertés et la conciliation avec l’intérêt général. De la même manière sa décision sur le pass sanitaire était aussi très attendue par les opposants au pass. En une certaine façon elle a clos le débat virulent sur ce sujet (Cons. const., 5 août 2021, n° 2021-824 DC, Loi relative à la gestion de la crise sanitaire).
- CONSEIL D’ÉTAT, 2021, p. 112.
- Voir Cons. const., 22 déc. 2015, n° 2015-527 QPC, Cédric D. et Cons. const., 1er déc. 2017, n° 2017-677 QPC.
- CE, ass., 21 avril 2021, n° 393099, French Data Network.
- CJUE, 21 déc. 2016, Aff. C 203/15, Tele2 Sverige.
- BERTRAND, 2021.
- CJUE, 21 septembre 2023, C-143/22, Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) e.a. contre ministre de l’Intérieur.
- SCHOETTL, 2023.
- MASTOR, 2020.
- Le Conseil d’État devait dire si la décision médicale de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert est légale ou non.
- Les décisions du Conseil d’État et de la Cour de cassation sont désormais disponibles en open data.
- SAUVÉ, 2009.
- Cette dernière est entendue comme « la faculté des institutions juridictionnelles à remplir correctement la mission qui leur est impartie ainsi que le degré de confiance des citoyens, des justiciables et de la communauté des juristes dans ces institutions » (MARCHANDISE et al., 2012).
- Cons. const., 7 août 2020, n° 2020-805 DC, Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.
- Jusqu’alors, l’article 122-1 du code pénal ne faisait pas de distinction selon l’origine du trouble provoquant l’abolition du discernement : « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
- CASSARD-VALEMBOIS, 2020.
- Cons. const., 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC, Force 5 [Autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité].
- CE, ord., 3 avr. 2020, n° 439877 UJA, CNB, LDH.
- C. cass., crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910.
- Cons. const. 29 janvier 2021, n° 2020-878/879 QP, M. Ion Andronie R. et autres.
- CE, 5 mars 2021, communiqué de presse : « Le droit à la sûreté garanti par l’article 5 de la CEDH ne fait pas obstacle à ce que ce soient prévues des modalités de prolongation des délais de détention provisoire, dans le contexte exceptionnel de la lutte contre l’épidémie. Le conseil d’État rappelle que ce droit impose, même dans un contexte exceptionnel, que la juridiction compétente se prononce systématiquement après un débat contradictoire, dans un bref délai sur le bien-fondé du maintien détention provisoire ».
- « Face à un tel scandale démocratique, le Département entre aujourd’hui en résistance afin de faire triompher le bon sens et de dénoncer les accointances entre le lobby des châtelains fortunés et certaines personnalités du monde politique. Il en appelle aujourd’hui solennellement au Président de la République, premier garant du bon fonctionnement des institutions de notre pays », précise le conseil départemental.
- FOURQUET, 2021, p. 11.
- MONGIN, 2023, p. 317.
- CONSEIL D’ÉTAT, 2021, p. 141.
- ROSANVALLON, 2020, p. 15.