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Quelle(s) cartographie(s) pour la ville ? Expériences lyonnaises

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Le congrès 2020 de la Société française d’histoire urbaine (SFHU) fournit l’occasion d’une présentation regroupant les différentes expériences lyonnaises en matière d’atlas, ou plus généralement en matière de cartographie urbaine, proposée, au sein de cet aréopage de chercheurs reconnus, par deux techniciens de collectivité territoriale, architecte référent patrimoine urbain pour l’un (Philippe Lamy), archéologue pour l’autre (Anne Pariente). Cette appartenance institutionnelle explique une approche aux objectifs mixtes : les missions des deux auteurs se situent à l’articulation, parfois complexe, entre acquisition de connaissances et exploitation opérationnelle conforme aux demandes des élus, à la charnière entre chercheurs et grand public, comme va l’illustrer ce rapide tableau.

Cette invitation au congrès de la SFHU était aussi une occasion rêvée pour présenter l’Atlas historique de la ville de Lyon, réalisé dans le cadre du plan de gestion de son site historique inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. Ce projet, réalisé avec la participation active et indispensable du Service archéologique de la Ville de Lyon (SAVL), participe en effet à la mise en atlas que ce service poursuit sur les thématiques nombreuses qui vont d’abord être présentées ici.

Lyon offre à l’étude une formidable matière, issue de la richesse des découvertes archéologiques, des fonds d’archives et de la variété des recherches inter-institutionnelles. Les présentations réunies dans le présent ouvrage attestent qu’elle pourrait, grâce à la montée en puissance de partenariats encore balbutiants, alimenter une réflexion renouvelée sur la fabrique urbaine.

Mais les travaux en cours qui vont être évoqués ici se rattachent-ils tous à l’art de l’atlas, en sont-ils une forme qui, à la façon de M. Jourdain, ne dit pas son nom, ou bien se situent-ils plutôt à l’orée d’une prometteuse exploitation des données ? À l’origine, Titan condamné à soutenir la voûte céleste, Atlas est passé par le frontispice d’un recueil de cartes édité au XVIe siècle avant de désigner ce type de recueil lui-même. Cet atlas-là peut être mondial, linguistique, économique, géologique, historique ; émanant de producteurs divers et répondant à des objectifs variés, il peut être un “atlas urbain européen”, et permettre d’analyser et comparer la forme des villes1. Il peut être “de Paris” et reconstituer l’évolution de l’emprise spatiale de la capitale dans toutes ses composantes2 ; être “de l’environnement de la métropole Aix-Marseille-Provence” et décrire les composantes du territoire d’une agglomération, dans le but d’accompagner les politiques publiques…

Atlas et cartographie : les réalisations en cours

L’Atlas topographique de Lugdunum

L’atlas peut également être topographique et concerner les villes antiques de Gaule méridionale – avant que la collection n’englobe la cité de Lugdunum. Ce projet ambitieux a permis en 2018 la parution du premier volume de l’Atlas topographique de Lyon antique3, qui inaugure une série de quatre ouvrages destinés à dresser un état renouvelé des connaissances archéologiques concernant Lugdunum : couvrant l’agglomération et son suburbium, soit quelque 330 ha à l’époque concernée (Ier-IIe s.), cette synthèse majeure constitue un apport qui fera référence, tant pour l’archéologie lyonnaise que pour l’étude comparative désormais possible avec d’autres cités antiques. Les 13 feuilles publiées dans le premier tome paru portent sur la seule ville haute.

Né d’un Projet collectif de recherche (PCR) rattaché à l’Unité mixte de recherche (UMR  5138) ArAr de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée, il a été piloté pendant 15 ans par Michel Lenoble, du Service régional de l’archéologie Rhône-Alpes. Ce travail a longtemps constitué le seul projet commun dans lequel l’archéologie lyonnaise se réunissait, passant outre les relations quelque peu chaotiques liées aux débuts de la mise en œuvre de la loi 2001-2003 sur l’archéologie préventive : le PCR Atlas s’est ainsi longtemps avéré le seul lieu où une mutualisation inter-institutionnelle et une intelligence collective étaient possibles, avant que la situation n’évolue.

La trentaine de collaborateurs à ce projet appartient au Service régional de l’archéologie, aux Universités de Lyon 2, Grenoble, La Rochelle, à l’École nationale supérieure (ENS), à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée, à l’Institut national de recherche archéologique préventive (Inrap), aux opérateurs privés Archeodunum et Evéha, à Lugdunum Musée et théâtres romains, ainsi qu’au musée des Beaux-Arts de Lyon et au SAVL déjà cité. Ils sont universitaires, archéologues, conservateurs, actifs ou retraités, bénévoles, chercheurs débutants ou confirmés, attestant dans leur diversité la fécondité de ce creuset partagé.

C’est désormais le SAVL qui a pris en charge le pilotage, confié à Michèle Monin, archéologue antiquisante au service archéologique municipal depuis 1980 : le groupe travaille au deuxième volume et à ses 28 feuilles, consacrées à la Presqu’île et aux quartiers fluviaux (fig. 1). Les résultats issus de l’archéologie étant, dans une ville où l’activité immobilière est intense, éminemment évolutifs, il serait utile que les données réunies dans cet atlas puissent faire régulièrement l’objet d’une mise à jour sous forme numérique : plusieurs opérations nécessitées par les projets de construction évoqués à ce jour d’une ligne de métro ou d’une ligne de tramway par exemple apporteront inévitablement d’importants compléments au puzzle de la Presqu’île et de ses quais, et la fouille programmée menée depuis 2019 par Benjamin Clément et Stéphane Carrara4 sur le jardin de la Visitation (Lyon 5e arr.) devrait, en particulier, apporter quelques éléments de réponse essentiels concernant l’occupation de la ville haute installée sur la colline de Fourvière.

Fig. 1. Le découpage en feuilles de l’Atlas topographique de Lugdunum, vol. 2 (à paraître).
Fig. 1. Le découpage en feuilles de l’Atlas topographique de Lugdunum, vol. 2 (à paraître).

Ces publications mettent une somme exceptionnelle de données relues et réorganisées selon les grandes rubriques fonctionnelles (voirie et urbanisme, aménagements hydrauliques, commerce et artisanat, habitations, systèmes de soutènement…) à disposition des chercheurs tout comme d’un public éclairé.

Le système d’information archéologique ALyAS

Les mêmes données, enregistrées sous la forme la plus neutre possible, alimentent le système d’information archéologique ALyAS (archéologie lyonnaise et analyse spatiale5), mis en œuvre au SAVL depuis 2004 pour constituer, à des fins qui combinent gestion et recherche, la carte archéologique communale6. Il est inutile de revenir sur la dimension créatrice des systèmes d’information géographique (SIG) dans la lecture de la fabrique urbaine7 et notre propos n’est pas de commenter ici les schémas conceptuels et les rouages logiciels de notre SIG lyonnais (fig. 2 et 3).

Fig. 2. Le schéma global des composantes du SIA ALyAS (© SAVL).
Fig. 2. Le schéma global des composantes du SIA ALyAS (© SAVL).
Fig. 3. Le modèle conceptuel de données d’ALyAS (© Éric Leroy – SAVL).
Fig. 3. Le modèle conceptuel de données d’ALyAS (© Éric Leroy – SAVL).

Il est doté, depuis une dizaine d’années et grâce à l’étroite collaboration établie avec les Archives municipales de Lyon, d’un riche volet de cartographie ancienne numérisée par ce service municipal8 et géoréférencée par le SAVL, depuis le Plan scénographique de 15449 ; les différents plans terriers du XVIIIe siècle et cadastres napoléoniens sont systématiquement mis à contribution dans notre activité opérationnelle préventive, pour lire à travers les strates historiques l’évolution des terrains concernés par une fouille à venir et des bâtiments qui les ont éventuellement occupés à travers les presque cinq siècles que la riche documentation cartographique lyonnaise nous permet de couvrir (fig. 4)10.

Fig. 4. ALyAS (volet cartographie ancienne) : les rectangles correspondent aux contours des 500 cartes anciennes géoréférencées dans ALyAS (une couleur par siècle) (© Nicolas Gourdain, Éric Leroy – SAVL).
Fig. 4. ALyAS (volet cartographie ancienne) : les rectangles correspondent aux contours des 500 cartes anciennes géoréférencées dans ALyAS (une couleur par siècle) (© Nicolas Gourdain, Éric Leroy – SAVL).

Les données d’ALyAS font désormais l’objet d’une mise en ligne sur l’intranet de la Ville, à destination des services aménageurs (fig. 5) : elle leur permet d’accéder aux informations sur le “risque” ou plutôt le potentiel archéologique du secteur concerné par un projet porté par la municipalité et d’interroger les données cartographiées en fonction de tris chronologiques ou fonctionnels.

Fig. 5. ALyAS (carte archéologique intranet) : en haut, l’ensemble des opérations archéologiques enregistrées ; en bas, accès à la notice d’une opération renseignée dans la base de données (© SAVL).
Fig. 5. ALyAS (carte archéologique intranet) : en haut, l’ensemble des opérations archéologiques enregistrées ; en bas, accès à la notice d’une opération renseignée dans la base de données (© SAVL).

Le pré-inventaire architectural du Vieux-Lyon

En complément du travail mené par le Service régional de l’Inventaire dans le cadre d’une convention avec la Ville, le SAVL a entrepris, il y a une dizaine d’années, le pré-inventaire architectural du Vieux-Lyon. Ce quartier médiéval et Renaissance exceptionnellement conservé, situé en rive droite de la Saône, occupe 24 ha au pied de la colline de Fourvière. Il constitua dès 1964, le premier secteur sauvegardé prescrit en France avec celui du Marais à Paris, à la suite de la loi Malraux de 1962 et fut à l’origine de l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial du Site historique de Lyon en 1998 (fig. 6)11.

Fig. 6. Pré-inventaire du Vieux-Lyon : chronologie des immeubles inventoriés (en gris : non daté) (© Christine Becker, Victoria Kilgallon, Charlotte Gaillard, Éric Leroy – SAVL).
Fig. 6. Pré-inventaire du Vieux-Lyon : chronologie des immeubles inventoriés (en gris : non daté)
(© Christine Becker, Victoria Kilgallon, Charlotte Gaillard, Éric Leroy – SAVL).

Lancé pour accompagner la révision du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) portée par l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP), ce pré-inventaire inventorie et date l’ensemble des éléments architecturaux du quartier du Vieux-Lyon12 : même si la révision du PSMV a été retardée, ce projet est un excellent exemple de l’implication possible du scientifique dans la réglementation de l’urbanisme.

L’étude est menée sur des immeubles dont le noyau peut être médiéval mais dont la majeure partie date de la Renaissance ou de l’Époque moderne. Elle se poursuit et s’amplifie sur des bases renouvelées grâce à une révision de l’organisation actuelle du travail afin de structurer des collaborations plus systématiques avec les universités en accueillant des étudiants en formation. Il est aussi prévu la mise en ligne d’une cartographie interactive permettant aux publics d’accéder à des fiches descriptives d’immeubles – dont une première série de 50 fiches sera accessible à court terme (fig. 7). Enfin, cette mise en ligne aidera vraisemblablement à accentuer la dimension participative de cet inventaire, en y associant plus largement les habitants des quartiers concernés.

Fig. 7. Exemple de notice concernant un immeuble pour mise en ligne (© Victoria Kilgallon, Marie-Noëlle Baudrand – SAVL).
Fig. 7. Exemple de notice concernant un immeuble pour mise en ligne (© Victoria Kilgallon, Marie-Noëlle Baudrand – SAVL).

Parallèlement les données de cet Inventaire, dûment géoréférencées dans la base ALyAS, alimenteront des études typologiques de l’immeuble urbain lyonnais, dans une logique diachronique13. Il a par ailleurs été envisagé d’engager avec le Service régional de l’inventaire une réflexion concernant la complémentarité entre notre pré-inventaire et l’inventaire régional, ainsi qu’un travail commun sur l’évolution de l’espace urbain.

Les réalisations en projet

Plusieurs autres projets actuellement sur le métier sont destinés à répondre, à un moment où la métropole de Lyon pilote la réflexion sur les open data, à une volonté de partage des connaissances et d’ouverture des données à d’autres utilisateurs et d’autres publics. La mise en ligne sur internet des données archéologiques et cartographiques issues d’ALyAS fait d’abord partie de ces projets en cours. Par le biais d’une carte interactive conçue dans la ligne graphique des cartes de l’Observatoire urbain de la Ville de Lyon, le public aura accès à des notices illustrées (fig. 8). Il pourra filtrer les informations à sa guise et afficher à l’écran soit une vision synchronique de l’état de la ville à l’époque choisie (dans un découpage chronologique classique, Préhistoire, Âges des Métaux, Antiquité, Moyen Âge, etc.), soit une vision diachronique retraçant et cartographiant l’évolution de l’occupation selon des critères fonctionnels (habitat, funéraire, militaire, hydraulique…). Nous n’inventons rien et d’autres productions numériques indéniablement plus élaborées (pour ne citer que les travaux du Pôle archéologique de Paris et le projet Urban Hist à Toulouse14) pourraient nous servir de modèles.

Fig. 8. Projet de mise en ligne d’ALyAS : exemple de carte interactive (l’occupation de Fourvière et de la Presqu’île – Âges des Métaux, Antiquité et Moyen Âge – Plan de la ville de Lyon, par J.-M. Darmet, 1830) (© SAVL – DSITN Ville de Lyon).
Fig. 8. Projet de mise en ligne d’ALyAS : exemple de carte interactive (l’occupation de Fourvière et de la Presqu’île – Âges des Métaux, Antiquité et Moyen Âge – Plan de la ville de Lyon, par J.-M. Darmet, 1830) (© SAVL – DSITN Ville de Lyon).

Le projet FAP-PAT, inscrit au Labex intelligence des mondes urbains (IMU), entend pour sa part répondre à la transformation significative des modalités de gestion des périmètres reconnus au patrimoine mondial par l’Unesco et au souhait des acteurs territoriaux de mettre en œuvre ces nouvelles procédures. Le consortium a réuni, en 2016, opérateurs patrimoniaux du site et scientifiques lyonnais sous la coordination d’Isabelle Lefort (EVS – UMR 5600). Cette approche démocratique et citoyenne du patrimoine a pris la forme d’une recherche-action, la démarche de Paysage Urbain Historique (PUH), associant habitants, acteurs associatifs, professionnels et politiques, experts scientifiques. Elle interroge les conditions d’une réflexion et d’une pratique autour de ce qui fait patrimoine.

Le livrable, tel que conçu au démarrage du projet, était un atlas évolutif, collaboratif et participatif numérique, qui “articulera les compétences des sciences des données et de l’image (SDI) ainsi que des sciences sociales aux compétences opérationnelles et praticiennes des acteurs culturels”15. Le prototype serait mis en application auprès des musées Gadagne en tant que centre d’interprétation du Site historique de Lyon. 

Ce projet a associé trois laboratoires (LIRIS-UMR 5205, CWM-UMR 5283, Triangle-UMR  5206) et six services praticiens (le SAVL, les musées Gadagne, la Bibliothèque municipale, la Mission Coopération culturelle et la Direction de l’aménagement urbain pour la Ville de Lyon, ainsi que le Musée des Confluences). Mais, au-delà de ces projets, le SAVL, convaincu par la puissance heuristique de l’atlas et l’importance de l’approche comparative qui fonde la logique de la collection Atlas historique des villes de France, a envisagé dans le projet scientifique intégré à sa demande d’habilitation comme opérateur d’archéologie préventive, déposé en 2017 auprès des ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de mettre en chantier, dans une configuration évidemment pluridisciplinaire et multi-institutionnelle, un atlas historique répondant aux normes de la collection pilotée par Ausonius.

Un atlas historique de Lyon, pour quoi faire ?

L’utilisation du SIG du SAVB pour produire les plans et traiter le cadastre ancien peut être synonyme d’un renouvellement des problématiques et du travail sur la topographie historique, l’analyse de l’espace et la dynamique urbaine propres à Lyon. Il sera nécessaire, dans le cadre de ce projet essentiel, de s’interroger sur la gestion du temps et le découpage temporel, en explicitant les choix amenant à la définition des rythmes urbains en fonction des éléments qui font rupture et des bornages en lien avec le processus d’évolution spatiale. Si cet atlas doit encore être mis en œuvre dans les règles de l’art bordelaises, le projet suivant, situé à la croisée de l’opérationnel et du scientifique, dûment réalisé celui-là, constitue le récent Atlas historique de Lyon.

Créer un plan de référence pour la gestion 
du Site urbain historique de Lyon

Le Site historique de la ville de Lyon a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO au titre de deux critères :

  • “Lyon représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l’installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site d’une grande importance stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l’Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène et vigoureuse.
  • De par la manière particulière dont elle s’est développée dans l’espace, Lyon illustre de manière exceptionnelle les progrès et l’évolution de la conception architecturale et de l’urbanisme au fil des siècles”16

Son patrimoine urbain y tient une place importante, sur une superficie de 324 ha, 750 avec sa zone tampon également d’une grande richesse historique. Ces quartiers accueillent environ 50 000 habitants.

Dans le cadre de son plan de gestion, la Ville a prévu l’élaboration d’un plan de référence de son site, comportant une actualisation de la connaissance de son patrimoine urbain et une description plus fine de celui-ci :

“Le site historique de Lyon est le fruit d’une stratification urbaine qualitative de plus de 20 siècles établie sur un site géomorphologique riche, complexe, précisément délimité et fortement contraint. Ces deux caractéristiques ont façonné une ville de quartiers et d’ensembles urbains identifiables fortement articulés entre eux, en étroite osmose avec leur cadre géographique, et organisés en réseau. Cette configuration et la qualité architecturale et urbaine de ces différents ensembles génèrent une urbanité forte”17

Au-delà des éléments de description à l’échelle du site, fournis dans le dossier d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial, et des travaux en cours sur l’immeuble urbain lyonnais, considéré comme élément de base de cet ensemble, il était souhaitable d’avoir une description et une synthèse plus fines de l’identité paysagère, urbaine et architecturale du Site historique de Lyon.

Cette connaissance a pour objectif, à petite échelle, d’organiser les accroches de l’hyper centre historique avec les autres quartiers de la ville contemporaines, mais également, à plus grande échelle, de travailler sur l’adaptation de cet ensemble urbain et ses transitions et articulations de ses différents sous-ensembles entre eux. Ce travail porte donc sur les caractéristiques morphologiques, physiques et architecturales du site, intégrant ses permanences et ses évolutions.

Description de l’étude du paysage urbain historique

Cette étude du paysage urbain historique a été menée selon deux approches diachronique et synchronique. La première permet de comprendre la formation et les évolutions de la ville. La seconde permet d’appréhender la ville contemporaine selon des principes et des axes de construction ayant combiné, à chaque période, évolutions urbaines et structure héritée.

L’ensemble se présente en deux parties. La première comprend dix cartes historiques correspondant à dix périodes significatives de l’histoire de la Ville, complétées d’une notice historique et d’une frise chronologique (fig. 9 à 14). Les quelques figures ci-après illustrent cette chronologie et parlent d’elles-mêmes. 

Fig. 9. Le site de Lyon vers la fin du Ier et au début du IIe s. p.C. (© Sources : données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 9. Le site de Lyon vers la fin du Ier et au début du IIe s. p.C.
(© Sources : données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 10. 1350 : La ville polynucléaire du Moyen Âge (© Sources : données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 10. 1350 : La ville polynucléaire du Moyen Âge
(© Sources : données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 11. 1570 : La ville Renaissance, un nouvel élan (© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 11. 1570 : La ville Renaissance, un nouvel élan
(© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 12. 1745 : La ville embellie, fortifiée et circonscrite (© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 12. 1745 : La ville embellie, fortifiée et circonscrite
(© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 13. 1820-1840 : La ville en expansion (© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 13. 1820-1840 : La ville en expansion
(© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; données archéologiques ALyAS SAVL ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 14. 1980 : Modernisation de la ville (© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; cartographie Agence d’urbanisme).
Fig. 14. 1980 : Modernisation de la ville
(© Sources : fond de plan, voirie et relief Métropole de Lyon ; bâti et emprises religieuses Bernard Gauthiez (Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600), Agence d’Urbanisme ; cartographie Agence d’urbanisme).

La deuxième partie de cet atlas comporte trois plans analytiques portant sur la ville contemporaine, ses permanences historiques et les éléments de composition urbaine qui ont permis de constituer, au fil des siècles et des strates urbaines accumulées, une ville harmonieuse et cohérente.

La production de cette synthèse historique du Site de Lyon constitue un atlas au sens où elle rassemble des productions cartographiques et des commentaires textuels portant sur l’histoire architecturale, urbaine et paysagère de la ville et de son agglomération (fig. 15 à 17).

Fig. 15. Plan de datation de la Ville de Lyon (© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).
Fig. 15. Plan de datation de la Ville de Lyon
(© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).
Fig. 16. Plan des cohérences architecturales (© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).
Fig. 16. Plan des cohérences architecturales
(© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).
Fig. 17. Plan des compositions architecturales et urbaines (© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).
Fig. 17. Plan des compositions architecturales et urbaines
(© Bernard Gauthiez – Univ. Lyon3-CNRS UMR 5600).

Le rôle des collectivités lyonnaises 
dans la commande de cet atlas

La Ville et la Métropole de Lyon ont été désignées comme porteuses de cette opération, la partie diagnostic étant plus directement mise en œuvre par la Ville et sa Direction de l’Aménagement urbain. La Ville a donc assuré un rôle de maître d’ouvrage au titre de ses compétences en matière culturelle et d’aménagement urbain et plus particulièrement en matière de gestion de son site inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.

À côté de ce rôle de commanditaire, la Ville a joué un rôle opérationnel en mobilisant ses capacités techniques en matière de cartographie historique et en matière d’archéologie et d’histoire. Le SAVL a été un des principaux moteurs de ce travail en mettant à disposition ses ressources cartographiques numérisées, ses bases de données géoréférencées intégrant les dernières découvertes historiques, ainsi que sa connaissance historique irremplaçable du site. Pour réaliser ce travail, une équipe pluridisciplinaire a été constituée : elle associe le SAVL, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise pour ses compétences historiques, urbaines et de production cartographique, et Bernard Gauthiez, professeur à l’Université Lumière Lyon 2 rattaché au CNRS UMR 5600 Ville, Environnement, Société, pour sa connaissance de l’histoire de la ville, de ses mécanismes de production et pour ses outils d’analyse du paysage urbain historique. À côté de cette équipe de travail opérationnelle, un groupe de travail technique associant les acteurs du patrimoine urbain a été constitué : il réunit l’UDAP, des institutions culturelles comme le Musée d’histoire de la Ville et les Archives municipales, ainsi que le Service régional de l’Inventaire…

La présentation et l’analyse de cette cartographie historique nécessitaient l’utilisation d’un fond de plan homogène permettant de reporter les représentations de plans historiques, eux-mêmes sélectionnés en fonction de leur fiabilité et de leur précision dans la riche cartographie des archives municipales. À partir de la base cartographique géoréférencée, les plans de chaque période ont ainsi intégré des données supplémentaires issues de plans annexes (plans des fortifications, repérage de sites emblématiques, autres plans divers…).

Les caractéristiques de présentation et les singularités de cet atlas au regard des autres objets géographiques ont aussi été adaptées au sujet traité. Les objets urbains et paysagers ont été cartographiés sur des fonds de plan communs correspondant aux dix périodes significatives de l’histoire de Lyon mentionnées plus haut. Cette mise en forme graphique a été réalisée par le service cartographie de l’Agence d’urbanisme de la Métropole de Lyon.

Les planches d’analyse diachronique représentent :

  • les espaces de découvertes archéologiques, espaces occupés, quartiers et voies en fonction de la précision des sources disponibles ;
  • les édifices par typologies fonctionnelles ;
  • les emprises foncières, ouvrages d’infrastructure, ouvrages souterrains… ;
  • des éléments du cadre géomorphologique : lits des cours d’eau, courbes de niveaux…

Chaque planche fait ainsi figurer les éléments significatifs ou emblématiques de l’époque concernée. Les trois planches d’analyse synchronique font apparaître les éléments suivants :

  • la datation à la parcelle (année de construction ou période de construction) et le recensement des murs remarquables par période (clôture, militaire, quai, terrasse) ;
  • les opérations d’urbanisme et les édifices remarquables individualisés par période, avec leur degré de cohérence architecturale ;
  • les éléments remarquables de composition urbaine et architecturale qui font apparaître : 
    • des édicules, dômes ou clochers, fronts bâtis ; 
    • des axes de composition : symétrie axiale, perspective axiale, axe visuel majeur ;
    • des édifices ou des espaces publics majeurs et composés, par périodes.

Des enjeux interdisciplinaires de la production d’atlas
pour la protection d’un site urbain historique

Les enjeux du paysage urbain historique, comme le définit l’UNESCO par sa recommandation du 10 novembre 201118, constituent le socle de référence pour une politique patrimoniale de préservation et de mise en valeur. Celle-ci ne peut en effet être mise en œuvre que par le projet et l’adaptation de la Ville. 

L’approche du paysage urbain historique s’apparente à la conception géohistorique. Il s’agit de la prise en compte du socle géographique du territoire et de son façonnage par les aménagements et strates urbaines successifs. Dans ce sens, tout projet architectural, urbain ou paysager devrait se référer au paysage urbain historique pour le conforter, le compléter, l’adapter ou assurer son évolution harmonieuse. Le plan des compositions architecturales et urbanistiques constitue à cet effet à la fois un diagnostic et un outil pour la mise en œuvre d’opérations cohérentes et compatibles avec le site historique. C’est le point de rencontre et de superposition des approches géohistorique et urbanistique.

Le paysage urbain historique défini principalement par l’UNESCO sous-entend une patrimonialisation de ce territoire qui procède d’outils de reconnaissance lui permettant d’accéder à une protection adaptée en tant que témoin significatif de l’activité humaine. Si le paysage urbain historique renvoie ainsi à une analyse géomorphologique, l’inverse ne devrait pas être automatique. L’approche géomorphologique, outil puissant pour comprendre et faire évoluer les territoires, ne génère pas systématiquement, en effet, la reconnaissance de sites historiques remarquables.

La réception et l’utilisation de cette approche avaient, dans leur première phase d’élaboration, les objectifs suivants :

  • une définition plus précise du paysage urbain historique de Lyon ;
  • l’actualisation des connaissances géohistoriques depuis la première description réalisée dans le dossier de candidature en 1998 ;
  • l’utilisation des systèmes d’information géographique de la Ville et de la Métropole ;
  • la production d’un document de synthèse, basé sur une connaissance scientifique, et pouvant être décliné dans des versions grand public et/ou opérationnelles.

Pour les utilisations ayant trait à l’information et à la sensibilisation, le socle de connaissance historique produit est en cours d’appropriation par les institutions culturelles concernées, dont le Musée d’Histoire de la Ville. Une exposition, ainsi qu’une mise à disposition large du public sont envisagées.

En ce qui concerne les suites opérationnelles de ce diagnostic, la deuxième phase de l’étude devrait permettre de confronter les permanences et les qualités historiques décrites avec les dynamiques d’évolution de la ville en cours (usages, transition écologique, numérique…) pour définir des orientations d’aménagement permettant la poursuite de la préservation, de la mise en valeur et de l’adaptation du Site historique de Lyon. 


Bibliographie

  • Delfante, C. et Pelletier, J. (2006) : Plans de Lyon, portrait d’une ville, Lyon.
  • Gauthiez, B. (2019) : Urbalyon, Plan de référence du site UNESCO de Lyon, Service Archéologique de la ville de Lyon. 
  • Gauthiez, B. (2017) : Plan de datation du comté de Lyon, Lyon.
  • Huard, M. (2019) : Atlas historique de Paris, Paris, [en ligne] https://paris-atlas-historique.fr/ [consulté le 10/12/2021].
  • Jaillot, V. (2020) : Villes numériques 3D temporelles et documentées : formalisation, visualisation et navigation, Thèse, Université Lumière-Lyon 2.
  • Lenoble, M., dir. (2018) : Atlas topographique de Lugdunum. 1. Lyon-Fourvière, Revue archéologique de l’Est Suppl. 47, Dijon.

Notes

  1.  Cet atlas, mis en chantier en 2009, devait intégrer toutes les villes de l’Union européenne avant 2011 et était présenté comme un outil essentiel à l’aménagement du territoire. Les données de cette cartographie concernant les villes de plus de 100 000 habitants sont disponibles en ligne : https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/data/copernicus-land-monitoring-service-urban-atlas [consulté le 10/12/2021].
  2. Huard 2019.
  3. Lenoble 2018. Cf. dans le présent volume la communication de Marc Heijmans sur la collection des Atlas topographiques des villes de Gaule méridionale.
  4. B. Clément, maître de conférences à l’université de Franche-Comté ; S. Carrara, archéologue protohistorien au SAVL.
  5. Voir : http://pratiq.huma-num.fr/Observatoire/Projects?ID=16 [consulté e 10/12/2021].
  6. Elle a affiché depuis son origine un objectif d’interopérabilité avec le SIG Patriarche, développé au niveau national par le ministère de la Culture et aujourd’hui en phase de restructuration.
  7. Voir la communication d’Hélène Noizet dans le présent volume.
  8. Ce fonds est accessible en ligne sur le site des Archives de Lyon. Voir : http://www.fondsenligne.archives-lyon.fr/ac69v2/plan.php [consulté le 10/12/2021].
  9. Pour une présentation détaillée de ce plan gravé d’une qualité exceptionnelle, dont un unique exemplaire a été conservé, voir le site des Archives Municipales de Lyon. Voir également le dossier Forma Urbis – Les plans généraux de Lyon, XVIe-XXe s., élaboré par les Archives de Lyon en 1997.
  10. Delfante & Pelletier 2006.
  11. Voir : http://whc.unesco.org/fr/list/872 [consulté le 10/12/2021].
  12. À ce jour, 245 des 650 immeubles et 17 des 44 îlots concernés ont été inventoriés.
  13. Elles doivent également être intégrées par le Service régional de l’archéologie dans le SIG Patriarche.
  14. Portail du patrimoine toulousain. Voir : https://www.urban-hist.toulouse.fr/ [consulté le 10/12/2021].
  15. Ce projet a alimenté la thèse de Jaillot 2020.
  16. Voir : https://whc.unesco.org/fr/list/872/ [consulté le 10/12/2021].
  17. Ibid.
  18. Voir : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=48857&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html [consulté le 10/12/2021].
ISBN html : 978-2-35613-410-3
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EAN html : 9782356134103
ISBN html : 978-2-35613-410-3
ISBN pdf : 978-2-35613-411-0
ISSN : 2741-1818
Posté le 25/01/2021
22 p.
Code CLIL : 3909 ; 3076
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Pariente, Anne, Lamy, Philippe, “Quelle(s) cartographie(s) pour la ville ? Expériences lyonnaises”, in : Jean-Courret, Ezéchiel, Lavaud, Sandrine, Schoonbaert, Sylvain, dir., Mettre la ville en atlas, des productions humanistes aux humanités digitales, Pessac, Ausonius éditions, collection PrimaLun@ 13, 2021, 147-168, [en ligne] https://una-editions.fr/quelles-cartographies-pour-la-ville-experiences-lyonnaises/ [consulté le 25 janvier 2022].
10.46608/primaluna13.9782356134103.9
Illustration de couverture • Joan Blaeu, Atlas maior, Amsterdam, 1665, vignette extraite du frontispice du Ier livre du vol. X consacré à l'Asie et à la Chine (Bibliothèque national d'Autriche, ÖNB/Kar 389-038-F.K). DOI
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