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Raconter des mises en images, approcher les enjeux du contemporain.
À partir d’œuvres vidéo de Bill Viola

par

La manière dont nous proposons de saisir la notion de contemporain se matérialise par une prise en compte de l’articulation permanente entre les corps et les images. La situation vécue durant la crise sanitaire a contribué à rendre visible l’importance de la place de l’image dans notre quotidien. Qu’en est-il de son impact sur nos modes de perception et d’appréhension de l’environnement social ? Notre contribution porte sur les effets d’omniprésence de l’image dans la construction d’un rapport au corps. Les modes de visibilités du corps dans la société contemporaine sont imprégnés par une logique d’image, voire une mise en image. Qu’advient-il alors de notre rapport au temps et à l’espace ? On peut avoir l’impression que tout advient en même temps (espace mêlé, temps superposé comme par exemple dans le cadre de nos échanges numériques1), tout à la fois que la question de l’image semble introduire dans nos perceptions une dimension de décalage qu’il s’agit de questionner.

Les dispositifs artistiques reposant sur des agencements d’images et qui donnent au corps une place centrale retiennent notre attention. À cet égard, l’œuvre du vidéaste Bill Viola témoigne de manière particulièrement symptomatique de la façon dont se déploie une mise en jeu du corps par l’image, induisant alors un sentiment de suspension narrative et d’espace-temps chamboulé. Trois vidéos seront ainsi appréhendées à partir de trois regards de chercheurs. Il s’agit, chacun à sa façon, d’explorer la manière dont s’incarne cette idée d’imprégnation du corps par l’image. Nous proposons d’envisager ces œuvres choisies comme révélatrices d’enjeux sensibles, communicationnels et anthropologiques du monde contemporain.

Cette perspective d’analyse s’inspire d’une anthropologie transversale développée par François Laplantine (2021), qui nous semble particulièrement aidante pour comprendre les cultures contemporaines et donc les enjeux actuels de l’image. L’auteur propose de pratiquer une anthropologie qui s’inspire du modèle de la physique quantique. Nous retenons la méthode qui consiste à porter attention à l’anecdotique de l’image en focalisant le regard sur ce qui pourrait sembler être de l’ordre du détail ou de l’infinitésimal. Nous prenons en compte la dimension d’incertitude qui traverse ces images, l’ubiquité qu’elles génèrent et l’impossibilité d’en extraire une lecture unique. Enfin, nous mettons au travail la subjectivité de notre regard devant ces images, en faisant des affects et de la culture dont nous sommes imprégnés, des modes d’accès à leur compréhension. Mettre en pratique cette approche anthropologique suppose également de faire une place importante aux intensités et aux fluctuations : l’attention est donc portée sur les jeux de ralentis, d’accélérations, d’écarts à l’œuvre dans les vidéos étudiées et servent de modalité de lecture. C’est à partir du repérage d’enjeux spatiaux et temporels que l’on peut tenter de mettre en lien la problématique du corps et de l’image avec d’autres registres de la vie sociale.

Le regard à l’épreuve des jeux de dichotomies

La vidéo Ascension2 de Bill Viola est montée de façon apparemment très simplifiée : un seul plan fixe pour une durée totale de dix minutes. Le seul mouvement à l’image est celui d’un corps qui entre dans l’eau, pieds en avant, et paraît subir sans résistance le mouvement du saut. Le corps passe ainsi par trois phases : la descente vers le fond, suivie d’une stagnation puis d’une remontée tout aussi lente. Le fond sonore qui accompagne le mouvement du corps dans l’eau semble propre au dispositif de mise en scène artistique : une prise sonore dans l’eau qui capte les bruits inhérents au saut, à la stagnation puis à la remontée. À ces éléments, se rajoute un éclairage singulier, dans les tons bleutés, situé hors de l’eau et à l’aplomb du corps qui éclaire tous les jeux de mouvement, voire de mélange, qui se produisent entre le corps et l’eau.

Des contradictions en miroir

La vidéo Ascension crée une expérience spectatorielle singulière par un dispositif visuel et sonore qui convoque celui qui les regarde sensoriellement et émotionnellement3. Cependant, ce que le dispositif artistique provoque, ce sont des sensations et des émotions contradictoires : positif et négatif ou inversement, tout cela, en un même mouvement.

Fig. 1. Extrait n° 1 de la vidéo Ascension de Bill Viola.

Pour commencer, le corps saute les pieds en avant comme on peut le faire à la piscine, dimension ludique et rafraîchissante, tout à la fois que le bruit de déflagration produit par la pénétration du corps dans l’eau renvoie davantage à l’action et aux conséquences d’un tir à l’arme à feu.

On perçoit, en suivant, que le corps est immobile puisque le performeur laisse le mouvement engendré par le saut produire ses effets ; cela engendre une sensation d’apesanteur, de flottaison, de lâcher-prise, provoquée par le contact enveloppant et sans doute réconfortant, de l’eau. Parallèlement à cela, ce corps immobile apparaît aussi inerte, comme mort, et entièrement soumis à l’élément eau. En tant que spectateur de la vidéo, une sensation d’étouffement, d’ensevelissement peut surgir puisque la vidéo dure dix minutes pendant lesquelles le performeur n’a aucune assistance respiratoire.

En parallèle, durant tout le trajet du corps dans l’eau, des bulles d’air remontent à la surface au point que l’on peut se demander si certaines ne proviennent pas du corps, comme si les poumons se remplissaient d’eau, et que nous assistions, impuissants, à la dernière étape avant la mort par noyade ou par suicide. Ces bulles d’air convoquent, en opposition, une danse délicate et aérienne entre l’eau et l’air et qui produisent visuellement une belle photographie ondoyante.

Également, lorsque le corps remonte vers la surface, le spectateur reste toujours dans l’incertitude sur le réel à l’image. La lumière à l’aplomb du corps semble convoquer ce corps ; ce faisant, est-on en face d’un corps heureux, vivant, beau, fort, qui apprécie la vie et s’en délecte ou, au contraire, est-on en face d’un corps qui vit ses derniers instants, voire est-il déjà mort ?

Le clair-obscur comme ambiance

Fig. 2. Extrait n° 2 de la vidéo Ascension de Bill Viola.

L’ensemble de ces contradictions, qui peuvent surgir et se télescoper pour le spectateur, se réalise dans une ambiance très singulière de clair-obscur, en référence au caravagisme. La lumière, devine-t-on, est située hors de l’eau : le cadrage est droit, la caméra située sous l’eau. Le corps est donc éclairé par au-dessus et c’est le seul point d’éclairage du dispositif. De fait, toute la partie immergée, non atteinte par les ondes lumineuses, est noire. La partie claire est située en haut de la vidéo et est centrée. Se forme ainsi une sorte de halo lumineux autour du corps, là où les ondes pénètrent. Plus précisément encore, du clair à l’obscur, le halo lumineux est dégradé jusqu’à s’effacer complètement. Par ce jeu de clair-obscur, associé aux contradictions qui composent la mise en scène de la vidéo, c’est un ensemble de dichotomies tant visuelles que perceptives et émotionnelles qui composent cette proposition artistique. Et c’est bien parce que le halo se dégrade que l’on peut percevoir que les dichotomies comportent probablement un écart, de l’entre-deux, qui font qu’elles ne sont ni tout l’un, ni tout l’autre. Il nous semble que c’est dans cet écart, parce que les dichotomies sont saillantes, que peut jaillir l’interprétation de l’image. Si l’on peut imaginer, de prime abord, regarder un corps mort, une noyade ou la jouissance d’être sous l’eau et de se laisser porter, on voit aussi une dimension christique qui s’échelonne de la crucifixion à l’Ascension. Cette référence religieuse subsume l’ensemble des dichotomies et leurs contradictions apparentes, in fine.

De l’écart dans les dichotomies

La lumière, dans les tons bleus, créée comme un halo puis une auréole qui semblent entourer ce corps pour l’attirer et l’élever comme la religion catholique décrit, à la suite de la résurrection de Jésus-Christ, sa remontée au ciel vers Dieu. Ce lien est également fort dans l’attitude corporelle du performeur : le corps a les bras en croix lors du saut, puis remonte doucement et en continu par le rapport physique poids de l’eau/poids du corps. Cette proximité visuelle avec les représentations picturales et religieuses du Christ sur la croix et de son Ascension fait également sens dans la tenue portée par l’acteur. Dans la première partie – le saut, on a l’impression que le haut du corps est nu et que seul un pantalon fin recouvrirait les jambes. On perçoit alors assez finement les contours du torse, dont la taille et les côtes. Ce n’est que lors de la phase de stagnation et donc de diminution des échanges bulles d’air/eau, que l’on commence à percevoir un t-shirt recouvrant le torse concrétisé visuellement lors de la phase de remontée.

Le « en même temps » des dichotomies au cœur de l’écart

Fig. 3. Extrait n° 3 de la vidéo Ascension de Bill Viola.

Les multiples sensations et émotions qui peuvent se succéder en face de cette vidéo se remplacent, voire s’entremêlent les unes et les autres en une valse étrange et énergivore dans les multiples sens qui en émergent. À cela se conjugue un effet de « en même temps » d’une certaine façon : une impression chasse une émotion, qui amène une sensation, quand resurgit la première, etc. La longueur de la vidéo, dix minutes, n’en est pas la raison ; le performeur ne passe pas dix minutes effectives sous l’eau sans assistance respiratoire. Bien davantage, la vidéo est volontairement ralentie comme s’il s’agissait de décomposer et d’étirer le temps, permettant ainsi au spectateur de saisir ou d’être bousculé par tout ce qui émerge en lui, en visionnant ces images4. Le surgissement et la disparition tout aussi rapide5, de différentes dichotomies à l’œuvre, produisent une forme de sidération sur la réalité de ce qui est à voir et à comprendre. Leur probable compénétration dans des temporalités brèves et saccadées questionne imminemment le réel du fictionnel, le visible de l’invisible à l’image. Ceci est d’autant plus fort sur la première moitié de la vidéo. Le corps sautant induit de multiples mouvements dans l’eau : des bulles tourbillonnantes et bleutées qui produisent du flou sur ce que l’on voit à l’image. Au point que l’on peut croire que le performeur ne porte pas de vêtement sur le haut du corps. Tandis que le nombre de mouvements de l’eau sur le corps diminue, cela nous laisse progressivement découvrir le corps et donner du sens à la vidéo. De fait, le flou qui entoure le corps s’amenuise, mais ne disparaît jamais complètement à cause de l’eau qui trouble en agissant comme un filtre entre regards spectatoriels et corps du performeur. Plus précisément, on voit bien qu’il s’agit d’un corps humain, d’un être vivant. En revanche, du fait même des mouvements contradictoires de l’eau et du corps, ses contours sont en permanence changeants, flous. Ce corps qui a plongé dans l’eau semble, du moins dans la première moitié de la vidéo, proche de l’absorption, mise en visibilité par les échanges permanents entre le corps et l’eau. Leur confrontation incessante renvoie à une forme de liquéfaction. Celle-ci introduit du mouvement, d’une part sur les contours de ce corps, comme s’il s’agissait d’en troubler la limite, et d’autre part, sur le reste du corps, où l’eau se superpose comme matière en troublant la perception des détails. En conséquence, ce qui émane de ce corps, c’est sa forte dimension de spectralité qui s’élabore dans un jeu de liquéfaction du corps humain : un devenir spectral se met en forme par le flou comme dimension du réel, par le flou comme ce qui enclenche la disparition ou l’apparition, autrement dit par la valse des dichotomies. C’est sans doute parce que nous sommes en permanence dans des situations d’entre-deux, pris par des dichotomies harassantes, que le flou est une figure à même d’émerger dans l’écart latent de ces dichotomies.

Des jeux de postures imprégnés par le régime de l’image

Selon Merleau-Ponty, « Un film ne se pense pas, il se perçoit6 ». Inspirée par cette approche du cinéma développée par l’auteur, la méthode consiste à focaliser l’attention sur les formes de descriptions, de récits ou encore d’impressions que peut générer la vidéo de Bill Viola The Encounter (2012), pour le spectateur qui la regarde. Empruntant à la fois à une approche phénoménologique et communicationnelle, notre analyse porte sur les enjeux narratifs que cette image peut suggérer, faisant ainsi de la question du regard et de l’activité perceptive7 une modalité de lecture du rapport au corps qui s’y joue.

Une apparence de matérialité

Fig. 4. Extrait n° 1 de la vidéo The Encounter de Bill Viola.

La vidéo débute sur une séquence dans laquelle on peut voir deux femmes marcher droit devant elles, en direction de la caméra. Le mode de cadrage est fixe tout comme le plan filmique, d’une immuabilité totale. Le mouvement et le rythme de cette séquence semblent provenir du mouvement et du rythme de ces deux femmes qui, avançant dans un paysage désertique, se rapprochent de plus en plus de l’objectif. À la fixité inébranlable de la prise de vue s’oppose, presque par effet de contraste, le mouvement opéré par les femmes se déplaçant côte à côte. La démarche est lente, le pas assuré. Un pas, puis un autre. À chacun d’entre eux, on peut deviner un pied frôlant le sol de tout son poids ; on peut imaginer l’once de légèreté qui caractérise ce moment où celui-ci se dégage, s’élève, en suspension, avant de fouler à nouveau la terre sableuse. La séquence se poursuit. Les deux femmes se rapprochent de l’objectif. Cette contigüité est particulièrement propice à la visualisation des agissements de leurs pieds, des mouvements de leurs bras ballottant légèrement au gré d’une marche dont l’effectuation se tient maintenant à portée du regard. L’absence de sonorité, qui est une particularité de cette œuvre vidéo, n’entrave pas l’impression de rythme, de cadence, susceptible de donner au spectateur le sentiment d’une forme de présence tangible des corps ainsi représentés. Cette sensation de présence est accentuée par la possibilité offerte au regard de se saisir du mouvement des pas dont on peut deviner la pesanteur – impact sur le sol touché – et la légèreté inhérente au moment de l’élan. À travers cette configuration semble se dessiner un espace tangible où se déploie la marche des deux femmes. Ainsi, ces dernières se présentent sous la forme d’une matérialité. À mesure que la femme vêtue d’un jupon et d’un t-shirt beige avance, on observe ses cheveux noirs onduler sous l’effet du vent. Sa tenue flotte également légèrement, tout comme celle de la femme plus âgée dont la couleur des vêtements – rouge foncé – contraste fortement avec celles qui émergent du paysage. Le long de leurs corps, on aperçoit un petit mouvement des bras qui rythme la marche résolue. On peut percevoir une infime oscillation de la tête de la femme située sur la gauche, tandis que son regard semble se porter pour quelques instants sur le sol. L’une des mains de la femme habillée en rouge est fermée et semble tenir un objet. Sa robe épouse les mouvements de ses pas et du vent, non sans effleurer au passage ses pieds chaussés de sandales plates, ouvertes, très probablement en cuir. Le moindre geste, la moindre texture, le moindre mouvement concourent à la matérialisation de la présence des corps, imprimant à même l’écran les signes d’une manifestation corporelle – d’une présence des corps à l’espace.

Jeux de fixité

Fig. 5. Extrait n° 2 de la vidéo The Encounter de Bill Viola.

Lorsque l’on observe la façon dont cette marche est montrée, une ambiguïté se fait jour. En effet, l’impression d’une forme de présence quasi physique paraît être contrecarrée par la constance et la régularité de mouvements que rien ne semble entraver. Or, l’acte de marcher ne saurait être combiné à une telle permanence corporelle – tant du point de vue de la rythmicité des pas que des postures des corps. Si on observe de façon plus détaillée les deux femmes dans leurs apparences, celles-ci sont impassibles. Elles semblent jouer à une forme d’immuabilité qui peut renvoyer à l’idée d’un figé, voire d’une immobilité contrastant fortement avec la dimension de mouvement jusqu’alors perçue dans cette image. Le regard des femmes est fixe. Le port de la tête est constant. Lorsque, se tenant maintenant au plus près de l’objectif, elles effectuent un léger ralentissement et se tournent en direction l’une de l’autre, l’impression d’une fixité dans le jeu des apparences perdure. Alors même que la femme aux vêtements couleur rouge baisse la tête en direction de ses mains, la façon dont elle procède gestuellement est empreinte d’une forme de lenteur impartiale. Aucun changement marqué n’intervient dans son attitude lorsqu’elle lève le regard vers l’autre femme située devant elle, prend sa main et y dépose un petit objet. Cette fraction de la séquence est révélatrice de l’ambiguïté à l’œuvre dans la manière de montrer les corps : dans un jeu particulièrement poreux entre mouvement et fixité, variation et immuabilité. Ainsi sommes-nous incités à faire l’expérience d’une vision de deux corps qui tout en étant associés à un « réel » sont également perçus dans un jeu proche du simulacre. La tension entre une référence explicite à la « matérialité » corporelle et la dimension d’invraisemblable qui la parcourt subrepticement semble être constitutive d’une manière de présenter les corps dans l’œuvre de Bill Viola, mais également dans d’autres moments de l’existence sociale. On peut évoquer par exemple la manière dont des utilisateurs de réseaux sociaux – notamment des influenceurs ou des célébrités – jouent à prendre des poses marquées par une sorte d’exagération qui leur donnent immédiatement un côté factice. Surtout, les corps sont dans une forme de fixité et de fixation d’une attitude artificiellement travaillée telle qu’elle ne peut apparaître dans le quotidien. Cette mise en scène qui joue sur la précision et l’exactitude d’une attitude factice n’est pas sans rappeler les effets de « saisissement » liés à l’acte de production d’une image – comme dans le cas d’une prise photographique ou filmique. Ne peut-on pas mettre en lien l’enjeu contemporain du régime de l’image avec cette façon de paraître et de montrer ?8

La publicité contemporaine semble jouer sur des procédés analogues. On constate aujourd’hui le recours à des jeux d’acteurs et à des poses de mannequins qui se présentent comme « réels », mais dont l’apparence et l’attitude se présentent immédiatement comme traversées par quelque chose de l’ordre de l’irréel, de l’immatériel, voire du fictif. Dans une vidéo publicitaire pour un parfum de la marque Dior, la scène se déroule dans un lieu évoquant un hammam9. Des femmes sont assises de chaque côté d’un immense bassin rempli d’une substance qui, tout en rappelant de l’eau, a la couleur de l’or. La caméra se déplace le long de ces femmes parfaitement immobiles, dont la fixité des postures est tellement prononcée qu’elle rappelle celle de statues. Pourtant, au fil du mouvement de la caméra, nous pouvons voir qu’il s’agit de corps « réels », par la vision de la texture d’une peau sur laquelle perlent des gouttelettes d’eau. Dans cette séquence, l’ambiance oscille entre chaleur, nudité, sensualité, mise en scène et rigidité des corps qui, installés autour du bassin, donnent à la vision une impression de pétrification. Est-ce un rêve ? Une part onirique traverse cette séquence et peut faire écho à la vidéo The Encounter. En nous intéressant au film publicitaire de Dior et à l’œuvre artistique de Bill Viola, nous ne cherchons pas à comparer leurs genres différenciés. Nous proposons plutôt de rapprocher ces derniers en mettant en regard leur agencement narratif et visuel ainsi que leur façon de présenter les corps.

De la fixité comme montage – entre réel et onirique

Fig. 6. Extrait n° 3 de la vidéo The Encounter de Bill Viola.

Dans The Encounter, la temporalité liée à la marche des deux femmes a quelques allures du rêve – entre lenteur irréelle et attitude lisse. Lorsque l’on observe leur apparence, un lexique propre à celui du rêve se fait jour  : on peut recourir aux termes « vaporeux » ou « flottement » pour décrire leurs vêtements et faire l’usage de mots tels que « ouaté » ou « brumeux » afin de dépeindre le lieu où se déroule la lente marche. Leur progression tranquille au beau milieu d’un paysage désertique, la fluidité de leur mouvement et leurs gestes impassibles donnent à ces deux femmes une apparence qui emprunte discrètement au registre du songe. La concaténation d’une allure soutenue et d’une attitude jouant subrepticement d’une part d’inanimée est susceptible de semer le doute. Ces femmes sont-elles des mirages ? Non, car justement la dimension physique qui traverse cette mise en scène vient contrebalancer le sentiment d’une vision onirique. Ce sont bien des corps réels, mais le jeu scénique, associé à une forme de montage de l’image donnant à voir le paysage sous une forme nébuleuse, induit un trouble visuel. Entre réel et imaginaire, entre réalité et fiction, la scène ne choisit pas. Le spectateur est amené à faire l’expérience d’un mode de présentation des corps qui, mêlant de manière discrète et tangible des catégories a priori distinctes, concourt à la fabrique d’une forme narrative oscillante et incertaine. Que font ces deux femmes dans un environnement aussi désertique ? À quel type de paysage renvoient donc ces formes floues et nébuleuses qui se manifestent en arrière-plan sur un mode proche de celui du scintillement ? On peut également se questionner sur la température, en regardant cette brume de chaleur transparaître dans l’image et s’interroger sur l’allure soutenue de la marche des deux femmes dans une telle atmosphère que l’on suppose écrasante. Ce sont autant de questions que peut se poser le spectateur devant l’indétermination visuelle et narrative de cette image. Ce faisant, c’est aussi l’agencement d’une narration du corps qui est flottante. En effet, on ne peut séparer la fabrique visuelle et narrative de cette image de la construction d’un rapport au corps.

Le jeu d’image – qu’il s’agisse d’un jeu induit par des techniques de montage ou par le jeu des postures produisant une impression de fixité – donne aux corps une apparence charnelle. La manière dont ces derniers sont présentés est configurée par des effets de décalage et de non-coïncidence qui affectent le sentiment d’homogénéité et d’unité narrative. Dans The Encounter, on perçoit une esthétique de décalage qui prend notamment la forme d’une infime discordance entre les actions des deux femmes et leurs attitudes, entre leurs attitudes et les lieux où se déroule l’action. Ce procédé de discordance se retrouve dans d’autres mises en scène des corps, par exemple dans des séries d’images (fixes) réalisées par des photographes de magazines de mode10. On y repère des éléments propices à une instabilité narrative, particulièrement par la mise en place de scènes ou de situations ambigües. C’est le cas, par exemple, de la vision d’un reflet dans un miroir qui ne correspond pas au corps présenté en premier plan, ou bien du port d’une tenue qui ne coïncide pas avec le lieu où se trouve le mannequin, ou encore de l’expression d’une émotion en contradiction avec la posture adoptée. Dans ces mises en scène, tout n’est pas « raccord » et c’est bien ce jeu de désajustement visuel qui configure une forme narrative mouvante, aléatoire, marquée par une indétermination. En somme, le trouble et le double, de même que l’appréhension d’une duplicité, constituent des dimensions incontournables pour l’analyse du corps contemporain et ses manifestations. En observant la manière dont un procédé narratif, imprégné par un jeu d’images, est à l’œuvre dans ces dispositifs visuels, on remarque à quel point le corps s’y présente sur un mode insaisissable. Du point de vue de la construction sociale du corps et de ses enjeux communicationnels, l’étude de ces mises en scène incite à se pencher sur la question de l’identité, en articulation étroite avec cette complexité, ces paradoxes et contradictions qui traversent l’esthétique corporelle contemporaine. Enfin, les manifestations visuelles et visibles obligent à penser, autrement qu’à partir d’un principe d’unité, les modalités de lecture d’un corps mis en image et la fabrique des corporéités.

Errance visuelle du contemporain : les transmorphoses ou le champ des devenirs

Je partirai d’une approche sensible11 de la vidéo de Bill Viola Acceptance (1991) afin d’esquisser des considérations spéculatives et anthropologiques concernant les conditions des transmorphoses contemporaines (comme je les appelle), dans le but de contribuer à une pensée des devenirs au sens deleuzien – à une anthropoétique du trouble. Quatre opérateurs semblent conditionner la potentialité des transmorphoses ; la notion indique une traversée des formes se transformant, phénomène en boucle apparaissant dans cette vidéo de Viola (du moins telle que je la perçois). En ce sens, je propose de caractériser le contemporain par une oscillation entre le post-contemporain des devenirs et les retours de l’archaïque, des revenances, mouvements qui se télescopent dans un présent ébréché de toutes parts. À mes yeux, une telle contemporanéité spéciale, paradoxale, se caractérise par quatre circonvolutions que nous allons examiner.

Fluidité ou indiscernabilité dans le champ perceptif

Fig. 7. Extrait n° 1 de la vidéo Acceptance de Bill Viola.

Dans la vidéo de Viola, la forme humaine est de l’ordre d’un anthropomorphisme liquéfié, d’un mélange des substances – alchimique pourrait-on dire, elle est explosive et mobile. Au lieu que le corps soit plongé directement dans l’élément liquide, dans les eaux profondes, comme souvent dans les vidéos de Viola, il semble être intrinsèquement constitué par la fluidité de l’eau qui s’échappe de partout à la surface comme une expulsion. Ce spectacle n’est pas celui d’une noyade qui constitue le trauma de l’expérience de l’enfance de l’artiste et que celui-ci a revisité à travers beaucoup d’images d’immersion bien connues. Mais nous sommes après la noyade en quelque sorte, ce qu’il en reste, un corps qui est lui-même une plongée en soi, une éponge corporelle éclatée, un corps poreux qui se fluidifie, devenant incertain et quasi inconsistant. Dans ce corps qui se disloque, se déforme et se reforme, nous serions dans le phénomène de l’aperçu. J’aperçois bien quelque chose, mais quoi exactement ? Une zone d’indiscernabilité se dessine entre tous les éléments de la composition, puisque les termes et les figures hétérogènes entrent dans des enchâssements et non pas dans des filiations ni des classifications (comme avec le structuralisme). Ces agencements et bricolages constituent un univers symbiotique entre des micro-organismes de toutes sortes dont on ne peut qu’apercevoir ou même simplement subodorer l’existence. Nous serions dans des devenirs qui ont comme condition une zone d’indiscernabilité ou de voisinage, selon Deleuze et Guattari qui remarquent : « Si le devenir est un bloc (bloc ligne), c’est parce qu’il constitue une zone de voisinage et d’indiscernabilité, un no man’s land, une relation non localisable » (Deleuze et Guattari, 1980, p. 360). Ce sont des lignes de fuite que Acceptance restitue dans ce corps de femme qui fuit de partout en se liquéfiant. Sur le point d’exploser, le corps crée ainsi une indiscernabilité des contours de l’humain. Un corps fluide est un corps fuyant, troué, presque informe, mais tout est dans ce « presque » puisque cela autorise alors une autre forme métamorphique.

L’époque dont nous venons de faire l’expérience traumatisante, inquiétante, fort étrange en tout cas, est celle d’une simultanéité impressionnante entre la contagion des images et l’épidémie virale qui semblent aller de pair pour suspendre le corps dans sa dimension charnelle. Cependant la potentialité du corps déjoue cette distanciation froide à travers des lignes de fuite, des clandestinités métamorphiques, en devenir du moins.

La suspension ou la syncope du regard

Fig. 8. Extrait n° 2 de la vidéo Acceptance de Bill Viola.

La question de la suspension, avec l’énigme du temps de l’image et du réel qu’elle enveloppe, renvoie à une syncope du regard. Du fond noir de l’écran avance une silhouette floue, vaporeuse, minuscule au départ, puis elle progresse en marchant de l’arrière-plan vers le premier plan. Remplissant l’espace, elle apparaît de plus en plus clairement comme un corps de femme nue, mais selon une forme étrange, quasi fantomatique et indéterminée en même temps. Toute la séquence se constitue selon le paradoxe d’un champ aveugle éclairé par une apparition, par une forme incandescente. A priori que voit-on ? Une forme-silhouette émerge d’un trou noir de l’image, on distingue de plus en plus la figure d’un corps féminin et sa nudité, à la fois sexuée et asexuée, qui se distingue progressivement, passant de l’informe à la forme qui s’affirme in fine frontalement dans le face-à-face avec mon regard de spectateur qui est en immersion dans la vidéo.

Tout cela se produit à travers une image lente renvoyant à une suspension du temps, de l’espace et de la situation. La suspension renvoie au suspens dans notre perception d’une telle scène. Apparition et disparition des formes alternent dans le montage filmique. Dans la blancheur du corps incandescent qui s’éparpille, se désintègre et se reconfigure, on peut deviner tout un monde de ténèbres, un univers sombre presque originaire, celui d’une matière noire à l’œuvre. Et notre regard vacille entre la surface des scintillements des lumières et les profondeurs des abîmes (propre à l’océan par exemple)12. Alors le regard titube entre le ciel et la terre, l’ouverture à la lumière du dehors et l’exploration des souterrains, des cachettes. Walter Benjamin repère cette expérience des cachettes comme constitutive de l’enfance dans les recoins d’une maison ou d’un appartement, il s’agit pour lui de l’apprentissage de l’immersion du visionnaire (Mons, 2022).

Peut-être une telle oscillation renvoie-t-elle à ce que Louis Marin appelle une « syncope visuelle » ? Puisque la syncope se situe entre l’opacité et la transparence, elle conjugue la perte, le corps interrompu – et avec celui-ci une conscience de soi plus aiguë. Les figures de suspension, d’interruption et d’éloignement paraissent fructueuses pour le motif d’un regard syncopé, non seulement par aveuglement, mais aussi, « par éblouissement ou stupéfaction dont le thème de la Méduse serait l’expression la plus dramatique » (Marin, 1994, p. 374). Au-delà ou en deçà de ces considérations esthétiques, la suspension permet sans doute de rendre compte de l’expérience d’une vacillation existentielle rejoignant un ordre du monde qui lui aussi tâtonne, hésite, bafouille ne reproduisant pas une trajectoire linéaire, comme l’écrivait Pierre Sansot (1998), mais pleine de bifurcations, d’accidents, d’arrêts, d’imprévus.

Le tourbillon ou l’instabilité atmosphérique

Un mot aussi sur le tourbillon du vivant, qui concerne particulièrement le perçu des images – le « primat de la perception » comme disait Merleau-Ponty (1933). En tout état de cause, la vidéo se constitue comme un tourbillon de formes, du corps, suivant son propre rythme selon un mouvement de spirale. Reprenant l’idée benjaminienne que l’origine est un tourbillon, qu’elle n’a ni commencement ni fin, Giorgio Agamben (2018, p. 93) remarque que dans un tourbillon « le liquide se concentre sur soi, tourne et rentre au fond de soi-même ». C’est exactement ce qu’on voit dans Acceptance, ainsi « le sujet ne doit pas être conçu comme une substance, mais comme un tourbillon dans le flux de l’être » (ibid., p. 93). Remarquons que cette création vidéo rejoint en tous points la chorégraphie contemporaine qui pratique le tourbillon, l’exercice de l’évanouissement, les vertiges dansants, comme dans les œuvres scéniques de Pina Bausch, Alain Platel, Meg Stuart, Sacha Waltz, notamment. Il s’agit d’engendrer des atmosphères troublantes (Mons, 2013), parfois désopilantes, des milieux perturbés, où les corps sont déstabilisés, où la scénographie est débordée à travers des effets de décalages successifs, de la circulation des fluides et des énergies, des alternances de vide et de plein, de la découverte de zones incertaines. Où est-on ?

Le tourbillon est atmosphérique et change de formes continuellement, il peut produire le chaos et les naufrages lors de tempêtes, comme le montre l’exposition au Musée de la vie romantique à Paris en 202113. Cependant le plus souvent le tourbillon produit le flou du monde, le tremblement du visible induisant une perception modulaire qui s’adapte continuellement aux volutes du temps dans tous les sens du terme. Au centre du tourbillon, il y a un trou noir14, ou point aveugle sur lequel notre sensibilité se heurte ou du moins elle reste sur les bords du maelstrom.

Les devenirs ou le champ des transmorphoses

Fig. 9. Extrait n° 3 de la vidéo The Acceptance de Bill Viola.

Revenons à des éléments conjoncturels, mais primaires que j’appelle transmorphoses, puisque des formes de toutes sortes opèrent des passages entre elles pour se trans-former, et défaire les déterminismes. Dans la vidéo de Viola, le corps de la femme est débordé, il est en mue, en mutation puissante à travers des jaillissements des liquides, des fuites ; toutes les humeurs deviennent des eaux tumultueuses qui décomposent le corps qui semble fondre. Ce sont des images d’une mutation du corps prise dans une tension entre la violence de la décomposition et l’érotisme de la métamorphose15.

Le corps dans ses contours tremblants est, certes, celui d’une métamorphose puisqu’il passe d’un état à l’autre entre des espèces différentes, tel que l’entend le philosophe Emanuele Coccia dans un livre récent16, mais plus précisément il s’agit d’une transmorphose dans la mesure où le passage est aussi une traversée qui enregistre toutes les traces de la mutation… Si la chenille devient de façon radicale un papillon avec la métamorphose, elle serait plutôt la superposition et l’enchâssement de deux ou plusieurs états d’être ; leur oscillation permanente dans la transmorphose tend vers des devenirs – non pas des étants.

À l’époque d’une problématique émergente du transgenre qui trouble les frontières et repères, on comprend les enjeux. Les devenirs-femme ou les devenirs-homme, aux yeux des autres, supposent toutes les variations possibles entre les genres, ou les identités de genre. Paradoxalement, ce mouvement de devenir porte de façon latente, intime et spectaculaire (certainement), symptomatique (en tout cas), les transmorphoses dans de nombreux domaines (scientifiques, artistiques, intellectuels, culturels, etc.). Il devient un enjeu marquant des temps à venir.

Puisqu’on peut parler de devenir-images, de devenir-paysage, de devenir-enfant, de devenir-femme, de devenir-animal, de devenir-cosmos, de devenir-moléculaire comme dit Guattari, en vérité, les devenirs semblent illimités : chacun de nous les porte, ainsi que le corps social qui en est traversé de toutes parts17.

C’est le point obscur « d’où tout a basculé, dont ensuite tout a découlé, [et qu’] on ne pourra donc […] fixer » (Jullien, 2021, p. 24) que travaille Acceptance de façon quasi spectrale. Il ne s’agit certes pas d’un film sur les transgenres, transidentités, ou intergenres, mais sur le mouvement étrange qui sous-tend le trans- et la métamorphose des formes dans la puissance des artifices et de l’illusion, savamment traduite dans le montage des images par Viola.

Bibliographie

  • Agamben Giorgio, 2018, Le feu et le récit, Paris, Rivages.
  • Agamben Giorgio, 2008, Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Payot Rivages.
  • Baudry Patrick, 2016, L’addiction à l’image pornographique, Paris, Éditions Le Manuscrit.
  • Bontemps Vincent, Lehoucq Roland, 2016, Les idées noires de la physique, Paris, Les Belles lettres.
  • Brohm Jean-Marie, 2001, Le corps analyseur, Essais de sociologie critique, Paris, Anthropos.
  • Cappelletto Chiara, 2011, « Bill Viola ou l’image sans représentation », Images Re-vues, 8 | 2011, [en ligne] http://journals.openedition.org/imagesrevues/497 (consulté le 02 mars 2021).
  • Coccia Emanuele, 2020, Métamorphoses, Paris, Payot.
  • Deleuze Gilles, Guattari, Félix, 1980, Mille plateaux, Paris, Minuit.
  • Didi-Huberman Georges, 2017, Ninfa profunda, Paris, Gallimard.
  • Jullien François, 2021, Ce point obscur, Paris, Éditions de l’Observatoire.
  • Lageira Jacinto, 2007, Extrait du catalogue Collection art contemporain – La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, [en ligne] https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/c5e84ak (consulté le 22 mai 2022).
  • Laplantine François, 2021, Cheminements, Louvain, Éditions Academia.
  • Mallet Clovis, 2020, Les genres fluides, Editions Arkhé.
  • Marin Louis, 1994, De la représentation, Paris, Gallimard/Seuil.
  • Merleau-Ponty Maurice, 1966, Sens et non-sens, Paris, Les Éditions Nagel, (5e édition).
  • Merleau-Ponty Maurice, 1945, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.
  • Mons Alain, 2022, « L’immersion du visionnaire. Intérieur/extérieur chez Walter Benjamin », dans Walter Benjamin vol.2, Société, n° 155, Belgique, De Boeck Supérieur.
  • Mons Alain, 2013, « Vertiges chorégraphiques et variations atmosphériques », dans Camarade Hélène et Paoli Marie-Lise (dir.), Marges et territoires chorégraphiques de Pina Bausch, Éditions de L’Arche, Paris.
  • Sansot Pierre, 1998, Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot Rivages.
  • Tuduri Claude, 2006, « Bill Viola ou l’art de la paix retrouvée, Études, 2006/10, p. 77-88.
  • Notes

    1. À propos de la question de la superposition comme une configuration esthétique et sociale générée par le contemporain, voir Giorgio Agamben, 2008.
    2. Il s’agit de la vidéo Ascension, 2000.
    3. « La plupart des œuvres de Bill Viola engagent physiquement les spectateurs […] non seulement en raison de leur échelle, qui nous enveloppe et nous intègre inévitablement, mais surtout parce qu’elles sont conçues comme des dispositifs de projection imaginaire de nos corps. » (Lageira, 2007).
    4. Cappelletto (2011, p. 16) souligne « l’effet hypnotique du ralenti » en référence à l’utilisation de ce procédé chez B. Viola.
    5. Voire peut-être la dimension palimpseste du corps. Pour plus d’information, voir Tuduri, 2006, p. 79.
    6. Juste avant, l’auteur écrit : « Mais enfin c’est par la perception que nous pouvons comprendre la signification du cinéma. » (Merleau-Ponty, 1966, p. 72).
    7. Par activité perceptive, nous entendons ici souligner la manière dont le regard – le corps comme « totalité ouverte » (Merleau-Ponty, 1945, p. 186), participe activement à l’élaboration de sens. Voir également Brohm, (2001, p 38-39). L’auteur y propose d’aborder la notion de corporéité comme « […] ce qui donne sens au monde, aussi bien en tant qu’accès sensible au monde qu’en tant que situation concrète, temporelle, historique, dans le monde ».
    8. Dans un tout autre registre, Patrick Baudry (2016) montre que l’image pornographique des sites internet est révélatrice d’une transformation du régime de l’image, induisant alors des problématiques singulières, notamment celles liées à la dimension « active » ou encore « physique » de l’image.
    9. Publicité Dior J’adore 2018 – 2019, Actrice : Charlize Theron, Réalisation : Romain Gravas, 2018.
    10. Notamment Elle, Vogue, Harper’s Bazaar, L’Officiel, Jalouse.
    11. Qui traduit la prime perception de cette création.
    12. En ce sens, voir toutes les merveilleuses productions graphiques de Victor Hugo sur la mer. Par exemple, dans la magnifique étude de Georges Didi-Huberman (2017) sur l’esthétique de Victor Hugo.
    13. Admirable exposition Tempêtes et naufrages de Vernet à Courbet, Musée de la vie romantique, Paris, 2021.
    14. Sur ces questions, voir Bontemps et Lehoucq, 2016.
    15. Et il y a le cri sourd visible sur le visage du personnage faisant penser à celui de la toile de Munch portant ce même titre, avec la bouche ouverte où tout l’univers s’engouffre.
    16. Coccia (2020, p.84-85) affirme que : « La métamorphose est tout d’abord cette puissance de tout vivant à couver en son sein cette capacité de faire varier la vie qui l’anime ».
    17. La fluidité de la nudité du corps imagé défait le marquage du genre sexué dans le vêtement codant les catégories. L’historien Clovis Mallet étudie la question du genre au Moyen âge où de façon surprenante certains parcours individuels « ont construit un monde dans lequel, temporairement, les frontières du masculin et du féminin se présentaient comme poreuses » ; en détournant le marquage vestimentaire sexué (moines trans, saintes guerrières (Mallet, 2020, p. 137).
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    EAN html : 9791030010787
    ISBN html : 979-10-300-1078-7
    ISBN pdf : 979-10-300-1077-0
    Volume : 25
    ISSN : 2741-1818
    Code CLIL : 3385
    licence CC by SA

    Comment citer

    Aurélie Chêne, Alain Mons, Dominique Trouche, « Raconter des mises en images, approcher les enjeux du contemporain. À partir d’œuvres vidéo de Bill Viola », dans Maria Gabriela Dascalakis-Labreze, Camille Forthoffer, (dir.), Contemporanéité et hybridations des pratiques de la recherche, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, collection PrimaLun@ 25, 2024, [en ligne] https://una-editions.fr/raconter-des-mises-en-images-approcher-les-enjeux-du-contemporain/ [consulté le 16/09/2024].
    doi.org/10.46608/primaluna25.9791030010787.19
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