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Maria R. Swetnam-Burland, Egypt in the Roman Imagination: A Study of Aegyptiaca from Pompeii, Dissertation de l’Université de Michigan, Ann Arbor, 2002.

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Le but de cette thèse1 est d’appréhender les diverses perceptions de l’Égypte par les Romains d’Italie, à travers l’examen des aegyptiaca de Pompéi. Pour M. S.-B., le terme englobe aussi bien les monuments importés de la vallée du Nil que les peintures ou autres objets réalisés en Italie dans un style égyptisant, dans la mesure où le vocable latin aegyptiaca se rapporte aux choses et aux faits relatifs à l’Égypte, sans tenir compte de l’origine des documents (p. 57-58). Elle considère, en effet, que les Romains ne devaient pas apprécier différemment ces deux catégories et voir dans les productions locales une imitation plus ou moins fidèle ; pour eux, l’essentiel aurait été l’évocation commune de l’Égypte (tant par le contenu que le style), celle-ci pouvant éveiller des réactions différentes en fonction de l’emplacement et des connaissances du spectateur. Dès lors, le style égyptisant est dû à une volonté d’adapter le modèle de manière à le rendre significatif dans son nouveau contexte italien.

Le livre repose sur trois grands axes de réflexion : le contexte des trouvailles (p. ex. le temple d’Isis, les demeures privées), l’identité des spectateurs et leur connaissance de l’Égypte, la conviction que les aegyptiaca ne doivent pas être considérés comme purement décoratifs.

Les œuvres égyptisantes ne seraient pas le résultat d’une incompréhension de l’art ou de la culture des rives du Nil, car les Romains d’Italie étaient beaucoup plus familiers avec l’iconographie et le matériel égyptien qu’on ne le croit, grâce aux voyageurs qui ont foulé la terre des pharaons pour diverses raisons (commerçants, pèlerins, militaires ou touristes), mais aussi à travers les cultes isiaques introduits en Campanie dès le IIe siècle a.C. L’impact de ces derniers aurait été d’autant plus grand que les sanctuaires isiaques n’auraient pas ouvert leurs portes pour les seuls fidèles. À cet égard, l’auteur pense que le temple d’Isis à Pompéi aurait accueilli une partie des activités publiques après le tremblement de terre de 62. La schola dédiée au Ier siècle p.C. (RICIS 504/0208), peut-être à identifier à l’Ecclésiasterion, est interprétée comme un local servant de lieu de réunion à des associations.

Il est ensuite question des aegyptiaca de Pompéi, plus spécialement des objets égyptiens authentiques et des peintures égyptisantes du Troisième Style. Pour les aegyptiaca acheminés d’Égypte, il convient d’envisager plusieurs aspects : le lieu de leur exposition, le type d’objets et le sens que leur donnaient les habitants de Pompéi. Parmi les œuvres proprement égyptiennes, huit ont été découvertes dans le temple d’Isis, le reste provenant assurément, ou probablement, de maisons privées. Les importations égyptiennes retrouvées dans le temple contribuaient peut-être à créer une atmosphère exotique, mais étaient aussi l’objet de vénération et servaient comme matériel sacré. Au contraire de A. Roullet2, qui pensait que le choix de ces aegyptiaca relevait des membres égyptiens du clergé local, M. S.-B. considère que cette sélection est le résultat des isiaques italiens, mieux à même de comprendre la portée des pièces installées dans un nouveau contexte. Dans les demeures privées, les pièces importées devaient aussi revêtir une signification religieuse. L’auteur veut ainsi interpréter une pierre de la 26e dynastie couverte d’une inscription hiéroglyphique réutilisée dans le seuil de la Casa del Doppio Larario ; le propriétaire aurait attaché une valeur apotropaïque aux hiéroglyphes qui auraient protégé l’entrée de la maison. Il est ensuite question des scènes à l’allure égyptisante du Troisième Style pompéien. Selon M. S.-B., ces peintures seraient inspirées, pour la couleur, le canon et les attitudes, de l’art funéraire égyptien, particulièrement du Nouvel Empire, tandis que les motifs proviendraient plutôt de l’époque lagide. Ces peintures pouvaient évoquer chez les uns des connotations religieuses, et chez les autres éveiller un attrait pour l’exotisme.

La “clientèle” de l’Iseum de Pompéi était sociologiquement variée. Les graffiti électoraux montrent leur implication dans la vie politique.

Dans l’Iseum, les scènes du portique présentent des paysages peuplés de pygmées qui, loin d’être marginales, auraient servi à établir une ambiance appropriée au rituel, et destinées spécialement aux initiés du culte. En effet, pygmées et nains occupent une place importante dans la religion égyptienne, par leurs danses et leur association avec des divinités de la fertilité comme Ptah et Bès. On y trouve aussi la représentation de ministres qui doivent évoquer la pompa Isidis. Quant au décor du Sacrarium, il est exécuté dans un style plus “populaire”, qui rappelle celui des laraires domestiques, le local étant réservé au culte journalier.

Le sujet traité retiendra l’attention des isiacologues, mais bien des points sont plutôt énoncés que réellement démontrés. Il est possible que les Romains d’Italie n’aient pas opéré, pour l’exercice du culte, une nette distinction entre pièces authentiques et fabrications égyptisantes locales, mais nous restons persuadé que les premières ont dû jouir d’un prestige particulier tenant à leur lointaine et ancienne origine. Enfin, pour notre part, comme nous l’avons expliqué ailleurs3, le terme aegyptiaca nous paraît inadéquat pour recouvrir toutes les réalités ici traitées.



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  1. Cette thèse est désormais publiée : Molly Swetnam-Burland, Egypt in Italy. Visions of Egypt in Roman Imperial Culture, New York, 2015.
  2. The Egyptian and Egyptianizing Monuments of Imperial Rome, EPRO 20, Leyde, 1972.
  3. M. Malaise, “La signification des scènes nilotiques dans la culture romaine”, CdE, 78, 2003, 308-325 ; id., Pour une terminologie et une analyse des cultes isiaques, Bruxelles, 2005.
Malaise, Michel (2008) : “Maria R. Swetnam-Burland, <i>Egypt in the Roman Imagination: A Study of Aegyptiaca from Pompeii</i>, Dissertation de l’Université de Michigan, Ann Arbor, 2002”, Ausonius éditions BIS I, [En ligne] https://una-editions.fr/swetnam-2002/ [consulté le 15 août 2021].

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