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30• Le matériel archéologique d’Alésia,
ou les surprises de la chronologie absolue

“Le matériel archéologique d’Alésia, ou les surprises de la chronologie absolue”,
in : Colloque de l’AFEAF, RAO Suppl. 10, 2003, p. 287-292.

Les objets retrouvés dans les fouilles d’Alise constituent, en théorie, un point de repère fondamental pour la chronologie de la Tène finale, si discutée par les spécialistes. Dans la mesure où le site est parfaitement daté, le matériel associé devrait représenter une aubaine inespérée, un point fixe comparable aux grands sites de la Lippe. Malheureusement, la question est, dans la pratique, moins simple qu’il n’y paraît.

Les fouilles du XIXe siècle ont livré un matériel assez abondant, mais fortement sélectionné : les armes et les monnaies constituent l’essentiel du lot, à l’exclusion du petit équipement militaire, qui ne semble guère avoir été conservé, des amphores et de la céramique, sans doute trop fragmentés pour le goût du temps. En tout cas n’en reste-t-il plus aucune trace dans les réserves du MAN. Il en va de même des ossements de chevaux, découverts en abondance, mais manifestement rejetés pêle-mêle dans les fossés, au moment de leur rebouchage, comme l’ont montré les fouilles récentes. 

En second lieu, on doit constater qu’une grande partie des trouvailles semble avoir été effectuée dans les fossés situés au pied du mont Réa ou sur ses pentes. C’est d’ailleurs ce qui explique que ceux-ci aient été partiellement vidés en long par les fouilleurs du second Empire. Ces excavations n’ont pourtant jamais été systématiques et, pour l’essentiel, les hommes de Napoléon III se sont contentés d’étroites tranchées en travers des fossés, méthode qui ne pouvait pas livrer beaucoup de matériel, sauf hasard heureux. La concentration d’armes dans la zone du Réa a donc été interprétée comme un vestige archéologique de la bataille finale, conformément d’ailleurs au texte césarien qui situe le combat décisif au pied de la colline nord (BG, 7.83). D’autres hypothèses ont pourtant été formulées : ainsi a-t-on pu penser que ces armes proviendraient de dépôts votifs, placés volontairement après le siège1, voire d’un sanctuaire2.

En troisième lieu, on soulignera l’imprécision des données de fouilles du XIXe siècle sur la localisation des trouvailles. Si l’on peut parfois identifier dans les réserves du Musée des Antiquités Nationales telle ou telle arme décrite dans les documents qu’a publiés J. Le Gall, on n’a globalement qu’une très faible idée de la provenance précise des objets3.

Cette série d’incertitudes a naturellement servi les opposants à la thèse alisienne : faute d’un dossier documentaire impeccable, la suspicion a parfois été jetée sur l’ensemble de la collection du musée de Saint-Germain. À l’inverse, étant issues des fossés d’Alise, les monnaies celtiques ont le plus souvent été considérées par les numismates comme des éléments parfaitement datés, aptes à fonder une chronologie, ou du moins à fournir un terminus4

On aurait pu s’attendre à ce que les nouvelles fouilles vinssent régler rapidement ces différentes controverses, en fournissant un matériel abondant et bien daté. La question est malheureusement plus complexe qu’il n’y paraît. Les différentes campagnes menées depuis 1991 ont livré au total peu de matériel, malgré l’ampleur des travaux réalisés. Cette constatation, qui surprend souvent, s’explique de différentes manières : on doit d’abord observer que les sols antiques n’ont pas été conservés. Ceux-ci ont presque toujours été détruits par les labours anciens ou récents, de sorte que le matériel qui pouvait s’y trouver a été fragmenté et dispersé, sauf lorsqu’il s’est trouvé piégé dans des fosses. Ainsi, lors de la campagne de 1996, a-t-on découvert, le même jour, un fer de lance dans un piège de la plaine de Grésigny, et un autre, du même type, dans les labours. De cette première observation résultent deux conséquences : le matériel conservé est rare et placé stratigraphiquement dans des positions peu favorables à la recherche. En effet, il serait scientifiquement inepte de tamiser des tonnes de terre arable formée par les couches superficielles afin d’y découvrir du matériel archéologique. Seules les prospections de surface, menées au détecteur de métaux, s’avèrent – paradoxalement et, diront certains, scandaleusement – opérationnelles et productives puisqu’elles touchent précisément la zone de terre arable dont les archéologues ne peuvent réellement s’occuper et où réside désormais l’essentiel du matériel archéologique : sur les camps de hauteur, elles ont livré une abondante quincaillerie militaire et plus de 200 monnaies.

La fouille complète des fossés romains se serait avérée plus efficace, mais au détriment de recherches sur les autres structures, jusqu’ici inconnues. Ceci explique que les campagnes menées depuis 1991 se soient généralement contentées de sondages stratigraphiques dans les fossés et aient privilégié les grands décapages destinés à mettre au jour les ensembles défensifs, non le dégagement des fossés. Une autre politique aurait certes amené des résultats meilleurs en matière de matériel, mais très inférieurs en matière d’architecture militaire. Lorsqu’en revanche on vide un segment de fossé, on découvre une densité de matériel comparable à celle des fouilles du XIXe siècle : ainsi, alors que Napoléon III avait fait ouvrir en long les fossés au pied du Réa, mais laissant ici ou là les bordures de ces mêmes fossés intactes, S. Sievers (RGK, Francfort) a pu mettre en évidence de nombreux ossements de chevaux dans les restes de remplissage négligés par les fouilleurs du second Empire. Une fouille en long à la pelle mécanique menée en 1996 dans les fossés du camp A, près de la porte nord, a révélé sur une quinzaine de mètres une série de tessons d’amphores Dr.1B, un boulet de pierre, quatre pointes de flèches, trois traits, un éperon (?), un fragment d’épée et quelques menus objets, soit une densité de découvertes comparable à celle du XIXe siècle. 

Encore tout n’est-il pas résolu quand on découvre du matériel en cours de fouille. En effet, le site a été réoccupé de manière continue depuis l’épisode du siège : ainsi une nécropole du Ier siècle après J.-C s’est-elle installée près de la porte nord-est du camp C et son matériel est-il mélangé à celui du siège, compte tenu de l’inexistence de la stratigraphie. Quand ces vestiges sont clairement identifiés et datés, ils peuvent être aisément discriminés. Mais, s’agissant de prospections de surface, au détecteur à métaux, le doute existe assez souvent et l’on doit à ce propos formuler une règle générale de bon sens : les armes et l’équipement typiquement militaires appartiennent sans doute possible à l’époque du siège ; en revanche, il peut y avoir doute sur le reste des objets, sauf lorsque ceux-ci sont extrinsèquement bien datés. 

Lorsque le matériel provient des fossés, d’autres questions, liées à la durée de comblement des structures, se posent nécessairement. Combien de temps, en effet, les fossés césariens sont-ils restés ouverts ? Plusieurs éléments de réponse existent : dans la plaine des Laumes, les fossés 1 et 2 de la contrevallation ont été réutilisés comme drains par des structures gallo-romaines, et le comblement supérieur est scellé par une fibule datable du début de notre ère. Ceci signifie qu’un demi-siècle au moins après l’épisode de 52, les fossés étaient encore partiellement visibles, au moins dans cette zone. Dans un segment de la circonvallation de Bussy a été découvert, à mi-hauteur de comblement, un bord d’amphore gauloise 3, ce qui indique que le fossé était encore ouvert 70 ou 80 ans après la reddition de Vercingétorix. Dans la plaine de Grésigny, les observations montrent que la majorité du matériel exhumé se trouve dans des couches dont la mise en place s’étale sur plusieurs dizaines d’années et qui sont postérieures à 52. Ce dépôt est clairement lié à une action anthropique, probablement une remise en culture dans les premières décennies de notre ère. Il est donc évident que la stratigraphie interne des fossés doit être considérée de très près si l’on veut étayer une chronologie du matériel, car des intrusions postérieures à l’épisode césarien y sont non seulement possibles mais fréquentes.

On doit enfin se souvenir que le terrain dans lequel les légionnaires de César ont creusé leurs défenses n’était pas vierge d’occupation antérieure au moment où César a investi l’oppidum : ses soldats ont bouleversé des couches antérieures pour constituer leurs remparts ; une fois entamé le processus de ruinification, après le siège, ce matériel est redescendu dans les fossés, ce qui explique qu’on découvre des tessons de l’âge du Bronze mêlés à du matériel gallo-romain, voire médiéval dans la circonvallation, près du carrefour de l’Épineuse. Sur la circonvallation de Bussy, une cabane de La Tène moyenne a été coupée par les lignes de César : on retrouve ainsi une fibule de La Tène C au fond d’une défense romaine. En outre, les hommes du second Empire ont collecté ce qui, de près ou de loin, pouvait se rapporter à l’épisode du siège, sans nécessairement bien connaître la typologie : perçant une couche protohistorique proche des fossés, ils ont pu y découvrir telle ou telle arme celtique apparemment trop ancienne eu égard à nos connaissances actuelles, mais qu’on retrouve dans la collection du musée de Saint-Germain. 

On prendra garde, par conséquent, à ne pas appliquer automatiquement l’équation “matériel d’Alésia = 52 avant J.-C.” Notre réserve est toutefois, pour l’essentiel, d’ordre méthodologique et ne doit pas conduire à considérer que, dans son ensemble, le matériel d’Alésia n’offre aucune fiabilité chronologique et ne peut être relié à l’épisode du siège. Ce serait statistiquement erroné. Nous voulons seulement souligner le fait qu’il est rarement conservé dans un milieu archéologique clos et qu’il peut par conséquent être pollué. Son attribution à l’épisode césarien doit donc tenir compte du contexte de découverte quand il est connu, et des datations extrinsèques que d’autres sites peuvent fournir.

La collection alisienne est aujourd’hui constituée de trois ensembles nettement distincts, ramassés dans des lieux différents et en des circonstances différentes, avec des méthodes différentes. Il s’agit :

  • de la collection du Musée des Antiquités Nationales, qui comprend essentiellement des armes, des monnaies, et un peu de fourniment, récoltés lors des fouilles du second Empire.
  • du matériel issu des fouilles menées depuis 1991, qui comprend un petit lot d’armes, quelques monnaies, un peu d’instrumentum, un lot de céramiques et d’amphores très fragmentées, un ensemble assez conséquent d’ossements.
  • du matériel issu de prospections au détecteur réalisées depuis une vingtaine d’années par R. Collot et que celui-ci a bien voulu nous confier pour publication. Ce matériel, récolté pour l’essentiel, mais non exclusivement, sur les camps B et C, est considérable et exceptionnel, dans la mesure où, au milieu d’une très abondante ferraille de pollution, apparaissent en grand nombre d’incontestables objets de fourniment militaire et d’instrumentum celtique ou romain. Ce matériel, comme les monnaies, a d’abord été suspecté et rejeté, en raison des conditions peu orthodoxes de sa récolte : un simple coup d’œil au catalogue devrait convaincre les plus sceptiques qu’il s’inscrit parfaitement dans le contexte archéologique du site, tout en complétant grandement la collection.

Un seul exemple, celui de la numismatique, suffira à illustrer les difficultés d’interprétation de l’ensemble archéologique alisien5.

Toutes origines confondues, la collection est actuellement composée de 731 monnaies celtiques, dont 679 sont identifiables selon le classement de La Tour (1892), sans compter un Germanus Indutilli ; les monnaies romaines comprennent 164 exemplaires, dont 145 républicaines, les autres s’échelonnant entre Auguste et Valens, auxquelles il faut ajouter les pièces médiévales ou modernes. Sur (seulement) 37 monnaies découvertes lors des fouilles menées de 1991 à 1997, on compte 23 celtiques, 0 républicaine, 14 impériales, mais 10 de ces dernières proviennent des sondages sur les défenses gauloises de la Croix-Saint-Charles, largement pollués par l’installation d’une nécropole gallo-romaine. La proportion d’espèces celtiques est donc d’environ 4 : 1 par rapport au numéraire romain. Le petit nombre d’espèces découvertes en fouilles n’autorise aucune statistique sérieuse, mais on observera malgré tout la présence d’émissions impériales dans les sondages menés sur les niveaux césariens, ce qui montre bien leur pollution. À cet égard, on doit s’étonner que la collection du MAN ne comprenne pas d’impériales, et on peut se demander si elle n’a pas fait l’objet d’un tri à posteriori. 

On constatera aussi l’apport très important de la prospection au détecteur sur les camps B et C, qu’illustre bien le tableau suivant (tabl. 1)6

 GauloisesRépublicainesImpérialesTotal
Camp A2  2
Camp B595266
Castellum 115 16
Camp C15452161
Castellum 151  1
Réa4  4
Autre14  14
Total239105254

Autrement dit, environ 28 % de la collection numismatique d’Alise proviennent de couches très superficielles, ce qui illustre parfaitement le fait que les niveaux césariens, largement entamés par les travaux agricoles, ne constituent pas un ensemble clos, et que des espèces intruses, comme les émissions impériales, ont pu s’y glisser. Ce qui est vrai pour la numismatique romaine l’est aussi, évidemment, pour la numismatique celtique, y compris dans les fossés fouillés au XIXe siècle et dont nous avons dit que la sédimentation s’était étalée sur environ un siècle.

Le même tableau autorise une autre constatation immédiate : les camps romains révèlent, pour l’essentiel, une circulation monétaire celtique. Plusieurs explications théoriques peuvent être avancées pour expliquer cette apparente anomalie

  • soit il ne s’agit pas de camps romains
  • soit il s’agit bien de camps romains, mais occupés par des mercenaires gaulois
  • soit les légionnaires romains utilisaient, à ce moment de la guerre des Gaules, du numéraire local.

La première explication est contredite par l’archéologie, qui, pour les camps A, B et C tout au moins, a formellement montré qu’il s’agissait d’ouvrages de poliorcétique romaine, parfaitement caractérisés par la présence de claviculae et de titula, que les légionnaires étaient seuls à utiliser. 

La seconde explication paraît à première vue plus crédible : on sait en effet que les camps militaires augustéens de Rhénanie livrent fréquemment des espèces celtiques7 et l’on en a souvent conclu qu’il s’agissait là de la solde des auxiliaires, souvent des Gaulois à cette époque8. Dans le cas d’Alésia, on peut toutefois être sceptique : même si des Gaulois, au moment de la grande révolte de 52, ont pu continuer à servir dans les rangs de l’armée de César, l’absence de légionnaires dans les principaux camps romains, dont le camp C que nous savons être celui de Labienus9, est impensable. Le numéraire utilisé dans ces retranchements étant presqu’exclusivement celtique, il faut bien que ce soient les soldats romains qui l’aient utilisé. Avant d’aller plus loin dans l’analyse, il convient de considérer la répartition générale des monnaies gauloises (tabl. 2)

 AuÉlectrumAgAePotinsTotal
MANAutresMANAutresMANAutresMANAutresMANAutres
Arvernes42  2417216  119
Séquanes    7219  63100
Eduens    679412588
Sénons      72432568
Bituriges  4 6 1221 1558
Bituriges/Carnutes      2925  54
Carnutes 1    13231 38
Lingons    72 313732
Est de la Gaule    19     19
Pictons  1 102 1  14
Gaule de l’Est    131    14
Leuques    74  2 13
Marseille    1912  13
Turons        268
Suessions      16  7
Mâlain        415
Pétrocores    5     5
Rèmes     12  14
Lémovices    3     3
Basse-Seine    12    3
Vallée du Rhône    2     2
Monnaies à la croix    11    2
Rutènes    1     1
Arécomiques       1  1
Cavares    11    2
Véliocasses       1  1
Meldes       1  1
Atrébates    1     1
Nerviens         11
Aduatuques       1  1
Trévires 1        1
Total445 240501421286244679
Total général85290270106679

NB : “Autres” désigne les monnaies de prospection et celles issues des fouilles récentes. Seules sont prises en compte ici les monnaies identifiables, attribuées selon les critères de La Tour.

La présence d’une monnaie d’or et de 9 bronzes Arvernes étonne assurément dans le camp C et l’on aura du mal à y voir le fruit de la solde d’auxiliaires engagés aux côtés des Romains ! Si l’on peut hésiter sur l’interprétation des monnaies séquanes, on doit observer que l’essentiel du numéraire gaulois présent dans les camps romains provient, en sus des deux cas que nous venons de citer (Arvernes et Séquanes), des Carnutes, des Bituriges, des Sénons et des Lingons. À l’exception de celles des Séquanes, toutes ces monnaies ont donc été émises par des peuples où les légions romaines ont séjourné dans le courant de l’année 52, et l’on pourra, sans trop d’audace, y reconnaître la trace de pillages effectués en pays Arverne, à Orléans ou à Bourges, ainsi que le fruit des cantonnements chez les Sénons, juste avant l’épisode alisien. Enfin la présence en pays mandubien d’espèces lingones, séquanes ou éduennes ne surprend pas vraiment, compte tenu de la proximité de ces peuples. On observera enfin la représentation prépondérante du bronze et des potins dans cet échantillon, c’est-à-dire du petit numéraire qui faisait précisément défaut aux légionnaires, normalement payés en argent.

Ces quelques considérations invitent donc à s’interroger de manière plus précise sur la collection du Musée des Antiquités Nationales. Pour J.-B. Colbert de Beaulieu, il n’était en effet pas douteux que les monnaies celtiques trouvées au pied du Mont Réa appartenaient à l’armée de secours, engagée dans la bataille finale contre les Romains10. Cette explication ancienne est aujourd’hui hautement douteuse : on observera d’abord, que, contrairement à ce que l’érudition moderne a tenté de faire croire, le matériel alisien ne vient pas exclusivement de la zone du Réa, ce qu’atteste bien la documentation des fouilles du Second Empire, récemment publiée par J. Le Gall. D’un point de vue archéologique, la collection est donc beaucoup plus composite qu’il n’y paraît. C’est au pied du Réa, il est vrai, qu’on a découvert la plus grande quantité de matériel et de monnaies, probablement parce qu’on a vidé là des sections entières de fossé. Mais c’est principalement la ligne intérieure des lignes romaines, tournée vers l’oppidum, qui a fait l’objet de fouilles extensives et, que l’on sache, ce n’est pas là que se trouvait l’armée de secours…. Quant au camp D, qui aurait été celui des légats de César au pied du Réa, et qui aurait fait l’objet des attaques les plus vives, les fouilles récentes ont simplement montré… qu’il n’existait pas. On évitera donc désormais de confronter l’échantillon numismatique avec la composition, au demeurant très problématique, de l’armée de secours.

La collection numismatique du Musée des Antiquités Nationales, parce qu’elle ne constitue pas un tout archéologiquement cohérent, ne saurait, contrairement à ce qu’écrivait J.-B. Colbert de Beaulieu, constituer un reflet fidèle de la circulation monétaire en 52 avant J.-C. Elle est le fruit du hasard des fouilles, et, comme pour les monnaies issues des camps de hauteur, on doit penser que, pour partie au moins, les monnaies celtiques qui la constituent pouvaient appartenir aux soldats de César – l’inverse étant d’ailleurs sans doute vraisemblable. D’un strict point de vue chronologique, on ne peut exclure des intrusions postérieures, comme il s’en est assurément produit pour les monnaies romaines, et on ne considérera pas que les fossés d’Alésia offrent en soi un terminus ante quem absolu. Cette observation n’est pas valable uniquement pour la numismatique mais pour l’ensemble du matériel alisien. La conclusion, qui choquera certains, ne doit pas conduire à jeter un doute sur son authenticité ou sur l’intérêt des objets trouvés au pied du Mont-Auxois : il est globalement assuré que, pour l’essentiel, le matériel issu des fouilles du Second Empire, des fouilles récentes et des prospectionsest dû à l’épisode historique de 52. On devra en revanche prendre garde à ne pas le surinterpréter, en veillant à le confronter systématiquement avec les autres collections contemporaines.

Notes

  1. J. Harmand, Une bataille césarienne, Alésia, Paris, 1967.
  2. A. Duval, Les armes d’Alésia au musée des Antiquités nationales, Revue Historique des armées, 2, 1987, p. 56-62.
  3. J. Le Gall, Fouilles d’Alise-Sainte-Reine 1861-1865, MAIBL, Paris, 1989.
  4. S. Scheers, Traité de numismatique celtique II. La Gaule Belgique, Paris, 1977.
  5. Les monnaies celtiques ont été étudiées par B. Fischer (MAN, prospections de R. Collot) et K. Gruel (matériel de fouilles), tandis que les monnaies romaines ont été confiées à L. Popovitch. Les propos de cet article n’engagent en revanche que son auteur. 
  6.  Emprunté à l’étude de L. Popovitch.
  7. H. Chantraine, “Keltische Münzen in frühen rheinischen Legionslagern”, Keltische Numismatik und Archäologie, BAR Int. Ser. 200, Oxford, 1984, p. 11-19.
  8. E.M. Wightman, “Soldier and civilian in Early Roman Gaul”, in : Akten des XI. Intern. Limeskongresses (Székesfehérvar 1976), Budapest, 1977, p. 75-86 ; A. Furger-Gunti, “Die Kleinfunde. 1. Die Münzen”, in : Die Ausgrabungen im Basler Münster I. Die spätkeltische und augusteische Zeit, Solothurn, 1979, p. 48-50; id., “Frühe Auxilien am Rhein. Keltische Münzen in römischen Militärstationen”, Archäologisches Korrespondenzblatt, 11, 1981, p. 231-246 ; Chantraine 1984 (note 7) ; R. Wolters, “Keltische Münzen in römischen Militärstationen und die Besoldung römischer Hilfstruppen in spätrepublikanischer und frühaugusteischer Zeit”, Tyche, 3-4, p. 261-272.
  9. Grâce à deux balles de fronde inscrites.
  10. J.-B. Colbert de Beaulieu, “Numismatique celtique d’Alésia”, Revue Belge de Numismatique, 101, 1955, p. 55-83.
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Chapitre de livre
EAN html : 9782356134899
ISBN html : 978-2-35613-489-9
ISBN pdf : 978-2-35613-490-5
ISSN : 2827-1912
Posté le 23/12/2022
7 p.
Code CLIL : 4117; 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Reddé, Michel, “30. Le matériel archéologique d’Alésia, ou les surprises de la chronologie absolue”, in : Reddé, Michel, Legiones, provincias, classes… Morceaux choisis, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 3, 2022, 415-422, [en ligne] https://una-editions.fr/30-le-materiel-archeologique-alesia/(ouvre un nouvel onglet) [consulté le 29/12/2022].
10.46608/basic3.9782356134899.35
Illustration de couverture • Première• La porte nord du camp C d'Alésia, sur la montagne de Bussy en 1994 (fouille Ph. Barral / J. Bénard) (cliché R. Goguey) ;
Quatrième• Le site de Douch, dans l'oasis de Khargeh (Égypte) (cliché M. Reddé, 2012)
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