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36• Les capitales des cités gauloises, simulacra Romae ?

“Les capitales des cités gauloises, simulacra Romae ?”, in :  
M. Reddé, W. Van Andringa (dir.), La naissance des capitales 
de cités en Gaule chevelue
, Dossier Gallia 72-1, 2015, p. 1-16.

J‘emprunte à deux colloques récents cette expression de simulacra Romae en y ajoutant un petit point d‘interrogation1. La première de ces rencontres s‘ouvre en effet sur une citation célèbre d‘Aulu Gelle (Nuits attiques, 16.6-8, trad. Les Belles Lettres) dans laquelle l‘écrivain latin oppose les municipes, “citoyens romains se servant de leurs propres lois et de leur propre droit” et les colonies. Celles-ci, précise-t-il, “relèvent d‘un autre type de relations ; elles ne viennent pas en effet de l‘extérieur dans la cité et elles ne s‘appuient pas sur leurs propres racines, mais elles ont été en quelque sorte provignées depuis la cité (= Rome) et elles ont toutes les lois et les institutions du peuple romain et non pas celles de leur choix….ces colonies paraissent être pour ainsi dire des images réduites et en quelque sorte des reproductions (simulacra) <du peuple romain>”. Suit, dans l‘introduction du premier colloque, tenu à Tarragone, une description des villes provinciales considérées comme des imitations locales de l‘Urbs, en raison, notamment, de leur appareil monumental (murailles et portes, acqueducs, forum, thermes, théâtres, amphithéâtres, cirques…), de leur décor aussi, dont l‘ensemble forme les linéaments d‘une culture européenne commune. Il est clair, toutefois, que, dans le texte d‘Aulu Gelle, cette expression de simulacra Romae ne s‘applique qu‘aux colonies de Rome et ne concerne en rien leur urbanisme mais leur statut politique et leurs institutions.

Sans vouloir me lancer ici dans une vaine polémique, je suis bien forcé de constater que l‘appréhension la plus courante des changements introduits par Rome dans les provinces nouvellement conquises repose toujours, pour la grande majorité des historiens et des archéologues classiques, sur la nouveauté d‘un phénomène urbain perçu esssentiellement à travers sa parure monumentale, celle qui, à travers les siècles, n‘a cessé de hanter les imaginations en raison des ruines qu‘elle a laissées2. Est-ce donc cela la Romanité, ce décor majestueux surgissant au milieu de campagnes qui, soit dit en passant, continuaient probablement de rassembler l‘essentiel de la population et de produire une grande partie des richesses du monde antique ? 

Il est vrai que différents textes, latins ou grecs, soulignent la part, souvent essentielle, que le phénomène d‘urbanisation a prise dans l‘assimilation des provinciaux nouvellement soumis. Ainsi peut-on rappeler comment Dion Cassius décrit la situation de la Germanie avant la défaite de Varus, en 9 de notre ère : “Les Romains y possédaient quelques régions, non pas réunies, mais éparses selon le hasard de la conquête… Des soldats y avaient leurs quartiers d‘hiver et y fondaient des villes ; les barbares s‘adaptaient à leur mode de vie, ils avaient des marchés réguliers et formaient des assemblées pacifiques” (56.18.1-3). Plus démonstratif encore apparaît ce passage dans lequel Tacite vante l‘œuvre pacificatrice de son beau-père Agricola en Bretagne : “L‘hiver suivant (78-79) fut employé aux mesures les plus salutaires : pour habituer par les jouissances à la paix et à la tranquillité des hommes disséminés, sauvages et par là même disposés à guerroyer, il exhortait les particuliers, il aidait les collectivités à édifier temples, forums, maisons, louant les gens empressés, gourmandant les nonchalants : ainsi l‘émulation dans la recherche de la considération remplaçait la contrainte….On en vint même à priser notre costume et souvent à porter la toge ; peu à peu, on se laissa séduire par nos vices, par le goût des portiques, des bains et des festins raffinés ; dans leur inexpérience ils appelaient civilisation ce qui contribuait à leur asservissement” (Agricola, 21, trad. Les Belles Lettres).

Un tel passage, truffé de lieux communs sur le monde barbare, emprunt aussi du pessimisme stoïcien sur la décadence des civilisations et la servitude morale qu‘elle entraîne, doit-il être pris au pied de la lettre et conduire l‘historien à considérer ipso facto que l‘urbanisation était le principal vecteur de l‘intégration des provinciaux dans les nouveaux cadres civiques ? L‘exemple flatteur d‘Agricola le “bon” colonisateur, fondateur de villes nouvelles, pacificateur des esprits, reflète-t-il l‘entreprise systématique d‘un pouvoir romain agissant immédiatement, dès les lendemains de la conquête, selon un plan d‘intervention conçu à l‘avance, ce que les Anglo-saxons appelleraient aujourd‘hui une “top-down approach”, que les Occidentaux ont facilement adoptée car elle reflétait leur propre pratique du colonialisme moderne? S‘agit-il, en clair, d‘une politique de rupture brutale avec les réalités et les pratiques de l‘époque protohistorique, conçue dans le cadre d‘un plan d‘intervention préétabli, reflétant des pratiques romaines invariables ? On l‘a très longtemps pensé et écrit, et j‘aurais beau jeu de rassembler ici un petit florilège de citations qui montrent que ces présupposés, véhiculés justement par des textes antiques pris au pied de la lettre et transmis de génération en génération par le savoir académique, sont encore très profondément inscrits dans nos mentalités, même de manière inconsciente (“je romanise, donc j‘urbanise”)3. Mais au fait, quels sont les enjeux de ce problème, étant bien entendu que nul ne saurait nier la floraison urbaine qui marque les débuts de l‘Empire ? On peut essayer de les aborder en dressant une liste de questions, limitées ici aux Tres Galliae 

  • quel rôle le pouvoir central (entendons Auguste et ses proches) a-t-il joué dans le processus d‘urbanisation de la Gaule ? S‘agit-il d‘un plan concerté et global, supervisé depuis les bureaux romains, à une époque où la conception cartographique de l‘espace était, pour le moins, balbutiante4 ?
  • quels ont été les agents du nouvel urbanisme ? Les militaires, ce qui implique leur ubiquité sur tout le territoire, à une époque où, peut-être, ils commençaient déjà à le quitter pour se concentrer sur le Rhin ? Les aristocraties indigènes, ralliées au nouveau pouvoir mais toujours riches et puissantes, et désireuses de jouer un rôle politique dans ce nouveau monde qui s‘offrait à eux ? Ou une combinaison de ces différents acteurs ?
  • Quel est, dans cette floraison urbaine, le poids des héritages protohistoriques, longtemps niés, voire méprisés5 ?
  • à quel rythme, et selon quelles modalités, en suivant quelles étapes, ces nouveaux centres de pouvoir se sont-ils créés, pour quelles fonctions, à partir de quels stimuli politiques, économiques, sociaux ? Très vite, en quelques années, ou au contraire de façon progressive, au fil du temps ?
  • Enfin et surtout, quand l‘impulsion a-t-elle été donnée pour que soient mis en œuvre les changements dans l‘organisation municipale de la Gaule ? On répond généralement : “l‘époque augustéenne”, ce qui, à mes yeux, ne veut pas dire grand chose, tellement le règne d‘Auguste fut long et riche en événements divers. Selon, en effet, que l‘on fera démarrer le processus en 27 av. J.-C., date souvent retenue et sur laquelle il nous faudra revenir, ou après le séjour d‘Auguste en Gaule, entre 16 et 13 avant notre ère, voire une bonne décennie plus tard, ou même à l‘extrême fin de son règne, notre compréhension de la politique de “romanisation”6 de la Gaule et de ses rythmes s‘en trouve totalement changée. Sommes-nous sûrs, d‘ailleurs, qu‘il s‘agisse d‘un mouvement unique et homogène sur l‘ensemble du territoire ?

Le dossier qu‘on va lire est né de cette série de questions posées, pour une fois, à des praticiens de l‘archéologie, en fonction des résultats auxquels des recherches de terrain récentes pouvaient légitimement apporter des éléments de réponse7. Il fallait donc solliciter ceux qui avaient été directement en charge de fouilles urbaines dans les capitales de cités ou qui disposaient des éléments d‘une synthèse ; il convenait en outre de réunir les bonnes volontés, ce qui ne va pas toujours de soi dans un univers académique de plus en plus “tendu” par des tâches chaque jour plus nombreuses. Dès à présent, remercions chaleureusement ceux qui ont bien voulu accepter de se plier à l‘exercice. Au total, et même si nous n‘avons pu rassembler toutes les contributions souhaitables et souhaitées, le dossier est suffisamment riche, diversifié, éclairant (fig. 1). Il réunit en effet des cas fort variés : une colonie romaine (Augst), des fondations neuves dans les Germanies (Cologne, Nimègue), en Belgique (Trèves, Amiens), en Lyonnaise (Sens, Troyes, Le Mans, Rennes), en Aquitaine (Saintes), des cas de continuité urbaine entre l‘âge du Fer et la période romaine (Reims, Metz, Langres, Besançon, Chartres, Angers, voire Bordeaux), de déplacement (Bibracte/Autun, Auch). Le cas particulier mais très intéressant de la succession des oppida des Limagnes et de la création de Clermont-Ferrand n‘a malheureusement pas pu être traité ici. Ce “panel”, on le voit, est limité aux Tres Galliae et à la Germanie, excluant globalement la Narbonnaise, qui relève d‘une problématique et d‘une chronologie différentes8.

  Les capitales de cités traitées dans ce dossier 
(DAO M. Reddé, à partir d’un fond de carte de P. Ouzoulias, CNRS).
Fig. 1. Les capitales de cités traitées dans ce dossier (DAO M. Reddé, à partir d’un fond de carte de P. Ouzoulias, CNRS).

Quel type d‘approche pour l‘étude des capitales de cités ?

De manière un peu théorique, on peut essayer de distinguer plusieurs types d‘approche pour définir ce qu‘est une capitale de cité, et ils correspondent d‘ailleurs à des conceptions différentes de la ville antique en même temps qu‘à des disciplines académiques. On peut en effet caractériser une ville d‘après sa position juridique au sein d‘une hiérarchie codifiée par les différents droits qui régissaient l‘Empire romain et juxtaposaient des communautés différentes et inégales sous l‘autorité de l‘Urbs, la Ville par excellence9. Dans le cas d‘une colonie romaine, fondée religieusement selon le rite romain, une loi municipale définissait d‘emblée les conditions d‘exercice du pouvoir local et des cultes publics, le calendrier des fêtes, le financement des diverses manifestations officielles, tout ce qui, d‘une manière générale, ressortissait à la vie civique10. Il en allait de même, mais dans une moindre mesure, d‘une colonie ou d‘un municipe de droit latin (Gonzalez, 1986, 147-243), à ceci près que, à l‘époque augustéenne, cette catégorie n‘existait probablement pas encore dans les Trois Gaules. Les colonies se réduisent alors à celles de Lyon, Nyon et Augst, toutes de droit romain. Toutes les autres capitales de cités, à cette époque, relevaient encore de leur droit local et conservaient leurs cultes indigènes ; seule leur progressive mutation politique et culturelle, sous l‘autorité de leurs élites, et notamment de leurs aristocraties ancestrales, allait les conduire, souvent très progressivement, à une promotion civique par paliers successifs. Dans un premier temps, par conséquent, le pouvoir romain n‘est sans doute intervenu qu‘assez peu dans la mise en place des institutions municipales et des cultes locaux – pourvu qu‘ils respectassent l‘ordre public – à l‘exception d‘une nouveauté importante : l‘envoi annuel d‘un délégué à l‘autel du Confluent11, à partir du moment où celui-ci fut érigé, en 12 av. J.-C. J. Scheid parle ainsi à juste titre de “liberté totale” et je renvoie, sur toute cette question, aux pages qu‘il a consacrées aux aspects religieux de la municipalisation12. Si donc la décision de fonder une colonie relevait de l‘autorité (au moins théorique) du Sénat au moment où le furent les trois premières colonies de la Gaule Chevelue, le processus était totalement différent, sur le plan juridique, dans le cas de la naissance d‘une ville pérégrine. Dans la pratique il en allait peut-être différemment, et les légats d‘Auguste ont dû jouer un rôle dans ce processus, comme le montrent les textes de Dion Cassius et de Tacite que j‘ai cités, mais, faute d‘information précise et spécifique, nous n‘en savons presque jamais rien et nous en sommes réduits à des spéculations souvent gratuites13. Sans doute serait-ce un tort de penser que la création d‘une ville nouvelle de statut pérégrin chez les Morins répondait forcément à un “schéma directeur” général élaboré au fin fond d‘un bureau romain, au vu d‘une carte murale…. 

Mais on peut aussi tenter de caractériser une capitale de cité par son urbanisme, en opposant celui-ci aux oppida de la période de l‘Indépendance et à ces agglomérations romaines que nous appelons “secondaires”, faute de trouver un vocable plus adéquat. Dans cette approche qui n‘est plus juridique mais archéologique, c‘est l‘ensemble public monumental qui fait sens et est supposé définir des fonctions et un statut urbains. “Nous avons envisagé l‘urbanisme des villes du nord de la Gaule sous la forme d‘une étude des relations dynamiques et évolutives qui régissent la vie des bâtiments et le cadre urbain de chaque ville. Ceci nous permettra de mettre en évidence tour à tour le degré d‘application des formes de l‘urbanisme antique, à la fois programmatique, hippodaméen et monumental”, écrit ainsi C. Coquelet dans l‘introduction de son ouvrage consacré aux capitales de cité de Belgique et des Germanies14. Quoique justifiée dans son principe, cette approche est pourtant, dans la pratique, moins simple qu‘il n‘y paraît, pour la période qui nous intéresse ici, celle de la transition entre la période de l‘Indépendance et l‘époque romaine. Non seulement parce que nous ne savons pas toujours percevoir archéologiquement les prémices de la mutation ou de la création urbanistique, mais aussi parce que nous n‘en saisissons bien ni le processus ni la durée. Le transfert de Bibracte à Autun reste, de ce point de vue, un excellent cas d‘école. Il subsiste en effet un hiatus chronologique sensible entre la fin de Bibracte (vers 15 avant notre ère, selon l‘opinion admise jusqu‘à maintenant?) et les débuts d‘Autun (vers le changement d‘ère, voire plus tard ?) de sorte qu‘il n‘est guère aisé de savoir quand la nouvelle capitale a pu commencer à jouer son rôle politique avec un forum et une basilique pour l‘exercice des fonctions municipales15. Cette question est d‘autant plus irritante que la mise au jour d‘un édifice considéré comme une basilique civile remontant aux années 40/30 avant notre ère mais abandonné vers 20 av. J.-C. accentue encore le problème16. La présence d‘une basilique potentielle (mais dont l‘identification comme telle est contestée) implique que Bibracte ait été doté extrêmement tôt, probablement avant Nîmes même, d‘un centre public monumental dans lequel l‘aristocratie héduenne aurait exercé ses fonctions politiques sur le modèle romain. Bibracte, simulacrum Romae ? Ou n‘est-ce qu‘une illusion due à la forme d‘un bâtiment pour lequel d‘autres hypothèses architecturales crédibles peuvent être avancées17 ?

Mais, dans le même temps, la suppression de ladite basilique bien avant la fondation de la ville nouvelle d‘Autun pose la question de savoir où se situait pendant cet interlude le centre du nouveau pouvoir héduen “à la romaine”, mais encore balbutiant. Certes, on peut spéculer sur le déplacement de la capitale dans un tierce lieu, mais ce n‘est, pour l‘heure, qu‘une hypothèse supplémentaire, qu‘il faudra vérifier archéologiquement. Les fouilles en cours autour du sanctuaire dit “de Janus”, dans les faubourgs d‘Autun, quoique prometteuses, viennent juste de commencer et n‘ont pas encore livré tout leur potentiel. À Bibracte même, les toutes dernières recherches de l‘été 2014, sous la direction de P. Barral, M. Joly, P. Nouvel et M. Thivet, ont mis au jour une portion d‘un “enclos palissadé”, en fait une grande place bordée par un portique en bois qui n‘est pas sans analogie avec le forum vetus, en bois lui aussi, de la colonia Dacica Sarmizegetusa, fondée sous Trajan18, mais surtout avec celui de Waldgirmes, édifié juste avant le changement d‘ère (ci-dessous fig. 4). Dans son premier état, celui-ci n‘est en effet constitué que d‘une simple clôture, avant de devenir, après un déplacement vers le nord-est, une grande place bordée d‘un portique, en bois aussi, naturellement. L‘état I du bâtiment de Bibracte est attribué aux années 50-30 avant notre ère, l‘état II, qui montre des transformations, est daté des années 30-10. Il est assurément trop tôt pour avancer une interprétation définitive et seule la poursuite de ces recherches permettra d‘avancer une hypothèse crédible19. Mais il est évident que des fora en matériaux périssables ont pu exister dans la première phase d‘urbanisation de la Gaule et échapper aux recherches archéologiques, notamment anciennes.

Cette question m‘amène à rappeler que, dans d‘autres régions de l‘Empire, et même en Italie, les premières formes de la municipalisation ne se laissent pas aisément appréhender de manière visible par la mise en place immédiate d‘un complexe public monumental, ce qui limite sans doute le rôle que nous attribuons à l‘importance de certains bâtiments réputés essentiels à la vie civique. Ainsi, la Cisalpine, autrefois province romaine, avait reçu le droit latin en 89, avant d‘être intégrée dans l‘Italie et la cité romaine en 49 av. J.-C par une lex Roscia qui avait alors seulement déclenché de facto le vrai processus de municipalisation. Pourtant R. Villicich considère, à la suite d‘une étude archéologique approfondie et précise, que la phase de création des centres publics monumentaux ne semble guère antérieure au règne d‘Auguste20. On a un peu de peine à croire, évidemment, que les décurions de ces villes nouvelles ne se réunissaient pas avant cette époque, faute de lieu adéquat ; peut-être faut-il penser qu‘ils se contentaient tout simplement des cellae des temples. Rappelons en effet qu‘à Rome même, le Sénat, sous la République, ne s‘assemblait pas nécessairement dans la Curia Hostilia mais dans différents endroits inaugurés, par exemple au temple de Jupiter Stator (Cicéron, Cat., 1.1), dans celui des Castores (Cicéron, Verr, 1.129) ou celui de la Concorde (Cicéron, Cat., 3.21), celui de Fides (Appien BC, 1.16), voire au théâtre de Pompée (Appien, BC, 2.115). La liste est loin d‘être exhaustive. À fortiori, dans le monde des nouvelles civitates de Gaule, l‘existence d‘un centre public monumental n‘a-t-elle probablement pas été d‘emblée absolument nécessaire à l‘exercice d‘une vie publique qui a dû rester longtemps marquée par les traditions locales et qui n‘a peut-être adopté que progressivement des formes romaines de gouvernement. 

Ne vaut-il donc pas mieux, finalement, caractériser une capitale par sa fonction essentielle, qui est d‘être un “lieu central” dans lequel s‘exerce le pouvoir ? Définition non juridique et non archéologique, mais sociologique et politique, qui fait fi de la taille matérielle de ce pôle et de son organisation urbanistique. Cette définition, si on l‘accepte, invite à remonter à l‘époque de l‘Indépendance et à se tourner de nouveau vers les oppida de la Gaule chevelue pour en suivre le parcours jusqu‘à l‘époque romaine. 

Dans un livre qui a fait date et qui est souvent considéré comme l‘un des meilleurs sur la Gaule romaine, G. Woolf, abordant l‘urbanisation de la Gaule, admettait l‘évolution progressive des oppida du Midi vers un modèle urbain, mais la contestait pour le Nord : “There is no question in the north of a differentiated settlement hierarchy with the oppida at the summit, there is little sign of specialized quarters within the oppida, they performed no functions (except defence) that had not been performed by the larger villages before them. The case for urbanism in inland Gaul before the Roman Conquest seems much weaker than for the south”. Et encore : “The late La Tène oppida ressembled in many respects the largest of the open settlements that preceded them. Both types of sites were effectively collections of farmsteads within compounds, sometimes apparently organized along wide streets, and iron working and other craft activity are well attested on both kinds of sites… North and south, then, Gaul was a world of villages”21. Il n‘est pas sûr que le même auteur emploierait aujourd‘hui les mêmes termes, écrits, volens nolens, au miroir déformant du “modèle” romain. Toute la recherche récente montre au contraire la progressive constitution de centres de pouvoir protohistoriques, comme en témoignent les actes du récent colloque de l‘AFEAF tenu à Aschaffenburg et consacré à la question de la proto-urbanisation à l‘âge du Fer. Dans un bon article introductif, J. Collis y oppose la cité-état de type méditerranéen et l‘état tribal protohistorique pour mettre en évidence leurs différences de structure qui impliquent des formes distinctes de gouvernement22 ; mais il souligne en même temps le processus de concentration progressive du pouvoir à la fin de l‘âge du Fer, un phénomène qui a conduit à la mise en place de formes étatiques et de pratiques sociales qui s‘étaient, depuis le début de la Tène finale, nettement rapprochées de celles de Rome et qui ont largement favorisé l‘intégration de la nouvelle province dans le système politique issu de la conquête. Dans cette évolution, les aristocraties gauloises, s‘appuyant sur un contrôle commercial, religieux, politique et social des peuples qu‘elles dominaient, jouant de leurs alliances et de leurs clientèles, ont tenté de conc23entrer le pouvoir dans une compétition entre grandes familles qui n‘est pas sans rappeler celle qui, à la même époque, agitait la nobilitas romaine. Le développement des oppida de la fin de l‘âge du Fer, même s‘il revêt d‘autres formes urbanistiques que celles du monde méditerranéen, n‘en a pas moins conduit à la création de “lieux centraux” où s‘exerçait le pouvoir, comme le montre surabondamment le récit césarien. De véritables capitales, en somme. St. Fichtl, pour sa part, souligne aussi le rôle économique et commercial de ces villes, leur fonction de marché, leur rôle dans l‘émission de la monnaie, leur importance religieuse, indissociable du pouvoir politique, et c‘est là que se tenaient les assemblées politiques24. Les oppida de la Tène finale ne sont pas les seuls exemples de “lieux centraux” qu‘ait connus le monde celtique ; ils n‘en sont que la manifestation ultime, caractérisée par une enceinte, d‘où l‘ambiguïté que revêt leur nom et le rôle qu‘on leur attribue25. De nombreux sites de plaine, ouverts, les avaient pourtant précédés dans leurs fonctions de “capitales”, comme celui de Manching par exemple, signe indubitable que la concentration de population, de richesses et de fonctions qui caractérisent la ville, au sens géographique du terme, existaient bien avant l‘époque impériale au sein de l‘Europe tempérée. Il paraît, dans ces conditions, indispensable de penser l‘émergence des nouvelles capitales de cités romaines dans une réflexion sur le temps long et l‘évolution des ensembles politiques qu‘elles gouvernent.

Mutation urbaine, systèmes d‘agglomérations et réseau viaire

L‘un des éléments fondamentaux de notre analyse sur les changements apportés par l‘époque romaine doit donc être de considérer aussi bien ce qui dure que ce qui se modifie, les capitales des peuples gaulois qui continuent à être celles des nouvelles civitates romaines, et les villes qui ont été créées ex nihilo. Dans un livre qui a tenté de faire le point sur ces questions, R. Bedon avait déjà renié la tradition longtemps affirmée d‘un abandon systématique des sites antérieurs à la conquête, et il comptait au moins 25 cas de ce type26. Il me semble que l‘analyse peut aujourd‘hui aller plus loin. Ces villes, en effet, n‘étaient pas isolées au milieu des campagnes, elles appartenaient à des réseaux urbains répartis sur leur territoire, et la recherche actuelle tend à montrer de plus en plus que cette situation préexistait déjà à la fin de l‘âge du Fer. Il convient donc de mettre en évidence les continuités et les mutations de ces agglomérations protohistoriques pour tenter de comprendre la logique de leur évolution politique dans les nouveaux cadres civiques créés par la conquête.

Analysant la dynamique d‘urbanisation à la fin de l‘âge du Fer dans le Centre-Est de la France, P. Barral et P. Nouvel ont publié une carte des agglomérations de cette région qui me paraît très suggestive et instructive27. Elle montre en effet l‘important réseau d‘agglomérations de l‘époque romaine qui ont des antécédents laténiens (fig. 2). Si les abandons et les créations ex nihilo vers le changement d‘ère apparaissent clairement, la continuité d‘occupation semble tout aussi évidente, au prix, parfois, de légers déplacements des sites, mais ce n‘est pas une règle. Surtout, on constate que des capitales de cités gallo-romaines ont parfois une origine protohistorique, comme Sens, sans avoir été pourtant, à l‘époque de l‘indépendance, des oppida. Mais l‘inverse est vrai aussi puisqu‘Alésia, place centrale des Mandubiens, perd son statut privilégié à l‘époque romaine, tout en devenant pourtant une vraie ville, ornée peu à peu de tout l‘appareil monumental nécessaire à la vie civique mais reconstruisant, après Tibère, un murus gallicus28. D‘autres capitales, comme Auch, Angers, Metz, Reims, Langres ou Besançon, conservent leur statut. Les mutations ne sont donc ni univoques ni systématiques et on ne peut en comprendre le sens qu‘en analysant l‘évolution du réseau urbain dans sa globalité et sa durée, non dans une approche pointilliste29

  Les agglomérations laténiennes et romaines du Centre-Est de la Gaule ; 
d’après Barral, Nouvel 2012 (note 26), fig. 2, avec l’autorisation des auteurs).
Fig. 2. Les agglomérations laténiennes et romaines du Centre-Est de la Gaule ; d’après Barral, Nouvel 2012 (note 26), fig. 2, avec l’autorisation des auteurs).

À cet égard, on doit souligner le rôle que certains grands sanctuaires protohistoriques ont joué dans la structuration d‘un pôle de peuplement et l‘agrégation des fonctions de “lieu central” entre La Tène C et l‘époque romaine. Le cas du couple Langres/Champigny-lès-Langres, récemment étudié30 et dont l‘analyse est précisée dans ce dossier, est de ce point de vue remarquable (fig. 3) : le premier noyau d‘habitat groupé ouvert se dessine à Champigny dès la fin de la Tène C et au début de la Tène D1, à proximité du grand sanctuaire des Granges. À la charnière des IIe-Ier siècles, l‘émergence de l‘oppidum de Langres, quelques kilomètres plus loin, traduit assurément un déplacement du centre politique, mais sans que l‘agglomération ouverte disparaisse immédiatement. C‘est ensuite seulement qu‘elle s‘étiole de manière progressive, alors que le complexe religieux subsiste ; la capitale des Lingons ne sera pas déplacée à l‘époque romaine mais maintenue sur place, son rôle étant renforcé par le passage de la grande voie qui mène vers Trèves. Un autre bon exemple d‘un grand sanctuaire protohistorique dans la dynamique d‘un site et l‘émergence d‘une capitale nouvelle, entre la fin de l‘époque protohistorique et l‘époque romaine, nous est offert dans ce dossier par le cas de Sens.

  Schéma d’évolution du pôle de peuplement Langres/Champigny-les-Langres ; 
d’après Coquet, Barral, Izri, Joly, Nouvel 2014 (note 28), fig. 10.
Fig. 3. Schéma d’évolution du pôle de peuplement Langres/Champigny-les-Langres ; d’après Coquet, Barral, Izri, Joly, Nouvel 2014 (note 28), fig. 10.
  Plan général de Waldgirmes, d’après A. Becker (avec l’autorisation de l’auteur).
Fig. 4. Plan général de Waldgirmes, d’après A. Becker (avec l’autorisation de l’auteur).

Les historiens de l‘époque romaine ont souvent invoqué des décisions politiques tendant à favoriser tel peuple plutôt que tel autre, soit après la guerre, soit au moment de la réorganisation augustéenne pour justifier l‘implantation topographique des nouvelles capitales. Le fait n‘est sans doute pas niable. Mais il est un facteur aussi essentiel à mes yeux, qui est la mise en place du nouveau réseau routier. Nous en connaissons malheureusement fort mal la genèse précise, faute de fouilles nombreuses offrant de bonnes garanties de datation. Dans le centre-est de la France, c‘est-à-dire dans un secteur largement irrigué par les principales voies dites d‘Agrippa, l‘analyse est un peu moins difficile qu‘ailleurs. Pour s‘en tenir aux grandes rocades de datation précoce, connues par le fameux texte de Strabon (4.6.11), et en se limitant à une région où elles sont relativement denses (fig. 5), on constate l‘impact du nouveau réseau viaire sur la localisation des nouvelles capitales31 : la route romaine passe en effet à Besançon, oppidum de plaine, mais pas à Bibracte, site perché et difficile d‘accès, et l‘on comprend mieux ainsi pourquoi, chez les Séquanes, il n‘y a pas eu déplacement, alors qu‘il a fallu créer une nouvelle ville, chez les Éduens. Cela n‘implique évidemment pas que les anciennes agglomérations évitées par les grandes rocades romaines n‘étaient plus reliées par la route ancienne, au besoin réaménagée, ou qu‘elles ont périclité : en témoigne le cas de Troyes, capitale de la cité nouvellement créée des Tricasses après avoir été une agglomération laténienne, peut-être aussi celui de Naix, si la ville est bien la première capitale des Leuques, installée au pied de l‘ancien oppidum de Boviolles32

  Le tracé des voies du réseau d’Agrippa et les agglomérations du Centre-Est de la Gaule ; d’après Kasprzyk, Nouvel 2011 (note 30).
Fig. 5. Le tracé des voies du réseau d’Agrippa et les agglomérations du Centre-Est de la Gaule ; d’après Kasprzyk, Nouvel 2011 (note 30).

La datation de ce réseau routier d‘Agrippa reste un sujet controversé, les uns l‘attribuant au premier séjour en Gaule de l‘ami, devenu le gendre d‘Octavien/Auguste (39-38 av. J.-C.), d‘autres chercheurs à son second gouvernorat (20-19 av. J.-C.). Le texte de Strabon ne permet pas de trancher dans un sens ou dans l‘autre, mais il est évident que le choix de la date, pour des raisons souvent subjectives, traduit immanquablement une vision particulière du processus et du rythme d‘intégration de la Gaule dans l‘Empire. L‘archéologie ne fournit malheureusement qu‘un tout petit nombre de cas bien datés. Le plus connu est celui du franchissement de la Moselle à Trèves, avec une datation dendrochronologique de 18/17 av. J.-C.33. Certes on pouvait sans doute traverser la rivière avant cette date, mais cette chronologie s‘insère bien dans ce que l‘on sait aujourd‘hui de l‘occupation de toute cette régioF. Kemmers, Coins for a legion. An analysis of the coin finds from the Augustan legionary fortress and Flavian canabae legionis at Nijmegen, SFMA 21, Mayence, 2006.n et de l‘installation des premiers camps sur le Rhin, tous postérieurs à 18/17, à l‘exception de Nimègue23. Un peu plus au sud de Trèves, à Dalheim, le vicus Ricciacus, créé ex nihilo, a été implanté directement le long de la voie d‘Agrippa, et probablement en même temps qu‘elle ou juste après, puisque ses premiers niveaux livrent un matériel datable de l‘horizon d‘Oberaden, c‘est-à-dire vers 15-9 avant notre ère34. On peut mentionner une fouille récente sur un tronçon de la voie Chalon/Autun, daté après 22-21 av. J.-C., en observant toutefois que cette chronologie ne s‘appuie malheureusement que sur un diagnostic limité35. À Amiens, on reconnaît la voie d‘Agrippa dans le tracé oblique antérieur au carroyage urbain. La fouille de la ZAC Cathédrale a permis d‘appréhender, malheureusement dans de mauvaises conditions, la traversée de l‘Avre à cet endroit. On y a observé une toute première “chaussée de gravier, large de 12 m, et épaisse de plus de 1,5 m, reposant sur un lit de fascines, des troncs de jeunes arbres de zones humides, saules, noisetiers, déposés en rangs serrés sur la tourbe, transversalement à l‘axe de la route. L‘absence de chêne et le jeune âge des arbres n‘a pas permis une datation absolue par dendrochronologie comme pour les états suivants. Est-ce que la traversée de l‘Avre se faisait à l‘époque par un gué ou par un pont ? Nous l‘ignorons. Le second état comportait très probablement un pont construit vers 10 av. J.-C. Cette date, fournie par la dendrochronologie, peut être considérée comme un terminus ante quem très sûr pour la mise en place de la chaussée. Ce secteur est resté cependant inhabité plusieurs décennies ; la voie, bordée par de larges fossés, s‘apparentait alors à une voie routière”36. On n‘en sait en revanche pas davantage sur le terminus post quem de la construction de la voie d‘Agrippa. 

On peut toutefois observer qu‘à Tongres, la route Bavay-Cologne, qui n‘appartient pas au réseau décrit par Strabon mais qui lui est intimement liée, semble attribuable à l‘horizon d‘Oberaden au plus tard. La première trame urbaine est en effet datée autour de 10 av. J.-C. à partir des fouilles de la Kielenstraat37 et il paraît improbable que, dans ces régions, et s‘agissant de la fondation d‘une ville neuve pour une civitas créée de toutes pièces, la rocade n‘ait pas été construite au plus tard en même temps que l‘agglomération. 

Cet ensemble d‘observations ne permet sans doute pas une conclusion tranchée et définitive sur la mise en place du nouveau réseau routier attribué à l‘activité d‘Agrippa ; elles conduisent tout de même à considérer la date de son deuxième gouvernorat comme plus vraisemblable que la chronologie haute, une époque de guerres civiles en Italie au cours de laquelle la Gaule du nord pouvait paraître assez lointaine, où la priorité était de recruter des troupes et d‘assurer ses arrières, pas d‘aménager des routes dans des contrées encore assez mal explorées et à la fidélité peut-être douteuse. Rappelons que, lors de son premier séjour en Gaule, Agrippa franchit le Rhin dans un contexte de crise militaire et les sources historiques évoquent alors une situation troublée en Gaule, malheureusement sans autres précisions géographiques (Appien, BC, 5.75 ; Dion Cassius 48.49.3). L’étude récente des balles de fronde découvertes sur le site de l’Ermitage, à Agen, et inscrites au nom de M. Agrippa vient toutefois donner quelque consistance archéologique à la localisation de l’une de ces campagnes38. Une dizaine d‘années plus tard, en 30 av. J.-C., C. Carrinas devait encore affronter les Morins et d‘autres peuples qui s‘étaient soulevés avec eux, tandis que M. Nonius Gallus allait faire la guerre aux Trévires l‘année suivante (Dion Cassius 51.20.5). La pacification, en fait, était loin d‘être complète et la situation générale peu propice à une mise en valeur de la nouvelle province par des travaux d‘édilité civile.

Si l‘on me suit dans cette chronologie basse de la mise en place du réseau viaire et dans l‘analyse de son impact sur le réseau d‘agglomérations, remparées ou non, issues de la période de l‘Indépendance, on conviendra qu‘il a fallu attendre assez longtemps après la conquête pour voir émerger un nouveau réseau urbain en Gaule chevelue39

Le séjour d‘Auguste (16-13 av. J.-C.), le cens de Drusus et la mise en place du culte impérial

On ne peut pas, à cette occasion, ne pas affronter la difficile question du census de la nouvelle province, une opération nécessaire, pour le pouvoir romain, afin de délimiter les territoires des peuples indigènes et d’asseoir les fondements de la fiscalité mais aussi ceux de la justice, puisque la résolution des conflits de voisinage et de compétence passait nécessairement par cette étape. Il fallut donc, à un moment donné, “mesurer la terre”, en passant de la connaissance purement empirique et non cartographique de l’espace (au sens moderne du terme) qui avait prévalu jusqu’alors, à un travail d’arpentage à grande échelle des territoires et de recensement des communautés40. Il s’agissait d’établir et de matérialiser leurs limites, de définir des unités servant de base à la fiscalité41. Qu’une telle opération, évidemment lourde d’un point de vue technique et potentiellement conflictuelle pour les communautés, ait servi aussi à fixer, préciser, ou modifier les droits et devoirs des peuples soumis, qu’elle ait été l’occasion d’une définition ou d’une redéfinition de leur statut politique vis à vis de Rome et d’une réorganisation éventuelle de leur fonctionnement interne, c’est une évidence. La question principale sur laquelle se divisent les historiens est de savoir quand cette opération eut lieu effectivement. 

Les sources littéraires, en l’espèce, sont ambiguës : Dion Cassius (53.22.5) indique un recensement des Gaules en 27 avant notre ère, mais précise que la situation du pays était encore troublée à la suite des guerres civiles ; l’Empereur partit alors pour l’Espagne, d’où l’on conclut généralement que le recensement eut lieu dans cette province aussi. Mais l’opération a-t-elle touché seulement le Midi ou aussi la Comata ? En fait c’est surtout un passage de Tite-Live (Per., 134) qui semble concerner cette dernière42, mais il s’agit d’une compilation d’époque tardive et l’expression même de Tres Galliae est en elle-même significative d’une “transcription” a posteriori par l’épitomateur. 

Plus fiable, à mon avis, est le passage de la Table claudienne de Lyon – un discours officiel donc – dans lequel l’Empereur prononce devant le Sénat les mots suivants : “Grâce à eux (= les Gaulois), mon père Drusus soumettant la Germanie eut derrière lui, garantie par leur calme, la sécurité de la paix : et cela bien que du recensement, opération nouvelle alors et insolite pour les Gaulois, cette guerre l’eût obligé à se détourner. Une telle opération, combien elle est ardue pour nous, tout juste maintenant, quoique l’enquête n’ait d’autre objet que la constatation officielle de nos ressources, à l’épreuve nous l’apprenons trop bien”43. S’agit-il d’une version édulcorée de la réalité, une histoire officielle, en quelque sorte ? Une autre Periocha de Tite-Live (138) confirme cette opération de cens, dont la date de début n’est pas si claire qu’on le dit quelquefois puisque la mention de l’abréviateur suit directement celle de la victoire sur les Rètes, en 15 av. notre ère. La Periocha 139 évoque ensuite le tumultus qui ob censum erat, le soulèvement provoqué par l’opération de recensement, apaisé finalement par Drusus, en même temps qu’elle mentionne le début des campagnes en Germanie et l’érection de l’autel de Lyon. Dion Cassius, pour sa part, décrit un scénario assez voisin mais sur un mode plus noir (54.32) : Les Sicambres et leurs alliés, écrit-il, s’étaient soulevés, profitant du retour d’Auguste à Rome et du fait que les Gaulois cherchaient alors à secouer leur “esclavage”. La première réunion au Confluent pour ce qui allait devenir les fêtes du culte impérial est présentée dans ce contexte comme une manifestation forcée de loyalisme servant à rassembler dans un même lieu, loin de chez eux, les principaux notables des Gaules44. Vient ensuite le récit des premières opérations militaires en Germanie, mais on voit combien le contexte politique de cette époque était tendu, bien que l’histoire officielle en gomme substantiellement les difficultés. 

La plupart des historiens s’accordent aujourd’hui pour reconnaître l’importance cruciale du long séjour que fit Auguste en Gaule, entre 16 et 13, pour l’organisation des provinces d’Occident, Espagnes comprises45. Cette opinion peut s’appuyer, au demeurant, sur le texte de Dion Cassius lui-même, notre principale source pour cette période. L’historien y décrit en effet la politique du prince, rappelant son action conjointe sur les Gaules, les Germanies46 et les Espagnes, les largesses distribuées aux uns, les contributions imposées aux autres, la liberté et l’”autonomie interne”47 accordées à certains peuples, mais retirées dans d’autres cas. Cette redistribution des cartes politiques (mais aussi fiscales) a constitué un moment clef de la nouvelle organisation provinciale et le recensement y a joué évidemment un grand rôle, provoquant un important choc en retour. J’ai donc personnellement tendance à lui accorder beaucoup plus de signification qu’à l’opération de 27 av. J.-C., dont rien ne nous dit qu’elle n’a pas de facto été limitée au Midi (même si l’objectif initial avait pu être plus large) ; de fait, le gouvernement de la Narbonnaise devait, peu de temps après, être rendu au Sénat. Pour la Gaule du nord, en revanche, rien n’est moins sûr, alors que la période qui s’étend du second séjour d’Agrippa en Gaule à l’instauration du culte impérial, soit les années 20-12, paraît au contraire décisive. Cette étape essentielle de l’organisation de la Comata a-t-elle constitué le point de départ de la construction des capitales des nouvelles civitates ?

L’enquête archéologique

L’enquête menée à l’occasion de ce dossier, bien qu’elle ne prétende aucunement à l’exhaustivité, met en lumière une série de scénarios différents qui ne se laissent pas réduire à quelques idées simples.

On constate, tout d’abord, que, si les cas de continuité d’occupation entre la période de la Tène finale et l’époque romaine sont finalement aussi nombreux que les cas de créations ex nihilo, ils ne concernent pas tous, loin de là, des sites qui faisaient déjà fonction de “lieu central” à l’époque de l’Indépendance. Dans la pratique, on considérera que cette permanence topographique de la “capitale” est illustrée, dans notre échantillon, par les exemples de Besançon, Langres, Metz et Reims, probablement aussi par ceux de Chartres et d’Angers. Mais on ne doit pas oublier l’existence d’un habitat protohistorique antérieur sous l’emprise, ou dans la périphérie immédiate, de plusieurs capitales de cités impériales : c’est vrai à Troyes, à Sens, à Bordeaux, à Auch, sans que cette occupation laténienne, parfois ténue, puisse être considérée comme celle d’un lieu central antérieur. On doit observer aussi, c’est une des révélations de l’enquête, l’importance, dans plusieurs cas, d’un grand sanctuaire protohistorique proche de la nouvelle capitale, sans doute un pôle communautaire essentiel : c’est vrai à Sens, mais aussi à Langres. Même dans le cas d’Autun, longtemps considéré comme le paradigme de la création ex nihilo et du déperchement, les fouilles en cours autour du “Temple de Janus” semblent d’ores et déjà révéler la présence d’une occupation laténienne antérieure autour d’un complexe religieux devenu périphérique par accident et non par spécificité cultuelle. C’est la preuve, me semble-t-il, de l’importance du réseau d’agglomérations et de sanctuaires protohistoriques – et pas seulement des anciens lieux centraux – dans la constitution du nouveau paysage politique et économique de l’Empire, un facteur renforcé par le rôle polarisateur des grandes rocades mises en place par Agrippa qui ont favorisé une nouvelle dynamique urbaine sur ce fond préexistant.

Par comparaison, les créations ex nihilo ne sont pas plus nombreuses et on constatera qu’elles ne se situent pas nécessairement en plaine, comme le prouve l’exemple du Mans, partiellement perché sur une butte. Mais il est vrai qu’on peut discuter du scénario dans plusieurs cas : ainsi, à Bordeaux, au début de la troisième décennie avant notre ère, on observe la présence d’une occupation protohistorique, renforcée par l’arrivée probable des Vivisques ; malgré un début d’urbanisme que semblent attester les fouilles du cours du Chapeau-Rouge, ce n’est pourtant pas encore la ville romaine du Principat qui se met en place à ce moment, seulement une étape intermédiaire. Dans d’autres cas, comme à Naix, la nouvelle capitale s’installe au pied même de l’oppidum protohistorique sans qu’on puisse dire qu’il s’agit d’une véritable création ex nihilo.

La manière dont se met en place une ville nouvelle est bien documentée par l’exemple de Waldgirmes, cette création éphémère à l’est du Rhin qui témoigne sans doute de la volonté augustéenne de créer une province de Germanie s’étendant très au-delà du fleuve, vers l’est (fig. 4). Il s’agit là d’un exemple presque chimiquement pur, compte tenu du fait que l’agglomération n’a pas duré une vingtaine d’années. Fondée au plus tard en 3 avant. J.-C. si l’on en croit la datation dendrochronologique des puits qui y ont été mis au jour, cette petite ville de 7,7 ha (un trapèze de 250 m x 240 m) entourée d’une enceinte n’était pas encore complètement bâtie au moment de son abandon, qu’on situe au plus tôt en 9 après J.-C.48, puisqu’elle comprenait encore des espaces vides au nord du forum. Il s’agit toutefois d’une construction unitaire, dotée, comme un camp militaire, de deux voies perpendiculaires qui se croisent vers le centre du complexe et sont bordées de portiques. On y reconnaît diverses unités d’habitation implantées sur un modèle issu de l’architecture domestique italienne ainsi qu’une grande quantité de greniers de types divers. Il est intéressant de constater malgré tout qu’à un premier “forum”, situé partiellement sur le tracé de la voie est-ouest (phase verte), a fait suite assez vite un second, décalé vers le nord-est et situé derrière le croisement des deux axes viaires, au nord de celui-ci (phase rouge). Ce complexe de 2 000 mest marqué par la présence, au nord, de trois vastes exèdres (une carrée au centre, flanquée de deux exèdres en U). Celles-ci s’ouvrent sur une halle basilicale à deux nefs qui donne elle-même, au sud, sur une vaste cour intérieure à portique périphérique. Dans celle-ci sont apparues les fondations de cinq bases de statues, dont au moins une équestre en bronze doré49. Il s’agit là d’un véritable forum et non de principia de camps militaires qui, à cette époque, ne répondaient pas à ce type d’architecture50. Peu d’armes ou d’équipement militaire figurent dans le matériel retrouvé alors que la céramique locale est relativement abondante. Les fouilleurs considèrent ce site comme celui d’une petite implantation civile, créée par l’armée à l’intention des populations locales et faisant sans doute office de lieu de réunion et d’échanges avec des fonctions économiques (marché), politiques et religieuses. Si ce modèle – en soi convaincant mais nécessairement interprétatif – se confirme, il peut offrir une clef de compréhension pour la formation des villes neuves par des militaires et c’est à lui que se réfère W. Eck quand il reconstitue les débuts de l’oppidum Ubiorum, la future Cologne51. Le scénario proposé dans ce dossier par A. Schäfer y renvoie explicitement52

Un autre bon exemple est fourni par les fouilles de la Kielenstraat, déjà mentionnées. Dans cette ville nouvelle, fondée ex nihilo et qui allait devenir la capitale des Tongres, une civitas créée artificiellement pour rassembler les derniers restes des Éburons et des Atuatuques exterminés par César ainsi que de nouveaux migrants sans doute d’origine germanique, on observe la mise en place, sur un sol vierge, d’un réseau de voirie orthonormé, manifestement sous la direction de militaires, mais les premiers habitats qui s’y installent, à la suite des soldats, sont clairement des maisons-étables de type germanique (“Wohnstallhäuser”). Cette première phase précoce est marquée par du matériel de l’horizon d’Oberaden53. Mais c’est seulement vers le milieu du Ier siècle de notre ère que les rues sont recouvertes de gravier et que s’installent de nouveaux types d’habitat “romanisés” (fig. 6)54

  Reconstitution des phases d’occupation 2 et 3 de la Kielenstraat, à Tongres ; d’après Vanderhoeven 2001, (note 37), fig. 8 et 9.
Fig. 5. Reconstitution des phases d’occupation 2 et 3 de la Kielenstraat, à Tongres ; d’après Vanderhoeven 2001, (note 37), fig. 8 et 9.

Ces deux derniers exemples invitent à s’interroger sur les modalités et le rythme des dynamiques urbaines, même dans le cas de la création de villes neuves. Dans le cas de Waldgirmes, on mesure aussi bien la faible taille du noyau primitif, puisque toute la surface n’est pas bâtie, que la livraison, immédiate et “clefs en main”, par les soins de l’armée, d’un cadre permettant une vie à la romaine, avec une architecture méditerranéenne. Dans le cas de Tongres, en revanche, on ne dispose à l’origine – et sous réserve de l’emprise restreinte de la surface fouillée – que d’un cadre incomplet, destiné à se remplir peu à peu, dans lequel on observe une évolution très graduelle des modes de vie, selon un processus qui s’échelonne sur plus d’un demi-siècle. Étonnant contraste que celui qui voit d’anciens oppida celtiques, comme Besançon, beaucoup plus “romanisés”, au tournant de l’ère, que certaines ville neuves créées “à la romaine” : la clef de cette apparente contradiction réside évidemment dans les forces sociales à l’œuvre et dans leur propre capacité d’évolution culturelle. Pour revenir au dossier qui nous occupe, on constate la même lenteur d’évolution au Mans, par exemple.

On doit tenir compte aussi de l’existence de phases urbanistiques intermédiaires entre le moment de la création et la mise en place du carroyage de la voirie. On l’a déjà souligné dans le cas de Bordeaux, qui n’est pas tout à fait une ville neuve. Mais on observe le même phénomène à Amiens, semble-t-il, et à Autun, où la première ébauche de voirie diffère du tracé définitif. 

On doit, à ce propos, rappeler que tous les auteurs de ce dossier ou presque ont souligné le retard relatif avec lequel le carroyage urbain est mis en place. Le cas le plus emblématique est celui de Trèves, une ville qu’on croyait fondée directement dans la foulée du pont sur la Moselle en 18/17, au point d’imaginer la présence d’Auguste soi-même pour l’inauguration55 ! Il paraît désormais assez clair, après les travaux de J. Morscheiser, que le réseau des rues doit être daté de l’horizon de Haltern (vers 5 av. J-C. / vers 10 ap. J.-C.)56. Voilà aussi qui relativise singulièrement l’”anomalie” constatée depuis longtemps dans la chronologie d’Autun, où les premiers niveaux fouillés jusqu’à présent n’étaient guère antérieurs à la mort d’Auguste. Un tableau succinct permettra de récapituler les différentes chronologies avancées, de manière indépendante par chacun des auteurs de ce dossier.

VilleOrigine protohistoriqueEnceinte romaineDatation de la voirieDatation des premiers monuments publics connus
Angersx années 20-30 ap. J.-C.Décor architectural, vers 15 av.J.-C/tournant de l’ère
Auchx Première moitié du Ier s.ap. J.-C.vers 30 ap. J.-C
Autun x– Premières traces vers le tournant de l’ère- carroyage définitif augusto-tibérien?
Besançonx – voirie de la Tène finale en usage décroissant jusque vers le tournant de l’ère- nouveau carroyage en place vers 20 ap. J.-C. ?
Bordeauxx – Premier système viaire vers 30-25 av. J.-C.- Premier système viaire dans la première décennie ap. J.-C.julio-claudien ?
Chartresxx“augustéen”Ier siècle ap. J.-C.
Cologne xdernières années du Ier s. av. J.-C. (horizon ancien de Haltern)Ara Ubiorum vers 8/7 av. J.-C. ? Monument des Ubiens = 4 ap. J.-C.
Langresx ? (portes tardo-augustéennes)?
Le Mans  entre 30 ap. J.-C. et les années 60-70Années 30 ap. J.-C.
Metzx ??
Nimègue fossédébut deuxième décennie av. J.-C ?Autel à Tibère vers 17-19 ?
Reimsxx– Premier système viaire – deuxième système viaire un peu avant15/10 av. J.-C.monument (autel ?) aux princes de la Jeunesse
Rennes  extrême fin Ier siècle av. J.-C.bâtiment en bois antérieur aux chaussées, postérieur à 19-16 av.
Saintes  TAQ : fin Auguste/début TibèreDécor architectural tardo-augustéen
Sensx (agglomération ouverte et sanctuaire) avant Tibèreun monument (autel ?) aux princes de la Jeunesse
Toulouse xHorizon tardo-augustéen/tibériendébut Ier siècle ap. J.-C.
Trèves  – pont daté en 18-17 av. J.-C.- Horizon de Halternmonument (autel ?) aux princes de la Jeunesse
Troyesx (agglomération ouverte) – organisation parcellaire dans le dernier quart du Ier s. av. J.-C.- voirie entre -5 et 20?

Plusieurs faits saillants me paraissent ressortir de cette enquête. Le premier réside assurément dans la constatation que les agglomérations de l’âge du Fer ont offert une résilience beaucoup plus importante qu’on ne le supposait, face au choc de la conquête. Cela vaut tant pour les agglomérations ouvertes que pour les oppida, pour le Midi (Auch) que pour le Nord (Metz, Langres, Reims, Besançon). Dans tous ces cas, on n’observe aucune rupture culturelle brutale, mais une très lente transformation, qui dure jusqu’au milieu du Ier siècle après J.-C., voire au-delà. Même des sites perchés comme le Beuvray, dont les fonctions politiques seront ensuite délocalisées, offrent très longtemps après la conquête, voire après la création d’Autun, la preuve de leur vitalité urbaine. À ce propos, le site Héduen ne devrait plus être considéré comme une exception notable due à la faveur romaine : on constate les mêmes caractères de “métissage” culturel, pour reprendre l’expression de P. Gardes, à Auch ou à Roquelaure, il est vrai au sein d’une cité qui obtint précocement le droit latin.

Dans bien des cas, on observe, même dans le cas des villes neuves, un glissement ou une création par étapes successives. Si l’archéologie n’est pas toujours en mesure de préciser clairement celles-ci, c’est moins par incapacité intrinsèque que parce que ce type de recherches fines dans les centres-villes modernes est récent, parfois limité à de très petites superficies, liées aux aléas de la fouille préventive. Le dossier montre bien, en outre, que la mise en place du carroyage urbain (parfois effectué lui aussi par étapes) n’est pas nécessairement significative d’un boom immédiat de constructions, même quand on évoque des édifices publics. Ainsi une place (“forum”) peut-elle ne recevoir son aspect monumental que de manière très progressive tout en remplissant les différentes fonctions qui lui sont dévolues. Ces villes, anciennes ou nouvelles, semblent, en fait, avoir été des chantiers permanents, avec des friches importantes, bâties de manière très progressive.

On ne constate pas non plus de différence chronologique marquée entre le Nord et le Midi, l’Est et l’ouest de la Gaule. Les principaux écarts semblent plus le fait des spécificités locales, parfois aussi de la volonté du pouvoir romain, comme c’est le cas à Cologne, qui constitue, en l’espèce, un cas particulier, sans doute pour des raisons politiques, comme le montre clairement A. Schäfer57. À ce propos, on ne saurait passer sous silence le fait que plusieurs de ces capitales – une faible minorité en fait, sur la totalité des cas potentiels – étaient défendues par une enceinte : Autun, Reims, Orléans, trois cités fédérées. J’ai de la peine à ne voir là qu’une simple coïncidence, même si on doit nommer aussi Cologne, véritable capitale de la nouvelle province de Germania envisagée par Auguste et jouissant, pour cette raison, d’un statut particulier. 

Les acteurs

Les scénarios évoqués ici ne répondent pas, on le sent bien, à un modèle univoque, appliqué, ne varietur, de manière systématique à un même moment du temps et dans toutes les circonstances. Ils laissent place assez clairement à l’héritage protohistorique, mais dans une géographie politique redessinée par les intérêts romains. Entendons ici, bien sûr, les systèmes d’alliances avec les différents peuples issus de la Gaule indépendante mais aussi les préoccupations militaires de l’Empire augustéen, parmi lesquelles la politique germanique a joué un rôle déterminant. Le nouveau réseau routier, reliant les régions rhénanes au monde méditerranéen et à l’Italie, a ainsi polarisé une partie du pays autour de quelques grands axes, créant ce que P. Leveau a justement appelé des couloirs de développement économique58 : la liaison Rhône-Saône-Moselle, celle du Rhône au Rhin par la vallée du Doubs, celles qui, depuis Lyon, mènent à la Manche. 

Cette politique d’aménagement du territoire, s’il est permis d’employer ce concept moderne, a donc modifié la géographie préexistante, mais de manière partielle et progressive et il n’est pas sûr du tout, comme j’ai essayé de le montrer, qu’elle répondait à un plan d’urbanisation préconçu. Les nouvelles capitales sont nées d’une série de facteurs divers, politiques, économiques, géostratégiques, ou elles ont continué d’exister quand ces facteurs étaient déjà réunis en un même “lieu central” préexistant. Mais, même dans ces cas-là, ce sont les mutations culturelles des temps nouveaux qui ont conduit à la mise en place d’un nouvel urbanisme inspiré des canons méditerranéens. Les acteurs de ces changements ne sont pas nécessairement les mêmes partout. 

Dans le cas de villes nouvelles comme Waldgirmes, Tongres, l’oppidum Ubiorum ou l’oppidum Batavorum, il est bien clair que nous sommes confrontés à des entreprises dans lesquelles les soldats ont joué le rôle principal. On en dira probablement autant de la colonie romaine d’Augusta Raurica, la seule capitale qui réponde véritablement à la définition d’Aulu Gelle et puisse se dire simulacrum Romae, à cette époque du moins59. L’intervention militaire a été postulée aussi par J. Morscheiser pour Trèves, mais, d’une manière générale, c’est une question qui peut se poser pour toutes les fondations neuves, d’autant que, si l’on interprète correctement les exemples de Waldgirmes, de Tongres, de Cologne ou de Nimègue, nous sommes en présence de capitales fondées par l’armée dans des régions qui ne connaissaient guère auparavant la notion de “lieu central”, sauf peut-être pour les Ubiens, au Dünsberg, avant leur transfert sur la rive gauche du Rhin. On doit toutefois prendre en considération la remarque d’A. Schäfer selon qui la présence ubienne n’est guère perceptible dans les niveaux précoces de Cologne, oppidum Ubiorum, ou celle de H. Van Enckevort qui va dans le même sens, malgré le nom donné à la nouvelle ville de Nimègue, oppidum Batavorum. L’observation du matériel funéraire dans les tombes augusto-tibériennes de l’oppidum Batavorum a de même montré que celles-ci étaient plus romanisées que celles des canabae du camp légionnaire, ce qui ne plaide pas absolument pour l’existence d’une capitale fondée à cet endroit pour les indigènes, ou du moins immédiatement occupée par eux, comme on le dit très souvent60

En revanche, dans des cas comme Saintes, Autun, Amiens ou Limoges, par exemple, mais on pourrait citer aussi Bavay, Arras, Lutèce et bien d’autres capitales, le caractère orthonormé du plan régulateur peut fort bien se concevoir sans la présence de soldats et on ne postulera pas une intervention militaire systématique, les architectes-topographes civils étant parfaitement à même de penser l’organisation urbaine61. Et l’armée ne pouvait être partout. On étendra la remarque aux capitales anciennes, issues de la période de l’Indépendance, comme Reims ou Besançon, où l’on voit l’urbanisme se transformer, d’abord de manière plus ou moins empirique, avant de recevoir, souvent pas avant la première décennie de notre ère, une nouvelle trame urbaine orthonormée, plaquée, en quelque sorte, sur le tissu préexistant, et parfois contrainte par la présence de l’enceinte antérieure (Reims) ou celle d’un probable grand sanctuaire laténien (Besançon). 

Décrivant les événements qui se passent en Bretagne pendant la révolte de Boudicca, Tacite (Ann., 14.33) évoque l’arrivée du légat d’Auguste à Londres, “qui, sans avoir le surnom distinctif d’une colonie, devait à une foule de négociants et de magasins une intense activité”. Une ville de marchands donc, installée au croisement de la voie qui venait du pont sur la Tamise et de la voie est-ouest qui longeait la rive nord, sur l’emplacement d’un premier fort militaire de courte durée62. À cet endroit, une simple place, recouverte de gravier damé et bordée de magasins, ne deviendrait un forum monumental, dans le sens que nous donnons à ce mot, qu’une quinzaine d’années plus tard, dans le courant du règne de Vespasien. C’était pourtant déjà un vrai forum avec toutes ses fonctions commerciales mais aussi politiques et judiciaires, comme le souligne à juste titre J. Creighton63

Le même Tacite n’est guère plus loquace quand il évoque Autun à l’occasion de la révolte de 21, en Gaule : Sacrovir le rebelle avait occupé la ville avec ses troupes : “il voulait gagner à sa cause les enfants de la plus haute noblesse gauloise, qui y étudiaient les arts libéraux, et, avec ce gage, leurs parents et leurs proches ; en même temps il distribue aux jeunes gens des armes fabriquées en secret. Ils furent au nombre de 40 000…”64. L’intérêt de ce passage est de décrire une ville qui, une génération après sa fondation, est déjà le A. Hostein, La cité et l’Empereur. Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Paris, 2012.centre intellectuel qui sera évoqué beaucoup plus tard par le Panégyrique d’Eumène (Pan. Lat., 5.[9])23 ; mais l’historien latin, au passage, nous rappelle le rôle politique déterminant que jouait encore l’ancienne noblesse gauloise dans la société de ce temps et dans la conduite des affaires publiques des cités. Qui la gagnait, de gré ou de force, pouvait gouverner la Gaule, et on le vit bien encore une fois lors des événements de 68-70, après la mort de Néron. Dans son discours au Sénat romain, qu’il faut suivre ici dans la version qu’en donne Tacite (Ann., 11.23-25), Claude plaide pour qu’on accorde aux notables de la Comata, ceux au moins qui jouissaient déjà de la citoyenneté romaine, le droit de briguer les honneurs à Rome pour ainsi, en cas d’élection, entrer au Sénat. Et les exemples qu’il invoque sont sans conteste ceux d’anciens adversaires ralliés à la cause romaine : “Déjà, ils sont intégrés à nous par les mœurs, les arts, les alliances familiales ; qu’ils nous apportent leur or et leurs richesses plutôt que d’en jouir séparément”, dit-il (Ann., 11.24, 6). Ce faisant, l’Empereur décrit en creux un processus engagé depuis longtemps et qui avait connu plusieurs étapes : 1-l’octroi du droit de cité à titre individuel pour services rendus, soit pendant la guerre des Gaules soit plus tard, qui permettait de s’intégrer dans la société de la puissance victorieuse et d’y nouer les amitiés nécessaires65 ; 2-le prestige conféré aux cités gauloises – encore pérégrines – par ces personnages nobles, puissants et riches, capables de les diriger, de les protéger et aussi de les financer ; 3-la constitution progressive d’une classe intermédiaire, capable de s’occuper des affaires locales et, à terme, de s’intégrer à son tour dans les cadres civiques de type méditerranéen. 

Bien que l’épigraphie de la Gaule romaine ne soit pas toujours très abondante pour cette période précoce, il convient de mentionner ici le dossier des Camilli d’Avenches avant que la ville ne soit promue au statut de colonie sous Vespasien. Deux inscriptions (CIL XIII, 5093 et 5094) mentionnent l’un des grands aristocrates Helvètes, C. Iulius Camillus, citoyen romain comme l’indiquent son nom et sa carrière équestre, mais en même temps sacerdos Augusti, un titre local de la cité encore pérégrine66 et magister de la civitas Helvetiorum, une magistrature unique, comparable à celle du vergobret et donc fort distincte des duoviri – typiquement romains – qui dirigeront la cité à partir de l’époque flavienne67. On observe ici de manière très concrète comment se mettent progressivement en place les cadres civiques dans un savant dosage socio-politique, et les données archéologiques renforcent encore cette impression d’une construction par étapes : si le réseau d’insulae à Avenches semble en effet établi vers 6/7 de notre ère (une date relativement tardive) il n’exclut pas la présence de traces résiduelles d’occupations antérieures, notamment funéraires. En revanche on discute toujours pour savoir si la ville a bien disposé d’un forum avant l’époque tibérienne, date de ses premiers éléments architecturaux68.

Le phénomène de municipalisation, c’est-à-dire de constitution, au sein des sociétés indigènes, de nouveaux processus d’autogouvernement qui se rapprochaient, étape par étape, des pratiques romaines, était évidemment parallèle à la construction des nouvelles capitales, réalisée sous l’égide de la noblesse traditionnelle et des bourgeoisies marchandes en plein essor. L’urbanisation, avec son cadre monumental qui a fasciné tant de générations d’érudits parce qu’elle était la trace de Rome, n’était nullement un prérequis à cette progressive évolution politique et sociale, elle n’en était que le marqueur culturel, la traduction matérielle et visible. Ou du moins pour partie.

Villes “romaines” ou villes “gauloises” ?

Il est évident, en effet, que l’analyse du processus de création urbaine dans les provinces nouvellement conquises s’est essentiellement focalisé, jusqu’à nos jours, sur l’appréhension des nouvelles formes architecturales des équipement publics et privés issus des pratiques méditerranéennes. Si l’adoption effective de ces modèles constitue une évidence, le phénomène qu’elle traduit reste toutefois ambigu. Qu’est-ce qui se cache, en effet, derrière ce nouveau décor, notamment en termes de population, mais aussi en termes de pratiques culturelles et sociales ? Un tel débat sur le processus de ce que nous appelons, d’un terme convenu, ambigu et discuté, la “Romanisation”, a jusqu’à présent peu touché l’archéologie continentale, alors qu’il est en plein essor en Grande-Bretagne. En témoigne par exemple un article récent de M. Pitts qui, après avoir discuté des différentes origines possibles de plusieurs villes nouvelles du sud-est de l’île, propose d’analyser leur matériel archéologique, notamment les fibules, opposant ce qui est typiquement romain et ce qui continue de caractériser le monde indigène69. Il en ressort une discussion stimulante qui montre des oppositions réelles entre plusieurs types de villes, les unes étant modelées par leur origine militaire, les autres non. L’auteur met aussi en évidence l’existence de populations différentes, parfois au sein d’un même espace urbain, toujours caractérisé par des formes urbanistiques marquées par les apports méditerranéens. Il montre, au passage, la persistance des liens culturels et commerciaux anciens entre le sud-est de la Britannia et la Belgica, bien plus importants, à son avis, même après la conquête claudienne, qu’avec l’axe rhénan. 

Certaines de ces conclusions peuvent sembler a priori évidentes, mais elles n’ont pas toujours été étayées, en France, et surtout pour l’époque romaine, par des études précises sur la culture matérielle et ses implications sociales, sauf de manière ponctuelle. On peut donc essayer de définir quelques pistes de recherche qui permettraient d’esquisser, de manière plus globale, le degré de “romanisation” de telle ou telle ville, notamment quand il s’agit de capitales de cités, censées être des vitrines et des vecteurs des nouvelles pratiques empruntées à la civilisation méditerranéenne. 

Il pourrait être en effet utile, dans une enquête comme celle que nous avons tenté de mener, de s’appuyer sur des considérations quantitatives concernant la fréquence et la nature de la monnaie en circulation dans les différents niveaux urbains, sur les contextes de découverte, sur l’évolution de cet usage dans le temps. Une comparaison site à site, en tenant compte des différences de statut entre les villes (d’origine militaire, coloniale, gauloise, créations ex nihilo) pourrait être riche d’enseignements. On pourrait dire évidemment la même chose de la céramique et du matériel amphorique ou, comme l’a proposé M. Pitts, des fibules. Mais il est d’autres “marqueurs” qu’il conviendrait de considérer, comme la consommation alimentaire, traduite à la fois par l’analyse des carporestes, quand on en a, et des animaux abattus. Malheureusement les études en ces domaines restent encore assez épisodiques et surtout limitées au hasard des trouvailles, des financements, des compétences, elles laissent rarement place à des synthèses régionales publiées permettant de confronter les données sur une vaste échelle. Enfin, il est un domaine essentiel qui, en raison de sa spécificité, est généralement considéré comme un excellent marqueur des traditions indigènes locales et des nouveautés introduites à l’époque romaine, c’est celui des rites funéraires. On sait combien ils peuvent varier d’un site à l’autre, témoigner d’influences croisées, y compris au sein même du monde italien, au point qu’il devient parfois difficile de parler de pratiques “romaines”. Je me permets de citer ici S. Martin-Kilcher qui concluait en ces termes un chapitre consacré aux tombes et rites funéraires dans l’Est de la Gaule : 

L’une des questions essentielles est celle des permanences et des changements qui affectent la manière de traiter les défunts depuis l’entrée de la Gaule dans l’empire Romain, un concept qu’on résume dans la notion de Romanisation et qui marque, plus généralement, un changement culturel. Savoir ce qui a déclenché ce changement culturel fait depuis longtemps l’objet d’un discours archéologique et sociologique …. On rappellera ici que plusieurs des usages funéraires considérés comme typiquement ‘romains’, l’offrande monétaire, la lampe, l’emploi des terres cuites, apparaissent, même si c’est de manière sporadique et sélective, dans les sépultures de la Tène moyenne et tardive… 

On doit reconnaître, en arrière plan, aussi bien des changements sociaux rapides que des évolutions progressives, nullement linéaires, induites par l’appartenance à l’Empire romain, par le renforcement des contacts avec le monde méditerranéen occidental et les nouveaux modèles apportés par les nouveaux arrivants. À cette dernière catégorie appartenaient aussi au début de l’Empire les militaires, mais on doit se souvenir que nombre de soldats étaient originaires de la Narbonnaise et de l’Italie du Nord, des contrées essentiellement celtiques… Enfin le mobilier funéraire est aussi révélateur des changements dans les modes de vie et la culture matérielle des vivants. Il est pourtant certain que des coutumes funéraires antérieures – différentes d’une région à l’autre – se sont maintenues ou ont été ré-interprétées. À mesure que se mettait en place le paysage provincial romain, les villes et les agglomérations secondaires connaissaient un développement différent, les tombeaux des grands propriétaires fonciers étaient souvent érigés sur les domaines ruraux, malgré les charges urbaines de leurs propriétaires. La dichotomie ville/campagne n’est donc pas simpliste.

Il serait intéressant de suivre une autre piste : jusqu’au milieu, voire jusqu’au troisième quart du Ier siècle après J.-C., l’héritage protohistorique apparaît encore de manière relativement claire, que ce soit dans l’implantation même du cimetière, dans la forme des tombes ou dans les rites. À partir de la période flavienne, on observe assez souvent des pratiques simplifiées, bien que régionalement très diversifiées, que l’on peut qualifier en un sens de gallo-romaines. Quel rôle joue dans ce processus de changement le déclin de l’ancienne aristocratie, après les rébellions de 68/69 ?70.

Une telle enquête “multivariée” et conduite dans une perspective sociologique n’était sans doute pas concevable dans le dossier que nous présentons ici et probablement n’est-elle pas mûre aujourd’hui en France. Je ne l’évoque ici, avec regret, que pour rappeler combien notre représentation mentale de la ville romaine repose encore, de manière presque exclusive, sur son aspect monumental et son évolution architecturale, tellement prégnants dans notre culture classique. 

On doit voir désormais A. Becker, G. Rasbach et al., Waldgirmes. Die Ausgrabungen in der spätaugusteischen Siedlung von Lahnau-Waldgirmes (1993-2009). 1. Befunde und Funde, Darmstadt, 2015.

Voir maintenant R. Hingley, Londinium: A Biography. Roman London from its Origins to the fifth Century, Londres-New York, 2018.

Notes

  1.  J. Ruiz de Arbulo, Simulacra Romae. Roma y la capitales provinciales del Occidente Europeo. Estudios Arqueologicos. Reunión celebrada en Tarragona, los días 12, 13, y 14 de diciembre del 2002, Tarragone, 2004. R. González Villaescusa, J. Ruiz de Arbulo, Simulacra Romae II. Rome, les capitales de province (capita provinciarum) et la création d’un espace commun européen. Une approche archéologique, Société archéologique champenoise 19, 2010. La question de l’urbanisation des nouvelles provinces romaines a généré une littérature démesurée, qu’il est hors de question de citer ici et je renonce d’avance à toute recherche d’exhaustivité. Je me contenterai de citer ici les titres et les sources qui m’ont paru nécessaires pour cette introduction.
  2. L. Revell, Roman Imperialism and local Identities, Cambridge, 2009. L’auteur, tout en cherchant à déconstruire cette approche, ou au moins à la dépasser, n’en reste pas moins largement tributaire de celle-ci. Il est vrai qu’elle se place au IIe siècle de notre ère, à un moment où la culture urbaine classique est, en effet, largement établie dans tout l’Empire, malgré d’incontestables identités régionales.
  3. Ces présupposés ont été particulièrement prégnants dans la tradition académique britannique. La rupture conceptuelle est récente et on doit citer à ce propos l’ouvrage essentiel de M. Millett, The Romanization of Roman Britain, Cambridge, 1990 (notamment p. 71 sqq.) J. Creighton, Britannia, The creation of a Roman province, Londres-New York, 2006 a pour sa part mis l’accent sur le rôle des élites indigènes dans le processus de création des premières civitates.
  4. Sur la conception cartographique des anciens à l’époque augustéenne et la politique de cet empereur, voir C. Nicolet, L’inventaire du monde : géographie et politique aux origines de l’Empire romain, Paris, 1988. Pour une révision du texte de Strabon décrivant la Gaule, voir C. Goudineau, “Les provinces de Gaule : problèmes d’histoire et de géographie”, in : C. Goudineau, Regard sur la Gaule, Paris, p. 311-324, 1998. 
  5. Dans un ouvrage fort vieilli et qui n’est heureusement plus guère lu, J.-J. Hatt, Histoire de la Gaule romaine, Paris, 1959, p. 91 exprimait une opinion alors très largement partagée par le monde académique : “Auguste semble avoir généralisé le principe de la prééminence d’une ville centrale, capitale de la cité. Ainsi l’administration pourrait disposer d’un centre permanent, où se trouveraient les intermédiaires entre le pouvoir central et les provinciaux. Il se produit à partir d’Auguste et dans toute la Gaule un transfert systématique des chefs-lieux de cités depuis l’oppidum primitif, siège de l’ancienne citadelle du temps de l’indépendance, dans la plaine”. J.-J. Hatt précisait toutefois un peu plus loin que ce mouvement n’avait été qu’amorcé sous Auguste.
  6. Sur l’usage que j’assume de ce terme aujourd’hui contesté et sur le sens que je lui donne, voir M. Reddé, “Avant-propos”, in : M. Reddé, P. Barral, F. Favory, J.-P. Guillaumet, M. Joly, J.-Y. Marc, P. Nouvel, L. Nuninger, C. Petit (éd.), Aspects de la Romanisation dans l’Est de la Gaule, Bibracte 21, 2011-I, p. 9 (n°35).
  7. L’idée initiale en revient à W. Van Andringa qui a assumé avec moi la coordination de ce dossier.
  8. À l’exception du cas de Vieille-Toulouse/Toulouse, étudié par P. Gardes dans le cadre d’une étude plus large sur le Sud-Ouest. 
  9. Cette vision d’un monde antique constitué d’un ensemble de cités sous l’autorité supérieure de la capitale de l’Empire est d’ailleurs bien celle qui était partagée par les Anciens eux-mêmes, comme le montre l’Éloge de Rome, un discours d’apparat prononcé par le rhéteur grec Aelius Aristide en 144 (L. Pernot, Aelius Aristide, Éloges grecs de Rome, Paris, 1997).
  10. M. Crawford, Roman Statutes, Londres, 1996, I, n°25.
  11. Ou à l’Ara Ubiorum pour les peuples de Germanie qui en relevaient.
  12. J. Scheid, “Aspects religieux de la municipalisation. Quelques réflexions générales”, in : M. Dondin-Payre, M.-T. Raepsaet-Charlier (éd.), Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain, Paris, 1999, p. 381-423.
  13. Sur le plan juridique, une ville pérégrine n’est donc pas “fondée” religieusement, selon le rite romain, et je préfère, en l’espèce parler plutôt de “création”, pour éviter la confusion. Celle-ci est entretenue, même dans les ouvrages spécialisés récents, comme par exemple celui de R. Laurence, S. Esmonde Cleary, G. Sears, The City in the Roman West (c. 250 BC-c. 250 AD, Cambridge, 2011, par ailleurs bien informé, sans doute parce que le modèle romuléen reste prégnant dans les esprits. J’y reviendrai plus loin.
  14. C. Coquelet, Les capitales de cité des provinces de Belgique et de Germanie. Étude urbanistique, Louvain, 2011, p. 20.
  15. On trouvera le point dans Y. Labaune, F. Meylan, “Bibracte et Autun au début de l’époque romaine. Pour un regard croisé sur l’urbanisme et l’architecture”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 105-128, et S. Mouton-Venault, A. Delor-Ahü, avec la collaboration de S. Alix, Y. Labaune et R.P. Symonds, “Faciès augustéens et tibériens d’après les ensembles de la fouille du faubourg d’Arroux, à Autun. D’une capitale à l’autre, de Bibracte à Autun… quelques traits remarquables du vaisselier”, in : SFECAG, Actes du Congrès de Poitiers, 2012, p. 551-570, ainsi que Y. Labaune, M. Kasprzyk et al., “Autun/Augustodunum, cité des Éduens”, in : M. Reddé et W. Van Andringa (dir.), La naissance des capitales de cités en Gaule chevelue, Dossier Gallia 72-1, 2015, p. 195-216.
  16. M. Szabó, L. Timar, D. Szabó, “La basilique de Bibracte ; un témoignage précoce de l’architecture romaine en Gaule centrale”, Archäologisches Korrespondenzblatt, 37-3, 2007, p. 389-408.
  17. J.-Y. Marc, “Un excès de la romanisation ? L’identification dans les villes gauloises de monuments civiques romains”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 309-317.
  18. I. Piso (éd.), Le forum vetus de Sarmizegetusa. I- L’archéologie, par R. Étienne, I. Piso, A. Diaconescu, Bucarest, 2006. L’identification de cet ensemble comme forum est controversée, certains tenant pour un bâtiment de principia militaires, mais, d’un strict point de vue formel, la différence architecturale est souvent difficile à mettre en évidence. 
  19. Sur la découverte de Bibracte, voir le Rapport intermédiaire 2014, en ligne sur le site de Bibracte.
  20. R. Villicich, I complessi forensi nei centri minori della Cisalpina romana, Bologne, 2007.
  21. G. Woolf, Becoming Roman. The origins of provincial civilization in Gaul, Cambridge, 1998, p. 110-111.
  22. J. Collis, “Centralisation et urbanisation dans l’Europe tempérée à l’âge du Fer”, in : S. Sievers, M. Schönfelder (éd.), Die Frage der Protourbanisation in der Eisenzeit. La question de la proto-urbanisation à l’âge du Fer, RGK Kolloquien zur Vor-und Frühgeschichte 16, Bonn, 2012, p. 1-14.
  23. S. Fichtl, La ville celtique. Les oppida de 150 av. J.-C. à 15 ap. J.-C., Paris, 2000.
  24. Rappelons que le terme latin d’oppidum, contrairement à ce qu’on affirme bien souvent, désigne une agglomération, quel que soit son statut politique effectif : il peut ainsi désigner, chez Pline l’Ancien, HN, 5.20, une colonie romaine, tout comme dans la lex MalacitanaCIL I2, 1964, 3, 62, ou dans la loi d’Urso, CIL I2, 594, 75,17, par exemple. Le terme n’est donc pas connoté avec la présence d’un rempart et pas réservé au monde barbare.
  25. R. Bedon, Les villes des trois Gaules, de César à Néron, dans leur contexte historique, territorial et politique, Paris, 1999, p. 130-131.
  26. P. Barral, P. Nouvel, “La dynamique d’urbanisation à la fin de l’âge du Fer dans le centre-est de la France,” in : Sievers, Schönfelder 2012 (note 22), p. 139-164.
  27. A. Colin, “Un murus gallicus du Ier siècle ap. J.-C. à Alésia, La Croix-Saint-Charles (Alise-Sainte-Reine, Côte-d’Or)”, in : S. Fichtl, Murus Celticus. Architecture et fonction des remparts de l’âge du Fer, Bibracte 19, 2010, p. 123-133.
  28. Pour une vision géographique plus large, voir les cartes publiées par N. Coquet, P. Barral, P. Nouvel, S. Izri, M. Joly, “Les agglomérations du nord-est de la Gaule. Bilan critique des données”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 75-90. 
  29. P. Barral, N. Coquet, S. Izri, M. Joly, P. Nouvel, “Langres et Champigny-lès-Langres (Haute-Marne) : un exemple de construction d’un pôle urbain à la fin de l’âge du Fer et au début du Haut-Empire”, Archaeologia Mosellana 9. Hommages à Jeannot Metzler, Luxembourg, 2014, p. 361-383.
  30. M. Kasprzyk, P. Nouvel, “Les mutations du réseau routier de la période laténienne au début de la période impériale. Apport des données archéologiques récentes”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 21-42.
  31. T. Dechezleprêtre, P. Toussaint, B. Bonaventure, “Nasium. De l’oppidum à l’agglomération gallo-romaine”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 129-142.
  32. Voir J. Morscheiser-Niedergall, “Trèves/Augusta Treverorum, cité des Trévires : les premiers temps de la ville”, in : Reddé, Van Andringa 2015 (note 15), p. 261-268.
  33. P. Henrich, J. Krier, “Der römische vicus Ricciacus /Dalheim (Luxemburg)”, in : A. Heising (éd.), Neue Forschungen zu zivilen Kleinsiedlungen (vici) in den römischen Nordwest-Provinzen. Akten der Tagung Lahr 21-23.10.2010, Bonn, 2013, p. 119-135.
  34. M.-N. Pascal, B. Saint-Jean Vitus, “Mise au jour d’un tronçon de la voie antique Chalon-sur-Saône-Autun”, in : Reddé et al. 2011 (note 6), p. 43.
  35. D. Bayard, “Amiens 1983-2003, un bilan vingt ans après Amiens romain”, in : Hanoune R. (dir.), Les villes romaines du Nord de la Gaule, Revue du nord Hors-Série 10, 2007, p. 11-42 (sc. p. 32).
  36. A. Vanderhoeven, “Das vorflavische Tongeren : Die früheste Entwicklung der Stadt anhand von Funden und Befunden”, in : Genese, Struktur und Entwicklung römischer Städte. Xantener Berichte, 9, 2001, p. 157-176.
  37. F. Verdin, M. Chataigneau, “Marcus Agrippa et l’Aquitaine”, Aquitania, 29, 2013, p. 69-104. Je remercie M. Monteil de m’avoir rappelé cette importante étude.
  38. Je rappelle que le terme de Comata pour désigner les Trois Gaules est toujours en usage dans le discours officiel de Claude devant le Sénat. Cf. P. Fabia, La Table claudienne de Lyon, Lyon, 1929, l. 71. 
  39.  Il existait en outre une liste des notables, que se fit communiquer Caligula pour les spolier, d’après Dion Cassius 59.22.3-4. 
  40. J. France, “L’impôt provincial dans l’Occident romain à travers l’exemple de l’Aquitaine et de l’Hispanie septentrionale”, in : F. Hurlet (dir.), Rome et l’Occident (IIe siècle av.J.-C. – IIe siècle apr. J.-C.), Rennes, 2009, p. 141-187. Cette opération de délimitation de territoires pérégrins et non romains se fait de manière globale, “per extremitatem”, c’est-à-dire par la limite territoriale, et non pas probablement assise foncière par assise foncière.
  41. Cum ille [—] conventum Narbone egit, census a tribus Galliis, quas Caesar pater vicerat actus.
  42. Fabia 1929 (note 39), l. 75-81.
  43. Que l’autel de Rome et d’Auguste ait déjà matériellement existé ou non constitue un autre débat complexe, souvent abordé, dans lequel il n’est pas indispensable d’entrer ici. Voir à ce sujet D. Fishwick, The Imperial Cult in the Latin West. Studies in the Ruler Cult of the Western Provinces of the Roman Empire, I,1, EPRO 108, Leyde-New-York-Copenhague-Cologne, 1987, p. 97-102. 
  44. P. Le Roux, “Regards augustéens sur les Gaules et la péninsule Ibérique ou le récit d’une construction provinciale”, in : Espagnes romaines. L’Empire dans ses provinces. Scripta Varia II, Rennes, 2014, p. 79-93.
  45. Le pluriel est évidemment un anachronisme de Dion Cassius pour la période qui nous occupe ici.
  46. C’est ainsi que je comprends ici le mot grec politeia, le sens de “citoyenneté” (“citizenship” dans la traduction Loeb) prêtant à mon sens à confusion.
  47. L’abandon a longtemps été fixé au moment de la défaite de Varus, en 9. Des observations récentes laissent penser à une réoccupation, au moins partielle, jusque vers la fin des campagnes de Germanicus, en 16 (A. Becker, “Germanicus und die Chatten. Waldgirmes und der Feldzug 15 n. Chr.”, Berichte der Kommission für archäologische Landesforschung in Hessen, 10, 2008-2009, p. 47-55.
  48. Sans doute Auguste lui-même ou un membre de la famille impériale. On a retrouvé la tête du cheval et un sabot.
  49. S. von Schnurbein, “Waldgirmes : une ville éphémère située en Germanie à l’est du Rhin”, in : P. Ouzoulias, L. Tranoy (éd.), Comment les Gaules devinrent romaines, Paris, 2010, p. 85-96.
  50. W. Eck, Köln in römischer Zeit. Geschichte einer Stadt im Rahmen des Imperium Romanum, Cologne, 2004.
  51. A. Schäfer, “Cologne, oppidum des Ubiens : l’urbanisme augustéen”, in : Reddé, Van Andringa 2015 (note 15), p. 269-284.
  52. A. Vanderhoeven, “Das vorflavische Tongeren : Die früheste Entwicklung der Stadt anhand von Funden und Befunden”, in : Genese, Struktur und Entwicklung römischer Städte. Xantener Berichte 9, 2001, p. 157-176.
  53. Dans un article récent consacré à l’ethnogenèse de la cité des Tongres, G. Raepsaet pense que le matériel datable des horizons du Hunerberg (Nimègue) et de Dangstetten, découvert dans les premiers niveaux de Liberchies et de Tongres, ne devrait plus être considéré comme résiduel mais comme fournissant la preuve d’une possible occupation avant 12 av. J.-C. (G. Raepsaet, “L’ethnogenèse de la civitas Tungrorum et la formation de la Province de Germanie”, L’antiquité classique, 82, 2013, p. 111-148, sc. p. 142). Ce n’est évidemment pas impossible, mais on sait combien il est difficile de dater, à 2/3 ans près, des niveaux archéologiques. G. Raepsaet reconnaît, au demeurant, que les débuts de Tongres (vers 10 ?) sont extrêmement modestes et se pose la question de savoir si, en 12, la cité était déjà constituée (p. 143-144). Si j’en reste pour ma part à la conclusion des fouilleurs de la Kielenstraat, c’est parce que l’ensemble de ce dossier montre que les débuts matériels des capitales étudiées s’inscrivent dans un contexte chronologique plus tardif qu’on ne l’a souvent pensé, sauf, naturellement, dans les cas avérés de continuité d’occupation, comme à Besançon, Langres, sans doute Bordeaux, et avec des cas spécifiques comme Sens. Mais, bien sûr, le débat existe ; il ne porte pas sur la présence militaire dans cette région avant 12 ni sur la nécessité pour l’armée d’avoir mis en place un dispositif préalable aux opérations de Drusus. Il n’est pas non plus absurde d’envisager qu’en Belgique le processus de mise en place des nouvelles agglomérations ait été plus directement dépendant de l’armée qu’en Gaule intérieure.
  54. K.-P. Goethert, “Un autel pour Rome et Auguste à Trèves. Une copie de l’autel de Lyon”, Monuments et Mémoires de la fondation Eugène Piot, 88, 2010, p. 83-92.
  55. Morscheiser 2015 (note 32).
  56. Schäfer 2015 (note 52).
  57. P. Leveau, “The western Provinces”, in : W. Scheidel, I. Morris, R. Saller, The Cambridge economic history of the Greco-Roman World, Cambridge, 2007, p. 651-670.
  58. La présence d’un, voire de plusieurs camps militaires tibéro-claudiens semble bien attestée par les découvertes de l’Unterstadt (Ville basse), ce qui ne préjuge pas de la date de construction effective du réseau viaire de la colonie et des premiers niveaux en bois de la ville (E. Deschler-Erb, M. Peter, S. Deschler-Erb, Das frühkaiserzeitliche Militärlager in der Kaiseraugster Unterstadt, Forschungen in Augst 12, 1991. Y-a-t-il eu une troupe sur place avant l’époque tibérienne ?
  59. H. Van Enckevort, E.N.A. Heirbaut, “Soldaten und Zivilisten. Frührömische Gräber aus Nijmegen”, in : S.Berke, T. Mattern, Römische Gräber augusteischer und tiberischer Zeit im Westen des Imperiums. Akten der Tagung vom 11. bis 14. November 2010 in Trier, Philippika 63, Wiesbaden, 2013, p. 109-122 ; H. Van Enckevort, E. N.A. Heirbaut, “Nijmegen, from Oppidum Batavorum to Ulpia Noviomagus, civitas of the Batavi,” in : Reddé, Van Andringa 2015 (note 15), p. 285-298. 
  60. La présence de militaria dans les niveaux précoces de certaines agglomérations pose un problème complexe qui ne peut être rouvert ici en quelques mots. J’en ai déjà traité à plusieurs reprises, soulignant que ces découvertes peuvent revêtir des significations très différentes, selon la nature du matériel effectivement découvert et selon les cas (M. Reddé, “Militaires romains en Gaule civile”, Cahiers Glotz, 20, 2009, p. 173-183, avec la bibliographie antérieure = n°25). Selon que l’on a affaire à des armes véritables ou à des éléments de harnachement, voire simplement de parure (notamment les fameuses fibules dites “militaires”), les conclusions peuvent être assez différentes. L’abondance même de ce mobilier doit constituer un élément de la réflexion. Dans le cas de Paris, souvent cité à la suite de l’article pionnier de M. Poux et S. Robin, on peut observer une présence très diffuse d’éléments assez hétérogènes dans des contextes successifs étalés dans le temps, ce qui, à mon sens, n’implique pas une origine militaire de la ville (M. Poux, S. Robin, “Les origines de Lutèce. Acquis chronologiques. Nouveaux indices d’une présence militaire à Paris, rive gauche”, Gallia, 2000, p. 181-225). Dans ce dossier, l’origine “militaire” de villes comme Angers ou Rennes peut sans doute être suspectée mais la certitude est difficile à établir en l’état actuel des connaissances. 
  61. D. Perring, “Two studies on Roman London : London’s military origins”, JRA, 24-1, 2011, p. 249-268.
  62. Creighton 2006 (note 3), p. 102. Je laisse de côté ici la question controversée de la place de Londres comme capitale provinciale, alors que la ville n’est pas une capitale de cité mais en a de facto toute la parure monumentale au IIe siècle. 
  63. Je modifie la traduction des Belles Lettres, plutôt imprécise en l’espèce. Il est évident que les 40 000 recrues ne viennent pas de la ville elle-même.
  64. Sur l’importance de l’aristocratie gauloise dans la levée et le commandement des troupes auxiliaires au début de l’Empire, voir M. Reddé, “L’armée romaine et les aristocrates Gaulois”, in : Honesta missione. Festschrift für Barbara Pferdehirt, Monographien RGZM 100, Mayence, 2014, p. 219-238 (=n°19).
  65. Il sera remplacé ultérieurement par le titre de flamen après la promotion coloniale. 
  66. Sur ce dossier complexe, bien connu des épigraphistes, on pourra lire la mise au point de R. Frei-Stolba, A. Bielman, H. Lieb, “Recherches sur les institutions de Nyon, Augst et Avenches”, in : M. Dondin-Payre, M.‑T. Raepsaet-Charlier, Cités, Municipes, Colonies, Paris, 1999, p. 29-95, sc. p. 73-77, avec la bibliographie antérieure.
  67. A. De Pury-Gysel, “Early Roman Aventicum and its origins: history of research, 1985-2010. part 1. Early Roman Aventicum and its origins”, JRA, 24-1, 2011, p. 7-46 ; M. Bossert, M. Fuchs, “De l’ancien sur le forum d’Avenches”, Bull. Assoc. Pro Aventico, 31, 1989, p. 12-105. 
  68. M. Pitts, “Reconsidering Britain’s first urban communities”, JRA, 27, 2014, p. 133-173.
  69.  S. Martin-Kilcher, “Tombes et rites funéraires en Gaule de l’Est de la fin de l’âge du Fer au début du Haut-Empire”, in Reddé et al. 2011 (note 6), p. 813-822. 
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EAN html : 9782356134899
ISBN html : 978-2-35613-489-9
ISBN pdf : 978-2-35613-490-5
ISSN : 2827-1912
Posté le 23/12/2022
27 p.
Code CLIL : 4117; 3385
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Comment citer

Reddé, Michel, “36. Les capitales des cités gauloises, simulacra Romae ?”, in : Reddé, Michel, Legiones, provincias, classes… Morceaux choisis, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 3, 2022, 503-530, [en ligne] https://una-editions.fr/36-les-capitales-des-cites-gauloises-simulacra-romae [consulté le 29/12/2022].
doi.org/10.46608/basic3.9782356134899.42
Illustration de couverture • Première• La porte nord du camp C d'Alésia, sur la montagne de Bussy en 1994 (fouille Ph. Barral / J. Bénard) (cliché R. Goguey) ;
Quatrième• Le site de Douch, dans l'oasis de Khargeh (Égypte) (cliché M. Reddé, 2012)
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