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5• Boulogne-sur-Mer dans le dispositif militaire de l’Empire romain

“Boulogne-sur-Mer dans le dispositif militaire de l’Empire romain”, in :
O. Blamangin, A. Demon, S. Révillion (éd.), Actualités de la recherche archéologique à Boulogne-sur-Mer, Revue du Nord Hors-série 22, 2014, p. 29-39.

Racontant la conquête de la Bretagne par Claude, en 43 de notre ère, Suétone (Claude, 17) nous en livre un récit picaresque : “Le Sénat lui ayant décerné les insignes du triomphe, il jugea ce titre un peu léger pour la majesté du prince et il voulut l’honneur d’un triomphe en bonne et due forme ; il jeta donc son dévolu sur la Bretagne, une conquête que personne n’avait entreprise depuis le Divin Jules, et où il y avait alors des troubles parce qu’on n’avait pas rendu des transfuges. S’embarquant à Ostie, il faillit faire naufrage deux fois, en raison d’un Circius violent, au large de la Ligurie puis en arrivant sur les Stoechades. C’est donc par voie de terre qu’il se rendit de Marseille à Gesoriacum pour effectuer la traversée <en Bretagne>. Sans le moindre petit combat, sans verser de sang, il reçut en quelques jours à peine la soumission d’une partie de l’Île et revint à Rome, six mois après, pour y recevoir un triomphe avec tout le décorum possible… Et, parmi les dépouilles de l’ennemi, il fit attacher une couronne navale au faîte de sa demeure du Palatin, symbole de sa traversée et, pour ainsi dire, de sa victoire sur l’Océan”1.

De ce récit destiné à ridiculiser un prince jusque-là effacé et peu populaire – on imagine sa majesté impériale à l’eau…. – on retiendra malgré tout les quelques éléments qui sont confortés par une narration, plus sérieuse et plus détaillée, de Dion Cassius (60.19-22). Ce dernier nous apprend en effet que la conquête avait déjà commencé, sous le commandement d’Aulus Plautius qui avait soumis le Sud-Est de la Bretagne jusqu’à la Tamise, lorsque Claude vint le rejoindre, empruntant en effet la voie maritime depuis Ostie, puis le grand axe des vallées du Rhône et de la Saône, avant de rejoindre sur l’océan un port qui n’est pas nommé. On devait plus tard y ériger un arc de triomphe, ainsi qu’à l’emplacement de son débarquement dans l’île (Richborough)2. Prenant alors (au moins nominalement) le commandement de l’armée, il traversa la Tamise et s’empara de Camulodunum (Colchester), ce qui lui valut d’être acclamé et salué par les soldats du titre d’imperator, étape indispensable à l’octroi du triomphe qu’il reçut à son retour à Rome, avec le titre officiel de Britannicus, “vainqueur des Bretons”. Comme Suétone indique que c’est à Boulogne que l’Empereur s’embarqua et que la ville fut ensuite le port d’attache et le cantonnement de la classis Britannica, on admet généralement que c’est de là que partit l’expédition militaire victorieuse. Ces deux récits ont ainsi, jusqu’à une époque récente, largement fossilisé notre vision des événements qui ont conduit la Bretagne à s’intégrer dans l’Empire et Boulogne à devenir la tête de pont continentale du trafic transmanche. La réalité est sans doute plus complexe.

Avant Claude

Les origines de Boulogne sont obscures : on glose en effet, depuis le XVIe siècle, sur l’identification de ce port avec le Portus Itius où César embarqua ses troupes pour sa seconde expédition dans l’île, en 54 av. J.-C. (BG, 5.2)3. À cette identification, qui ne repose en fait que sur l’analogie avec la situation que décrit Suétone pour les événements survenus un siècle plus tard, on a opposé de multiples propositions alternatives, parfois fort ingénieuses : en pure perte. Rien, en effet, ne vient nous assurer que Boulogne, qui dispose déjà de deux noms antiques attestés – Gesoriacum et Bononia – en portait aussi un troisième (Portus Itius), qu’on retrouve dans le toponyme d’Ition, un cap mentionné par Ptolémée un peu à l’ouest de la ville (2.9.1)4. Comme l’a fait à juste titre remarquer R. Delmaire, le texte du Géographe est entaché de tellement de difficultés, pour la Gaule du Nord, que cette localisation ne prouve rien5. Mais le dossier doit rester ouvert tant que l’archéologie n’aura pas mis en évidence l’existence d’un port protohistorique de La Tène finale, soit dans l’estuaire de la Liane, soit ailleurs. Il est prudent, pour l’instant, de ne pas s’aventurer plus loin.

La première mention littéraire probable de Boulogne remonte à l’année 4 de notre ère : elle figure dans une inscription grecque qui reproduit une lettre de Tibère aux habitants d’Aizanoi, en Phrygie, pour les remercier des félicitations qu’ils lui avaient adressées à l’occasion d’un événement important, probablement son adoption par Auguste (ILS 9463). Dans cette “Bononia de Gaule”, l’éditeur du texte, E. Kornemann, puis J. Heurgon ont reconnu le port de la Manche, de préférence à la ville homonyme de Cisalpine6, et cette opinion a depuis lors été adoptée. Elle s’impose d’autant plus qu’on connaît la présence de Tibère dans cette région grâce à une inscription de Bavay qui célèbre son arrivée triomphale (aduentus) dans la ville (CIL XIII, 3570). 

Que venait faire Tibère, à peine adopté, dans ces régions aux confins du monde ? Si l’on en croit le témoignage très explicite de Velleius Paterculus, qui l’accompagnait (2.104-106), cette tournée a précédé de très peu une grande offensive en Germanie du Nord, en 4-5 de notre ère. Menée à la fois par terre et par mer de manière à remonter les fleuves qui, comme la Weser et l’Elbe, pénètrent profondément au cœur du Barbaricum, elle mobilisait évidemment une flotte et l’on a parfois estimé que celle-ci avait d’abord été concentrée à Boulogne (Kornemann). L’hypothèse n’est pas absurde, puisque c’est dans cette région que César, une soixantaine d’années plus tôt, avait réuni sa flotte, mobilisée dans l’Ouest de la Gaule et sur la Seine pour l’expédition de Bretagne. C’est aussi au début de cette expédition que l’on relie la construction du camp et des installations navales de Fectio (Bunnik-Vechten), dans le delta du Rhin, non loin d’Utrecht, une région d’où l’on pouvait gagner facilement le Zuydersee par le canal de Drusus (fossa drusiana) puis, de là, monter sur la côte frisonne et au-delà. 

Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, d’autres raisons expliquent l’intérêt stratégique de cette région du Nord-Pas-de-Calais au début de l’époque romaine (fig. 1). 

La frontière de Germanie et le réseau routier du nord de la Gaule aux époques augustéenne et tibérienne.
Fig. 1. La frontière de Germanie et le réseau routier du nord de la Gaule aux époques augustéenne et tibérienne.

On souligne à juste titre l’importance du réseau d’Agrippa dans l’organisation augustéenne de la nouvelle province et, en particulier, de la voie qui, par Langres et Trèves, conduit jusqu’à Cologne (Strabon 4.6.11). Cette route stratégique n’est généralement datée que par référence aux deux séjours d’Agrippa en Gaule, le premier en 40-39, le second en 20-19, les historiens avançant tantôt l’une, tantôt l’autre date. Mais, compte tenu de ce que l’on sait de la suite des événements (la conquête de la Germanie), l’intérêt de cet itinéraire paraît évident à tout le monde. Qu’en est-il, en revanche, de la “voie de l’Océan”7 ? Quel est son intérêt à une époque où les poètes augustéens considèrent les Morins comme les extremi hominum, “les hommes du bout du monde” (Virgile, Aen., 8.727) ? Or, l’archéologie le montre aujourd’hui de manière surabondante, cette région a été l’objet d’une attention soutenue du pouvoir romain et dotée, très tôt, d’un important réseau routier. Celui-ci reliait d’un côté Boulogne au Bassin parisien puis à la vallée du Rhône ; d’un autre côté il le mettait en relation directe avec la vallée du Rhin, via Bavay et Tongres, par le sud, mais aussi et surtout par le trajet septentrional plus direct Cassel, Courtrai, Velzeke, Asse, Tierlemont, Tongres, tout au long duquel la présence de matériel augustéen de l’horizon de Haltern est bien attestée8. R. Delmaire avait donc bien raison de considérer comme un topos purement littéraire le fameux passage de Virgile sur les Morins, tout autant que la “peur” des soldats romains de s’embarquer pour la conquête de la Bretagne, sous Claude, telle qu’elle est nous est relatée par Dion Cassius (supra) ; de fait, R. Delmaire souligne à juste titre que cette région était, depuis l’âge du Fer, au carrefour d’une série de communications transrégionales et de relations commerciales qui faisaient du Pas-de-Calais un passage obligé vers l’île de Bretagne. Loin d’être interrompues par la conquête césarienne, ces relations continuèrent et s’amplifièrent. Boulogne en fut le port, donc l’aboutissement d’une série de routes qui menaient vers ces deux pôles économiques qu’étaient le marché méditerranéen, au sud, l’armée de Germanie, au nord9. Une situation qui remonte au tout début du Principat. 

Les historiens n’ont guère, à ce propos, assez pris au sérieux un bref passage de Dion Cassius (53.22) qui témoigne d’un projet augustéen de conquête de la Bretagne. Celui-ci fut en définitive ajourné, au motif que la Gaule avait alors besoin de toute l’attention du Prince. Les faits sont rapportés à l’année 27 avant notre ère. On a privilégié en revanche le témoignage de Strabon (4.5.3) qui, publiant son œuvre au début du règne de Tibère, explique que la conquête militaire de l’île ne s’imposait pas : “Actuellement, certains de leurs souverains ont établi des relations d’amitié avec César Auguste par des ambassadeurs et des services obligeants, ils ont consacré des offrandes au Capitole et ils ont mis toute leur île à la disposition des Romains. Outre cela, ils acceptent si facilement de payer de lourdes taxes sur les marchandises qu’ils exportent en Celtique et sur celles qu’ils en importent – gourmettes et colliers d’ivoire, gemmes d’ambre jaune, ustensiles de verre et autres menus objets du même genre – qu’il n’est pas nécessaire d’installer la moindre garnison sur l’île, tandis qu’il faudrait au moins une légion entière et de la cavalerie pour lever des impôts chez eux et la dépense nécessitée par l’entretien de la troupe atteindrait le même montant que le supplément de recettes escompté, d’autant plus que les taxes sur les marchandises diminuent nécessairement quand on institue des impôts. On s’exposerait également à des dangers s’il fallait recourir à la force”. Un passage des Res gestae diui Augusti (32) confirme cette affaire et cite le nom de deux rois10 : Tincomarus, qui fut chassé par ses sujets en 8 de notre ère, Dumnobellaunus, souverain des Trinovantes depuis 10-5 av. J.-C., expulsé, quelques années plus tard par son rival Cunobellinus11. Réexaminant l’ensemble du monnayage breton de cette période, mais aussi le matériel archéologique de différents sites archéologiques du sud-est de l’île, notamment celui de Fishbourne, J. Creighton a montré, de manière très convaincante, que les alliances politiques nouées à l’époque césarienne s’étaient muées en l’établissement de royaumes clients, sur le modèle de situations qu’on connaît bien ailleurs dans le monde méditerranéen, par exemple dans l’Égypte des derniers Ptolémées, dans le royaume de Juba II de Maurétanie, celui de Deiotarus ou, plus tard, dans celui des Nabatéens. Le sud-est de la Bretagne était donc déjà, de facto, une “province” romaine, avant même l’annexion officielle, et ce sont les vicissitudes des successions dynastiques locales, la plus ou moins grande proximité avec le pouvoir romain qui pouvaient provoquer des tentations d’intervention directe, comme celle qu’évoque Dion Cassius pour l’année 27 avant notre ère. On peut même aujourd’hui se demander si des troupes romaines n’étaient pas déjà présentes dans l’île avant la “conquête” claudienne12.

Il est donc bien clair que la construction d’une voie romaine aboutissant au détroit du Pas-de-Calais, avec un port à Boulogne, avait un sens politique et militaire. Cette région n’était pas un cul-de-sac, même si la Bretagne n’était pas encore officiellement “romaine”, et c’est dans cette perspective qu’il faut aussi comprendre l’importance de la voie reliant Boulogne à Cologne. C’est sans doute à elle que fait allusion un passage assez obscur de Florus (2.30) qui écrit, à propos de la conquête de la Germanie, commencée en 12 avant J.-C. que Drusus “Bormam et Gesoriacum pontibus iunxit classibusque firmavit 13”. Différentes interprétations ont été proposées pour ce texte du médiocre abréviateur de Tite-Live, malheureusement notre seule source pour les événements qui sont ici mentionnés. T. Mommsen, en son temps, identifiait Gesoriacum et Boulogne, “Borma” et Bonn, et comprenait que les “pontes” désignaient une route traversant les zones humides des Flandres maritimes14. Cet usage du mot latin est en effet courant15 et c’était déjà celui qu’employait César pour désigner ses travaux de voirie chez les Ménapiens : “[Menapiiin silvas paludesque confugiunt…. Caesar partitis copiis cum C. Fabio legato et M. Crasso quaestore effectis pontibus adit tripertito” (BG, 6.5 et 6). Ce sera plus tard celui de Tacite pour mentionner les ouvrages identiques de Caecina pendant la conquête de la Germanie (Ann., 1.61.1 ; 63.3). Longtemps cette opinion de Mommsen a été occultée par une brève mais brillante note de J. Heurgon qui croyait au contraire qu’il fallait voir dans la phrase de Florus les “artifices reconnus d’un style à effets”, avec un souci de parallélisme entre les expressions latines. Il faudrait ainsi traduire : “Il joignit par un pont (à l’autre rive) et fortifia par une flotte Bonn et Gesoriacum”. Soit deux ports, et dans chacun d’eux une flotte et un pont16. J’ai moi-même souscrit autrefois à cette opinion17, mais il faut bien reconnaître que nos nouvelles connaissances archéologiques et leur réinterprétation par J. Creighton redonnent beaucoup de crédibilité à l’interprétation initiale de T. Mommsen, reprise à son tour (mais sans grand écho) par N. Reed18. La maîtrise navale du Pas-de-Calais et la route Boulogne/Cologne n’étaient pas, pour l’armée romaine, un impératif défensif, mais logistique, dont Strabon, dans le texte mentionné ci-dessus, fournit d’ailleurs indirectement l’une des raisons. J’ai récemment souligné l’impossibilité qu’a eue pendant très longtemps l’armée stationnée en Germanie inférieure de se ravitailler sur place, notamment en céréales, une situation qui a duré probablement jusque dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’un système agricole suffisamment productif puisse se développer en Rhénanie19. La région du delta, mais aussi celle des Flandres maritimes étaient en effet peu propres à l’agriculture céréalière, comme l’ont souligné différentes études récentes20, plus propices, il est vrai, à l’élevage, mais de toute façon occupées, à cette époque, par une population marginale et peu nombreuse. Il fallait donc compter, pour ravitailler l’armée, sur les terres plus riches de la Picardie et de l’Île-de-France21, mais aussi sur celles, plus lointaines, de l’Ouest de la Gaule, sans compter évidemment sur celles du Centre-Est. Le ravitaillement à longue distance s’est fait par l’axe Rhône-Saône d’un côté, les routes terrestres et maritimes menant du Nord du Bassin parisien au Rhin, à travers la Belgique actuelle, ou le long de ses côtes, d’un autre côté. Boulogne a été le port le plus septentrional de ce trafic, au carrefour avec la voie maritime la plus courte vers les royaumes vassaux du Sud-Est de l’île de Bretagne. 

La conquête de la Bretagne et le rôle de la classis Britannica

Si l’année 43 constitue la date-clef de l’annexion de la Bretagne, la conquête, on le sait, fut planifiée dès 39, sous Caligula. Nos sources sur cette opération, Suétone (Caius, 46) et Dion Cassius (59.25), dépeignent volontiers la démence de l’Empereur et le caractère irrationnel de cette opération avortée, qu’il faut mettre en parallèle avec celle (réussie) qui devait aboutir à la prise de contrôle direct du royaume de Juba II de Maurétanie. Il est donc probable que ce sont les affaires internes des états-clients du Sud-Est de l’île qui, une fois de plus, devaient préoccuper le gouvernement romain et conduire à une intervention militaire. Il est hautement vraisemblable que les préparatifs de cette expédition ont concerné directement Boulogne, principal port de cette région depuis l’époque augustéenne au moins. Caius y fit d’ailleurs ériger un phare, probablement dans cette perspective (Suétone, Caius, 46). L’armée d’invasion fut formée avec des troupes prélevées sur la garnison de Germanie, les légions II, XV et XXII, renforcées par la VIIII Hispana, venue de Pannonie avec Aulus Plautius. S’y ajoutaient des unités auxiliaires, notamment des cohortes Bataves22. C’était donc une véritable armée, et il n’est pas certain que tous ces hommes (au moins 30 000 hommes) aient été concentrés en même temps au même endroit, ni qu’ils soient tous partis de Boulogne. Il existe sur ce point une surabondante littérature, qu’il n’est pas indispensable de citer ici23. Reste que cette expédition avait besoin d’une importante logistique qui ne pouvait venir, au moins dans un premier temps, que du continent. Il est probable que, là aussi, la route Cologne-Tongres-Boulogne a dû constituer le principal axe de circulation des troupes et que la classis Germanica a servi d’appui à l’opération, comme le pense M. Fulford24. Il est toutefois très improbable que le ravitaillement en blé ait pu provenir de la vallée du Rhin, pour les raisons qui ont déjà été mentionnées, et il paraît bien plus plausible que ce soit le Nord du Bassin parisien qui, dans un premier temps, ait servi de grenier au corps expéditionnaire. Pour le bétail, des études récentes montrent que l’approvisionnement a très tôt été fourni par les ressources locales, au prix, sans doute, de réquisitions forcées25. Une fois la garnison installée dans le pays, il est vraisemblable que la logistique militaire à travers la Manche a beaucoup baissé en volume, au moins pour ce qui concerne le ravitaillement “réglementaire”. Cette notion n’englobe pas les trafics laissés à l’initiative privée (l’huile, le vin, la céramique) dont la Gaule méridionale et l’Espagne étaient alors les principaux centres de production pour le marché militaire des frontières occidentales.

La conquête de la Bretagne est généralement considérée comme l’acte de naissance de la classis Britannica, installée de part et d’autre du détroit26. Les fouilles de C. Seillier à Boulogne ont eu le grand mérite de localiser le camp de la flotte dans la ville haute, au moins à partir du début du IIe siècle27 ; celles de B. Philp ont mis au jour la base navale installée de l’autre côté du détroit, à Douvres28. La nature, la force et la fonction de cette escadre restent toutefois un objet de débats. D’une manière générale, les sources épigraphiques dont nous disposons sur la marine romaine ne révèlent pas d’autres types de bâtiments que des “vaisseaux longs”, des galères à plusieurs rangs de rame, même si la propulsion était aussi à voile. Leur architecture, avec un ratio longueur/largeur d’environ 7:1, contre 4:1 pour les navires de charge, n’en faisait pas des navires spontanément voués au transport, sauf celui de troupes installées sur le pont, pour des trajets courts, toujours risqués en raison de la surcharge ainsi créée29. La seule inscription de Boulogne mentionnant un navire de guerre ne fait d’ailleurs état que d’une trière, baptisée “radians” (CIL XIII, 3564), mais c’est une situation que l’on retrouve en fait dans les autres escadres provinciales. Tacite signale aussi des liburnes, à deux rangs de rames (Agricola, 28).

À quoi les navires de guerre de la classis Britannica pouvaient-ils servir après l’invasion, alors qu’il n’existait plus aucune menace navale sérieuse dans ces mers30 ? On rappellera que ces bâtiments constituaient une importante projection de force à distance, à la fois dissuasive et tactique. On en a un bon exemple lors des opérations d’Agricola dans le Nord de l’Écosse, que décrit Tacite (Agricola, 39.3-4) : faisant le tour de l’île, la flotte prenait à revers les barbares, montrant le pavillon et débarquant au besoin en appui des troupes terrestres. Pendant toute la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, ce rôle militaire a certainement été le premier, mais il ne concerne que marginalement Boulogne, le théâtre des opérations s’étant déplacé loin du détroit. En revanche on doit aussi rappeler que le maintien d’une liaison permanente entre l’île et le continent constituait une mission régalienne. La classis Britannica était donc indispensable pour la traversée de tous les officiers civils et militaires en déplacement de service. En outre les galères, on l’a dit, étaient aptes au transport de troupes, notamment lors de l’envoi de renforts ou de vexillations dans un sens ou dans l’autre, ce qui ne veut pas dire qu’on n’utilisait pas aussi, à l’occasion, des navires de charge. On n’oubliera pas, pour finir, que les côtes de la Mer du Nord, peut-être aussi de la Manche, étaient de manière sporadique menacées par la piraterie des Chauques, un peuple germanique installé au-delà de la Frise. Tacite mentionne leurs raids sous Claude (Ann., 11.18), une situation qui prélude à celle du IIIe siècle. Une escadre dans le Pas-de-Calais n’était donc pas superflue, mais il est difficile d’estimer sa force exacte sans connaître les installations militaires, celle du camp d’abord, celle des navalia (le port de guerre) ensuite. B. Philp, à partir des fouilles de Douvres, estime la garnison à 700 hommes, alors que D. Breeze penche pour un nombre beaucoup plus réduit31. Quand on songe qu’une seule trière mobilisait autour de 200 hommes, on mesure que les unités stationnées de part et d’autre du Pas-de-Calais devaient se compter sur les doigts d’une ou deux mains. Cette situation, tout autant que le rayon d’action limité des galères, particulièrement dans ces mers difficiles, laisse penser que les missions de la flotte militaire, à partir de Boulogne, n’ont jamais dépassé la zone du détroit. Avec le développement du port de Londres et l’importance grandissante du commerce maritime direct entre la vallée du Rhin et l’estuaire de la Tamise, dont témoignent de nombreuses inscriptions de Germanie32 ainsi que l’important sanctuaire dédié à la déesse Nehalennia, aux bouches de l’Escaut33, la base navale de Gesoriacum, au IIe siècle de notre ère, était trop éloignée géographiquement pour assurer une protection efficace contre les nouvelles menaces maritimes qui allaient se développer à partir du règne de Marc-Aurèle. 

Piraterie, défenses côtières et flotte militaire de la fin du IIsiècle à l’Antiquité tardive

L’Histoire Auguste (Vita Did. Iul., 1.7-8) signale le rôle que le futur empereur Didius Iulianus, légat de Belgique vers 172-174 avant d’être consul suffect en 17534, joua contre les Chauques qui ravageaient sa province, sans aucun doute à la suite d’incursions effectuées depuis la mer, sur l’arrière du limes35. À cette occasion, le gouverneur arma à la hâte des troupes recrutées localement, au lieu de faire appel aux forces du légat de Germanie inférieure ou à la flotte de Boulogne, pourtant basée dans sa province mais sans doute trop éloignée. C’est de cette époque que date la première fortification côtière observée sur la côte des Flandres, celle de Maldegem-Vake, occupé pendant une ou deux saisons36. Cette politique d’implantation de défenses côtières fut poursuivie après le départ de Didius Iulianus avec la construction du fort d’Aardenburg, vers 175/180. D’autres sites le long de la côte comme celui de Walcherem-De Roompot, de Goedereede, de Monster-Poeldijk ont livré des indices d’une possible présence militaire, mais il ne s’agit là que d’hypothèses. Seul le castellum de Katwik-Brittenburg à l’embouchure du Rhin est bien attesté, mais il est aujourd’hui submergé et n’est connu que par des dessins anciens. Il semble très probable aujourd’hui qu’un système identique ait existé sur la côte britannique avec les forts de Brancaster, Caister-on-sea et Reculver, que les fouilles récentes datent antérieurement au début du IIIe siècle37

Pourquoi une telle politique de défenses côtières, avec des forces terrestres, au lieu d’une politique navale active contre la piraterie ? Il ne faut pas voir là une faiblesse spécifique de la marine militaire romaine, mais une constante technique dont il existe de très nombreux autres exemples non seulement dans l’Antiquité, en Méditerranée, mais jusqu’à l’époque moderne : sauf hasard heureux, il est à peu près impossible d’intercepter en mer des bâtiments rapides et légers qui peuvent débarquer rapidement à terre quelques dizaines d’hommes et razzier des territoires non défendus. La fortification des côtes constitue donc presque toujours la meilleure parade à ce type d’incursions38. Dans un tel contexte, le port de Boulogne n’avait pas de rôle naval majeur à jouer. Il continuait en revanche à assurer le transit entre les deux rives du détroit et c’est de là, probablement, que s’embarqua Septime Sévère pour son expédition britannique de 208, comme l’a rappelé R. Delmaire39, ce qui ne veut pas dire que toutes les unités issues de l’armée de Germanie soient passées par là car il est probable que la voie rhénane ait été largement utilisée40.

Après cette date on n’entend plus guère parler de Boulogne dans les sources jusque vers la fin du IIIe siècle. C. Seillier a observé dans l’emprise du camp un incendie qu’il date des troubles qui suivirent la mort de Postume, la série monétaire trouvée dans les fouilles se terminant par un antoninien de Claude II, frappé en 268-26941. Compte tenu de la faible ampleur des émissions monétaires après cette date, il ne peut s’agir là que d’un terminus post quem

Cette destruction de la base navale­ – à supposer qu’il ne s’agisse pas là d’un incendie local –doit-elle être mise en relation avec les problèmes internes de la Gaule à cette époque, une reprise des raids maritimes ou l’épisode de Carausius ? La question a été et est toujours extrêmement débattue, elle a généré une littérature foisonnante dans laquelle on a combiné des sources de toute nature et de toute période, ce qui ne rend pas la solution plus facile. 

La dernière mention épigraphique de la classis Britannica apparaît dans une inscription d’Arles, datée de Philippe l’Arabe (CIL XII, 686) mais l’entretien des casernements de Boulogne jusque vers la fin des années 260, au moins, atteste probablement son existence encore à cette époque. Les historiens sont aussi à peu près unanimes à considérer que le commandement dont Carausius eut la charge contre les pirates de la Manche et de la Mer du Nord s’appuyait sur une force navale, ce qu’attestent le témoignage d’Eutrope (9.21) et les séries monétaires figurant une galère frappées sous son règne42. Aurelius Victor laisse penser que cette flotte était nouvelle (Aurelius Victor, Caes., 39.20). Le Panégyrique de Constance (297) dit en revanche clairement que, lors de son usurpation, en 286, Carausius emmena avec lui en Bretagne la flotte qui défendait les Gaules et construisit de nouveaux navires sur le mode romain (Pan. Lat., 4.12). Ayant repris Boulogne en 290, il fut assiégé dans les murs de la ville par Constance qui bloqua par la même occasion le port en 293 (Pan. Lat., 4.6). Mais de quels murs s’agit-il ? Ceux de l’ancien camp de la Classis Britannica ou les nouveaux remparts installés sur le tracé de l’ancien fossé ? C. Seillier a certes retrouvé, dans la tranchée de fondation de l’enceinte du Bas-Empire, des imitations de Tetricus et un antoninien de Tetricus II pour le niveau de sol contemporain, mais cette découverte ne fournit rien d’autre qu’un terminus post quem pour la construction car ces monnaies ont circulé jusque sous la Tétrarchie43. Il n’est donc pas complétement sûr que la nouvelle muraille soit antérieure à 293, comme on l’écrit d’ordinaire, même si cette datation reste la plus probable. En revanche la restructuration interne des bâtiments semble montrer qu’il s’agit toujours de baraquements militaires, mais ils sont mal datés. On doit encore rappeler que la reprise de la Bretagne par Constance, en 297, nécessita aussi l’armement d’une nouvelle flotte, concentrée à Boulogne et dans l’estuaire de la Seine. L’Empereur lui-même s’embarqua à Gesoriacum (Pan. Lat., 4.13-14). On ne sait malheureusement pas ce que devint par la suite cette nouvelle escadre dont aucune source, au IVe siècle, ne témoigne plus. Le rôle portuaire de Bononia – nouveau nom de la ville – n’en subsista pas moins, en raison de sa position géographique près du détroit. La présence de Constant en 343, à la veille de son expédition de Bretagne, est attestée par le Code Théodosien (11.16, 5). C’est de là aussi que Lupicin s’embarqua en 360, non sans avoir au préalable réquisitionné des navires, ce qui semble indiquer l’absence d’une escadre militaire (Ammien 20.1-2)44.

Le plus paradoxal, dans ce contexte, est l’absence de Boulogne dans les listes de la Notitia Dignitatum consacrées aux défenses maritimes de ce qu’il est convenu d’appeler le litus saxonicum. Le terme, on le sait, provient de l’expression “in litore saxonico” qui se retrouve dans les titres des officiers commandant certains forts du tractus Armoricanus et Nervicanus et du duché de Belgique seconde, d’une part (Not. Occ., 37-38), l’existence d’un comes litoris Saxonici per Britanniam, d’autre part (Not. Occ., 28)45. Ce document très complexe qu’est la Notitia, compilé vers 425-430, associe des strates chronologiquement différentes, dont certaines font référence à des situations qui remontent parfois à la fin du IIIe siècle. Dans la mesure où les défenses côtières du Sud-Est de la Bretagne sont mieux identifiées que celles du Continent et ont souvent été associées à un développement de la piraterie maritime au moment de la crise de l’Empire pendant les années 250-280, on a parfois considéré qu’avait été créé (sous Aurélien ? sous Probus ? sous Carausius ?) un grand commandement militaire, à la fois terrestre et naval, sur les deux rives du détroit, pour protéger les côtes et la navigation (fig. 2). Pour d’autres, au contraire, le système se serait développé de manière progressive, une hypothèse que les fouilles les plus récentes semblent corroborer : on a vu, en effet, que différents forts avaient été construits, dès la fin du IIe siècle, sur la côte de Bretagne (notamment Reculver) et sur celle des Flandres. Ces derniers ne semblent plus avoir été en usage au moment de la crise de l’Empire et on ne connaît plus alors qu’un seul castellum à Oudenburg, près de l’ancien poste de Maldegem/Vake. Le site comprend plusieurs fortifications successives. Oudenburg II est daté entre Tetricus et le début du IVe siècle ; Oudenburg III semble avoir été construit à l’époque constantinienne et être resté occupé jusque vers 410. La nature militaire ou civile de l’enceinte est toutefois en question46

Forts du litus saxonicum.
Fig. 2. Forts du litus saxonicum.

La localisation des autres bases continentales du litus saxonicum est incertaine et elle repose pour une part sur d’imprécises ressemblances toponymiques ou de simples vraisemblances. La Notitia Dignitatum, notre unique source en la matière, mentionne essentiellement des garnisons de fantassins et parfois quelques flottilles, mais on ignore à quand remonte ce système. Pour nous en tenir ici à la zone proche de Boulogne, l’autorité du duc de Belgique seconde s’étend aux garnisons suivantes :

  • les equites Dalmatae à Marcisin litore SaxonicoMarcis n’est pas sérieusement localisé.
  • la classis Sambrica à Quartensi sive Hornensi, sous les ordres d’un préfet. On considère généralement, compte tenu du nom de la flotte qui mentionne sans doute la Somme (Samara), que l’escadre était basée vers l’embouchure de ce fleuve.
  • les milites Nerviens, Portu Aepatiaci, pour lesquels on a hésité entre Étaples et Oudenburg, sans qu’une troisième solution soit exclue. 

Ce dispositif semble tardif, car l’autre grand commandement côtier, sur le Continent, est confié à un dux Tractus Armoricani et Nervicani (supra), ce qui semble indiquer qu’à un moment donné le commandement était unifié sur toute la côte de la Manche et de la Mer du Nord, de l’Armorique à la cité des Nerviens, avant d’être scindé en deux et confié pour partie au duc de Belgique seconde. La date de ce premier système (antérieure à la création des duchés, sans doute une œuvre de la Tétrarchie dans ces régions ?) n’est pas connue avec précision. 

L’absence de Boulogne dans ce texte complexe qu’est la Notitia, alors que son existence est archéologiquement assurée, ne prouve évidemment pas que la ville n’avait plus aucune fonction navale et n’appartenait plus, comme par le passé, au dispositif militaire romain de cette région. Seule une archéologie minutieuse sera en mesure de nous apporter de nouveaux renseignements sur cette histoire complexe de Gesoriacum/Bononia qui fut pendant plusieurs siècles un chaînon essentiel des relations entre la Bretagne et la Gaule, au carrefour stratégiques des routes terrestres et maritimes de cette région

On pourra compléter la lecture de cet article par divers ouvrages récents sur Boulogne, notamment celui qui a été publié par O. Blamangin, A. Démon, C. Hoët-van Cauwenberghe (dir.), Boulogne-sur-Mer antique entre terre et mer. Gesoriacum/Bononia, le port et son arrière-pays, Lille, 2020 ; on lira plus particulièrement l’article de S.  Esmonde Cleary, “Les liaisons transmanche à l’époque antique, une perspective depuis les falaises blanches de Douvres”, p. 67-83 et celui de O. Blamangin, A. Démon, “Introduction. Gesoriacum-Bononia : un port commercial et militaire aux portes de la Britannia”, p. 29-41. Les fouilles récentes de Boulogne sous la cathédrale ont fourni d’importantes précisions sur la chronologie du camp de la flotte (voir O. Blamangin, Crypte de la basilique Notre-Dame, Inrap Hauts-de-France, 2019).

Sur la côte flamande, la classis germanica et la fossa Corbulonis, on lira J. De Bruin, “Connectivity in the south-western part of the Netherlands during the Roman period (AD 0-350)”, Analecta praehistorica Leidensia, 43/44, 2012, p. 145-156 ; Id., Border communities at the edge of the Roman Empire. Processes of change in the civitas Cananefatium, Amsterdam Archaeological Studies 28, 2019.

Sur les effectifs des flottes, M. Lavan, “The manpower of the Roman fleets”, JRA, 32, 2019, p. 183-200, a publié une étude argumentée qui propose un point de vue différent des estimations que j’avais avancées dans Reddé 1986 (note 17), p. 550-554.

Notes

  1.  Je donne ma propre traduction, de préférence à celle de l’édition des Belles Lettres. La “victoire sur l’Océan” appartient, n’en déplaise à Suétone, à la série des thèmes de la propagande impériale de cette époque, comme l’a bien montré F. Richard, Imperium Maris. Recherches sur les aspects idéologiques et religieux de la thalassocratie dans le monde hellénistique et romain, thèse de doctorat d’état, oct. 1994, Université de Paris IV.
  2. L’arc a été retrouvé. Cf. D. Strong, “The Monument”, in : B. Cunliffe, Fifth Report on the Excavation at the Roman Fort at Richborough, Kent, Report of the Research Committee of the Society of Antiquaries of London, 23, 1968, p. 40-73. Sur Richborough en général, voir désormais M. Millet et T. Wilmott, “Rethinking Richborough”, in : P. Wilson (éd.), The archaeology of Roman Towns. Studies in honour of J.S. Wacher, Oxford, 2003, p. 184-194.
  3. Pour la première campagne, on sait seulement que César était chez les Morins (BG, 4.21) et c’est par vraisemblance qu’on situe le port d’embarquement de la première campagne à l’emplacement de celui de la seconde.
  4. Sur les noms de Boulogne, on peut toujours lire J. Heurgon, “De Gesoriacum à Bononia”, in : Hommages Bidez-Cumont, col. Latomus, II, 1949, p. 127-133.
  5. En dernier lieu, voir R. Delmaire, Le Pas-de-Calais., CAG 62/1, Paris, 1994, p. 63, avec la mention de la bibliographie antérieure, que je renonce à citer.
  6. E. Kornemann, “Zu den Germanenkriegen unter Augustus”, Klio, IX, 1909, p. 422 ; J. Heurgon, “Les problèmes de Boulogne”, REA, 1948, p. 101-111.
  7. Sur ce point, on verra en particulier P. Leman, “Des Alpes à l’océan : la voie d’Agrippa et la voie orientale d’après les textes et l’archéologie”, Bulletin de la société des fouilles archéologiques et des monuments historiques de l’Yonne, 1988, p. 29-34. Cette route aboutit à Boulogne, comme en témoignent à la fois l’Itinéraire Antonin, la Table de Peutinger et les milliaires (Voir l’ensemble des sources au CIL XVII p. 192-197).
  8. H. Thoen, “Römische Militäranlagen im westbelgischen Raum. Ein Status Quaestionis”, in : B. Trier (éd.), Die römische Okkupation nördlich der Alpen zur Zeit des Augustus (Kolloquium Bergkamen 1989), Münster, 1991, p. 49-59. Pour les recherches récentes en France sur les villes du nord de la Gaule, notamment Arras et Bavay, je renvoie simplement à la synthèse récente dirigée par R. Hanoune, Les villes romaines du Nord de la Gaule, Revue du Nord Hors-Série 10, 2007.
  9. R. Delmaire, “La région Manche/mer du Nord dans l’espace politique et économique romain”, in : A. Lottin, J.-C. Hocquet, S. Lebecq (éd.), Les hommes et la mer dans l’Europe du Nord-Ouest : de l’Antiquité à nos jours, Revue du Nord Hors-série 1, 1986.
  10.  “Ad me supplices confugerunt reges… Britannorum Dumnobellaunus”.
  11. J. Creighton, Coins and Power in Late Iron Age Britain, Cambridge, 2000, p. 101-106.
  12. J. Creighton, Britannia. The creation of a Roman province, Londres-New York, 2006.
  13.  Les toponymes diffèrent selon les classes de manuscrits : on a tantôt Caesoriacum, tantôt Gesoriacum d’un côté, Bormam ou Bonam de l’autre. On suivra ici l’édition des Belles Lettres, identique à celle de Loeb.
  14. T. Mommsen, Römische Geschichte. V. Die Provinzen von Caesar bis Diocletian, Berlin, 1885, livre VIII, chap. 1, p. 28-29.
  15. Voir les exemples cités au Thesaurus Linguae Latinae, s.v. “pons”.
  16. J. Heurgon, “Encore un problème de Boulogne : le pont de Drusus”, REA, 51, 1949, p. 324-326.
  17. M. Reddé, Mare Nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’Empire romain, Rome, BEFAR 260, 1986, p. 273.
  18.   N. Reed, “Drusus and the ‘Classis Britannica’”, Historia, 24, 1975, p. 315-323. Si l’identification de Gesoriacum paraît assez bien assurée, celle de “Borma” reste en revanche très hypothétique. On sait que la classis Germanica eut sa base ultérieurement à Cologne, mais les nouvelles fouilles menées à cet endroit révèlent une fondation augusto-tibérienne (horizon post-Haltern). Cf. T. Fischer et N. Hanel, “Neue Forschungen zum Hauptstützpunkt der classis Germanica in Köln-Marienburg (Alteburg)”, Kölner Jahrbuch, 36, 2003, p. 567-585. 
  19. M. Reddé, “Ut eo terrore commeatus Gallia aduentantes interciperentur” (Tacite, Hist., V, 23). La Gaule intérieure et le ravitaillement de l’armée du Rhin, REA, 113, 2011-2, p. 489-509.
  20. L. Kooistra, Borderland Farming. Possibilities and Limitations of Farming in the Roman Period and Early Middle Ages between the Rhine and the Meuse. Amersfoort, ROB, 1996 ; C. Cavallo, L. I. Kooistra, M.K. Dütting, “Food supply to the Roman army in the Rhine Delta in the first century A.D.”, in : S. Stallibrass, Richard Thomas (éd.), Feeding the Roman Army. The Archaeology of Production and Supply in NW Europe, Oxford, 2008, p. 69-81. M. Groot, Excavations in Tiel-Passewaaij ; Animals in Ritual and Economy in a Frontier Community. Amsterdam Archaological Studies, 12, 2008 ; N. Roymans, T. Derks, “Studying Roman villa Landscapes in the 21st. Century. A multidimensional approach”, in : N. Roymans, T. Derks (éd.), Villa Landscapes in the Roman North. Economy, Culture and Lifestyles, Amsterdam, 2011, p. 1-44 ; D. Habermehl, “Exploring villa development in the Northern provinces of the Roman Empire”, ibid. p. 61-82. W. De Clercq, “Roman rural settlements in Flanders. Perspectives of a ‘non-villa’ landscape in extrema Galliarum”, ibid. p. 235-258.
  21. C. Haselgrove, “Reflections on the Iron Age background to the emergence of villa landscapes in northern France”, ibid. p. 45-60.
  22. P.A. Holder, The Roman Army in Britain, Londres, 1982.
  23.  Voir par exemple S. Frere, M. Fulford, “The Roman Invasion of A.D. 43”, Britannia, 31, 2001, p. 46-55.
  24. M. Fulford, “The Organization of Legionary Supply: the Claudian Invasion of Britain”, in : J. Brewer (éd.), Roman Fortresses and their Legions, Londres, Cardiff, 2000, p. 41-50. 
  25. R. Thomas, “Supply-chain networks and the Roman invasion of Britain: a case study from Alchester, Oxfordshire”, in : S. Stallibrass, R.Thomas (éd.), Feeding the Roman Army, op. cit., p. 31-51.
  26. Voir D. B. Saddington, “The Origin and Nature of the German and British Fleets”, Britannia, 21, 1990, p. 223-232 ; D.J.P. Mason, Roman Britain and the Roman Navy, Stroud/Charleston, SC, 2003.
  27. L’auteur a écrit de nombreuses synthèses. On verra en particulier les pages consacrées à la base navale dans la CAG 62-1, publiée en 1994 et “De Gesoriacum à Bononia : bilan de trente ans de recherches archéologiques à Boulogne-sur-Mer”, in : R. Hanoune, Les villes romaines du Nord de la Gaule, Revue du Nord Hors-Série10, 2007, p. 133-146. 
  28. B. Philp, The Excavation of the Roman Forts of the Classis Britannica at Dover, 1970-1977, Kent Monograph Series 3, Dover, 1981.
  29. M. Reddé 1986 (note 17), p. 386-399. 
  30. J’ai largement abordé cette question dans Reddé 1986 (note 17) et je me contente de rappeler ici brièvement quelques éléments clefs du problème. On pourra lire aussi avec intérêt l’analyse de B. Rankov, “Roman warships in the Mare externum”, in : M. M. Urteaga Artigas, M.J. Noain Maura (éd.), Mar exterior. El occidente atlantico en época romana, Rome, 2005, p. 61-70.
  31. D. Breeze, “Review of B. Philp (op. cit. note 28)”, Britannia, 14, 1983, p. 372-375. 
  32. M. Hassall, “Britain and the Rhine provinces: epigraphic evidence for Roman trade”, in : J. du Plat Taylor, H. Cleere (éd.), Roman Shipping and Trade: Britain and the Rhine provinces. CBA Research Report, 24, 1978, p. 41-48 ; A. Chastagnol, “Une firme de commerce maritime entre l’île de Bretagne et le continent gaulois à l’époque des Sévères”, ZPE, 43, 1981, p. 63-66 ; G. Milne, “Maritime traffic between the Rhine and Roman Britain: a preliminary note”, in : S. McGrail (éd.), Maritime Celts, Frisians and Saxons, CBA research Report, 71, 1990, p. 82-84 ; G. Raepsaet, M.-T. Raepsaet-Charlier, “Aspects de l’organisation du commerce de la céramique sigillée dans le nord de la Gaule aux IIe et IIIe siècles de notre ère”, Münstersche Beiträge zur antiken Handelsgeschichte, 8, 1988, p. 45-69 ; M. Dondin-Payre, X. Loriot, “Tiberianus Celerianus à Londres : Bellovaque et moritix,” L’Antiquité classique, 77, 2008, p. 127-169 ; T. Schmidts, Akteure und Organisation der Handelsschiffahrt in den nordwestlichen Provinzen des römischen Reiches, Monographien RGZM 97, 2011.
  33. P. Stuart, J.E. Bogaers, Nehalennia. Römische Steindenkmäler aus der Oosterschelde bei Colijnsplaat, Leyde, 2001.
  34. W. Eck, Die Statthalter der germanischen Provinzen vom 1.-3. Jahrhundert, Cologne, Bonn, 1985, p. 184-186.
  35.  Sur la piraterie de ces régions en général, voir M.-P. Detalle, La piraterie en Europe du Nord-Ouest à l’époque romaine, BAR Int. Ser. 1086, 2002.
  36. W. Dhaeze, “The Military occupation along the coasts of Gallia Belgica and Germania Inferior from ca. AD 170 to 275”, in : A. Morillo, N. Hanel, E. Martín (éd.), Limes XX. Congreso internacional de estudios sobre la frontera romana. XXth international Congress of Roman Frontier Studies, León (España), 2006. Anejo de Gladius 13, Madrid, 2009, p. 1231-1243 ; H. Thoen, “Maldegem/Vake”, in : M. Reddé, R. Brulet, R. Fellmann, J.K. Haalebos, S. von Schnurbein (éd.), L’architecture de la Gaule romaine. Les fortifications militaires, DAF 100, Paris-Bordeaux, 2006, p. 319-320, [en ligne] https://books.openedition.org/editionsmsh/22293 [consulté le 24/08/22].
  37. B. Philp, The Excavation of the Roman Fort at Reculver, Kent, Research Report Kent Monograph Series, 10, Dover, 2005.
  38. Sur cet aspect de la défense côtière et de la lutte contre la piraterie, M. Reddé 1986 (note 17), notamment p. 412-416 ; on observe clairement, de nos jours, une recrudescence de la piraterie côtière, notamment dans l’Océan Indien, l’impuissance des marines modernes à y faire face en haute mer, et la lente et difficile conversion à une politique active contre les bases de départ des pirates, à terre. 
  39. Delmaire 1986 (note 9), p. 159 ; CAG 62/1, p. 212, notice 10. On mentionnera dans ce contexte la réparation des routes menant à Gesoriacumqu’atteste désormais, pour cette période, le nouveau milliaire de Desvres, entre Thérouanne et Boulogne. Voir C. Hoët-van Cauwenberghe, J. Arce, “Borne milliaire de l’Empereur Septime Sévère et de ses fils trouvée à Desvres (Pas-de-Calais)”, Revue du Nord, 86, 2004, p. 7-17. 
  40. J’ai fait autrefois observer que des tuiles de la VIIIe légion de Strasbourg se retrouvent en différents sites du Rhin inférieur, jusqu’à l’embouchure, ce qui implique probablement l’existence de dépôts permanents le long du fleuve (M. Reddé, “Sur quelques tuiles de la VIIIe légion à Xanten”, in : R. Bedon, P.-M. Martin (éd.), Mélanges R. Chevallier, 2, Caesarodunum 29, Tours, 1995, p. 205-212). La VIIIe légion est d’ailleurs bien connue pour avoir participé à l’expédition de Septime Sévère en Bretagne ; un bateau qui transportait ses hommes a fait naufrage dans la baie de South Shields à l’extrémité orientale du mur d’Hadrien, où l’un de ses boucliers a été identifié. Voir sur ce point P. Bidwell, “A probable Roman shipwreck on the Herd Sandat South Shields”, The Arbeia Journal, 6-7, 1997-98 (2001), p. 1-23.
  41.  C. Seillier, “Boulogne-sur-Mer”, in : M. Reddé et al. 2006 (note 36), p. 238-241.
  42. RIC V, 2, British Empire, passim (par exemple n°221, 264, 560…). 
  43.  C. Seillier in : CAG 62/1, p. 222-224.
  44. M. Reddé 1986 (note 17), p. 625-628.
  45. La littérature érudite consacrée à ce système défensif étant foisonnante, on se contentera de citer ici le guide édité à l’occasion du Congrès du Limes de 1989 par V. Maxfield, The Saxon Shore. A Handbook, Exeter, 1989 et la contribution de R. Brulet in : M. Reddé et al. 2006 (note 36), p. 56-59.
  46.  J. Mertens, “Oudenburg”, in : M. Reddé et al. 2006 (note 36), p. 362-364 ; S. Vanhoutte, “The Saxon Shore Fort at Oudenburg (Belgium): New Excavation Results”, in : A. Morillo et al. (éd.), Limes XX, op. cit. p. 1383-1392.
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EAN html : 9782356134899
ISBN html : 978-2-35613-489-9
ISBN pdf : 978-2-35613-490-5
ISSN : 2827-1912
Posté le 23/12/2022
13 p.
Code CLIL : 4117; 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Reddé, Michel, “5. Boulogne-sur-Mer dans le dispositif militaire de l’Empire romain”, in : Reddé, Michel, Legiones, provincias, classes… Morceaux choisis, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 3, 2022, 53-66, [en ligne] https://una-editions.fr/5-boulogne-sur-mer-dans-le-dispositif-militaire-de-lempire-romain [consulté le 01/12/2022].
10.46608/basic3.9782356134899.7
Illustration de couverture • Première• La porte nord du camp C d'Alésia, sur la montagne de Bussy en 1994 (fouille Ph. Barral / J. Bénard) (cliché R. Goguey) ;
Quatrième• Le site de Douch, dans l'oasis de Khargeh (Égypte) (cliché M. Reddé, 2012)
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