Extrait adapté et augmenté de D. Breeze, M. Reddé, Frontiers of
the Roman Empire. Frontières de l’Empire romain. The Roman Frontier
in Egypt. La frontière romaine en Égypte, The Vincolanda Trust, 2021.
Y a-t-il une frontière romaine en Égypte ? La question pourra paraître curieuse à toute personne qui ne connaît pas ce pays à la géographie si particulière. Sur 850 km, entre la pointe méridionale du delta (mod. Le Caire) et la 1ère cataracte, près de Syène (mod. Assouan), la vallée du Nil, bordée par le désert, ne dépasse guère 20/25 km en largeur : elle est même réduite à 3 ou 4 km dans sa partie méridionale (fig. 1). Seul le delta offre de plus vastes espaces agricoles. C’est essentiellement dans ces deux zones humides, fertilisées chaque année par la crue du fleuve, que se concentrait une population d’environ 7,5 millions d’habitants, sans compter Alexandrie, un chiffre très élevé pour l’Antiquité (Flavius Josèphe, BJ, 2.16.385)1. Tout le reste du pays est aride et protégé par de vastes déserts. Vers l’ouest, ils sont à peu près infranchissables sauf près de la côte méditerranéenne, comme l’ont illustré les combats de la seconde guerre mondiale. Du côté de la Libye, on rencontre, il est vrai, un chapelet d’oasis fertiles, mais isolées de la vallée, que les Anciens comparaient volontiers à des îles au milieu de la mer (Strabon 17.5.791). Du côté du Sinaï, seule la voie côtière permet d’accéder aisément en Palestine. Elle fut, à maintes reprises au cours de l’histoire, une voie d’invasion, dans un sens ou dans l’autre. À l’est du Nil, et notamment à hauteur de la moyenne vallée, le désert est différent : sa géologie, marquée par des plissements montagneux dans le secteur proche de la Mer rouge, fournit d’importantes ressources minières (or, émeraudes, galène…), exploitées depuis l’époque pharaonique, et des carrières de pierres nobles dont les grands programmes urbanistiques de Rome allaient bénéficier. C’est aussi une zone d’accès plus aisé, parcouru de vallées dans lesquelles existent des points d’eau, et une voie de passage entre l’Inde, le golfe persique, la corne de l’Afrique, le Yémen, des terres d’aromates, d’épices et de bois précieux, vers le Nil et le marché méditerranéen. Ce secteur, économiquement très important, ne pouvait évidemment être négligé. Enfin, au sud de la première cataracte, à Assouan, la vallée, réduite à un étroit ruban, donnait accès à la Nubie et au royaume de Méroë, souvent hostile. De ce côté, il fallait se protéger.
On conçoit, dès lors, que l’Égypte romaine n’ait jamais mis en place un limes, comme on en connaît en Europe. Déjà le géographe grec Strabon, au début de l’ère chrétienne, affirmait que le pays était protégé naturellement par de vastes déserts (17.53) ; alors que les provinces limitrophes, sous l’Empire, étaient entre les mains de Rome, les menaces extérieures, assez réduites au demeurant, ne pouvaient venir que du sud. Mais il y avait aussi des menaces intérieures, d’une autre nature : Alexandrie d’abord, ville populeuse et remuante, traversée par des fractures ethniques et religieuses, avec une importante communauté juive, où les troubles étaient fréquents ; les grandes villes de la vallée, notamment Thèbes, qu’il fallait surveiller ; mais aussi les nomades du désert oriental, dont on voit croître le caractère agressif dès la fin du Ier siècle ap. J.-C. et qui constituèrent une véritable menace vers la fin du IIIe siècle, au point de s’emparer de Koptos, dans la vallée, vers 280. On comprend donc quelles étaient les missions de l’armée romaine d’Égypte : contrôler ce pays fertile, principal grenier à blé de Rome, vital pour le pouvoir impérial ; surveiller Alexandrie et les villes les plus remuantes ; organiser l’exploitation du désert oriental et y assurer la sécurité; enfin, protéger la frontière méridionale.
“J’ai ajouté l’Égypte à l’Empire du peuple romain”, écrit Auguste dans son testament (Res Gestae, 27). Du point de vue politique et administratif, l’Égypte, conquise en 30 av. J.-C, constituait une province particulière où l’Empereur – un magistrat, aux yeux de ses concitoyens – était considéré par les Égyptiens comme un pharaon, successeur de ceux qui avaient gouverné le pays. Il y disposait donc de pouvoirs spécifiques, comme si la province constituait, de facto, une possession privée, ce qui, en droit strict, était loin d’être le cas. Les offices civils et militaires étaient donc occupés par des “ procurateurs ” chevaliers qui agissaient au nom de César Auguste. Ainsi les légions étaient-elles commandées par des préfets équestres, non par des légats sénateurs, les membres du Sénat ne pouvant pénétrer en Égypte sans autorisation impériale pour éviter toute usurpation. L’armée romaine fut donc, très tôt, la colonne vertébrale du pouvoir dans ce pays, et impliquée dans son système administratif complexe.
Cette implantation géographique si particulière explique aussi l’histoire d’une recherche qui est actuellement en profond renouvellement. Au pays des pharaons, l’étude archéologique des vestiges romains reste un objectif secondaire ; dans la vallée et le delta, d’ailleurs, on les connaît fort mal et leur localisation même est le plus souvent difficile, quand bien même ils n’ont pas été détruits par le développement urbanistique ancien ou récent. En Nubie, la création du barrage d’Assouan a fait disparaître pour toujours les postes militaires romains qui n’ont à peu près jamais été fouillés. Longtemps donc, le socle de nos connaissances sur l’armée romaine d’Égypte a été constitué par la masse imposante et exceptionnelle de la documentation papyrologique qui fournissait des renseignements inaccessibles ailleurs. Depuis une trentaine d’années, en revanche, l’ouverture du désert oriental a permis à différentes missions étrangères de travailler sur un grand nombre de sites jusqu’alors peu ou mal documentés, de sorte qu’on peut aujourd’hui en proposer un bilan archéologique, dont l’importance scientifique est considérable, mais qui donne aussi une image déformée de la réalité en focalisant l’intérêt sur un secteur particulier. Ce renouvellement est d’autant plus intense qu’il s’accompagne de la collecte d’une documentation écrite nouvelle, les ostraca, des textes très divers rédigés sur des tessons d’amphores. Issus des bureaux militaires, ils documentent différents aspects de la vie quotidienne des postes (tours de garde, états d’effectifs, journaux de poste, laissez-passer, lettres diverses…), souvent différents de ceux qu’on rencontre sur papyrus. L’énormité de ce matériel (plus de 15 000 textes nouveaux !), dont l’étude suppose une formation philologique très spécialisée et fort rare, entraîne naturellement une vision très neuve du rôle et des tâches quotidiennes de l’armée romaine d’Égypte. Reste à se demander, comme toujours, si ces informations peuvent s’appliquer à d’autres provinces de l’Empire. Nous aurons, à plusieurs reprises, à en donner quelques exemples.
La garnison
Un passage de Strabon (17.1.12 et 30) nous apprend que la garnison était, sous Auguste, de 3 légions, 9 cohortes, 3 ailes. De ces trois légions, l’une semble avoir été alors à Alexandrie, l’autre à Babylone (Le Vieux-Caire), la troisième à Thèbes (Luxor), mais il n’en restait plus que deux en 23 après J.-C., casernées à Alexandrie, dans le double camp de Nicopolis (Tacite, Ann., 4.5). Il s’agit de la XXII Deiotariana et de la III Cyrenaica. Des neuf cohortes, trois gardaient le verrou de Syène (Assouan), les autres étaient réparties dans le pays, ainsi que les ailes, sans que nous ayons de plus amples indications2. La garnison légionnaire devait encore être réduite à une unité, au plus tard sous Hadrien : dès 106, semble-t-il, la III Cyrenaica est présente en Arabie (act. Jordanie) lors de la conquête du royaume Nabatéen. On trouve à sa place, à partir de 127, une nouvelle légion formée par Trajan, la II Traiana Fortis, tandis que la vieille XXII Deiotariana disparaît sans laisser de traces, peut-être pendant la seconde révolte juive de 132-135, voire dès le début des années 120, pour certains auteurs3.
Cette réduction des effectifs légionnaires a-t-elle été compensée par l’augmentation des unités auxiliaires ? Nous ne disposons que d’un petit nombre de diplômes militaires pour suivre cette évolution qui reste incertaine dans le détail. En 89 ap. J.-C. sont comptées 3 ailes et 7 cohortes (CIL XVI, 29). Parmi ces dernières, trois protégeaient toujours Syène et comprenaient des éléments montés. On ne sait en revanche si l’ala Apriana, probablement en place depuis Auguste, était toujours là puisqu’on la retrouve en Thébaïde sous Trajan. Un autre diplôme de 105 (RMD I, 9)4 mentionne encore 3 ailes et 7 cohortes, ce qui implique une stabilité numérique de la garnison depuis l’époque augustéenne. En 156/61 (CIL XVI, 184), on note en revanche une augmentation des effectifs (4 ailes et 12 cohortes), qui redescendent respectivement à 4 et 9 en 179 (RMD 185). Aucune unité milliaire n’est connue, mais nombre de cohortes étant montées, les effectifs auxiliaires devaient osciller, vers le milieu du IIe siècle, entre 9000 et 10 000 hommes, dont un gros tiers de cavaliers, alors que l’unique légion d’Alexandrie représentait à peu près la moitié de cette force. Au total, on assiste donc à une sérieuse diminution des effectifs globaux au sein de l’armée romaine d’Égypte, passée de 21 000/22 000 hommes à 14 000/15 000 entre l’époque augustéenne et le règne d’Antonin5. L’évolution ultérieure est difficile à cerner précisément, faute de documentation.
À ces forces terrestres venait s’ajouter une marine. La classis Alexandrina, basée à Alexandrie, reste toutefois assez mal connue6. Bien qu’on n’ait guère de témoignage de son existence avant Claude, on admet généralement que cette escadre a pris la succession de la flotte de guerre lagide. Ses missions étaient à la fois militaires et policières : assurer le contrôle de la Méditerranée sur le littoral africain – on trouve sa présence jusqu’à Cherchel, en Algérie – et au Levant, le long des côtes de Palestine, transporter éventuellement des troupes, du matériel, de grands officiers, participer aussi aux opérations militaires du front d’Orient. En revanche, on ne trouve pas sa trace sur la Mer Rouge, pourtant infestée de pirates, surtout au sud, même si ce peut être lacune de nos sources. Il fallait aussi assurer la surveillance intérieure sur le Nil, une mission que les Lagides avaient confiée aux Juifs et qui avait été maintenue par les premiers empereurs. Il n’est pas certain que cette situation ait continué au IIe siècle de notre ère, mais on n’a pas non plus de preuve que la classis Alexandrina ait opéré sur le fleuve ni assuré le contrôle traditionnel des convois de blé par voie d’eau, pour lesquels ce sont surtout des légionnaires que l’on rencontre.
Le recrutement légionnaire montre peu de soldats originaires d’Italie, même au début de l’Empire (8 %). L’ensemble des documents disponibles laisse percevoir, dans le courant du Ier siècle ap. J.-C. une majorité relative de Galates (44 %) et d’Égyptiens, sans doute issus des trois cités grecques (13 %). Après 110 ap. J.-C., on observe un fort recrutement africain (50 %), de Syriens (12 %), d’ex castris (fils de soldats ; 14 %), ces chiffres devant être considérés avec prudence7. On a plus de mal à préciser les grandes tendances du recrutement des auxiliaires. On constate, ponctuellement, quelques faits saillants, comme l’abondance des noms Daces ou Thraces dans les postes qui jalonnent la route de Myos Hormos, vers la fin du Ier siècle ou le début du second8. Un papyrus de septembre 117 signale le recrutement de 126 hommes originaires d’Asie au sein de la cohorte I Augusta Lusitanorum, mais il doit s’agir d’un événement exceptionnel (RMR 74). Un autre, daté entre 193 et 197, précise l’origo et l’année de recrutement d’une série de soldats : on y trouve pour l’essentiel des Égyptiens et des soldats nés dans les camps, une pratique normale pour cette époque (RMR 39). Quant aux marins, ils semblent avoir été recrutés localement, dès l’origine.
La répartition des troupes sur le territoire
Vers le milieu du second siècle, les deux tiers de la garnison d’Égypte semblent s’être trouvés en Haute-Égypte et dans le désert oriental. L’emplacement, même approximatif, des différents castella auxiliaires est en revanche très mal connu, faute d’information archéologique et d’inscriptions lapidaires, malgré une abondante documentation papyrologique qui révèle nombre de militaires isolés, détachés pour des tâches de contrôle policier ou d’administration. On perçoit par exemple l’importance du rôle des centurions légionnaires régulièrement postés dans les métropoles à travers les pétitions que leur adresse la population civile en cas de violences ou de fraudes9. Cette profusion d’informations ne doit pas conduire à penser qu’on a dans chaque cas l’indice d’un poste militaire doté d’un système défensif. En outre, on ignore à peu près tout de l’existence potentielle de très petits cantonnements non fortifiés dans les nomes, voire de logements chez l’habitant, une pratique courante en Orient.
S’agissant des véritables castra, on sait par la documentation papyrologique que le grand camp de Nicopolis (Alexandrie) a hébergé successivement plusieurs unités auxiliaires à côté de la légion, au IIe siècle, ainsi naturellement que la région de Syène, sans pour autant que nous ayons beaucoup d’informations archéologiques modernes. De même, à la pointe sud du delta, Babylone (Le Vieux-Caire) a sans doute continué d’abriter une garnison auxiliaire après l’époque augustéenne. Le camp de Coptos, au départ des deux routes vers les ports de Myos Hormos et de Bérénice, sur la Mer Rouge n’est pas précisément localisé mais son existence est assurée. Il a été occupé de manière durable par l’ala Vocontiorum dès le Ier siècle de notre ère jusqu’à son remplacement par l’ala Thracum Herculiana, entre 183 et 185. On en soupçonne un autre à Qena, au départ de la route qui mène vers les carrières du Porphyrites et du Claudianus, mais d’autres hypothèses sont possibles. Il devait aussi y avoir un castellum sur la rive droite en face d’Edfou, à Contrapollinopolis maior ; on a aussi suggéré Esna (Latopolis), où a été découverte une importante documentation relative à l’armée. Thèbes (Louqsor) a dû conserver son camp, proche du grand temple d’Ammon. Il est probable que le fertile Fayoum a aussi reçu une garnison. En Nubie, une tablette (P. Mich, 7.436) évoque les hiberna (camp permanent) de la cohors II Ituraeorum à Pselkis, en 138. Dans le désert libyque, en revanche, on ne connaît pas de troupe avant 213 (P.Köln, 2.94), puisque l’ala Apriana est désormais cantonnée dans l’oasis minor (Bahariyah), et surtout à partir de Dioclétien.
La documentation archéologique récente ainsi que les milliers d’ostraca découverts dans le désert oriental révèlent en revanche l’existence d’un réseau dense d’avant-postes, essentiellement dans le désert oriental mais aussi en Nubie10. Il ne s’agit pas de castraou de castella comme on en connaît sur les frontières d’Europe, occupés par une unité constituée, mais de petits fortins appelés praesidia dans les ostraca. Destinés à contrôler les mines, les carrières et les points d’eau, ils étaient gardés par des détachements de soldats venus de la vallée pour un temps donné, ce qui fait que les garnisons cantonnées près du Nil étaient en permanence dispersées dans les avant-postes du désert, une particularité de l’armée d’Égypte. Un ostracon du praesidium de Didymoi, sur la route Coptos-Bérénice (O. Did., 350, fin du Ier siècle) montre ainsi que deux camarades de la même cohorte avaient été expédiés dans des praesidiavoisins. Un autre mentionne sur place des hommes probablement issus de six unités différentes (O. Did., 70)11.
La Nubie
Entre Syène, frontière méridionale de la province, et Hierasykaminos s’étendait une zone-tampon avec le royaume de Méroë, appelée le Dodédaschène. Il convenait de la contrôler, mais aussi de protéger la vallée contre les incursions des nomades Blemmyes qui pouvaient aisément pénétrer par le wadi Allaqui, sur la rive droite. Une bonne illustration de cette tâche de surveillance quotidienne est fournie par un ostracon du Claudianus, qui rapporte notamment ceci, vers 150 ap. J.-C. (O. Claud. 7309)12 : “Longinus Priscus, curateur du praesidium de Parambola (“le camp”) en Dodécaschène, écrit que, en …ant le praesidium … le 9 Pharmouthi, il a aperçu, sur la rive arabique, de l’autre côté (du Nil), 5 Barbares et deux chameaux faisant provision d’eau au bord du fleuve et se dirigeant vers l’aval. En conséquence de quoi, il a écrit à la rive d’aval de les surveiller”. L’épisode est minuscule, mais tout est noté et archivé, communiqué même à très longue distance. On observera avec intérêt l’usage dans ce texte grec du mot latin ripa et de son emploi pour désigner ce qui apparaît ici comme une véritable ligne de défense fluviale.
De fait, on connaît, sur la rive occidentale du Nil, une série d’avant-postes qui jalonnent le fleuve et en contrôlent le passage : Talmis (Kalabsha), Pselkis (Dakka), Hiera Sykaminos (Maharaqqa). À une époque plus tardive, l’Itinéraire Antonin mentionnera des têtes de pont sur la rive droite (Contra Pselcis, Contra Talmis, Contra Tafis). Seul le camp de Primis (Qasr Ibrim), plus au sud, était situé sur la rive droite, au début de l’époque augustéenne. Malheureusement, notre information archéologique sur ce secteur de la frontière sud est quasi nulle.
Les carrières du désert oriental
L’exploitation des carrières (lat. metalla ; grec latomiai) du désert oriental a constitué l’une des grandes missions de l’armée romaine d’Égypte (fig. 2)13. Une inscription du wadi Semna nous apprend que, dès la fin du règne d’Auguste voire plus tôt, un tribun de la légion III Cyrenaica était éparque (préfet) de Bérénice, archimétallarque (“directeur”) de l’émeraude, de la topaze, de la “perle” et de toutes les ressources minières d’Égypte (I. Pan 51)14. Un peu plus tard, le 23 juillet 18 de notre ère, sous Tibère, C. Cominius Leugas découvrait le gisement de porphyre rouge et le filon de porphyre noir dans le massif montagneux qui devait désormais porter le nom de cette pierre très noble, exploitée jusqu’au début du Ve siècle (AE 1995, 1615). Le nom même de l’autre grande carrière, celle du mons Claudianus, implique une découverte plus tardive, l’inscription de fondation du fort indiquant la date de 85-86 (AE 2001, 2044). Mais la grande époque de l’exploitation se situe sous Trajan, la pierre ayant servi d’abord aux constructions du forum de cet empereur, à Rome, puis jusque vers le milieu du IIe siècle (fig. 3-4). C’est aussi sous Domitien que fut ouverte la carrière de granito verde fiorito di bigio(granite vert) d’Umm Balad, dans le massif du Porphyrites (fig. 5)15. Dans chacun de ces cas, l’armée a été présente, mais son rôle exact doit être bien compris16.
Un très exceptionnel ostracon découvert au Mons Claudianus nous fournit en effet l’organigramme quasi complet de la population présente sur le site, vers 110 ap. J.-C. (O. Claud. 1538)17, en décrivant les rations quotidiennes d’eau pour chaque homme. L’effectif total du metallon peut être reconstitué de la manière suivante : sur 917 présents, on compte 60 soldats (6,5 %), 421 ouvriers (pagani) égyptiens (45,9 %), 400 membres de la familia impériale (esclaves ou affranchis), soit 43,6 %. Le poste est commandé à cette époque par un centurion, assisté d’un décurion. Les soldats ne fournissaient donc pas la main d’œuvre dans ces carrières, comme on le croit trop souvent. Ils assuraient l’encadrement, la sécurité, les escortes, le courrier. Quant aux ouvriers, on avait créé pour eux une ville neuve (Kainè polis, act. Qena), sur le Nil, où résidaient leurs familles et où l’on cuisait le pain pour eux, sur leurs rations. Ils s’y rendaient périodiquement, à leur tour18. Bien que nous ne soyons pas aussi bien renseignés pour les autres carrières du désert oriental, on peut postuler un système similaire, ce qui se traduit dans l’organisation architecturale des praesidia. On peut par exemple reconstituer celle d’Umm Balad dans son premier état (fig. 6-7) : avec une superficie d’environ 48 x 37 m (0,18 ha), le poste était défendu par une enceinte haute de 3,60 m au niveau du chemin de ronde, à laquelle il faut ajouter le parapet, encore partiellement préservé. La porte unique, au sud-est (fig. 8), ouvre sur une allée centrale qui donne accès à une citerne, enterrée dans la cour d’un grand bâtiment central et fermée, au fond, par une triple cella, que l’on doit assimiler à l’aedes principiorum des camps (fig. 9). Le logement des officiers peut être identifié dans un bloc de constructions adjacentes. De part et d’autre de l’allée centrale apparaissent des “casernements” ; un horreum, des thermes, une forge, une écurie ont aussi été mis au jour. La question est évidemment de savoir si des ouvriers logeaient à cet endroit, avec les soldats, alors qu’on connaît, dans la montagne, près des zones d’extraction, un village de carriers. On considère généralement que c’était bien le cas. Au Mons Claudianus, plus vaste (75,5 x 70,5 m, soit 0,53 ha), il y avait trop de place pour les militaires seuls, mais sans doute pas assez pour les 917 hommes présents sous Trajan, et il fallait sans doute en loger une partie ailleurs, notamment dans le “village” annexe proche du praesidium.
On constate ici une réelle particularité locale de ces avant-postes du désert oriental d’Égypte, voués à l’exploitation des carrières : une architecture qu’on ne rencontre guère ailleurs sur les frontières de l’Empire, une garnison limitée, mais des installations spécifiques, comme ces parcs pour les animaux de trait qui tiraient les énormes blocs extraits de la montagne et les descendaient vers le Nil, et non vers la Mer Rouge, pourtant plus proche, en raison du régime des vents. On doit aussi souligner la division des tâches entre civils, militaires et membres de la familia impériale. Un autre grand ostracon du Claudianus nous apprend que la paie des pagani dans ces carrières, supérieure à celle des ouvriers de la vallée, équivalait plus ou moins à la moitié de celle d’un légionnaire. Ils recevaient en outre une ration de blé et du vin, mais devaient se procurer leur huile et leurs légumes (O. Claud. 4751)19. On trouve aussi, dans ces lieux désolés, beaucoup de noms juifs. Plutôt qu’à des condamnés aux travaux forcés, le contexte et la documentation font songer à des travailleurs libres. Un dessin sur ostracon montre Moïse dans une scène de l’Exode (4.1-5) au cours de laquelle son bâton se transforme en serpent et vice versa (fig. 10)20.
Les pistes du commerce oriental
Dans un passage parfois obscur (17.45), Strabon, qui avait voyagé en Égypte peu après la conquête romaine, nous apprend que c’est Ptolémée Philadelphe (mort en 246 av. J.-C.) qui aurait, le premier, ouvert pour son armée une route entre Coptos, sur le Nil, et Bérénice, sur la Mer Rouge, installant sur cette piste désertique dépourvue de points d’eau des stations d’étape21. La raison en aurait été la difficulté pour les bateaux à remonter loin vers le nord, à cause des vents dominants, largement défavorables. “Maintenant, écrit-il (sous Auguste), toutes les marchandises d’Inde et d’Arabie, ainsi que ceux des produits éthiopiens qui empruntent le golfe arabique sont acheminés vers Coptos, qui est une place de commerce pour cette sorte de denrées”. Mais Strabon va plus loin en faisant état d’un second port plus au nord, Myos Hormos, lui aussi relié à Coptos par une route, et d’un second point d’arrivée sur le Nil, à Contrapollinopolis Magna/Edfou. “Auparavant, conclut-il, les caravaniers se déplaçaient de nuit en s’orientant sur les étoiles et, comme les marins, ils emmenaient aussi de l’eau pour leur voyage ; mais maintenant on a aménagé des points d’eau en creusant à une grande profondeur et l’on recueille aussi les eaux de pluie, bien que celles-ci soient peu abondantes. Le trajet prend 6 ou 7 jours”.
On sait aujourd’hui localiser le port de Myos Hormos, situé à Quseir al-Qadim et fouillé récemment par une équipe britannique22, de sorte que les routes mentionnées par Strabon sont au nombre de trois : la piste Coptos/Bérénice ; la piste Coptos/Myos Hormos, la plus courte, commune avec la précédente sur une partie de son parcours ; la piste Edfou/Bérénice. Reste à préciser comment ces itinéraires ont été aménagés et quel rôle l’armée a joué dans cet équipement, selon quel rythme. L’exploration archéologique récente a permis d’éclaircir une partie de ces difficultés.
La fréquentation des pistes par des caravanes qui faisaient halte dans des abris sous roche est bien documentée par exemple, au sud du praesidium de Didymoi, sur les parois d’un petit sanctuaire rupestre couvertes d’inscriptions laissées par les voyageurs23. On y rencontre notamment un certain C. Numidius Eros, revenu d’Inde en février ou mars 2 av. J.-C. ; Lysas, affranchi d’Annius Plocamus, date son passage du 5 juillet 6 ap. J.-C. On suppose souvent qu’il s’agit là du même Annius Plocamus dont un affranchi avait été entraîné par la tempête jusqu’à Ceylan, au témoignage de Pline (HN, 6.84.85). D’autres affranchis de negotiatores italiens sont aussi présents dans ce sanctuaire. Ailleurs, sur la route de Myos Hormos cette fois, les rochers du célèbre défilé du wadi Hammamat laissent encore voir le nom d’un certain C. Peticius, un marchand italien, dont le monument funéraire, dans les Abruzzes, est décoré d’un dromadaire, signe indubitable des trafics du défunt avec l’Orient24. L’échange devait se faire entre le vin italien et les aromates ou les parfums de ces pays lointains qui se revendaient à prix d’or sur le marché romain. À cette époque ancienne, le nord du réseau routier était encore dépourvu de stations fortifiées ; seule la partie au sud-est d’Edfou livre des traces d’équipements plus anciennement datés, au lieu-dit Apollonos Hydreuma, dans le fortin situé près du sanctuaire d’El-Kanais ou dans les mines d’or de Samut, d’époque ptolémaïque. Un important dossier d’ostraca, rédigés à Myos Hormos entre 6 et 62 de notre ère et connus sous le nom d’archive de Nicanor, montre l’existence de firmes de transport chamelier dans ce désert.
Une célèbre inscription de Coptos (ILS 2483) témoigne sans doute de la prise en main de ce territoire par l’armée25. Y sont mentionnées les soldats des deux légions d’Alexandrie, de trois ailes et sept cohortes qui ont envoyé une vexillation estimée à 120 légionnaires, 424 cavaliers et 788 soldats, sans compter les officiers. Bien que cette inscription ne soit pas datée, un bon nombre d’indices épigraphiques laissent supposer une chronologie haute, du début de l’Empire. Ces soldats ont édifié et dédié les citernes (lacci) d’Apollonos Hydreuma, de Compasi, de Bérénice et de Myos Hormos, édifié et restauré le camp (castram) de Coptos. Quelles que soient les obscurités et les lacunes de ce texte, on perçoit ici les premiers aménagements militaires de ces pistes, dont pourtant l’archéologie ne livre toujours pas de trace tangible.
Pline l’Ancien, dans un passage célèbre où il explique le trajet complet qui permet aux négociants de faire en une année l’aller et retour vers l’Inde, grâce à l’inversion de la mousson, décrit une partie de la piste entre Coptos et Bérénice, ignorant au passage celle de Myos Hormos (HN, 6.102-103). Le trajet, effectué surtout de nuit, dure douze jours. Pline qui écrit vers la fin de l’époque julio-claudienne, mentionne huit étapes, appelés “hydreuma”, nom technique qui, dans le grec d’Égypte, indique ici les stations munies d’un puits. Pourtant la prospection archéologique et les itinéraires antiques en ont révélé un nombre plus important26.
La bonne surprise est venue d’une confrontation entre des découvertes épigraphiques effectuées par plusieurs équipes internationales27. Une inscription récemment découverte dans la région de Bérénice à Sikayt montre que, la 9e année de l’empereur Vespasien (soit 76/77 ap. J.-C.), Iulius Ursus, préfet d’Égypte, revenant de Bérénice, a donné l’ordre de creuser un puits (sur le lieu de l’inscription). Une fois l’eau atteinte, il a fait construire un fort (praesidium) et des citernes (lacus), sous la direction du praefectus montis Ber(e)nicidis, le préfet du désert de Bérénice qui était en même temps celui de l’aile de Coptos. Mais, la même année était mise au jour dans le poste de Didymoi, plus au nord, une autre inscription portant le même texte, qu’on connaissait déjà par un troisième texte épigraphique identique d’Aphrodites (AE 2001, 2039 et 2051). Ces trois stations sont en revanche ignorées de Pline. À cette liste, on ajoutera une dernière inscription, cette fois datée de Trajan, qui signe la date de fondation du praesidium de Dios, en 114-115 (AE 2010, 1751). On en conclut inévitablement que cette piste a été aménagée de manière progressive par l’armée, entre la fin le début du Iersiècle de notre ère et celui du second.
Ces fortins ne sont pas strictement identiques entre eux, mais ils obéissent à des normes communes (ci-dessous n°7)28. On doit d’abord souligner qu’ils sont construits autour d’un puits, ce qui caractérise leur fonction de station routière et d’étape (fig. 11-12)29. Ce point d’eau est entouré d’une enceinte en pierres sèches soigneusement construite d’environ 50 m x 50 m, et d’un peu plus de 3 m de hauteur (au chemin de ronde). Il s’agit là de dimensions moyennes qui pouvaient légèrement varier. Une seule porte permet d’accéder vers l’intérieur, bien qu’on trouve parfois une poterne. Caractéristique importante, cette porte et les angles sont flanqués de petites tours rondes semi-circulaires, ce qui dément la chronologie tardo-antique qu’on attribue généralement à ce type de défense (fig. 13). Tous les casernements sont adossés au rempart, avec ou sans antichambre. De petits balnéaires ont presque toujours été mis au jour dans ces postes (fig. 14)30. Chacun d’eux était placé sous la protection d’un genius loci, par exemple les Castores à Didymoi, ou Iovis/Zeus à Dios (ci-dessous n°8-11).
L’eau était évidemment l’élément central, la raison d’être de ces stations. Les puits, presque toujours effondrés et formant un gigantesque entonnoir sableux, n’ont pas pu être fouillés, faute de moyens techniques adéquats ; on ignore donc le mode de puisage de l’eau. Il est à peu près certain que les shaduf ne pouvaient être utilisés, en raison de la profondeur de la nappe, ni les saquieh, faute de place, bien que des godets aient parfois été mis au jour. On observe en revanche à plusieurs reprises la présence de citernes internes destinées à stocker l’eau et alimentées depuis le puits par une série de canaux. À Didymoi, ces citernes ont été multipliées à la suite de plusieurs reconstructions qui ont fait passer la capacité totale de stockage de 120 m3 à plus de 380 (fig. 15). De là, un conduit à travers le rempart permettait d’alimenter des abreuvoirs externes pour les animaux des caravanes. Les chameaux étaient donc parqués à l’extérieur, les hommes à l’intérieur, sauf quand le poste disposait d’un établissement annexe, comme à Falakron. Un ostracon de Maximianon (Al-Zarqa) nous apprend le nom donné aux pièces d’angle (coxae) du fort, ce qui permet l’identification fonctionnelle des pièces : le coin des thermes, celui de l’horreum, celui du conduit, celui du praetorium. À Dios, ce dernier était décoré d’une mosaïque de pierres colorées, seul “luxe” accordé à l’officier, avec un logement de fonction plus vaste (fig. 16). Dans les chambrées l’équipement devait être très rudimentaire et constitué de meubles de bois, de nattes, de coffres qui n’ont guère laissé de traces. Leur couverture devait être faite de roseaux ou de végétaux tressés importés de la vallée, puis recouverts de boue.
C’est là que passait le commerce oriental de l’Empire, un trafic de produits de luxe qui n’ont laissé strictement aucune trace matérielle et dont les ostraca ne parlent pratiquement pas. Le célèbre “tarif de Coptos”, daté de 90 ap. J.-C., qui atteste l’existence d’un péage au départ de la piste, les évoque en revanche en taxant d’une drachme chaque homme montant “à l’intérieur” avec une caravane. Cette inscription nous apprend au passage qu’il y avait aussi, dans ce désert, des femmes de soldats, qui payaient 20 drachmes pour passer, et explicitement distinguées des prostituées, taxées à 108 drachmes (I.Pan 67). On ne circulait donc pas comme on voulait, dans ce désert, et les déplacements devaient faire l’objet d’un laissez-passer. De tels documents, déjà connus au Mons Claudianus, ont aussi été trouvés à Didymoi, sur la route de Bérénice et à la barrière de péage de ce port.
Les ostraca fournissent en revanche une masse d’informations sur la vie quotidienne des soldats.
Ces postes étaient commandés par des curatores, un terme qui indique une fonction exercée par des gradés de rang très divers. Mais ici les effectifs étaient modestes et les tableaux de service ne dépassent jamais 20 personnes. Une poignée de cavaliers (environ 3) servait aux liaisons externes, rapportant les nouvelles et parfois des vivres frais, qui circulaient de poste en poste. Les périodes de stationnement pouvaient être très longues, ce dont se plaignaient régulièrement les hommes quand ils n’étaient pas relevés, et on connaît une durée de 5 mois dans le praesidium de Krokodilo. Les rations dues par l’armée semblent avoir été limitées au blé, à l’orge et à la balle de céréales, cette dernière étant destinée évidemment aux montures. Mais le curateur n’était pas toujours honnête et un ostracon de Dios atteste le dépôt d’une plainte auprès du préfet du désert : “chaque artabe, nous la recevons diminuée d’1 mation, et de surcroît pleine de saletés et d’eau, l’orge des cavaliers est diminuée d’un mation et leur balle de douze mines pondérales” (O. Dios 1460, avant 183 ap. J.-C.). Ces rations étaient à prendre dans l’horreum du poste et elles ne semblent pas avoir sensiblement différé de celles qu’on connaît en Europe. Le foin, en revanche, était sans doute acheté sur le marché privé. Les soldats devaient pouvoir se procurer aussi d’autres produits frais auprès du conductor, quand il y en avait un, si l’on en croit un ostracon de Xéron, qui dit ceci : “Aphroditous à Boubas, son frère, salut. … Et puis, je t’en prie, tout ce que tu trouveras chez toi, achète-le moi et envoie-le, parce que nous sommes en pleine détresse, ici. En effet, il n’y a pas de concessionnaire”…. Il n’y avait donc rien à acheter sur place. Un autre document de Dios nous apprend que le conductor local attribuait les légumes à qui il voulait, selon son caprice. Ce titre ne s’applique probablement pas à un militaire mais à un civil. On rencontre en effet différents intermédiaires sur ces pistes du désert. L’un d’eux, nommé Philoklès, est bien connu par toute une série de lettres privées qui montrent une activité multiforme. Intermédiaire obligeant, notre homme, véritable vivandier, allait de poste en poste, fournissait ici des légumes, là du vin, ici des poulets à ces soldats qui voulaient améliorer leur ordinaire.
Pour le vin, il y en avait, si l’on en croit l’énorme quantité d’amphores cassées qui jonchent les dépotoirs, et ils entraient peut-être dans la catégorie des produits qu’un soldat pouvait retirer contre paiement individuel. Pour la viande, on se nourrissait surtout des porcs élevés sur place, à même les dépotoirs situés directement devant la porte des praesidia, ce qui ne devait guère favoriser l’hygiène collective.
Mais il fallait bien se distraire. Les ostraca nous renseignent aussi sur l’existence de réseaux de prostituées qui “tournaient” entre les postes, au terme d’un contrat de location ; nous apprenons au passage le petit nom de ces dames, leurs querelles, leurs histoires31. L’obligeant Philoklès fournissait tout…
Ces aménités de la vie de garnison dans le désert oriental ne sauraient faire oublier les tâches proprement militaires. Un excellent exemple nous en est fourni par une pièce exceptionnelle issue du dépotoir de Krokodilo, sur la route de Myos Hormos, “l’amphore des barbares”. Il s’agit d’une série de circulaires successives recopiées sur un même support. On y apprend : 1/ l’attaque du praesidium de Patkoua (non localisé) par une bande de 60 barbares (bédouins), le 13 mars 118. Ceux-ci ont enlevé une femme et deux enfants ; 2/ une lettre du préfet aux curatores (chefs de poste) des praesidia de la route de Myos Hormos, datée du 26 mars 118. Ordre leur est donné d’assurer la protection des voyageurs ; 3/ un rapport sur les suites de cette affaire qui a vu une bataille entre les ravisseurs et les troupes lancées à leur poursuite, avec les pertes subies. Finalement, les bédouins ont été vaincus. Le préfet du désert donne ses instructions de la manière suivante : “Arruntius Agrippinus aux curateurs des fortins de la route de Myos Hormos, [salut]…. Je me hâte de vous en informer afin que vous redoubliez de vigilance concernant les vôtres (?) ainsi que les autres personnes (?) et que, à tous ceux qui transportent du ravitaillement depuis Coptos avec ma permission écrite, vous fournissiez de solides escortes afin d’ôter aux barbares toute occasion de nuire. Lorsque vous aurez lu la présente lettre, faites-la circuler sans tarder de fortin en fortin”32.
On sent en effet, pendant tout le Haut-Empire, croître l’insécurité au sein de ce désert, encore paisible au temps de Strabon. La situation n’était d’ailleurs pas identique partout. Sous le règne d’Hadrien, la mise en service d’une nouvelle route (via nova Hadriana) entre Antinooupolis, dans la moyenne vallée, et Bérénice fut célébrée par une inscription qui mentionne des puits, des stations d’étapes et des fortins (I. Pan 80). Cette piste, qui traverse le désert en droite ligne vers la Mer Rouge, avant de longer la côte, est pourtant dépourvue de constructions dans son parcours initial vers l’est. La voie a simplement été soigneusement épierrée, si l’on en croit les prospections menées dans ce secteur, preuve qu’on ne sentait pas alors, dans cette région, le besoin de se protéger. Dans sa partie maritime, elle est en revanche assez mal connue et il est possible que des fortins de cette époque aient échappé à l’attention33.
Vers l’Antiquité tardive
La route de Myos Hormos perd progressivement de son importance dès la fin du second siècle, mais ceci est dû essentiellement au déclin du port plus qu’à des problèmes de sécurité. Dès le début du IIIe siècle, on observe en revanche une série de transformations architecturales dans les fortins du désert de Bérénice, et jusque dans la zone des carrières plus au nord. Tout d’abord, un renforcement de la défense des portes et des remparts avec l’adjonction d’une clavicula externe au Mons Claudianus ou à Umm Balad, un rétrécissement de l’entrée à Maximianon. Mais les changements les plus perceptibles apparaissent à la fin de l’époque sévérienne dans l’agencement même de l’intérieur des praesidia, ce qui en dit long sur l’évolution interne de la garnison romaine d’Égypte : à partir de cette époque, on voit en effet qu’une partie des casernements internes n’est plus occupée mais qu’on y jette les ordures; les sols, jusque-là régulièrement nettoyés, montent rapidement. On voit proliférer les enclos pour le petit bétail et la basse-cour, et l’archéozoologie confirme une modification de la consommation carnée, où la viande ovine domine désormais. On observe une division rapide des espaces préexistants, ce qui donne naissance à des plans qui ne ressemblent plus guère à des postes militaires romains (n°7).
L’évolution religieuse est nette (n°8-10 ; 27). Alors qu’un ostracon de Didymoi, daté entre 176 et 220, évoquait encore la décoration des “principia de nos maîtres” (O. Did. 31), on ne retrouve plus, dans les praesidia de la piste de Bérénice, la trace de ces sanctuaires, systématiquement remplacés par d’autres locaux. On observe en revanche dans deux cas, à la place de casernements détruits, l’édification d’un nouvel espace cultuel en l’honneur de Zeus Helios grand Sarapis, un dieu qui s’est développé dans le milieu militaire, avec des traits proprement égyptiens. À Didymoi, par exemple, une bonne partie du matériel et du décor retrouvé est typiquement vernaculaire. À Dios, il est plus mêlé et la statuaire est juchée sur un haut podium, derrière un baldaquin qui abrite probablement le vexillum du poste, mais on y connaîtra aussi, dans la dernière phase de l’occupation, des pratiques oraculaires34. À Xèron, c’est apparemment Athéna qui était vénérée. À Umm Balad, dans les carrières, le sanctuaire originel est lui aussi abandonné au profit d’une nouvelle installation cultuelle (fig. 17).
La présence proche des Blemmyes, est bien attestée par un dossier d’ostraca découvert dans les dernières couches de Xèron, sur la piste de Bérénice35. Ces textes mentionnent un certain Baratit, “hypotyrannos” (roitelet) des barbares, en une année régnale qui nous conduit soit en 232, soit, plus probablement, en 264. Il est notable que l’”armée” leur distribue du blé, voire du pain, ce que l’on avait déjà observé dans un fort voisin, celui de Dios, où l’on constate une multiplication de fours, bien trop importante pour nourrir la maigre garnison locale (fig. 18). Il est donc très possible qu’on achetait alors la paix contre de la nourriture. La prise de l’Égypte par les Palmyréniens, en 270, allait mettre définitivement fin à la présence militaire romaine dans ce désert.
L’Antiquité tardive
Comme dans tout l’Empire, la fin du IIIe siècle a été particulièrement difficile en Égypte, marquée en même temps par l’essor considérable du christianisme. Des événements confus de cette période troublée, on retiendra essentiellement la révolte d’Alexandrie et l’usurpation de L. Domitius Domitianus en 297-298. Cette sécession fut matée par Dioclétien lui-même qui, après le siège et la reprise de la capitale, remonta le Nil jusqu’à Syène avec une importante force expéditionnaire, réorganisant probablement au passage l’ensemble des garnisons militaires, bien que certaines mesures aient pu être prises avant cette date36. Les préparatifs de ce voyage et la logistique qu’il entraîna sont décrits dans le fameux dossier des deux papyrus de Panopolis, dans la collection de Sir Chester Beatty37. Le nouveau dispositif défensif conduisit à un abandon définitif de la zone tampon du Dodécaschène, au sud de Syène, à la création d’une nouvelle province en Thébaïde, séparée du reste de l’Égypte, à de nouvelles implantations dans la vallée, à la mise en défense des oasis mais aussi des approches du delta. Toutefois, les sources dont nous disposons pour cette période sont infiniment moins nombreuses que pour l’époque du Principat, et souvent d’une nature différente.
Une grande partie de notre information repose en effet sur ce document tardif du début du Ve siècle, maintes fois remanié, qu’est laNotitia Dignitatum. Il s’agit, on le sait, d’un catalogue des principales fonctions civiles et militaires de l’Empire tardif, avec les troupes à disposition de chaque commandant d’unité et leur localisation. Néanmoins, on considère généralement que, pour l’Égypte tout au moins, cet état des lieux reflète en partie la situation héritée des réformes de Dioclétien. Il ressort de cette liste, mais aussi du reste de notre documentation, l’impression d’un émiettement généralisé des unités en garnison dans le pays utile, entièrement quadrillé. On ne rencontre plus, en revanche, d’occupation permanente dans le désert oriental, ce qui ne signifie pas que l’armée n’y circulait plus du tout.
Deux nouvelles légions apparaissent en Thébaïde, la I Maximiana et la III Diocletiana. La première semble avoir été concentrée à la frontière méridionale, la seconde divisée en plusieurs garnisons de la vallée, notamment à Louqsor. La vieille II Traiana continuait d’avoir son camp de base à Alexandrie, mais avec des détachements dans la vallée. On sait par ailleurs que, pendant l’Empire tardif, la hiérarchie entre légions et troupes auxiliaires s’est estompée. Ces différents phénomènes conjugués font qu’il n’y avait probablement plus de grandes concentrations de soldats en un point donné, sauf à Syène, verrou de la frontière sud.
Nos connaissances archéologiques sont limitées à quelques sites, qui n’ont pas tous été fouillés. On commencera par deux installations très peu classiques puisqu’elles réutilisent en fait des monuments pharaoniques (fig. 19). C’est le cas notamment àLouqsor, où le grand temple d’Ammon a été entouré d’une enceinte en briques crues (268/249 m x 207/202 m), flanquée de tours en fer à cheval, dès la reprise de l’Égypte par Dioclétien38. Les portes sont munies d’une contre-porte arrière qui forme une cour intérieure destinée à bloquer un assaillant. Des poternes latérales permettaient les sorties. L’ensemble le plus curieux mais aussi le plus intéressant est formé par l’ancienne chapelle du Kâ royal, transformée par les soldats en aedes principiorum, que nous connaissons assez bien par les peintures qu’elle contient encore et qu’avait relevées autrefois J.G. Wilkinson (n°11)39. Elles illustrent l’adventus(arrivée triomphale) et peut-être l’adlocutio (discours solennel) des empereurs, représentés dans une niche centrale protégée par un baldaquin en granit rose. Les quatre tétrarques portent le paludamentum pourpre (manteau) et sont nimbés ; celui du milieu, à gauche (Dioclétien) tient le globe dans sa main. Au-dessus d’eux, un aigle aux ailes éployées est représenté dans le cul-de-four.
À Éléphantine, dans l’île située au milieu du Nil, le vieux temple pharaonique de Khnoum a lui aussi été fortifié et réutilisé par l’armée. Les autres défenses du secteur de Syène sont en revanche mal connues. Un peu plus au nord, toutefois, des fouilles récentes à Nagg El-Haggar ont mis au jour un fort situé en bordure du Nil (fig. 20). De forme carrée (142 x 142 m), l’enceinte, construite en briques crues, est flanquée d’une tour d’angle carrée à chaque angle et d’une série de tours en U qui flanquent la courtine. Trois des quatre fronts sont percés d’une porte en pierre de taille, ce qui forme un carrefour au centre du camp40. Celle qui vient du Nil est jalonnée de colonnes et mène, près de la courtine orientale, à un haut monument en forme d’octogone, précédé par un hall d’entrée (fig. 21). Il s’agit là d’une forme architecturale nouvelle de l’aedes cultuelle des principia41. On remarque aussi, du côté du fleuve, la présence d’un véritable palais, qui devait abriter les services d’un officier de haut rang (voire de l’empereur). Il s’agit là d’un cas unique, dont il n’est pas encore formellement prouvé qu’il soit strictement contemporain de la construction du camp, attribué à l’époque tétrarchique.
Cette nouvelle architecture militaire s’observe aussi dans une petite série de forts qui ont été fouillés42. Dans le Fayoum, à Qasr Qarun, les castra Dionysiados présentent un plan rectangulaire de 83 x 70 m, avec une enceinte en briques crues, flanquée de tours saillantes carrées aux angles et en U près de la porte et sur deux des fronts. L’entrée, en pierres de taille, donne accès à une cour suivie d’une contre-porte qui ouvre sur une voie à colonnades. Vient enfin un haut podium sur lequel est juché le bâtiment de l’aedes, marqué par une abside. Les casernements sont adossés au rempart ou forment des blocs indépendants derrière la voie à colonnade. Une enquête récente sur les documents d’archive montre toutefois l’hétérogénéité de cette construction dont la datation à l’époque tétrarchique demanderait à être confirmée par des fouilles modernes (n°14).
C’est aussi au vu du plan qu’on date le fort de Tell el-Herr (Magdolum), à l’extrémité orientale du delta43. Ce castellum, édifié sur les ruines d’une forteresse perse, puis hellénistique affecte la forme d’un rectangle de 90 x 90 m. L’enceinte, édifiée en briques cuites, est flanquée de tours carrées à cheval sur le rempart. La porte unique donne accès, une fois de plus, à une allée centrale jalonnée de colonnes. De part et d’autre, ainsi que contre la courtine s’organisent les blocs de baraques. La datation est postérieure à l’année 9 de Dioclétien, fournie par une monnaie prise dans l’enceinte. Venons-en maintenant à un autre exemple, celui d’Abu Sha’ar, au nord d’Hurgada, sur la Mer Rouge, qui a l’avantage d’être bien daté par une inscription de 309-31144. L’enceinte (77,5 x 64 m), construite en pierres au bord de la mer, enferme un ensemble régulier de constructions. Elle est flanquée de tours rectangulaires saillantes. Deux entrées sont bien visibles, donnant accès à deux axes qui se croisent au centre du camp. L’axe est-ouest, bordé de colonnes, donne accès à une église, probablement précédée par le bloc des principia. Les blocs de baraques, assez classiques, se répartissent dans l’espace intermédiaire et contre la muraille.
Cette période charnière voit aussi l’émergence d’une série de fortifications dans les oasis du désert libyque, peu ou pas défenduesjusque-là, sauf celle de Bahariya depuis l’époque sévérienne. La seule bien datée est celle de Qaret el-Toub, dans cette même oasis45. Son inscription très fragmentaire semble appartenir à une série de trois dédicaces portant apparemment le même texte et datables de 288, donc antérieures à la révolte de L. Domitius Domitianus. Elles ont été trouvées dans trois endroits très éloignés : la première à Tell Abu Seifi, juste au sud de Tell el-Herr, la seconde dans la moyenne vallée, à Deir el-Gabrawi, près de Manfalout, la troisième donc à Bahariya. De forme carrée (environ 64 m de côté), il est construit en briques crue et flanqué, aux angles, au milieu des courtines et de part et d’autre de la porte, d’une tour d’angle ronde saillante. Les bâtiments internes n’ont été que partiellement fouillés. Mais ces trois inscriptions attestent probablement d’un même programme de construction militaire, dès les premières années du règne de Dioclétien.
On retrouve un plan très proche, avec des dimensions voisines, dans l’oasis plus méridionale de Khargeh, à Ed Deir, mais la construction n’est pas intrinsèquement datée pour l’instant (fig. 22)46. À El Qasr, (Dakhleh) un fort peut-être similaire a commencé àêtre dégagé. On observe aussi, tout au sud de Khargeh, que les anciens magasins du temple de Douch ont servi de centre administratif pour tout ce secteur méridional et hébergé des soldats dans le courant du IVe siècle.
Deux exemples retiendront encore notre attention. Le premier est celui de la forteresse de Babylone, au Vieux-Caire, dont le plan est pentagonal, avec des décrochements dans le tracé de la courtine. La porte méridionale (Cheikh al-Muallakah) est considérée comme tétrarchique. La courtine est flanquée de tours en U, sauf deux grosses tours rondes internes du côté occidental, dont la forme et le mode de construction paraissent sensiblement plus tardifs. La taille même de cette forteresse en fait plutôt une enceinte urbaine. Il en va de même de celle de Pélouse, à l’extrémité orientale du delta (fig. 23).
L’armée d’Égypte et sa frontière
La frontière romaine d’Égypte constitue un cas particulier au sein de l’Empire, assez éloigné de ce qu’on observe dans les autres provinces. Les tâches de l’armée ont plus souvent été celles d’une police militarisée, vouée au maintien de l’ordre intérieur, que d’une force combattant en grandes unités constituées face à un ennemi extérieur. Au sens strict, la frontière se situait au sud et les menaces étaient relativement limitées. L’importance et l’intérêt exceptionnel d’une documentation qu’on ne trouve pas ailleurs – papyrus et ostraca – jettent une lueur particulière sur la vie quotidienne des soldats mais on doit toujours se demander, évidemment, dans quelle mesure cette réalité est transposable ailleurs ou relève du particularisme local.
Notes
- Ce chiffre ne correspond pas à celui de Diodore de Sicile (1.31.6-9) qui parle de 3 millions d’habitants, mais dont la source peut être beaucoup plus ancienne.
- M.P. Speidel, “Nubia’s Roman garrison”, in : Roman Army Studies II, MAVORS I, Stuttgart, 1988, p. 240-274.
- R. Alston, Soldier and Society in Roman Egypt. A social history, Londres-New York, 1995.
- RMD = M. Roxan, Roman military Diplomas I. 1954-1977, Londres, 1978 ; II. 1978-1984, Londres, 1985 ; III. 1985-1993, Londres, 1994 ; M. Roxan, P. Holder, Roman military Diplomas IV. Londres, 2003 ; P. Holder, Roman military Diplomas V, Londres, 2006.
- V.A. Maxfield, “The Deployment of the Roman Auxilia in Upper Egypt and the Eastern Desert during the Principate”, in : G. Alföldy, B. Dobson, W. Eck, Kaiser, Heer und Gesellschaft in der römischen Kaiserzeit, Stuttgart, 2000, p. 407-442.
- M. Reddé, Mare nostrum. Les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’Empire romain, Rome, 1986.
- Alston 1995 (note 3).
- H. Cuvigny (éd.), J.-P. Brun, A. Bülow-Jacobsen, D. Cardon, J.-L. Fournet, M. Leguilloux, M.-A. Matelly, M. Reddé, La Route de Myos Hormos. L’armée romaine dans le désert Oriental d’Égypte, Le Caire, 2003.
- Alston 1995 (note 3).
- La bibliographie est considérable mais dispersée et très fragmentée. Pour s’en faire une idée, on peut désormais consulter H. Cuvigny, Rome in Egypt’s Eastern Desert, New York, 2021, recueil des articles de l’auteur, traduits en anglais.
- H. Cuvigny, Didymoi. Une garnison romaine dans le désert Oriental d’Égypte. 2. Les textes, FIFAO 67/2, Le Caire, 2012.
- Cuvigny 2021 (note 10), n°28 = H. Cuvigny, “Poste publique, renseignement militaire et citernes à sec : les lettres de Diourdanos à Archibios, curator Claudiani”, Chiron, 49, 2019, p. 271-297.
- J.-P. Brun, T. Faucher, B. Redon, S. Sidebotham (éd.), Le désert oriental d’Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques, Collège de France, Paris, 2016 (10.4000/books.cdf.5163). Voir aussi https://desertnetworks.huma-num.fr/.
- I. Pan = A. Bernand, Pan du désert, Leyde, 1977.
- J.-P. Brun (éd.), E. Botte, D. Cardon, H. Cuvigny, H. Granger-Taylor, M. Leguilloux, M. Reddé, Domitianè-Kainè Latomia (Umm Balad). Le praesidium et les carrières, FIFAO, Le Caire, à paraître.
- D.P.S. Peacock, V.A. Maxfield (éd.), Survey and Excavation Mons Claudianus. 1987-1993, vol. 1: Topography & Quarries, Le Caire, 1997 ; V.A. Maxfield, D.P.S. Peacock, Mons Claudianus 1987-1993. Survey and Excavations. Vol. II. Excavations Part 1, FIFAO 43, Le Caire, 2001 ; V.A. Maxfield, D.P.S. Peacock, The Roman Imperial Quarries. Survey and Excavation at Mons Porphyrites 1994-1998. Vol. I. Topography and Quarries, Egypt Exploration Society, Londres, 2001.
- Cuvigny 2021 (note 10), n°11 = H. Cuvigny, “L’organigramme du personnel d’une carrière impériale d’après un ostracon du Mons Claudianus,” Chiron,35, 2005, p. 309-353, table, 1 plan, 1 pl.
- Cuvigny 2021 (note 10), n°14 = H. Cuvigny, “Kainè, ville nouvelle : une expérience de regroupement familial au IIe s. è. chr,” in : O. E. Kaper (éd.), Life on the Fringe. Living in the Southern Egyptian Deserts during the Roman and Early-Byzantine Periods. Proceedings of a Colloquium Held on the Occasion of the 25th Anniversary of the Netherlands Institute for Archaeology and Arabic Studies in Cairo 9-12 December 1996 = CNWS Publications 71, Leyde, 1998, p. 87-94.
- Cuvigny 2021 (note 10), n°9 = H. Cuvigny, “The amount of wages paid to the quarry-workers at Mons Claudianus,” JRS 86, 1996, p. 139-145, 1 table and pl. II.
- Cuvigny 2021 (note 10), n°9 = H. Cuvigny, “La plus ancienne représentation de Moïse, dessinée par un juif vers 100 è. chr.,” CRAI 2014/1, p. 339-351.
- Cuvigny 2003 (note 8) ; Cuvigny 2021 (note 10), n°15 = H. Cuvigny, “Le système routier du désert Oriental égyptien sous le Haut-Empire à la lumière des ostraca trouvés en fouille,” in : J. France, J. Nelis-Clément (éd.), La statio. Archéologie d’un lieu de pouvoir dans l’empire romain, Bordeaux, 2014, p. 247-278.
- D.P.S. Peacock, L. Blue, Myos Hormos – Quseir al-Qadim : Roman and Islamic Ports on the Red Sea, vol. 1: Survey and excavations 1999-2003,Oxford, 2006.
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- S.E. Sidebotham, J.E. Gates-Foster (éd.), The archaeological survey of the desert roads between Berenike and the Nile valley. Expeditions by the University of Michigan and the University of Delaware to the Eastern Desert of Egypt, 1987-2015, ASOR Reports 26, 2019.
- R. Bagnall, A. Bülow-Jacobsen, H. Cuvigny, “Security and water on the Eastern Desert roads: the prefect Iulius Ursus and the construction of praesidia under Vespasian”, JRA, 14, 2001, p. 325-333.
- M. Reddé, “Fortins routiers du désert oriental d’Égypte”, in : J.-P. Brun, T. Faucher, B. Redon, S. Sidebotham (dir.), Le désert oriental d’Égypte durant la période gréco-romaine : bilans archéologiques, Collège de France, Paris : https://orcid.org/0000-0001-8615-2061.
- Voir aussi les plans de Didymoi (n°7, fig. 1), Dios (ibid. fig. 2), Xèron pelagos (ibid. fig. 3), Maximianon (n°8, fig. 5).
- M. Reddé, “Trois petits balnéaires du désert oriental d’Égypte”, in : M.-F. Boussac, T. Fournet, B. Redon (éd.), Le bain collectif en Égypte. Βαλανεῖα. Thermae. Études urbaines 7, Le Caire, 2009, p. 213-220.
- Cuvigny 2021 (note 3) n°24 = H. Cuvigny, “Femmes tournantes : remarques sur la prostitution dans les garnisons romaines du désert de Bérénice,” ZPE, 172, 2010, p. 159-166, 2 tables.
- H. Cuvigny, Ostraka de Krokodilô. La correspondance militaire et sa circulation. O.Krok. 1-151, FIFAO 51, Le Caire, 2005.
- Sidebotham et al. 2000.
- Cuvigny 2021 (note 3) n°31 = H. Cuvigny, “The shrine in the praesidium of Dios (Eastern Desert of Egypt): graffiti and oracles in context,” Chiron 40, 2010, p. 245-299.
- Cuvigny 2021 (note 3) n°27 = H. Cuvigny, “Papyrological Evidence on ‘Barbarians’ in the Egyptian Eastern Desert,” in : J. H. F. Dijkstra, G. Fisher (éd.), Inside and Out. Interactions between Rome and the Peoples on the Arabian and Egyptian Frontiers in Late Antiquity = Late Antique History and Religion 8, Leuven, 2014, p. 165-198.
- A.K. Bowman, “The military occupation of Upper Egypt in the Reign of Diocletian”, BASP, 15, 1978, p. 25-38.
- T.C. Skeat, Papyri from Panopoli in the Chester Beatty library, Londres, 1964.
- M. El-Saghir, J.-C. Golvin, M. Reddé, G. Wagner, El-Sayyed Hegazy, Le camp romain de Louqsor, MIFAO 83, Le Caire, 1986.
- Voir les illustrations dans l’article n°11, ci-dessous.
- M. Mackensen, “The tetrarchic fort at Nag’ al-Hagar in the province of Thebaïs: preliminary report (2005-2008)”, JRA, 22, 2009, p. 287-311.
- R. Franke, “The headquarters building in the tetrarchic fort at Nag’ al-Hagar (Upper Egypt)”, JRA, 26, 2013, p. 457-463.
- On trouvera les plans de Qasr Qarun, Tell el-Herr et Abu Sha’ar dans l’article n°14, fig. 8 et 9, ci-dessous.
- D. Valbelle, J.-Y. Carrez-Maratray, Le camp romain du Bas-Empire à Tell el-Herr, Paris, 2000.
- S.E. Sidebotham, R. E. Zitterkopf, C.C. Helms, “Survey of the Via Hadriana: the 1998 season”, JARCE, 37, 2000, p. 115-126.
- F. Colin (dir.), Bahariya I. Le fort romain de Qaret el-Toub I, FIFAO 62, Le Caire, 2012.
- M. Reddé, “À l’ouest du Nil : une frontière sans soldats, des soldats sans frontière”, Roman Frontier studies 1989, Exeter, 1991 p. 485-493 ; id., “Sites militaires romains de l’oasis de Khargeh”, BIFAO, 99, 1999, 377-396.