Le titre d’un récent travail de Flavia Gherardi consacré à Pusílipo “Anteponer la imitación a la lección”1 a eu un impact déterminant dans l’évolution de notre recherche dans le sens où l’hispaniste italienne y mettait en évidence la pratique de l’imitatio dans la dernière œuvre composée par Figueroa. En effet, une étude minutieuse du texte figuéroen permet de constater que c’est une caractéristique partagée par d’autres publications de l’auteur. C’est également le cas dans Varias noticias où comme l’a montré Bradbury, Figueroa introduit de multiples sources2 dont il ne cite pas forcément la provenance. Mais c’est aussi et surtout une pratique à laquelle il avait déjà recours dans El Pasajero où elle se double d’une réflexion théorique sur l’écriture. L’imitation n’est évidemment pas une spécificité de Figueroa mais bien une pratique recommandée depuis la Renaissance3. Ainsi, à titre d’exemple, une œuvre comme les Coloquios de Palatino y Pinciano, offre-t-elle notamment une réécriture de Plutarque4. Néanmoins, l’on peut d’emblée entrevoir que la pratique de l’imitatio situe le texte figuéroen du côté de la “fiction” plutôt que de celui de la “diction”5. En ce sens, il convient d’opérer, avec Gérard Genette6, une distinction entre imitation et citation7, même si toutes deux relèvent de la transtextualité. Dans le deuxième procédé, la dette est reconnue explicitement et le nom de la personne à qui revient l’autorité de la formule est clairement énoncé. C’est un phénomène que l’on peut également observer dans le texte de El Pasajero. Dès les premières pages de El Pasajero, la citation ci-après, tirée des Sentences de Saint Isidore en offre l’illustration parfaite :
Quizá anteviendo estado tan trabajoso cual éste lo es para un príncipe, escribe el divino Isidoro en el libro tercero de las Sentencias:
Plerumque Rex iustus etiam malorum errores dissimulare novit: non quod iniquitati eorum consentiat; sed quod aptum tempus correctionis expectet, in quo eorum vitia emendare aleat, ve punire8.Esto es: ‘Las más veces un rey justo disimula los yerros de losmalos, no por consentir su iniquidad, sino por esperar tiempoacomodado para su corrección, y en que sus vicios puedanrecebir enmienda o castigo’.9
Il ne s’agit là que de l’un des multiples exemples de citations que comporte le texte figuéroen. Il convient tout de même probablement de nuancer l’ampleur de celle-ci puisque, on le sait, même si les auteurs du Siècle d’Or espagnol étaient pour la plupart dotés d’une culture remarquable, les catalogues de références n’en restaient pas moins un outil qu’ils utilisaient régulièrement pour composer leurs œuvres10. Notre intérêt se portera donc plutôt sur les manifestations implicites de la transtextualité11. En ce sens, le statut de l’imitatio est totalement différent : via ce procédé, la gageure didactique revendiquée dès le paratexte de El Pasajero, semble s’estomper au profit d’une tâche de réécriture qui importe autant sinon plus que les savoirs véhiculés par l’œuvre. Si la teneur didactique est indiscutable, ne serait-ce que par le type de sources auxquelles a recours Figueroa, l’intérêt spécifique porté à l’imitation permettrait de mieux comprendre certaines incohérences entre le discours de principe édicté par le meneur de l’interaction et le comportement que celui-ci décrit dans le récit de ses aventures. Qui plus est, finalement, les interlocuteurs n’expriment pas forcément une volonté de changement par rapport à leurs projets initiaux qui ne sont pourtant pas, nous le verrons, toujours très avouables. Le seul changement réellement palpable au niveau des compagnons de coche du letrado concerne leur posture face au départ : alors qu’il était présenté comme un événement subi et une source de souffrance, après que le Docteur a exposé les us et coutumes de leurs destinations respectives, ils affichent une réaction plus positive mais ne renoncent aucunement à retourner en Espagne.
Au-delà de références explicites, la transtextualité se manifeste aussi parfois de manière plus inattendue car elle vient se loger dans les replis du texte. Ainsi allons-nous procéder un peu mécaniquement à une étude lexico-sémantique de quelques mots clé qui vont permettre de mettre en lumière les processus de la transtextualité à l’œuvre dans les profondeurs du texte.
Approche lexicale
L’absence totale d’emploi du substantif diálogo dans El Pasajero a déjà été signalée. Dans une œuvre qui a pour cadre formel un dialogue, cette absence est frappante mais pas inédite. La régularité avec laquelle revient, en revanche, le terme de conversación dont on dénombre une cinquantaine d’occurrences dans le texte figuéroen est tout aussi symptomatique. Le vocable “conversación” traverse le texte de El Pasajero puisqu’il n’y a pas un seul chapitre dans lequel il n’apparaisse pas12. La présence de ce terme est nettement plus massive dans El Pasajero que dans Pusílipo13 et ce contre toute attente, dans la mesure où c’est le titre de la deuxième œuvre qui fait intervenir ce concept. L’utilisation de ce vocable n’est pas surprenante en soi et ce, pour deux motifs. On le sait14, la société espagnole de l’époque affectionnait ce type d’échanges qui étaient une pratique sociale courante. Le cadre formel de l’œuvre justifie également son emploi et on le retrouve souvent chez des auteurs tels que Liñán y Verdugo ou encore Manuel de Faria e Sousa dont les ouvrages présentent des caractéristiques communes à El Pasajero. Ainsi en recense-t-on une vingtaine d’occurrences dans la Guía dont un extrait est reproduit ci-après :
Y pues otra vez la conversación nos ha puesto en las calles de Alcalá, tan cerca de las de Madrid que con menos de media jornada que se camine se puede estar en ellas, prosigamos en la materia que tratábamos antes.15
Au-delà de cette utilisation massive du terme, il est un autre élément qui mérite d’être signalé par rapport à l’emploi qui est fait du substantif “conversación” chez Figueroa et qui le distingue de l’usage qu’en font ses contemporains. Il faut mettre en relation le recours au vocable “conversación” avec la théorie des emprunts que le Docteur développe dans l’alivio II. En effet, en deux occasions (dans les alivios II et X), le terme conversación est utilisé dans le texte figuéroen pour introduire des extraits empruntés à des ouvrages antérieurs de Figueroa. À ce titre, il est assez remarquable que le fragment où le Docteur souligne l’intérêt d’avoir recours à des emprunts littéraires se situe au milieu de ce chapitre consacré à la littérature ; il en est le cœur même ! De la même manière, il occupe une place fondamentale non seulement dans le discours théorique figuéroen mais aussi dans sa mise en pratique. Pour mémoire, face aux inquiétudes formulées par Don Luis quant à la faible ampleur de ses compositions poétiques, son interlocuteur le rassure en affirmant que :
El Pasajero, alivio II:
Doctor. (…) Al corto caudal de propias poesías podéis aplicar el suplemento de las ajenas, con que os hallaréis por estremo aliviado. El daño consistiera sólo en que vuestro libro fuera como información de letrado: nada propio, todo ajeno; mas, habiendo mucho de casa, ¿qué importa pedir al vecino algo prestado para lucir en semejante fiesta?16
Chez l’auteur castillan, l’allusion à la “conversación” donne donc précisément lieu à un processus d’intertextualité restreinte dans la mesure où le personnage du Docteur cite un passage tiré d’une œuvre antérieure composée par Figueroa. L’alivio X offre un exemple éloquent de cette pratique où les éléments soulignés permettent de distinguer les modifications minimes apportées au texte d’origine :
El Pasajero, alivio X :
Acuérdome haber apuntado años ha, en otra conversación contra la codicia (polilla roedora de las almas, y su más disimulada muerte), ser la hacienda muchedumbre de instrumentos que sirven a la vida. Conviene, según esto, se disponga su calidad según el menester del hombre. Si se viese un soldado (dije) que, sin obrar las armas que posee, se ocupase todo en fabricar otras, ¿a quién no causaría risa? Della, pues, son bien dignos los que sin contentarse ni valerse de los que tienen, ponen suma fatiga en acaudalar más bienes. En esta forma viven engañados, como si los instrumentos no fueran hallados para el arte, sino el arte para los instrumentos; esto es, creyendo no sirva la hacienda para ayuda del vivir, sino el vivir para aumentar la hacienda.17
Or, le souvenir de cette conversation passée permet l’introduction d’une citation tirée de… Hechos de don García Hurtado de Mendoza publié, une première fois, en 1613 à la Imprenta Real de Madrid avant d’être rééditée en 1616 au même endroit18. Il s’agit d’un panégyrique réalisé à la demande de la famille Mendoza en l’honneur du Marquis dont l’image, faut-il le rappeler, avait été malmenée par Ercilla dans sa célèbre Araucana :
Hechos de don García Hurtado de Mendoza :
Exclúyanse excesos, fenezcan desaforadas imposiciones; y sobre todo, desterrad de vuestros pechos la codicia, polilla roedora de las almas, y su más disimulada muerte. Es la hacienda una muchedumbre de instrumentos que sirven a la vida: conviene pues, sea dispuesta su calidad según el menester del hombre. Si se viese un soldado, que sin obrar las armas (instrumentos de su profesión) se ocupase todo en fabricar otras, ¿a quién no causaría risa? Pues bien dignos della son los que sin contentarse, ni valerse de los bienes que poseen, anhelan por acumular otros. Así viven engañados, como si los instrumentos no fueran hallados para el arte, sino el arte para los instrumentos: esto es, creyendo no sirva la hacienda para ayuda del vivir, sino el vivir para aumentar la hacienda.19
La confrontation de ces deux passages permet de constater que Figueroa a introduit une version à peine modifiée d’un extrait du texte de Hechos de don García Hurtado de Mendoza. La minutie qui caractérise l’écrivain castillan dans son processus de création est notamment perceptible dans “años ha” où l’inversion du verbe, quoique très répandue20, de même que sa place dans l’énoncé, permettent d’attirer l’attention sur cet élément. Sur le plan de la fiction, cette expression confère à la fois passé et épaisseur au personnage du Docteur. On ne saurait bien évidemment faire une lecture autobiographique de ces citations. Mais, il n’en est pas moins vrai que ce passage est une citation d’une œuvre parue en 1613 soit 4 ans avant la parution de El Pasajero.
Un procédé analogue est mis en œuvre autour de l’emploi du substantif “conversación” dans un extrait de l’alivio II où le Docteur, cherchant à conseiller Don Luis sur les alternatives qui s’offrent à lui en matière de littérature, tient le discours suivant au sujet de la traduction :
El Pasajero, alivio II :
Según me acuerdo haber dicho en otra conversación, las traduciones, para ser acertadas, conviene se transforme el tradutor (si posible) hasta en las mismas ideas y espíritu del autor que se traduce. Débese, sobre todo, poner cuidado en la elegancia de frases, que sean propias, que tengan parentesco con las estrañas, llenas de énfasi; las palabras, escogidas y dispuestas con buen juicio, para que así se conserve el ornamento y decoro de la invención; de manera, que estas dos virtudes queden anudadas con tal temperamento, que por ningún caso pierda de su lustre y valor la obra traducida. Será casi imposible pueda jamás acertar tales versiones el bárbaro, que se halla destituido del todo de la lengua latina, importantísima, sin duda, para alcanzar y poseer las riquezas de cualquier idioma. Así se veen no pocas veces deslustrados muchos dignos autores, emprendidos, por su gran desdicha, deste género de idiotas, no menos presumidos que temerarios.21
Or, il se trouve que ce n’est pas la première fois qu’un texte figuéroen livre une réflexion liée à la traduction. En effet, à l’instar de ce qui a été signalé à propos du discours sur l’avarice, l’exposé sur la traduction est une reprise d’un passage extrait de la traduction de l’ouvrage de Garzoni que Figueroa a réalisée : Plaza Universal.
Plaza Universal :
Para el acierto de las traduciones sería menester heredase el Traductor (siendo posible) hasta las ideas y espíritu del Autor que se traduce. Sobre todo se ha de poner cuidado en la elección de palabras, buscando las frases propias, que tengan mayor energía y parentesco con las estrañas; porque la alteza y énfasi de los concetos no se deslustre, y pierda mucho de su decoro. Pocos supieron acudir a esta obligación; supuesto les pareció cumplían sólo con darse a entender de cualquier modo que fuese. Así por este descuido (no sé si diga incapacidad) sacaron a luz traduciones tan flojas por una parte, y por otra tan duras, que es imposible dejarlas de poner debajo los pies, con particular menoscabo de sus dueños. Testigos desta verdad puede, ser los desfigurados Ariosto, Tasso y Virgilio, que con ser dechados de erudición y elegancia, y por eso tan queridos de todos, los desconocemos, y abominamos por la mala interpretación que se hizo dellos.22
Une lecture attentive de ces deux extraits permet de repérer un ensemble de similitudes entre eux notamment dans le choix du lexique employé. En effet, certains termes présents dans le texte de Plaza Universal sont repris à l’identique dans l’extrait de El Pasajero : c’est le cas notamment d’expressions ou de vocables tels que “palabras”, “parentesco”, “énfasi”, “ideas y espíritu” ou encore “decoro”. D’autres subissent de légères modifications : ainsi, le substantif “acierto”, employé dans Plaza Universal, figure dans le texte de El Pasajero sous sa forme de participe passé. Toutefois, le texte a également été soumis à un minutieux travail de réécriture puisque certains décalages sont également perceptibles : ainsi on constate aisément que Figueroa se montre plus succinct dans la première partie du développement consacré à la traduction dans Plaza Universal. En revanche, ce même passage se caractérise par des références concrètes à des auteurs dont les œuvres ont été dégradées par une mauvaise traduction – en l’occurrence, Arioste, Le Tasse et Virgile – là où dans El Pasajero, le texte figuéroen se limite à une allusion à “muchos dignos autores”. Le texte de Plaza Universal est composé pour l’essentiel d’une traduction d’un texte original de Garzoni. Le cas de El Pasajero est bien différent ici. Même si des sources extérieures y sont mobilisées, El Pasajero n’est pas soumis aux mêmes exigences de fidélité au texte source qu’une traduction. Peut-être est-ce pour cela que le texte de El Pasajero propose une version simplifiée du texte. À noter tout de même que cet excursus critique à l’encontre des mauvais traducteurs fait précisément partie des ajouts apportés par Figueroa à la version initiale de Garzoni. Suárez de Figueroa revendique, dès le paratexte, le caractère hybride de sa Plaza. En effet, dans le sous-titre, comme l’a déjà signalé María Ángeles Arce Menéndez, figure la mention suivante : “parte traduzida, parte compuesta” qui permet de deviner d’emblée que Figueroa va remplir une double fonction d’auteur et de traducteur. C’est là une caractéristique qu’il réaffirme dans le prologue. Le prologue de Plaza Universal est un autre exemple des passages originaux créés et ajoutés par Figueroa à sa traduction de Garzoni :
Éstas no puse elegida la tradución, y añadí otras donde pareció convenía. Publícase pues ahora traducido, cercenado, y añadido.23
La réflexion sur la traduction amorcée dans Plaza Universal et reprise dans El Pasajero ne s’arrête pas là. On en trouve en effet une troisième version dans Varias noticias importantes a la humana comunicación. Dans ce dernier opus, à l’instar de ce qu’on observe dans El Pasajero, une somme de réflexions sur des thématiques diverses telles que la politique, la religion, la philosophie ou la littérature est exposée. Dès lors, le texte de El Pasajero se voit conférer un statut de pont, entre deux œuvres de Figueroa, ou peut-être serait-il plus avisé de parler d’un statut de passage, voire de passerelle, confirmant dans la pratique le programme annoncé dans le titre.
Varias noticias importantes a la humana comunicación :
En otra parte advertí, no debían entrar en el número de autores bien entendidos los que sin poseer la fineza y elegancia de ambas lenguas, emprenden groseramente las versiones. Así será propio del ingenioso que a esto atendiere hacer riguroso escrutinio de la fuerza, énfasi, y gala de una y otra lengua, inquiriendo delgadamente qué frases tengan entre sí más digno parentesco, y más dichosa vuelta. Propongo también para el acertado fin deste empleo, ser necesario herede quien traduce las ideas mismas del traducido, transformándose en él de tal suerte, que se pueda afirmar, haberse convertido dos en uno. Si con dulzura y propiedad se pudiese hacer la versión palabra por palabra, argüiría sin duda mayor ingenio; mas no siendo posible, es loable arrimarse (enseña Horacio) al sentido con todo cuidado, de forma que no venga a ser diferente el conceto.24
Là encore, les idées générales restent sensiblement identiques. Elles subissent néanmoins quelques modifications conformes au processus de réécriture. Il est remarquable que, dans Varias noticias importantes a la humana comunicación, l’auteur n’ait plus recours au terme de “conversación” mais à celui de “parte”. En préférant le terme “parte” au vocable “conversación”, le texte de Varias noticias semble gommer les références à l’oralité inhérente à la forme dialoguée de El Pasajero. Néanmoins, on ne saurait oublier qu’à l’époque conversación et comunicación étaient des termes de sens très voisin. Or, “comunicación” est précisément employé dans le titre complet de Varias noticias. La proximité entre conversación et comunicación transparaît bien dans la définition que propose Sebastián de Covarrubias du verbe conversar dans son dictionnaire puisque ces termes y sont utilisés conjointement :
conversar: Tratar urbanamente y comunicar con otros. Conversable el apazible, el tratable. Conversación, la comunicación y plática entre amigos. Desconversable, el retirado y desapacible. Lat. Converso. As. Frequentatiuum a converso, de von et versus porque dize una razón, y buelbenle otra, y torna a responder, y desta manera se trava la conversación.25
Dans l’extrait de Varias noticias qui nous occupe, “conversación” est donc remplacé par “parte” mais son absence relative est compensée par la mention qui est faite dès le syntagme titulaire du vocable “comunicación”. Des connexions s’instaurent donc entre les deux œuvres à travers l’utilisation des vocables “comunicación” et “conversación”. L’usage spécifique qui est fait du terme “conversación” dans El Pasajero tend donc à enrichir le sémantisme de ce substantif puisque, par son entremise, le texte convoque des écrits antérieurs de Suárez de Figueroa. On soulignera par ailleurs dans la citation tirée de Varias noticias (1621) l’usage qui est fait du verbe advertir qui constitue un indéniable écho au sous-titre de l’œuvre d’où celle-ci est tirée : El Pasajero, advertencias utilísimas a la vida humana (1617). On ne saurait néanmoins négliger l’importance du glissement qui s’effectue d’une œuvre à l’autre : dans El Pasajero, Figueroa opte pour le substantif (“advertencias”), là où dans Varias noticias, il préfère une forme verbale (“advertí”). Or, on rappellera avec Bénaben que “du point de vue de la sémantique traditionnelle le terme substantif désigne la substance (l’essence) par opposition à l’accident (ou variation). L’accident étant représenté par l’adjectif et le verbe”26. Cette valeur inhérente au substantif tend à confirmer l’hypothèse développée plus haut selon laquelle c’est le texte qui est pasajero. Ainsi, les advertencias fonctionnent-elles comme autant de pierres qui permettent de construire le passage, c’est-à-dire le texte : celui-ci est conçu, en quelque sorte à la manière d’un passage pavé de pierres, de différentes advertencias. De la même manière, l’emploi de la forme verbale à la première personne du prétérit du verbe advertir employée dans Varias noticias place d’emblée le “yo” de l’auteur –qui s’exprime à la première personne dans Varias noticias qui ne relève pas de la fiction- dans le domaine de l’action. Or, il s’agit d’une action que celui-ci a réalisée en 1617, ce qui justifie de plein droit l’utilisation du prétérit. En effet ce temps, faut-il le rappeler, “présente un événement passé entièrement accompli, révolu et refermé sur lui-même”27. À noter que Figueroa développe un jeu de reprise lexicale similaire dans l’introduction de Pusílipo (1629) où l’expression “a la vida humana utilísimas” entre immanquablement en résonance avec le sous-titre de El Pasajero, advertencias utilísimas a la vida humana, instaurant de la sorte un pont entre ces deux ouvrages :
Y siendo propria, y ambiciosa calidad del hombre, el ser sociable; fue, y es antigua costumbre aquella amena soledad, el buscarse los más cercanos, para pasarla menos sola, con discretas conversaciones, a la vida humana utilísimas.28
Dans la formule, l’inversion de la place de l’adjectif et du complément (“advertencias utilísimas a la vida humana” VS “a la vida humana utilísimas”), bien qu’assez courante du fait de la souplesse de la langue castillane, est trop évidente pour ne pas répondre à une stratégie. En dépit d’une relative artificialité, le pouvoir d’évocation de cette formule est indéniable et ne saurait échapper au lecteur. La reprise de cette partie du syntagme titulaire combinée à celle du terme “conversación” constitue donc autant d’indices de la parenté idéologique entre les deux œuvres. Par l’entremise de ces jeux de répétitions, l’auteur configure une métaconversation puisque, par-delà le texte et par-delà la fiction, c’est un véritable échange qui semble se tisser entre l’auteur et sa création.
“Conversación” n’est pas le seul terme qui permette d’établir des connexions intertextuelles dans El Pasajero puisqu’on observe un phénomène analogue à travers l’usage qui est fait du vocable “relación”. Chacun des trois interlocuteurs du Docteur l’emploie, en effet, pour se référer à l’exposé consacré à l’Italie que le letrado réalise dans l’alivio I :
Estimo la relación como es justo; mas prometo solicitar tan aprisa mi negocio, que, siendo posible, dé la vuelta con brevedad.29
Pues en nada viene a ser inferior su distrito, si se debe dar crédito a relaciones30.
Veis cuán importante me es llevar adelante esta relación para quedar enterado de lo que ignoro, y quereisme contrastar semejante ventura.30
Et le Docteur lui-même l’utilise dans la même acception :
No me ocurre otra cosa que advertir deste reino y ciudad, en cuya relación eché bien de ver que no he sido esperado, pues ninguno me ha interrumpido.31
Ce terme jouit d’une présence moindre que “conversación” puisqu’il n’apparaît qu’à 12 reprises dans El Pasajero. L’enjeu intertextuel reste néanmoins perceptible dans son emploi dans la mesure où un tiers de ces occurrences se trouvent précisément dans le chapitre où les Relations Universelles de Botero sont citées in ex extenso. Ce jeu de reprise entre le titre du texte de référence et le nom que lui donnent les sujets parlants atteste, nous l’avons dit, de la minutie dont fait preuve Figueroa dans la construction de son œuvre. Mais il y a plus encore. Lorsque le Maître réprimande un Don Luis désireux d’en savoir toujours plus sur Milan et qui ne lui laisse donc pas le loisir d’obtenir des informations sur sa propre destination – à savoir Rome –, il s’exclame :
Maestro. Conveniente será dejaros por ahora en Milán, para que yo pueda pasar a Roma. Sin duda, pretendéis alzaros con el caudal de la noticia, pues queréis se ocupe nuestro relator sólo en vuestro pleito. Estoy deseoso de verme vuelto romano; que aunque Virgilio, en su Eneida, hace tantas veces mención del Latio, de los montes, del Tibre y otras cosas, todas, después acá, por los acidentes del tiempo, habrán cobrado nueva forma y ser. Pendiente me tenéis de vuestros labios; oiga yo nuevas de la ciudad donde en alas del pensamiento reside ya el corazón.29
Cette intervention est retranscrite dans son intégralité car elle est éclairante à bien des égards pour notre propos. Au-delà de connotations juridiques évidentes, on peut probablement voir dans l’emploi du vocable “relator”, une allusion au statut de letrado du Docteur. Son utilisation est également remarquable dans la mesure où elle permet d’instaurer une autre filiation avec l’œuvre de Botero. Dans le dictionnaire de Covarrubias, “relator” est placé dans la même entrée que “relación”, ce qui tend à mettre en évidence la proximité sémantique entre ces deux substantifs :
Relacion, Latine relatio, a referendo, actus referendi. RELATOR, oficio en los Consejos o Audiencias, el que refiere una causa bien, y fielmente, sin daño de ninguna de las partes.32
Le premier point que l’on se doit de signaler est la valeur laudative inhérente au terme de “relator” puisque les sèmes à connotation positive de qualité et de fidélité qui lui sont associés rejaillissent sur la personne qui émet le rapport, en l’occurrence le Docteur. En octroyant à ce dernier le statut de relator, le texte convoque, encore une fois, de manière implicite, les Relaciones de Botero. D’aucuns pourraient opposer que relator et relación proviennent de deux étymons différents : relātor, –ōris pour le premier et relātio, –ōnis pour le second. Néanmoins, ces formes prennent toutes deux leur origine dans refero qui dit le fait “de rapporter (quelque chose du point d’où l’on est parti)”, d’apporter de nouveau. En l’occurrence, chacun de ces termes renvoie donc au texte de Botero. Allons plus loin sur ce passage. Il est intéressant de constater que la connaissance que possède le Maître de Rome, conformément à sa caractérisation, est livresque : en effet, dans son intervention, il admet que les connaissances dont il dispose au sujet de Rome sont tirées de sa lecture de Virgile. Pour les éléments qui auraient changé (“habrán cobrado nueva forma y ser”), il semble compter sur l’expérience du Docteur ; or, le texte cite encore une fois l’ouvrage de Botero.
L’usage du vocable “relación” ne se limite néanmoins pas aux seules références à l’œuvre de Botero. Le texte figuéroen exploite, en effet, toute la polysémie de “relación” puisque ce vocable entre également en résonance avec les narrations de fiction qui constituent un autre pan fondamental de El Pasajero. Les quatre citations qui font intervenir le terme “relación” se réfèrent à des épisodes clé de l’œuvre à savoir le récit autobiographique du Maître (citations n°1 et n°2), celui du Docteur (citation n°3) et celui de Juan (citation n°4) qui jouit d’un statut particulier puisqu’il constitue un épisode du récit du Docteur. Un petit excursus lexical s’impose ici quant aux narrations autobiographiques. Cet ensemble insère les narrations prises en charge par les différents locuteurs qui y retracent leur parcours jusqu’au moment supposé de l’interaction. Y sont également abordées les causes de leur départ. Pour des raisons de commodité33, l’adjectif autobiographique est utilisé pour qualifier ces récits car du point de vue du personnage il s’agit bien d’une autobiographie. Le personnage qui fait ses confidences à ses compagnons n’est pas dans la fiction. Mais, du point de vue de l’écriture de El Pasajero, ce matériel autobiographique est un matériel fictionnalisé comme le reste de l’œuvre. Techniquement, il n’y a pas de correspondance totale entre la figure de l’auteur et celles du narrateur et du personnage. Il convient, néanmoins, d’apporter, dans cet ensemble, un statut particulier au récit du Docteur qui, on le sait, se nourrit d’éléments tirés du vécu de Figueroa. Maintenant que ce point lexical a été éclairci, il convient de souligner que le fait que l’on retrouve le vocable “relación” adjoint à des récits biographiques ou enchâssés, ne saurait être fortuit d’autant que certains de ces récits ont eux-mêmes des sources livresques. Le cas le plus évident est celui du récit de Juan qui est une réécriture d’une nouvelle de Boccace34. Les autres exemples, quant à eux, se nourrissent de topiques de la littérature de l’époque et participent de fait de l’élaboration de l’édifice transtextuel figuéroen. Ainsi, dans le récit de jeunesse du Maître, la rencontre avec un jeune étudiant peu sérieux qui l’informe des secrets et des ruses de la vie estudiantine, fait-elle écho à la figure de l’étudiant, personnage folklorique récurrent dans la littérature du Siècle d’Or35. De la même manière, les extraits 3 et 4 convoquent deux aubergistes différents, dont le statut de personnage incontournable des lettres espagnoles de l’époque n’est plus à démontrer36 :
Citation n°1 (Alivio III) :
Maestro. En fin, me vino a tocar la relación de mis calamidades y la remembranza de excesos juveniles dignos siempre de perpetuo olvido.37
Citation n°2 (Alivio IV) :
Doctor. Paréceme haber entendido en lo último de la relación pasada habíades ya comenzado el grande y apostólico ministerio de predicador.38
Citation n°3 (Alivio VI) :
Doctor. (…) Fue refocilado con el suplemento de otro cuartillo, sin el que en llegando recibió su cuerpo, si fue verdadera la relación del mesonero39.
Citation n°4 (Alivio VII) :
Doctor. Con esto puso fin a su plática el ventero, dejándome atónito con la diversidad de su relación.40
C’est précisément le terme de “relación” qui matérialise la parenté entre les citations 1 et 2 où ce vocable est employé par deux personnages différents pour faire référence à un seul et même récit. Une fois de plus, les deux pans de la communication (à savoir l’émission, la production du récit et sa réception) sont envisagés puisque dans la citation 1, “relación” vient introduire le récit alors que dans la citation 2 c’est bien du point de vue du narrataire qu’il est employé. La question de la réception entre, qui plus est, en résonance avec la relation qui se tisse entre l’auteur et le lecteur. De la même manière, la parenté lexicale établie par la réutilisation du terme “relación” dans les citations 3 et 4 se double d’une parenté thématique puisqu’elles convoquent toutes deux la figure de l’aubergiste mais cette figure se décline à travers deux personnages distincts. L’aubergiste de la troisième citation n’est pas Juan. Le quatrième exemple, à savoir celui de la narration de l’ “aubergiste-soldat”, s’avère particulièrement intéressant. En effet, il convient de faire remarquer, que c’est d’abord un regard sur sa narration, sur sa relación en tant qu’objet littéraire, qui est porté. La priorité est donnée à la qualité esthétique et non pas éthique de son récit. Le récit de Juan se distingue donc de celui de l’ermite qui le précède immédiatement dans l’espace textuel. Le Docteur exprime un jugement sur le choix de vie de l’anachorète, choix de vie auquel il ne souscrit pas ; le comportement de Juan est certes décrié mais l’appréciation concerne avant tout le récit, pas son contenu. L’emploi du terme “relación” pour se référer à la narration de Juan est significatif car par son entremise, le texte semble revendiquer le lien intertextuel avec Boccace puisque, à l’époque, relación était souvent utilisé comme un équivalent de novella41.
À l’issue de cette première approche lexicale, il ressort bien que l’auteur de El Pasajero met en place tout un réseau sémantique vertébré autour des termes conversación et relación mais aussi aviso et advertencia42 qui partagent la particularité de jouer sur les deux niveaux à l’œuvre dans El Pasajero, le discours oralisé et le discours écrit que l’on retrouvait déjà dans les dialogues humanistes. Ce jeu sur les rapports écrit / oral se double, au sein même du discours écrit, d’un autre jeu qui fait intervenir, cette fois, les textes empruntés (qu’il s’agisse d’intertextualité restreinte ou générale) et les textes originaux. Dans la première catégorie, un corpus important et, en cela, remarquable est composé de textes italiens comme si la promotion de l’Italie utopique devait passer par la promotion de ses textes.
L’importance des sources italiennes
L’influence des écrits du piémontais Botero, mise en lumière dans les travaux de Pelorson, va bien au-delà du processus de reprise du texte de ses Relations Universelles. La construction du texte figuéroen repose sur la mobilisation de sources variées. Un premier constat s’impose concernant ces emprunts. De nombreuses références livresques mises à contribution par Figueroa proviennent d’Italie. Compte tenu de l’époque de composition de l’ouvrage, ce choix semble, somme toute, assez logique au regard de l’effervescence culturelle et intellectuelle qui régnait à l’époque dans ce pays. L’étroitesse des relations qui unissaient l’Italie et l’Espagne à ce moment de l’Histoire tend également à expliquer cette omniprésence des références italiennes dans l’espace textuel figuéroen. Enfin, sans tomber pour autant dans une lecture autobiographique de El Pasajero, on ne saurait négliger l’importance de l’expérience personnelle de Figueroa qui a vécu et a occupé de nombreux postes dans l’administration en Italie.
L’Italie bénéficie d’une place de choix non seulement dans El Pasajero mais aussi au sein de l’ensemble processus de création littéraire de Figueroa comme on peut le vérifier dans ses traductions des œuvres italiennes Il Pastor Fido et La Piazza Universale di tutte le professioni del mondo ou de façon plus anecdotique dans España defendida, dans Hechos de don García Hurtado de Mendoza43. On dresse le même constat dans Varias noticias importantes a la humana comunicación où la thématique italienne revient de manière allusive mais toutefois récurrente. L’exemple le plus évident est celui d’un récit où Figueroa reprend un motif qu’il avait déjà exploité par le passé à savoir celui du voyage en Italie à travers le personnage de Laureano, un Andalou, qui décide de partir en Italie44. Ce passage permet, une fois de plus, de mettre en lumière l’indéniable convergence thématique qui lie les différentes œuvres de l’auteur puisque Figueroa reprendra ce prénom pour nommer l’un des interlocuteurs de Pusílipo, œuvre dans laquelle l’échange se déroule à Naples. Enfin, il convient de ne pas oublier que l’Italie est un espace élevé dans le corps de l’œuvre, au rang idéalisé, dans une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de l’auteur du Viaje de Turquía. Toutefois, à la différence de ce que l’on peut observer dans le dialogue anonyme du XVIe siècle où la description des Turcs et de leur mode de vie traverse toute l’œuvre, l’Italie est finalement peu présente de façon explicite dans El Pasajero. Les références qui y sont faites se situent, pour l’essentiel, dans le premier chapitre. De là à dire que celle-ci n’occupe qu’une place de second choix dans El Pasajero, il y a un pas que nous nous garderons bien de franchir. En effet, l’Italie, destination finale du voyage, élément de comparaison qui sert à mettre en évidence les erreurs commises par les Espagnols, se voit confirmée dans son statut d’espace utopique par les nombreuses références livresques. L’Italie est en quelque sorte érigée en espace de référence textuelle comme si le texte figuéroen devait se nourrir de textes italiens pour construire cet espace utopique. Cette omniprésence est perceptible dès le paratexte à travers le choix même du titre donné à l’adresse au lecteur puisque d’après Porqueras Mayo, le “al lector”, que l’on trouvait fréquemment dans la littérature espagnole45, constituait aussi une pratique très courante dans les lettres italiennes46. Comme l’ont montré certains membres de la communauté scientifique47, l’auteur a mobilisé de multiples sources italiennes : celles-ci traversent l’espace textuel. Outre Botero dont il a été déjà question, El Pasajero porte la marque d’auteurs comme Minturno, Panigarola, Marini, Boccace, Leone Hebreo et Castiglione ou encore Garzoni. Giovio fait également partie des sources possibles pour le développement consacré aux Turcs dans l’alivio V.
Parmi tous les hypotextes italiens mis à profit dans le texte figuéroen, seuls les exemples les plus significatifs et les plus riches font l’objet d’une étude plus approfondie ci-après. Les textes introduits par Figueroa dans l’espace textuel sont de nature très différente. Néanmoins, ce n’est pas la fortune de ces textes, très variable au demeurant qui justifie leur insertion. La pratique intertextuelle pose donc bien la question du lectorat qui sera abordée plus loin48. De plus, ils ne sont pas tous intégrés de la même manière dans le texte même s’il y a –logiquement, serions-nous tentée d’ajouter- une adéquation entre la nature de l’œuvre citée et le développement dans lequel elle s’insère ou auquel elle donne lieu. Si l’on reprend le cas des Relations universelles, leur insertion est justifiée du point de vue de l’échange par la demande des voyageurs d’obtenir des informations sur leur destination. En revanche, il semblerait que lorsque la source mobilisée est une œuvre de fiction, le degré d’émancipation soit plus important comme on peut le constater à travers la reprise d’un épisode inspiré du Décaméron de Boccace. Dans ce cas précis, Figueroa semble se détacher du modèle préexistant pour proposer une version hispanisée du conte italien. Le recours à la fiction de Boccace débouche donc chez Figueroa sur une création originale49.
Après ces quelques considérations générales sur la composition, il convient d’observer la manière dont chacun de ces éléments vient s’intégrer dans l’ouvrage. Les procédés d’insertion de ces emprunts varient considérablement selon le degré de diffusion de la source, ce qui confirme, un fois de plus, la question du lectorat posée plus haut. Il a déjà été question du jeu qui est établi dans l’espace textuel sur l’utilisation du terme “relación” qui est employé pour désigner les descriptions que propose le Docteur des paysages italiens et qui est un des éléments du titre de l’œuvre dont ces descriptions sont tirées, Relations universelles. Précisons que, même si le Docteur ne fait pas référence nominativement à Botero – il n’était pas d’usage de citer les sources modernes – il reconnaît de façon relativement explicite sa dette envers l’auteur piémontais précisément grâce à l’évocation du concept de Raison d’État :
Doctor. Escribe un moderno (de quien es mucho de lo que voy tratando) a este propósito haber observado castellanos y portugueses cierta razón de estado en todo opuesta a la de donde procedió el poder y grandeza de los romanos.50
Au-delà du seul cas de Botero, l’alivio IV constitue aussi un cas intéressant à différents égards. Dans ce chapitre consacré pour l’essentiel à une thématique religieuse, le personnage du Maître formule une série de recommandations sur les sermons. La plupart de ces conseils sont tirés de deux ouvrages différents : la Piazza Universale de Garzoni et un manuel sur la façon d’écrire un sermon, Modo di compore una predica de Panigarola51. Or, le personnage du Docteur, dans ce même alivio, se réfère explicitement aux différents livres qui ont été écrits sur le sujet :
Doctor. Sobre las partes que han de intervenir en un buen predicador hay escritos enteros volúmenes; por manera, que se debría juzgar por tiempo perdido y vana fatiga tratar de ceñir y embeber en hoyo limitado la inmensidad de un piélago profundo.52
Ce chapitre offre donc un exemple évident de mise en abyme dans la mesure où la ‘figure de projection’ de Suárez de Figueroa cite l’existence de textes que cet écrivain a lui-même exploités pour composer ce chapitre. Au-delà de l’intérêt de cette mise en abyme en tant qu’artifice littéraire, il convient d’insister, une fois encore, sur la maestria dont fait preuve Figueroa dans cet extrait. Par l’entremise d’un personnage, le texte semble contester la pertinence d’une pratique mise en œuvre en son sein. C’est ainsi qu’il faut, à notre avis, interpréter les deux groupes nominaux coordonnés “tiempo perdido y vana fatiga” qui constituent en quelque sorte “une ingérence de personnage”51 dans le processus créatif mené à bien par l’auteur. Dès lors, le personnage du Docteur voit, d’une certaine manière, augmenter ses attributions puisqu’il n’est plus seulement théoricien littéraire mais glisse peu à peu vers le rôle de censeur. Cette dimension n’apparaît pas seulement dans le chapitre IV mais caractérise plutôt tout un pan du discours du personnage émis par le Docteur ainsi qu’en témoigne son désamour affiché envers la comedia lopesque53. L’alivio IV se distingue aussi car le processus d’intertextualité générale se double d’une intertextualité restreinte. En effet, les idées que mobilise Figueroa ont été élaborées par Garzoni54 et par Panigarola mais la traduction espagnole qui en est proposée dans El Pasajero, elle, est bien l’œuvre de Figueroa. Enfin, conformément aux éléments de poétique formulés par le personnage du Docteur, le texte figuéroen ne se limite pas à une reprise servile de sources préexistantes mais l’enrichit de créations personnelles et originales comme le développement consacré aux sermons en romance qui sont vivement critiqués55 :
Los sermonarios en romance causan generalmente notable daño. Quitan la invención propia, la elegancia del lenguaje, la agudeza de los pensamientos y concetos levantados. Son ocasión de que no estudien los principiantes, asidos a sus romancistas. Hacen dar a menudo en cosas comunes y trilladas, que todas lo son, por andar en tantas manos, y en lenguas de quien no los entendiera en latín.56
Les mécanismes d’insertion des extraits diffèrent selon que les textes soient empruntés à Botero ou à Garzoni et Panigarola. Mais, l’éventail des ressorts mobilisés dans le texte figuéroen pour introduire des emprunts n’est pas épuisé. En effet, dans le chapitre VI, Figueroa reprend un poème du poète italien Marini qu’il inclut selon des modalités différentes de celles qui ont été mises en évidence jusqu’ici. La ressemblance entre les écrits figuéroens et ceux de Marini n’avait pas échappé à María Ángeles Arce qui écrivait dans sa thèse :
(…) es mucho más evidente si se comparan los últimos siete versos del soneto figueroniano con otros tantos endecasílabos del soneto XXIV de las Polifemeide, publicados por Marino entre las Rime (Venezia,1602). Comparadas paralelamente ambas composiciones se podrá ver que Figueroa casi traduce los versos del italiano.57
Le texte figuéroen ne rend pas compte explicitement de la paternité du sonnet inclus dans l’alivio VI. Celui-ci est introduit ci-dessous, précédé des quelques lignes qui justifient son insertion :
Doctor. Las fábulas sólo se debrían introducir en los versos con título de símiles, y en esta ocasión han de tener la propiedad y congruencia necesaria. Así las he usado a menudo, sin cargar las composiciones de su muchedumbre. En nuestros tiempos no sólo son admitidas como forasteras, sino como familiares y muy de casa, eligiéndolas no pocas veces por asuntos principales. Tal fue con nombre de POLIFEMO la de Atis y Galatea, felicísimo parto de Don Luis de Góngora, y tal el culto FAETÓN del Conde de Villamediana. Bien es verdad que he deseado hacer esperiencia sobre ceñir la primera en un soneto, con sus partes integrantes de principio, medio y fin; no sé si habré conseguido el intento. El soneto tengo en la memoria; oídle, y dareisme vuestro parecer:
No tanto ardor por su rebelde Fedra
cuanto por Atis Galatea espira,
cuando el terror de las montañas mira
hecho muro el garzón, la ninfa yedra.
‘Pues más que un fuerte, un flaco amando medra
su ser deshaz, ¡oh fulminante ira!’
bramó tirando, y mientras brama y tira,
Fue, si trueno la voz, rayo la piedra.
Instrumento cruel, golpe inhumano,
que, en medio del morir más dulce, oprime
dos vidas que de amor eran despojos.
Tiembla la amante, y se lamenta en vano,
vueltos, en tanto que suspira y gime,
agua los miembros dél, della los ojos.58
Le lecteur voudra bien pardonner l’insertion in extenso de cet extrait qui vise à permettre une meilleure appréhension du mécanisme mis en œuvre dans ce passage. On peut supposer que Figueroa, en sous main, joue sur l’horizon d’attente de son lecteur en insistant sur l’œuvre de Góngora avant de mettre en évidence, à la fin, l’élément qui permet la reconnaissance du poème de Marini59. La réaction enthousiaste de Don Luis après la déclamation du sonnet, redondante en quelque sorte, confirme cette interprétation. En effet, dans cet extrait, l’accent est mis sur la qualité de la conclusion du sonnet ; or, cette conclusion est précisément la partie que Figueroa a empruntée à Marini :
Don Luis. Si en esto, respeto de lo poco que sé, puedo opinar, el soneto me parece admirable. No deja cosa por tocar. Narra a lo lacónico, y descubre maravillosamente lo más interior, los afectos, las pasiones. Es singular la distribución del fin en ambos, con que la conclusión viene a ser preciosa.58
Il n’est peut-être pas excessif de voir dans ces louanges un indice – aussi infime soit-il – sur la provenance de ce sonnet. Au-delà de la seule influence italienne, ce dernier comporte aussi une réminiscence des octavas 59 à 63 de la Fábula de Polifemo y Galatea de Góngora qui n’a pas échappé à de nombreux chercheurs60. Cette double influence mariniste et gongorienne est logique car les œuvres de ces deux poètes présentaient de nombreuses similitudes61. Cet éloge de Góngora, qui détonne avec la teneur globalement critique des propos tenus à l’égard des hommes de lettres de l’époque, entre en résonance avec la seconde grande controverse littéraire de l’époque autour du gongorisme62. Une fois de plus, le texte semble rejeter Lope en se prononçant en faveur de Góngora (cf. “felicísimo parto”). Pourtant, par ailleurs, le texte figuéroen insiste sur la nécessité de composer des textes littéraires clairs configurant ainsi un idéal aux antipodes de la définition gongoriste, semblant même viser, à la fin, les épigones de Góngora63 :
No deben ser (enseña un docto moderno) los versos revueltos, ni forzados; mas llanos, abiertos y corrientes, que no hagan dificultad a la inteligencia, si no es por historia o fábula. Con esta claridad suave, con esta limpieza, tersura y elegancia, con la fuerza de sentencias, y afectos, se debe juntar la alteza del estilo. Mas, sobre todo, sin la claridad no puede la poesía mostrar su grandeza; porque donde no hay claridad no hay luz de entendimiento, y donde faltan estos dos medios no se puede conocer ni entender cosa. Y el poema que siendo claro tendría grandeza, careciendo de claridad es áspero y difícil. Con estas palabras, cuanto a la lengua, de bien grave autor, quedaran, a mi ver, convencidos (permítase impugne esta novedad su primer autor, si bien lucidísimo ingenio en nuestro vulgar) los que siguen secta contraria, publicando bernardinas y haciendo burla de los a cuyas manos llegan. Sin duda, se levanta en España nueva torre de Babel, pues comienza a reinar tanto la confusión entre los arquitectos y peones de la pluma. No sirve el hablar de encubrir o poner en tinieblas los concetos, sino de descubrirlos y declararlos.64
Cet hommage rendu à Marini et à Góngora permet au texte figuéroen de revêtir une coloration d’inspiration à la fois italianisante et hispanique, tout à fait conforme au statut de lieu de passage de El Pasajero. Au-delà des procédés de citation et des emprunts qui viennent d’être analysés, la transtextualité dans El Pasajero se manifeste aussi selon la modalité de la réécriture de certaines sources italiennes traitées à travers le prisme de l’hispanité qui participe de l’écriture de ‘l’entre-deux’ mise en œuvre par Figueroa.
Hispanisation des sources et du texte
L’importance des sources italiennes chez Figueroa est également perceptible à travers des références à Boccace et à son œuvre majeure, le Décaméron. La mention des noms de certains personnages du Décaméron, le débat sur les effets de l’amour et son aptitude à rendre fou ou, au contraire, sain d’esprit, à l’alivio V, constituent autant d’indices de l’impact de l’auteur italien sur Figueroa. La reprise d’une partie de la nouvelle d’Andreuccio da Perugia (II, 5) reste néanmoins l’exemple le plus évident. En effet, Figueroa, exploite dans El Pasajero l’épisode de la profanation de la tombe inscrivant ainsi son récit dans toute une tradition folklorique de profanation comique des rites religieux.
La présence de Boccace dans le récit de Juan se manifeste également de manière plus voilée en venant s’insinuer dans l’espace textuel.
De l’emprunt à la réécriture : le récit de Juan
La narration de l’aubergiste constitue un véritable palimpseste où un épisode d’une nouvelle de Boccace donne lieu à une narration beaucoup plus étendue. Celle-ci rend compte des aventures d’un personnage dont les propos sont rapportés par le Docteur au cours du récit de son parcours personnel65. Ce récit se décompose en divers épisodes dont le schéma est inséré ci-après66 en vue de faciliter la compréhension du lecteur.
Les éléments qui s’apparentent le plus au conte de Boccace concernent essentiellement la fin de la deuxième partie du récit de Juan. Toutefois, on peut trouver une réminiscence du récit boccacien dès la première étape et voir dans la rencontre avec Doña Petronila un écho à l’œuvre de Boccace. D’un point de vue phonétique, Petronila entre en résonance avec le nom du personnage féminin central du deuxième conte de la VIIe journée, Peronella : à l’exception du [t], les prénoms de ces personnages font intervenir les mêmes phonèmes [p], [r], [n] et [l]. La reprise de ces phonèmes configure une onomastique commune qui permet d’établir une parenté entre les deux personnages. La Peronella du Décaméron a également un homonyme dans une autre œuvre de Boccace, La chasse de Diane. Elle y représente l’une des nymphes de la déesse et fonctionne comme un contrepoint à la Peronella volage du Décaméron, à laquelle semble s’apparenter la Petronila figuéroène. Mais au-delà du jeu phonétique, Petronila renvoie aussi et surtout à la jeune sicilienne anonyme qui se joue du personnage d’Andreuccio chez Boccace (II, 5). Une rapide comparaison entre l’hypotexte boccacien et la version figuéroène laisse apparaître des similitudes de caractérisation. Chez Figueroa le personnage féminin a une fonction somme toute assez anecdotique là où le personnage créé par l’auteur italien joue un rôle clé dans la narration. Ainsi, Boccace décrit-il la jeune femme qui se fait passer pour la sœur d’Andreuccio :
E in questi trattati stando, avendo esso la sua borsa mostrata, avvenne che una giovane ciciliana bellissima, ma disposta per piccol pregio a compiacere a qualunque uomo, senza vederla egli, passò appresso di lui e la sua borsa vide67.
L’incise “ma disposta per piccol pregio a compiacere a qualunque uomo”, rendue par le traducteur français par “une jeune Sicilienne d’une beauté extrême, mais disposée pour un petit prix à faire le bonheur de n’importe qui” ne laisse que peu de doute sur la profession de cette jeune femme. Cette caractérisation entre indéniablement en résonance avec la description que Juan fait de Doña Petronila. Pourtant, le prénom de la jeune femme aurait pu constituer un indice positif car Sainte Pétronille est la sainte des voyageurs et des pèlerins68. Qui plus est, son prénom, selon une étymologie erronée69, est censé dériver du latin Petrus. Cette étymologie fautive la rattache donc directement à la figure de Saint-Pierre dont elle serait, d’après certaines légendes apocryphes, la fille adoptive, spirituelle ou charnelle. Cependant le texte figuéroen la décrit comme “una damaza española que había sido alboroto de Roma y de Nápoles, a lo de Dios es Crist70o, llena de autoridad y rumbo”71, une configuration aux antipodes de celle de la vierge martyre et de la Peronella di Arco de La Caccia di Diana72 mentionnée plus haut. À travers la figure de Doña Petronila, le texte figuéroen semble convoquer, par un double processus de “travestissement burlesque”73, un double hypotexte boccacien74. L’agitation créée par la présence de Doña Petronila à Naples induit une forme de méfiance à son égard. Le choix du terme “alboroto” est en ce sens remarquable ; associé sémantiquement au bruit, il est ce qui brise l’harmonie et ce sème de la rupture rejaillit inévitablement sur le personnage de Doña Petronila. Le choix même de la ville de Naples permet également le rapprochement entre l’œuvre source de Boccace et sa version figuéroène puisque le lieu où se déroulent les mésaventures d’Andreuccio est une Naples interlope. De la même manière, Gênes, lieu de la rencontre entre Juan et Doña Petronila, peut inviter à une certaine prudence à l’égard du personnage féminin. Dans la littérature espagnole de l’époque, comme on le sait, Gênes est une ville qui jouit d’une piètre réputation dont Figueroa se fait l’écho dans El Pasajero. Certains choix lexicaux induisent également le manque de fiabilité de Doña Petronila. Outre le cas déjà abordé de “alboroto”, on décèle un jeu sur la polysémie de “rumbo” puisque d’après Autoridades :
Rumbo. En la Germanía significa peligro. Juan Hidalgo en su Vocabulario. Latín. Discrimen. Periculum. ROM. DE LA GERM. Rom. 8.75
En dépit de ces éléments, Juan ne semble pas éprouver la moindre suspicion à l’égard de Petronila. En ce sens, il adopte un comportement analogue à celui d’Andreuccio. Chez le personnage boccacien, l’inexpérience et une certaine forme de naïveté sont à l’origine des déconvenues qu’il doit essuyer comme l’explique René Stella dans son article consacré à la fonction narrative de l’auberge dans le Décaméron :
Andreuccio a eu l’imprudence de montrer sur le marché aux chevaux sa bourse pleine de cinq cents florins d’or. (…) Andreuccio commet une première erreur : “il s’avisa que cette dame avait dû s’éprendre de lui, comme s’il n’y avait eu à Naples aucun autre beau garçon”.76
L’errance, caractéristique de ces deux personnages, constitue une autre similitude : Andreuccio va de mésaventures en mésaventures à Naples tout comme Juan essuie de multiples déconvenues à Toulon77. Le récit de l’ancien soldat devenu aubergiste se caractérise par l’omniprésence de verbes de déplacement et la récurrence du terme “camino”. Outre le verbe “ir”, le texte figuéroen mobilise une série d’expressions telles que “encaminar la proa”, “andar”, “cruzar”, “entrar”, ou encore “desamparar la ciudad” qui induisent toutes, une forme d’itinérance.
De la même manière, l’épisode où Juan est aspergé d’eaux usées que des habitants ont jeté par la fenêtre, sans l’avertissement de rigueur constitue une autre réminiscence de l’hypotexte boccacien. Figueroa écrit :
Arrimeme a cierto cajón que parecía de platero, y mientras, tiritando, estaba atendiendo a la consideración de mi desdicha, sin decir ‘¡agua va!’78, arrojaron por una ventana que, sin saberlo, venía a estar derechamente sobre mis espaldas, cantidad de dos grandes cántaros, y no de la más limpia del mundo. Cayome toda encima (…).79
Ce nouveau déboire du “ventero militar” – ainsi que le nomme le Docteur dans son récit – peut être interprété comme une variante d’un incident relaté par Boccace au cours duquel Andreuccio, sur un faux pas, tombe dans les commodités80. Le caractère scatologique, récurrent dans la littérature de l’époque comme chez Quevedo dans El Buscón, commun à ces deux épisodes est indéniable. Mais la mésaventure boccacienne des latrines trouve peut-être un écho – bien que moins évident – dans l’allusion au tas de raisin noir dans lequel Juan s’endort. En effet, au lever du jour, il se réveille et découvre que :
(…) era toda la lana del colchón de uvas negras, causa de haberme puesto jaspeado de pies a cabeza.81
Il est tentant d’établir un parallèle entre l’emploi dans le texte d’origine de “ma tutto della bruttura, della quale il luogo era pieno, s’imbrattò” et de “jaspeado de pies a cabeza” dans le texte figuéroen puisque ces deux passages dressent des portraits similaires des deux protagonistes. Ceux-ci se trouvent couverts de substances poisseuses, ce qui leur donne une apparence ridicule.
Ces éléments, bien que secondaires et assez infimes, sont trop nombreux dans le récit des péripéties du soldat pour n’être que fortuits. Toutefois, malgré d’indéniables ressemblances entre El Pasajero et l’hypotexte boccacien, le texte figuéroen revêt aussi un ensemble de caractéristiques qui lui permettent de se distinguer du texte originel en mobilisant notamment une série de références hispaniques.
Une réalité référentielle aux accents hispaniques
L’hispanité du récit de Juan est aisément perceptible dans le choix de l’aire géographique dans laquelle se déroulent ses aventures. Si les premiers événements racontés par “l’aubergiste-militaire” se déroulent sur des territoires italiens et français (Gênes, Toulon, Marseille), la plus grande partie du récit a pour cadre des terres espagnoles. Le récit de Juan a pour décor quelques lieux emblématiques du Madrid du Siècle d’Or : la Porte d’Alcalá, le “paseo del Prado” et “San Jerónimo”82 mais aussi le “monasterio de doña María de Aragón”83 ou encore “el petril de San Felipe”. Ces hauts lieux de la sociabilité et du vice contribuent également au processus d’hispanisation du récit, en convoquant la figure du picaro. Qui plus est, le récit de ses aventures est jalonné de références à une réalité hispanique comme la leva84 ou les veinticuatros85. Le cadre de la toute première rencontre entre Juan et Docteur participe également de l’hispanisation du chronotope ; en effet, elle remonte à l’époque où les troupes espagnoles occupaient le Piémont86. Par la référence à don Manuel Manrique, le récit se voit ancré dans une réalité historique hispanique puisque Manuel Manrique a réellement participé à la bataille de Cavour en 159587. Les références spatio-temporelles introduites par Juan, de fait, contribuent au processus d’identification et situent les souvenirs dans une réalité référentielle hispanique. L’adaptation du chronotope au cadre espagnol correspond, elle aussi, à une stratégie littéraire mise en place par Boccace dans un autre conte du Décaméron qui a été rapidement évoqué plus haut, celui de Peronella qui propose une “napolitanisation”88 d’un conte de L’Âne d’Or d’Apulée89. Autrement dit, au-delà de la parenté des événements et des personnages mis en scène, la transtextualité d’inspiration boccacienne se manifeste aussi dans les stratégies d’écriture mises en œuvre. De façon tout à fait logique chez Figueroa, l’italianisation devient hispanisation. De plus, là où Boccace restreignait l’adaptation au cadre napolitain, Figueroa, à l’inverse, met en récit plusieurs espaces hispaniques, de Barcelone à l’Andalousie en passant par La Manche et Madrid. En ce sens, on peut légitimement affirmer que Figueroa va au-delà de la démarche de Boccace puisque la nouvelle vient s’insérer dans une structure littéraire plus complexe que celle de l’hypotexte originel.
L’identité même de Juan joue un rôle déterminant et participe du caractère espagnol de ce dernier. Au cours du récit, le lecteur découvre que l’identité complète du personnage est Juan Fernández. Étymologiquement, Fernández, faut-il le rappeler, signifie hijo de Fernando ; de fait, par le choix de ce patronyme, le personnage s’enracine dans une généalogie perçue comme hispanique. Il est remarquable que son identité complète ne soit dévoilée qu’au détour d’un extrait90 où il explique qu’il a obtenu une forme de reconnaissance parmi les puissants de la société madrilène, une reconnaissance non méritée puisqu’elle est le fruit de ses exactions, comme le lecteur le sait. Cette référence au nom complet du personnage est d’autant plus remarquable que dans le reste du récit, Juan est appelé par son prénom exclusivement à l’instar de bien des personnages picaresques. L’onomastique tendrait à rattacher d’emblée l’aubergiste Juan à la figure de Juan el bobo, équivalent hispanique du zani italien91. Au-delà de sa consonance hispanique, son identité complète Juan Fernández confirme les origines humbles du personnage puisque, d’après l’ouvrage de José Luis Alonso Hernández et de Javier Huerta Calvo, Historia de mil y un Juanes, l’association de ce prénom et de ce patronyme sert, traditionnellement, à désigner :
Juan Fernández: Un cualquiera. Como Juan Pérez y otros por el estilo. También se caracteriza por ser el tipo de campesino bonachón.92
Le Juan Fernández de Figueroa réunit indéniablement certaines de ces caractéristiques et s’éloigne considérablement de la caractérisation proposée dans l’hypotexte boccacien puisque le personnage d’Andreuccio est un marchand de chevaux fortuné et que c’est précisément l’argent qu’il possède qui sera à l’origine de ses déconvenues. Au-delà de son patronyme, la région dont il est originaire, La Manche, renforce le caractère hispanique de ce personnage :
Acerqueme a la Roda, villa de la Mancha y mi tierra, dueño, si va a decir verdad, de malas costumbres.84
Le choix de La Roda, localité de La Manche dont est originaire le personnage de Juan, n’est pas anodin. La Roda se trouve à proximité des Campos de Montiel dont on sait l’importance dans les aventures du Quichotte. Certes, le texte cervantin ne fait pas explicitement mention de cette localité mais la rapide folklorisation connue par la matière cervantine nous autorise à voir une relation analogique ténue entre le récit de Juan et celui de Cervantès. Il ne faut en effet pas négliger l’impact de toute une tradition folklorique dont s’abreuve la littérature de l’époque ainsi que le signale très justement Javier Salazar Rincón :
La literatura culta castellana del Siglo de Oro se nutrió de una extensa y variada tradición oral de carácter folklórico.93
Comment cette récupération du substrat folklorique espagnol se manifeste-t-elle dans le cas du texte figuéroen à travers l’exemple concret de Juan? Telle est la question à laquelle la suite de ce travail se propose d’apporter une réponse.
Le personnage de Juan : intertexte folklorique et intertexte picaresque
Dans le développement à suivre, il va être montré comment le personnage de Juan s’inscrit dans une tradition folklorique de représentation des aubergistes dans la littérature de l’époque. Cette caractérisation très codifiée est perceptible également dans le traitement qui est fait de l’entourage de Juan. Ce personnage classique va voir sa caractérisation enrichie par des accents cervantins mais aussi picaresques dont il reproduit non seulement le mode de vie mais aussi le langage et le type de narrations. Le fait de resserrer la réflexion autour du seul cas de Juan dans cette partie tient au fait que son récit offre un échantillon très représentatif des techniques d’écriture et de création mobilisées par Figueroa dans El Pasajero. Qui plus est, les dimensions de cette narration et sa fonction vertébrante dans l’œuvre de Figueroa justifient pleinement ce parti pris.
L’inscription dans la tradition folklorique passe notamment par la double mention qui est faite, dans l’alivio VII, à la Sierra Morena, chaîne de montagne que l’on retrouve dans bien des textes auriséculaires94 du Quichotte à Vida de don Gregorio Guadaña (1644)95 de Antonio Enriquez Gómez. La première occurrence se trouve dans le récit de l’ermite qui précède textuellement et chronologiquement celui de Juan :
Con esta resolución pasé la Sierra Morena, fertilísimo collar de España, llegando a Jaén, cabeza otro tiempo de no pobre corona.96
Or, la proximité est aussi d’ordre spatial puisque l’auberge de Juan ne se situe qu’à deux lieues du point où le Docteur et l’ermite se séparent et où ce dernier rebrousse chemin :
Levantose mi buen alférez y, tras haberse adelantado conmigo alguna distancia, volvió atrás, en busca del primer asiento que tenía.
Hallé paciendo la mula, y muy despacio mirándose el mozo las entrañas. Despertele, y, poniéndose todo en orden, pasamos a sestear de allí dos leguas.97
L’autre allusion à la Sierra Morena est prise en charge par Don Luis. Ce dernier, à la fin du récit de Juan, s’exclame :
Don Luis. (…) No hay cosa que más desee como topar en Sierra Morena una sarta destos pícaros, dirigidos al marítimo servicio de su Majestad.98
Les références à la Sierra Morena encadrent textuellement le récit de Juan et l’ancrent dans un double système de références folkloriques. L’allusion à la chaîne de montagnes est récurrente mais le portrait de Juan est lui aussi conforme à la caractérisation folklorico-littéraire des aubergistes espagnols. Corpulence, penchant pour la boisson, malhonnêteté, paresse… rares sont les défauts communément attribués aux aubergistes que Juan et son épouse ne semblent pas posséder. Le texte fourmille de références au physique de Juan que le Docteur n’hésite pas à qualifier de “tozuelo” et à sa gestuelle, un portrait éloigné de celui du parfait gentilhomme :
Enderezó poco a poco los bastos miembros, descubriendo del velloso pechazo hasta el ombligo.99
Certains de ces traits peuvent parfois se teinter d’une pointe de cervantisme. Ne peut-on pas voir une analogie quichottesque dans le personnage féminin de la Meléndez ? Dans son cas, le choix du patronyme de l’épouse est révélateur puisque Meléndez est un patronyme d’origine asturienne100. Or, Maritornes, est qualifiée dans le texte cervantin de “moza asturiana”. Qui plus est, le portrait de ces deux personnages féminins, au-delà de la laideur topique des femmes d’aubergiste, laisse apparaître une ressemblance. On sait certes l’importance accordée au Siècle d’Or aux concepts de turpitudo et deformitas quand il s’agissait de provoquer le rire du lecteur mais l’on ne peut nier l’existence d’une similarité dans la forme du visage :
Citation n°1 : Don Quijote de la Mancha
Servía en la venta asimesmo una moza asturiana, ancha de cara, llana de cogote, de nariz roma, del un ojo tuerta y del otro no muy sana.101
Citation n°2 : El Pasajero
La Meléndez, pues, repolluda y carirredonda, de edad de hasta cinco dieces, por ningún caso se quedaba en zaga, porque, como dicípula de tan buen maestro, seguía cabalmente sus pisadas.71
Le texte figuéroen mobilise la plupart des ressorts qui entrent dans le portrait type de l’aubergiste. Sans doute est-ce là une volonté de l’auteur d’exploiter toutes les potentialités du modèle littéraire de l’aubergiste, lequel se voit lui-même enrichi par l’ajout d’éléments nouveaux tels que le passé commun qui relie le personnage de Juan à celui du Docteur. Habituellement, l’auberge est un lieu de passage, de rencontre : dans El Pasajero, elle devient le théâtre de retrouvailles. Or, ce passé commun va induire des rapports différents entre l’aubergiste et son visiteur. Le comportement de Juan change considérablement à l’égard du Docteur du moment où celui-ci est identifié comme ancien juge aux Armées et non plus comme simple client. De la représentation indolente classique de l’aubergiste, le texte glisse, dès lors, vers celle d’un hôte empressé et efficace :
El güésped, (…) hizo poco caso de la cabalgada de uno (…). Estaba tendido sobre un escaño, del modo que sobre artesas, por San Lucas, los enemigos de Mahoma. Clamaba el mozo por el ventero, y por paja y cebada, y él, quedo que quedo, sin rebullirse. Al fin, alzando el gordísimo tozuelo, dijo con flema singular:
– ¿Qué diablos quiere? ¿Qué avispas le pican? ¡Doile al demonio, qué voces da!99
La description qu’offre le Docteur de son arrivée à l’auberge coïncide en tout point avec le portrait de l’aubergiste type. Le texte met en avant de manière répétée l’immobilité et la paresse de l’hôte en mobilisant une série d’expressions qui disent l’indolence, la lenteur, voire l’immobilité. À l’inverse, dans la citation qui fait suite à l’identification du Docteur par Juan, abondent des champs lexicaux qui expriment la rapidité et la réactivité :
Coma primero; que endespués se la contaré. Aguarde; que la güéspeda está lavando allí abajo; llamarela para que aliñe lo que hubiere.
Tras esto, puesto encima de un cerrillo, dio dos voces al ama, que no tardó en venir; y matando, de orden del marido, una polla, la puso, acompañada con un conejo, a la lumbre, todo con presteza notable. Mi Juan partió al gallinero, de quien sacó seis huevos fresquísimos.99
Là où dans la première partie du récit, Juan rechignait à satisfaire les demandes du Docteur, il intervient beaucoup plus rapidement dans la deuxième étape. Outre le complément circonstanciel de manière “con presteza notable”, cet extrait est remarquable par la succession de verbes d’action conjugués au prétérit qui disent bien la célérité avec laquelle l’aubergiste s’exécute. De la même manière, l’allusion à la fraîcheur des œufs constitue un autre indice des efforts fournis par Juan. Là encore, la présentation qui est faite ne correspond pas à la norme puisque dans les textes de l’époque, l’allusion au manque de fraîcheur des œufs servis dans les auberges est fréquente. Guzmán de Alfarache en fait l’amère expérience.
Le récit de Juan est de toute évidence inscrit dans une stratégie de renversement carnavalesque des valeurs et des hiérarchies, caractéristique de la littérature picaresque.
Les traits d’inspiration picaresque se situent pour l’essentiel dans la première partie du récit de Juan, c’est-à-dire dans la partie consacrée à la vie qu’il menait avant de devenir aubergiste. L’un des premiers éléments qui participe de la caractérisation de Juan en tant que picaro est son langage. L’expression “voarcé”102 notamment que Juan utilise en cinq occasions pour s’adresser au Docteur est, on le sait, récurrente dans le langage des bandits de la littérature de l’époque, par-delà les frontières du genre picaresque. En effet, les comedias en offrent aussi l’illustration. Chez Tirso de Molina par exemple, dans El condenado por desconfiado, le personnage d’Enrico, dans la présentation des personnages, est défini en tant que “rufián” :
Mi gusto tengo de hacer
en todo cuanto quisiere;
y si voarcé lo quiere,
sor103 hidalgo, defender,
cuéntese sin piernas ya,
porque yo nunca temí
hombres como ellos.104
De la même manière, les multiples mésaventures que connaît le personnage de Juan au cours de son périple en France et en Espagne contribuent à le consacrer dans un statut d’anti-héros caractéristique des personnages picaresques. De fait, les différentes déconvenues semblent condamner le personnage à l’itinérance. Cependant, il convient de faire remarquer que l’errance de Juan n’est pas systématiquement liée à ses mésaventures ; elle est aussi son lot quotidien. Les journées de Juan, avant que ce dernier ne devienne aubergiste et opte pour une vie sédentaire, sont rythmées par ses déplacements qui rappellent les mouvements perpétuels des picaros. Son passé de soldat le préparait à cette itinérance qui, une fois en Espagne et plus particulièrement à Madrid, devient errance. En ce sens, dans la partie madrilène du récit, un espace joue une fonction essentielle : la rue, en tant qu’espace de l’errance mais aussi domaine de prédilection des picaros. L’auberge, à la fois espace de l’immobilité et espace champêtre, s’inscrit en opposition avec la rue.
Mais au-delà de cette convergence thématique, l’influence du roman picaresque est également perceptible dans la réutilisation de certains ressorts stylistiques. Le comique des scènes décrites dans le récit de Juan tend également à le rattacher à la tradition picaresque. Lors de son arrivée à Toulon, les circonstances, climat inclus, semblent s’acharner sur Juan :
En esta forma entré en Tolón, como a las nueve de la noche, por los fines de otubre, cuando en aquella provincia refrescan tanto los aires, que bastan a que un vestido se quede yerto, cuanto más un desnudo si le cogen en despoblado. Arrimeme a cierto cajón que parecía de platero, y mientras, tiritando, estaba atendiendo a la consideración de mi desdicha, sin decir ‘¡agua va!’, arrojaron por una ventana que, sin saberlo, venía a estar derechamente sobre mis espaldas, cantidad de dos grandes cántaros, y no de la más limpia del mundo.79
Le lien fédérateur entre ces éléments comiques se situe précisément dans le regard sans complaisance que Juan porte sur lui-même, pratiquant régulièrement l’ironie et l’autodérision. La façon dont les différentes péripéties sont racontées, en insistant notamment sur les failles et les défauts du personnage contribue au caractère drolatique de la narration. C’est plus particulièrement vrai dans les extraits où il est fait état de la peur ou de la lâcheté de Juan.
Enfin et surtout le caractère autobiographique définitoire du genre picaresque est mis en application dans le récit de Juan. Le statut particulier dont bénéficie Juan lui permet d’intervenir à la fois comme narrateur et comme protagoniste des événements, à la différence de ce que l’on observe dans l’hypotexte boccacien pris en charge par un narrateur extra-diégétique.
Le texte mobilise donc une série de motifs littéraires courants mais qui sont intégrés de manière indirecte. Tout en reprenant une tradition littéraire préexistante, le texte s’en émancipe. Ce dernier réaffirme donc l’importance de ces éléments littéraires préexistants qui sont mis au service d’une création nouvelle. Par ce processus, ces matériaux deviennent, en quelque sorte, autres et l’élément qui permet le passage de la tradition à la création originale est précisément le texte figuéroen. Ainsi, le personnage de l’ermite que l’on retrouve souvent en concomitance avec la figure de l’aubergiste dans les textes du Siècle d’Or105 apparaît-il dans le récit qui précède immédiatement celui de Juan. Le traitement de l’épouse de Juan offre lui aussi une variante par rapport au canon. En effet, la sensualité généralement associée au personnage féminin qu’est l’épouse de l’aubergiste est reléguée dans une autre partie du récit. La Meléndez, avant de devenir cuisinière, était une prostituée. Mais la notion de sensualité est totalement absente de l’auberge de Juan et du portrait de la Meléndez devenue aubergiste106.
Le texte figuéroen donne bel et bien lieu à une reprise des éléments folkloriques mais cette récupération débouche sur une distribution nouvelle des fonctions de chaque personnage. L’exemple le plus éloquent de cet enrichissement du personnage folklorique est bien évidemment Juan. Le titre même de “ventero militar”99, octroyé par le Docteur à ce personnage, illustre le statut intermédiaire qui incombe à Juan. Son caractère hybride se voit de fait confirmé à la fin du récit quand le Maître liste les différentes occupations auxquelles s’est livré le personnage :
Maravillosos altibajos había tenido ese hombre en la suya hasta entonces: labrador, soldado, religioso, tercero, valiente, bodegonero, y la última dignidad, de quien sólo se podía parar en horca o galera.40
Chacun des six termes employés par le Maître renvoie à un épisode précis de la narration de Juan. Cette intervention du Maître vient en quelque sorte récapituler les différentes péripéties vécues par Juan dans un procédé que l’on retrouve souvent dans les nouvelles mais aussi dans les recueils de contes populaires. Ces expressions viennent donc consacrer Juan dans son statut de personnage aux multiples facettes.
Le personnage de Juan, sorte de creuset de la littérature espagnole et de l’art littéraire de Figueroa, illustre cette écriture de ‘l’entre-deux’ mise en œuvre par Figueroa dans un récit qui enrichit, en le régionalisant, un héritage littéraire italien. Pour ce faire, le texte exploite toutes les potentialités de la culture populaire espagnole mais aussi de la littérature espagnole que Figueroa soumet à un minutieux processus de réécriture. La production personnelle de l’auteur joue, à ce titre, un rôle fondamental dans le processus de création de El Pasajero. Ce n’est pas là la seule fonction qui doive être attribuée à l’insertion de ces écrits antérieurs qui entre en résonance avec le discours théorique délivré par le personnage du Docteur sur la question littéraire et qui participe aussi à l’élaboration du portrait d’un auteur fictionnalisé, matières qui vont être traitées à présent.
Notes
- Gherardi, 2012.
- Bradbury, 2016.
- Sur ce point, cf. Codoñer, 1994 p.34 : “(…) conviene establecer como premisa una distinción obvia, que debe, a pesar de todo, hacerse explícita: existe una profunda diferencia entre lo que entendemos por “traducción” y lo que podríamos denominar imitatio. Dentro de esta última se percibe una gradación que va de la simple inspiración en un “motivo” existente en el original, a la adopción del poema, con traducción parcial del mismo, como punto de apoyo al libre poetizar.”
- Ocasar Ariza, 2014, p.382.
- Genette, 2003, p.131 : “La distinction entre fiction et diction, que j’ai proposée voici quelques années, suggérait que la “littérarité” d’un texte de prose peut tenir soit à son caractère fictionnel (un texte de fiction étant constitutivement – autrement mais tout autant qu’un poème – qualifié comme œuvre littéraire), soit à l’appréciation positive qu’on porte, pour le redire trop simplement, sur sa forme : littérarité, dans ce cas, évidemment conditionnelle, et de motif subjectif – de subjectivité individuelle ou collective. Dans mon esprit, une œuvre était “de diction” lorsqu’elle n’était reçue comme œuvre (conditionnelle) que par diction, sans avoir d’abord satisfait au critère objectif et constitutif – poétique ou fictionnel.”.
- Genette, 1982, p.8. Rappelons que pour Gérard Genette, aussi bien la citation que le plagiat et l’allusion relèvent des pratiques transtextuelles. Néanmoins ce sont des formes plus ou moins explicites ou plus ou moins littérales de ces pratiques de co-présence de plusieurs textes.
- Les auteurs de l’époque ne faisaient probablement pas cette distinction étant donné que la législation sur les droits d’auteur n’existait pas encore et que le concept même restait encore flou.
- Nous avons conservé les italiques employées par l’auteur de l’édition de référence.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.378.
- Les auteurs les plus prestigieux – dont Lope de Vega pour ne citer que lui – avaient eux-mêmes régulièrement recours à ces compilations de citations. Certaines références traversent d’ailleurs les écrits de l’époque. A titre d’exemple, on citera l’évocation d’Homère que Figueroa cite lui aussi : “Alcibíades exclamó contra un maestro que carecía de las Ilíadas de Homero, afirmando no podía saber ni enseñar bien quien las soltaba de la mano.” ; cf. Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.418. Dans El Pasajero, on dénombre cinq références à l’auteur grec. Sur l’utilisation d’Homère dans deux dialogues du XVIe siècle, cf. Quero, 2015.
- Le lecteur trouvera néanmoins en annexe un tableau faisant état des autorités citées dans El Pasajero. Cf. Annexe n°5, p.341-345. Ce relevé permet notamment d’observer la convergence des références utilisées par Figueroa dans plusieurs de ses œuvres : la présence d’Homère mentionné dans la note précédente se manifeste de façon encore plus prégnante dans Varias noticias notamment. Bien que plus anecdotique, l’influence d’Homère est également palpable dans Pusílipo. Sur ce cas précis, cf. annexe n°5, p.343.
- Cf.Infra, “Annexe n°2 : Citations dans El Pasajero où figure le terme conversación”.
- On compte, dans Pusílipo, une quinzaine d’occurrences de ce terme qui est d’ailleurs totalement absent du texte de la cinquième junta. Cf. infra, “Annexe n°3 : Citations dans Pusílipo où figure le terme conversación”.
- Henri Ayala fait remarquer, dans sa thèse, que la présence de thèmes communs à plusieurs auteurs d’une même époque incite à penser qu’il s’agissait là de préoccupations d’actualité, dont on s’entretenait dans la rue ou au sein des Academias fréquentées par les gens cultivés. Dans ce cas le style dialogué permet précisément de recréer l’animation qui présidait à ces débats politiques, religieux, littéraires ou tout simplement sociaux. Ayala, 1985, p.2-3.
- Liñán y Verdugo, [1620], 2005b, p.93.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.418.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.635.
- L’origine du commanditaire peut expliquer cette réédition en dépit des qualités littéraires restreintes de cet ouvrage qui s’inscrit donc dans une démarche de réhabilitation et qui s’apparente davantage à un récit hagiographique qu’à un document historique.
- Suárez de Figueroa, H de DG [1613], 2006, p.47.
- Dans le cadre de sa réflexion sur l’emploi du verbe hacer en tant qu’impersonnel, Marta Pérez Toral propose une étude précise des différents cas d’utilisation de la formule “años ha” et souligne notamment que : “El implemento puede aparecer antepuesto o pospuesto al verbo “hacer” Los casos de anteposición son muchos más raros que aquellos en los que la implementación sigue al verbo (…). Por el contrario, la posposición del implemento es más frecuente, pues responde al orden lógico de la frase (i.e: verbo + complementos)” ; Pérez Toral, 1992, p.35.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.414-415.
- Suárez de Figueroa, PU [1630], 2004b, p.434-435.
- Suárez de Figueroa, PU [1630], 2004b, p.35.
- Suárez de Figueroa, VN [1621], 2005b, p.257.
- Covarrubias, [1611], 2006, p.236.
- Bénaben, 2002, p.35.
- Bénaben, 2002, p.201.
- Suárez de Figueroa, Pusil [1629], 2005a, p.14.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.380.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.383.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.387.
- Covarrubias, [1611], 2006, p.6v.
- Le lecteur voudra bien pardonner cet usage étendu et abusif du qualificatif ‘autobiographique’ mais le recours à cette tournure plus concise permettra d’éviter l’usage systématique de périphrases telles que “récits où les locuteurs racontent les épisodes marquants de leur existence” par exemple dont la lourdeur ne pourrait que nuire à la fluidité du propos.
- Cf. Arce Menéndez, 1983, p.736 : “Dentro del marco de la relación de Figueroa con la cultura italiana, no se puede olvidar el recuerdo que la grandiosa personalidad literaria de Giovanni Boccaccio puede rastrearse en esta obra del escritor de Valladolid (90). A continuación, me limitaré a puntualizar una imitación parcial de un cuento del Decamerón y a señalar o precisar otro par de leves alusiones que se encuentran en El Pasajero. Son tres las veces que en esta obra de Figueroa publicada en 1617, se tiene presente a Boccaccio unas citas de títulos y nombres propios, la mención de un cuento del Decamerón y, por último, la imitación de la última parte de un cuento, también del Decamerón, que tendrá bastante difusión en la literatura española.”
- Chevalier, 1981.
- Joly, 1986, p.371 et ss.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.444.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.457.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.539.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.567.
- Laspéras, 1987, p.163 : “Faute d’un terme castillan recouvrant l’exact sens de l’italien novella, les différentes définitions ont eu recours au lexique offert par la tradition narrative, utilisant cuento, historia, patraña, relación, mots les plus proches du concept.”
- A un degré moindre, le terme de plática remplit d’ailleurs une fonction analogue : “Mas habiendo mi madre (como mujer, dulce medianera de los mayores disgustos) reducídole suavemente al primer estado de serenidad y contento, se reconcilió conmigo, y, tras haberme hablado con terneza, me hizo la siguiente plática”, Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.448.
- Suárez de Figueroa, H de DG, [1613], 2006. p.76.
- Suárez de Figueroa, VN [1621], 2005b, p.469.
- Copello, 2001, p.354-355 : “En la mayor parte de los casos – aunque la mención no sea explícita – el emisor del prólogo es el autor de la obra o la representación de éste. Tal es el caso del “Prólogo” del Fabulario de Sebastián Mey (1613), del “Al Lector” de Diego Rosel y Fuenllana en su Parte Primera de varias aplicaciones y Transformaciones (1613), del “Prólogo al lector” de Miguel de Cervantes en sus Novelas ejemplares (1613), de la “Epístola al Lector” de Ambrosio de Salazar en sus Clavelinas de recreación (1614), del “Au Lecteur Salut” del mismo autor en su Espejo general de la gramática en diálogos… (1614), del “Al Vulgo” de Alonso Jerónimo de Salas Barbadillo en su Casa del placer honesto… (1620), del “Al Lector” de Diego Agreda y Vargas en sus Novelas morales útiles por sus documentos (1620), del “Al Lector” de Juan Cortés de Tolosa en su Lazarillo de Manzanares con otras cinco novelas (1620), del “Proemio al Lector” de Francisco de Lugo y Dávila en su Teatro popular: novelas morales… (1622), del “Al Lector” de Gonzalo de Céspedes y Meneses en sus Historias peregrinas y ejemplares (1623), del “Proemio al Lector” de José Camerino en sus Novelas amorosas (1624), del “Prólogo” de Juan Pérez de Montalbán a sus Sucesos y prodigios de amor (1624), del “A Todos” de Juan de Pina en sus Novelas ejemplares y prodigiosas historias (1624). También en este apartado me parece lógico incluir las dedicatorias que ofician de prólogo en las Novelas a Marcia Leonarda de Lope de Vega, novelitas que fueron incluidas en dos obras diferentes: “Las fortunas de Diana” en La Filomena, con otras rimas, prosas y versos (1621), “La desdicha por la honra”, “La prudente venganza” y “Guzmán el Bravo” en La Circe, con otras rimas y prosas (1624).”
- Porqueras Mayo, 1957, p.61: “La presencia del lector en los títulos de los prólogos es un fenómeno general de muchas literaturas y especialmente frecuente también en Francia e Italia.”
- Sur ce point, voir Pelorson, 1980, Arce Menéndez, 1983 et Cerdan, 1987.
- Sur ce point, cf. Infra, Première partie, chapitre 3, “Lecteur et auteur implicites de El Pasajero” ; on montrera comment malgré un lectorat aux contours assez larges, le texte de El Pasajero vise aussi un public plus circonscrit et constitué pour l’essentiel des pairs de Figueroa c’est-à-dire des membres de la République des Lettres.
- Cf. infra, Première partie, chapitre 2, “De l’emprunt à la réécriture : le récit de Juan”.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.390.
- Bokobza Kahan, 2004.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.458.
- Le traitement des rapports entre théorie et pratique littéraires dans le texte figuéroen est abordé dans le troisième chapitre de cette première partie. Cf. Infra, Première partie, chapitre 3, “Entre théorie et praxis littéraires”.
- Cerdan, 1987, p.59 : “Si, en otras ocasiones, Suárez de Figueroa “adapta” su modelo toscano, aquí lo traduce fielmente, casi palabra a palabra, permitiéndose tan sólo hacer a veces la economía de las citas latinas”; pour une mise en regard de l’original de Garzoni et de la traduction, voir plus particulièrement les pages 59 et 60.
- Cerdan, 1987, p.79-80.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.463.
- Arce Menéndez, 1983, p.757.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.529.
- Les similitudes entre les vers originaux de Marini reproduits ci-après et la version figuéroène ont été mises en évidence par María Ángeles Arce Menéndez : “Parve la voce tuon, fulmine il sasso./ Sasso crudel ch’al bel garzonTremante/ nel piu dolce morir la vita tolse,/ nella felicità misero amante Pianse la bella ninfa, e’n van si dolse/ e gli occhi appo l’amato almo sembiante,/ che già sciolt’era in acqua in acqua sciolse.” Arce Menéndez, 1983, p.735.
- C’est le cas notamment d’Isabel López Bascuñana, selon qui l’emploi commun aux deux poètes du vocable garzón permet l’identification du texte gongorien comme source.
- Lucien-Paul Thomas, dès 1911, a proposé une étude des rapports entre les œuvres de Góngora et de Marini dans un ouvrage au titre pour le moins éloquent, Góngora et le gongorisme considérés dans leurs rapports avec le marinisme. L-P. Thomas y évoque aussi les excellentes relations qui unissaient Góngora et Luis Carrillo Sotomayor qui entretenait lui-même de bons rapports avec Figueroa. Thomas, 1911.
- On retrouve certaines idées présentes dans El Pasajero chez des auteurs comme Faria e Sousa ou Antonio López de Vega. C’est notamment vrai sur la question du gongorisme ou sur la question de la langue qui doit être employée dans les œuvres littéraires, thématique qui laisse apparaître des ressemblances entre le texte de Figueroa et celui de Faria e Sousa ; cf. Vaíllo, 1993.
- À noter que le texte de Pusílipo rend aussi hommage à Góngora confirmant ainsi cette posture quelque peu ambiguë sur la question du gongorisme. Ainsi, le personnage de Rosardo, dans lequel la critique voit une autre ‘figure de projection’ de Figueroa déclare-t-il que : “No: ya es muerto: mas dije mal; que no puede morir, quien tan ilustre ha de vivir en las memorias de tantos siglos. Este es aquel monstruo de los ingenios; aquel Fénix de las agudezas Don Luis de Góngora: el solo Poeta Español; el moderno Marcial, más que él agudo en las burlas, y en las veras, otro Papinio Estacio.”, Suárez de Figueroa, Pusil [1629], 2005a, p.191. Dans cet extrait, l’emploi du terme Fénix communément employé pour faire référence à Lope est en ce sens symptomatique comme si le vocable était détourné de son usage habituel, détrônant ainsi métaphoriquement Lope.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.415-416.
- On reviendra sur ces différents niveaux d’emboîtement dans la deuxième partie de cette étude lorsque la question des personnages sera traitée, cf. infra, Deuxième partie, chapitre 6, “Personnages doubles et doubles des personnages”, “L’alivio VII, un chapitre au statut particulier”.
- Une autre mouture de ce schéma est introduite en annexe afin de permettre au lecteur de visualiser le jeu sur la narration et les changements de voix ; cf. Annexe n°6, p. 271.
- Le texte original est disponible sur URL https://books.google.fr/ ; consulté le 5 septembre 2020. Pour la traduction française de l’extrait, cf. Boccace, [1350-1354], 2006, p. 141.
- URL http://preguntasantoral.blogia.com/2011/072601-para-los-melancolicos-santa-petronila.php ; consulté le 20 novembre 2020.
- Sur la fausse étymologie de ce nom, cf. Meunier, 1995, p.81 : “Autrement dit, et en suivant la fausse étymologie consacrée par la littérature hagiographique : “Sur le nom d’une martyre romaine du premier siècle, les clercs du sixième siècle ont élaboré une fausse étymologie, faisant de Pétronille (Petronilla) la fille de Saint-Pierre (Petrus), le prénom lu comme “fille de Pedro” assume donc le rôle de patronyme.”
- Cf. n.58 p.480 de l’édition annotée par Isabel López Bascuñana : “Cervantes indicó que era un dicho vulgar (“Púsose a lo de Dios es Cristo, como se suele decir”, El Licenciado Vidriera, Clás. Castellanos, p.20), “Posiblemente [la frase] se originó de la confesión valiente y desafiadora de los cristianos dispuestos al martirio entre los musulmanes […] Lo que fue auténtico grito de valentía, pasó luego a ser una especie de voto de fanfarrones que alardean de lo que carecen (Cervantes, Viaje del Parnaso, ed. cit. p.543). Cf. Léxico del marginalismo, ed. cit., p.293.” Suárez de Figueroa, EP, [1617], 1988, p.480. Tout pousse donc à penser que l’usage d’un tel lexique participe de la caractérisation du personnage de Juan en tant qu’individu d’extraction très modeste et qui, tant par son comportement que par son langage, s’apparente à certaines figures issues de la picaresque.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.553.
- Sur l’onomastique chez Boccace, voir Guérin, 2011, p.16.
- Genette, 1982, p.64 et ss.
- La doña Petronila figuéroène n’est pas le seul personnage féminin de la littérature auriséculaire à porter ce prénom. Dans Diálogos de apacible entretenimiento, l’épouse de don Fabricio se prénomme également ainsi.
- Autoridades, [1726], 1984, t. O-Z, p. 655.
- Stella, 2007.
- Stella, 2007 : “Son itinéraire – le terme est approprié, car Andreuccio va errer pendant toute la nuit, allant d’une mésaventure à une autre – s’achève lorsque, devenu malin et ayant à son tour berné les voleurs qui auraient bien voulu l’enfermer vif dans le tombeau de l’archevêque, Andreuccio est reconduit par le hasard jusqu’à son auberge au petit matin.”
- La note introduite par Isabel López Bascuñana au sujet de l’expression “¡agua va!” apporte un éclairage sur les circonstances de cet accident ; cf. Suárez de Figueroa, EP, [1617], 1988, n.61 p.482 : “Señal o palabra con que se avisa a los que passan por la calle, que se arroja por las ventanas o canalones alguna agua o inmundicia (Autoridades).” Elle précise également que d’après Deleito y Piñuela, cette pratique ne fut abandonnée qu’en 1639 ; au moment de la rédaction de El Pasajero, elle faisait don encore partie des usages courants.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.554.
- Cf. Boccace, [1350-1354], 2006, p.148, pour le texte en français. Le texte original est reproduit ci-après : “Andreuccio dentro sicuramente passato, gli venne per ventura posto il piè sopra una tavola, la quale dalla contraposta parte scontta dal travicello sopra il quale era ; per la qual cosa capolevando questa tavola con lui insieme se n’andò quindi giuso: e di tanto l’amò Idio, che niuno male si fece nella caduta, quantunque alquanto cadesse da alto, ma tutto della bruttura, della quale il luogo era pieno, s’imbrattò.” (p.55), disponible sur URL https://books.google.fr/ ; consulté le 20 novembre 2020.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p. 557.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.558.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.564.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.557.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.566 : “(…) mas estos dos últimos relieves se emplean en regalar a mi venticuatro y a otros conocidos de pluma, en cuya virtud quedan desvanecidas algunas quejuelas que se esparcen de mi proceder; que no es tan santo el hombre para poder contentar a todos.”
- Si l’on ne peut pas affirmer avec certitude que Figueroa ait été présent au moment de la bataille de Cavour, en revanche, son activité dans le Piémont est attestée par une lettre de Philippe III. Sur ce point, cf. Wickersham Crawford, 1917, p.14.
- Sur ce point, cf. Suárez de Figueroa, EP, [1617], 1988, n.41, p.477 : “(…) Manrique estaba al frente de una compañía de 70 hombres, de los que quedaron sólo 50.” Voir aussi Pelorson, 1980, n.11, p.399.
- Guérin, dans un article déjà cité plus haut, explique que la nouvelle boccacienne est “une quasi traduction d’un épisode lu par Boccace dans L’Âne d’Or (ou Métamorphoses) d’Apulée. Mais le narrateur boccacien use d’un chronotope “rapprochant”, qui, en “napolitanisant” la nouvelle, va jusqu’à la situer dans un quartier bien particulier de la ville”, Guérin, 2011, p.15-16.
- Celui-ci fait également partie du fond commun de références littéraires de Figueroa qui évoque cet auteur en deux occasions dans l’alivio VI dans El Pasajero. Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.534 : “Tenía por imposible esto de andar a pie, para cuyo remedio compré uno de aquellos en quien tan de buena gana se transformó Apuleyo, de gentil presencia, mas de docientos de porte. Este animalito de bendición había de ir en resguardo para aliviar el quebrantamiento del hermano peregrino las veces que fuese menester.” et Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.539 : “Fuéronse, y yo como un ave partí a visitar mi Apuleyo.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.563.
- Ainsi, dans son Dictionnaire, Sebastián de Covarrubias affirme-t-il que “Los charlatanes son cierta gente, que anda por el mundo […] y acostumbran a traer consigo un çane, que es como en España el bobo Juan. […] como gente pobre y mendiga, buscaba invenciones con que sacar dinero para pasar la vida (…).”. Covarrubias, [1611], 2006, p. 291 v.
- Alonso Hernández & Huerta Calvo, 2000, p.162 et 258.
- Salázar Rincón, 1995-1997, p.85.
- Chevalier, 1975, p.245.
- Enríquez Gómez, [1644], 1977, p.129-139. De fait, le titre du chapitre VI de Vida de don Gregorio Guadaña enserre une référence explicite à la Sierra Morena : “Sale de Carmona don Gregorio y cuenta lo que le sucedió en una venta de Sierra Morena.”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.547.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.551.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.567-568.
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.552.
- On rappellera avec Monique Joly qu’il faut aussi peut-être y “voir un souvenir de la Méndez que célèbrent aussi bien la tradition parémiologique que les jácaras de Quevedo.” ; cf. Joly, 1986, p.475.
- Cervantes, DQ, [1605], 2007.
- Di Pinto, 2006, p.75, n.34 : Elena di Pinto rappelle que “Voarcé es síncopa de Vuestra Merced, igual que sucede con “voacé” y “vercé”” avant de commenter l’usage concommitant qui est fait de “sor” et de “voarcé” précisément dans l’extrait de Tirso que nous citons quelques lignes plus bas.
- Di Pinto, 2006, p.75, n.35 : “Sor, del mismo modo que “seor” y “so”, es síncopa de “señor”. Es vulgarismo. “Sor” y “so” también están documentados en El rufián viudo de Cervantes, así como en romances burlescos y jácaras; “seor” está en el entremés de La Cárcel de Sevilla.”
- Tirso de Molina, C por D, [1635], 2012, Premier acte, v. 516-522.
- Joly, 1986, p.384 : “[L’] assimilation entre l’isolement dans lequel travaille le ventero et la vie érémitique a connu un succès attesté par des échos nombreux, qui vont de la référence la plus explicite à l’allusion elliptique qu’on trouve au chapitre 3 de la première partie du Quichotte (…).”
- Suárez de Figueroa, EP, [1617], 2018, p.559.