Ulrike E.-G. étudie dans cet ouvrage l’intégration des cultes isiaques dans le tissu urbain de Rome au travers d’une relecture très riche du livre XI des Métamorphoses d’Apulée. La première partie dépeint la situation du néo-converti Lucius dans la société de son temps, analysant le rapport au temps et à l’espace d’un culte censé être pérégrin et exotique mais de fait déjà intégré à la sphère publique et officielle. S’ensuit une analyse de la valeur et du rôle de cet “exotisme” dans l’image romaine de la ville. Celui-ci procède-t-il en toute logique des origines nilotiques du culte ou bien est-il bien plutôt soigneusement cultivé par son clergé et ses adeptes, soucieux de préserver une part de fascination et de merveilleux pour un culte qui s’inscrit clairement dans un cadre socio-religieux très gréco-romain ? De fait, le calendrier liturgique, les fêtes, les principaux rites, les actes votifs privés et surtout publics font du culte d’Isis un culte romain à part entière – ce que confirme, pour l’auteur, l’utilisation par Apulée d’une terminologie latine du sacré très précise –, même si certains éléments d’un ritus aegyptiacus subsistent pour lui conserver cette aura exotique et fabuleuse.
L’enquête se porte ensuite sur l’insertion de l’espace religieux dans l’espace profane, sur la place tenue par les édifices cultuels dans les quartiers qui les abritent. Mais la pauvreté de la documentation archéologique peine à confirmer ce que l’étude du texte apuléen permet de supposer, hormis pour les aspects thérapeutiques du culte. Fondamentale est la coexistence du temple lui-même et des bâtiments annexes, qu’il s’agisse d’une hôtellerie destinée aux adeptes d’un Kulttourismus parfois médical ou de salles réservées aux membres d’associations gravitant dans l’orbe du sanctuaire. À la fonctionnalité de ces dernières répond le luxe du temple, dualité caractéristique de la scénarisation des activités internes et externes des dévots.
L’auteur s’intéresse enfin aux personnels domestiques des temples, cherchant à évaluer leur degré de religiosité et leur intégration dans l’espace vécu au quotidien. Ils seraient, selon elle, relativement marginalisés, tant matériellement qu’intellectuellement. Ceci corroborerait l’absence d’intérêt manifesté par Apulée pour le petit personnel du temple, focalisant toute son attention sur le prêtre idéal qu’est Mithras. Mais les sanctuaires isiaques sont eux économiquement bien intégrés, comme le prouvent les relations qu’ils entretiennent avec les commerçants et artisans évoluant à proximité. Pour U. E.-G., au IIe siècle p.C., les cultes isiaques sont parfaitement intégrés au paganisme de la Rome impériale.