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Épouses d’amis ou d’ennemis de la Nation face à l’absence dans la Révolution française (Bretagne, 1792-1799)

« Nous sommes à plaindre d’être venus au monde pendant ce choc […] quand nous serons ensemble, prépare-toi à être adorée continuellement1 » écrit Joseph Pierre de Gouvello à Émilie Picot de Dampierre en février 1793. Jeune noble breton de la région d’Auray, il est alors émigré à Londres et correspond avec son épouse demeurée avec leurs deux enfants dans le château familial. Comme elle, de nombreuses femmes vivent sous la Révolution l’absence de leurs maris, émigrés ou partis combattre dans les rangs des républicains ou des royalistes. Envisager l’absence des époux dans le contexte de la Révolution française invite à s’emparer d’un temps court : une décennie marquée par d’intenses bouleversements sociaux, culturels et politiques et par la guerre lancée en avril 1792 contre les monarchies européennes. Ce contexte crée de nombreux facteurs d’absence des hommes et produit des conditions spécifiques pour leurs femmes confrontées à un jeu politique en pleine recomposition.

La question des femmes face à l’absence sous la Révolution française constitue un chantier à peine entamé. La bibliographie est rare sur le sujet et envisage séparément l’expérience des épouses de soldats et celle des femmes d’émigrés2. Le choix d’une approche croisée à l’échelle régionale doit permettre de défricher un sujet neuf. L’étude est centrée sur quatre départements bretons – les Côtes d’Armor, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan – un territoire marqué à partir de 1794 par une situation de guerre civile larvée nommée Chouannerie. Cette dernière complexifie les facteurs d’absence des hommes et place leurs épouses dans un environnement politique particulièrement instable.

Dans ce contexte, l’objectif est d’appréhender deux groupes d’épouses que tout a priori oppose. Le premier est composé des femmes des défenseurs de la patrie qui servent dans les armées de la France révolutionnaire. Ces derniers forment un groupe large comprenant les soldats des anciennes armées de ligne, des volontaires engagés à partir de 1792, des marins embarqués sur les vaisseaux de la République et des ouvriers requis à l’échelle du grand Ouest français pour travailler dans les arsenaux de Lorient et de Brest. Le deuxième groupe est formé des épouses d’émigrés, partis rejoindre l’Armée des Princes aux frontières ou exilés en Europe – essentiellement en Angleterre pour les émigrés bretons. À l’échelle nationale, l’émigration est majoritairement masculine3 et concerne plus d’une centaine de milliers d’individus4. La Bretagne fait partie des régions les plus touchées par une émigration composée de nombreux nobles qui partent seuls5. En Ille-et-Vilaine, en 1789-1792, seules 25 femmes sont ainsi comptabilisées parmi une liste de 180 nobles émigrés6. Les épouses d’émigrés demeurées seules en France ne sont pas quelques cas isolés et représentent bien un aspect de la réalité révolutionnaire.

Pour l’ensemble des femmes étudiées – à l’exception des épouses de soldats et marins de métier – la rupture révolutionnaire est à l’origine de l’absence des hommes. Qu’elles soient femmes d’émigrés ou de défenseurs de la patrie, elles sont confrontées brutalement à l’absence de leurs époux et n’y sont pas préparées. Elles apparaissent dans les archives administratives de la période révolutionnaire, au gré de leurs démarches pour améliorer leur situation. Les femmes d’émigrés sont aussi visibles dans les sources de la répression et dans les documents concernant la vente des biens nationaux. Les archives privées consultables sont rares sur le sujet, à l’exception de l’intéressante correspondance adressée par Joseph Pierre de Gouvello à son épouse Émilie Picot de Dampierre7. Le corpus de sources oriente donc le regard sur les relations entre les épouses et la sphère publique et politique et cette orientation est accentuée par les spécificités d’un contexte révolutionnaire saturé d’enjeux idéologiques.

Sur cette base, il s’agit d’observer dans quelle mesure les conditions du départ des hommes exposent les épouses dans le jeu politique et déterminent leurs expériences de l’absence. Cette nouvelle donne les conduit-elles à agir de façon spécifique ? L’articulation entre absence des hommes et agentivité des épouses invite à réfléchir aux ressorts de la visibilité des actions féminines8. Il importe d’observer dans quelle mesure l’absence produit des modes d’interventions féminins particuliers ou met en lumière des pratiques partagées par d’autres femmes.

Des expériences différentes
de l’absence ?

Face aux départs des hommes – partis défendre la patrie, fuir la Révolution ou la combattre – leurs femmes vivent une même situation d’absence. Au regard des autorités, elles appartiennent cependant aux deux camps irréconciliables des amis ou des ennemis de la Nation. L’enjeu est de dégager les écarts et les éventuels points de convergence entre leurs expériences de l’absence.

Des femmes situées dans le jeu politique
par le départ de leurs époux

Les épouses des défenseurs de la patrie bénéficient rapidement du soutien de l’État révolutionnaire qui met en œuvre une législation ambitieuse en faveur des familles de soldats dans le besoin. Des lois protectrices d’une ampleur inédite sont votées sous la Convention pour soutenir financièrement les familles des combattants. Les pères et mères sont concernés mais aussi les épouses, car un certain nombre de soldats et de marins de la république sont mariés et chargés de famille9. La loi du 26 novembre 1792 accorde un secours annuel aux parents, femmes et enfants des soldats volontaires dans le besoin10. Les décrets du 4 mai 1793 puis du 21 pluviôse et du 13 prairial an II (printemps 1794) élargissent le groupe des bénéficiaires à l’ensemble des catégories de combattants et augmentent le montant des secours qui atteignent 100 livres annuelles par épouse et la même somme pour chaque enfant de moins de douze ans. Ces secours concernent toujours exclusivement les proches qui sont dans le besoin. Ils s’inscrivent dans un programme plus vaste de bienfaisance nationale destiné aux indigents et participent à la définition d’une politique sociale égalitaire, où s’affirment le droit à l’existence et une conception ouverte de la famille11. Dans ce contexte, la loi du 13 prairial an II accorde aux concubines chargées d’enfants les mêmes droits qu’aux épouses en cas de mort du soldat12. Sur le terrain, les autorités peuvent prendre des mesures supplémentaires. À Brest, par exemple, le représentant du peuple Prieur-de-la-Marne interdit aux propriétaires d’expulser de leurs logements les femmes de défenseurs de la patrie incapables de payer leurs loyers13. Inédit et ambitieux, le système mis sur pied par la Convention assure aux épouses un cadre protecteur, quoique les secours soient inégalement versés en fonction des fonds disponibles et de l’efficacité des municipalités chargées de les distribuer14. Sous le Directoire, la rupture avec la politique sociale de la Convention et la crise financière entament largement l’accès aux secours des épouses de soldats, dont les droits finissent par être supprimés par la loi du 14 fructidor an VI (31 août 1798)15. Elles ne bénéficient plus alors que d’une reconnaissance symbolique qui s’exprime ponctuellement dans les discours officiels et lors des fêtes civiques. Ce maigre soutien contribue malgré tout à les situer dans le camp des républicains16.

Les épouses d’émigrés sont à l’inverse associées aux ennemis la nation et pâtissent de la législation contre les émigrés et les suspects. À partir de 1792, les biens des émigrés sont mis sous séquestre avant d’être confisqués pour être vendus au profit de la nation17. Il est néanmoins stipulé que les épouses et parents d’émigrés peuvent continuer à occuper leur logement principal et que la subsistance des familles d’émigrés dans le besoin est pourvue sur les biens confisqués18. Dans le contexte extrêmement tendu de la guerre extérieure et des insurrections contre-révolutionnaires intérieures, les femmes d’émigrés deviennent suspectes – surtout quand elles sont d’origine nobles. La loi des suspects du 17 septembre 1793 ordonne l’arrestation des parents d’émigrés « qui n’ont pas manifesté leur attachement à la Révolution19 ». À Rennes, par exemple, une trentaine d’épouses d’émigrés sont à ce titre emprisonnées en l’an II. Elles représentent 10 % de l’ensemble des femmes alors détenues comme suspectes dans cette ville20.

Épouses de soldats de la nation ou d’émigrés, les femmes sont donc soutenues ou au contraire suspectées par les autorités, ce qui pèse lourdement sur leur situation. Les conditions de l’absence, néanmoins, ne se réduisent pas au rapport à l’État et les deux groupes sont chacun confrontés à d’importantes difficultés matérielles.

Des difficultés matérielles
inégalement partagées

L’absence de l’époux entraîne bien souvent pour chacune une dégradation des conditions matérielles. Les causes et l’intensité des difficultés varient cependant selon les groupes et les situations individuelles. Les épouses d’émigrés rencontrées dans la documentation sont issues de milieux sociaux majoritairement privilégiés. Elles ne sont pas toutes d’origine noble et les nobles ne sont pas toutes fortunées, mais elles appartiennent aux catégories supérieures de la société – ancienne noblesse, bourgeoisie urbaine, élite rurale. À l’échelle du petit groupe d’épouses incarcérées comme suspectes à Rennes en l’an II, la moitié est d’origine noble, l’autre moitié se compose de commerçantes ou de cultivatrices aisées. Parmi elles, une seule femme ne sait pas signer son nom21. Les difficultés matérielles des femmes d’émigrés sont d’abord liées aux sanctions de l’État face à l’émigration de leur mari. Les biens de leurs époux sont mis sous séquestre et les démarches pour faire reconnaître leurs droits sur leurs propres biens sont longues et onéreuses. Les conditions de détention et de surveillance sont elles aussi coûteuses puisque les suspectes financent leur subsistance en prison ou payent un garde quand elles sont surveillées à domicile. Néanmoins, les lois sur le séquestre et la vente des biens des émigrés garantissent des conditions d’existence à leurs familles et toutes ne tombent pas dans la misère, sauf quand leurs situations étaient déjà précaires. C’est le cas par exemple de Julie de Farcy, une des sœurs de François-René de Châteaubriand, laissée sans fortune par son époux émigré. Elle obtient des secours du district de Fougères qui constate : « cette femme n’a rien non plus que sa fille : elles vivent de charité et d’emprunts22 ». À Pont-L’Abbé, la femme d’émigré Marie Penfentenyo reçoit de même du district un secours journalier pour faire vivre sa famille23. D’autres exemples témoignent à l’inverse du maintien dans une certaine aisance et de la capacité des épouses à recomposer leur fortune sous le Directoire, quand les mesures contre les émigrés s’assouplissent. La Comtesse de la Villirouët, à Lamballe, parvient ainsi à racheter pour une somme de 35 000 livres la part du château familial qui avait été séquestrée et finance différents voyages à Paris et en Bretagne dans l’intérêt de la fortune familiale24. Émilie Picot de Dampierre, après une courte période de détention, parvient à demeurer dans son château de Kérantré – les revenus de la famille étant néanmoins fort écornés au début du Consulat25.

Les difficultés matérielles des femmes des défenseurs de la patrie sont de nature sensiblement différente. Un corpus d’une trentaine de pétitions adressées entre 1793 et 1795 aux représentants du peuple en mission auprès des Côtes de Brest permet de cerner certains aspects de leur vie quotidienne26. Elles vivent majoritairement dans la région de Brest ou dans le reste de la Bretagne, mais certaines viennent d’autres départements de la France de l’Ouest, leurs maris étant en réquisition dans des ports bretons. Les femmes de simples soldats et marins ou d’ouvriers requis appartenant aux milieux populaires sont particulièrement fragilisées. Celles qui vivent en ville font état de leurs difficultés à payer leurs loyers comme la femme Colombin, épouse d’un maître canonnier de Brest, qui expose que son logeur « prétan que par se que mon maris est parti, me fair vandre mest meuble et me faire couché sur les pierres ». Dans les milieux de la pêche et de l’agriculture, c’est le manque de bras qui pose problème. Françoise Morin explique qu’elle ne peut plus assumer l’activité de son mari, pêcheur de maquereaux et de hareng à Étretat requis sur un vaisseau de la République dans les Côtes-du-Nord. « Depuis son absence, lesdits filets sont en morceaux dans la maison de l’exposante sans qu’elle puisse en faire usage » expose-t-elle pour obtenir son retour. Marie Bouénard – dont l’époux, laboureur et meunier, a été requis comme charpentier dans les arsenaux de Lorient – décrit le moulin à l’abandon et la récolte en péril. Marguerite Paigerie, de même, expose « qu’elle se voit elle et ses pères et mères dans l’impossibilité de mettre en valeur tout le terrain, faute de cultivateur et forcée d’abandonner la culture si vous ne venez à son secours et ne lui renvoyé ledit Boiramé son mari, volontaire au 111régiment ». La situation est moins alarmante pour les épouses d’officiers de la marine qui ont l’habitude de vivre sans leur mari et ont davantage de moyens. Elle se complique néanmoins quand ces derniers sont prisonniers à l’étranger, leur traitement n’étant alors plus versés.

L’absence des hommes fragilise ainsi la vie quotidienne de leurs épouses, qu’elles soient privées de leurs moyens habituels de subsistance ou confrontées aux mesures répressives de l’État. Les causes et l’intensité de ces difficultés varient cependant, entre chaque groupe et au sein de chacun d’eux, en fonction des capacités matérielles de chacune, de la nature de leurs revenus ou de leur travail, de leur environnement urbain ou rural. La diversité des situations individuelles et la nature éparse de la documentation rendent toute tentative de modélisation difficile. Sur le terrain de l’expérience intime de l’absence, les informations sont encore plus parcellaires mais permettent d’observer certains points de convergence.

L’expérience intime de l’absence :
des éléments convergents ?

Pour chacun des deux groupes, les solidarités familiales jouent un rôle clé pour pallier l’absence. Parents, voisins, amis apparaissent aux détours des archives comme des soutiens précieux qui agissent en prêtant de l’argent, hébergeant, prenant en charge les enfants. « Ma malheureuse fille […] sans moi eut manqué du nécessaire » expose le père de la citoyenne Ségaux, épouse d’un engagé volontaire27. Magdelaine Kail, femme d’un gendarme détaché dans le Sud de la France, rappelle la générosité de son oncle sans qui « elle se seroit trouvée elle et ses cinq enfants dans la plus affreuse misère, ne pouvant plus recevoir aucun secours de son mari28 ». La même solidarité familiale s’observe pour les femmes d’émigrés qui ont l’avantage de pouvoir mobiliser une parentèle élargie et plus fortunée. Les deux sœurs ainées de Châteaubriand, dont les époux n’ont pas émigré, soutiennent ainsi leurs sœurs détenues comme suspectes29. À Lamballe, Mme de la Villirouët s’appuie de même sur sa tante et sa sœur qui s’occupent de ses deux enfants pendant sa détention. Certaines épouses d’émigrés obtiennent le soutien de leurs voisins qui attestent de leur civisme auprès des autorités.

Un autre point de convergence, palpable quoique difficile à observer, relève d’une expérience commune de la séparation, du manque et de l’inquiétude. La documentation ne laisse filtrer que peu de choses des sentiments et émotions liés à l’absence. Ces derniers ne transparaissent que fugacement, entre les lignes de certaines pétitions et correspondances. L’épouse du matelot volontaire Marchand expose ainsi : « voilà un an que je suis privée du bonheur d’être avec mon mari […] sa présence est mon unique bonheur30 ». Marie-Anne Calvez, épouse d’un enseigne de vaisseau prisonnier en Espagne mentionne « la douleur de son absence, que rien ne peut calmer ». L’inquiétude est palpable sous la plume hésitante de Louise Meunier, épouse d’un volontaire qui prévient que « sa santé n’est pas forte pour soutenir la mer ». « Sa me serez un grand plaisir » dit-elle, s’il pouvait être débarqué car « la mer lui est très contraire27 ».

Du côté des femmes d’émigrés, la dimension intime de l’absence n’a pu être appréhendée qu’à partir d’une vingtaine de lettres adressées par l’émigré Joseph Pierre de Gouvello à son épouse Émilie Picot de Dampierre. Elles expriment avec ardeur l’amour de Joseph pour Émilie et la souffrance de la séparation. « Tes lettres me sont plus nécessaires que la nourriture » écrit-il et les siennes témoignent de son avidité à connaitre les détails du quotidien de sa famille31. Lui-même ouvert aux idées nouvelles, il lui procure régulièrement des conseils pour l’éducation de leurs enfants32 : « Je te recommande au nom de notre tendresse de les laisser le moins que tu pourras à la main des domestiques, que l’Émile soit toujours dans ta poche ou sous tes yeux. Plus nous serons pauvres plus nous devrons les dédommager par une bonne éducation33 ». Sa correspondance révèle en creux ce qu’ont pu contenir les lettres d’Émilie : le récit des enfants qui grandissent, les démarches entreprises pour assurer leur subsistance, l’expression de l’inquiétude et de l’attente du retour34.

Mais les expériences intimes de l’absence sont par nature extrêmement variables, selon la durée de la séparation et le degré d’union du couple. Certaines femmes ne vivaient déjà plus avec leurs époux avant leur départ, comme Julie de Farcy, sœur ainée de Châteaubriand. Pour d’autres, épouses d’émigrés comme de soldats volontaires, la colère ou le dépit semblent l’emporter. Marie-Jeanne Bury, jeune femme de la région de Morlaix, expose ainsi que « non content de l’avoir rendue malheureuse pendant son mariage [son époux] mit le comble de l’infamie en s’émigrant le 16 août 1791 (v.s.) emporta[nt] avec lui la majeure partie de ses effets les plus précieux35 ». À Lannion, Marie-Anne de Lanloup se désolidarise nettement de l’émigration de son mari : « je me suis opposée de toutes mes forces à cette malheureuse démarche36 » affirme-t-elle. Marguerite Paigerie, femme d’un défenseur de la patrie, manifeste aussi son amertume. Tout juste mariée, elle comptait sur son mari pour soutenir ses parents dans l’exploitation de la ferme familiale, « elle ne croyoit point qu’il fut sujet à la levée de la première réquisition, ayant plus de vingt-cinq ans lorsqu’elle s’est mariée27 ». Mais ce dernier s’est engagé comme volontaire, la laissant seule face à la charge de la ferme. Ces mots, certes, sont saisis dans des pétitions, où l’on peut avoir intérêt à grossir le trait de l’abandon. Nul doute cependant que les départs aient été plus ou moins concertés. Certains prennent par exemple le soin avant d’émigrer d’établir des procurations devant notaires déléguant à leurs épouses la gestion de leurs affaires37, tandis que d’autres femmes semblent davantage prises au dépourvu. Le départ des époux engendre dans tous les cas une rupture du quotidien et des difficultés nouvelles auxquelles les femmes doivent répondre.

Agir pour (sur)vivre :
l’absence des époux, un vecteur de mobilisation ?

Si les femmes mettent régulièrement en avant leur dénuement et leur faiblesse quand elles s’adressent aux autorités, le fait même de les saisir révèle leur capacité à agir face à l’adversité. Est-ce l’absence des époux qui crée les conditions de leur mobilisation ? Ou l’absence des hommes rend-elle seulement plus visibles des actions partagées par d’autres catégories de femmes, qu’elles soient célibataires, veuves ou accompagnées d’un mari ?

Une démarche commune :
saisir les autorités locales

Les femmes de soldats s’adressent aux autorités pour recevoir des secours et réclamer des congés ou le retour définitif de leurs maris. Les épouses d’émigrés les sollicitent pour obtenir leur libération ou la levée des séquestres apposés sur leurs biens. Les motivations sont différentes mais elles empruntent sensiblement les mêmes voies. Elles rédigent avant tout des pétitions, écrites par elles-mêmes ou par une tierce personne38. Toutes usent du nouveau vocabulaire politique et du calendrier révolutionnaire. Certaines femmes de soldats manifestent plus avant leur patriotisme, comme Louise Meunier, femme d’un volontaire en mer, qui signe sa pétition « sitoienne pour la vie27 ». Quand les femmes d’émigrés expriment à leur tour leur civisme, il est probable qu’il s’agisse d’abord d’une stratégie pour obtenir la bienveillance des autorités, surtout quand elles sont en détention. La jeune Marie-Anne de Lanloup ne cesse ainsi de clamer son amour pour la République, proposant de participer à l’effort de guerre ou de chanter lors des fêtes publiques39. Si l’initiative est intéressée et l’exemple peu commun, la démarche de la jeune femme témoigne de sa capacité à s’approprier les changements à l’œuvre, quitte à s’exposer au mépris de son milieu.

Certaines obtiennent le soutien de leurs élus locaux qui écrivent en leur faveur aux administrations supérieures. Les cultivatrices sont particulièrement épaulées par des municipalités attentives à la bonne marche des récoltes. Cela n’est pas réservé aux épouses de défenseurs de la patrie et certaines femmes d’émigrés obtiennent le même appui40. Plus rarement, des femmes s’organisent en délégations pour plaider directement leur cause auprès des autorités. C’est plus souvent le cas des épouses de défenseurs de la patrie qui se rendent auprès de leurs municipalités pour réclamer le versement des secours qui leur sont dus41. Mais on observe aussi des mobilisations collectives de parentes d’émigrés détenues qui réclament une meilleure alimentation ou des droits de visite pour leurs enfants42. À Lamballe, la comtesse de la Villirouët, épouse d’émigrée incarcérée comme suspecte, rédige ainsi plusieurs pétitions – individuelles et collectives – et se rend dès sa libération auprès des différentes autorités locales pour plaider directement la cause de ses codétenues43.

Revendiquer ses droits :
les discours des pétitionnaires

« Je ne demandais que les secours que la loi m’accorde » expose Mathurine La Forêt, filandière et épouse de marin à Pléneuf, dans les Côtes-du-Nord. Au printemps 1797, à la tête d’un groupe d’épouses, elle plaide leur cause auprès de la municipalité, demandant vivement d’obtenir les rôles d’attribution des secours. Face aux réticences des élus, l’entrevue s’envenime et Mathurine se retrouve inculpée pour insultes aux autorités44. Elle accuse elle-même les administrateurs de l’avoir injuriée et violentée. Interrogée, elle se défend d’avoir outrepassé ses droits : « Je m’en tins toujours à dire à l’agent national que s’il ne vouloit pas signer le rôle il ne pourroit se dispenser de me signer son refus […] qu’elle ne lui a point tenu de propos injurieux, qu’elle s’est bornée à lui demander les secours accordés aux défenseurs de la patrie28 ». Son raisonnement manifeste sa résolution à pousser les élus dans leurs retranchements. À défaut du document nécessaire au versement des secours, elle veut une preuve de leur mauvaise volonté afin, peut-être, de poursuivre sa requête auprès des autorités supérieures. La capacité des femmes des milieux populaires à saisir leurs représentants pour revendiquer leurs droits n’est pas spécifique aux femmes sans époux. Elle s’inscrit dans la nouvelle culture politique révolutionnaire, où les lois sont largement diffusées et les administrés légitimes à s’assurer de leur application. Tous n’ont pas cependant le même pouvoir d’action et Mathurine La Forêt pâtit d’un climat social moins favorable qu’en l’an II, de l’absence de soutien militant et probablement de son statut de femme seule et indigente.

L’invocation des lois est aussi largement présente dans les pétitions des épouses d’émigrés. Dans la région de Morlaix, madame Bullion de Parceveaux alors incarcérée expose : « il existe une loy qui ordonne que les procédures de toute personne détenue seront instruites sans délais, c’est l’exécution de cette loi que j’invoque auprès de vous Messieurs45 ». Elles invoquent aussi régulièrement la Déclaration des droits pour défendre leurs libertés individuelles et contester le statut de suspecte. Certaines épouses d’émigrés, enfin, s’emparent d’un droit nouveau pour s’en sortir : le divorce. Le phénomène est notable quoique minoritaire dans la région, comme dans les autres territoires étudiés sous cet angle46. Sous la Convention, à l’échelle des principales villes du département d’Ille-et-Vilaine, 16 divorces d’épouses d’émigrés ont été recensés sur un total de 14647. Minoritaire à l’échelle de l’ensemble des divorces prononcés, le phénomène l’est aussi à l’échelle des épouses d’émigrés, quoique les données chiffrées manquent pour étayer ce constat empirique. Sur le groupe de vingt-sept épouses d’émigrés détenues à Rennes comme suspectes en l’an II, quatre divorcent et la proportion est certainement plus faible à l’échelle de l’ensemble des épouses d’émigrés qui n’ont pas toutes été incarcérées48. Le phénomène se concentre largement sur la période de l’an II, quand les femmes d’émigrés sont davantage inquiétées par les autorités. Le divorce apparaît d’abord comme un moyen d’action pour échapper à la répression. Plusieurs femmes divorcent alors qu’elles sont déjà placées sous surveillance ou détenues et en font une arme juridique pour obtenir leur libération. Suzanne Charrette, divorcée depuis quelques mois, en détention à Rennes, expose ainsi que « comme épouse d’émigré […] elle étoit sous le coup de la loi, mais la loi également lui présentoit le moyen de perdre le titre qui la rendoit suspecte et lui donnait la faculté de réclamer et d’obtenir le divorce49 ». Divorcer est aussi un moyen de conserver ses biens ou de reconstituer le patrimoine familial. Des femmes d’émigrés divorcées apparaissent parmi les acquéreurs de biens nationaux, rachetant en leur nom les biens confisqués de leurs époux50. Solution transitoire, stratégie de survie, les épouses d’émigrés divorcées reprennent le plus souvent une vie maritale au retour du mari51. Néanmoins, les motivations peuvent être complexes et les conditions du retour et de la reprise d’une vie commune nécessiteraient une étude systématique. Marie-Jeanne Bury, déjà évoquée, divorce par exemple de son mari émigré qu’elle accuse de tous les maux et se remarie peu après avec un gendarme national35. Le départ de l’époux et le droit au divorce apparaissent dans son cas comme le point de départ d’une vie nouvelle.

Face à l’absence, les épouses de défenseurs de la patrie comme d’émigrés se trouvent en première ligne des démarches à accomplir. Elles s’approprient ou investissent les nouveaux cadres politiques pour élaborer des stratégies de survie et revendiquer leurs droits. Dans un climat d’intenses luttes partisanes on peut se demander si elles ne sont pas aussi particulièrement exposées dans le champ de l’engagement politique.

L’absence de l’époux comme ressort
d’un engagement militant ?

Les épouses des défenseurs de la patrie sont visibles dans les cercles patriotes locaux. Elles fréquentent les clubs politiques ou bénéficient de leur soutien. Ces clubs – actifs jusqu’en 1795 – sont des espaces de débats et d’action politique à l’échelle locale et leurs époux ont pu en être membres avant leur départ pour la guerre. Ce n’est pas forcément parce que leurs maris sont absents qu’elles s’impliquent dans la vie du club – d’autres femmes s’y investissent avec leurs maris – mais elles ont pu y trouver un soutien qui les motive à le fréquenter. Effectivement, les clubs mènent de nombreuses actions en faveur des femmes des défenseurs de la patrie : ils leurs procurent des secours, des conseils, une place de choix dans les fêtes qu’ils organisent52. À Saint-Malo, en 1792, les clubistes rendent visite à l’épouse d’un volontaire qui est prête d’accoucher et se chargent d’organiser le baptême du nouveau-né53. Les épouses s’adressent aussi elles-mêmes aux clubs pour un certain nombre de démarches difficiles : obtenir des documents pour être admises aux secours, mener des recherches au sujet d’un mari qui ne donne plus de nouvelles54. Les membres des clubs prennent leurs demandes en considération et les relaient auprès des services administratifs compétents. Pour ces femmes seules, les clubs peuvent ainsi apparaitre comme des interlocuteurs de proximité, des relais attentifs offrant un soutien matériel et moral. Elles ne sont pas à proprement parler des militantes, mais elles évoluent dans l’orbite du club, assistent à certaines séances, portent des motions et des pétitions : elles sont intégrées à cet espace neuf de politisation55.

Les épouses d’émigrés, quant à elles, sont fortement soupçonnées par les autorités d’activités contre-révolutionnaires. Un administrateur de Quimperlé, dans le Finistère, expose ainsi que « la résidence en campagne des femmes, pères et mères d’émigrés a été la première source de la multiplication des chouans56 ». Quand des émigrés rentrent au pays pour combattre dans les rangs des insurgés, leurs femmes sont de fait impliquées pour soutenir leur vie clandestine. Parmi celles dont les époux sont toujours en exil, certaines soutiennent l’insurrection et jouent un rôle dans la transmission d’informations. Elles sont souvent intégrées dans des solidarités familiales et nobiliaires qui les placent au cœur des réseaux royalistes. Mais les épouses d’émigrés ne sont pas toutes dans cette configuration et elles ne sont pas surreprésentées à l’échelle de l’ensemble des femmes inculpées devant les tribunaux pour activités contre-révolutionnaires57. Comme pour les femmes de défenseurs de la patrie, l’absence de l’époux est loin d’être le seul moteur de l’implication dans des activités militantes. De nombreux couples s’engagent ensemble dans la Contre-Révolution, souvent dans un partage des rôles, l’homme étant du côté des combats et la femme investie dans leur soutien logistique58.

Si l’engagement contre la Révolution n’est pas propre aux femmes d’émigrés, l’absence de l’époux impacte-t-elle leurs capacités d’action, la nature ou l’intensité de leur engagement ? Cela demeure difficile à déterminer. Cette absence, cependant, les place en première ligne des initiatives à prendre et des risques encourus. Émilie Picot de Dampierre, épouse de l’émigré De Gouvello, engage seule sa responsabilité quand elle héberge des royalistes en fuite après le débarquement de Quiberon59. Marie Gabrielle Thibault, femme de l’émigré Le Frotter de Kerilis, est impliquée dans la chouannerie de la région de Pontivy. Deux de ses fils y sont aussi engagés. Inculpée et condamnée à plusieurs reprises pour embauchage et soutien aux chouans, elle est condamnée à mort en juillet 1799. Face à la justice, elle ne peut invoquer – comme le font tant d’autres femmes inculpées pour chouannerie – qu’elle n’est pas maitresse chez elle et agit sous les consignes de son mari. Dans les Côtes-du-Nord, Ursule Tierrier, épouse de l’émigré Taupin, est condamnée à mort en l’an II pour avoir caché des prêtres réfractaires60. Dix-sept autres femmes sont condamnées à mort pour le même motif à l’échelle des quatre départements étudiés61. Ces dix-huit condamnées comptent seulement quatre femmes mariées, dont trois sont éloignées de leurs époux : Ursule Tierrier, femme d’émigré ; Anne Lemaitre épouse d’un domestique employé dans la ville voisine62 ; Jeanne Trégarot, dont le mari est employé au ravitaillement des armées63. Ce dernier cas révèle la complexité des mobilisations individuelles, l’épouse d’un serviteur de l’armée républicaine protégeant un prêtre jugé ennemi de la nation. L’absence de l’époux, dans cette configuration, a pu dégager pour sa femme un espace propice à son engagement religieux. Pour les épouses d’émigrés, ce n’est probablement pas parce qu’elles sont seules qu’elles s’engagent auprès des insurgés ou des proscrits. Elles sont souvent insérées dans les réseaux de la contre-révolution par les actions mêmes de leurs époux émigrés. Mais leur statut de femme seule les place en première ligne de l’engagement comme de la répression et accroît leur visibilité dans la documentation.

Conclusion

À l’issue de cette étude, une question complexe demeure : celle de celle de la spécificité de l’agentivité des femmes confrontées à l’absence de leurs maris. L’entreprise de synthèse achoppe sur la pluralité des groupes et des expériences individuelles. Les épouses étudiées ne font pas face aux mêmes problèmes selon qu’elles sont soutenues ou suspectées par l’État révolutionnaire. Pour chaque groupe, l’expérience de l’absence diverge selon les capacités matérielles et la nature des revenus du foyer, l’habitude ou non de vivre sans époux, l’intensité des sentiments qui rend la séparation plus ou moins pénible. De nombreuses femmes des milieux populaires urbains exercent leur propre métier et disposent de marges d’action élargies dans la vie économique et sociale. Pour ces dernières, s’activer dans la sphère publique s’impose comme une nécessité de survie et l’absence de l’époux ne fait qu’amplifier ce besoin d’agir. Dans les milieux les plus aisés, nobiliaires notamment, nombre de femmes ont aussi l’habitude de gérer leurs affaires et de vivre éloignées de leurs maris engagés dans des carrières militaires. Pour d’autres, davantage centrées sur la sphère domestique ou placées sous une tutelle plus étroite de l’époux, l’absence de ce dernier crée véritablement une configuration neuve. Par ailleurs, la documentation, issue des institutions publiques, met nécessairement en avant les femmes les plus entreprenantes. Elle met aussi en lumière l’ensemble des femmes sans époux – veuves et célibataires comprises. Nombre de femmes mariées s’activent dans la sphère publique pour démêler leurs affaires personnelles sans acquérir la même visibilité. Ces nuances et réserves posées, l’absence des hommes partis servir ou combattre la Nation apparaît indéniablement comme un vecteur d’agentivité dans la vie quotidienne. Leurs femmes sont de fait situées dans le jeu politique et y participent par leurs démarches et prises de paroles sur le terrain des droits – les pétitions apparaissant comme un levier clé.

L’articulation entre absence des hommes et agentivité est beaucoup moins évidente dans le domaine de l’activisme politique. Des épouses de défenseurs de la patrie sont intégrées aux sociabilités politiques révolutionnaires sans devenir nécessairement des militantes. Dans le domaine des résistances à la Révolution, les épouses d’émigrés sont doublement visibles dans les archives de la répression par leur position de femme seule et de suspecte. Certaines interviennent effectivement comme des agents actifs des émigrés royalistes ou de la Chouannerie mais ce n’est pas tant l’absence de leurs époux que leur ancrage social et familial qui les guide dans cette voie. Seules, elles se trouvent néanmoins exposées comme personnellement responsables de leurs actes.

Il est ainsi particulièrement délicat d’évaluer dans quelle proportion l’absence de l’époux est un vecteur d’agentivité ou de mise en visibilité dans les luttes politiques. Observer comment s’engagent les autres catégories de femmes seules et les femmes mariées en présence d’époux est un contrepoint nécessaire pour ne pas surévaluer les spécificités du groupe étudié. Les diverses voies empruntées par les femmes éloignées de leurs maris pour intervenir dans l’espace public et défendre leurs droits sont aussi indissociables de la dynamique révolutionnaire. La dimension innovatrice et conflictuelle de la période multiplie les occasions d’agir dans la sphère publique et politique. La reconfiguration des pouvoirs locaux, la diffusion des lois, la définition d’un nouvel horizon juridique et de nouveaux droits comme celui de pétition, offrent aux habitants des possibilités renouvelées d’expression à l’échelle locale. Les luttes partisanes et les conflits religieux propres au contexte révolutionnaire créent par ailleurs des terrains de mobilisation ouverts aux femmes. De l’expérience collective aux trajectoires individuelles, des bouleversements socio-politiques aux fractures intimes, il importe de réinscrire les femmes éloignées de leurs maris dans un tissu social complexe où d’autres femmes expérimentent ruptures et solitudes. Dans l’attente d’éclairages inscrits dans d’autres territoires marqués par la dynamique révolutionnaire, ce vaste chantier est prometteur pour aborder la question des femmes face à l’absence en contexte de guerre et de crise politique.


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Notes

  1. Archives départementales du Morbihan (ADM), fonds de Kérantré, 106J35, lettre de Joseph Pierre de Gouvello à son épouse Émilie Picot de Dampierre, Londres, 1er février 1793.
  2. La situation des épouses des défenseurs de la patrie est soulevée dans les travaux de Jean-Paul Bertaud dans le cadre d’un questionnement plus large sur l’assistance aux familles des soldats. Voir La Révolution armée. Les soldats citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979 et Id., « La crise sociale », dans Imbert J., La protection sociale sous la Révolution française, Association pour l’Étude de la Sécurité Sociale, Paris, 1990, p. 205-280. Les épouses d’émigrés ont surtout été étudiées en émigration, notamment par Karine Rance ou Jennifer Heuer. La question des femmes d’émigrés demeurées en France est essentiellement abordée sous l’angle du divorce. Voir Dessertine D., Divorcer à Lyon sous la Révolution et l’Empire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1981, p. 177-187 ; Laperche-Fournel M.-J., « Terreur, émigration et divorce à Nancy en l’an II », Les Cahiers lorrains, n° 4, 1993, p. 253-266 ; Lhote J., « Le divorce et les femmes d’émigrés à Metz sous la Terreur », Les Cahiers lorrains, n° 2, 1972, p. 42-48 ainsi que deux études anciennes inscrites dans le contexte limousin (Maurat-Ballange A., 1911 et Boulaud J., 1913). Elle apparaît aussi en filigrane dans les travaux sur la vente des biens nationaux et les trajectoires de certaines femmes d’émigrés sont ponctuellement éclairées : voir De Bellevüe, Mémoires de la Comtesse de la Villirouët née de Lambilly (1767-1813). Une femme avocat. Épisodes de la Révolution à Lamballe et à Paris, Paris, Just Poisson, 1902 et Masse P., « Les soucis d’une femme d’émigré », Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest et des Musées de Poitiers, t. II, 4e série, 1954-2e semestre, p. 693-715.
  3. À l’échelle nationale, les femmes sont toujours minoritaires, représentant entre 13 % et 24 % des émigrés selon les régions de départ. Voir Rance K., « La Contre-Révolution à l’œuvre en Europe », dans Martin J.-C., La Révolution à l’œuvre : perspectives actuelles dans l’histoire de la Révolution française, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 188.
  4. Dunne J., « Quantifier l’émigration des nobles pendant la Révolution française : problèmes et perspectives », dans Martin J.-C., La Contre-Révolution en Europe, XVIIIe-XIXe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 133-141.
  5. Godechot J., La Contre-Révolution, 1789-1804, Paris, Presses universitaires de France, 1961, p. 157-158.
  6. Dupuy R., La noblesse entre l’exil ou la mort, Rennes, Ouest-France, 1988, p. 46-47.
  7. La correspondance de Joseph Pierre de Gouvello à sa femme est conservée aux Archives départementales du Morbihan dans le fonds privé du château de Kérantré (100J35). Elle se compose de quarante lettres : dix-huit écrites avant son exil, de 1788 à 1791 et vingt-deux lettres écrites de Londres, Liège puis Fribourg de décembre 1792 à 1796.
  8. La question de l’agentivité ou de la capacité à agir dans un contexte contraint s’inscrit dans les réflexions récentes menées sur le concept d’agency. Voir Rives méditerranéenne, numéro spécial « Agency : un concept opératoire dans les études de genre ? », n° 41, 2012. Sur la question de la visibilité au prisme du genre, voir Dermenjian G., Guilhaumou J. et Lapied M., Femmes entre ombre et lumière. Recherches sur la visibilité sociale (XVIe-XXe siècles), Paris, Publisud, 2000.
  9. Bertaud, op. cit., p. 118 et Id., art. cit., p. 260-261.
  10. Baudouin (dir.), Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale, vol. 33, p. 242-244. Les lois et décrets cités au cours de cet article peuvent être de même retrouvés dans les volumes de la Collection Baudouin.
  11. Bertaud, art. cit., p. 205-280.
  12. Décret du 13 prairial an II, Titre1, art. 13.
  13. Archives départementales du Finistère (ADF), 8L49, pétitions aux représentants du peuple.
  14. Bloch C., « Les secours aux civils pendant la Révolution », Revue de Paris, vol. 3, mai-juin 1915, p. 62-82 ; Bertaud, art. cit., p. 269-278.
  15. Bertaud, op. cit., p. 309-310 ; Dubois J., « Les secours aux parents des défenseurs de la patrie dans le district de Bar-Sur-Ornain (1792-an V), Revue d’histoire économique et sociale, vol. 9, 1921, p. 50-66 ; Imbert J., « Vers le redressement, le Directoire », dans Imbert J., op. cit., p. 487-491.
  16. Archives municipales de Fougères (AMF), délibérations municipales, séances du 8 et du 12 prairial an IV, Fête de la Victoire ou de la Reconnaissance.
  17. Décrets du 30 mars (loi du 8 avril), du 27 juillet 1792 et du 8 mars 1793.
  18. Décret du 30 mars 1792, art. 17 et 18.
  19. Décret du 17 septembre 1793, art.II.
  20. Faijean S., Les suspectes en Ille-et-Vilaine, entre passivité et activisme, histoires de femmes : la contre-révolution au féminin ? (septembre 1793-mars 1795), Maîtrise en histoire, Université Rennes 2, 1996.
  21. Observations menées à partir des données de Sophie Faijean.
  22. Collas G., « Les Jours douloureux de la femme et des sœurs de Chateaubriand (1792-1794) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 56, n° 1, 1949, p. 50.
  23. Archives municipales de Pont-L’Abbé (AMPL), 2 J 16.
  24. De Bellevüe, op. cit., p. 6 et p. 60.
  25. ADM, 106J35 ; Château de Kérantré, fonds privé de la famille d’Aboville, cahier de brouillon d’Émilie Picot de Dampierre.
  26. ADF, 8L47-49. Les exemples développés ci-dessous sont issus de ce fonds.
  27. ADF, 8L47.
  28. Ibid.
  29. ADIV, L1555 (Commission philanthropique statuant sur les suspects en détention) ; Collas, art. cit.
  30. ADF, 8L49.
  31. ADM, 106J35, fonds de Kérantré, lettre du 12 mars 1794.
  32. La trajectoire complexe de ce noble aux idées libérales et peu à l’aise dans le groupe des émigrés fait écho à d’autres trajectoires mises en lumières par des correspondances. Voir de Lévis G., Écrire la Révolution : 1784-1795. Lettres à Pauline, correspondance présentée et annotée par Claudine Pailhès, Cahors, La Louve Éditions, 2011.
  33. Ibid., lettre de Londres, 26 février 1793.
  34. Cette brève correspondance ne permet pas de cerner comment son épouse perçoit les changements politiques, à la différence de celle de Gaston de Lévis qui réagit parfois aux idées de sa femme ; ibid.
  35. ADF, 8L48.
  36. Archives départementales des Côtes-d’Armor (ADCA), 1Q191, dossier Bellingant. Cité dans Vilsalmon M., La noblesse bretonne dans l’arrondissement de Saint-Brieuc, entre « douceur de vivre » et émigration, Master en histoire, Université Rennes 2, 2007, vol. 1, p. 32.
  37. C’est le cas par exemple de Mme de la Villirouët à Lamballe ou de Mme de Kerhouantenan épouse de l’émigré Kermadec à Crozon ; Daniel H. et Dizerbo A.-H., La Révolution dans la presqu’île de Crozon, Quimper, Édition de l’imprimerie Cornouaillaise, 1947, p. 142.
  38. Les travaux de Dominique Godineau, Christine Fauré et Susan Desan ont dégagé l’ampleur du phénomène pétitionnaire et la capacité des femmes à se saisir de ce levier d’expression, collectivement ou individuellement, pour participer au jeu politique, revendiquer leurs droits ou défendre des intérêts personnels. Voir Desan S., The family on Trial in Revolutionnary France, Berkeley, University of California Press, 2004 et Id., « Pétitions de femmes en faveur d’une réforme révolutionnaire de la famille », Annales Historiques de la Révolution Française, n° 344, 2006, p. 27-46 ; Fauré C., « La prise de parole publique des femmes sous la Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, n° 344, 2006, p. 3-4 ; Godineau D., Citoyennes Tricoteuses. Les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988 et Id., « Le vote des femmes pendant la Révolution française » , dans Viennot E., La Démocratie “à la française” ou les femmes indésirables, Paris, Publications de l’Université Paris 7, 1996, p. 199-211 (version actualisée [en ligne] http://revolution-francaise.net/2008/03/12/215-privees-notre-sexe-droit-honorable-donner-suffrage).
  39. ADCA, 1Q191, dossier Bellingant. Cité dans Vilsalmon, op. cit., vol. 2, p.75-76.
  40. Archives départemantales d’Ille-et-Vilaine (ADIV), Comité de surveillance de Rennes.
  41. Archives municipales de Rennes (AMR), 1D16, délibérations municipales, séance du 9 mars 1793 ; Archives municipales de Saint-Malo (AMSM), LL27, délibérations municipales, séance du 4 frimaire an II ; ADCA, 118L164, tribunal correctionnel de St-Brieuc, affaire Mathurine La Forêt, germinal an V.
  42. ADCA, 100L51 (comité de surveillance de Lamballe) ; ADIV, L1475 et L1480 (comité de surveillance de Rennes).
  43. ADCA, 100L51 et 100L53 ; De Bellevüe, op. cit.
  44. ADCA, 118L164 (tribunal correctionnel de Saint-Brieuc).
  45. ADF, 10L125, pétition au district de Morlaix, 20 octobre 1792.
  46. Il varie cependant selon l’importance de l’émigration masculine et l’intensité de la répression. Les divorces pour émigration représentent moins de 2 % des divorces prononcés sous la Révolution à Lyon, Paris ou Rouen mais plus de 7 % à Metz et plus de 10 % dans la Meuse (voir Laperche-Fournel, art. cit., p. 256).
  47. Costard M., Le divorce en Ille-et-Vilaine sous la Révolution et l’Empire, 1793-1816, Mémoire de maitrise (histoire), Université Rennes 2, 2000.
  48. ADIV, archives du Comité de surveillance de Rennes et de la Commission philanthropique.
  49. ADIV, L1475, pétition au représentant du peuple François, 19 thermidor an II.
  50. Guillou A. et Rébeillon A. (dir.), Département d’Ille-et-Vilaine. Documents relatifs à la vente des biens nationaux, districts de Rennes et de Bain, Collection de documents inédits sur l’histoire économique de la Révolution française publiés par le ministère de l’Instruction Publique, 1911.
  51. C’est le cas de 6 épouses sur 12 à Nancy et de la majorité d’entre elles à Metz ; voir Laperche-Fournel, art. cit., p. 259 et Lhote J., art. cit., p. 44 et 47.
  52. ADM, L1755, club de Guémené-sur-Scorff, séance du 20 prairial an II et L1476, club d’Auray, 22 février 1793.
  53. AMSM, LL153, club de Saint-Malo, séances du 28 septembre, 12 octobre, 15 octobre, 29 octobre, 5 novembre 1792.
  54. ADM, L2001, club de Lorient, 22 février 1791 et 19 thermidor an II ; AMSM, 1S1, club de Saint-Servan, 10 janvier 1793.
  55. Sur la place des femmes dans les clubs en Bretagne, voir Mabo S., « L’autre Bretonne : l’habituée des clubs et des fêtes révolutionnaires (1789-2015) », Mémoires de la SHAB. Actes du congrès de Quimperlé, t. 95, 2017, p. 263-288.
  56. ADF, 10L108, lettre du procureur syndic de Quimperlé au département, 2 prairial an III.
  57. Étude menée à partir des procédures des tribunaux criminels des départements étudiés.
  58. Sur l’engagement des femmes dans la chouannerie, voir Mabo S., « Femmes engagées dans la chouannerie : motivations, modalités d’actions et processus de reconnaissance (1794-1830) », Genre et Histoire, n° 19, 2017 [en ligne] https://journals.openedition.org/genrehistoire/2687.
  59. Cette action est rapportée dans leurs souvenirs par différents émigrés évadés après Quiberon (L.G. de Villeneuve-Laroche-Barnaud, 1819 ; Vicomte de La Villegourio, 1815 et 1826 ; Chasle de la Touche, 1838).
  60. ADCA, tribunal criminel, 102L142.
  61. Mabo S., « Cacher les prêtres réfractaires sous la Révolution française : un engagement prioritairement féminin ? », En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n° 8, été 2016.
  62. ADM, tribunal criminel, Lz502, A 46.
  63. Ibid., Lz501, A 13.
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EAN html : 9782858926374
ISBN html : 978-2-85892-637-4
ISBN pdf : 978-2-85892-638-1
ISSN : 2741-1818
Posté le 23/11/2022
13 p.
Code CLIL : 3377; 3111
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Comment citer

Mabo, Solenn, « Épouses d’amis ou d’ennemis de la Nation face à l’absence dans la Révolution française (Bretagne, 1792-1799) », in : Charpentier, Emmanuelle, Grenier, Benoît, dir., Le temps suspendu. Une histoire des femmes mariées par-delà les silences et l’absence, Pessac, MSHA, collection PrimaLun@ 12, 2022, 327-339 [en ligne] https://una-editions.fr/epouses-damis-ou-dennemis-de-la-nation/ [consulté le 23/11/2022].
10.46608/primaluna12.9782858926374.24
Illustration de couverture • Détail de Het uitzeilen van een aantal Oost-Indiëvaarders, huile sur toile, Hendrick Cornelis Vroom, 1600, Rijksmuseum (wikipedia).
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