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19• L’armée romaine et les aristocrates gaulois

“L’armée romaine et les aristocrates Gaulois”, in : Honesta missione.
Festschrift für Barbara Pferdehirt, Monographien RGZM 100,
Mayence, 2014, p. 219-238

Depuis un premier article consacré aux ouvrages militaires romains en Gaule sous le Haut-Empire pour le Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz1, j’ai fait à plusieurs reprises le point de l’actualité archéologique sur cette question, notamment dans des publications allemandes et je n’entends pas recommencer ici un exercice qui n’apporterait aujourd’hui rien de bien nouveau2. J’aimerais en revanche me pencher sur les liens entre l’armée romaine et les aristocraties gauloises, deux des principaux moteurs de l’intégration de la Gaule dans l’Empire, et poser la question des rythmes de ce processus entre l’époque de César et celle de Claude. Si le sujet n’est pas neuf, il n’a pas fait l’objet d’un réexamen récent et il mériterait de toute façon un traitement plus approfondi que les quelques pages que je peux lui consacrer ici. 

L’armée des Gaules après la conquête

César a fini la guerre des Gaules avec probablement 10 à 12 légions, soit une force d’au moins 40 à 50 000 hommes, selon la manière dont on estime les effectifs réels de cette armée et les pertes qu’elle a subies pendant le conflit. Sa réunion sur un seul théâtre d’opérations, le champ de bataille d’Alésia, a constitué en soi un véritable événement militaire3.

Juste avant de quitter sa conquête, fin 50, le proconsul doit restituer deux légions au Sénat (BG, 8.54). Passant à Labienus le commandement de la province du Midi, il partage ses troupes : quatre légions chez les Belges, toujours agités, quatre chez les Héduens, qui occupent une région essentielle aux communications entre le Nord et le sud du pays4. Puis le proconsul part en Cisalpine, où il ne dispose que d’une légion, la XIIIe, pour se lancer dans la conquête de l’Italie. En janvier 49, César franchit le Rubicon, c’est le début de la guerre civile. Une grande partie des troupes césariennes quitte la Gaule Chevelue au plus tard fin 49 sans que nous sachions comment la nouvelle province, sans doute plus épuisée que réellement soumise, est désormais gardée. Ainsi le début du Bellum civile (1.39) indique-t-il l’envoi de six légions en Espagne. Celles-ci gagneront ensuite l’Italie, semble-t-il5. On sait encore que Plancus, au printemps 43, dispose de cinq légions en Gaule, mais il s’agit là de recrutements frais, nous y reviendrons. Quant aux auxilia, ils semblent aussi avoir été levés localement, au moins pour partie. De ce moment, nos sources historiques deviennent tellement lacunaires qu’il est quasiment impossible de savoir ce qui se passe en Gaule jusqu’à la fin des guerres civiles, près de vingt ans plus tard. Mais il est clair que ce ne sont pas les légions de la conquête, composées en majorité d’Italiens, qui ont eu la tâche de surveiller et d’administrer les Gaules après le départ de César. Cette tâche est revenue en bonne part, au début du moins, à des troupes levées dans la future Narbonnaise, où l’on comptait déjà nombre de citoyens romains, et dans la Gallia Comata à peine conquise. 

Comment était répartie la garnison des Gaules pendant cette période ? Cette question n’est pas que de pure topographie : identifier ce dispositif romain et son évolution serait d’un grand intérêt pour comprendre la fonction de l’armée, la politique de Rome envers la nouvelle province et le processus d’intégration de la Gaule dans l’Empire. Or très peu de cantonnements militaires sont connus pour cette période et, pour l’essentiel, les camps de la période césaro-augustéenne restent un mystère, malgré le développement considérable de l’archéologie préventive en France depuis une trentaine d’années. La question de leur localisation a été posée depuis longtemps mais les réponses proposées ont été diverses, le plus souvent peu décisives6. Les découvertes récentes d’Hermeskeil montrent toutefois que le dossier reste ouvert7. Il faut en outre mentionner ce que l’étude des militaria césaro-augustéens a récemment apporté à notre connaissance du dispositif8.

Les cartes de répartition de ce matériel semblent montrer une présence de soldats romains en bien plus d’endroits qu’on ne le supposait jusqu’à maintenant, ce qui constitue un réel progrès (fig. 1). M. Poux a pu ainsi proposer une carte du réseau de garnisons pendant la période césaro-triumvirale (fig. 2). Bien que j’approuve sans restriction les prémisses de cette recherche, j’ai à plusieurs reprises invité à la prudence méthodologique en ce domaine (n°25)9.

  Carte de répartition des principales catégories de militaria répertoriés en Gaule entre la période césarienne et le début de la période augustéenne, d’après Poux 2008 (note 8), p. 420).
Fig. 1. Carte de répartition des principales catégories de militaria répertoriés en Gaule entre la période césarienne et le début de la période augustéenne, d’après Poux 2008 (note 8), p. 420).
  Carte de localisation et de mise en réseau des camps (en noir) 
et postes de surveillance (en blanc) militaires reconnus à ce jour en Gaule 
septentrionale et orientale, d’après Poux 2008 (note 8), p. 425).
Fig. 2. Carte de localisation et de mise en réseau des camps (en noir) et postes de surveillance (en blanc) militaires reconnus à ce jour en Gaule septentrionale et orientale, d’après Poux 2008 (note 8), p. 425).

La présence d’armes romaines sur un oppidum celtique, en l’espèce celui du Titelberg (Luxembourg), avait, dès les années 90, attiré l’attention de J. Metzler10. Ce dernier avait alors proposé de localiser sur les oppida les garnisons installées immédiatement après la conquête césarienne et qui sont si mal identifiées. Dans le cas du Titelberg, la poursuite des fouilles (encore inédites) a pleinement justifié cette intuition puisqu’il semble bien que le plateau ait abrité un véritable retranchement, séparé de l’habitat civil, et caractérisé par de très nombreux objets relevant du fourniment militaire. On sait aujourd’hui qu’il ne s’agit sans doute pas d’un camp, stricto sensu, mais d’une base logistique de l’armée, probablement protégée par une petite garnison11

Pour aborder cette question des militaria, il faut tout d’abord, me semble-t-il, bien discriminer les catégories de matériel dont nous parlons. S’agit-il d’armes, au sens propre du terme ? De matériel de harnachement, qui peut indiquer une origine civile autant que militaire ? De parure ? De clous de chaussure ? Et surtout en quelle quantité les trouve-t-on ? On fera remarquer, au passage, que les militaria peuvent être particulièrement abondants dans un contexte urbain classique, sous l’Empire. Ainsi, à Avenches, colonie (probablement romaine), le stock étudié par A. Voirol compte 267 objets, dont 46 armes offensives et 18 armes défensives, répartis, il est vrai, sur une longue période12. Autre exemple significatif, mais pour lequel l’explication n’est pas plus évidente : dans la petite ville romaine d’Oberwinterthur (CH), où nous sommes à peu près certains qu’il n’existait pas de camp militaire, les fouilles d’un seul quartier domestique d’une quinzaine de maisons, Im unteren Bühl, ont livré un total de 120 militaria, dont une vingtaine d’armes proprement dites et 35 pièces de harnachement13. L’interprétation de ce matériel archéologique est donc complexe et dépend largement des contextes de découverte. Au fond, plusieurs modèles, qui ne s’excluent nullement les uns des autres, peuvent être proposés 

  • soit nous avons effectivement à faire à une petite garnison
  • soit nous sommes sur un lieu de production, comme on connaît par exemple à Alésia14
  • soit nous avons les traces du passage ponctuel d’une troupe (objets perdus)
  • soit ces objets indiquent la présence de vétérans qui ont conservé tout ou partie de leur équipement après leur libération.

Autrement dit, il faut éviter de voir une garnison chaque fois que l’on trouve quelques militaria, à fortiori lorsqu’ils sont issus de contextes mal contrôlés, notamment de prospections. Cette observation ne condamne pas pour autant l’hypothèse proposée par J. Metzler et heureusement développée par M. Poux : il semble désormais hautement probable que, sur un certain nombre d’oppida, et pendant une période que nous ne savons pas préciser pour l’instant, des garnisons romaines ont établi leurs bases après la conquête, une observation évidemment importante pour notre compréhension de l’occupation militaire romaine de la Gaule, mais aussi pour celle des relations qui ont pu s’établir entre l’armée et la population indigène. Il importe malgré tout de rester prudent dans l’interprétation de ces découvertes matérielles tant que des vestiges d’enceinte ou de bâtiments militaires n’ont pas été mis au jour.

La question suivante revêt une non moindre importance : de quel type de troupe proviennent-ces objets ? De légionnaires romains ou de Gaulois, partiellement équipés à la romaine ? Les fouilles, malheureusement limitées, menées sur l’oppidum de la Chaussée-Tirancourt ont clairement montré que le rempart et la porte avaient été reconstruits après la conquête et que le site avait été occupé par des soldats “romains” : en témoigne la présence de militaria et d’oboles de Marseille15. Mais si les monnaies plaident pour une troupe venue du Midi, les armes peuvent tout autant caractériser des auxiliaires indigènes. Il en va de même dans le cas de Bâle. Sur le site de la cathédrale, occupé et fortifié peu avant le début de la guerre des Gaules, on observe l’existence d’un horizon militaire vers le milieu de la seconde décennie avant notre ère, au moment de la conquête des Alpes. La découverte d’abondants militaria, notamment des armes et une tuba, plaide assurément pour la présence d’une troupe, solidement installée sur ce petit oppidum rauraque. Mais s’agit-il de légionnaires ou d’auxiliaires ? Le facies numismatique (celtique pour l’essentiel) a longtemps servi d’argument pour avancer la théorie d’un recrutement local, la solde de ces indigènes devant être payée, croyait-on, en monnaie gauloise16. Ce type d’argument doit toutefois être relativisé, car il méconnaît la réalité de la circulation monétaire d’une époque où les frappes indigènes étaient aussi largement utilisées par les légionnaires, puisqu’on les retrouve dans tous les camps du Rhin17. Il ne règle donc pas, en soi, la nature de l’occupation militaire de Bâle après la conquête.

Ce sont les fouilles récentes de Windisch-Breite qui nous informent aujourd’hui le mieux sur cette question de l’occupation tardive des oppida (fig. 3). Au pied de cet oppidum helvète établi au confluent de l’Aar et de la Reuss dès les lendemains de la conquête (et non avant), on voit se développer progressivement, vers le milieu de la seconde décennie avant notre ère, une occupation militaire qui ne cessera pas jusqu’à l’installation de la XIIIe légion, vers 14-16 après J.-C. Elle est caractérisée par la présence croissante de militaria, de céramiques, d’amphores méditerranéennes, par l’évolution nette des pratiques alimentaires, sans pourtant que nous soyons en présence d’une unité légionnaire constituée. En tout cas n’en avons-nous pas de trace archéologique caractéristique, c’est-à-dire de camp organisé, même si nous avons peut-être, sur l’oppidum même, la trace de baraques militaires18. La présence d’auxiliaires indigènes, probablement encadrés par des Italiens, semble donc l’hypothèse la plus vraisemblable, comme la suggéré A. Hagendorn, qui a fouillé cet ensemble19.

  Plan simplifié des structures antérieures à la construction 
du camp de Vindonissa, d’après Hagendorn 2003 (note 19), p. 110.
Fig. 3. Plan simplifié des structures antérieures à la construction du camp de Vindonissa, d’après Hagendorn 2003 (note 19), p. 110.

La question est évidemment de savoir si ce modèle peut être étendu, au moins à la Gaule du Nord. Les exemples du Titelberg, de la Chaussée-Tirancourt, de Bâle, de Windisch invitent à considérer comme très sérieuse la présence de troupes sur les oppida, où l’on pouvait sans aucun doute hiverner plus facilement qu’ailleurs et disposer d’un ravitaillement conséquent. Une telle situation n’implique pas nécessairement, toutefois, la présence de grandes unités comme des légions entières. On peut même, à l’inverse, penser à une multiplicité de garnisons, à l’inverse de ce que nous constatons pour le début de la présence militaire en Germanie. Un tel dispositif suppose probablement la présence de retranchements militaires intérieurs aux oppida, comme on le voit au Titelberg. On peut aussi invoquer un exemple similaire dans la Bretagne claudienne, celui de Gosbecks, le site indigène proche de Colchester où la présence d’un petit camp est attestée (fig. 4)20. On peut aussi s’interroger sur les relations entre Gaulois et soldats “romains” dans un tel contexte : étaient-elles conflictuelles, ou au contraire cette cohabitation plus ou moins forcée a-t-elle facilité le processus d’intégration ? 

  Plan général du site de Camulodunum/Gosbecks, d’après G. Webster (éd.), Fortress into City. The Consolidation of Roman Britain, First Century AD, London, 1988, p. 27.
Fig. 4. Plan général du site de Camulodunum/Gosbecks, d’après G. Webster (éd.), Fortress into City. The Consolidation of Roman Britain, First Century AD, London, 1988, p. 27.

Ce premier modèle – qui implique un maillage territorial avec de petites garnisons – n’est pas nécessairement exclusif d’autres formes d’occupation. Il faut, pour étudier cette question, faire appel à ce que nous apprend un exemple comparable à celui de la Gaule, je veux dire celui de la Bretagne romaine dans les années qui ont suivi l’invasion claudienne. Nous disposons dans ce cas de beaucoup plus de sources archéologiques significatives. La carte (fig. 5) montre en effet un quadrillage du territoire tout différent, plus “classique”, avec des camps occupés peu de temps, dont le front se développe d’est en ouest et du sud vers le nord. La caractéristique de cette occupation est en même temps d’avoir donné naissance, dans un certain nombre de cas, à des villes : Colchester, Gloucester, Cirencester, Exeter, Wroxeter, Lincoln, par exemple, où, après le départ de la garnison, on voit s’installer des agglomérations civiles21. Sur le continent, on pourrait trouver de nombreux cas similaires pour des périodes plus tardives, sur le limes de Germanie supérieure/Rétie, ou sur le Danube. Il s’agit là d’un second modèle d’occupation, très différent du premier, mais dont il ne faut pas conclure à l’inverse, comme on l’a fait trop longtemps pour la Bretagne romaine, que sous chaque ville ou chaque agglomération secondaire d’époque romaine se cache une première installation militaire. 

  Sites militaires de Bretagne, entre 58 et 70, d’après M. Todd, The Claudian 
Conquest and its consequences, in : M. Todd (éd.), A Companion to Roman Britain, 2004, p. 50.
Fig. 5. Sites militaires de Bretagne, entre 58 et 70, d’après M. Todd, The Claudian Conquest and its consequences, in : M. Todd (éd.), A Companion to Roman Britain, 2004, p. 50.

La meilleure preuve en est sans doute l’existence d’un troisième modèle que nous connaissons bien aujourd’hui à travers l’exemple de Waldgirmes en Germanie. Ce site de Hesse, implanté dans la vallée de la Lahn, à environ 90 km du Rhin, c’est-à-dire en pleine Germanie libre, nous offre l’exemple, presque chimiquement pur, de la naissance d’une ville, malheureusement éphémère22. Il s’agit en effet d’un véritable établissement civil, construit vers 5 avant notre ère par l’armée pour une population indigène qu’on voulait fixer dans un nouveau cadre politique, et où se côtoient Germains et Italiens. La découverte de militaria invite à supposer la présence permanente de soldats mais elle n’implique pas l’existence d’un camp. Ce qui importe avant tout, dans ce dossier, c’est la présence d’un véritable forum civil, orné d’une série de statues, dont au moins une équestre, qui montre l’existence d’un embryon de vie politique locale. On a, depuis cette importante découverte, proposé de reconnaître un processus voisin à Tongres, où les fouilles de A. Vanderhoeven ont mis au jour un premier niveau, datable de l’horizon d’Oberaden (12-8 av.), avec un matériel caractéristique des premiers camps de Germanie23. Cette période de construction fut très courte et elle est marquée par des défrichements et la mise en place d’un réseau viaire. Il ne s’agit pourtant pas, semble-t-il, d’une installation militaire proprement dite, mais d’une construction, par l’armée, d’une ville nouvelle pour les Tongres, qui constituaient eux-mêmes un agrégat récent. Les premières constructions révèlent d’ailleurs un mode d’habitat indigène bien connu dans ces régions (“Wohnstallhäuser”). C’est après seulement cette première forme que l’habitat “à la romaine” s’est à son tour développé.

On peut, dans ces conditions, se demander si un tel modèle peut être reconnu dans d’autres fondations urbaines de l’époque augustéenne, par exemple à Arras, ou à Amiens, comme cela avait naguère été proposé. Dans ce dernier cas, toutefois, D. Bayard ne croit plus aujourd’hui à une présence militaire précoce qui serait à l’origine de la ville. Il considère que c’est le carrefour de la Somme et de la voie d’Agrippa, antérieure à la construction du premier pont de bois en 10 avant J.-C. (date dendrochronologique), qui a généré une agglomération dont les premiers niveaux sont contemporains de l’horizon de Dangstetten, autour de 15 av. J.-C.24. Mais le quadrillage urbain ne semble pas avoir été mis en place avant la fin du règne d’Auguste, au plus tôt (n°36). Il est donc bien possible qu’ici, à la différence de Tongres, le processus de développement soit différent et n’implique pas des soldats, comme on l’a cru très longtemps, sur la foi d’une datation trop haute du réseau viaire, ou du moins que ceux-ci n’aient pas d’emblée planifié une ville neuve. La question de l’intervention militaire éventuelle dans la mise en place de la voirie reste toutefois posée car elle n’implique pas en soi la présence d’un camp antérieur à la fondation urbaine, comme on l’avait parfois suggéré. 

L’hypothèse de la création de certaines agglomérations secondaires par l’armée pourrait offrir l’explication de phénomènes observés ces dernières années dans le plan de masse de petits bourgs, dont la régularité cadastrale étonne. Ainsi à Oberwinterthur les fouilleurs ont-ils mis en évidence l’existence d’un véritable lotissement urbain, dont l’implantation s’est faite en une fois, sur un terrain vierge, entre 7 et 8 ap. J.-C. (dates dendrochronologiques). Les parcelles sont perpendiculaires à la voirie, créée dans le même temps. Elles présentent un alignement homogène du côté de la chaussée et une longueur constante (15 m au nord), mais des largeurs variables (entre 4,5 et 9,2 m). Il s’agit donc de maisons de type allongé (“Streifenhäuser”), caractéristiques du milieu urbain des provinces occidentales. Le plus remarquable est la pérennité du plan cadastral sur un siècle et demi, malgré les incendies et les reconstructions25. Tout ceci suppose l’existence d’un arpentage préliminaire et d’un document d’archive permettant de reconstituer aisément le canevas du quartier. Or nous sommes là dans une de ces petites agglomérations volontiers qualifiées de “secondaires”, où l’on postule assez souvent un développement spontané et anarchique, faute d’y reconnaître le plan “en damier” qui nous paraît généralement si caractéristique de l’urbanisme méditerranéen. Faut-il voir à Oberwinterthur la marque de l’armée romaine, surtout, on l’a dit, que les militaria y sont nombreux ?

On dispose donc de plusieurs modèles explicatifs possibles de l’occupation de la Gaule par l’armée romaine, de sa répartition sur le territoire, de ses fonctions. Ce sont là différentes clefs pour chercher ces camps militaires introuvables dont les structures les plus précoces et les plus fragiles ont pu ne laisser que des traces archéologiques très faibles, notamment dans les centres-villes modernes des agglomérations antiques, ou sur les zones boisées des oppida. Mais ce sont aussi des modèles pour essayer de comprendre les relations qui ont pu s’établir entre l’armée, les populations gauloises, les aristocraties traditionnelles ou celles que la conquête avait générées. 

Le recrutement militaire et l’aristocratie gauloise

Les relations de Rome avec les aristocraties locales, bien avant la phase de conquête, ont toujours constitué un élément essentiel de la pénétration lente et diffuse, politique et aussi économique, de la puissance qui, depuis le milieu du IIe siècle avant notre ère, dominait toute la Méditerranée, comme l’exprimait ouvertement Polybe dès cette époque (3.4.3). Ces relations s’inscrivaient dans des traités qui employaient un vocabulaire précis et significatif : les peuples indigènes devenaient ainsi des “amici” et des “socii­“, même si ces termes traduisaient des réalités concrètes parfois rudes : livraison préalable d’otages, généralement les enfants des princes indigènes (“principes”), élevés à Rome, et donc pénétrés d’idées latines, traités prévoyant en général une aide militaire qui impliquait des fournitures d’hommes et des livraisons de blé, en cas de besoin, assistance et prestations en nature, hébergement des troupes etc.26.

Bien sûr les aristocrates indigènes devenaient alors, à titre privé, les amici des grands nobiles romains, qui les recevaient à Rome : ce fut par exemple le cas du druide Diviciacos qui avait été l’hôte (hospes) de Cicéron. Cette amicitia et cette hospitalitas privées s’étendaient évidemment à la sphère publique puisqu’elles impliquaient les principes des cités concernées et on ne peut les dissocier des relations officielles entre états. Rome disposait ainsi de réseaux d’influences politiques et économiques à l’extérieur de l’Empire stricto sensu, souvent bien avant la conquête proprement dite, un phénomène qu’a bien décrit J. Creighton pour la Bretagne27 : on sait ainsi, par exemple, que tout le sud-est de l’île était tenu par des princes clients de Rome depuis la première incursion de César, que Rome y nommait des rois. Les problèmes de succession entre reguli indigènes allaient fournir le prétexte de l’intervention directe, sous Claude. Rome ne procéda pas autrement lors de l’annexion du royaume de Maurétanie, sous Caligula, ou de celui de Nabatène, sous Trajan.

Le texte de César fournit de très nombreux exemples de cette collaboration plus ou moins volontaire. Si, en 58, le proconsul dispose de deux alliés anciens, les Héduens et les Séquanes (BG, 1.3), il s’empresse de recevoir la deditio des Rèmes (BG, 2.3) qui se placent d’emblée sous sa protection, donnent leurs enfants en otages (2.5), fournissent des informations (2.4), du blé (2.9), hébergent deux légions en 54 (2.9). Les Lingons, à leur tour, accueillent les troupes en 53-52 (BG, 6.44), fournissent de la cavalerie (8.11). Les exemples sont innombrables et il n’est pas question de les recenser tous : on demande du blé aux Séquanes, aux Leuques et aux Lingons, dès la première année de guerre (BG, 1.40), des cavaliers et des chevaux aux Sénons, en 53 (6.5). Toute la Gaule participa, de fait, à l’expédition de Bretagne en fournissant 4000 cavaliers (BG, 5.5). Bien plus le proconsul n’hésita pas à intervenir en permanence dans les affaires intérieures des cités, plaçant ses hommes, nommant des rois, tel Tasgaetius le Carnute (BG, 5.25) ou Cavarinos le Sénon (BG, 5.54). L’hivernage des légions pesait évidemment d’un poids important sur l’économie des cités qui les accueillaient, plus ou moins volontairement, et on ignore, à ce propos, quel était le sentiment populaire face à ces exigences récurrentes et fort lourdes28. Il est évident que les troupes étaient alors cantonnées dans les agglomérations, comme ce fut le cas pour César lui-même à Bibracte, juste après Alésia (BG, 7.90). Tous ces faits sont bien connus, et il n’est pas utile d’insister davantage sur cette politique césarienne, somme toute des plus classiques29.

Cette situation a survécu au conflit, non seulement parce que César avait toujours les moyens de l’imposer, mais aussi parce que les aristocrates Gaulois étaient eux-mêmes entrés dans le jeu. Dès le début de la guerre civile, le proconsul appelle à son aide 6 000 fantassins et 3 000 cavaliers qui l’avaient, les uns et les autres, servi pendant les guerres précédentes, ainsi qu’un nombre égal d’auxiliaires gaulois venus de la Gaule chevelue, récemment pacifiée. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une levée nouvelle qui ne constitue pas un recrutement forcé car elle s’appuie sur des solidarités volontaires, personnelles, constituées pendant la guerre, souvent contre d’autres Gaulois. César précise en effet (BC, 1.39) qu’il avait convoqué nommément tous les plus nobles et les plus braves de chaque cité (nominatim ex omnibus civitatibus nobilissimo et fortissimo quoque vocato)30. La Gaule vaincue s’était assez rapidement ralliée à son vainqueur, un bon moyen, pour la noblesse indigène, de continuer l’activité guerrière qui était à la fois une manière traditionnelle de vivre et une source de richesse au sein d’une société encore fortement marquée par les valeurs militaires de La Tène.

Le célèbre épisode des deux frères Allobroges, morts sur le champ de bataille de Dyrracchium après avoir trahi César, est à cet égard révélateur : il montre que ces jeunes nobles s’étaient engagés du côté Romain pendant la guerre des Gaules, mais ils ne l’avaient pas fait seuls, ils avaient aussi amené avec eux leurs dépendants. Honorés, promus, gratifiés de terres, devenus riches, ils avaient entraîné leurs troupes dans la guerre civile romaine (BC, 3.59). L’épisode révèle au passage que les cavaliers étaient payés par leurs chefs indigènes, qui recevaient le stipendium de César afin de le redistribuer, prélevant au passage une dîme excessive. 

La richesse de la Gaule en hommes, même après la guerre, faisait d’elle un enjeu essentiel dans le conflit politique romain, et son attribution comme province à l’un ou l’autre des compétiteurs du pouvoir pouvait modifier les rapports de force. Plancus, qui gouvernait le pays en 43, après la mort de César, disposait ainsi de ressources humaines nombreuses, capables de faire basculer la situation en faveur de l’un ou l’autre camp. Il s’était soigneusement tenu à l’écart des déchirements qui avaient suivi les Ides de Mars. Pressé par le Sénat, il se dévoile enfin, avec un cynisme qui en dit long sur ses intentions personnelles et sa volonté de peser dans le jeu politique romain : “Maintenant que, par la grâce des dieux, je suis bien paré de tout côté, je veux qu’on n’ait pas seulement de moi bon espoir, mais une opinion fondée sur des certitudes. J’ai avec moi cinq légions sur le pied de guerre, étroitement attachées à la République par leur loyalisme et leur bravoure, et dont je me suis assuré l’obéissance par ma générosité; une province on ne peut mieux disposée par l’accord unanime de toutes les cités, qui rivalisent de bons offices avec acharnement, des forces de cavalerie et de troupes auxiliaires aussi importantes que ces populations sont capables d’en mettre sur pied pour la défense de leur propre salut et de leur propre liberté” (Cicéron, Epistulae, 10.8.7). Plus tard Cicéron s’opposera à ce que la Gaule soit donnée à Antoine, car il y gagnerait des forces trop importantes, notamment en cavalerie, une arme décisive face à des adversaires fort démunis en la matière (Cicéron, Philippiques, 5.2.5-6). La statue du célèbre guerrier de Vachères, l’arc des Iulii à Glanum illustrent cette réalité de la collaboration militaire des vaincus d’hier, de leur intégration dans le nouvel ordre politique. Bref, au moins autant que la période césarienne, c’est la période des guerres civiles qui a été l’occasion de recruter des troupes en Gaule, donc d’intégrer dans l’orbite romaine ceux des nobles qui voulaient servir à la tête de leurs clients. Récompensés eux-mêmes par l’octroi individuel de la citoyenneté, ces nobiles gaulois ont alors reçu le gentilice de Iulius, qui était aussi celui d’Octavien/Auguste. Il va sans dire que la province du Midi, au moins autant que la Comata, a fourni une contribution essentielle à cet effort militaire. 

On a depuis longtemps observé le lien entre ces levées ethniques, sous l’autorité d’un chef de guerre indigène, et l’onomastique de certaines unités auxiliaires dont l’appellation trahit encore l’origine dans les inscriptions impériales. Il s’agit pour l’essentiel d’ailes de cavalerie. L’ala Longiniana, l’ala Atectorigiana, l’ala Indiana, l’ala Petriana, pour se limiter à ces quelques exemples, empruntent, on le sait, leur nom au cognomen de leur premier chef31. Le phénomène n’est pas propre à la Gaule de cette époque, il est au contraire assez largement répandu dans différentes provinces32. La principale question est pour nous de savoir jusqu’à quand ce système a duré et quand il a laissé place au mode de recrutement régulier des auxilia, tel que nous le connaissons après les réformes claudiennes, voire à partir de l’époque flavienne, grâce aux diplômes et à l’épigraphie.

L’un des exemples les plus tardifs de la création d’une aile de cavalerie selon le modèle traditionnel que nous venons de décrire est probablement celui de l’ala Indiana, sous Tibère. Au moment de la révolte de 21 ap. J.-C., le commandement romain envoie contre le chef Trévire Iulius Sacrovir un certain Iulius Indus, lui-même Trévire, à la tête d’une troupe dont le texte de Tacite (Ann., 3.42) ne révèle pas le statut de manière explicite (“cum delecta manu”), mais dont nous retrouverons ultérieurement la trace dans l’épigraphie sous le nom d’ala Indiana. Sacrovir, de son côté, est à la tête de ses débiteurs et clients, une situation qui rappelle celle de la période de l’indépendance. Tout se passe au fond comme si nous avions à faire à des partis rivaux au sein de l’aristocratie trévire, ce qu’indique explicitement Tacite, et comme si les guerres intestines entre “clans” continuaient encore à cette époque. Nous connaissons malheureusement trop mal les forces sociales qui sous-tendent ces conflits récurrents ainsi que leur assise territoriale. Mais on ne peut manquer de relever la capacité de mobilisation, encore à cette époque, des aristocrates gaulois, puisque, à Autun même, 40 000 hommes auraient été sous les armes, aux dires de Tacite (Ann., 3.43). Le chiffre peut sans doute paraître excessif, mais il est significatif de la gravité des événements, d’autant que, dans le même temps, Sacrovir, selon une pratique courante, prend en otage les jeunes nobles gaulois qui sont justement éduqués à la romaine dans les écoles de la ville : bon moyen de gagner leurs parents et alliés et de soulever une partie de la Gaule. Bien sûr on a l’habitude de moquer ces tumultus locaux, rapidement balayés par des troupes aguerries, mais l’essentiel n’est pas là.

Dans un article déjà ancien mais qui a fait date, J.F. Drinkwater, analysant ces mêmes sources, a prétendu qu’il n’y avait pas continuité entre les aristocraties de l’époque césarienne et celles de cette période, au motif, expliquait-il, que les inscriptions de l’époque impériale ne montrent pas un recrutement ethnique homogène des corps auxiliaires, et notamment des ailes de cavalerie, rapidement complétées par des engagements extérieurs à la sphère d’origine33. Il en concluait à un renouvellement de l’ancienne noblesse gauloise, décimée par la conquête, et remplacée par des forces nouvelles dévouées à César, dont elles portaient le gentilice. Il y a sans doute eu, bien entendu, des homines novi parmi les Iulii Gaulois, mais l’argument sur lequel s’appuie J.F. Drinkwater n’est guère recevable, dans la mesure où les inscriptions dont nous disposons sont toutes contemporaines ou postérieures au règne de Tibère, une époque où, déjà, le recrutement des corps les plus anciennement recrutés avait commencé à se diversifier34. Ceci, bien évidemment, ne préjuge en rien de l’origine et de l’ancienneté de la noblesse sous Tibère35. Il resterait évidemment à apprécier dans quelle mesure la levée tardive de l’ala Indiana, en 21, constitue un ou non un cas exceptionnel, mais les sources dont nous disposons, pour la Gaule, ne nous permettent pas de trancher. 

Il est intéressant, à cet égard, d’observer la carte des tombes à armes conservées en Gaule, telle que l’a dressée M. Feugère36. Elle montre une concentration particulière dans le centre de la Gaule (chez les Bituriges, notamment, mais aussi chez les Héduens) et une répartition dense en Belgique, particulièrement chez les Trévires (fig. 6). On sait que ce type de tombes, qui a des antécédents laténiens, est encore bien documenté jusque dans les premières décennies de notre ère, les dernières sépultures étant datées de l’époque de Caligula. Elles sont généralement considérées comme appartenant à des aristocrates gaulois qui avaient servi dans l’armée romaine mais étaient encore ensevelis selon des pratiques traditionnelles valorisant leur statut de guerrier. La plus emblématique de ces tombes est à mes yeux l’une des dernières de la série, celle de Chassenard, datée de l’époque de Caligula37. Elle a en effet livré, outre un casque à visage, des éléments d’équipement militaire et de cuirasse, un coutelas, un torque qui font incontestablement du mort un officier, dont la romanité s’affiche aussi par la présence de strigiles, alors que son caractère indigène s’exprime par le mode même de la sépulture et la pratique du dépôt d’armes et de vaisselle métallique. Plus important que tout, notre homme s’est fait ensevelir avec des coins monétaires servant à frapper des aurei, une particularité qui pose incontestablement la question de sa fonction et de la frappe des monnaies avec lesquelles étaient payés les auxiliaires. Ces derniers, ou du moins certains corps recrutés sur une base nationale, étaient-ils encore rétribués, sous Caligula, par leurs officiers d’origine gauloise, comme on le voit faire au moment des guerres civiles par les deux frères Allobroges Raucillus et Egus ? 

  Les tombes à armes en Gaule romaine, d’après Feugère 1996 (note 36), p. 166.
Fig. 6. Les tombes à armes en Gaule romaine, d’après Feugère 1996 (note 36), p. 166.

Cette question invite à un examen du statut des auxiliaires et des peuples au sein desquels ils ont été levés entre le règne d’Auguste et la fin de la période julio-claudienne. Depuis E. Ritterling elle n’a cessé d’être posée, avec des réponses diverses38. Pour E. Ritterling, il s’agissait, jusqu’à l’époque de Claude-Néron, de formations irrégulières ; K. Kraft (loc. cit. 35 sqq.) constatait pour sa part que l’on ne connaissait guère d’inscriptions précoces de fantassins sur le Rhin, à la différence de ce que l’on observe pour la cavalerie, et que les sources qui les mentionnent étaient essentiellement littéraires. Celles-ci, notamment Tacite, évoquent des levées de forces issues de tumultus locaux, sans grande valeur militaire (par exemple Hist., 1.68 ; 4.66 ; Ann., 3.46), que K. Kraft considérait donc comme “irrégulières”, par opposition aux ailes de cavalerie. Il reconnaissait toutefois dans les troupes levées sur une base nationale des unités semblables aux socii de l’époque républicaine. Il ne fallait pourtant pas, selon lui, confondre ces dernières avec les auxilia professionnels, caractérisés par la durée de leur engagement, la solde, l’armement, la promesse de citoyenneté à la libération. On peut toutefois se demander si cette tripartition est bien solide et si elle était encore valable au début du règne de Claude. G. Alföldy avait bien senti la difficulté et, s’appuyant surtout sur l’exemple de l’ala Indiana, considérait ces levées nationales comme la base d’unités rapidement transformées en auxilia réguliers39

Tous les peuples de Gaule ne semblent pas avoir été soumis aux mêmes obligations militaires. Certains disposaient d’un traité spécifique qui les dispensait du tributum financier, remplacé par des fournitures en nature. On en connaît deux exemples célèbres, les Ubiens et les Bataves, des Transrhénans il est vrai40. Les relations de dépendance avec Rome n’étaient en effet pas uniformes ; elles se définissaient peuple par peuple et dépendaient largement de la situation juridique de chacun. R. Wolters a ainsi fait observer qu’on ne connaît pas de troupes auxiliaires issues des peuples fédérés, mais seulement des nations libres ou stipendiaires41. Cette situation n’implique évidemment pas que les fédérés ne pouvaient s’engager à titre individuel dans des auxilia réguliers, mais qu’il n’y avait pas en leur sein de recrutement sur une base nationale parce que leur foedus ne le prévoyait pas. La remarque est juste mais doit toutefois être relativisée puisque les Voconces – des fédérés – ont pour leur part fourni de nombreux corps auxiliaires.

Il peut être intéressant de confronter les statuts juridiques des différents peuples gaulois, tels que nous les connaissons par Pline l’Ancien (HN, 4.106-109) et la liste de ceux qui ont fourni des troupes caractérisées par le nom de leur natio. Ils sont signalés par le sigle £ dans le tableau qui suit (tab. 1). Celui-ci ne comprend pas les troupes levées en Narbonnaise ; elles sont sans doute nombreuses mais ne servaient pas nécessairement sur le Rhin42. Il n’indique pas non plus les unités mentionnées par une épithète ethnique transnationale (“Gallorum / Aquitanorum”, etc).

 ColoniaeFoederatiLiberiStipendiarii
Belgica43EquestrisLingones£Nervi£Texuandri
RauricaRemiSuessionesMenapi£
Agrippinensis UlmanectesMorini£/ Marsaci
  LeuciBritanni
   Ambiani
   Bellovaci
   Bassi
   Catuslogi
   Atrebates
   Veromandui
   Suaeuconi
   Tungri£
   Sunuci£
   Frisiavones£
   Baetasi£
   Treveri£ (liberi antea)
   Mediomatrici
   Sequani£
   Raurici£
   Helveti£
   Nemetes£
   Triboci£
   Vangiones£
   Ubii£
   Guberni£
   Batavi£
LugdunensisLugdunum­AeduiMeldiLexovi
 CarnuteniSegusianiVeliocasses
   Galetos
   Venetos
   Abrincatuos
   Ossismos
   Namnetes
   Boi
   Senones
   Aulerci (Eburovices/Cenomani)
   Parisi
   Tricasses
Lugdunensis   Andicavi
   Viducasses
   Bodiocasses
   Venelli
   Coriosvelites
   Diablinti
   Rhedones
   Turones
   Atesui
Aquitania  SantoniAmbilatri
  Biturigi Vivisci Anagnutes
  Bituriges Cubi£Pictones
  ArverniAquitani
  VellavesSediboviates
   Peuples aquitains (29)
   Lemovices
   Gabales
   Ruteni
   Cadurci
   Nitiobroges
   Petrocori

Les Lingons mis à part, qui semblent n’avoir fourni de troupes qu’après leur révolte de 70, les peuples fédérés de la Comata ne donnent pas à l’armée romaine de recrues levées sur une base nationale. Les Trévires, qui le font, ont certes reçu un foedus, mais sans doute à une période postérieure à la rédaction de la liste plinienne au sein de laquelle ils figurent, semble-t-il, comme stipendiaires, après avoir perdu leur libertas (en 29 av. J.-C. ?)44. D’une manière générale les peuples libres n’ont guère recruté d’auxiliaires sur une base nationale, à l’exception des Bituriges et des Nerviens45. Tous les autres sont des stipendiaires, Belges ou Germains, mais ceci ne veut pas dire que tous les peuples de ces régions aient été concernés, loin s’en faut. Certains, comme les Bellovaques ou les Suessions, jouissaient pourtant d’une solide réputation militaire pendant la guerre des Gaules mais ils n’ont pas été sollicités à titre national sous l’Empire. On constate en outre que des provinces entières comme la Lyonnaise ne sont pas du tout concernées par ce mode de recrutement, l’Aquitaine à peu près pas, à l’exception des Bituriges qui, on le sait, sont des Celtes et non des Aquitains. Il paraît donc à peu près certain, au total, que ces différences relevaient des conditions mêmes dans lesquelles chaque natio avait été intégrée dans l’alliance romaine et l’on n’a pas nécessairement ici la trace d’un règlement césarien, sanctionné ensuite par Auguste, comme on le dit souvent trop facilement. 

Il est intéressant, à cet égard, d’observer la répartition géographique des troupes recrutées sur une base nationale et qui ont livré des inscriptions mentionnant des corps auxiliaires réguliers sous l’Empire, à une date parfois beaucoup plus tardive (fig. 7)46. Elle montre une singulière cohérence avec celle des tombes à armes. J’ai volontairement ajouté à cette liste deux peuples transrhénans qui ne figurent évidemment pas dans la liste plinienne. Les Sicambres ont en effet fourni à l’armée romaine des auxiliaires dont la trace se retrouve dans l’épigraphie d’époque flavienne (RMD 2, daté de 75). Quant aux Usipètes, ils ne sont connus que par leur défection durant les campagnes d’Agricola (Tacite, Agricola, 28.1). La question est évidemment de savoir si leur recrutement a été fait à partir de groupes de population installées sur la rive droite ou sur la rive gauche, et à quelle époque47. On sait en effet, au moins à propos des Sicambres, qu’une partie d’entre eux fut établie sur la rive gauche, probablement en 8 av. J.-C. (Tacite, Ann., 12.39 ; Suétone, Aug., 21), mais on n’en entend plus parler ensuite comme peuple autonome, et l’on suppose parfois qu’ils se sont fondus avec les Cugernes48.

  Civitates gallo-romaines ayant fourni des corps auxiliaires 
recrutés sur une base ethnique (carte M. Reddé).
Fig. 7. Civitates gallo-romaines ayant fourni des corps auxiliaires recrutés sur une base ethnique (carte M. Reddé).

On ne peut évidemment pas être certain que les recrutements au sein de ces différents peuples ont tous été effectués au début de l’Empire, car les inscriptions sont parfois tardives : ainsi, dans le cas de la cohors I Sequanorum et Rauracorum equitata, J. Spaul suppose qu’il s’agit d’une formation de la fin de l’époque flavienne49 ; pour G. Alföldy, il s’agirait même d’une levée d’Hadrien50. On ne peut évidemment, au seul vu de l’épigraphie, contester cette chronologie et les sources littéraires manquent pour postuler un recrutement plus ancien. On peut toutefois avancer quelques remarques.

Les Bituriges mis à part, l’ensemble des peuples concernés par ce phénomène forme un bloc géographique compact qui borde les frontières de la Gaule. Ce recrutement, qui fait appel à de nombreux peuples transrhénans, ne saurait évidemment remonter à l’époque césarienne, puisque ces différentes nations n’étaient pas encore installées à l’ouest du Rhin. Elles n’ont en effet été progressivement transférées qu’à partir du gouvernement d’Agrippa en Gaule (mais est-ce le premier ou le second ?), certaines après la mort de Drusus51. J’avancerai donc, à titre d’hypothèse de travail, mais sans pouvoir naturellement en apporter la preuve positive, que nous sommes là face à une politique défensive délibérée, progressive mais systématique, consistant à mobiliser une partie des peuples Belges et Transrhénans sur la frontière nord-est de la Gaule. 

Il y a donc eu, évidemment, des modes de recrutement militaire très différents au sein du monde gaulois, après la conquête : on voit tout d’abord des troupes levées directement par leurs chefs indigènes au sein de leurs dépendants, dont elles portent parfois encore le nom, longtemps après. Les Bituriges, dont les tombes à armes sont parfois anciennes52 ont sans doute pu, dès la période qui a suivi la conquête, fournir à Rome des troupes levées par leurs chefs traditionnels. Nous ne pouvons simplement pas en être sûrs, dans l’état actuel de la recherche. Les Trévires firent encore de même, mais plus tard, car ils ne comptaient pas initialement au nombre des meilleurs clients de Rome, avec qui ils furent au contraire en conflit régulier jusqu’en 29 av. J.-C. On voit pourtant que ce système durait encore au moment de la révolte de 21, si l’on en croit l’exemple de l’ala Indiana. Dans ce mode de recrutement, les aristocrates gaulois ont joué un rôle essentiel, mais ce fut aussi le cas en Germanie, et la figure d’Arminius est là pour nous le rappeler. Ces contributions militaires pouvaient être tantôt volontaires, tantôt fonction du traité passé avec Rome. À côté de ces levées, et sans doute de manière parallèle, ont existé des engagements individuels, dans un cadre supranational : on trouve ainsi des corps d’Aquitains, de Belges, de Gaulois. La nécessité de combler les vides a rapidement conduit le premier système à être contaminé par le second. Un homme comme le Namnète Argiotalus53, dont le monument funéraire, à Worms, montre qu’il s’était engagé au sein de l’ala Indiana, évidemment à titre individuel, avait rejoint une unité constituée de fraîche date sur une base ethnique, on l’a dit. La datation tibérienne probable de la pierre funéraire, à la fois pour des raisons épigraphiques (CIL XIII, 6230) et pour des motifs stylistiques (CSIR Deutschland II, 10, n°47) invite à penser qu’avant même le milieu du Ier siècle ap. J.-C. l’homogénéité des recrutements nationaux, même récents, était déjà mise à mal54.

Quant à l’homme de Chassenard, probablement un Héduen si l’on tient compte du lieu de découverte de sa tombe, il ne saurait s’être trouvé sous Caligula à la tête d’une troupe héduenne dont aucune inscription d’époque impériale ne nous indique l’existence. Nous sommes donc en face d’une pluralité de cas possibles, et vouloir juger l’influence effective de ces aristocrates gaulois dans le recrutement militaire des auxiliaires s’avère un exercice délicat, dès lors qu’on essaie d’entrer dans les détails. Il est en revanche certain que, jusqu’au milieu du Ier siècle de notre ère au moins, le métier militaire conservait toutes ses vertus ancestrales et fournissait aux Gaulois différents moyens à la fois de s’enrichir, d’acquérir la gloire et de s’intégrer dans les cadres du nouveau pouvoir, soit par un engagement individuel, soit par un recrutement national, sous la direction d’un chef qui pouvait être d’abord l’un de ces equites dont parle César, mais aussi, dès l’époque julio-claudienne, un officier romain55

Que nous apprend cette analyse – dont je n’ai pas la prétention de penser qu’elle est entièrement nouvelle – sur le processus de romanisation de la Gaule ? D’abord que le recrutement militaire en Gaule, pays extrêmement peuplé, a recommencé dès les lendemains de la conquête et s’est poursuivi sans discontinuer jusqu’à l’époque flavienne56. Même en tenant compte de l’indubitable apport des Germains transrhénans installés sur la rive gauche du Rhin ou des forces humaines de la Narbonnaise, non touchée directement par la guerre, cette constatation implique que les pertes démographiques de la Comata pendant le conflit césarien n’ont certainement pas été aussi massives qu’on le dit parfois. On observe en outre que le rôle de l’aristocratie gauloise dans le recrutement et le commandement des auxiliaires gaulois a été fondamental, au moins jusqu’au règne de Tibère, peut-être même jusqu’à la fin de l’époque julio-claudienne, et que plusieurs systèmes de levée ont probablement cohabité, ce qui suppose l’existence de différents types d’unités auxiliaires, sans doute avec des obligations différentes (solde, durée d’engagement, armement, nature du commandement). Cette intégration assumée, voire volontaire dans ce qui était la principale force de l’Empire, l’armée romaine, explique largement, à mon sens, la relative stabilité de la province, malgré des soubresauts parfois violents et tardifs, comme ceux de 21 ou de 68-70. Ceux-ci impliquent justement les mêmes forces sociales toujours dominantes, dont une partie se dissocie alors du processus de romanisation en cours pour des raisons complexes qui ont été analysées ailleurs57

La difficulté que rencontre l’historien est de saisir les rythmes de cette évolution, pour lequel les sources littéraires et épigraphiques font largement défaut. Il me semble toutefois que vouloir faire de l’année 27 avant notre ère une étape marquante de l’organisation de la Comata ne correspond guère ni à ce que disent les sources historiques, ni à ce que révèlent les sources archéologiques. Le recensement de 27, que nous connaissons fort mal à travers une brève et obscure allusion de Dion Cassius (53.22.5) a-t-il réellement touché la Gaule Chevelue ou a-t-il été limité à la Narbonnaise ? Le témoignage tardif et vague de Dion est contradictoire avec celui beaucoup plus explicite de l’empereur Claude, qui affirme que le premier census eut lieu en 12 av. J.-C., au moment même de l’offensive de Drusus et de l’installation du culte impérial à Lyon : 

“Grâce à eux [les Gaulois] mon père Drusus soumettant la Germanie eut derrière lui, garantie par leur calme, la sécurité et la paix ; et cela, bien que du recensement, opération nouvelle et alors insolite pour les Gaulois, cette guerre l’eût obligé à se détourner. Une telle opération, combien elle est ardue pour nous, tout juste maintenant, quoique l’enquête n’ait d’autre objet que la constatation officielle de nos ressources, à l’épreuve nous l’apprenons trop bien”58

Que ce census ait pu se faire sans la présence d’un minimum de troupes à l’intérieur même du pays est douteux et devrait nous interdire de penser que l’offensive de Drusus en Germanie s’est traduite immédiatement par un retrait militaire total de l’intérieur du pays. On sait d’ailleurs que cette opération ne se fit pas sans troubles, si l’on en croit l’abréviateur de Tite-Live (Periochae, 138-139) qui évoque alors le tumultus qui ob censum erat. Ces deux sources invitent d’ailleurs, à mon avis, à ne pas dater trop tôt dans l’époque augustéenne l’organisation administrative effective de la Comata, difficile à imaginer sans un census préalable. Une trentaine d’années plus tard, la révolte de 21 allait secouer sérieusement la province, provoquant sans doute l’installation d’au moins deux camps militaires à l’intérieur du pays, l’un tenu par l’aile des Voconces à Arlaines, près de Soissons59, l’autre par des vexillations de l’armée du Rhin, à Aulnay-de-Saintonge60

On doit toutefois faire observer aujourd’hui que cette chronologie et cette interprétation (que j’ai moi-même diffusée à plusieurs reprises) sont remises en cause puisque l’installation militaire romaine au sein de l’oppidum est désormais mise en relation avec les quartiers d’hiver de César à Samarobriva en 54-53. Cf. D. Bayard, “L’occupation des oppida gaulois par l’armée romaine de la fin de la République. L’exemple du ‘camp César’ de la Chaussée-Tirancourt (80)”, in : M. Reddé (dir.), Les armées romaines en Gaule à l’époque républicaine. Nouveaux témoignages archéologiques, Bibracte 28, 2018, p. 155-178 (cf. n°18). Mais on manque de fouilles d’ampleur pour appuyer cette démonstration sur un corpus de matériel important.

On verra désormais pour cette fouille l’importante monographie de M. Flück (éd.), Zu Gast bei Offizieren in Vindonissa, Librum Publishers & Editors, [en ligne] https://librum-publishers.com/zu-gast-bei-offizieren-in-vindonissa [consulté le 25/08/22].

Voir désormais la publication finale de A. Becker, G. Rasbach (éd.), Waldgirmes. Die Ausgrabungen in der spätaugusteischen Siedlung von Lahnau-Waldgirmes (1993-2009). 1, Befunde und Funde, Darmstadt, 2015.

On a aussi proposé une tout autre lecture de ce passage (J. Krier, Die Treverer ausserhalb ihrer Civitas. Mobilität und Aufstieg, Trierer Zeitschrift Beih. 5, Trèves, 1981, p. 182-183). Le texte porte en effet Treveri liberi antea et Lingones foederati, et on peut considérer que le mot foederati concerne les deux peuples mentionnés. Les Trévires seraient, selon J. Krier, passés du statut de peuple libre à celui de fédéré, à une date probablement antérieure à 21, sans doute dans le contexte des levées d’ailes de cavalerie nécessaires aux dernières offensives en Germanie. Cette interprétation change évidemment complétement le sens du passage plinien qui ne renvoie alors probablement pas à un changement de statut causé par les événements de 21.

Notes

  1. C’est à l’occasion des Congrès du Limes que j’ai fait la connaissance de Barbara Pferdehirt, notamment durant celui de Carnuntum en 1986, et depuis lors nos chemins, à la fois scientifiques et emprunts d’amitié personnelle, n’ont cessé de se croiser. Ils ont été jalonnés par nombre d’activités éditoriales et je ne saurais manquer d’exprimer ici ma gratitude tant à l’amie qu’à cette institution d’exception qu’est le Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence. Cet article est en même temps une modeste contribution au programme européen “Transformation”, imaginé par B. Pferdehirt. Il est pour partie emprunté à un séminaire doctoral effectué au RGZM en 2009.
  2. M. Reddé, “Les ouvrages militaires romains en Gaule sous le Haut-Empire : vers un bilan des recherches récentes”, Jahrb. RGZM, 34-2,1987, p. 343-368 ; id., “Die militärische Besetzung Galliens unter Augustus. Überlegungen zu den römischen Befestigungen des römischen Territoriums”, in : B. Trier (éd.), Die römische Okkupation nördlich der Alpen zur Zeit des Augustus, Kolloquium Bergkamen 1989, Munich, 1991, p. 41-48 ; id. M. Reddé, “L‘armée romaine et les peuples gaulois de César à Auguste”, in : G. Moosbauer, R. Wiegels (éd.), Fines Imperii – Imperium sine fine ?, Osnabrücker Forschungen zu Altertum und Antike-Rezeption 14, Osnabrück, 2011, p. 63-73. On peut voir le point actualisé sur cette question supra n°18.
  3. J’appelle effectifs “réels” l’ensemble des hommes valides en état de combattre dont disposait César, à l’issue de la campagne difficile de l’année 52. On ne peut en effet se fonder sur l’estimation théorique de l’effectif complet d’une légion, même si on devait s’efforcer de combler les pertes chaque fois que c’était possible. Le nombre même des légions césariennes en 50 n’est pas clair. César ne l’indique jamais et le compte de 10 à 12 légions relève d’un calcul effectué d’après le texte du Bellum Gallicum (Cf. L. Keppie, The Making of the Roman Army. From Republic to Empire, Londres, 1998).
  4. On notera que, de manière a priori surprenante, il n’y a pas de garnison chez les Arvernes, pourtant les principaux adversaires de Rome en 52.
  5. L. Keppie, The Making of the Roman Army. From Republic to Empire, Londres, 1998.
  6. E. Ritterling, “Zur Geschichte des römischen Heeres in Gallien unter Augustus”, Bonner Jahrb., 114-115, 1906, p. 159-188 ; E.M. Wightman, “La Gaule chevelue entre César et Auguste”, in : Actes du IXe Congrès international d’études sur les frontières romaines, Mamaia, 6-13 septembre 1972, Bucarest, 1974, p. 473-483 ; ci-dessus note 2.
  7.  S. Hornung, “Ein spätrepublikanischer Militärlager bei Hermeskeil (Ldkr. Trier-Saarburg). Vorbericht über die Forschungen 2010-2011”, Archäologisches Korrespondenzblatt, 42, 2012, p. 205-224 (voir n°18).
  8. M. Poux (éd.), Sur les traces de César. Militaria tardo républicains en contexte gaulois, Bibracte 14, Glux-en-Glenne, 2008.
  9. M. Reddé, Postface à Poux 2008 (note 8), p. 433-437. Cette carte ne devrait en aucun cas être utilisée aujourd’hui sans commentaire.
  10. J. Metzler, Das Treverische Oppidum auf dem Titelberg. Zur Kontinuität zwischen der spätkeltischen und der frührömischen Zeit in Nord-Gallien, Luxembourg, 1995.
  11. J. Metzler, C. Gaeng, Goeblange-Nospelt. Une nécropole aristocratique trévire, Musée national d’histoire et d’art 9, Luxembourg, 2009, p. 519-528 ; pour un plan actualisé, voir n°18 supra.
  12. A. Voirol, “‘États d’armes’. Les militaria d’Avenches/Aventicum”, in : E. et S. Deschler-Erb (éd.), Römisches Militaria im zivilem Umfeld / Roman Military Equipment in civil Settlements. International Roman military Equipment Conference (Romec) XIII, Jahresber. GPV 2001, Brugg, 2002, p. 31-40.
  13. E. Deschler­-Erb, “Die Kleinfunde aus Edelmetall, Bronze und Blei,” in : Vitudurum 7. Ausgrabungen im Unteren Bühl. Die Funde aus Metall. Ein Schrank mit Lararium des 3. Jahrhunderts, Monographien der Kantonsarchäologie Zürich 27, Zurich, 1996.
  14. E. Rabeisen, “Fournitures aux armées ? Caractères et débouchés de la production d’équipement de cavalerie à Alésia au Ier siècle après J.­-C.”, in : Y. Le Bohec (éd.), Militaires romains en Gaule civile, Lyon, 1993, p. 51-­71.
  15. J.-L. Brunaux, S. Fichtl, C. Marchand, “Die Ausgrabungen am Haupttor des ‘Camp César’ bei la Chaussée-Tirancourt (dépt. Somme, Frankreich)”, Saalburg Jahrb. 45, Berlin-New York, 1990, p. 5-23.
  16. A. Furger-Gunti, Die Ausgrabungen im Basler Münster 1, Basler Beitr. Ur- u. Frühgesch. 6, Derendingen, Solothurn, 1979.
  17. H. Chantraine, “Keltische Münzen in rheinischen Legionslagern”, in : G. Grasmann et al. (éd.), Keltische Numismatik und Archäologie, BAR Int. Ser. 200, 1, Oxford, 1984, p. 11-19.
  18. M. Flück, “Östlich des Keltengrabens. Auswertung der Grabung Windisch-Dorfschullhaus 1986/87”, Jahresber. GPV, 2007 (2008), p. 17-57.
  19. A. Hagendorn, H.W. Doppler, A. Huber, H. Hüster-Plogmann, S. Jacomet, C. Meyer-Freuler, B. Pfäffli, J. Schibler, Zur Frühzeit von Vindonissa. Auswertung der Holzbauten der Grabung Windisch-Breite 1996-1998, Veröffentlichungen der Gesellschaft Pro Vindonissa 18, Brugg, 2003.
  20. P. Crummy, “Colchester (Camulodunum / Colonia Victriciensis)”, in : G. Webster (éd.), Fortress into city. The Consolidation of Roman Britain. First Century AD, Londres, 1988, p. 24-47 ; J.D. Creighton, Britannia. The Making of a Roman province, Londres, 2006, p. 61-64.
  21. Webster 1988 (note 20).
  22. A. Becker, G. Rasbach, S. Biegert, “Die spätaugusteische Stadtgründung in Lahnau-Waldgirmes. Archäologische, architektonische und naturwissenschaftliche Untersuchungen”, Germania, 81,1, Francfort-sur-le-Main, 2003, p. 147-199 ; S. von Schnurbein, “Waldgirmes, une ville romaine éphémère située en Germanie à l’est du Rhin”, in : P. Ouzoulias, L. Tranoy (éd.), Comment les Gaules devinrent romaines, Paris, 2010, p. 85-95.
  23. A. Vanderhoeven, “Das vorflavische Tongeren : die früheste Entwicklung der Stadt anhand von Funden und Befunden”, in : G. Precht, N. Zieling (éd.), Genese, Struktur und Entwicklung römischer Städte im I. Jahrhundert n. Chr. in Nieder und Obergermanien. Kolloquium vom 17. bis 19. Februar 1998 im Regionalmuseum Xanten, Xantener Berichte 9, Xanten, 2001, p. 157-176.
  24. D. Bayard, “Amiens 1983-2003, un bilan vingt ans après Amiens romain”, in : R. Hanoune (éd.), Les villes romaines du nord de la Gaule. Vingt ans de recherches nouvelles, Revue du Nord Hors-série, coll. Art et Archéologie 10, Lille, 2007, p. 11-42.
  25. T. Pauli-­Gabi, C. Ebnöther, P. Albertin, A. Zürcher, Beiträge zum römischen Oberwinterthur. ­Vitudurum 6. Ausgrabungen im Unteren Bühl, Monographien der Kantonsarchäologie Zürich, 34, Zurich, 2002.
  26. E. Badian, Foreign clientelae (264-70 BC), Oxford, 1958 ; P.J. Burton, Friendship and Empire. Roman Diplomacy and Imperialism in the Middle Republic (353-146 BC), Cambridge, 2011.
  27.  J.D. Creighton, Coins and power in late Iron Age Britain, Cambridge, 2000 ; Creighton 2006 (note 20). 
  28. Cette situation a duré parfois très longtemps : ainsi, en 69 ap. J.-C. encore, les Lingons y étaient-ils toujours astreints : Miserat civitas Lingonum vetere instituto dona legionibus dextras, hospitii insigne (Tacite, Hist., 54).
  29. Voir par exemple R. Wolters, Römische Eroberung und Herrschaftsorganisation in Gallien und Germanien. Zur Entstehung und Bedeutung der sogenannten Klientel-Randstaaten, Bochum 1990, p. 77-107.
  30. C. Goudineau, “Dynasties gauloises, dynasties romaines dans les Trois Gaules”, in : V. Guichard, F. Perrin (dir.), L’aristocratie celte à la fin de l’Âge du Fer (du IIe siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C.). L’aristocratie celte dans les sources littéraires. Recueil de textes commentés, Bibracte 5, Glux-en-Glenne, 2002 p. 311-317.
  31. G. Alföldy, Die Hilfstruppen der römischen Provinz Germania Inferior, Düsseldorf, 1968 ; P.A. Holder, Studies in the Auxilia of the Roman Army from Augustus to Trajan, BAR Int. Ser. 70, Oxford, 1980 ; D. B. Saddington, The development of the Roman auxiliary forces from Caesar to Vespasian (49 B.C.-A.D. 79), Harare, 1982 ; Wolters 1990 (note 29).
  32. E. Birley, “Alae named after their Commanders”, Ancient Society, 9, Louvain, 1978, p. 257-273 = MAVORS  IV, Amsterdam, 1988, p. 368-384 ; M. P. Speidel, “Auxiliary Units named after their Commanders: Four new cases from Egypt,” MAVORS I, Amsterdam, 1984, p.101-108.
  33. J.F. Drinkwater, “The Rise and Fall of the Gallic Iulii: Aspects of the development of the Three Gauls under the Early Empire”, Latomus, 37, 3-4, 1978, p. 817-850.
  34. K. Kraft, Zur Rekrutierung der Alen und Kohorten an Rhein und Donau, Berne, 1951.
  35. A. Hostein, “D’Eporedirix à Iulius Calenus, du chef éduen au chevalier romain (Ier s. av. J.-C.-Ier s. ap. J.-C.)”, in : F. Chausson (dir.), Occidents romains. Sénateurs, chevaliers, militaires, notables dans les provinces d’Occident. Espagnes, Gaules, Germanies, Bretagne, Paris, 2009, p. 49-80.
  36. M. Feugère, “Les tombes à armes et l’aristocratie gauloise sous la paix romaine”, in : M. Reddé (éd.), L’armée romaine en Gaule, Paris, 1996, p. 165-176.
  37. H. Chew, Masques de fer : un officier romain du temps de Caligula. Exposition Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, 6 nov. 1991-4 fév. 1992, RMN, 1992.
  38. Voir par exemple Ritterling 1906 (note 6) ; Kraft 1951 (note 34) ; H. Callies, “Die fremden Truppen im römischen Heer des Prinzipats und die sogennanten nationalen Numeri. Beiträge zur Geschichte des römischen Heeres”, Ber.RGK, 45, 1964, 1965, p. 130-227 ; Alföldy 1968 (note 31) ; Wolters 1990 (note 29).
  39. Alföldy 1968 (note 31), p. 91 sqq.
  40. N. Roymans, Ethnic Identity and Imperial Power. The Batavians in the early Roman Empire, Amsterdam, 2004.
  41. Wolters 1990 (note 29), p. 111-112.
  42. C’est ce qui ressort clairement du tableau dressé par Alföldy 1968 (note 31), p. 140. 
  43. Le texte de Pline ajoute les peuples rhénans à la fin de la liste des peuples de Belgique, grâce à un codicille qui commence par “Rhenum autem accolentes Germaniae gentium in eadem provincia”. Vient ensuite l’énumération suivante : “Triboci, Vangiones, in Ubis colonia Agrippinensis, Guberni, Batavi et quos in insulis diximus Rheni”. La simple mention de la colonia Agrippinensis suggère au moins une adjonction postérieure à la liste augustéenne, mais ce n’est pas le lieu d’entrer ici dans un débat sur la composition et la date de ce texte compliqué.
  44. La signification même de la phrase qui associe Trévires et Lingons (Treveri liberi antea et Lingones foederati) a fait couler tellement d’encre que je renonce à en donner ici la bibliographie. Voir un bon résumé dans Wolters 1990 (note 29), p. 97-100.
  45. Je laisse ici de côté le cas pourtant intéressant de l’ala Atectorigina, dont L. Maurin a supposé qu’elle avait été recrutée à une haute époque dans le centre-ouest de la Gaule (Santons ou Pictons), en mettant en relation l’épithète de cette unité avec la frappe de monnaies au nom d’Atectorix, probablement attribuable aux Pictons (sur ces émissions, voir J.-B. Colbert de Beaulieu, B. Fischer, Recueil des Inscriptions Gauloises (RIG). IV- Les légendes monétaires, Gallia Suppl. 45, Paris, 1998, n°51). Il est évident que nombre de cas nous échappent, particulièrement pour l’époque césarienne ou immédiatement postérieure à César parce qu’elles n’ont guère laissé de traces épigraphiques postérieures. Il est donc bien possible qu’il faille rajouter les Pictons à la liste des cités qui ont fourni des levées nationales, sous commandement d’un chef indigène à haute époque (L. Maurin, Saintes antique des origines à la fin du VIe siècle après Jésus-Christ, Saintes, 1978, 209-221). Les quelques références du texte du Bellum Gallicum données ci-dessus montrent bien qu’à cette époque peu de peuples ont dû être épargnés.
  46.  La liste a été établie à partir du recensement de Saddington 1982 (note 31). Il faudrait évidemment reprendre cette liste point par point et la commenter en détail, mais la place fait défaut ici.
  47. Alföldy 1968 (note 31), p. 84-85.
  48. J. Heinrichs, “Römische Perfidie und Germanischer Edelmut? Zur Umsiedlung protocugernischer Gruppen in den Raum Xanten 8 v. Chr.”, in : T. Grünewald (éd.), Germania Inferior. Besiedlung, Gesellschaft und Wirtschaft der Römisch-germanischen Welt, RGA Ergänzungsband 28, Berlin-New York, 2001, p. 54-92.
  49. J. Spaul, Cohors2. The evidence for and a short history of the auxiliary infantry units of the Imperial Roman Army, BAR Int. Ser. 841, Oxford, 2000, p. 187.
  50. Alföldy 1968 (note 31).
  51. R. Wolters, “Germanische Mobilität und römische Ansiedlungspolitik”, in : Grünewald 2001 (note 48), p. 146-168.
  52. A. Ferdière, La tombe augustéenne de Fléré-la-rivière (Indre) et les sépultures aristocratiques de la cité des Bituriges. En Berry au début de l’époque gallo-romaine : le fer, le vin, le pouvoir et la mort, Argentomagus, 1993.
  53. J. Santrot, A. Morin, M. Grünewald, “Argiotalus, fils de Smertulitanus, cavalier Namnète à Worms (Allemagne) sous Tibère”, RAO, 25, Rennes, 2008, p. 187-208.
  54. On verra le tableau commode dressé par L. Maurin des attestations épigraphiques de cavaliers gaulois, classés selon leur origine ethnique, recrutés avant 50 (Maurin 1978 (note 45), p. 213) : il montre le brassage rapide effectué par l’armée, ce qui implique que ces unités auxiliaires sont très vite devenues des corps réguliers, comme le soutenait G. Alföldy.
  55.  Alföldy 1968 (note 31), p. 111.
  56. D. et F. Tassaux, “Les soldats gaulois dans l’armée romaine”, in : Reddé 1996 (note 36), p. 147-163. D. Tassaux, disparue accidentellement en 1985, avait consacré sa thèse au recrutement des soldats gaulois dans l’armée romaine. L’article cité est extrait de ce travail resté inédit.
  57. P. Herz, “Der Aufstand des Iulius Sacrovir (21 n. Chr.). Gedanken zur römischen Politik in Gallien und ihre Lasten”, Laverna 3, 1993, p. 42-93 ; M. Reddé, “‘Ut eo terrore commeatus Gallia aduentantes interciperentur’ (Tacite, Hist.,5.23). La Gaule intérieure et le ravitaillement de l’armée du Rhin”, REA,113-2, Bordeaux, 2011, p. 489-509.
  58. P. Fabia, La table Claudienne de Lyon, Lyon, 1929.
  59. M. Reddé, “Le camp militaire romain d’Arlaines près de Soissons”, Gallia, 42, Paris, 1984, p. 49-79.
  60. P. Tronche, “Aulnay/Rocherou, Aunedonnacum”, in : M. Reddé, R. Brulet, R. Fellmann, J.K. Haalebos, S. von Schnurbein (éd.), L’architecture de la Gaule romaine. I. Les fortifications militaires, DAF 100, Paris-Bordeaux 2006, p. 205-207, [en ligne] https://books.openedition.org/editionsmsh/22093[consulté le 25/08/22].
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EAN html : 9782356134899
ISBN html : 978-2-35613-489-9
ISBN pdf : 978-2-35613-490-5
ISSN : 2827-1912
Posté le 23/12/2022
22 p.
Code CLIL : 4117; 3385
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Comment citer

Reddé, Michel, “19. L’armée romaine et les aristocrates Gaulois”, in : Reddé, Michel, Legiones, provincias, classes… Morceaux choisis, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 3, 2022, 281-302, [en ligne] https://una-editions.fr/19-larmee-romaine-et-les-aristocrates-gaulois [consulté le 29/12/2022].
doi.org/10.46608/basic3.9782356134899.23
Illustration de couverture • Première• La porte nord du camp C d'Alésia, sur la montagne de Bussy en 1994 (fouille Ph. Barral / J. Bénard) (cliché R. Goguey) ;
Quatrième• Le site de Douch, dans l'oasis de Khargeh (Égypte) (cliché M. Reddé, 2012)
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