“La crise militaire du IIIe siècle dans l’Est de la Gaule
et la réponse de l’État”, RAE, 2021, p. 41-53.
La publication récente d’une nouvelle inscription du vicus de Dalheim vient opportunément nous rappeler la réalité des raids barbares à l’intérieur de la Gaule, dans le courant du IIIe siècle. Le texte se lit ainsi1 : I(n) h(onorem) d(omus) d(iuinae) / deae Fortunae/ ob salu/te(m) imperi(i) uicani Ri/ccienses porticum / balinei ui barbar[o]/rum absum[ptam de] / suo restituer[unt] / cura[m] agente Ma/riniano Marino / c(enturione) leg(ionis) VIII Aug(ustae). Outre son intérêt intrinsèque, notamment la mention des uicani Ricciensesqui corrobore de manière définitive le nom du site, cette inscription pose différentes questions et en premier lieu celle de la date de cette incursion, que J. Krier propose de situer en 254. Faute d’indications chronologiques dans le texte même, l’argumentation de l’éditeur repose sur un raisonnement de nature épigraphique et historique qui prend en compte la datation – fort débattue – des différentes vagues d’invasion et la chute du limes. Mon intention n’est pas ici de discuter dans le détail cette démonstration, mais de rappeler les incertitudes qui continuent de peser sur notre reconstitution des événements de cette époque troublée. Je reviendrai plus loin sur l’inscription elle-même.
Le scénario de la crise en question
K. Strobel, Das Imperium Romanum im 3. Jahrhundert. Modell einer historischen Krise ? Zur Frage mentaler Strukturen breiterer Bevölkerungsschichten in der Zeit von Marc Aurel bis zum Ausgang des 3. Jhs. n. Chr., Stuttgart, 1993.Rappelons, pour commencer, que la date de 260, généralement admise pour l’abandon du limes de Germanie supérieure-Rétie, est le fruit d’un consensus relativement récent, mais qui n’a pas toujours été accepté sans discussion par tous les historiens2. L’indigence et l’imprécision de nos sources sur cette période sont en effet notoires et certaines d’entre elles, très postérieures aux faits et d’inspiration chrétienne, sont d’autant plus suspectes qu’elles véhiculent une vision apocalyptique des temps3. Or celle-ci a durablement inspiré la recherche moderne ; en France notamment, elle a nourri jusqu’à nos jours la peur du “péril germanique” et il n’est pas de niveau de cendres qui ne se soit transformé en couche d’incendie, de site rural qui n’ait été abandonné sans que ce soit sous la menace des barbares, de trésor qui n’ait été enfoui sans être l’indice d’une invasion, d’enceinte qui n’ait été construite sans qu’on la date de ces années horribles, de présence de soldat sans qu’on invoque la militarisation croissante de la société. Le sentiment de la crise a, il est vrai, compté au moins autant, pour les contemporains, que l’impact effectif de la crise elle-même, que les recherches les plus récentes ont tendance à nuancer4. En réalité, c’est l’enchaînement même des faits qui est en cause, la chronologie précise des différentes “invasions”, leur extension spatiale, voire, dans certains cas, leur existence même. Sans vouloir entrer ici dans le détail d’une littérature érudite foisonnante, il me paraît important, pour analyser la réponse de l’État aux événements militaires de ce temps, de rappeler brièvement quels sont les éléments du problème. H.U. Nuber, dans un article de 1990 qui garde largement son actualité, a bien décrit les trois scénarios concurrents de la fin de la présence militaire romaine en Germanie supérieure-Rétie5 :
- le limes aurait été traversé brutalement par une invasion massive qui aurait tout balayé sur son passage, et les territoires de la rive droite auraient été largement occupés par les nouveaux arrivants.
- les soldats romains, occupant encore pendant un certain temps quelques points d’appui, se seraient progressivement retirés, les civils qui n’avaient pas fui passant sous occupation alémanique.
- constatant la pression croissante de la menace barbare et l’inanité de la défense linéaire mise en place au IIe siècle, le commandement romain aurait peu à peu évacué en bon ordre la province, confiant la protection avancée de l’Empire à des fédérés germaniques à l’Est du Rhin.
Dans ce dernier scénario, qui recouvre en partie le second, il est bien évident, comme le souligne H.U. Nuber, que l’évaluation de la chronologie des événements joue un rôle essentiel dans la perception que nous avons du mécanisme même de la crise : on ne portera pas en effet le même jugement selon que l’on fait démarrer le retrait militaire romain avant 260 ou seulement à partir de cette date, ce qui, dans ce dernier cas, implique que l’usurpation de Postumus et le conflit avec les troupes restées fidèles à Gallien aient joué un rôle d’accélérateur, voire de déclencheur dans le processus d’abandon du limes et dans les destructions que l’on constate en différents endroits. La découverte de l’autel d’Augsburg (AE 1993, 1231), célébrant une victoire remportée avec l’aide des troupes de Postumus sur les Germains qui avaient pénétré jusqu’en Italie, en 260, est venue, dans ces conditions, alimenter un débat déjà ancien et susciter nombre d’analyses nouvelles6. L’un de ses derniers développements réside dans la proposition que fait aujourd’hui M. Reuter de dater de l’année 254 l’abandon du limes rétique dans sa partie occidentale, au nord du Danube7. La situation a probablement été différente en Germanie supérieure où l’on constate, dès la fin de l’époque sévérienne, une progressive réduction des garnisons de la frontière, sans doute parce que celle-ci était calme, et aussi parce que l’on avait besoin de troupes ailleurs, aussi bien sur le moyen Danube qu’en Orient. Mais ces détachements ne revinrent jamais et firent défaut au moment crucial. Quoi qu’il en soit, le réexamen récent des sources archéologiques actuellement disponibles conduit aujourd’hui le même M. Reuter à dissocier l’effondrement d’une partie du limes rétique, en 254, de l’abandon, sans doute moins catastrophique et plus progressif, de la frontière de Germanie supérieure, toujours situé en 2608.
L’interprétation des sources, notamment numismatiques, sur lesquelles on s’appuie le plus souvent, s’avère, dans ce contexte, un exercice délicat. On ne parlera pas ici des trésors, pourtant nombreux à cette époque, et dont la date de clôture n’indique pas nécessairement une invasion ou même simplement un raid barbare. Leur enfouissement, en cette période d’inflation galopante, peut être dû à bien d’autres causes qu’une situation de danger militaire et peut avoir eu lieu plusieurs années après le terminus post quemfourni par la dernière monnaie. On sait en outre que le phénomène n’est pas propre à la Gaule : on le rencontre aussi en Grande-Bretagne, pourtant exempte d’invasions à cette époque…. On s’intéressera donc bien plutôt aux espèces qui continuent de circuler à l’Est du Rhin, dans les territoires abandonnés par l’armée. Dans une étude déjà ancienne mais extrêmement importante et minutieuse, K. Stribrny a en effet recensé et cartographié toutes les pièces provenant de l’hinterland du limes et frappées après 260, comparant les courbes de fréquence avec celles de Mayence, resté le centre de la défense romaine, ce qui fournit une bonne référence pour étudier les flux monétaires de cette époque9. Les résultats sont assez étonnants et offrent de ce fait l’image d’une circulation résiduelle en peau de léopard, non seulement sur le glacis rhénan, mais aussi jusque dans le saillant de la Vétéravie, encore au milieu du IVe siècle (fig. 1) ! La courbe de Riegel au pied du Kaiserstuhl, par exemple, ne montre pas de discontinuité dans l’occupation du sol (fig. 2). L’analyse de K. Stribrny a naturellement été critiquée dans le détail10 ; en outre la présence de monnaies impériales à l’est du Rhin, après 260, peut être interprétée de différentes manières : avons-nous à faire à des poches de population romaines, toujours alimentées en numéraire ? À une circulation secondaire, en milieu alémanique ? S’agit-il, dans ce cas, de troupes fédérées, recrutées par Rome11 ? On peut toutefois confronter cette carte dressée par K. Stribrny à celle des établissements alémaniques attestés, dans l’état actuel de nos connaissances, sur le territoire évacué par l’armée : même s’il est parfois difficile d’être précis et si les sources archéologiques sont rares, on n’observe assurément pas d’installation massive de populations germaniques au sud du Main avant probablement le milieu du IVe siècle12.
La liste des milliaires montre, de son côté, que l’entretien des routes a continué d’être assuré pendant toute cette période troublée, même si l’on constate évidemment des différences régionales13. Juste avant l’abandon du limes, on trouve encore deux bornes de Valérien et Gallien dans les Champs Décumates, à Heidelberg (CIL XIII, 9111) et à Lopodunum (CIL XIII, 9103). À partir de Postume les milliaires ne se rencontrent plus qu’à l’ouest du Rhin, mais leur présence même prouve que le réseau routier continue de fonctionner, notamment sur l’axe stratégique Mayence-Strasbourg-Augst-Vindonissa. On en rencontre ainsi un à Hagenbach, à la frontière méridionale des Némètes (Ber. RGK 27, 1938, p. 120) et un autre, récemment identifié par H.U. Nuber, à Biesheim/Oedenburg (AE2002, 1961). C’est probablement la même route qui est mentionnée par une borne de Victorin, retrouvée en territoire allemand, dans un ancien bras du Rhin, un peu au nord de Strasbourg (AE 1971, 279)14.
Cet ensemble de données tend à corroborer le scénario d’un abandon progressif de la défense avancée du limes, sans rupture brutale et massive, sauf, probablement, au nord du cours supérieur du Danube, lors de raids barbares en profondeur, comme celui qu’atteste l’inscription d’Augsburg. Si l’on en croit les cartes dressées par K. Stribrny, il est donc bien possible que, dans certaines zones, à l’est du Rhin, le contrôle romain ait encore été effectif après 260, sans préjuger des traités qui pouvaient être passés avec des fédérés alamans pour assurer la défense avancée du territoire impérial.
Quelle(s) réponse(s) de l’État ?
La réponse de l’État aux nouvelles menaces a clairement évolué avec le temps. La découverte récente du champ de bataille de Harzhorn, en Basse Saxe, peut aujourd’hui être directement reliée aux campagnes de Maximin le Thrace, en raison des datations dendrochronologiques des bois de lances retrouvées sur le terrain, de la numismatique, et d’une inscription (sur un fer de dolabra) qui mentionne la participation aux combats de la legio IIII (Flauia) S(eueriana) A(lexandriana)15. Il s’agit là d’une réponse de contre–offensive aux premiers raids de 233 dont l’origine était située assez clairement dans la Germanie profonde, loin en avant du limes (fig. 3). Hérodien 6.7.2 évoque l’intention des Germains de pousser leurs attaques vers le Danube et le Rhin. De fait c’est vers le front rhénan que se dirigeait Alexandre Sévère avec son armée, avant d’être tué, probablement à Mayence ou dans ses environs. La Vétéravie au moins semble alors avoir été touchée16, mais l’extension géographique réelle de cette première grande incursion germanique n’est pas réellement connue17.
Le rétablissement effectué par les entreprises militaires de Maximin semble avoir été durable jusque vers 250 au moins18. On ne constate pas dans l’hinterland du limes de protection hâtive des villes de cette région, et les inscriptions montrent que leur fonctionnement municipal reste encore actif et normal à cette époque. Les enceintes urbaines que l’on connaît – celles de Dieburg, Heddernheim, Ladenburg, Wimpfen, Rottenburg – englobent pratiquement toute la surface du bâti antérieur (de 20 à 45 ha) et ne constituent en rien des “réduits” défensifs ; elles sont soigneusement édifiées et ne concernent d’ailleurs qu’une partie des villes qui s’étaient développées dans le courant du IIe siècle. Un municipe comme celui d’Arae Flaviae (Rottweil), par exemple, n’a jamais été emmuraillé, que l’on sache. Il est probable d’ailleurs, même si la chronologie de ces fortifications n’est pas connue avec une grande précision, que ces opérations d’urbanisme aient été effectuées avant l’invasion de 233 ; mais, même après cette date, on ne constate pas de fièvre défensive19. Si on relève un renforcement des défenses de Nida20, on constate parallèlement une réduction des garnisons dans les forts du limes, ce qui n’est pas l’indice d’une situation militaire ressentie comme critique.
C’est en 254 seulement que fut édifiée la première muraille urbaine de Mayence, qui s’appuyait clairement sur le rempart du camp légionnaire. Sa construction soignée, due probablement à l’intervention de la garnison, ne montre là encore aucune hâte dans la mise en œuvre ni surtout aucun réduit défensif21. C’est pourtant vers cette date que survint une nouvelle invasion, si l’on en croit les récits concordants d’Aurelius Victor (33.1) et de Zosime (1.30). Ces deux sources sont à l’origine d’une théorie ancienne sur la date d’abandon du limes, une idée toujours extrêmement débattue en Allemagne. A. Heising voudrait plutôt y voir, en Germanie supérieure tout au moins, le début d’une série de raids de pillages ponctuels qui auraient sensiblement accru le sentiment d’insécurité22. La présence de Gallien dans la région, puis, en 256, son séjour conjoint avec son père à Cologne et la création de l’atelier monétaire de la ville – nécessaire pour le paiement de la solde – témoignent toutefois d’une aggravation sensible de la menace barbare et de la perception qu’on en avait23. C’est probablement à partir de cette époque aussi que fut édifiée, ou au moins complétée, la muraille de la colonie, dont la porte nord fut ornée d’une inscription en l’honneur des deux empereurs (I.Köln II 285). La splendide décoration en opus musivum de cette muraille ne témoigne toutefois pas d’une hâte défensive particulière, mais bien du rang de cette nouvelle capitale impériale ; la construction ne se fit sans doute pas en un jour, puisque la maçonnerie contient un antoninien de Salonin (258-260)24.
Dans ce contexte, il faut tout de même considérer la reconstruction de l’enceinte de Vindonissa comme une vraie mesure défensive, compte tenu de la position stratégique de l’ancien camp légionnaire au confluent des vallées qui mènent vers l’intérieur de la Suisse et, au-delà, vers l’Italie. Cette mesure est attestée par une inscription très fragmentaire (CIL XIII, 5203) dont H. Lieb a proposé une interprétation convaincante, datant la pierre de 26025. En revanche, même après le retrait romain du limes, le secteur du Rhin supérieur, entre Windisch et Strasbourg semble être resté totalement vide de dispositif défensif, dans l’état actuel de nos connaissances. Cette question de la réponse impériale aux incursions germaniques doit évidemment être élargie à la fois à la Rétie, à la Germanie inférieure et à la Gaule intérieure, mais les éléments bien datés sont malheureusement très peu nombreux.
En Rétie, le dispositif militaire des années 260-270 reste à peu près inconnu et il n’existe pas d’évidence archéologique de mesures de restauration prises avant le règne de Probus au plus tôt (fig. 4)26. Encore le nouveau “limes” qui suit désormais le Danube, l’Iller puis le cours supérieur du Rhin, abandonnant tout le saillant sud-ouest de l’Allemagne actuelle, ne s’est-il pas érigé en un jour : Bettmauer bei Isny semble avoir été édifié dans la seconde moitié des années 70, tandis que les fouilles récentes de Kellmünz datent la construction du fort de la Tétrarchie, après 297. Bürgle bei Grundremmingen est désormais attribué aux toutes dernières années du IIIesiècle, selon M. Mackensen. Ce dernier estime par conséquent que Probus ne saurait être considéré comme celui qui a restauré une frontière stable et continue, malgré l’interprétation qui avait d’abord été donnée d’une inscription d’Augsburg dédiée à cet empereur, [restitutor pr]ouinciarum et operum [publicorum], une formule qui doit s’appliquer plutôt à des travaux civils27. Le programme défensif de cette région doit bien davantage être attribué à la Tétrarchie, et on en retrouve une trace épigraphique à Stein, sur le cours supérieur du Rhin (CIL XIII, 5256), et à Oberwinterthur où l’agglomération s’entoure d’une enceinte urbaine en 294 (CIL XIII, 5249). C’est pourtant sensiblement plus tôt, à partir de 276 (sous Probus donc), que le plateau de Kastelen, à la périphérie d’Augst, s’est vu doter d’une enceinte réduite (750 m de périphérie), construite avec de nombreux remplois, sans doute dans le contexte particulièrement tourmenté des années 275-27628.
En Germanie inférieure, les nouvelles constructions militaires assurément datées de cette époque troublée sont rarissimes29 : on cite généralement la Qualburg, près de Clèves, occupée auparavant par un numerus Ursariensium et probablement détruite pendant l’invasion de 275 avant d’être (peut-être) reconstruite sous Probus30. Que penser en revanche du milliaire de l’éphémère Florian qui régna 88 jours en 276 (CIL XVII, 580 = I. Köln II, 258) ? Faut-il voir là le signe d’une situation “normale” de réparations après les destructions de la précédente invasion, ou la marque d’une simple mesure de “salutation” honorifique à l’occasion de l’avènement du nouveau souverain ? Les inscriptions de cette époque ne sont pas toujours aisées à évaluer31. Enfin, à Nimègue, on a parfois supposé que la construction d’un premier réduit sur le Valkhof remontait à cette période, mais on aurait besoin d’une véritable synthèse des fouilles anciennes et récentes pour disposer d’une vision plus claire de la chronologie compliquée de ce site. En l’état actuel des sources, la fortification ne semble guère antérieure à l’époque constantinienne32.
Le manque de sources archéologiques récentes, nombreuses, fiables interdit donc toute vision d’ensemble, à la fois du scénario de la crise et de la réponse que l’État a pu apporter à celle-ci. On ne peut s’appuyer que sur quelques cas clairs, dont l’interprétation est le plus souvent extrapolée à d’autres sites et imprudemment généralisée. Il en va ainsi de l’exemple bien connu des fortifications urbaines de la Gaule intérieure, dont la construction est presque systématiquement rattachée aux événements de cette période, sans qu’aucune preuve tangible soit apportée33. Or, quand on dispose d’une datation fiable, grâce à des recherches archéologiques récentes, on s’aperçoit au contraire que cette chronologie supposée est presque toujours erronée. Hormis le cas de Kastelen, qui s’inscrit bien dans le schéma de l’invasion de 276, on a vu que les remparts de Mayence et de Cologne, antérieurs aux événements de 260, ne semblent pas témoigner d’une situation d’urgence extrême. À Maastricht, au contraire, la construction est très sensiblement postérieure puisque c’est au printemps 333 qu’ont été coupés les pilotis retrouvés sous la tour de la Houtmaas34. C’est une datation très proche (325-326) que livrent les pieux de fondation du rempart d’Yverdon35. À Reims, les fouilles récentes autorisent désormais, au vu de la stratigraphie, à proposer une date qui se situe entre 330 et 350 environ36. Il en va de même à Bad Kreuznach, probablement constantinien37. Si l’on élargit un peu l’horizon géographique, rappelons que l’enceinte de Lutèce semble avoir été installée après 308 (CAG 75, p. 402)38 et que celle de Beauvais contient dans son blocage des monnaies de Postume et de Dioclétien, tandis qu’une monnaie de Licinius (311-313) est associée à une stratigraphie antérieure à sa construction (CAG 60 p. 148). On est donc fort loin de pouvoir affirmer que toutes les enceintes urbaines sont une conséquence directe des invasions du IIIe siècle, notamment celle de 275, encore moins qu’elles répondent à une politique étatique concertée qu’on attribue trop facilement et trop systématiquement à la Tétrarchie39. Un exemple me paraît sur ce point très éclairant : alors que nombre de villes de l’Est de la Gaule, directement menacées par les incursions germaniques, restent ouvertes à cette époque, on construit entre 286 et 293 à Grenoble, où n’existe pourtant aucune menace directe, une enceinte monumentale, sans doute à l’occasion de la promotion de l’agglomération au rang de ciuitas de plein droit (CIL XII, 2229)40 ! Même en cette époque troublée, l’édification d’une muraille reste une entreprise édilitaire qui n’a pas automatiquement de lien avec une menace militaire.
L’une des nouveautés de cette époque réside dans l’apparition de fortifications routières, surtout connues et datées en Belgique, et que R. Brulet a décrites à maintes reprises41. L’une des faiblesses manifestes de la défense romaine était en effet l’existence de grandes pénétrantes venant du limes, indispensables à la logistique de la frontière, mais qui constituaient à rebours autant d’axes d’invasion, une fois la barrière du Rhin franchie. Des bandes germaniques, pas nécessairement très nombreuses, ont pu pénétrer très loin en territoire impérial sans être interceptées puisqu’il n’y avait pas de troupes à l’intérieur de la Gaule en cette seconde moitié du IIIesiècle. Le sentiment d’insécurité générale a pu naître de ces “brigandages”, pour reprendre une terminologie propre à l’époque romaine42. C’est ainsi que le butin découvert à Hagenbach, en Palatinat, au bord du Rhin, provient probablement, pour une part, d’Aquitaine (fig. 5)43. Celui de Neupotz, initialement considéré comme le fruit de pillages exercés dans plusieurs grands domaines de Belgique proviendrait en fait du centre de la Gaule et daterait de 260, si l’on en croit le réexamen de l’ensemble monétaire qu’il contient44. La fortification de routes stratégiques comme celle de Cologne à Bavay répondait donc à ces nouvelles menaces : mis en place, probablement par étapes, entre la fin du IIIe siècle et le début du IVe, le nouveau dispositif comprenait des petits postes échelonnés comme autant de relais (Hüchelhoven, Hulsberg, Braives, Taviers, Liberchies, Morlanwelz…)45 et appuyés sur des fortifications urbaines plus importantes (Maastricht, Bavay…). En France, un tel établissement a été récemment découvert à Revelles, près d’Amiens, laissant supposer que le système connu en Belgique a pu être développé ailleurs46. Une inscription de Zell, en aval de Trèves, montre que de telles pratiques de mise en défense étaient déjà en vigueur sous le règne de Victorin, en 270 (CIL XIII, 11976) : Qui burgum (a)edificauerunt Lup(ius) Am/minus pr(a)efectus, Sab(inius) Acceptio, Vid(ucius) / Perpetu(u)s, Fl(a)u(ius) Tasgillus, Co(rnelius) Lepidus, / Min(ucius) Luppus cum C(a)es(ius) Ursulus. Paratus / est Victorino Augusto et / Sa(n)cto co(n)s(ulibus) X kal(endas) Iunias47. Mais un tel cas de précision chronologique est rarissime. On est le plus souvent très démuni pour décrire en détail la mise en place de dispositifs qui sont le plus souvent datés à l’aide d’arguments purement archéologiques, ce qui interdit d’avoir une vision historique précise de la réponse apportée par l’État à la menace germanique. C’est pourquoi les cartes qui montrent les systèmes défensifs de l’Antiquité tardive doivent être prises pour ce qu’elles sont effectivement : une compilation de données chronologiquement hétérogènes qui ne peuvent pas décrire l’organisation militaire à un moment précis du temps.
Les fortifications de hauteur, nombreuses à partir de cette période, sont-elles l’une des réponses aux menaces des incursions barbares ? Dans le gros supplément du Reallexikon der Germanischen Altertumskunde récemment consacré à une question qui dépasse largement les frontières de la Gaule du Nord, les éditeurs ont réuni une série d’articles où les analyses apportent au problème des Höhensiedlungen des réponses très variées dans la mesure où nous avons à faire, avec ce type d’implantations, à des situations géographiques, chronologiques et politiques très différentes48. La zone la mieux étudiée, pour la région qui nous intéresse, est celle de l’Hunsrück-Eifel où les travaux de longue haleine menés par K.J. Gilles permettent aujourd’hui de se faire une idée plus précise de la datation et de la fonction de ces sites perchés (fig. 6)49. On en connaît 63, principalement localisés autour du couloir mosellan, ce qui indique assez l’importance de celui-ci comme axe de pénétration. La prospection systématique montre une première période de création entre la chute du limes et 275 pour 40 % d’entre eux. Il est en revanche assez difficile de préciser s’il s’agit là de simples refuges pour la population ou de véritables fortifications militaires, leur matériel pouvant se retrouver aussi dans des établissements civils. On observe une seconde vague de créations, sous Constantin, dans laquelle K.-J. Gilles reconnaît cette fois-ci une initiative de l’armée, sans qu’il soit aisé de caractériser des fédérés ou des troupes de l’armée régulière. Vient enfin une troisième série de constructions à partir de Valentinien. Pour le territoire entre Fagne et Eifel, R. Brulet arrive à des conclusions très proches50. La question vient d’être reprise de manière très détaillée par A. Hunold dans le cadre de la publication du Katzenberg, près de Mayen, un modèle du genre51. Rassemblant l’ensemble de la documentation actuellement disponible (fig. 7), l’auteur observe aussi plusieurs vagues de constructions : une première, postérieure à 260, doit être reliée à l’effet des invasions du IIIe siècle, mais elle a été suivie d’une phase d’abandon au début des années 300 ; une seconde, essentiellement concentrée le long de la Moselle, peut être mise en relation avec l’élévation de Trèves au rang de capitale, au début du IVe siècle. Elle aussi a été suivie d’une césure vers 350, avant que n’intervienne une dernière phase, avant 400. Selon A. Hunold, la fonction militaire de ces fortifications de hauteur semble évidente depuis le milieu du IIIe siècle, une position qui offrira encore matière à débats dans la mesure où la présence de militaria de cette époque ne paraît pas massive. L’auteur propose ainsi de considérer ce nouveau dispositif dans le cadre d’une défense territoriale en profondeur, un concept emprunté à E.N. Luttwak et qui, ici, me paraît “décalé”, au moins pour cette époque52. Il est dommage, naturellement, que l’on manque en France d’une enquête de semblable importance.
Au terme de cette enquête trop rapide, il apparaît assez clairement qu’il est plus facile de poser les questions que d’y répondre, à la fois parce que le scénario de la crise est très imparfaitement connu et parce que les mesures prises par l’État pour y répondre laissent une grande place à l’interprétation subjective, faute de sources historiques et archéologiques claires, fiables et bien datées53. Je me contenterai de citer ici R. Brulet :
“Nous n’avons pas une connaissance suffisante des interactions entre les fortifications officielles qui jalonnent les réseaux de communication, à l’intérieur de la Gaule, et les forts disposés sur le cordon frontalier, d’autant plus que les initiatives édilitaires ne répondent pas nécessairement à des plans d’ensemble et que leur chronologie n’est pas unique. Tous les sites fortifiés du Bas-Empire répertoriés à l’intérieur de la Gaule ne naissent pas automatiquement de l’intervention militaire et ce constat trouble gravement l’enquête. Les chercheurs en sont donc souvent réduits à travailler à partir d’une distinction simple et commode entre forts de frontière, cités urbaines ayant pu ou non abriter des contingents, forts de l’intérieur, fortifications rurales et refuges. L’identification d’unités militaires sur ces sites est rare, en dehors des casernements frontaliers et de quelques centres urbains. Elle est souvent peu fondée lorsqu’on fait appel aux milices germaniques, cités dans les textes anciens, dont on abuse. Elle est rarissime pour les fortifications de l’intérieur du territoire. Cette distinction peu subtile ne vise qu’à classer des structures à première vue distinctes, mais ne permet pas d’apercevoir la réalité d’une politique ou d’une action militaire”54.
Ce jugement garde toute son actualité.
Je reviendrai, pour finir, sur la nouvelle inscription de Dalheim qui a servi de point de départ à cette rapide enquête. Elle fait allusion à des destructions causées à des thermes par des Barbares et c’est la légion de Strasbourg qui, après ces événements, intervient pour effectuer les reconstructions nécessaires. Le libellé même du texte invite à se poser de nombreuses questions : s’agit-il d’une de ces invasions massives, auxquelles la littérature tardive fait allusion et que nous croyons – souvent bien imprudemment – attestées par des “horizons de destruction” datés par des enfouissements de trésor ? Ou bien avons-nous à faire à une simple incursion locale et ponctuelle de barbares ? Le libellé même du texte ne permet pas de trancher. On voit au demeurant, à travers cette inscription, que le système militaire existe toujours, même s’il est moins efficace qu’auparavant. L’épigraphie ne nous signale en outre que des dommages très limités. De quand sont-ils datés ? J. Krier considère qu’ils ne peuvent être antérieurs à 254 parce qu’on ne constate pas dans cette région de destructions avant cette date, où la prospérité semble encore régner jusque-là ; il estime, à l’inverse, que l’ampleur des vagues d’invasion de 260 et surtout de 275-276, qui ont tout ravagé sur leur passage, interdit de penser à une chronologie aussi basse. À ces arguments s’en ajoutent d’autres, de nature plus strictement épigraphique : la formule in h(onorem) D(omus) D(ivinae) + nom de divinité précédé de Deo/Deae (ici la Fortuna) nous orienterait vers une date antérieure à 26055. L’éditeur souligne en outre l’importance de la formule “ob salutem imperii Romani” qui ne saurait renvoyer, dans cette région, à une chronologie postérieure à l’usurpation de Postume. J. Krier considère ainsi que le contexte historique des années 256-258/259 est marqué par la volonté politique de restaurer les Gaules, qui se manifeste sur les monnaies frappées en 257 par Gallien dans l’atelier de Cologne56. En soi le raisonnement est tout-à-fait recevable. Pourtant A. Heising, au terme d’une analyse serrée des sources, notamment numismatiques, ne voit pas, en Germanie supérieure du moins, un horizon archéologique témoignant d’une période de destructions massives en 25457, et celui-ci n’apparaît pas non plus dans l’enquête de H.-J. Schulzki. M. Reuter, dans un article récemment publié, qui fait pendant à celui qu’il avait consacré à la fin du limes de Rétie et aux événements de 254 dans cette province, se montre, pour la Germanie supérieure, infiniment plus circonspect, ce qui n’interdit pas de penser que des raids limités aient pu alors atteindre l’intérieur de la Gaule58.
On constate par conséquent combien notre conception de la réaction de l’État face à la crise dépend ici de la représentation que l’on se fait de la situation générale et d’une chronologie dont les détails nous échappent toujours ; de surcroît il apparaît toujours aussi difficile d’interpréter en termes historiques généraux des observations archéologiques locales, même quand on peut dater celles-ci avec une bonne précision. La deuxième moitié du IIIe siècle, que nous connaissons si mal, reste en ce sens, plus que jamais, un thème de recherche prioritaire : rechercher et dater les fortifications de hauteur59, reprendre la fouille des nombreux sites tardifs de l’Est de la Gaule, souvent négligés depuis les fouilles du XIXe siècle, démonter systématiquement les remparts, quand ils peuvent livrer des dates dendrochronologiques ou des niveaux datés, être attentifs aux niveaux superficiels des établissements ruraux, quitte à utiliser le détecteur à métaux dans les couches de labour, préalablement aux décapages, étudier, de manière plus fine, la céramique utilisée dans ces niveaux incertains du IIIe siècle finissant : tels devraient être, aujourd’hui, nos objectifs de recherche sur cette période si cruciale et si mal connue60.
Notes
- J. Krier, “Deae Fortunae ob salutem imperi. Nouvelles inscriptions de Dalheim (Luxembourg) et la vie religieuse d’un vicus du nord-est de la Gaule à la veille de la tourmente du IIIe siècle”, Gallia, 68-2, 2011, p. 313-340.
- C. Witschel, “Die Provinz Germania superior im 3. Jahrhundert-ereignisgeschichtlicher Rahmen, quellenkritische Anmerkungen und die Entwicklung des Städtewesens”, in : S. Martin-Kilcher, R. Schatzmann (éd.), L‘empire romain en mutation. Répercussions sur les villes dans la deuxième moitié du IIIesiècle. Das römische Reich im Umbruch. Auswirkungen auf der Städte in der zweiten Hälfte des 3. Jahrhunderts, Montagnac, 2011, p. 23-64. Les deux sources principales sont le Pan. Lat., 4(8).10 (Les Belles Lettres) : “sub principe Gallieno… amissa Raetia” et le Laterculus Veronensis 15 (Not. Dig. ed. Seeck p. 253) : “Trans castellum montiacesenam (= Mogontiacensem) LXXX leugas trans Rhenum Romani possederunt. Istae ciuitates sub Gallieno imperatore a barbaris occupatae sunt”.
- W. Eck, “Krise oder Nichtkrise. – Das ist hier die Frage. Köln und sein Territorium in der 2. Hälfte des 3. Jahrhunderts”, in : O. Hekster, G. De Kleijn D. Slootjes (éd.), Crises and the Roman Empire : proceedings of the Seventh Workshop of the international network Impact of Empire, Nijmegen, June 20-24, Nimègue, 2006, p. 23-43. La meilleure étude d’ensemble pour l’Occident est sans doute celle de C. Witschel, Krise-Rezession-Stagnation? Der Westen des römischen Reiches im 3. Jahrhundert n. Chr., Francfort-sur-le-Main, 1999, résumé dans C. Witschel, “Re-evaluating the Roman West in the 3rd. c. AD”, JRA, 17-1, 2004, p. 251-281. Sur la réalité, contestée, d’une crise écologique à cette époque, voir J. Haas, Die Umweltkrise des 3. Jahrhunderts n. Chr. im Nordwesten des Imperium Romanum. Interdisziplinäre Studien zu einem Aspekt der allgemeinen Reichskrise im Bereich der beiden Germaniae sowie der Belgica und der Raetia, Stuttgart, 2006. Pour une synthèse récente et de nombreuses discussions critiques, avec une bibliographie à jour, voir G. Alföldy, Römische Sozialgeschichte, Stuttgart, 4e ed., 2011, notamment p. 254-272, et Witschel 2011 (note 3).
- H.U. Nuber, “Das Ende des Obergermanisch-Raetischen Limes – Eine Forschungsaufgabe”, in : H.U. Nuber, K. Schmid, H. Steuer, T. Zotz (éd.), Archäologie und Geschichte des ersten Jahrtausends in Südwestdeutschland, Sigmaringen, 1990, p. 51-67. Cet article a été repris mais très résumé dans H.U. Nuber, “Der Verlust der obergermanisch-raetischen Limesgebiete und die Grenzsicherung bis zum Ende des 3. Jahrhunderts”, in : F. Vallet, M. Kazanski (éd.), L’armée romaine et les barbares du IIIe au VIIe siècle, Saint-Germain-en-Laye, 1993, p. 101-108.
- K. Dietz, “Zum Kampf zwischen Gallienus und Postumus”, in : T. Fischer (éd.), Die Krise des 3. Jahrhunderts n. Chr. und das Gallische Sonderreich. Akten des interdisziplinären Kolloquiums Xanten, 26. bis 28. Februar 2009, Wiesbaden, 2012, p. 29-62 ; W. Eck, “Das Gallische Sonderreich”, ibid. p. 63-84. On sous-estime trop volontiers l’importance de ces conflits internes entre empereurs de Rome et empereurs Gaulois dans le mécanisme de la crise, comme ce fut le cas à Autun, que nous connaissons mieux que d’autres grâce aux textes qui concernent cette ville. En dernier lieu, voir sur ce point l’analyse de A. Hostein, La cité et l’empereur. Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Publications de la Sorbonne, Paris, 2012 avec la bibliographie antérieure.
- M. Reuter, “Das Ende des raetischen Limes im Jahr 254 n. Chr.”, Bayerische Vorgeschichtsblätter 72, 2007, p. 77-149.
- M. Reuter, “Das Ende des obergermanischen Limes. Forschungsperspektiven und offene Fragen”, in : Fischer 2012 (note 7), p. 307-324.
- K. Stribrny, “Römer rechts des Rheins nach 260 n. Chr. Kartierung, Strukturanalyse und Synopse spätrömischer Münzreihen zwischen Koblenz und Regensburg”, Ber.RGK, 70, 1989, p. 353-505.
- K. Kortüm, “Zur Datierung der römischen Militäranlagen im Obergermanisch-rätischen Limesgebiet”, Saalb. Jahrb., 49, 1998, p. 5-65, sc. p. 58-60.
- Sur ces différentes questions et les sphères d’influence respectives de l’Empire Gaulois et de Gallien à l’est du Rhin dans les années 268-270, voir C.S. Sommer, “…a barbaris occupatae…. Bezahlte Freunde? Zur Rolle der Germanen in Süddeutschland in den Auseinandersetzungen zwischen Gallischem Sonderreich und Rom”, in : P. Henrich (éd.), Der Limes in Raetien, Ober-und-Niedergermanien vom 1.bis 4. Jahrhundert, 7. Kolloquium der deutschen Limeskommission, Darmstadt, 2014, p. 35-54, qui s’appuie, pour la numismatique, sur les données collectées par Stribrny 1989 (note 10).
- Voir les cartes de H. Schach-Dörges, “Zusammengespülte und vermengte Menschen”, in : Die Alamannen. Ausstellungskatalog, Stuttgart, 1997, p. 79-102. 1997, reprises par J.F. Drinkwater, The Alamanni and Rome 213-496 (Caracalla to Clovis), Oxford, 2007, p. 83-84.
- I. König, Die gallischen Usurpatoren von Postumus bis Tetricus, Munich, 1981.
- Voir G. Walser, “Zu zwei germanischen Meilensteinen,” Museum Helveticum, 27, 1970, p. 253-264. La carte de König 1981 (note 14), p. 211 est fautive sur ce point.
- R. Wiegels, G. Moosbauer, M. Meyer, P. Lönne, M. Geschwinde, “Eine römische Dolabra mit Inschrift aus dem Umfeld des Schlachtfeldes am Harzhorn (Lkr. Northeim) im Nierdersachsen”, Arch. Korrbl., 41-4, 2011, p. 561-570.
- H.G. Simon, H.J. Köhler, Ein Geschirrdepot des 3. Jahrhunderts. Grabungen im Lagerdorf des Kastells Langenhains. Mat. zur röm-germ. Keramik 11, Bonn, 1992 ; S. Biegert, B. Steidel, “Ein Keramikhändler im vicus des Limeskastells Ober-Florstadt. Terra sigillata und lokale Warengruppen des 3. Jahrhunderts n. Chr.”, in : B. Liesen (éd.), Terra sigillata in den germanischen Provinzen. Kolloquium Xanten, 13-14. November 2008, Xantener Ber. 20, Mayence, 2011, p. 221-332 ; l’agglomération d’Heldenbergen a alors été détruite et ne fut pas reconstruite par la suite, mais il semble s’agir d’un cas d’exception (W. Czysz, Heldenbergen in der Wetterau. Feldlager, Kastell, Vicus. Limesforschungen 27, 2003, p. 180-193).
- L. Okamura, Alamannia Devicta : Roman-German Conflicts from Caracalla to the First Tetrarchy (A.D. 213-305), Diss. Univ. Michigan (microfiche).
- On suivra ici, en la résumant considérablement, l’étude à la fois très détaillée et nuancée de A. Heising, Die römische Stadtmauer von Mogontiacum-Mainz. Archäologische, historische und numismatische Aspekte zum 3. und 4. Jahrhundert n. Chr., Bonn, 2008, qui offre, à ce jour, la meilleure reconstitution des événements de cette période. Pour sa part, B. Steidl observe la continuité de l’occupation en Vétéravie, même si les agglomérations ont été reconstruites sur une superficie moins grande. Il observe aussi la continuité de la pratique épigraphique jusque vers le milieu du siècle (B. Steidl, “Vom römischen Provinzterritorium zum Siedlungsgebiet der Alamannischen Bucinobanten. Die Wetterau im 3. Jahrhundert n. Chr.”, in : E. Schallmayer (éd.), Niederbieber, Postumus und der Limesfall. Stationen eines politischen Prozesses. Bericht des ersten Saalburgkolloquiums, Saalburg Schriften 3, 1996, p. 22-30).
- C.S. Sommer, “Die städtischen Siedlungen im rechtrheinischen Obergermanien”, in : H.J. Schalles, H. von Hesberg, P. Zanker, Die römische Stadt im 2. Jahrhundert n. Chr. Der Funktionswandel des öffentlichen Raumes. Kolloquium in Xanten vom 2. bis 4. Mai 1990. Xantener Berichte 2, Cologne, 1992, p. 119-140.
- C. Wenzel, Die Stadtbefestigung von Nida-Heddernheim. Schriften des Frankfurter Museums für Vor-und Frühgeschichte. Archäologisches Museum 17, Francfort-sur-le-Main, 2000.
- Heising 2008 (note 19), p. 88-94. Il s’agit d’une date assurée par la dendrochronologie. Le remploi de blocs de pierre ne doit probablement pas être interprété ici comme l’indice d’une situation critique.
- Voir le débat dans Heising 2008 (note 19), p. 145-152. L’auteur critique les sources littéraires, mais peut-être de façon trop radicale sur ce point précis.
- La présence des deux empereurs à Cologne est bien attestée par une inscription d’Aphrodisias de Carie (AE 1990, 950).
- U.W. Gans, “Zur Datierung der römischen Stadtmauer von Köln und zu den farbigen Steinornamenten in Gallien und Germanien”, Jahrb. RGZM, 52, 2005, p. 210-236. L’unité chronologique de l’enceinte n’est pas assurée ; en revanche il est certain qu’une partie au moins a été édifiée (ou reconstruite) sous Valérien et Gallien.
- H. Lieb, Jahrb. Gesellschaft pro Vindonissa 1948-1949, p. 22-28. Lecture restituée par König 1981 (note 14), p. 198, n°33 : [Imp(erator) Caesar P(ublius) Licinius Gallienus pius f]elix [Augu]stus / [et P(ublius) Lic(inius) Cornelius Saloninus nobil(issimus)] Caesar, murum / [Vindonissensem ? – – – manu] militari restitue/[runt —prae]s(ide) prou(inciae G(ermaniae) s(uperioris), qui con/[didit ? – – -[[Saeculare iter(um) et Donato] iter(um)]] co(n)s(ulibus).
- M. Mackensen, “Late Roman fortifications and building programmes in the province of Raetia: the evidence of recent excavation and some new reflexion”, in : J.D. Creighton, J.J.A. Wilson (éd.), Roman Germany, Studies in cultural interaction, JRA Suppl. 32, 1999, p. 199-244.
- Bayer. Vorgeschichtsblätter 18-19 (1951-1952), p. 278-279.
- P.A. Schwarz, Kastelen 4. Die Nordmauer und die Überreste der Innenbebauung der spätrömischen Befestigung auf Kastelen, Forschungen in Augst, 24, 2002. La datation de l’enceinte tardive de Strasbourg n’est malheureusement pas assurée de manière très précise par les analyses 14C effectuées lors des fouilles du Grenier de l’abondance. Celles-ci ont toutefois le mérite de fixer pour la première fois une fourchette entre 283 et 323 et 274-333, ce qui fait qu’une datation tétrarchique ou constantinienne est la plus vraisemblable (G. Kuhnle, J. Baudoux, M.-D. Waton, J. Dolata, “La mutation et le rôle du camp légionnaire de Strasbourg dans l’Antiquité tardive”, in : M. Kasprzyk, G. Kuhnle (éd.), L’Antiquité tardive dans l’Est de la Gaule I. La vallée du Rhin supérieur et les provinces gauloises limitrophes : actualité de la recherche, RAE Suppl. 30, Dijon, 2011, p. 83-108 ; G. Kuhnle, Argentorate. Le camp de la VIIIe légion et la présence militaire romaine à Strasbourg, Monographien RGZM 141, Mayence, 2018, p. 249-250).
- H.J. Schulzki, “Der Katastrophenhorizont der zweiten Hälfte des 3. Jahrhunderts auf dem Territorium der CCAA. Historisches Phänomen und numismatischer Befund”, Köln. Jahrb., 34, 2001, p. 7-88, ; B. Päffgen, “Köln und sein Umland zur Zeit der Soldatenkaiser (235-285 n. Chr., besonders im Hinblick auf das Gallische Sonderreich”, in : Fischer 2012 (note 7), p. 97-150 ; R. Brulet est récemment revenu à plusieurs reprises sur ces questions en insistant sur l’imbrication entre défenses civiles et militaires mais en soulignant toujours la difficulté de dater précisément les ensembles défensifs sur lesquels on s’appuie pour raisonner : “The Roman army and military defence in Northern Gaul and the Germanic provinces during the late Empire”, in : N. Roymans, S. Heeren, W. De Clercq W. (dir.), Social Dynamics in the Northwest Frontiers of the Late Roman Empire. Beyond Decline or Transformation, 2017, Amsterdam Archaeological Studies 26, p. 39-56 ; id. “Le Nord de la Gaule et la frontière du Rhin : imbrication des sphères civile et militaire”, in : D. Bayard, J.-P. Fourdrin (éd.), Villes et fortifications de l’Antiquité tardive dans le nord de la Gaule, Revue du nord Hors-série 26, 2019, p. 91-108.
- M. Gechter, in : H.G. Horn, (éd.), Die Römer in Nordrhein-Westfalen, Stuttgart, 1987, p. 347-348.
- W. Eck, “Postumus und das Grenzkastell Gelduba”, in : M.G. Bertinelli, A. Donati (éd.), Epigrafia di confine. Confine dell’epigrafia, Atti del Colloquio AIEGL-Borghesi 2003, Faenza, 2004, p. 139-153 a ainsi publié une inscription de Krefeld qui dit ceci = AE 2004, 983) : [Imp]e(rator) Caesar M(arcus) Cassianius] / Latiniu[s Postumus] / p(ius) f(elix) inuictus Au[g(ustus), p(ontifex m(aximus), tr(ibunicia) p(otestate) X ?, co(n)sul IIII ?, p(ater) p(atriae)] / per proditi[onem hostium] / publicorum ba[lineum ui incendi] / consumptum a [fundament(is) refecit] / d(edicat-) [- – -]. W. Eck considère que le texte mentionne l’incendie des thermes du vicus proche du camp, reconstruits sous Postumus à la suite d’une révolte contre son autorité (per proditionem hostium publicorum) et date le texte de 269. Quelle que soit l’identité de ces hostes publici – qui pourraient aussi bien être, à mon avis, des barbares – on constate que de telles mesures font partie, en quelque sorte, de la routine quotidienne, au même titre que les troubles. Mais imaginons un instant que les deux premières lettres du mot ba[lineum] aient disparu : nous aurions eu immédiatement affaire à une mesure de restauration des fortifications du limes de Germanie inférieure grâce à l’énergie de l’Empereur gaulois….
- W.J.H. Willems, H. van Enckevort (éd.), Ulpia Noviomagus. Roman Nijmegen. The Batavian Capital at the Imperial Frontier, JRA Suppl. 73, 2009, p. 95-98.
- P. Van Ossel, “Les cités de la Gaule pendant la seconde moitié du IIIe siècle. État de la recherche et des questions”, in : Martin-Kilcher, Schatzmann 2011 (note 2), p. 9-21. Le colloque de Bern-Augst de 2009 consacré aux villes romaines du IIIe siècle propose sur ce point un certain nombre de réexamens qu’on ne peut citer ici de manière complète. Nous nous contentons d’y renvoyer.
- T.A.S.M Panhuysen, in : M. Reddé, R. Brulet, R. Fellmann, J.K. Haalebos, S. von Schnurbein (éd.), L’architecture de la Gaule romaine. Les fortifications militaires, DAF 100, Paris-Bordeaux, 2006, p. 316-318, [en ligne] https://books.openedition.org/editionsmsh/22093 [consulté le 25/08/22]. Il est évident que la nature exacte (militaire/urbaine ?) de la fortification nous échappe largement.
- Fellmann 2006 (note 35), sv. Là aussi, il est difficile de distinguer fonction civile et fonction militaire.
- R. Neiss, St. Sindonino, Civitas Remi. Reims et son enceinte au IVe siècle, Bulletin Soc. Arch. Champenoise 97, 2004, n°4.
- Brulet 2006 (note 35), p. 215.
- Il s’agit d’un terminus post quem fourni par la date dendrochronologique d’un élément de bois antérieur ou au mieux contemporain de la construction.
- R. Rebuffat, Les fortifications urbaines du monde romain, in : P. Leriche, H. Tréziny (éd.), La fortification dans l’histoire du monde grec, Colloque CNRS, Valbonne, Paris, 1986. La formulation utilisée dans cet article est moins catégorique que celle qui avait été auparavant exprimée par le même auteur in : Jublains, un complexe fortifié dans l’ouest de la Gaule, RA, 1985-1, p. 237-256 ; le point des connaissances actuelles sur cette difficile question chronologique a été fait récemment par D. Bayard, “La chronologie des enceintes urbaines de l’Antiquité tardive dans le diocèse des Gaules : état de la question”, in : Bayard, Fourdrin 2019 (note 30), p. 109-132 : la diversité des situations et des chronologies saute aux yeux.
- B. Rémy, “ILN V, 2, Vienne”, Gallia Suppl. 44, Paris, 2004, n°366.
- R. Brulet, in Reddé et al. 2006 (note 35), p. 60-61 ; voir aussi supra note 30.
- R. Mac-Mullen, Enemies of the Roman order: treason, unrest and alienation in the Empire, Harvard-Oxford, 1967.
- H. Bernhard, H.J. Engels, R. Engels, R. Petrovszky, Der römische Schatzfund von Hagenbach, Mayence, 1990.
- R. Künzl, Die Alamannenbeute aus dem Rhein bei Neupotz. Plünderungsgut aus dem römischen Gallien. Monographien RGZM, 34, 1993, réed. 2008, repris par J. Gorecki, “Ein Münzspektrum aus der Zeit des Kaisers Postumus?”, in : Geraubt und in Rhein versunken. Der Barbarenschatz, Historisches Museum der Pfalz, Speyer, 2006, p. 80-84. J. Gorecki considère que la dernière monnaie retrouvée, un antoninien de Probus, est isolée du fait que les monnaies des années 260-276 font complétement défaut dans le lot. Compte tenu des circonstances de la découverte du trésor de Neupotz (des dragages dans un bras ancien du Rhin), il est en effet possible que cette monnaie doive être écartée. En ce cas la dernière monnaie du trésor serait un antoninien de Gallien, frappé en 258-259. L’analyse des objets pointe aussi vers le Centre de la Gaule plutôt que vers la Belgique. Je remercie J. Krier d’avoir attiré mon attention sur ces nouveaux éléments.
- Le système est toutefois bien antérieur au IIIe siècle et correspond probablement à une série de relais routiers mis en place sur cette route stratégique qui mène de Boulogne à Cologne depuis l’époque augustéenne.
- F. Lemaire, in : Reddé et al. 2006 (note 35), p. 368-369.
- A. Demandt, Imperator Caesar Flavius Constantinus. Konstantin der Grosse, Ausstellungskatalog, Trier, 2007, CD Rom Kat. I.3.1.
- H. Steuer, V. Bierbrauer, Höhensiedlungen zwischen Antike und Mittelalter von den Ardennen bis zur Adria, RGA Suppl. Band 18, 2008 Berlin-New York, 2008.
- K.-J. Gilles, 2008, Befestigte spätrömische Höhensiedlungen in Eifel und Hunsrück, in : Steuer, Bierbrauer 2008 (note 47), p. 105-120.
- R. Brulet, “Fortifications de hauteur et habitat perché de l’Antiquité tardive au début du Haut-Moyen-Âge, entre Fagne et Eifel”, in : Steuer, Bierbrauer 2008 (note 47), p. 13-70.
- A. Hunold, Die Befestigung auf dem Katzenberg bei Mayen und die spätrömischen Höhenbefestigungen in Nordgallien, Monographien RGZM 88, Mayence, 2011.
- E.N. Luttwak, The Grand Strategy of the Roman Empire, Baltimore-Londres,1976. La place manque ici pour aborder cette question complexe de la défense en profondeur qui est en partie une vue de l’esprit mais qui a été reprise par tout le monde sans réflexion critique.
- La réponse de l’État face à la crise change évidemment avec l’établissement de la Tétrarchie, dont l’action est décrite en détail, pour cette région, par les Panégyriques latins. Je renvoie sur ce point à l’analyse que Hostein 2012 (note 7) vient de donner de ces textes.
- Brulet, in : Reddé et al. 2006 (note 35), p. 59.
- M.-T. Raepsaet-Charlier, Diis deabusque sacrum : formulaire votif et datation dans les Trois Gaules et les deux Germanies, Paris, 1993, p. 18, note 62 signale toutefois de possibles exceptions plus tardives (CIL XIII, 6733 : Ber. RGK 17, 1927, 163).
- R. Göbl, Die Münzprägung der Kaiser Valerianus I / Gallienus / Saloninus (253/268), Regalianus (260) und Macrianus Quietus (260/262). Moneta Imperii Romani, Vienne, 2000, pl. 68, n°876-879.
- Heising 2008 (note19), p. 150-151.
- “Ob man solche Funde bzw. Befunde im Zusammenhang mit den kriegerischen Ereignissen des Jahres 254 n. Chr. sehen möchte, bleibt persönliche Ermessenssache“, écrit-il dans Reuter 2012 (note 9), p. 317.
- On voit ce qu’a pu apporter, par exemple, la datation dendrochronologique des tenons de la muraille du Mont Sainte-Odile (cf. CAG 67/1, p. 511).
- C’est tout l’intérêt d’un dossier comme celui qui a été publié depuis la rédaction initiale de ce texte par M. Kasprzyk, M. Monteil (dir), “Agglomérations, vici et castra du Nord de la Gaule entre Antiquité tardive et début du haut Moyen- Âge”, Gallia, 74-1, 2017 que de montrer l’imbrication des phénomènes civils et militaires mais aussi la diversité des aspects de la crise, son évolution dans le temps, ses différences régionales. De même, c’est sans doute par l’étude des campagnes, des formes de l’habitat et des nécropoles qu’on pourra percevoir l’impact des migrations dans certaines régions, comme l’a montré S. Heeren, “From Germania Inferior to Germania secunda and beyond. A case study of migration, transformation and decline”, in : Roymans et al. 2017 (note 30), p. 149-178.