Célébrer le bicentenaire du pont de pierre de Bordeaux en 2022 fut l’occasion, grâce aux journées d’étude organisées par la Ville de Bordeaux et Bordeaux Métropole, les 12 et 13 mai derniers, de rendre hommage à ce vénérable ouvrage d’art mais aussi d’inviter d’autres villes à nous conter l’histoire de leurs relations avec leur fleuve et leurs franchissements.
Les actes de ces journées intitulées : « Des ponts et des villes : histoires d’un patrimoine urbain », nous montrent bien à quel point des relations organiques, passionnelles, conflictuelles aussi, lient et marquent sans doute toute ville, c’est-à-dire toute société qui doit, un jour ou l’autre : « passer le pont », franchir son propre territoire, regarder celui de l’autre pour le considérer en commun.
En tant que maire de la commune de Lormont où s’élève, depuis 1967, l’un des plus grands ponts sur la Garonne, le pont d’Aquitaine ; et, comme vice-président de Bordeaux Métropole en charge de la valorisation du fleuve, des franchissements et du rééquilibrage entre les deux rives de la Garonne, je peux témoigner à quel point la Garonne a longtemps été perçue, non comme un obstacle, mais comme l’axe naturel de circulation d’une rive à l’autre et aussi comme celui de son ouverture sur l’océan et le monde.
Et pourtant, il faut bien avouer que notre fleuve impétueux a constamment constitué un horizon infranchissable : la Garonne, « la mer », l’appelait-on dès le Moyen Âge, était regardée par les anciens comme une source nourricière mais difficilement traversable. Il fallut attendre les temps modernes pour voir émerger les premiers projets de franchissements.
La création du pont de pierre de Bordeaux a permis ce bond en avant et après lui projets et réalisations se sont accélérés : la passerelle Eiffel inaugurée en 1860, pont ferroviaire qui porte le nom du célèbre ingénieur dont nous fêtons en 2023 le centenaire de la mort ; un pont transbordeur commencé en 1910, dont les pylônes sont détruits en 1942 sans qu’il ne fût jamais mis en service ; le pont Saint-Jean, bâti en urgence et inauguré en 1965 pour pallier les difficultés de circulation avant l’ouverture du pont d’Aquitaine ; le pont François-Mitterrand mis en service depuis 1993 et la nouvelle passerelle ferroviaire ouverte en 2008.
L’agglomération bordelaise ne compte encore à ce jour que peu de franchissements pour une métropole qui aura bientôt un million d’habitants. La conception et la construction des deux derniers, le pont Chaban-Delmas ouvert en 2013 et le pont Simone-Veil attendu pour 2024 anticipent la mutation des friches industrielles et portuaires du port de la Lune.
Enfin, un projet de transport par câble entre les deux rives au nord de Bordeaux pour favoriser un mode de déplacement alternatif aux véhicules individuels est aujourd’hui à l’étude.Les 17 contributions réunies dans cet ouvrage, dans plus de 15 villes, permettent de prendre du recul et de relativiser la perception des projets en cours. Je ne doute pas que ces réflexions offriront de nouvelles perspectives de recherche à tous ceux qui s’intéressent aux évolutions des territoires qu’ils aiment et habitent.