1. L’étude ici proposée se réfère à des phenomènes de transmission de noms d’une langue à l’autre. On traitera spécifiquement de noms de probable origine étrusque passés en rhétique, envisagés à travers un rendu graphique probablement motivé par des raisons phonologiques. Cette recherche doit être précédée de quelques remarques sur la variation graphique à l’intérieur même de l’étrusque. D’une façon générale, en effet, en périphérie du domaine linguistique étrusque, on peut observer certaines influences phonétiques des parlers locaux sur la transcription des textes étrusques. Il s’agit toutefois de phénomènes sporadiques dans l’ensemble, et la documentation étrusque doit être considérée comme une substance homogène, comme l’avait déjà remarqué Agostiniani1.
Quelques exemples de graphies particulières, qui sont à imputer à un répertoire phonétique différent, sont par exemple attestés dans le Latium Vetus, où l’onomastique étrusque est écrite par des gens qui n’ont pas le même système phonologique que l’étrusque ; ils ne perçoivent notamment pas les occlusives sourdes aspirées, comme le montre l’utilisation de <z> en lieu de <θ> dans des noms comme araz, araziia (ET La 2.3, 2.4.) au VIIe s. a.C. Cette affrication “graphique” de la dentale aspirée se généralise même en Étrurie pendant l’époque hellénistique, comme on le remarque dans plusieurs inscriptions de Volsinii et de Pérouse (voir penznas, ET Vs 7.12, IVe-IIIe s., à côté de penθe, Cl 1.2659 ; penθn[ Pe 4.1, 8.4, 8.9 ; penθni Cr 4.21 ; penθuna Pe 1.948)2.
Des interférences entre occlusives sourdes et sourdes aspirées sont déjà connues dans plusieurs formes onomastiques latines qui passent à l’étrusque avec une aspiration. L’affirmation selon laquelle l’étrusque aurait une “tendance à l’aspiration” a été déjà remise en question par Agostiniani, qui a souligné comment la plupart des formes avec aspiration est en réalité tout à fait motivée et comment la phonologie des emprunts onomastiques est généralement exogène par rapport aux phénomènes des langue3.
Dans le milieu campanien, l’inscription paléosamnite ST Ps 3, vinuχs veneliis peracis estam tetet venilei viniciiu, gravée sur un stamnos du milieu du Ves. a.C., présente des formules onomastiques d’origine étrusque, aussi bien dans le nom du donateur que dans celui du destinataire, respectivement Vinuχs Peracis, fils de Venel, et Venil Viniciie. On peut reconnaître dans le premier prénom et dans le deuxième gentilice (ou patronyme) l’étr. vinucena/vinacna, déjà attesté au VIe siècle, qui à son tour constitue un emprunt d’origine italique (*vinum) en étrusque4. La graphie de vinuχs avec chi pour un nom issu d’une forme *vinucV-, ne semble pas s’expliquer à l’intérieur de l’osque, qui aurait adopté une graphie <ks> (ex. kúíníks pour κοῖνξ), ni dans les langues sabelliques en général. Cette graphie ne semble pas non plus explicable avec la phonologie étrusque : un groupe <χs> pourra être plutôt motivé comme l’expression uniquement graphique d’une finale en sifflante qui aura influencé le choix de chi, en même temps qu’il la prive de l’expression d’un trait d’aspiration.
Aux confins du territoire étrusque, on remarque aussi des graphies avec aspiration initiale, comme dans la forme campanienne χuliχna (ET Cm 2.13, à côté de culiχna, ET Cm 2.33, 2.42, 2.123, culcna, Fa 2.30)5, et dans la forme ligure de χape à la place de cape (Pisa ET Li 2.24 mi. veneluś mi: karkuś + Li 0.8 ei mene pi χape, première moitié du Ve s. a.C.). Si la première forme s’explique par un processus d’assimilation “anti-Grassman” qui n’est pas étranger à l’étrusque6, l’échange du /χ/ pour gamma ou kappa est d’un ordre différent dans la forme χape. Même au cours de la période récente, les graphies de <χ> pour <c> restent très rares en étrusque, /χ/ ayant une valeur lexicale ou morphologique qui bloque généralement le processus d’assimilation phonétique. L’indifférence graphophonétique entre /χ/ et /k/ est toutefois bien explicable si l’on regarde les graphies septentrionnales des langues rhétique, lépontique et vénétique, qui utilisent, de différentes façons, dans le même système linguistique, des graphèmes disponibles dans cet inventaire ou “corpus doctrinal”, comme l’a appellé Prosdocimi7. C’est un fait bien connu en vénète, qui utilise <χ> pour exprimer la vélaire sonore /g/ (ex. meχo pour mego)8, et des graphèmes différents pour noter la dentale sourde et sonore9.
2. Comme on l’a déjà souligné, ces remarques concernent des faits sporadiques dans la langue étrusque. Des observations plus approfondies sont nécessaires à propos des relations étrusco-rhétiques concernant la notation des occlusives aspirées. La parenté entre l’étrusque et le rhétique est désormais acquise et indiscutable, tout comme le fait que le rhétique n’est pas un dialecte étrusque, mais une langue bien différente10. Leur parenté a été soulignée en rappellant des affinitées phonétiques (système à quatre voyelles à la place de cinq, avec une seule voyelle posterieure /u/), morphologiques (-ke/-ce comme suffixes du prétérit, mais, à différence de l’étrusque, sans opposition diatéthique avec –χe ; noms verbaux en –kuassociés à des pertinentifs – cas qui exprime le rôle sémantique du Destinataire et de l’Agent –, en –si ou en –ale)11 et lexicaux (rhét. ƥinaχe “dédier” : étr. zinace “décorer, inciser” ; rhét. sφura : étr. spura “communauté”12 ; rhét. ƥal : étr. zal “deux” ; rhét. ta : étr. ta, pron. démonstratif).13
Au niveau phonétique et graphique, Rix a soutenu que l’alphabet rhétique dépendait d’un modèle d’origine clairement étrusque, mais acquis par la médiation du vénète14. La preuve en serait l’invention d’un nouveau signe pour l’affriquée /ts/ ou /tθ/15, à savoir le signe en forme de flèche <↑> à Sanzeno ou celui de l’escalier à 2 ou 3 marches à Magré (écrit <ƥ>)16. Un son affriqué existait en fait en étrusque et devait être présent en rhétique aussi, mais comme il n’existait pas en vénète, il aurait dû être réinventé11. Aujourd’hui cette hypothèse ne peut plus reposer sur la chronologie des données, puisque les inscriptions rhétiques sont plus nombreuses à date ancienne que les données vénètes. Marchesini a plutôt souligné à cet égard que l’alphabet rhétique depend vraisemblablement d’un type alphabétique étrusque septentrional17. Les signes à la flèche et en escalier seront plutôt à comprendre comme des dentales aspirées18. Il semble ici nécessaire de reproduire les systèmes de transcription adoptés par les deux principaux corpora de la langue rhétique à l’égard des sons de dentales19 :
Marchesini a déjà souligné l’existence de concordances onomastiques entre l’étrusque et le rhétique20. Concernant les phénomènes de spirantisation initiale (et éventuellement interne) des occlusives rhétiques, on pourra également utiliser la comparaison avec l’étrusque pour proposer quelques réflexions supplémentaires21 :
Il faut tout d’abord souligner la présence d’un mot, akvil, dans l’inscription de Padoue (n. 2), qui a été rapproché avec la finale de θanaχvil ou de tinscvil, et interprété comme “don” (PA-1, Schumacher : “by/ for Etsu ? for ? a gift”). Mais ce mot n’existe pas en étrusque ; il doit plutôt répresenter un suffixe d’un type quelconque22. La forme akvil du rhétique, comme l’a déjà souligné Marchesini, répresente plutôt un nom personnel comparable à la formule onomastique aχvili– t/perisna– de l’inscription de Terlan (n. 1)23. Ici la forme aχvili– présente un <χ>, qui devrait avoir valeur de /k/24. Même si le nom a une origine latine, le passage par l’étrusque est facile à reconnaître (lat. Aquilius, étr. Acvile). Les différentes lectures et segmentations du texte ont fourni une forme aχviliti terisnaθi (Schumacher) à côté de aχvili piperisnati (Marchesini). Si l’on pense à la forme du cognomen en étrusque peris (du pulfna clusien), fém. perisnei25, et aux autres données d’un même nom perisna en rhétique (MLR 75 perisna26 ; MLR 85 ịeris[na] ; MLR 275 φerisna), il semble difficile de soutenir une lecture avec t– initial. L’argumentation de Salomon en faveur d’une restitution terisna repose toutefois sur la probabilité que terisna, par sa fréquence et les contextes des données, représente un mot du lexique plutôt qu’un nom personnel27. Le segment /pi/ ou /ti/ semble plutôt à rattacher à la forme aχvili, qu’on pourra entendre comme bénéficiaire (aχvili-pi ?) avec post-position rattachée au premier élément de la formule onomastique28. L’autre possibilité, celle d’une lecture aχviliti perisnati/-θi, semble en tout cas à exclure en raison d’une cohérence interne dans les choix graphiques : si pi de perisna– est ici exprimé par le signe , le signe après aχvili– devra correspondre de la même façon à pi.
Un autre désaccord de lecture concerne l’inscription n. 13 (MA-6/MLR 48, piθie/ritie metinu 2θriahis/triahis) avec un premier nom lu comme piθie(Schumacher) ou ritie (Marchesini). La forme du signe initial est une sorte de rho avec petite boucle, exactement comme dans l’inscription MLR 22, où ce signe, à côté d’un rho sans queue, a été transcrit régulièrement avec pi. Même s’il s’agit d’une lectio facilior, la restitution de pitie semble à préférer, encore une fois en considération des formes onomastiques étrusques piθe/peθe, peθna29. La deuxième forme, metinu, répresente indubitablement un nom d’origine italique (cf. mettius, os. metiis)30. Le dernier nom, qui est resté sans étymologie, s’il n’est pas à entendre comme un génitif mais plutôt comme une forme au cas direct en sifflante, rappelle le gentilice étr. arc. triaśna, trieśna, bien attesté à Volsinii31. Cette solution n’implique pas forcément que <X> répresente un tau, ni qu’il représente un theta.
La question de la lecture comme pitie ou ritie a déjà été proposée par Mancini à propos de quelques inscriptions de Magré, où le signe rho avec queue est bien attesté et coexiste avec un rho sans queue32. Une restitution pitie/piθie se laisse en outre comparer avec la forme piθamnuale/pitamnuale de l’inscription n. 7, à son tour comparée avec le vénète *Pittamnos33. Des graphies similaires sont également illustrées par ritamne (MLR 61) et peut-être ritale (MLR 64), ritiei (MLR 63), qui se prêtent donc dans cette perspective à être lues comme pitamne, pitale, pitiei34. Contre l’idée déjà répandue de Pellegrini, à savoir qu’à Magré le signe correspond soit à pi soit à lambda, Mancini a suggéré de voir un pi dans le type de rho avec queue18. La coexistence des deux rho dans MLR 22 et MLR 62 et la comparaison avec les formes onomastiques étrusques suggèrent donc de voir à Lothen et à Magré dans l’usage de rho avec queue et le signe une paire (minimale) graphique35 : si le dernier vaut /l/, la répresentation du /p/ n’est pas assignée au renversement du crochet, parce qu’il est probablement indifferent, mais à l’adjonction d’un trait supplémentaire (donc = /l/; = /p/; = /r/).
La forme φelna (n. 9) et d’autres qui montrent un échange graphique de <φ>- avec <h>- semblent plutôt concernées par des phénomènes de spirantisation initiale. À ce titre, le nom φelna a été comparé avec étr. helu- (ET Cl 1.372)36. De la même façon, le nom φirima de l’inscription SZ-1, lasta φirima ƥinaχe/ χi kaśiχanu/ MLR 147, alaspa φirima ↑ina2χe bχikaśiχanu (Ve‑IVe s.), que l’on peut traduire : “Lasta et φirima *Śiχanu ont dedié”37, rappelle l’étr. Hirumina de la stèle de Vetulonia (3e quart du VIIe s.)38 et celle du cippe de Tragliatella (ET Cr. 8.1, début du VIe s.), ainsi que d’autres formes hirumesi (ET Cr 3.12, VIIe -VIe s.) et hirminaia de Volsinii (ET Vs 1.85, VIe-Ve s.). Ces formes, à leur tour, sont interprétées comme l’étrusquisation de Firmus, avec /f/- > /h/- en moyen falisque (v. faba : haba, filio : hileo)39. Si l’hypothèse est acceptée, l’écriture de <φ> pour <h> étrusque serait en ce cas issue d’un mot ayant étymologiquement un /f/- à l’initiale.
Même la forme onomastique φelvinuale de l’inscription n. 3 sur lamelle métallique de Valemporga, datée du VIe-Ve s. a.C. peut être comparée avec l’étrusque helvnas (VIe s. a.C.), helves (Ve s. a.C.), helvia, helvinati, -tial (plus récentes), clairement d’origine italique (Helvius, Helvinus)40.
Toutefois, l’articulation labiale de φ-, donc probablement [ph] ou plutôt [f] selon la vision de Rix41, n’empêche pas de rappeler, à côté du rhét. φelna, la forme onomastique velna, qui est bien attestée en étrusque durant les époques archaïque et récente, dans les zones méridionale et septentrionale42. À Pérouse, une forme φelnaś est même présente dans l’inscription ET Pe 1.1270 larθ: φelnaś: larθial 2veilia: macnei ; une deuxième forme similaire φeln est de lecture très incertaine (CII 805 φeln, arc., lu comme ?]ḥla[? ad ET Cl 0.19). Le même “usage” graphique est envisageable dans les formes φel͡turiesi (Schumacher)/φeluriesi (Marchesini) (n. 3) ; φelturiesi (Marchesini) (n. 14) et φelituriesi (Schumacher)/φelipuriesi (Marchesini) (n. 5)43. À la base du prénom rhétique, il serait en fait difficile d’éviter la comparaison avec l’étr. velθur.29
Les phénomènes de ce type peuvent être interprétés en termes de “pertinentisation / dépertinentisation” des traits phoniques dans l’écriture44, mais la réitération de faits similaires dans des contextes différents conduisent à s’interroger pour savoir si des graphies similaires ne représentent pas plutôt un aspect récurrent ou inhérent à la langue rhétique, c’est-à-dire, dans ce cas, d’une spirantisation systématique du son de fricative labiale [v]- en début du mot.
La comparaison avec le comportement de l’étrusque pourra aider sur ce point. En étrusque, la variation graphique de <φ>- avec <p>- est normale que ce soit par la perte du trait d’aspiration que pour le phénomène inverse45. En étrusque, <φ>- se prête aussi à un échange graphique avec <f> et vice-versa, comme le montre l’étr. φapena (Cr 2.31 cmi kalaturuś φapenaś) issu de *Fabios ; φlave/ φlavienaś vs. flave ; caφateś vs. cafate46.
L’alternance de <v>- à l’initiale avec un son fricatif (bilabial ou postdental) est de plus illustrée par des parallèles étrusques avec les formes en vel : fel47 ; velce- : felce-48 ; velzna-/velsna49 : felsna-, fêlsni, felsinei50 et, si la lecture feluske est encore bonne, veluske : feluske51. Un état intermédiaire pourra être donc réprésenté par l’échange graphique de <v>- avec <p>- sans aspiration, qui pourra s’envisager dans les formes étrusques velkasna[52 : pelkasa (<*pelkas/ *pelka + sa)53 ; velnθe54/velnθeś55, velnθi56/velnθial57, velnθesla58 : pelnati59 et dépendre de la suppression du trait d’aspiration dans la forme “secondaire” (*[v] > [f]/[ph] > [p]). On pourra donc voir que l’étrusque récent connaît, à côté des formes bien attestées issues d’une base vel-, des formes parallèles en φel-, fel-, ou pel-, qui donnent la forte impression de répresenter des variation graphophonétiques dues à la position faible de la consonne en début du mot.
De façon analogue, l’échange graphique de <φ> / <p> a été reconnu par Pellegrini en rhétique60 et, comme on l’a déjà rappellé, Rix a pu observer que, dans cette langue, <φ> se trouve normalement en substitution de <vh/f> en position initiale61. Même si la valeur phonétique de <φ> n’est pas exactement /f/, une étude de Devine a pu souligner que la spirantisation de la labiale φ > f est généralement plus répandue, dans les langues antiques comme modernes, que celle de χ ou θ62.
Si donc en rhétique, une graphie avec <φ>– peut alterner avec <h>- comme cela a déjà été vérifié40, la même graphie avec phi initial, en considération des variations graphiques de l’étrusque, pourra bien se prêter à une comparaison avec des formes débutant par <v>-. Cela pourra ainsi autoriser le parallèle, non seulement de φelna avec velna mais aussi de φelturiesi avec le prénom velθur, gentilice velθuri. À l’inverse, les graphies avec <v>- pourront se justifier en considération de parallèles avec <p>- : par exemple, la forme vitamu de MLR 289, plutôt que dépendre d’un celt. *windamo–63, pourra se confronter avec pitame (MLR 8 ; BZ-9) et pitamnuale (n. 7, v. supra), cette dernière étant comprise comme une formation en –nu. La forme pipe de l’inscription sur situle de Pfatten (MLR 287, BZ-11, VIIe-IVe s. a.C.) pourra rappeler une forme vipe très bien documentée en étrusque et continué par Vibius en latin64.
De la même façon, l’inscription n. 4 aχeli vaiθina/vaitina bχ, sur une statuette votive du VIe-Ve s. a.C., a été interpretée comme formule bimembre composée d’un nom individuel + gentilice65. Le nom χeli, avec <χ>- pour <c>-, est comparable avec l’étr. cele/celia de Clusium et celes de Volsinii29. La forme vaiθina, avec <v>- pour <p>-, pourra à son tour se comparer avec les formes paiθina/paiθinaie/paiθe/peθe de l’étrusque, très bien documentées à partir des formules de don dans les kyathoi de Cerveteri, Vetulonia, Monteriggioni, San Casciano, etc.66 jusqu’à l’époque hellénistique.
Si les parallèles de vitamu avec pitame, pitamnu- et de vaiθina avec paiθina sont corrects, ces graphies pourront être interprétées comme une hypercorrection par rapport au phénomène de spirantisation de l’initiale ici discuté, alors que dans la zone rhétique il semble déjà remonter à l’époque archaïque.
À ce point de la réflexion, il convient de se demander s’il y a des formes où le <v>- “étymologique” est conservé : un exemple pourra être envisagé dans l’inscription sur épée de Vérone (n. 12), où le dernier nom, velisanes, a été isolé par Schumacher, qui suit ici la lecture de Marinetti67, et kvelisanes par Marchesini, selon une segmentation du texte déjà proposée par Rix68. Une restitution velisanes est tout à fait préférable car elle permet la comparaison avec l’étrusque *velisina, velisna/*velisinei de Norchia et Tuscania (environs de Tarquinia), *velisnei à Arretium, velisnisa (*velisniś-sa) de Clusium29. La forme onomastique remies, qui pourrait être un génitif comme velisanes, se laisse également rapprocher du gentilice étr. remzna / remznei, très bien documenté autour de Chiusi69, même dans une forme anaptyctique *remazana / remazanei. La forme archaïque du nom serait remeśalu, donné par l’inscription archaïque sur la petite amphore Melenzani de Felsina69.
Quelle que soit la valeur donnée au signe <Ф> avec petit boucle et long segment vertical, l’inscription semble devoir être segmentée plutôt comme t / φanini ut / φiku remies hirat / φasuvak hik velisanes70. Comme l’avait déjà envisagé Rix71, les unités syntaxiques sont au nombre de deux : la première avec verbe ut/φiku, sujet t/φanini et destinataire du don remies. La seconde pourrait commencer avec la forme hirat/φasuva-, comme l’avait déjà isolé Marinetti, avec conjonction enclitique –k72. Dans le mot on pense pouvoir reconnaître un suffixe –suva, qui peut à son tour rappeler les formes pronominales étr. sa/-[š]a, coll. -[š]va73. En étrusque, des formes articulées en –svla/-sula, -svle au génitif et pertinentif sont attestées : le suffixe –suva du rhétique pourrait très bien s’insérer dans cette même série. Si la terminaison effectivement correspondait à l’étr. –sva/-śva, elle donnerait une forme qui en étrusque n’est pas documentée au cas direct, mais qui pourrait bien appartenir à une phase prédocumentaire74. hirat/φasuvak pourra donc s’interpréter comme une forme en cas direct, articulée et coordonnée à la première expression. Apparemment, au niveau de la construction syntactique, on peut observer un parallèle entre t/φanini ut/φiku remies et hirat/φasuva-k hik velisanes en tant que composés comme sujet + vb + nom gen. vs. sujet + hik + nom gen. L’idée de Rix, de voir dans –hi une postposition analogue à l’étrusque –pi, -ri, etc., qui ont une fonction de pertinentif (donc en séparant remies-hi ;raφasuvak-hi)75 ne semble pas trouver de parallèles à l’intérieur du rhétique : même dans la lamelle de Delmfeld ihi est séparé du pertinentif avaśuerasi par des points d’interponction76. Dans l’inscription n. 14, l’unité ahil ou hil suggère aussi qu’il s’agit d’un élément différent d’une postposition. La forme hik n’est pas attestée par ailleurs en rhétique : le <h> pourrait faire partie du mot hik ou être à rattacher à –suvak précédent, dans ce dernier cas provocant un digraphe -kh à la place de chi utilisé. Le mot hik ou ik rappelle là encore le pronom démonstratif étrusque ica/ca, qui connaît deux formes différentes pour exprimer le nominatif et l’accusatif (ica / ca – ican / cn). La disparition du /a/ au nominatif demande toutefois une explication, qui pourra dépendre de la chute de la voyelle devant mot débutant par une semi-voyelle, mais ce phénomène, habituel dans le lexique étrusque et lié à l’accent même pendant l’époque archaïque77, n’est pas attesté avec le pronom démonstratif (les données en ce cas présentent toutes un mot suivant qui commence par consonne)78.
Selon l’analyse syntaxique, le texte pourra s’interpréter comme “t/φanini a ut/φiku à remie et hirat / φa-suva [a ut/φiku] (h)ik (objet) à velisane”. Malgré les difficultés déjà rappellées, en développant les conjectures faites ci-dessus, on pourra mettre en évidence un pronom démonstratif ik, hik ou équivalent, au cas direct et référant ici à l’objet. Si la forme ik ou hik répresente un pronom démonstratif, il aura la forme du sujet dans la morphologie étrusque : comme il n’y a pas d’autres formes de démonstratif identifiées au cas accusatif, peut-être que ce pronom n’a pas en rhétique de forme d’accusatif spécifique.
Pour ce qui est de la forme velisanes, où la semi-voyelle initiale est conservée, on pourra se demander si l’on n’est pas ici en presence d’un phénomène de samdhi dû au cluster (h)ikvelisanes, qui forme une labiovélaire -kv-. Le groupe occlusive + semi-voyelle /ku/ est normalement présent dans les formes utiku / uθiku/ uφiku / upiku et eluku et peut-être que, malgré la limite morphologique, il a bloqué la transcription de la vélaire <χ> et de l’aspirée <v>-79.
Des raisons phonologiques pourront expliquer la conservation de -<v>- à l’intérieur du mot dans les formes lavise (MLR 250), lavisie, lavisealu/laviselχu (n. 8), laviseśeli (n. 9) et lavises (MLR 69), si cette lecture est acceptée au lieu de pavises80. Il faudrait ici observer qu’une forme analogue est documentée en étrusque dans l’inscription archaïque de Fiesole ET Fs 1.8 mi lavsie, considérée comme issue de *Loukios81. Cette comparaison permet de considérer le –i– interne de lav-i-sie comme une anaptyxe par rapport à la forme onomastique originelle. De la même façon, φelituriesi pourra aussi répresenter une forme avec anaptyxe par rapport à l’étr. velθur, déjà attesté comme tel au cours du VIIe s. a.C.82.
Dans la même veine de réflexion, il convient de rappeller la forme ]au↑ile : e/v[ de l’inscription de Sanzeno sur une situle en bronze (n. 11). Vu l’état fragmentaire de l’inscription, il serait plus prudent d’éviter ici toute considération sur la valeur du signe en flèche. Toutefois, si le mot est entier, il est tentant d’y reconnaître le prénom étr. avile, arch. auvile, avec donc une fricative interne ([β] ou [δ] ?). Les explications traditionnelles du signe en flèche, rappellées plus haut, tendent à lui attribuer une valeur d’affriquée /ts/, /tθ/ ou plutôt de dentale aspirée en raison de parallèles avec les graphies tinaχe(MLR 65, 122) et ϸinaχe (MLR 59, 64)83. Bien que de façon totalement hypothétique, on pourra essayer d’expliquer la présence du signe en flèche en position intervocalique (comme c’est le cas dans ce mot) comme l’expression d’une sonorisation. Une prononciation comme auβile ou auδile pourrait alors suggérer un échange grapho-phonétique dû à un contact de l’articulation fricative labiodentale [v]/[β] avec celle de la fricative dentale [th] ou plutôt [dh]. À l’inverse, une prononciation légèrement sonorisée du même son fricatif dans les formes tinaχe pourra rendre compte de l’introduction des signes particuliers en rhétique pour l’exprimer. Concernant les differents signes pour les dentales en rhétique, on doit souligner une situation comparable en lépontique, où l’attribution d’une valeur phonétique est subordonnée à la possibilité que certains graphèmes pour les dentales expriment aussi un trait de sonorité84. Autrement, cette graphie pourra bien répresenter un cas de “dépertinentisation” dans le sens indiqué par Prosdocimi.
En conclusion, la recherche de formes onomastiques de probable origine étrusque ou véhiculée par un biais étrusque en rhétique a révélé les problèmes qui demeurent dans la transcription et par conséquent l’interpretation de certaines solutions graphiques. En même temps, les choix mis au jour dans l’écriture rhétique, semblent dépendre d’une sensibilité phonétique et d’un cadre phonologique différents – bien qu’en mesure limitée – de ceux de l’étrusque.
D’un point de vue de restitution graphique, les systèmes couramment utilisés, avec assignation presque univoque d’une valeur phonétique pour chaque signe de l’alphabet rhétique, en particulier à propos des sons dentaux ou labiaux, ne semblent pas satisfaire toutes les données de l’une ou de l’autre85. Le système (ou les systèmes) graphique du rhétique pourra par conséquence être touché par les mêmes phénomènes de variation observés en général dans les alphabets du nord de l’Italie, où l’écriture, à côté d’un aspect “national/identitaire”, se perçoit surtout comme un processus idiosyncratique de parole plutot que comme l’expression d’un ou plusieurs centres (ou écoles) organisés86
Abréviations
CIE : Corpus Inscriptionum Etruscarum.
ET : Rix, H. et G. Meiser, éd. (2014) : Etruskische Texte: editio minor, Hambourg.
MLR : Marchesini, S. (2015) : Monumenta Linguae Raeticae, Rome.
ThLE : Pallottino, M., M. Pandolfini Angeletti et C. De Simone, éd. (1978) : Thesaurus linguae etruscae. I, Indice lessicale, Rome.
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Notes
- Agostiniani 2003, 301-302 ; Agostiniani 2006.
- Cf. Belfiore 2012a, 430.
- Agostiniani 1983, 30 sq. ; ibid., 41. Cf. par exemple, en début de mot, /t/- devient /th/- dans *Tifar-/ *Tibhar‑ios > θivharie, θiferie, θefarie. On pourra ici supposer qu’il s’agit d’une palatalisation devant voyelle palatale ou d’assimilation régressive du son fricatif /f/ (Belfiore & Paleothodoros, sous presse [p. 22]). D’autres cas de spirantisation interne sont apparemment représentés dans Stertinius à côté d’étr. sterθina ; Baitos à côté d’étr. paiθina (Meiser 1996, 193 ; Meiser 2009a, 147). Les témoignages étrusques sont néanmoins plus anciens (dès le VIIe siècle) que les latins. L’idée que la série de sourdes aspirées est dotée d’un trait suprasegmental de palatalisation remonte à Rix (1984, 207-208 §§ 17-19). Bien qu’une telle reconstruction a priori soit discutable, les formes étrusques et latines montrent en fait une correspondence <t> ~ <θ>. Souvent, la comparaison étrusque-latin montre une transcription avec <χ> de la vélaire /k/ suivie de /u/ (Ancus : étr.anχe ; Sancus : étr. sanχuneta ; *lauk-/*leuk- : étr. lauχum-), qui donc semble réaliser une labiovelaire /kw/. Le postulat d’un son labiovelaire aspiré a été soutenu par Rix (1984, 210 § 24) et motivé avec l’exemple du numeral muvalχ “50” à côté de maχ “5” comme *maχwalχw.
- Cf. Agostiniani 1998 sur l’origine du nom issu de vinum ; Crawford 2011, I, 447-449 pour les formules onomastiques et l’interprétation de l’inscription avec bibliographie antérieure. De même peracis est comparable avec l’étr. perkna, perkalina, perkiuś, Crawford, ibid. ; pour les attestations étrusques cf. les index du ThLE et des ET.
- Toujours dans le milieu campanien, les variantes culchna/culcfna, issues du grec kylix, montrent une forme et une aspiration interne qui les rapprochent de l’étrusque culiχna (ET Cm 2.33, 2.42, 2.123) et, parmi les variantes, χuliχna (ET Cm 2.13). Colonna a proposé de considérer la forme grecque de l’accusatif (κυλίχναν) comme l’origine de l’emprunt et le <f>de culcfna comme graphie non orthodoxe pour <h> (Colonna 1973-74, 136 sq.). Il faut noter en revanche que les données de Saticula présupposent un intermédiaire étrusque, envisageable d’ailleurs par l’histoire culturelle de la zone campanienne (Colonna 1973-74, 137 ; Belfiore 2014, 113-114).
- Agostiniani 1983, 50.
- Prosdocimi 1989, 1326 sq. ; Motta 2000, 184-186.
- Cf. en tout cas les remarques de Prosdocimi dans Fogolari & Prosdocimi 1988, 328 sq. et 353.
- Cf. Prosdocimi dans Fogolari & Prosdocimi 1988, 328 sq. ; Motta 2000, 184-186. Un des exemples les plus clairs des graphies “apirées” avec des valeurs phonétiques variables selon la chronologie est donné par le lépontique. Voici quelques exemples d’échanges grapho-phonétiques pour <χ> [k] et <θ> [t] vs. <k> [g] ; <t> [d] en lépontique : <χ> : [k], cf. χosioiso, lat. Cossus ; étr. kusu/cusu, kušiunaś (arc.) ; rhét. χusu ; <t> : [d], cf. tetu (*dō-; *dhē-) ; <χ> : [g] = <θ> : [d] ? seχeθu : Seghedu dans les drakmai avec chouette et dans les didrakmai avec cerf, après le IVe s. a.C. (Chiesa 2000, 27), cf. celt. Sego– < *seg “puissance”, siegen “battre”.
- Schumacher 1998 ; Rix 1998 ; Schumacher 2004 ; Marchesini 2013, 45 sq. ; Marchesini 2019, § 3-4.
- Rix 1998, 54-55.
- Le mot sφura du rhétique, si la comparaison avec *spura de l’étrusque est correcte, peut montrer que la labiale /p/ est sujette à l’aspiration à l’intérieur du mot. Toutefois, la forme sφura de MLR 82 semble avoir une valeur onomastique.
- Ibid. ; cf. d’autres considérations de Marchesini, sous presse, § 5. Sur la transcription du signe de l’escalier ou à la flèche avec <ƥ> cf. plus loin.
- Rix 1998, 50 § 17 sq.
- Rix 1998, 54, § 18.
- Cf. http://www.univie.ac.at/raetica/wiki/Raetica. Site avec connexion demandée.
- Marchesini 2013, 47.
- Ibid.
- Signes reproduits dans la Tavola Alfabetica de Marchesini 2015. Les valeurs phonétiques assignées par Schumacher font référence à l’édition du Thesaurus Inscriptionum Raeticarum online http://www.univie.ac.at/raetica/wiki/Raetica.
- Marchesini 2019.
- Les inscriptions sont présentées ici à la fois selon la transcription Schumacher (édition online, cf. supra) et selon la transcription Marchesini afin de permettre d’autres remarques sur la systématicité de la représentation graphique de l’inventaire phonétique du rhétique. Le double astérisque se réfere à l’existence de caractères non alphabétiques, qui sont reproduits fidèlement dans les MLR.
- Voir www.univie.ac.at/raetica/wiki/Raetica. C’est une idée commune dans la littérature, cf. Rix 1998, 35, 54, 58. Pour la proposition de –χ/cvil comme suffixe cf. Belfiore 2014, 51, note 14.
- Marchesini 2014b, 133. Sur cette inscription, voir Rix 1998, 31.
- Marchesini 2019, § 5.1.
- Benelli 2009, 152.
- Morandi 2000.
- Salomon 2015, 253 pour la comparation avec l’étr. zeri “alle”, *zerisna “an allen gehörig”, qui repose sur une vieille étymologie de Vetter proposée à nouveau par Rix 1998, 48. Sur le mot zeri cf. Belfiore 2010, 79-80 ; la lecture zêrsna dans la table de Cortone n’est pas acceptée par tous les éditeurs et est lue habituellement comme têrsna (ET, AE).
- La restitution de cette post-position en rhétique pourra trouver un parallèle dans la dernière lecture de l’inscription sur la situle de Providence (Marchesini & Zaghetto 2019), avec mot final meφvainipe.
- Cf. les index du ThLE et des ET.
- Cf. Risch 1992, 688, note 18 ; Marchesini 2019, § 5.6. En dépit de la ressemblance de metinu avec l’étrusque meθina (ET Cr 0.24, 0.36 ; 0.47-0.48), cette forme n’est pas un gentilice mais plutôt un terme du lexique identifiant la tombe (van Heems, inéd., § 9.2.1.2.).
- ET Vs 1.80, Vs 1.31 ; Belfiore 2014, 31.
- Mancini 1975, 253.
- Cf. Marchesini 2019, § 5. La proposition d’une restitution avec <p>- a été soutenue par Risch 1992, 683. Les formes en *-mnos, bien que d’origine latine-italique, ne sont pas méconnues en étrusque (cf. Belfiore 2014, 84 sq. pour les formation en –mena, -mna).
- Cf. Mancini 1975, 253-254 (PID 221-224 et 229 correspondant à MLR 61-60-63-62). Cf. aussi MLR 108 pitanm[, de lecture incertaine.
- On entend par là une paire de lettres complémentaires.
- Marchesini 2014b, 132 ; Marchesini 2019, § 5.10.
- Cf. Rix 1998, 41 ; http://www.univie.ac.at/raetica/wiki/Raetica. Le problème de séparation dans la dernière formule onomastique a été résolu par Schumacher en isolant une forme en –nu (Śiχanu avec une valeur patronymique), mais il ne propose pas de solution pour la forme χika, qui selon Rix pouvait répresenter une erreur graphique. L’impression était déjà celle d’une explication ad hoc : on pourra donc suggérer une segmentation différente, en χi kaśiχanu, et rapprocher encore une fois le premier mot du numéral étrusque ci“trois”.
- Cf. Marchesini 2013, 133. Pour la stèle de Vetulonia ET Vn 1.1, cf. Maggiani 2002, 72-73 à propos de la restitution de la formule onomastique hirumina φersnalnaś ou φersnainaś, cette dernière comprise comme l’étrusquisation d’une forme Perseus.
- L’hypothèse remonte à Rix, mais pour les formes étrusques Morandi a plutôt suggéré une dérivation du théonyme Hermes. Par ailleurs, cf. Rix 1998, 19, 53, § 13 pour la comparaison du rhétique φrima avec le vénète Frema.
- Cf. Marchesini 2014b, 132.
- Rix 1998, 52-53, dans la perspective d’une dérivation de l’alphabet rhétique depuis le vénète.
- Cf. les index du ThLE et des ET : velna (1x Vt ; 2x Cl.), velnas (1x Vs), fm. velnei (1x Sae, 1x Cl), uelnei (1x Cl), velnal (1x Cl.), vêlnal (1x Co) ; arc. velenas (2x Vs, OI) ; velanas (1x Fa, Ve s. a.C.).
- On parle d’anaptyxe par rapport à l’étrusque où certaines formes avec voyelle épenthétique ne sont pas attestées même au VIIe siècle a.C. : c’est le cas de velθur, jamais *veliθure-.
- Prosdocimi dans Agostiniani 1983, 44.
- Cf. Agostiniani 1983, 39 sq.
- Agostiniani 1983, 38.
- ET AH 2.2 felqunates, ad CIE 10916 (Bomarzo) afel runates (VIe-Ve s.). Les parallèles de formes avec graphie <v>- : <f> sont rappellées dans Morandi 2004, 179, mais sur ce thème cf. déjà Devoto 1941.
- ET Ta 1.43, 1.44, 1.197, 1.244 ; Morandi 2004, 591-592.
- Cf. Morandi 2014, 171-172.
- Cf. Morandi 2004, 593-595. Cf. aussi les formes velusne : felusni.
- Cf. la proposition d’Agostiniani 2010 de restituer plutôt une lecture θeluske.
- ET Ve 3.10 laris velkasna(..) menervas (VIe siècle) ; Ve 3.47 mini muluvanice tetana velkas̓nas̓ veleliias̓i (VIIe siècle).
- ET Po 2.44.
- ET AS 1.262, Cl 1.57.
- ET AS 1.270.
- ET AS 1.46.
- ET Cl 1.2422-1.2423.
- ET AS 1.174.
- ET Cl 1.546.
- Pellegrini 1985, cf. Schumacher 2004, 107.
- Rix 1998, 52-53, à propos de la comparaison avec le vénète.
- Devine 1974, 130-131.
- Marchesini 2014a, 210.
- Cf. les index du ThLE et des ET sv. vipe, vipi, vipia, vipena– etc. ; Morandi 2004, 201-203.
- Schumacher 1998, 102.
- F. Sciacca dans Sciacca & Di Blasi 2003, 110-116.
- Marinetti 1987, 135-138 ; A. Marinetti dans Gilli et al. 2002, 185-186, n. 19.
- Rix 1998, 33-34. Cf. aussi Schumacher 2004, 104-105.
- Rix 1963, 97.
- Une segmentation similaire a été suggérée par Schumacher 1998, 111-112, avec finale hik velisanes.
- Rix 1998, 33-35.
- Malgré la différence dans la séparation et l’interprétation du texte, Rix (1998, 33-35) a aussi suggéré de comprendre l’inscription comme un composé de deux unités syntactiques coordonnées par –k = -χ.
- Une réflexion sur ce pronom suffixé se trouve dans Belfiore 2014, 172 ss., avec bibliographie antérieure.
- Cf. les considérations sur ce point plus loin. Une tentative d’explication de la formation de ce pronom suffixé dans Belfiore 2014, 176.
- Rix 1998, 23, 33-35.
- Marchesini 2013, 81.
- Cf. Rix 1989 ; Rigobianco 2017 pour le postulat d’un accent secondaire en étrusque archaïque.
- Cf. les index du ThLE et de ET.
- Des groupes <χu>, sont documentés par ailleurs en étrusque soit comme terminaison morphologique, soit à l’intérieur du mot et laissent envisager un trait de palatalisation par la vélaire aspirée, cf. supra, note 3.
- Cf. sur cette série de noms : Rix 1998, 17. La dernière inscription, gravée sur le manche d’une situle du VIIe-IVe s. a.C. de Matrei am Brenner, est sans contexte archéologique (ad MLR 69). En acceptant la lecture lavises de Rix (1998, 27) le premier signe avec crochet en haut pourra refléter l’usage graphique de Magré, selon ce qui a été décidé à propos de pitie/ ritie, mais cette solution est nécessairement conjecturale.
- Hadas-Lebel 2004, 99 sq.
- Cette supposition pose naturellement des problèmes. Comme l’a observé S. Marchesini dans une discussion sur ce thème, le rhétique ne connaît pas de syncopes, un fait qui rend donc difficile de supposer le phénomène inverse. Cf. en outre Marchesini 2014a, 201 sq. Les données du rhétique sont bien sûr réduites par rapport au corpus documentaire de l’étrusque. On pourra ici seulement proposer d’envisager un effort pour conserver une structure syllabique ouverte du mot (CVCV…) à travers l’insertion de voyelles non étymologiques. Cela se vérifie apparemment même dans rhét. φirima – étr. Hirumina – lat. *Firmus déjà signalé, et –suva à côté d’étr. -sva.
- Rix 1998, 46 sq. ; Marchesini 2013, 47 v. supra. La comparaison habituelle avec l’affriquée de zinace, zal, comme l’a justement observé Marchesini (2013, 51), n’est pas assurée. En ce sens, ϸal dans MLR 146 n’est pas forcément un numéral, et zinace de l’étrusque n’est pas nécessairement le même mot que ϸinaχe. En étrusque, on connaît par exemple une forme différente, tinake, attestée dans deux inscriptions sur monuments funéraires du VIIe-VIe s. (ET Cl 1.946 ; Fs 6.2), qui ne réprésentent pas nécessairement une variante du verbe zinace.
- Motta 2000, cf. supra.
- La comparaison avec l’onomastique étrusque semble indiquer comme préferable la restitution de φelituriesi par rapport à φelipuriesi, donc une lecture du signe comme tau plutôt que comme pi. En revanche, la même comparaison étrusco-rhétique indiquerait comme probable une restitution de perisna à la place de terisna, c’est-à-dire avec correspondant à pi plutôt qu’à tau, si l’on accepte qu’il represente un nom personnel. Quant aux formes verbales upiku / uφiku, utiku / uθiku, même s’il est fortement probable qu’elles représentent toutes le même mot, rien n’empêche qu’il s’agisse de formes lexicales différentes, cf. en ce sens Rix 1998, 22.
- En général, les écritures du Nord de l’Italie se révèlent n’être pas stables ni régulières : cela pourrait dépendre, entre autres, de la partialité et de la progressive adaptation d’un système graphique extérieur à la réalité locale et surtout de divers dégrés de compétence alphabétique (Motta 2000, 186), ou encore, de l’absence d’un pouvoir politique central qui impose des réformes graphiques homogènes à l’interieur d’un même milieu culturel, avec naturellement l’exception du vénète (Benelli, sous presse).