Type de formation
Un projet de Recherche en actions peut concerner une promotion de master 1 ou de master 2 ou une partie de celle-ci (dans l’idéal environ 15 étudiants sur un projet de Recherche en actions). Il est possible de commencer un projet de Recherche en actions en master 1 et de le poursuivre en master 2. Dans tous les cas, il est essentiel que chaque étudiant se sente concerné et impliqué dans le projet, tant de manière individuelle que collective et s’approprie au fur et à mesure toutes les données de la recherche (le risque étant sinon que les résultats demeurent compartimentés jusque très tard dans le déroulé du projet).
Il s’agit sur l’ensemble du projet de mettre en situation de recherche les étudiants en leur proposant :
- soit de répondre à la demande d’une organisation, d’une institution, d’une entreprise confrontée à une problématique juridique et sociale spécifique,
- soit de déterminer un objet de recherche présentant un enjeu sociétal et juridique particulier.
Le résultat de cet enseignement se concrétise par la rédaction d’un rapport contenant des recommandations et soumis à l’appréciation des acteurs du monde socio-économique lors d’un atelier de restitution qui permet la présentation des travaux qui comportent des recommandations d’ordre juridique ( 1).
1. Genially, les rapports des Recherches en actions.
Les étudiants pour ce projet sont placés en situation de travail collaboratif : l’équipe étudiante se répartit les rôles et les tâches et veille à respecter les échéances. L’activité Recherche en actions vise à placer l’étudiant au centre de son enseignement de trois manières :
- sa place dans l’environnement pédagogique est modifiée dans ses relations avec les enseignants-chercheurs, avec les autres étudiants et avec les acteurs du monde socio-économique (autonomie méthodologique) ;
- il est actif sur l’ensemble de la démarche de recherche dans l’identification des thématiques du sujet de Recherche en actions, dans l’adaptation des méthodes d’élaboration de la recherche, dans l’évaluation réflexive de ces activités (autonomie scientifique) ;
- il aborde de façon autonome un problème juridique dans sa dimension pratique et pluridisciplinaire (autonomie pédagogique). De plus, au fur et à mesure de l’avancée de la recherche, ce sont les étudiants eux-mêmes qui formulent les besoins de formation complémentaires qu’ils identifient comme nécessaires pour réaliser leur étude.
Cet enseignement comporte au minimum 10 séances en présentiel, sachant que pour les besoins de l’accompagnement, en fonction des difficultés rencontrées par les étudiants, il est possible d’ajouter des séances supplémentaires. La durée moyenne de ces séances varie entre une et trois heures.
L’enseignant-chercheur qui suit le projet joue un rôle de tuteur : il accompagne et soutient les étudiants dans l’évolution de leur réflexion, dans les démarches entreprises, dans la gestion du travail de groupe que le projet impose et dans la construction du rapport de recherche. L’équipe pédagogique de la Clinique du droit collabore avec l’enseignant-chercheur et les étudiants, en assurant la supervision de certaines étapes de l’enseignement.
Bon à savoir : il convient de préférence de banaliser une demi-journée par semaine dédiée à cet enseignement dans l’emploi du temps des étudiants (à la fois pour placer les séances en présentiel et pour réserver des temps consacrés au travail de groupe).
Type de formation
Travail de groupe : l’appropriation collective des données de recherche
L’enseignement Recherche en actions s’appuie sur le travail d’un groupe constitué d’une dizaine d’étudiants et d’un ou deux enseignants-chercheurs. Cette modalité implique que le travail ne soit pas « cloisonné ».
Il est indispensable que les étudiants soient en mesure de s’approprier l’ensemble des données de la recherche, afin que tous développent un socle commun de compétences et que le travail produit présente une véritable cohérence et ne constitue pas une mosaïque peu harmonieuse. L’effort de mise en commun permet aussi d’éviter la perte de données qui seraient délaissées par des étudiants n’ayant pas initialement travaillé sur certaines d’entre elles, parce qu’il y a toujours une propension à ce qu’ils s’intéressent davantage aux données qu’ils ont trouvées eux-mêmes plutôt que celles recherchées par les autres membres du groupe.
L’un des vecteurs les plus efficaces pour cette appropriation collective des données réside dans la mise en œuvre de pédagogies actives et, en particulier, le recours à la pédagogie inversée. Parce que les étudiants ont l’envie d’être écoutés et compris par les autres membres du groupe, ils font l’effort d’être attentifs et concentrés lorsque ces autres membres présentent leurs données.
Travail de groupe : la répartition des tâches et des rôles
Dans l’ensemble de ces travaux collectifs, la répartition des rôles entre les étudiants est fondamentale. Plusieurs possibilités ont été envisagées.
Les étudiants ont parfois été laissés totalement libres de se répartir les tâches en fonction de leurs compétences antérieures et de leurs affinités. Dans ce cas de figure, l’équipe enseignante ne portait qu’un contrôle très lointain de la répartition au travers de l’auto-évaluation individuelle à laquelle chaque étudiant devait se livrer en fin de parcours.
Dans d’autres cas, les enseignants se sont davantage impliqués en demandant aux étudiants de justifier de la façon dont les tâches avaient été distribuées entre eux et en tentant de vérifier que la charge de travail était équitablement répartie. Dans l’objectif d’optimiser cette répartition des rôles, il a un temps été envisagé de modifier l’attribution des rôles pendant l’enseignement, afin qu’un étudiant soit confronté à plusieurs tâches et que les compétences développées par chacun soient équivalentes. Cette modalité est assez complexe à envisager, d’abord parce que certains rôles sont très ponctuels (en particulier ceux liés à l’organisation de l’atelier de restitution), ensuite parce que certains rôles siéent mieux à des étudiants faisant preuve d’aptitudes développées pour les tenir (par ex. d’organisation pour l’atelier, d’expression écrite pour la correction du rapport, de prise de parole en public, etc.).
Un autre procédé est actuellement expérimenté et consiste à laisser les étudiants se répartir des « cartes de rôle » (cf. Document 9), afin de renforcer le contrôle sur la nature des rôles indispensables et sur leur répartition, mais de laisser les étudiants libres de la mise en œuvre de ces rôles. Cela présente les inconvénients de perdre en spontanéité et de réduire l’objectif d’autonomisation des étudiants, mais l’avantage de rassurer les étudiants qui continuent, même au niveau master, d’avoir besoin d’un minimum de cadre pour organiser leur travail de groupe et gérer les tensions que peut générer la dynamique de groupe. Il faut bien convenir que cette volonté de répartition des rôles entre parfois en décalage avec la réalité du travail en groupe en situation professionnelle.
En fonction des personnalités, de l’expérience et des contextes, certains étudiants jouent des rôles qui ne peuvent être attribués par les cartes : rôle de « leader » ; rôle d’animation du groupe ; rôle de médiation en cas de conflit ; rôle du « naïf » qui pose les questions qui peuvent paraître évidentes et qui pourtant stimulent l’entièreté du groupe ; etc. Certains rôles ne peuvent ainsi être pré-attribués alors qu’ils ont autant, si ce n’est parfois plus d’importance que les rôles institutionnalisés.
La production d’un rapport de recherche comportant des recommandations (cf. 1)
Dans le cadre de cet enseignement, les étudiants doivent produire un rapport ce qui témoigne d’une pédagogie par la recherche, d’une formation « à la recherche par la recherche ». La situation authentique collective peut parfois servir de support à un enseignement plus individualisé, dans le cadre d’un mémoire individuel de recherche par exemple. Dans le cadre de la Recherche en actions, le mémoire est rédigé à plusieurs. Pour se prémunir des risques de manque d’harmonie sur la forme comme sur le fond, il est à nouveau indispensable de créer les conditions d’un véritable travail collaboratif. Ce rapport doit être d’une qualité irréprochable car il a vocation à être publié, à être lu, à susciter des réactions de la société. C’est à ce stade que la situation authentique collective retourne vers sa source : si la société a fait émerger et a proposé le thème traité, c’est également elle qui tire les bénéfices de la recherche achevée.
Le rapport de recherche doit impérativement comporter des recommandations formulées par les étudiants. Celles-ci sont essentielles en ce qu’elles ne sont pas une simple analyse de la réalité ou des règles de droit, mais parce qu’elles témoignent du rôle attribué aux étudiants vis-à-vis du monde socio-économique. Cela ne va pas parfois sans poser des difficultés à des étudiants qui peinent à percevoir leur légitimité dans ce processus. L’étudiant a du mal à concevoir qu’il est devenu un expert de la matière qui est la sienne et qu’il est tout à fait en mesure de formuler ces recommandations, ce dont témoigne d’ailleurs l’accueil très positif réservé à ces propositions par le monde socio-économique à l’occasion des ateliers de restitution, organisés pour chaque Recherche en actions. Le regard porté sur les résultats des étudiants y est très bienveillant et valorisant. Le déficit de légitimité est donc généralement comblé à l’issue de la recherche, sachant que le regard du monde socioprofessionnel est perçu d’une manière très différente de celui des enseignants par les étudiants, parce que les étudiants perçoivent l’utilité sociale de leur travail. Même si ce caractère est très marqué pour la Recherche en actions, il s’agit là d’une constante présente dans tous les enseignements cliniques.
La participation de l’étudiant à la construction de son enseignement
Il s’agit d’une des marques de fabrique des enseignements à la Clinique du droit : les étudiants participent à la construction des enseignements. Cela est notamment le cas dans l’enseignement Recherche en actions, dans un objectif d’autonomisation.
Le groupe d’étudiants doit ainsi déterminer des besoins de formations, lesquelles seront dispensées par des experts. Les étudiants doivent apprendre, au fur et à mesure de l’enseignement, à comprendre et à identifier les angles morts dans leurs connaissances et les éléments théoriques qui leur manquent pour poursuivre la recherche. Ce n’est donc pas l’équipe pédagogique qui détermine a priori ce que l’étudiant doit savoir. Cela traduit la volonté d’ancrer cet enseignement dans un cadre d’apprentissage par problème. En prenant de l’autonomie dans le domaine des connaissances et des savoirs, où les étudiants sont en terrain connu en raison de leur formation universitaire, ils prennent petit à petit confiance et peuvent, par ricochet, gagner en autonomie sur d’autres tâches. À plus long terme, cette approche introduit une nouvelle compétence pour les étudiants car ils prennent conscience que leur bagage universitaire ne sera jamais suffisant dans le monde professionnel mais qu’ils auront les moyens de le compléter par eux-mêmes, par leurs recherches, par leur curiosité, par des formations additionnelles qu’ils choisiront de suivre.
La participation active des étudiants à la construction de l’enseignement implique symétriquement un changement de posture de l’enseignant. Selon les personnalités, les expériences et les capacités d’adaptation de chacun, cette modification du positionnement enseignant peut être plus ou moins complexe à mettre en œuvre. Cette posture exige de travailler de façon différente, d’une manière moins verticale. Cela implique par ailleurs d’accepter de se « mettre en danger », de se saisir de l’enseignement sans pouvoir se préfigurer quel sera le niveau d’implication, de connaissances et de compétences des étudiants. Cela suppose aussi d’accepter que le rôle de l’universitaire ne tienne pas seulement à la délivrance de connaissances, mais également au développement de compétences des étudiants, sachant que certains enseignants-chercheurs n’ont pas véritablement conscience de leur capacité à transmettre ce type de compétences, cela d’autant plus que la formation des enseignants-chercheurs demeure aujourd’hui encore embryonnaire sur ces questions. Ce changement de posture produit encore d’autres conséquences. Il modifie ainsi l’évaluation des étudiants pour le travail réalisé, parce que l’évaluation de ce travail coconstruit avec les étudiants intègre, implicitement, une forme d’auto-évaluation du travail de l’enseignant lui-même. Par sa posture différente, l’enseignant est en effet nettement plus impliqué dans le résultat produit, coconstruit avec les étudiants. Autre conséquence, les enseignants qui s’investissent dans l’enseignement Recherche en actions jouent un rôle clé dans la transmission de la méthode, dans l’accompagnement de nouveaux enseignants qui souhaitent s’en saisir. Ils jouent alors un rôle de passeur, de formateur des formateurs.
Les problématiques d’organisation de l’enseignement
L’enseignement Recherche en actions se déroule sur un temps long, d’une année ou une année et demie. Cela implique une discipline d’organisation qui peut parfois se heurter à des réalités de l’organisation des enseignements en général à l’université.
La banalisation d’une demi-journée par semaine dans l’emploi du temps des étudiants, consacrée exclusivement à cet enseignement est indispensable. Les étudiants doivent en effet être en mesure de s’investir dans un travail de groupe, ce qui implique qu’ils soient tous disponibles. Cette forme de sanctuarisation d’une période dans la semaine permet également d’éviter que d’autres enseignements de leurs diplômes interfèrent avec le planning d’une Recherche en actions. Cela n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, d’abord parce que les emplois du temps et l’utilisation des salles de cours sont très contraints à l’université de Bordeaux, ensuite parce que les enseignants qui assument l’encadrement d’une Recherche en actions n’ont pas toujours les marges de manœuvre suffisantes pour exiger cette banalisation. L’expérience a ainsi montré que cette organisation était plus simple lorsque l’enseignement était assuré par le responsable du parcours ou de la mention qui dispose de davantage de latitudes sur l’organisation de l’emploi du temps des étudiants.
Les calendriers universitaires portent d’autres contraintes, notamment celles relatives aux examens et aux stages. Pour les premiers, il devient très difficile de mobiliser les étudiants une fois que les épreuves d’examen se sont déroulées alors qu’elles interviennent relativement tôt dans l’année universitaire (aux mois d’avril/mai en général). Pour les seconds, certains diplômes exigent la réalisation d’un stage d’une durée variable mais qui prend généralement place en fin d’année universitaire. Les étudiants peinent alors à se rendre disponibles pendant ces stages, dont la place est essentielle dans la formation et qui sont aussi parfois malheureusement perçus comme un objectif en eux-mêmes, alors qu’ils ne devraient toujours constituer que des accessoires à la formation.
Pour limiter les effets indésirables liés à ces difficultés d’organisation, l’équipe de la Clinique du droit a très tôt cherché à formaliser des procédures d’organisation de l’emploi du temps des étudiants. Une boîte à outils a ainsi été créée permettant aux étudiants de disposer des contacts appropriés (pour réserver un créneau d’emploi du temps ou une salle), de créer un rétroplanning dès le début de leur enseignement, de réserver très tôt un lieu pour la tenue de l’atelier de restitution de la Recherche en actions, etc. (cf. Document 2).
Enfin, comme d’ailleurs pour d’autres travaux de pure recherche scientifique, il demeure toujours un sentiment d’inachevé dans l’enseignement Recherche en actions. Cela peut avoir deux types de conséquences. D’abord, il est très difficile de prédéterminer à l’avance quels seront les besoins des étudiants en temps pour aboutir à un travail d’une qualité suffisante pour opérer un retour vers la société. Ensuite, les enseignants-chercheurs qui coordonnent cet enseignement doivent accepter de mettre fin à un travail qui ne répond pas toujours totalement aux canons habituels de rigueur de la recherche.
Méthode et commentaire de la Recherche en actions
par
Marie Lamarche, Sébastien Tournaux
Méthode
Commentaire de la méthode
Méthode élaborée par Emmanuelle Burgaud, Cécile Castaing, Marie Deramat, Marie Lamarche, Ludivine Limandas et Sébastien Tournaux dans le cadre du projet STEP (intégration de l’enseignement clinique dans les maquettes) avec l’appui de la MAPI – université de Bordeaux 2018-2022.
« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » (article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle)1.
La naissance de la Recherche en actions à la Clinique du droit
La Recherche en actions constitue une pédagogie par projet qui s’appuie sur une forme de recherche-actions menée par des étudiants avec l’accompagnement d’une équipe pédagogique. Cette forme d’enseignement a été créée à Bordeaux sous l’influence d’expériences menées à l’étranger. Une première collaboration s’est nouée entre une équipe d’enseignants bordelais et basques qui ont créé la Clinique océan de l’université du Pays Basque (UPB), dans le cadre de laquelle des étudiants ont travaillé sur le terrain en lien avec des problématiques océanes. Par ailleurs, il existe de nombreuses cliniques thématiques à travers le monde, qui dirigent des actions sociales et pédagogiques sur le terrain et qui ont également été l’une des inspirations de la Recherche en actions.
Les premières recherches en actions ont été menées à Bordeaux en 2016 et la méthode s’est affinée, année après année, au fur et à mesure que les expériences permettaient de la perfectionner.
Situation authentique collective : issue d’une demande de la société
Dans l’enseignement clinique « Recherche en actions », les étudiants s’appuient sur une demande émanant de la société. Ils sont donc placés en situation authentique collective. Dans ce cadre, les étudiants analysent les questions posées et les problématiques rencontrées par des acteurs du monde socio-économique, à qui les résultats de ces analyses sont présentés.
La Recherche en actions a, d’abord, pour finalité de renforcer les liens entre l’enseignement et le monde socio-économique, aussi bien dans la conception de cet enseignement que dans son déroulement effectif et ses résultats. Les étudiants et l’équipe pédagogique collaborent étroitement avec des acteurs professionnels tout au long de l’activité. Ils construisent ensemble les résultats de la recherche. Au-delà de ces aspects pédagogiques forts, la Recherche en actions permet de répondre à des demandes issues du monde socio-économique.
Elle vise ensuite à développer des compétences disciplinaires et surtout transverses, indispensables à l’insertion professionnelle des étudiants. L’enseignement traditionnel du droit présente l’avantage de donner aux étudiants de solides connaissances et des compétences approfondies en termes de raisonnement juridique. La Recherche en actions permet d’éprouver sur le terrain ces capacités de raisonnement, l’aptitude à mobiliser in situ des connaissances et à transmettre le résultat de leurs analyses au monde socio-économique ( Média 1)2.
Situation authentique collective : issue d’une demande de la société
Nous l’avons vu, un enseignement clinique peut s’appuyer sur une situation authentique individuelle3. Il est également possible de construire un enseignement clinique à partir d’une situation authentique que l’on peut qualifier de collective. Il s’agit de faire travailler les étudiants sur des phénomènes de société et sur des questions, des demandes formulées par la société (des associations, des organisations, des administrations, etc.).
Ces situations authentiques collectives ne sont pas aussi aléatoires que les situations authentiques individuelles. Pour ces dernières, il est impossible de prédéterminer quelle sera la problématique d’un usager se présentant au Service d’information juridique et aucun tri n’est réalisé quant aux questions que celui-ci présente (sous réserve que l’usager ne soit pas déjà accompagné par un professionnel du droit). Dans le cadre des situations authentiques collectives, de nombreux thèmes peuvent être proposés et un tri doit être réalisé par l’équipe pédagogique afin de garantir l’adéquation du thème proposé avec la discipline enseignée dans le master concerné, mais également de s’assurer du respect de garde-fous déontologiques. Ces objectifs déontologiques découlent directement des fondements des cliniques du droit et des law clinics, qui visent toutes un double objectif social et pédagogique4. L’enseignement clinique assis sur une situation authentique collective ne doit pas avoir pour objet de sous-traiter un travail juridique dans une finalité définie par l’organisme qui soumet la situation authentique. Par ailleurs, les objectifs d’un enseignement clinique sont ici focalisés sur la compréhension et l’effectivité du droit plutôt que sur le respect des droits d’une personne en particulier. Ainsi, les thèmes sont choisis au regard de la potentialité des résultats de la recherche et jamais vers un objectif de réalisation de profits.
Afin d’identifier des situations authentiques collectives permettant d’engager cet enseignement, il a très tôt été envisagé de créer une procédure d’appel à projet, permettant d’ouvrir la Clinique du droit sur la société et de favoriser la diversité des sujets d’étude. La clinique du droit bordelaise n’est pas monothématique contrairement à de nombreuses cliniques du droit dans le monde (cliniques consacrées aux migrations, à la protection des droits des femmes ou des enfants, à la protection des communautés LGBTQ, etc.) et est donc ouverte à de très nombreux champs juridiques. Une telle procédure permettrait d’organiser un tri collégial et pluridimensionnel des demandes (enseignants-chercheurs et représentants de la société). Le réseau des enseignants à la Clinique du droit a jusqu’ici permis de recueillir des thèmes d’une suffisante variété, mais cette ressource n’est pas inépuisable.
À ce jour, cet appel à projet n’a pas encore été mis en œuvre ( Document 19)5. Il serait profitable qu’il soit envisagé en partenariat avec le Département de recherche en droit de l’université (Département Droit Et Transformations Sociales) et d’autres acteurs tels que la Région Nouvelle-Aquitaine. En effet, les recherches menées par les étudiants peuvent servir de support à des recherches « senior » ultérieures, parce que les résultats de cette première recherche démontrent l’ancrage sociétal de la thématique de recherche et particulièrement l’intérêt des résultats pour les acteurs socio-économiques.
Les premières discussions avec le Département de recherche montrent une difficulté de coordination des objectifs, cette structure cherchant davantage à organiser des réponses de la Clinique à des appels à projets offerts par d’autres structures et non à élaborer un appel à projet propre.
Ce projet n’est donc pas achevé, mais il n’est pas abandonné et figure toujours à l’agenda de l’équipe de la Clinique du droit de Bordeaux.
Malgré l’absence de procédure d’appel à projet, l’identification de la situation authentique collective a parfois abouti à la formalisation d’un projet de recherche notamment avec l’Espace de réflexion éthique Nouvelle-Aquitaine – ERENA – site Bordeaux (le secret partagé en matière médicale et médico-sociale), les comités d’éthique d’établissements de soins (la libre volonté des personnes âgées à l’entrée en EHPAD), la Confédération française et démocratique du travail (le travail des cadres), France Terre d’Asile (le droit d’asile), le CCAS de la mairie de Bordeaux (le mal-logement).
Il est parfois arrivé que les thématiques soient identifiées dans la récurrence de certains sujets présentés par les usagers au Service d’information juridique de la Clinique du droit. Ainsi, en 2018, les étudiants d’un master ont travaillé sur l’ordonnance de protection dans le cadre des relations conjugales alors qu’un nombre important d’usagères se présentaient au service pour des cas de violences conjugales et que la pratique semblait révéler que les ordonnances de protection n’étaient pas utilisées à l’époque en Gironde.
D’autres thématiques ont été proposées sur la base d’intuitions d’enseignants-chercheurs et de leur connaissance des problématiques sociétales (par ex. sur le sentiment d’insécurité dans la métropole bordelaise, sur les observatoires d’analyse et d’appui au dialogue social, etc.). Cette méthode présente tout de même un risque puisque, tant que la recherche n’a pas été menée, l’intuition ne peut être vérifiée et il reste toujours possible que le thème proposé n’ait pas de portée réelle sur la société. L’expérience a par ailleurs montré que certains thèmes issus d’intuitions de recherche pouvaient être trop sensibles pour être traités par des étudiants dans le cadre d’une Recherche en actions. Cela a par exemple été le cas des travaux réalisés sur le travail forcé dans les vignes ou les mineurs non accompagnés. Compte tenu des enjeux politiques et/ou économiques de ces questions, les étudiants ont éprouvé de grandes difficultés à obtenir que les portes du monde socioprofessionnel leur soient ouvertes, malgré la mise à disposition par l’enseignant‑chercheur de son propre réseau.
Comme pour la situation authentique individuelle, le caractère pluridisciplinaire de la situation authentique collective est très important. Cependant, le caractère collectif est surtout marqué par le fait que la demande et les résultats ont vocation à intéresser une collectivité, un grand nombre de personnes et de professions. Il s’agit de mettre la science à disposition de la société, de travailler avec elle et pour elle. L’enseignement Recherche en actions s’inscrit donc parfaitement dans les objectifs de responsabilité sociétale de l’université6, envisagés désormais sous l’angle des transitions environnementales et sociétales7.
Le cœur de la situation authentique apparaît au moment où les étudiants sont directement confrontés au monde socioéconomique (entretiens, questionnaires, rencontres, jusqu’à l’atelier de restitution). Le caractère collectif est ici évident en comparaison des situations individuelles. La mise en situation authentique collective entretient un lien consubstantiel avec une logique de professionnalisation des étudiants. Parce que la situation authentique remonte de la société, elle permet de plonger les étudiants dans l’univers socioéconomique. D’autres éléments marquants de cette vocation à la professionnalisation seront envisagés avec l’analyse des objectifs et de l’organisation des séances de travail dans la méthode8.
L’enseignement Recherche en actions
L’enseignement Recherche en actions
La Recherche en actions telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre à la Clinique du droit est proposée à des étudiants de master et s’adosse à une situation authentique collective.
Type de formation
Un projet de Recherche en actions peut concerner une promotion de master 1 ou de master 2 ou une partie de celle-ci (dans l’idéal environ 15 étudiants sur un projet de Recherche en actions). Il est possible de commencer un projet de Recherche en actions en master 1 et de le poursuivre en master 2. Dans tous les cas, il est essentiel que chaque étudiant se sente concerné et impliqué dans le projet, tant de manière individuelle que collective et s’approprie au fur et à mesure toutes les données de la recherche (le risque étant sinon que les résultats demeurent compartimentés jusque très tard dans le déroulé du projet).
Il s’agit sur l’ensemble du projet de mettre en situation de recherche les étudiants en leur proposant :
Le résultat de cet enseignement se concrétise par la rédaction d’un rapport contenant des recommandations et soumis à l’appréciation des acteurs du monde socio-économique lors d’un atelier de restitution qui permet la présentation des travaux qui comportent des recommandations d’ordre juridique ( 1)10.
Les étudiants pour ce projet sont placés en situation de travail collaboratif : l’équipe étudiante se répartit les rôles et les tâches et veille à respecter les échéances. L’activité Recherche en actions vise à placer l’étudiant au centre de son enseignement de trois manières :
Cet enseignement comporte au minimum 10 séances en présentiel, sachant que pour les besoins de l’accompagnement, en fonction des difficultés rencontrées par les étudiants, il est possible d’ajouter des séances supplémentaires. La durée moyenne de ces séances varie entre une et trois heures.
L’enseignant-chercheur qui suit le projet joue un rôle de tuteur : il accompagne et soutient les étudiants dans l’évolution de leur réflexion, dans les démarches entreprises, dans la gestion du travail de groupe que le projet impose et dans la construction du rapport de recherche. L’équipe pédagogique de la Clinique du droit collabore avec l’enseignant-chercheur et les étudiants, en assurant la supervision de certaines étapes de l’enseignement.
Bon à savoir : il convient de préférence de banaliser une demi-journée par semaine dédiée à cet enseignement dans l’emploi du temps des étudiants (à la fois pour placer les séances en présentiel et pour réserver des temps consacrés au travail de groupe).
Type de formation
Travail de groupe : l’appropriation collective des données de recherche
L’enseignement Recherche en actions s’appuie sur le travail d’un groupe constitué d’une dizaine d’étudiants et d’un ou deux enseignants-chercheurs. Cette modalité implique que le travail ne soit pas « cloisonné ».
Il est indispensable que les étudiants soient en mesure de s’approprier l’ensemble des données de la recherche, afin que tous développent un socle commun de compétences et que le travail produit présente une véritable cohérence et ne constitue pas une mosaïque peu harmonieuse. L’effort de mise en commun permet aussi d’éviter la perte de données qui seraient délaissées par des étudiants n’ayant pas initialement travaillé sur certaines d’entre elles, parce qu’il y a toujours une propension à ce qu’ils s’intéressent davantage aux données qu’ils ont trouvées eux-mêmes plutôt que celles recherchées par les autres membres du groupe.
L’un des vecteurs les plus efficaces pour cette appropriation collective des données réside dans la mise en œuvre de pédagogies actives et, en particulier, le recours à la pédagogie inversée11. Parce que les étudiants ont l’envie d’être écoutés et compris par les autres membres du groupe, ils font l’effort d’être attentifs et concentrés lorsque ces autres membres présentent leurs données.
Travail de groupe : la répartition des tâches et des rôles
Dans l’ensemble de ces travaux collectifs, la répartition des rôles entre les étudiants est fondamentale. Plusieurs possibilités ont été envisagées.
Les étudiants ont parfois été laissés totalement libres de se répartir les tâches en fonction de leurs compétences antérieures et de leurs affinités. Dans ce cas de figure, l’équipe enseignante ne portait qu’un contrôle très lointain de la répartition au travers de l’auto-évaluation individuelle à laquelle chaque étudiant devait se livrer en fin de parcours.
Dans d’autres cas, les enseignants se sont davantage impliqués en demandant aux étudiants de justifier de la façon dont les tâches avaient été distribuées entre eux et en tentant de vérifier que la charge de travail était équitablement répartie. Dans l’objectif d’optimiser cette répartition des rôles, il a un temps été envisagé de modifier l’attribution des rôles pendant l’enseignement, afin qu’un étudiant soit confronté à plusieurs tâches et que les compétences développées par chacun soient équivalentes. Cette modalité est assez complexe à envisager, d’abord parce que certains rôles sont très ponctuels (en particulier ceux liés à l’organisation de l’atelier de restitution), ensuite parce que certains rôles siéent mieux à des étudiants faisant preuve d’aptitudes développées pour les tenir (par ex. d’organisation pour l’atelier, d’expression écrite pour la correction du rapport, de prise de parole en public, etc.).
Un autre procédé est actuellement expérimenté et consiste à laisser les étudiants se répartir des « cartes de rôle » (cf. Document 9), afin de renforcer le contrôle sur la nature des rôles indispensables et sur leur répartition, mais de laisser les étudiants libres de la mise en œuvre de ces rôles. Cela présente les inconvénients de perdre en spontanéité et de réduire l’objectif d’autonomisation des étudiants, mais l’avantage de rassurer les étudiants qui continuent, même au niveau master, d’avoir besoin d’un minimum de cadre pour organiser leur travail de groupe et gérer les tensions que peut générer la dynamique de groupe. Il faut bien convenir que cette volonté de répartition des rôles entre parfois en décalage avec la réalité du travail en groupe en situation professionnelle.
En fonction des personnalités, de l’expérience et des contextes, certains étudiants jouent des rôles qui ne peuvent être attribués par les cartes : rôle de « leader » ; rôle d’animation du groupe ; rôle de médiation en cas de conflit ; rôle du « naïf » qui pose les questions qui peuvent paraître évidentes et qui pourtant stimulent l’entièreté du groupe ; etc. Certains rôles ne peuvent ainsi être pré-attribués alors qu’ils ont autant, si ce n’est parfois plus d’importance que les rôles institutionnalisés.
La production d’un rapport de recherche comportant des recommandations (cf. 1)
Dans le cadre de cet enseignement, les étudiants doivent produire un rapport ce qui témoigne d’une pédagogie par la recherche, d’une formation « à la recherche par la recherche ». La situation authentique collective peut parfois servir de support à un enseignement plus individualisé, dans le cadre d’un mémoire individuel de recherche par exemple12. Dans le cadre de la Recherche en actions, le mémoire est rédigé à plusieurs. Pour se prémunir des risques de manque d’harmonie sur la forme comme sur le fond, il est à nouveau indispensable de créer les conditions d’un véritable travail collaboratif. Ce rapport doit être d’une qualité irréprochable car il a vocation à être publié, à être lu, à susciter des réactions de la société. C’est à ce stade que la situation authentique collective retourne vers sa source : si la société a fait émerger et a proposé le thème traité, c’est également elle qui tire les bénéfices de la recherche achevée.
Le rapport de recherche doit impérativement comporter des recommandations formulées par les étudiants. Celles-ci sont essentielles en ce qu’elles ne sont pas une simple analyse de la réalité ou des règles de droit, mais parce qu’elles témoignent du rôle attribué aux étudiants vis-à-vis du monde socio-économique. Cela ne va pas parfois sans poser des difficultés à des étudiants qui peinent à percevoir leur légitimité dans ce processus. L’étudiant a du mal à concevoir qu’il est devenu un expert de la matière qui est la sienne et qu’il est tout à fait en mesure de formuler ces recommandations, ce dont témoigne d’ailleurs l’accueil très positif réservé à ces propositions par le monde socio-économique à l’occasion des ateliers de restitution, organisés pour chaque Recherche en actions. Le regard porté sur les résultats des étudiants y est très bienveillant et valorisant. Le déficit de légitimité est donc généralement comblé à l’issue de la recherche, sachant que le regard du monde socioprofessionnel est perçu d’une manière très différente de celui des enseignants par les étudiants, parce que les étudiants perçoivent l’utilité sociale de leur travail. Même si ce caractère est très marqué pour la Recherche en actions, il s’agit là d’une constante présente dans tous les enseignements cliniques.
La participation de l’étudiant à la construction de son enseignement
Il s’agit d’une des marques de fabrique des enseignements à la Clinique du droit : les étudiants participent à la construction des enseignements. Cela est notamment le cas dans l’enseignement Recherche en actions, dans un objectif d’autonomisation.
Le groupe d’étudiants doit ainsi déterminer des besoins de formations, lesquelles seront dispensées par des experts. Les étudiants doivent apprendre, au fur et à mesure de l’enseignement, à comprendre et à identifier les angles morts dans leurs connaissances et les éléments théoriques qui leur manquent pour poursuivre la recherche. Ce n’est donc pas l’équipe pédagogique qui détermine a priori ce que l’étudiant doit savoir. Cela traduit la volonté d’ancrer cet enseignement dans un cadre d’apprentissage par problème13. En prenant de l’autonomie dans le domaine des connaissances et des savoirs, où les étudiants sont en terrain connu en raison de leur formation universitaire, ils prennent petit à petit confiance et peuvent, par ricochet, gagner en autonomie sur d’autres tâches. À plus long terme, cette approche introduit une nouvelle compétence pour les étudiants car ils prennent conscience que leur bagage universitaire ne sera jamais suffisant dans le monde professionnel mais qu’ils auront les moyens de le compléter par eux-mêmes, par leurs recherches, par leur curiosité, par des formations additionnelles qu’ils choisiront de suivre.
La participation active des étudiants à la construction de l’enseignement implique symétriquement un changement de posture de l’enseignant. Selon les personnalités, les expériences et les capacités d’adaptation de chacun, cette modification du positionnement enseignant peut être plus ou moins complexe à mettre en œuvre14. Cette posture exige de travailler de façon différente, d’une manière moins verticale. Cela implique par ailleurs d’accepter de se « mettre en danger », de se saisir de l’enseignement sans pouvoir se préfigurer quel sera le niveau d’implication, de connaissances et de compétences des étudiants. Cela suppose aussi d’accepter que le rôle de l’universitaire ne tienne pas seulement à la délivrance de connaissances, mais également au développement de compétences des étudiants, sachant que certains enseignants-chercheurs n’ont pas véritablement conscience de leur capacité à transmettre ce type de compétences, cela d’autant plus que la formation des enseignants-chercheurs demeure aujourd’hui encore embryonnaire sur ces questions. Ce changement de posture produit encore d’autres conséquences. Il modifie ainsi l’évaluation des étudiants pour le travail réalisé, parce que l’évaluation de ce travail coconstruit avec les étudiants intègre, implicitement, une forme d’auto-évaluation du travail de l’enseignant lui-même. Par sa posture différente, l’enseignant est en effet nettement plus impliqué dans le résultat produit, coconstruit avec les étudiants. Autre conséquence, les enseignants qui s’investissent dans l’enseignement Recherche en actions jouent un rôle clé dans la transmission de la méthode, dans l’accompagnement de nouveaux enseignants qui souhaitent s’en saisir. Ils jouent alors un rôle de passeur, de formateur des formateurs.
Les problématiques d’organisation de l’enseignement
L’enseignement Recherche en actions se déroule sur un temps long, d’une année ou une année et demie. Cela implique une discipline d’organisation qui peut parfois se heurter à des réalités de l’organisation des enseignements en général à l’université.
La banalisation d’une demi-journée par semaine dans l’emploi du temps des étudiants, consacrée exclusivement à cet enseignement est indispensable. Les étudiants doivent en effet être en mesure de s’investir dans un travail de groupe, ce qui implique qu’ils soient tous disponibles. Cette forme de sanctuarisation d’une période dans la semaine permet également d’éviter que d’autres enseignements de leurs diplômes interfèrent avec le planning d’une Recherche en actions. Cela n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, d’abord parce que les emplois du temps et l’utilisation des salles de cours sont très contraints à l’université de Bordeaux, ensuite parce que les enseignants qui assument l’encadrement d’une Recherche en actions n’ont pas toujours les marges de manœuvre suffisantes pour exiger cette banalisation. L’expérience a ainsi montré que cette organisation était plus simple lorsque l’enseignement était assuré par le responsable du parcours ou de la mention qui dispose de davantage de latitudes sur l’organisation de l’emploi du temps des étudiants.
Les calendriers universitaires portent d’autres contraintes, notamment celles relatives aux examens et aux stages. Pour les premiers, il devient très difficile de mobiliser les étudiants une fois que les épreuves d’examen se sont déroulées alors qu’elles interviennent relativement tôt dans l’année universitaire (aux mois d’avril/mai en général). Pour les seconds, certains diplômes exigent la réalisation d’un stage d’une durée variable mais qui prend généralement place en fin d’année universitaire. Les étudiants peinent alors à se rendre disponibles pendant ces stages, dont la place est essentielle dans la formation et qui sont aussi parfois malheureusement perçus comme un objectif en eux-mêmes, alors qu’ils ne devraient toujours constituer que des accessoires à la formation.
Pour limiter les effets indésirables liés à ces difficultés d’organisation, l’équipe de la Clinique du droit a très tôt cherché à formaliser des procédures d’organisation de l’emploi du temps des étudiants. Une boîte à outils a ainsi été créée permettant aux étudiants de disposer des contacts appropriés (pour réserver un créneau d’emploi du temps ou une salle), de créer un rétroplanning dès le début de leur enseignement, de réserver très tôt un lieu pour la tenue de l’atelier de restitution de la Recherche en actions, etc. (cf. Document 2).
Enfin, comme d’ailleurs pour d’autres travaux de pure recherche scientifique, il demeure toujours un sentiment d’inachevé dans l’enseignement Recherche en actions. Cela peut avoir deux types de conséquences. D’abord, il est très difficile de prédéterminer à l’avance quels seront les besoins des étudiants en temps pour aboutir à un travail d’une qualité suffisante pour opérer un retour vers la société. Ensuite, les enseignants-chercheurs qui coordonnent cet enseignement doivent accepter de mettre fin à un travail qui ne répond pas toujours totalement aux canons habituels de rigueur de la recherche.
Temps forts de l’enseignement
Trois temps structurent cet enseignement.
Le premier temps, intitulé « Du thème à la détermination d’un sujet », consiste à partir d’un sujet15 (qui ne doit pas être révélé par les enseignants-chercheurs ab initio aux étudiants, qui devront l’identifier au travers du thème) et à faire travailler les étudiants sur un thème qui englobe ce sujet16. Il convient en effet tout d’abord de réinsérer le sujet dans son contexte thématique (comme une photographie qui permet de visualiser tous les aspects – d’un décor – juridiques et extra-juridiques). La question de l’identification du sujet est essentielle. Il s’agit de garder l’objectif de la détermination d’un sujet et bien plus tard d’un problème juridique17 qui pose un réel problème sociétal révélé par l’étude dont les résultats auront un véritable intérêt pour la société et les acteurs du monde socio-économique. Dans cette méthode, la formulation du problème juridique intervient tardivement, ce qui peut sembler contre-intuitif, mais qui s’explique par le fait que ce problème juridique est constitué de l’ensemble des difficultés identifiées à la fois d’un point de vue théorique et après les résultats d’une enquête de terrain. Il convient de noter que le sujet pressenti par les enseignants-chercheurs ne sera pas forcément identique au sujet que les étudiants détermineront à l’issue du travail mené sur le contexte thématique.
Le sujet envisagé par les enseignants-chercheurs peut trouver ses origines dans :
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit se réserve le droit de refuser un sujet qui servirait des intérêts strictement privés en contradiction avec les valeurs portées par l’université de Bordeaux dans le cadre de sa responsabilité sociétale et l’intégrité scientifique universitaire.
Le contexte thématique, à partir duquel émergera le sujet, doit être étudié très tôt afin que les étudiants se l’approprient dans toutes ses dimensions (juridiques, économiques, sociologiques, politiques, philosophiques, etc.). Son analyse débute par des questionnements qui donnent lieu à des recherches bibliographiques de nature pluridisciplinaire. Elle est par la suite complétée par des précisions fournies par les recherches de terrain et le recours à des formations d’experts (juridiques ou d’autres disciplines) sur des points précis. Les éléments de contexte thématique sont ensuite analysés afin de déterminer les difficultés juridiques susceptibles de se poser. Ils sont complétés tout au long de la recherche et seront, en tout ou partie, utilisés dans la première partie du rapport de recherche pour présenter le sujet et le problème juridique retenu.
Le second temps, intitulé « Analyse des difficultés et recherches des causes par l’enquête de terrain » consiste, une fois découvertes les difficultés (juridiques et extra-juridiques) posées par le sujet, à les recenser et les classer. Il convient ensuite de déterminer, dans les éléments du contexte thématique, quels sont ceux qui peuvent constituer des causes de ces difficultés (de n’importe quelle nature, source, par exemple économiques, sociologiques, politiques, juridiques). Ces causes sont susceptibles d’expliquer une ou des difficultés d’ordre juridique. Les causes des difficultés juridiques sont trouvées à partir d’une bibliographie, de recherches pluridisciplinaires et par un travail d’enquête sur le terrain18.
Le troisième temps, intitulé « Détermination du problème juridique et formulation des recommandations », a pour objectif de déterminer parmi l’ensemble des difficultés, la (ou les) difficulté juridique qui semble la plus importante et qui constituera le problème juridique (il peut s’agir aussi d’une synthèse de ces difficultés juridiques). Il convient pour cela de classer et analyser les résultats pour déterminer ce problème juridique, en retenant comme critère celui de l’intérêt des acteurs du monde socio-économique ( Média 2)19. Au sein du contexte thématique, qui aura évolué dans son contenu, on distingue les éléments sur lesquels il est impossible d’agir20, les difficultés que l’on retient dans les développements, les causes qui peuvent y être rattachées. Débute alors le travail de recherche de solutions de nature juridique aux difficultés, pour aboutir à des recommandations à l’attention des acteurs socio-économiques en veillant à rester dans le domaine juridique (rôle de juriste).
Un rapport de recherche est élaboré en reprenant les résultats de ces trois temps forts et en suivant un plan simple.
Exemple n° 1 :
Exemple n°2 :
Exemple n° 3 :
Autant de parties que de difficultés juridiques identifiées ou de recommandations formulées, dans lesquelles est intégré ce qui relève du contexte thématique.
Ces propositions de plan permettent d’éviter aux étudiants de rechercher une construction trop académique, qui constitue souvent un élément bloquant et qui n’est pas indispensable à ce type de travaux au regard de l’objectif de restitution vers la société. Il est totalement déconseillé de construire le plan en distinguant les parties par disciplines explorées par les étudiants dans le cadre de leur recherche.
L’ensemble de la démarche de la Recherche en actions permet un véritable apprentissage de la recherche scientifique appliquée et pluridisciplinaire. Le rapport de recherche comprend à la fois des données théoriques et des aspects pratiques issus de l’enquête de terrain.
À l’issue de ce travail, les étudiants organisent un atelier de restitution au cours duquel les étapes de la recherche ainsi que les propositions de recommandations seront discutées avec l’assemblée. L’objectif est d’opérer un retour vers le monde socio-économique par la diffusion de ces résultats.
Temps forts de l’enseignement
Découpage chronologique et de regroupement des séances (cf. 2)
L’enseignement Recherche en actions est structuré autour de trois temps forts. Ce découpage a été choisi afin de se départir d’une organisation centrée sur les séances, parce que les séances en présentiel ne représentent qu’une partie de l’investissement des étudiants et des enseignants qui doivent préparer les séances, souvent dans le cadre d’un travail à distance.
On peut remarquer que l’investissement de l’équipe pédagogique est plus important dans certains temps forts. Cela est en particulier le cas du premier temps fort, alors que le travail des étudiants au cours du temps fort 2 est plus autonome, ce qui suppose une forme d’investissement différent de suivi de la part de l’enseignant « au fil de l’eau ».
Le premier temps fort est centré sur une phase de recherche théorique, le deuxième sur une enquête de terrain au contact du monde socio-économique et le troisième sur un travail d’analyse et de synthèse. Pour illustrer cette structure, il est possible de prendre un exemple sur le thème du secret professionnel dans le secteur médico-social ayant été étudié par des étudiants bordelais
(cf. Document 1).
Au cours du temps fort 1 (« Du thème à la détermination d’un sujet »), les étudiants ont découvert le thème et s’y sont immergés par des jeux de rôles à partir de cartes visant à leur faire jouer le rôle de professionnels et simuler le partage d’informations protégées par le secret. Au cours de cette séance, ils ont formulé un ensemble de questions liées à ce thème de recherche. Ils se sont demandé ce qu’était le secret professionnel, ce qui relève d’un travail de définition du sujet. Ils se sont également interrogés sur les professions tenues au secret professionnel dans le secteur médico-social, ce qui relevait du champ personnel du sujet. Ils se sont encore demandé quelle était la nature des informations relevant du secret professionnel, ce qui correspondait à des interrogations sur le champ matériel du sujet.
Après cette phase de découverte, ils ont mené des opérations de recherche thématique visant à répondre aux questions formulées, aussi bien sur un plan juridique bien sûr, que sur les aspects philosophiques, psychologiques et sociologiques du secret professionnel. En analysant les résultats de ces recherches, les étudiants se sont aperçus que certaines professions disposaient de codes de déontologie propres et se sont donc intéressés à leur valeur et à leur contenu en fonction des professions concernées.
À l’issue des recherches, les étudiants ont alors identifié une difficulté, celle de la disparité des normes applicables aux différentes professions pourtant confrontées à un même public, aux mêmes patients. Les étudiants ont constaté que les professions médico-sociales ne se réfèrent pas aux mêmes normes en matière de secret professionnel et partagent différemment les informations à caractère secret. C’est ainsi que le sujet de la recherche est devenu « le secret partagé ». Les étudiants ont alors identifié qu’il manquait, dans les recherches effectuées pour étudier le contexte thématique, des précisions de nature psychologique. Ils ont demandé l’intervention d’un chercheur en psychologie pour obtenir un complément d’information.
Au cours du temps fort 2 (« Analyse des difficultés et recherches des causes par l’enquête de terrain »), les étudiants ont engagé une enquête sur le terrain. Ils ont cherché à savoir comment les acteurs s’emparaient de cette diversité de normes pour partager des informations à caractère secret entre eux. Ils ont formulé une hypothèse de recherche à vérifier sur le terrain : « il est plus facile de partager des informations entre professions qui ont les mêmes codes/normes ». C’est ainsi que des questionnaires ont été adressés et des entretiens menés auprès de patients, médecins, travailleurs sociaux, assistantes sociales, associations de soutien, etc.
Au cours du temps fort 3 (« Détermination du problème juridique et formulation des recommandations »), à partir de l’ensemble des résultats de la recherche et des difficultés juridiques recensées, c’est le problème juridique de l’incertitude des contours du partage d’informations à caractère secret qui a été identifié. Les étudiants l’ont formulé de la manière suivante : « quels sont les aspects juridiques qui posent problème à propos du partage entre professionnel d’informations couvertes par le secret dans le respect des règles déontologiques ? ». Ils ont ensuite mené un travail d’analyse des causes de cette difficulté, c’est-à-dire la construction des règles de déontologie par strates sous l’influence des ordres professionnels et l’évolution des métiers médicosociaux.
Le travail d’analyse a ainsi permis de formuler des recommandations visant à mieux appréhender la question du partage du secret par les professionnels. Dans l’objectif de formuler ces recommandations, les étudiants ont été amenés à opérer un classement des résultats à partir de trois catégories distinctes (cf. Média 2) :
À partir de ces analyses, les étudiants ont formulé des hypothèses de recommandations, notamment :
Enfin, ces hypothèses ont été éprouvées lors des discussions menées au cours de l’atelier de restitution et ont été en partie confirmées (il faut proposer une harmonisation des règles déontologiques) ou infirmées (trop complexe et inadapté à toutes les professions, proposition de création d’une liste commune minimale d’informations que les professionnels de santé peuvent tous partager).
Frise de l’enseignement ( 2)21
Lexique destiné aux étudiants participant à un projet de Recherche en actions
Experts/chercheurs : ce sont les personnes que vous allez contacter et qui vous apporteront des compléments d’informations théoriques pour votre Recherche en actions (séance 3).
Interventions : ce sont des sessions de formation, apportant un complément d’information théorique, qui prendront la forme de discussions interactives avec les experts/chercheurs sur l’un des aspects de votre thème de Recherche en actions (séance 4).
Acteurs de terrain : ce sont des professionnels et des personnes de la société civile avec qui vous allez échanger durant votre enquête de terrain, grâce à des entretiens et des questionnaires (séance 5 et phase d’enquête).
Atelier de restitution : c’est l’étape finale de votre Recherche en actions. Vous allez inviter toutes les personnes qui ont participé au projet (experts/chercheurs et acteurs de terrain) ainsi que l’équipe pédagogique du master, celle de la Clinique du droit et les étudiants de votre promotion. D’autres invitations peuvent être adressées à des personnes susceptibles d’être intéressées par le thème (séance 10).
Exemple des étapes d’une Recherche en actions
Il est possible d’illustrer ce cheminement par un exemple, tiré d’une expérience passée, d’étudiants ayant travaillé sur le partage d’informations couvertes par le secret professionnel dans le secteur médico-social (master 2 Droit des personnes et des familles, 2019-2020) ( Document 1)22.
Lors de la séance « Découverte et immersion » (séance 2), les étudiants ont formulé un ensemble de questions liées au thème de la recherche :
Les recherches opérées pour le contexte thématique (séances 2 à 3) ont permis d’approfondir les questions suivantes :
En analysant les résultats de ces recherches, les étudiants se sont aperçus que certaines professions disposaient de codes de déontologie propres et se sont donc intéressés à leur valeur et à leur contenu en fonction des professions concernées (ex. : aide à domicile, pas de code).
À l’issue des recherches, les étudiants ont alors identifié une difficulté : la disparité des normes entre professions qui sont pourtant confrontées à un même public, aux mêmes patients. Les étudiants ont constaté que les professions médico-sociales ne se réfèrent pas aux mêmes normes en matière de secret professionnel et partagent différemment les informations à caractère secret.
C’est ainsi que le sujet de la recherche est devenu le secret partagé (séance 3).
Les étudiants ont alors identifié qu’il manquait notamment, dans les recherches effectuées pour étudier le contexte thématique, des précisions de nature psychologique. Ils ont demandé l’intervention d’un chercheur en psychologie pour obtenir un complément d’information (séance 4).
Au cours de la phase d’enquête de terrain, les étudiants ont cherché à savoir comment les acteurs s’emparaient de cette diversité de normes pour partager des informations à caractère secret entre eux. Ils ont formulé des hypothèses de recherche à vérifier sur le terrain (préparation du temps fort 2) : il est plus facile de partager des informations entre professions qui ont les mêmes codes/normes. C’est ainsi que des questionnaires et des entretiens ont été menés auprès de patients, médecins, travailleurs sociaux, assistantes sociales, associations de soutien, etc. (séance 5).
À partir de l’ensemble des résultats de la recherche et des difficultés juridiques recensées (séance 6), c’est le problème juridique de l’incertitude des contours du partage d’informations à caractère secret qui a été identifié (séance 7), formulé de la manière suivante : quels sont les aspects juridiques qui posent problème à propos du partage entre professionnel d’informations couvertes par le secret dans le respect des règles déontologiques ?
Les étudiants ont ensuite mené un travail d’analyse des causes de cette difficulté (séance 7) : construction des règles de déontologie par strates, avec une influence des ordres professionnels, évolution des métiers médicosociaux (développement récent de l’aide à domicile), etc.
Le travail d’analyse a ainsi permis de formuler des recommandations visant à mieux appréhender la question du partage du secret par les professionnels.
Dans l’objectif de formuler ces recommandations, les étudiants ont été amenés à opérer un classement des résultats à partir de trois catégories distinctes :
– confondent souvent le partage d’informations et la révélation d’informations à caractère secret,
– ne connaissent pas/ou mal les règles relatives au partage d’information à caractère secret (qui peut partager, avec qui, quand faut-il partager, comment faut-il partager ?).
À partir de ces analyses, les étudiants ont formulé des hypothèses de recommandations (séance 8), notamment :
Enfin, ces hypothèses ont été éprouvées lors des discussions menées au cours de l’atelier de restitution (séance 8) et ont été en partie confirmées (il faut proposer une harmonisation des règles déontologiques) ou infirmées (trop complexe et inadapté à toutes les professions, proposition de création d’une liste commune minimale d’informations que les professionnels de santé peuvent tous partager).
Qu’elles aient été infirmées ou confirmées, les hypothèses pouvaient devenir de véritables recommandations et être reprises et appliquées par les acteurs du monde socioprofessionnel23.
Frise de l’enseignement
L’utilisation d’une frise permet d’avoir une vision d’ensemble de l’enseignement, de se situer dans la chronologie et de centraliser les ressources en fonction des étapes.
Objectifs pédagogiques
Élaborer un rapport à l’attention du monde socio-économique qui intègre la contextualisation pluridisciplinaire d’une question de société, l’identification de problèmes juridiques et extra-juridiques, l’identification des causes des problèmes et les recommandations formulées par les étudiants.
Renforcer les liens entre l’enseignement et le monde socio-économique.
Traiter un sujet juridique issu d’une réalité sociale en groupe en alliant recherches théoriques et recherches de terrain afin de répondre aux besoins de la société.
Objectifs pédagogiques
L’enseignement Recherche en actions répond à trois grands objectifs pédagogiques qui méritent quelques mots de commentaire.
Le premier objectif consiste à renforcer les liens entre l’enseignement et le monde socio-économique. Cet objectif est inhérent à tout enseignement clinique du fait de son ancrage dans une situation authentique. Dès l’origine, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit de Bordeaux a pressenti le besoin de connecter les étudiants à la réalité socioprofessionnelle dans un objectif de professionnalisation. Cela répondait, d’une manière plus générale, à une volonté de s’inscrire dans la politique d’établissement de l’université de Bordeaux et dans la politique nationale de l’enseignement supérieur en France qui cherchent à s’ouvrir sur le monde socio-économique24.
Cet objectif a été poursuivi de différentes manières. Lors d’une Recherche en actions consacrée au mal-logement, des étudiants ont par exemple pu interroger les habitants de quartier et les acteurs du secteur de l’habitation à loyers modérés. Dans le cadre d’une recherche menée sur le travail des cadres, d’autres étudiants ont rencontré et travaillé avec des représentants d’organisations syndicales et d’organisations professionnelles, avec des agents de l’administration du travail, avec des personnels de services de ressources humaines ( Document 20)25.
Les étudiants et les organismes demandeurs sont très friands de ces collaborations. Les premiers perçoivent immédiatement l’intérêt de cette démarche pour eux, aussi bien en termes de constitution d’un réseau professionnel, qu’en raison de la montée en compétences transversales que cela induit. Les seconds accueillent toujours les étudiants de façon très bienveillante et les conduisent, de façon informelle, à développer ces compétences transversales.
Le deuxième objectif consiste à traiter un sujet juridique issu d’une réalité sociale. Cet objectif est au cœur de l’intérêt de faire travailler les étudiants à partir d’une situation authentique : le thème sur lequel ils engagent la recherche vient du terrain, de la société, alors que les étudiants d’un point de vue juridique devront toutefois aborder les difficultés et questions qui s’en élèvent. Les étudiants réalisent ainsi qu’un problème n’est jamais uniquement de nature juridique et que toutes les difficultés qu’il soulève ne peuvent recevoir que des réponses juridiques. L’étudiant acquiert ainsi un « réflexe pluridisciplinaire » qui lui sera indispensable dans l’exercice des métiers du droit où les réponses ne sont pas non plus toujours strictement juridiques.
La Clinique du droit de Bordeaux a pu, dans cet objectif, s’appuyer sur d’autres expériences comme celles de la Clinique océan de l’université du Pays Basque (UPV), ou celles menées dans d’autres cliniques thématiques à travers le monde26. La clinique océan de l’UPV avait poussé très loin cette logique puisque les étudiants avaient la charge de rechercher eux-mêmes la thématique traitée alors que les étudiants bordelais travaillent sur un thème apporté par la société ( Document 21)27. Il est en effet difficile, dans le cadre de la Clinique du droit de Bordeaux, d’attendre des étudiants qu’ils identifient eux-mêmes le thème de recherche pour des raisons de temporalité. Cela nécessiterait au moins trois années, une année pour rechercher les thèmes potentiels, une année pour convaincre le monde socio-économique de l’intérêt de ce thème et une dernière année pour mener la recherche. L’organisation des études en master, sur deux années, est un véritable obstacle à la mise en œuvre d’une telle ambition. L’idée n’est malgré tout pas abandonnée et il pourrait être envisagé à l’avenir de tendre des ponts entre l’enseignement Recherche en actions et des enseignements cliniques en licence grâce au projet « LIER »28. Ce projet vise à faire travailler des étudiants de licence (de toutes les disciplines) sur l’identification de problématiques sociétales sur le campus, lequel serait en quelque sorte entendu comme une « micro-société ». Les étudiants de master pourront peut-être un jour se saisir de thèmes identifiés antérieurement par des étudiants de licence et y consacrer des recherches dans le cadre d’un public plus vaste, à l’échelle de la société.
Cet objectif n’est pas toujours facile à atteindre. Il est en effet parfois délicat pour les étudiants de s’acculturer à ce type de raisonnement, cela pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’ils conservent longtemps une approche très « scolaire » de l’enseignement Recherches en actions. Ils éprouvent, par exemple, d’importantes difficultés à faire le tri, dans les éléments de contexte thématique obtenus lors du temps fort 1 consacré à la recherche documentaire, entre ceux qui peuvent leur être utiles et ceux qui ne serviront pas, comme s’ils ne pouvaient faire le deuil de résultats de recherche infructueux. À cela s’ajoute que tous ne s’éveillent pas simultanément à cette ouverture sur la société et sur le besoin qu’éprouve le juriste de s’intéresser à d’autres sciences. Ensuite, il n’est pas toujours évident de les faire sortir du silo disciplinaire dans lequel les études universitaires les ont souvent placés. Les habitudes de travail au cours de leurs études les entravent face à la nécessité de s’abstraire d’une vision panjuridique des problématiques sociétales. Il y a encore parfois des manques criant de maturité chez de jeunes étudiants qui découvrent la réalité sociale tout en étant perclus de préjugés. Par exemple, des étudiants ayant travaillé sur le thème de la transidentité chez les mineurs soutenaient, par a priori, que des mineurs devraient être en mesure de changer de sexe très simplement et sans l’autorisation des parents. Ce type de préjugés et a priori sont fréquents, les étudiants peuvent sans s’en rendre compte prendre une posture militante sans véritable fondement, sans prendre en considération les contraintes sociétales et juridiques que leurs appréciations péremptoires viennent percuter. Au cours de l’année et de l’avancement de l’enseignement, les résultats se font toutefois ressentir et les étudiants réalisent l’ampleur de l’implantation sociale, de l’environnement et du contexte du problème traité. On conçoit donc que cette prise de conscience nécessite du temps et que la durée annuelle ou bisannuelle de l’enseignement n’est pas superflue.
Le troisième objectif consiste à élaborer un rapport à l’attention du monde socio-économique. Il s’agit sans doute là d’un objectif plus technique et méthodologique. Les étudiants travaillent en équipe, apprennent à s’organiser et développent des compétences de gestion de projet. Les étudiants perfectionnent leurs capacités à rédiger et à transmettre leurs résultats et leurs idées par écrit, à articuler les données des différentes disciplines malgré le fait qu’ils n’en soient pas des spécialistes.
La rédaction de recommandations est essentielle dans ce processus. Une fois en situation professionnelle, il ne sera pas seulement attendu des diplômés d’être capable de dresser un état de l’art sur la question dont ils seront saisis, mais d’être capables de formuler des propositions. Le niveau d’expertise dans une profession dépend étroitement de cette capacité à proposer, sachant que les métiers du droit sont dans la plupart des cas des métiers de conseil, qui impliquent donc un positionnement. Tous les étudiants ne parviennent pas à développer cette capacité de la même façon et dans les mêmes temporalités, sans que les raisons de ces inégalités puissent être facilement identifiables. Tous parviennent généralement à comprendre l’objectif et à formuler des recommandations, mais tous ne réussissent pas à délivrer des recommandations pertinentes.
Objectifs sociaux
Objectifs sociaux
L’enseignement Recherche en actions répond à quatre objectifs sociaux qui méritent eux aussi quelques mots de commentaire.
Premier objectif, la Recherche en actions doit permettre au monde socio-économique de transmettre des problématiques sociétales au monde universitaire. Il s’agit, à l’échelle des étudiants, de faire de la science avec et pour la société29. Cet objectif reste en perpétuelle construction car il dépend étroitement des capacités de la Clinique du droit et des membres de l’équipe pédagogique à étendre leurs réseaux dans le monde socio-économique. C’est là un des enjeux des collaborations avec le Département « Droit et transformations sociales » de l’Université de Bordeaux30 afin de connecter ce réseau à celui des chercheurs de l’université. Une autre piste d’amélioration, qui commence à être exploitée, consiste à accentuer une politique de réseau alumni, de conserver des liens avec les anciens étudiants de la Clinique du droit aujourd’hui professionnels du droit.
Deuxième objectif, l’enseignement Recherche en actions vise à donner aux acteurs de la société la possibilité de participer à l’apprentissage des étudiants de l’université. La société n’apporte donc pas seulement ses problématiques à l’université, mais ses membres vont s’engager dans la formation des étudiants. La place des acteurs du monde socio-économique dans la formation ne doit pas être confondue avec celle de l’enseignant-chercheur. Ces acteurs doivent apporter leur expérience et leur connaissance du terrain avec une casquette professionnelle et non académique. Le contexte est donc fort différent de celui dans lequel des professionnels interviennent dans un enseignement classique, le modèle le plus avancé étant sans doute celui des professeurs et maîtres de conférences associés. Le professionnel mobilisé pour une Recherche en actions est, comme les étudiants, immergé dans la situation authentique. Il ne donne donc pas un point de vue général et abstrait, mais ses apports sont contextualisés et personnalisés.
Troisième objectif, réciproque du précédent, la Recherche en actions permet aux acteurs du monde socio-économique de bénéficier du travail universitaire. D’abord parce qu’ils ont là l’occasion de former de futurs collaborateurs, qu’ils peuvent acculturer au monde qui les attend. Ensuite, l’intégration à cette recherche par nature collective leur offre l’opportunité d’apprendre des étudiants bien sûr qui apportent leurs connaissances académiques, mais aussi des autres professionnels d’autres disciplines ou métiers qui ont nécessairement développé des approches alternatives du thème de recherche. L’association à un travail de recherches en action leur donne la possibilité de réfléchir, de prendre du recul sur leurs propres pratiques dans le cadre du thème puisque, pour répondre aux étudiants, il leur est indispensable de réfléchir, de conceptualiser, de prendre un peu de distance avec leur activité.
Quatrième objectif, les travaux étudiants peuvent conduire à modifier des pratiques dans le monde socio-économique. Les acteurs du monde socio-économique peuvent en effet tirer profit des résultats de la recherche et notamment des recommandations formulées par les étudiants, dont la qualité est garantie par les méthodologies et l’intégrité scientifique qui cadrent l’enseignement. Les résultats de la recherche restent certes un peu aléatoires, en fonction de la qualité des travaux et du réalisme des recommandations, mais il y a toujours quelque chose à prendre dans ces résultats, le bénéfice n’est jamais nul. À l’opposé, ces recommandations peuvent parfois conduire à des changements de pratiques professionnelles. Par exemple, lors d’une recherche menée sur l’ordonnance de protection dans le cadre des violences conjugales, le travail des étudiants a servi de révélateurs auprès de magistrats du tribunal judiciaire de Bordeaux qui ont impulsé des changements de politiques jurisprudentielles aboutissant à un recours nettement accru de cette procédure.
Travaux produits
Les étudiants doivent rédiger un rapport de recherche à destination des acteurs du monde socio-économique. Ce rapport reprend l’ensemble des réflexions liées au sujet, les méthodologies employées, les informations recueillies sur le terrain, leur analyse et les recommandations que les étudiants proposent au regard de la problématique initialement énoncée. Ce rapport de recherche est présenté lors d’un atelier public de restitution, qui permet d’avoir une rétroaction sur le travail de recherche, et qui est organisé et géré par les étudiants. Le rapport validé par l’enseignant-chercheur responsable de la recherche et par l’équipe pédagogique de la Clinique du droit est publié sur le site internet de la Clinique du droit. Les résultats de cette recherche peuvent également servir de point de départ à des activités de recherches dans le cadre de projets pluridisciplinaires portés par des laboratoires de recherche universitaires.
Travaux produits
Les étudiants produisent principalement deux types de travaux : un atelier de restitution et un rapport de recherche.
Atelier de restitution
L’atelier de restitution est un moment privilégié de la Recherche en actions. À cette occasion en effet, toutes les parties prenantes à la situation authentique (les étudiants, l’équipe pédagogique et les acteurs du monde socio-économique) se retrouvent autour de cette situation authentique et du sujet qui s’en est extrait. L’atelier est l’occasion d’un échange, d’un « dialogue tripartite ».
L’atelier de restitution a beaucoup évolué dans sa forme et son organisation depuis les premières expériences de Recherche en actions. Dans les premières années, une très large autonomie était laissée aux étudiants. En manque de repères, ils cherchaient systématiquement à se raccrocher à des schémas mieux connus et les ateliers prenaient les allures de « colloques », sachant que les étudiants apprécient le décorum des colloques, l’organisation un peu solennelle, la tenue d’un cocktail, l’élaboration d’affiches. Il est bien connu du monde de la recherche que certains de ces aspects sont importants dans une optique de constitution de réseaux. Pour autant, ce format n’était guère approprié à la restitution d’un travail étudiant. Il est ainsi arrivé que les étudiants constituent des chaires trop fournies, où les intervenants ne pouvaient bénéficier de temps suffisant pour s’exprimer. À l’inverse, certains ateliers n’ont réuni que deux discutants, le phénomène ayant il est vrai été exacerbé par les consignes sanitaires durant la pandémie. Le format « colloque » présente surtout l’inconvénient de ne pas suffisamment faire la place aux interactions, ne permet pas d’entendre suffisamment de voix ou de propos différents, n’est pas le modèle le mieux approprié à l’échange.
Avec l’expérience, l’équipe pédagogique a choisi de diriger les étudiants vers une organisation plus modeste, en réalisant un travail important sur les rôles attribués à chacun des étudiants. Un entraînement est généralement organisé et il a pu être constaté que cette étape était essentielle. Avec les conseils de l’équipe pédagogique délivrés pendant cet entraînement, la séance réelle gagne notablement en qualité. Cela implique toutefois la capacité de l’équipe pédagogique à investir le temps nécessaire à cet entraînement.
L’organisation de l’atelier doit être très bien préparée et implique, par exemple, des invitations nominatives et des efforts de communication. L’équipe pédagogique du diplôme (et non seulement les enseignants-chercheurs ayant encadré l’enseignement) doit y être invitée, mais cette équipe doit prendre soin de ne pas adopter de postures dogmatiques, de ne pas chercher à « faire la leçon » aux étudiants et aux professionnels. Cela participe de la logique de changement de posture de l’enseignant qui est là en appui, pour nourrir les débats et non pour transmettre un savoir. Mais l’équipe pédagogique peut également avoir à jouer un rôle d’ajustement face à des professionnels que les étudiants n’arrivent pas à gérer et qui adoptent des postures très militantes, non juridiques ou totalement déconnectées du droit. L’équipe pédagogique peut enfin jouer un rôle de protection des étudiants. Aucune question piège n’est jamais posée aux étudiants durant ces ateliers, mais des questions délicates peuvent parfois être soulevées. L’équipe doit alors assumer ce rôle de soutien aux étudiants lorsque les réponses à apporter les dépassent.
Compte tenu de la temporalité de l’atelier qui est généralement organisé au mois de juin, il n’est pas toujours possible de débriefer les étudiants ce qui est regrettable. L’organisation d’un retour collectif sur cette expérience et, d’une manière générale, sur l’ensemble de l’enseignement permettrait de faire prendre conscience aux étudiants, dans une approche réflexive, des compétences que la Recherche en actions leur a permis de développer.
Rapport de recherche
La rédaction d’un rapport de Recherche en actions est bien différente de celle d’un mémoire de recherche individuel bien connu dans l’enseignement du droit31. Les mémoires de recherche sont rédigés à partir d’un sujet proposé par un enseignant, sont le résultat d’une recherche individuelle quasi exclusivement disciplinaire et le plus souvent théorique. Le rapport doit être élaboré en groupe en s’appuyant sur les méthodes de la recherche collective, ce qui signifie que le rapport ne doit en aucun cas être une collection de productions individuelles. Il y a toutefois quelques liens de parenté entre ce rapport et les mémoires de recherches individuels puisque les canons académiques de la recherche scientifique doivent être respectés pour l’un comme pour l’autre.
Le rapport comporte deux parties. La première est un peu descriptive et dresse le panorama, le contexte pluridisciplinaire du thème de recherche. La seconde est plus analytique et héberge l’analyse des difficultés soulevées et les recommandations formulées par les étudiants. Autant la première partie doit nécessairement contextualiser bien au-delà du domaine juridique, autant il y a toujours un risque que la seconde partie ne soit au contraire pas suffisamment juridique. Les étudiants en droit sont capables d’investiguer dans d’autres disciplines pour mieux comprendre la problématique juridique traitée, mais ne sont pas armés pour mener une analyse économique, sociologique, médicale ou de toute autre nature que celle relevant du domaine juridique.
Dans la deuxième partie, deux types de structuration ont été testés : il est possible d’élaborer un plan à partir des causes du problème juridique soulevé ou à partir des recommandations formulées. L’enseignant-chercheur joue ici un rôle important pour aiguiller les étudiants vers le choix avec lequel ils se sentent le plus à l’aise, sans dogmatisme mais avec pragmatisme.
La rédaction du rapport pose toute une série de questions. Il est indispensable que le rapport de recherche soit repris et complété après l’atelier de restitution en y intégrant les retours formulés par les acteurs lors de l’atelier. D’un point de vue temporel, cela n’est pas toujours possible, d’abord parce que l’atelier a généralement lieu en toute fin d’année universitaire, ensuite parce que les étudiants ont le plus souvent le sentiment que le travail est terminé une fois le rapport remis. Cela fait à nouveau écho avec la posture des étudiants qui raisonnent comme s’ils remettaient un « devoir » classique à l’enseignant alors que les objectifs sociaux de l’enseignement exigent que le travail produit soit livrable à la société. Le rapport est destiné à recevoir publicité, a minima par l’intermédiaire d’une publication sur le site internet de la Clinique du droit. Il ne peut toutefois être rendu public qu’avec l’aval de l’enseignant-chercheur, ce que celui-ci ne peut pas toujours faire si les étudiants se désinvestissent trop tôt. Par ailleurs, le rapport implique un travail de relecture très imposant à l’enseignant-chercheur qui endosse lui aussi une part de responsabilité à l’égard de la société.
Il ne faut toutefois jamais perdre de vue que le rapport reste un travail étudiant dont la qualité intrinsèque varie sensiblement de l’un à l’autre. Outre des considérations éthiques, cela explique aussi pourquoi il n’est pas envisageable de monétiser le travail mené par les étudiants dans le cadre d’une Recherche en actions.
Déroulement détaillé des séances
Informations préalables
Il convient au préalable de réunir une équipe pédagogique pour encadrer le projet, qui sera composée a minima d’un enseignant-chercheur, en lien avec l’équipe pédagogique de la Clinique du droit. Cette dernière accompagne la gestion du projet (méthodologie, mise à disposition d’outils, formation des enseignants) par trois séances au minimum (une réunion préparatoire, une réunion d’ajustement, une réunion bilan).
Il est possible de réunir une équipe pédagogique plus large (enseignants-chercheurs et professionnels). Il convient de bien fixer préalablement les rôles de chaque membre de l’équipe pédagogique (quel rôle dans l’accompagnement ? Quelle articulation entre les différents membres de l’équipe pédagogique ? Quel accompagnement de l’équipe pédagogique de la Clinique du droit ?). Dans tous les cas, les membres de l’équipe pédagogique seront notifiés par courriel dès que des travaux seront déposés par les étudiants sur le Moodle dédié ()32.
La Recherche en actions implique tout d’abord nécessairement des universitaires non-juristes qui apportent le complément interstitiel aux aspects juridiques de la thématique. Il peut s’agir également de membres des professions juridiques et judiciaires ou de toute autre profession en lien avec le thème de l’étude (médecins, psychologues, forces de l’ordre, biologistes, géographes, économistes, philosophes, etc.). Lors des échanges entre les étudiants et les acteurs de la société, il convient de mentionner systématiquement que l’enseignement est proposé par la Clinique du droit de l’université de Bordeaux.
À titre préalable, pour faciliter la communication, il est nécessaire que les étudiants utilisent soit une boîte de courrier électronique fonctionnelle commune, soit une adresse de courriel commune créée à cet effet.
Un espace Moodle spécifiquement dédié au projet est ouvert sur la plateforme de formation de l’université. Il comprend la méthode (objectif des séances, travail à faire en vue de la suivante) et permet que le dépôt de tous les documents de travail et leur accessibilité pour les étudiants et les membres de l’équipe pédagogique.
Une section cachée des étudiants est mise à disposition de l’équipe pédagogique pour que celle-ci puisse y prendre des notes (compte rendu des séances, points essentiels, rétroplanning, problèmes rencontrés par les étudiants, etc.).
Une boîte à outils comportant un certain nombre de ressources pédagogiques est mise à disposition des étudiants ( Document 2)33.
Chaque réunion (avec l’équipe pédagogique ou les étudiants entre eux) doit faire l’objet d’un compte rendu (daté dans l’intitulé du fichier ; ex. Recherche en actions master DPF 15/07/2019) réalisé par les étudiants, comprenant les points développés, les conseils apportés, le travail d’inter-séance prévu, les difficultés éventuelles rencontrées. Les comptes rendus sont insérés dans l’espace Moodle dédié.
Une vigilance particulière doit être apportée à la gestion et la régulation du travail de groupe (aspects organisationnels, relationnels, équilibre de l’investissement de l’ensemble des membres du groupe). L’équipe pédagogique doit rester attentive et disponible pour accompagner les étudiants dans la résolution des difficultés liées au travail de groupe.
Déroulement détaillé des séances
Informations préalables
L’équipe pédagogique est constituée d’un ou de deux enseignants-chercheurs auxquels s’ajoute l’équipe de la Clinique du droit.
La présence de deux enseignants-chercheurs est confortable. Cela permet en effet de se relayer et aussi une certaine complémentarité dans l’accompagnement puisque chaque enseignant-chercheur a des sensibilités et des approches différentes de la discipline juridique. Il est également souvent arrivé qu’un duo d’enseignant-chercheur soit constitué dans un objectif de formation de formateurs : un enseignant expérimenté dans l’enseignement accompagne un enseignant qui s’en saisit pour la première fois.
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit joue un rôle plus distant. Elle assume d’abord une fonction de garantie des règles d’éthique et d’intégrité scientifique au regard du choix du thème. Elle met ensuite son réseau à la disposition des enseignants-chercheurs et des étudiants qui suivent un parcours de Recherche en actions. Elle peut encore apporter un support d’ordre administratif, en faisant le lien avec les services de scolarité, le service des congrès ou de la communication. Dans le même ordre d’idée, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit de Bordeaux se charge de présenter l’enseignement aux étudiants en début d’année universitaire et créée l’espace Moodle nécessaire au suivi de l’enseignement.
Une difficulté est parfois apparue quant aux limites des interventions de l’équipe de la Clinique qui ne peut se démultiplier et participer à toutes les séances de Recherche en actions. Il doit impérativement y avoir un accompagnement la première année qu’un enseignant-chercheur se saisit de l’enseignement, plus particulièrement sur certaines séances (par ex. sur l’enquête de terrain). Le développement de la Recherche en actions dans de nombreux parcours nécessite cependant qu’à moyen terme, les enseignants soient en mesure d’assurer seuls l’encadrement de cet enseignement, étant observé que l’équipe de la Clinique n’a pas vocation à encadrer des étudiants.
Il est également arrivé que l’équipe pédagogique de la Clinique du droit soit contrainte de suppléer une équipe pédagogique défaillante. Cela ne peut être une bonne solution, mais il n’était pas non plus envisageable de les abandonner au risque qu’ils se détachent de l’enseignement clinique que l’on cherche à promouvoir et développer. L’équipe de la Clinique du droit manque de bras… Il y a un enjeu de développement de cette méthode, plébiscitée par les équipes, mais le plan de charge de la Clinique est déjà très contraint. Cela d’autant que l’on propose un catalogue avec des adaptations (licence LIER, licence pro, un an ou deux ans, etc.).
La séance 1 – Préliminaire à la recherche (1h30)
Le thème (ou le sujet dans le cas d’une demande précise du monde socio-économique) a été préalablement déterminé en collaboration avec l’équipe pédagogique de la Clinique du droit pour le jour de la rentrée du master.
L’enseignant-chercheur qui accompagne le projet de Recherche en actions a pris connaissance de l’ensemble des éléments liés à la méthodologie de l’enseignement avant la séance 1.
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit assure un accompagnement pour que l’enseignant-chercheur se saisisse facilement de la méthodologie et des outils associés au projet.
Un temps de présentation de l’espace Moodle dédié et de la boîte à outils doit être prévu (vidéo pédagogique [cf. Média 1], méthodes et outils pour le travail de groupe ( Document 3)34, recherches documentaires ( Document 4)35 et rédaction des références bibliographiques ( Document 5)36, communication avec les différents types d’acteurs impliqués dans la recherche ( Document 6)37, organisation et gestion d’un évènement public ( Document 7)38, catalogue des locaux de l’université de Bordeaux ( Document 8)39, rapports de recherche des années précédentes etc.).
Au cours de cette séance, il convient de fixer la date de l’atelier de restitution des résultats et de réserver un amphithéâtre (à insérer sur l’emploi du temps des étudiants –information de l’équipe pédagogique du master). La date choisie sert de point de départ pour élaborer un rétroplanning et fixer les dates des différentes séances.
Il convient également de présenter et d’attribuer aux étudiants les différents rôles spécifiques à la bonne gestion et au bon fonctionnement du projet de recherche. Les étudiants doivent se répartir en petit groupe (3 ou 4 étudiants) et se positionner sur une des cartes de rôles en assumant conjointement les responsabilités liées et ce sur l’ensemble du projet de recherche ( Document 9)40.
La méthode d’évaluation de cet enseignement doit également être expliquée aux étudiants lors de cette séance ( Document 10)41.
À l’issue de cette séance préliminaire, les étudiants devront se familiariser avec le projet, en lisant l’intégralité de la méthode, des ressources de la boîte à outils et en créant les outils nécessaires au travail collaboratif (adresse de courriel commun, espace de travail collaboratif, etc.).
La séance 1 – Préliminaire à la recherche
Comme pour de nombreux enseignements dispensés à la Clinique du droit, les étudiants qui y sont confrontés sont souvent désorientés et déstabilisés en raison des changements importants que ces méthodes impliquent par rapport aux enseignements qu’ils ont jusqu’alors suivis. Ils éprouvent des difficultés à percevoir quel temps sera nécessaire pour réaliser le travail, quels sont les efforts et le travail nécessaire pour le mener à bien. Les étudiants expriment souvent, en début d’année, que la méthode leur paraît abstraite.
Il est donc indispensable de leur donner dès le départ une vue globale sur cet enseignement au long cours (cf. 2). Comme toutes les autres méthodes, la méthode de la Recherche en actions est construite selon un principe de « pas à pas », ce qui doit impérativement être compris par les étudiants et par l’équipe pédagogique qui s’en saisit.
Par ailleurs, les Recherches en actions menées depuis quelques années ont toutes montré que les étudiants n’utilisent pas suffisamment les outils mis à leur disposition, qu’ils mobilisent de façon circonstancielle, ponctuelle et parcellaire. Alors qu’ils sont censés en prendre connaissance après cette séance de présentation préliminaire, on s’aperçoit au cours de l’année que cela n’a pas toujours été le cas. Cette séance est donc essentielle pour tenter de faire prendre conscience aux étudiants de la richesse des matériaux pédagogiques conçus et mis à leur disposition ()42.
La séance 2 – Découverte et immersion (entre 2h et 3h)
Pour permettre la découverte du contexte thématique, il convient de trouver une « porte d’entrée » pas forcément juridique, originale et ludique du sujet pour assurer un « brainstorming » dynamique (cas pratique, vidéos, articles, jeux de rôles ou jeux sérieux, intervention d’un témoin, etc.). Afin de préparer la séance au mieux, les enseignants-chercheurs doivent formuler les pistes de sujet de recherche qui sont envisageables. Ils pourront être aidés sur demande par l’équipe pédagogique de la Clinique du droit pour déterminer cette « porte d’entrée » originale en cohérence avec les pistes de sujet identifiées.
Cette découverte se poursuit par un brainstorming avec l’équipe pédagogique pour déterminer une première série de questions auxquelles les étudiants commencent à chercher des réponses pour la séance suivante. Ce travail doit être abordé par les étudiants sous un angle pluridisciplinaire tout en faisant le lien avec le droit (aspects sociologiques, démographiques et statistiques, économiques, philosophiques, politiques…). À partir de ces questions, des axes de recherche sont déterminés et répartis entre sous-groupes d’étudiants qui effectuent des recherches pluridisciplinaires pour la séance suivante. Ce travail de contextualisation thématique amorce la délimitation du sujet par les étudiants.
À cette étape, comme tout au long de la recherche, des intuitions de recommandations peuvent émerger spontanément. Quoique souvent prématurées et trop subjectives, elles ne doivent pas pour autant être écartées, mais doivent être reconnues comme étant seulement des hypothèses (et non des faits que les étudiants pourront vérifier ou infirmer au cours de l’affinement des recherches).
La conclusion de la séance permet d’énoncer clairement les axes de recherche à explorer pour la séance suivante.
Les étudiants se répartissent en sous-groupes et commencent un travail de recherche thématique permettant d’apporter des réponses aux questions identifiées (environnement socio-économique, psychologique, politique, philosophique, etc.). Il est en revanche préférable qu’ils travaillent en groupe complet pour la recherche de réponses aux questions d’ordre juridique, qui constitueront le cœur de la problématisation du sujet et des recommandations produites dans le rapport. Chacune des réponses identifiées doit amener les étudiants à formuler des hypothèses de difficultés (juridiques ou non) que pose le thème.
Au cours des recherches thématiques, les étudiants doivent veiller à conserver toutes les sources pour être en mesure d’en insérer les références dans le rapport de recherche (en notes de bas de page et en bibliographie, cf. Document 4). Les recherches doivent conduire à une appréciation de la valeur de chaque source (attention notamment aux articles ou sites de vulgarisation sur internet ; les sources doivent demeurer très fiables afin de conserver le caractère scientifique des résultats produits).
Ils doivent également mener une première réflexion sur la stratégie d’organisation du travail en groupe qu’ils souhaitent mettre en place (cf. Document 3).
Une fois les recherches du contexte thématique réalisées, chaque sous-groupe doit préparer une synthèse orale pour la séance suivante (séance 3). Les éléments permettant la préparation de cette synthèse, ainsi que la bibliographie sur laquelle les recherches s’appuient, doivent être déposés sur le Moodle dédié au projet afin que l’ensemble des étudiants et l’équipe pédagogique puissent en prendre connaissance préalablement à la séance 3.
La séance 2 – Découverte et immersion
Il est important que les étudiants n’entrent pas dans le thème par une porte disciplinaire et académique. En effet, l’objectif est qu’ils aient dès le départ une vision dépassant les aspects juridiques relatifs au thème et que la première séance présente un caractère original pour les accrocher. Si cette séance implique l’intervention d’un tiers, un échange préalable est indispensable pour lui présenter les objectifs, pour qu’il n’adopte pas une posture juridique (ou exclusivement juridique) et que sa participation ne conduise pas à dévoiler le sujet pressenti aux étudiants.
L’accompagnement par l’équipe pédagogique pendant le brainstorming est un moment clé. Dès cette première séance de travail, l’enseignant est dans une posture différente. L’enseignant n’est pas là pour dire « c’est juste » ou « c’est faux », il n’a pas LA solution. L’enseignant guide et aide les étudiants à aller chercher, à percevoir, à réfléchir aux éléments qui s’élèvent de cette séance de découverte du thème. L’enseignant apporte également de l’aide au classement des éléments identifiés lors du brainstorming : les étudiants, classent, catégorisent et identifient des liens avec les grandes notions qu’ils connaissent. Pour ce brainstorming, l’usage du tableau ou d’un système de post-it paraît le plus approprié comme support au travail de catégorisation.
Cette méthode présente toutefois un risque, pour certains thèmes susceptibles d’avoir un fort impact psychologique, de personnalisation des débats. Certains étudiants peuvent involontairement s’identifier au sujet, ce qui fut par exemple le cas dans une recherche menée à propos des violences conjugales.
Le plus souvent, les axes de recherche identifiés par les étudiants à la fin de la séance sont distingués par disciplines (droit, économie, histoire, sociologie, philo, etc.), ce qui permet aux étudiants de se répartir par discipline et de ne pas multiplier les champs de recherche.
La séance 3 – Détermination du sujet (3h)
Les enseignants-chercheurs prennent connaissance sur le Moodle dédié au projet des premiers éléments rédigés par les étudiants, vérifient la fiabilité des sources utilisées et anticipent la détermination (ou l’affinement) du sujet. Ils y apportent les corrections nécessaires.
Les étudiants présentent de façon synthétique les résultats des premiers travaux de recherche thématique, les réponses apportées aux questions, les difficultés pressenties. Pendant ces présentations, les autres étudiants prennent des notes pour s’approprier l’ensemble des éléments présentés par leurs camarades. La séance est interactive, les éléments présentés sont ouverts à la discussion pour s’assurer de leur bonne compréhension et de leur assimilation par l’ensemble des étudiants.
Pendant la présentation, l’enseignant-chercheur prend soin de recenser dans un tableau l’ensemble des mots-clés qui lui semblent pertinents pour chaque axe de recherche. Ce tableau n’est révélé aux étudiants qu’après les présentations de l’ensemble des sous-groupes. Il permet à la promotion, si elle rencontre des difficultés, d’identifier et de formuler plus facilement le sujet de recherche.
À partir de ces premières recherches, les étudiants accompagnés de l’enseignant-chercheur commencent à faire le tri :
– entre les difficultés qui trouvent une résonance juridique parce que le droit est pressenti comme pouvant être une solution potentielle à la difficulté posée (par ex., si la volonté des personnes pose difficulté, il y a une résonance en termes de consentement),
– et celles qui, au moins en apparence, semblent relever d’autres sciences, parce que les étudiants juristes ne sont pas aptes à formuler des recommandations légitimes dans ces domaines (par ex. manque de moyens, problèmes d’ordre climatique, limites technologiques, etc.).
Petit à petit, à partir de ces différentes difficultés (et du tableau de mots-clés réalisé par l’enseignant-chercheur) émergent ce que l’on appelle les causes d’un problème qui constituera plus tard le problème juridique (une question centrale et globale qui appelle une réponse par la formulation de recommandations d’ordre juridique).
Il est important de relever que ce sont les difficultés qui se posent en pratique qui permettent de déterminer le problème juridique et donc d’affiner le sujet. À la suite de ce travail, le sujet de recherche sera définitivement déterminé, ce qui permet de délimiter l’étude (pour autant, la formulation de son intitulé pourra être retravaillée au cours de la recherche).
Les étudiants réalisent alors qu’il leur manque, au regard des éléments de contexte, certaines informations théoriques ou pratiques pour maîtriser davantage ce contexte.
À l’issue de ce travail, les étudiants identifient :
– des besoins de formations supplémentaires sur le fond. Ils formulent alors des demandes d’intervention d’experts/chercheurs généralement d’une autre discipline. C’est avec l’aide de l’équipe pédagogique que des contacts d’intervenants potentiels sont identifiés en vue d’une intervention lors de la séance 444.
– des besoins de formations aux outils méthodologiques d’enquête de terrain qui permettent d’approfondir les difficultés identifiées : entretiens, questionnaires, enquêtes, bibliographie, communication, etc. (séance 5).
Une fois ces demandes formulées, les éléments suivants doivent être affinés : étapes, calendrier, outils déterminés comme étant nécessaires (par exemple, questionnaires/entretiens, observations, répartition des rôles par équipe, etc.).
Les étudiants doivent réaliser puis déposer sur Moodle le compte rendu de la séance 3.
Après avoir pris connaissance du document de présentation de l’enquête de terrain ( 3)45 les étudiants doivent remplir et déposer sur Moodle le formulaire de préparation du temps fort 2 ( Document 12)46. Ce formulaire leur permet :
– d’établir la liste définitive des experts/chercheurs à contacter pour un complément de formation en déterminant précisément les informations recherchées (3 interventions maximum) ;
– d’élaborer un courriel de présentation du projet qui servira à contacter les experts/chercheurs intervenant pour la formation (cf. Document 6) ;
– de préparer la phase d’enquête de terrain en détaillant les principales interrogations que suscitent les difficultés identifiées, les types d’acteurs de la société qu’ils souhaitent interroger et les méthodes d’enquête envisagées.
Ce formulaire doit être consulté et validé par l’équipe pédagogique (enseignants-chercheurs et équipe pédagogique de la Clinique du droit). Les étudiants doivent ensuite organiser les séances d’intervention (contacter les intervenants choisis ; préparer des questions à l’attention de l’intervenant ; soumettre ces questions à l’enseignant-chercheur ; préparer un support de présentation du thème de recherche en se focalisant sur les difficultés qui les ont incités à choisir cet intervenant).
Une date doit être définie pour la séance 5 permettant de former les étudiants à la création et à l’utilisation des outils d’enquête.
Après avoir reçu confirmation de la part des experts/chercheurs, les étudiants doivent renseigner l’annuaire disponible sur Moodle. Cet annuaire de contacts doit être mis à jour tout au long du projet et transmis à l’équipe pédagogique de la Clinique du droit.
Enseignants-chercheurs
Les enseignants-chercheurs doivent prendre contact avec l’équipe pédagogique de la Clinique du droit afin d’être formés (si cela n’a pas été fait auparavant) aux méthodologies d’enquêtes de terrain ( Document 13)47 afin d’animer la séance 5.
Information préalable au temps fort 2 : Pour des raisons logistiques et en fonction des disponibilités des experts/chercheurs contactés, la séance 4 et la séance 5 peuvent s’intervertir.
La séance 3 – Détermination du sujet
Il est très compliqué de parvenir à mobiliser les étudiants pour qu’ils s’écoutent, qu’ils analysent ce qu’ils entendent des autres et qu’ils fassent le lien avec leurs propres recherches. Les étudiants sont souvent dans une posture d’exposant plutôt que de mise en commun. Ils ne parviennent souvent pas encore à construire un ensemble commun. Le rôle de l’enseignant est alors déterminant : il doit leur transmettre des clés permettant de créer ces interconnexions. Ce point de la méthodologie constitue d’ailleurs une piste d’amélioration de la méthode : il faudrait à l’avenir aller plus loin pour conceptualiser ce travail d’interconnexion dont les étudiants n’ont pas l’habitude et qui est souvent instinctif chez les enseignants-chercheurs.
Ce que la méthode dénomme « les causes d’un problème » a donné lieu à d’intenses discussions au sein de l’équipe de la Clinique du droit au cours de l’élaboration de l’enseignement. Il avait été distingué les causes et les conséquences d’un problème. S’agissant des causes du problème, certaines d’entre elles ne peuvent recevoir de réponses ou de recommandations d’ordre juridique. Par exemple, s’agissant du consentement à l’entrée en EHPAD, le coût très élevé de la prise en charge à domicile est une cause du problème, mais ne peut que difficilement recevoir de réponse d’ordre juridique. Au contraire, d’autres causes peuvent conduire à élaborer des solutions ou des recommandations de nature juridique. S’agissant des conséquences du problème, elles caractérisent les difficultés que les étudiants cherchent à surmonter en proposant des recommandations. Finalement, la notion de cause des problèmes a été abandonnée pour retenir celle plus accessible de justifications ou de raisons du problème.
Ces considérations théoriques sont très éloignées des préoccupations des étudiants. En leur faisant rechercher les éléments du contexte du thème au travers des différentes disciplines, ils identifient des causes sans le savoir et sans toujours en prendre conscience. L’identification de ces causes se fait de façon intuitive et conduit à la délimitation du sujet.
Cette séance conduit également à la détermination de besoins de formation. C’est l’une des manifestations, dans cette méthode, de l’autonomisation des étudiants qui sont ainsi rendus acteurs de la conception d’une part de leur formation. Dans cette optique, ce n’est plus seulement l’enseignant qui sait ce dont a besoin l’étudiant, mais également ce dernier qui exprime ce dont il a besoin. L’étudiant débute la détermination des besoins de formation dont il aura besoin tout au long de sa vie professionnelle.
La séance 4 – Intervention(s) d’expert(s)/chercheur(s) (1h30 à 2h)
L’enseignant-chercheur doit procéder à la relecture et à la correction du courriel de présentation préparé par les étudiants. Il peut, si les étudiants n’y parviennent pas seuls, les aider à trouver des contacts disponibles pour intervenir sur les thèmes choisis. Il peut également prendre l’attache de l’équipe pédagogique de la Clinique du droit qui dispose d’un annuaire de contacts.
Les étudiants soumettent à l’enseignant-chercheur les questions qu’ils envisagent de poser à l’expert/chercheur au regard des manques d’informations pour constituer leur contexte thématique. L’enseignant-chercheur vérifie que les questions envisagées demeurent d’ordre théorique afin de ne pas prendre le risque que l’expert/chercheur présente une vision univoque et subjective de la réalité du terrain. L’expert/chercheur peut en effet, dans certaines hypothèses, être également un praticien (ex. un psychologue) et avoir une expérience de terrain et peut parfois faire part de points de vue très subjectifs vis-à-vis du sujet traité. Le risque serait alors que les étudiants soient influencés par les propos de l’expert/chercheur dans le traitement et/ou le cadrage de leur sujet. L’enseignant-chercheur assiste aux interventions d’experts/chercheurs contactés. Sa présence permet de reprendre avec les étudiants les éléments abordés en vue d’en écarter certains s’ils sont trop orientés.
Ils doivent prendre avec soin des notes des éléments abordés pendant l’intervention, ce qui leur permettra d’en réaliser une synthèse qui viendra nourrir la réflexion (problématisation, identification des causes du problème juridique, proposition de recommandations, etc.) et la rédaction ultérieure du rapport.
Les étudiants rédigent une synthèse de(s) l’intervention(s) qu’ils doivent déposer sur le Moodle dédié.
Si ce travail n’est pas encore achevé, les étudiants finalisent le formulaire de préparation du temps fort 2 (séance 3). Ils organisent la prochaine séance de formation aux outils méthodologiques, en tenant compte de l’emploi du temps de l’enseignant-chercheur (réservation d’un créneau et d’une salle).
La séance 4 – Intervention(s) d’expert(s)/chercheur(s)
Il existe un risque important de confusion entre l’expert-chercheur, sollicité pour cette séance et les acteurs contactés plus tard dans le cadre de l’enquête de terrain. Les étudiants ont parfois du mal à saisir la différence entre les apports théoriques de l’expert et les apports plus pratiques et sociétaux des acteurs de terrain. Ce risque peut par ailleurs être renforcé par la posture et les compétences de certains experts qui construisent leurs connaissances à partir de données empiriques (par ex. un sociologue). Il est ici indispensable que l’équipe pédagogique soit capable d’expliquer clairement la différence entre l’expert qui aura un positionnement purement scientifique, objectif et exempt de toute proposition de recommandation destinée à répondre aux problèmes et l’acteur de terrain qui témoigne d’une réalité, nécessairement teintée de subjectivité et dont les éventuelles propositions de recommandations doivent au contraire être examinées avec attention et retenues si elles semblent judicieuses, réalisables, bien fondées. Cela implique un grand soin dans la préparation des questions à l’expert et la supervision de ce travail par l’équipe pédagogique. Par ailleurs, l’expérience a montré que les enseignants novices dans cette méthode pouvaient eux aussi ne pas bien percevoir cette distinction (en particulier quand l’expert relève d’une discipline scientifique éloignée).
La séance 5 – Formation aux outils méthodologiques (1h à 3h)
Les enseignants-chercheurs sont préalablement formés par l’équipe pédagogique de la Clinique du droit aux méthodologies d’enquête de terrain en vue d’assurer cette séance (cf. Document 13). L’équipe pédagogique de la Clinique du droit se tient à la disposition des enseignants-chercheurs pour aider à vérifier la pertinence méthodologique des outils élaborés par les étudiants. Le respect des règles méthodologiques est en effet essentiel pour garantir la fiabilité des résultats de l’enquête de terrain.
La séance doit permettre d’identifier clairement : les besoins d’informations recherchés (quoi et pourquoi ?), l’ensemble des hypothèses de recherche à éprouver sur le terrain, auprès de quels acteurs et par quels moyens/outils (élaboration d’un questionnaire, d’un sondage, d’un guide d’entretien avec des acteurs de terrain, etc.) (cf. 3).
La séance permet aussi d’accompagner les étudiants dans la réflexion et l’élaboration du contenu de ces outils par rapport aux besoins d’informations qu’ils ont identifiés.
L’enseignant-chercheur doit relire et apporter les corrections nécessaires aux informations recherchées et outils associés (questionnaires et grilles d’entretien élaborés par les étudiants). Il doit également valider le(s) projet(s) de mail(s) à destination des acteurs de terrain. L’équipe pédagogique de la Clinique du droit peut là encore être sollicitée si besoin.
Un point régulier (tous les 15 jours environ) doit être fait avec les étudiants sur l’avancée de l’enquête de terrain. Étudiants Après validation par l’enseignant-chercheur, les étudiants adressent des courriels (cf. Document 6 et Document 1449) aux acteurs de terrain déterminés (présentation du projet + questionnaires/demandes de rendez-vous pour entretiens). Ils mènent l’enquête de terrain et veillent à déposer régulièrement sur Moodle une synthèse des résultats obtenus pour chaque outil d’enquête (entretien, questionnaire, observation) pour que chaque étudiant se les approprie.
Un point régulier (tous les 15 jours environ) doit être fait avec l’enseignant-chercheur sur l’avancée de l’enquête de terrain.
Les étudiants achèvent de préciser le calendrier de travail pour la finalisation de la recherche (préparation du rapport, préparation de l’atelier).
Enfin, à l’issue de l’enquête, ils doivent rassembler et synthétiser l’ensemble des résultats recueillis sur le terrain dans un tableau qui servira de support principal lors de la prochaine séance (séance 6). Ce tableau, qui distingue selon la nature des différents résultats, doit être déposé sur Moodle au plus tard 3 jours avant la date prévue pour la séance 6.
Étudiants
Les étudiants identifient définitivement l’ensemble des informations recherchées auprès des acteurs de terrain qu’ils vont contacter et élaborent le contenu des outils qu’ils utiliseront lors de l’enquête (cf. Média 3). Ils doivent, en parallèle, élaborer des projets de courriel à destination des acteurs de terrain. Ces éléments doivent être adressés à l’équipe pédagogique pour validation. Cette étape peut nécessiter plusieurs allers/retours en vue de la bonne construction des outils.
Comme pour les interventions d’experts/chercheurs au cours de la séance 4, l’enquête de terrain permet de vérifier des hypothèses de recherche élaborées à partir des difficultés identifiées, de commencer à rechercher les causes de ces difficultés et de récolter ou d’identifier des premières pistes de recommandations qui devront encore mûrir.
Tout au long de la phase d’enquête de terrain, les étudiants doivent veiller à alimenter l’annuaire des professionnels contactés afin d’élargir le réseau clinique dont pourront bénéficier de futurs étudiants cliniciens.
Les étudiants continuent d’affiner les réflexions menées depuis le début de l’année en vue de la problématisation du sujet (affinement des réponses aux questions initiales, des difficultés identifiées, des causes des difficultés, des hypothèses de recommandations), en tenant compte bien entendu des corrections ou remarques de l’enseignant-chercheur.
La séance 5 – Formation aux outils méthodologiques
La présence d’un ingénieur pédagogique et de formation attaché à la Clinique du droit a permis durant plusieurs années que les étudiants soient formés à l’usage des outils méthodologiques de l’enquête de terrain sans que l’équipe pédagogique y soit au départ impliquée. La plupart des enseignants n’ont pas assisté à la formation. Aujourd’hui, la Clinique du droit ne bénéficie plus de ressources humaines propres en ingénierie pédagogique et de formation. Une méthode d’enseignement à l’usage de ces outils a donc dû être élaborée à l’attention des équipes pédagogiques50, afin que les enseignants soient en mesure de former eux-mêmes les étudiants à ces outils (cf. Document 13). Cela est un peu déroutant pour les enseignants-chercheurs juristes qui n’utilisent pas ces méthodes d’enquête de terrain (questionnaires, entretiens, etc.) dans leurs propres recherches.
La première version de la méthode élaborée était trop théorique et trop abstraite. Pour le dire autrement, les enseignants sont formés aux grands principes de l’enquête de terrain alors que les étudiants doivent être formés à l’enquête et au questionnaire à partir de leur sujet. Ils doivent être mesure de réfléchir au contenu de leur enquête en même temps qu’ils se forment aux méthodes de l’enquête.
Dans un deuxième temps, il a été choisi de revoir les ambitions méthodologiques à la baisse. Les objectifs visés et les résultats obtenus de l’enquête sont plus modestes, notamment parce que la méthode ne respecte pas l’ensemble des règles méthodologiques de recherche en sciences humaines. Une piste pourrait consister à associer des enseignants-chercheurs spécialistes de ce type de méthodes afin d’initier nos étudiants juristes51.
La séance 6 – Analyse des résultats de l’enquête de terrain (2h)
L’enseignant-chercheur prend connaissance des résultats de l’enquête et du tableau de synthèse des résultats déposés sur Moodle par les étudiants.
– catégorie des éléments qui ressortent de l’enquête de terrain et confortent des informations déjà identifiées dans le contexte thématique. Ces éléments ne constituent pas des réponses aux difficultés que la recherche avait permis d’identifier ;
– catégorie des éléments qui ressortent de l’enquête de terrain et qui peuvent soit apporter des réponses aux difficultés qui ont émergé du contexte thématique, soit être de nouvelles difficultés d’ordre juridique qui découlent de l’application de la règle de droit en pratique et qui donneront lieu à la formulation de recommandations. Dans les deux cas ces éléments peuvent être de nature juridique ou appeler une réponse d’ordre juridique.
– catégorie des éléments qui ressortent de l’enquête de terrain mais qui ne permettent pas d’apporter une réponse aux difficultés identifiées dans le contexte thématique, car ils sont hors sujet, trop subjectifs, relèvent d’un jugement personnel ou n’ont aucun lien avec le domaine juridique.
Ce travail de classement des résultats doit être entamé lors de la séance avec les étudiants pour qu’ils comprennent bien la méthode. Si au regard de l’étendue des résultats, le temps imparti à la séance ne permet pas de finaliser cette analyse, les étudiants poursuivent ce travail en autonomie d’ici la prochaine séance. Le résultat définitif de ce classement est vérifié par l’enseignant-chercheur lors de la séance suivante.
Lors de cette étape de l’étude, il est fréquent que de nouvelles pistes de recommandations émergent. Les étudiants prendront soin de les noter afin qu’elles soient reprises lors de la séance dédiée à la détermination des recommandations (séance 8).
Les étudiants doivent terminer le travail de classement de l’ensemble des informations dont ils disposent :
– ils doivent identifier et classer les éléments qui relèvent du contexte et qui ne soulèvent pas de difficultés ;
– ils doivent identifier et classer les difficultés qu’ils vont retenir dans les développements du rapport, lorsqu’elles reposent sur des causes identifiées et que des recommandations d’ordre juridique peuvent être formulées en conséquence ;
– ils doivent identifier et classer les hypothèses de recommandations qu’ils commencent à formuler. Les étudiants doivent, une fois le classement effectué, s’organiser pour la présentation des éléments en vue de la séance suivante (séance 7).
Bon à savoir : En fonction de l’avancée des étudiants et de la recherche, il arrive que l’identification des recommandations, programmée à la séance 8, s’opère concomitamment à la formalisation du problème juridique au cours de la séance 7.
La séance 6 – Analyse des résultats de l’enquête de terrain
L’utilisation du tableau a permis de résoudre des difficultés méthodologiques importantes. L’équipe de la Clinique du droit ne parvenait pas à transmettre aux étudiants la façon d’analyser les résultats de l’enquête et avait un peu tendance à procéder à l’analyse à la place des étudiants. Ce tableau fonctionne très bien, les étudiants parviennent même parfois à l’anticiper en travaillant avant la séance. Cette séance est aujourd’hui très efficace, sachant que l’exemple utilisé dans la vidéo permet aux étudiants de bien comprendre ce qui est attendu de cet exercice (cf. Média 2).
Au cours de cette séance, il y a toujours un risque de perte d’informations. L’équipe pédagogique doit vérifier avec attention que tous les entretiens et tous les questionnaires ont bien été exploités.
On peut également relever que l’on retrouve ici l’un des ressorts méthodologiques classiques des enseignements cliniques, qui consiste à commencer un travail en séance avec les étudiants pour les laisser le terminer après la séance en autonomie. Jusqu’à présent, c’est une méthode qui s’est révélée assez efficace, car cela sécurise les étudiants. Pour l’enseignant qui a un peu d’expérience de la méthode, cela permet également de mieux comprendre jusqu’où il est nécessaire d’accompagner les étudiants.
La séance 7 – Formalisation du problème juridique (3h)
En vue de cette séance, l’enseignant-chercheur lit l’ensemble des difficultés juridiques identifiées afin de réfléchir à l’éventuel problème juridique qui peut en être issu et, éventuellement, à de possibles recommandations. Cela lui permettra d’accompagner les étudiants dans la détermination du problème juridique au cours de la séance.
Ainsi, c’est à partir de l’ensemble des résultats obtenus au cours des précédents travaux (questions – réponses – difficultés – hypothèses de recherche – causes des difficultés – synthèse des interventions – résultats de l’enquête de terrain), que les étudiants doivent déterminer l’ensemble des difficultés juridiques et les rassembler en un problème juridique global. Ce n’est qu’à ce moment que les étudiants sont véritablement en mesure de formaliser ce problème juridique auquel le rapport va tenter d’apporter des réponses.
Lors de cette séance, il est possible d’élaborer le plan de la seconde partie du rapport à partir des différentes difficultés juridiques qui ont émergé et ont constitué le problème juridique.
Ce n’est toutefois pas forcément pertinent et il est aussi possible d’organiser le plan de la seconde partie ou de l’ensemble du rapport à partir des recommandations (séance 8).
Enfin, les étudiants doivent affiner l’intitulé définitif du sujet de la recherche qui doit rester en lien étroit avec le sujet de la recherche. Il convient d’apporter une dimension « grand public » par le choix d’un intitulé plus accrocheur et plus approprié pour les supports de communications qui seront créés en vue de l’atelier de restitution. Ce choix peut s’opérer via un brainstorming des étudiants et un système de vote.
Hypothèse 1. Les étudiants ont commencé à élaborer le plan à partir des difficultés juridiques.
Ils le finalisent et commencent la rédaction du rapport. Ils se répartissent les différentes parties de la rédaction et les tâches à réaliser en cohérence avec la carte de rôle sur laquelle ils sont positionnés (rédaction, relecture, corrections, mise en forme).
Ils doivent déterminer (si cela n’a pas été fait lors de la séance) l’intitulé définitif du rapport.
Il est possible de solliciter une séance supplémentaire avec l’enseignant-chercheur pour faciliter cette répartition, la finalisation du plan et/ou le passage à la rédaction si nécessaire. Par expérience, il s’agit souvent d’un moment où les étudiants se sentent perdus, submergés par l’importance apparente de la tâche, alors qu’ils disposent à présent de l’ensemble des éléments nécessaires à la rédaction. Par ailleurs, les étudiants peuvent s’appuyer sur la structure indicative des rapports de Recherche en actions des années précédentes.
Une fois le plan du rapport achevé il devra être déposé sur Moodle par les étudiants pour validation par l’enseignant-chercheur. Cette étape peut comprendre différents allers/retours.
Les étudiants doivent déterminer (si cela n’a pas été fait lors de la séance) l’intitulé définitif du rapport.
En parallèle, ils engagent une réflexion destinée à déterminer les recommandations d’ordre juridique qui viendront répondre aux difficultés juridiques identifiées. Pour cela, ils reprennent le document dans lequel ils ont recensé l’ensemble des pistes de recommandations depuis le début de l’étude. Ils écartent les recommandations non juridiques. Ils associent les recommandations d’ordre juridique aux problèmes juridiques identifiés (ces recommandations peuvent être issues de leur seule analyse des causes des difficultés ou provenir des résultats de l’enquête de terrain).
Hypothèse 2. Les étudiants n’ont pas commencé à élaborer le plan à partir des difficultés juridiques, mais envisagent un plan structuré à partir des recommandations.
Ils engagent alors une réflexion destinée à déterminer les recommandations d’ordre juridique qui viendront répondre aux difficultés juridiques identifiées. Pour cela, ils reprennent le document dans lequel ils ont recensé l’ensemble des pistes de recommandations depuis le début de l’étude.
Ils écartent les recommandations non juridiques. Ils associent les recommandations d’ordre juridique aux problèmes juridiques identifiés (ces recommandations peuvent être issues de leur seule analyse des causes des difficultés ou provenir des résultats de l’enquête de terrain).
Ils doivent déterminer (si cela n’a pas été fait lors de la séance) l’intitulé définitif du rapport. En parallèle, ils doivent commencer à réfléchir au plan articulé autour des recommandations juridiques.
Bon à savoir : Pour identifier les recommandations, les étudiants doivent se focaliser sur le recensement de toutes les causes des difficultés, parce que l’identification de ces causes permettra ensuite de formuler des propositions de recommandations.
La séance 7 – Formalisation du problème juridique
Les étudiants ont parfois du mal à passer des difficultés juridiques identifiées à un problème juridique formalisé. Cela peut en partie s’expliquer par leur formation académique antérieure qui fait la part belle à l’exercice de dissertation focalisé sur l’identification d’une « problématique juridique ». Dès lors les étudiants peuvent chercher à identifier une problématique comme ils le feraient dans un devoir, alors qu’on leur demande dans la Recherche en actions de formaliser un problème qui soit la somme des difficultés juridiques révélées en pratique.
Il n’est pas utile de revenir ici en détail sur les spécificités de l’élaboration du plan du rapport52. Il peut toutefois être ajouté que les étudiants ont tendance à rester enfermés dans les schémas classiques du plan académique en deux parties qui, là encore, constituait un élément clé de leur apprentissage à la faculté de droit. L’équipe pédagogique doit impérativement dédramatiser la question du plan et de l’organisation des résultats de la recherche. L’important par rapport au plan, c’est qu’il soit suffisamment clair pour être utilisé par la société, c’est-à-dire qu’il soit construit à partir des difficultés ou à partir des recommandations.
La séance 8 – Les recommandations (1h)
L’enseignant-chercheur interagit régulièrement avec les étudiants pour prendre connaissance de leurs éventuelles difficultés dans l’élaboration du plan ou l’identification des recommandations.
L’équipe pédagogique de la Clinique du droit s’assure que le rapport correspond aux exigences essentielles de la méthodologie de la Recherche en actions et aux exigences formelles (ex. charte graphique, logos de la Clinique du droit et des partenaires, bibliographie et références, etc.).
Les étudiants émettent les hypothèses de recommandations apparues tout au long de la recherche pour ne retenir, approfondir et développer que celles qui seront présentées dans le rapport et qui leur semblent pertinentes au regard des difficultés juridiques.
La séance, interactive, a pour objectif central de discuter de la pertinence des recommandations que les étudiants envisagent de proposer dans le rapport. Elles doivent être éprouvées et, si nécessaire, l’enseignant-chercheur peut demander un travail d’approfondissement complémentaire sur ces recommandations.
Hypothèse 2. Les étudiants ont choisi d’élaborer un plan à partir des recommandations juridiques.
Les étudiants soumettent leur travail ordonné sur les recommandations à l’enseignant-chercheur qui en vérifie la pertinence.
Ils engagent alors un travail d’élaboration du plan à partir de ces recommandations en lien avec les difficultés juridiques identifiées.
En fonction de l’hypothèse retenue, les étudiants engagent ou achèvent la rédaction du rapport qu’ils soumettent, une fois terminé, aux relectures et corrections de l’équipe pédagogique. Cette phase peut impliquer plusieurs allers/retours entre l’enseignant-chercheur et les étudiants afin d’aboutir au meilleur résultat possible à l’attention des acteurs du monde socio-économique.
Ils doivent entamer la réflexion liée à l’organisation de l’atelier de restitution (cf. Document 7). Une sélection de 2 à 4 experts/chercheurs et/ou acteurs de terrain doit être menée en vue de les inviter à réagir spécifiquement à la chaire lors de l’atelier de restitution. Cette sélection devra être validée par l’enseignant-chercheur avant l’envoi de la demande.
De plus, un courriel d’invitation doit être rédigé à destination du public invité à l’atelier de restitution. Ce public comprend l’ensemble des experts/chercheurs et des acteurs de terrain ayant participé à la recherche ; l’ensemble de l’équipe pédagogique du master, les doctorants et étudiants de la discipline concernée, les chercheurs et enseignants-chercheurs de la discipline et toute autre personne que les étudiants et l’enseignant-chercheur jugeraient utile ou judicieux d’inviter. Ce courriel d’invitation peut prendre la forme d’une invitation attractive (ex : affiche, flyers, etc.) mais doit impérativement être validé par l’enseignant-chercheur avant d’être envoyé (cf. Document 6).
La séance 8 – Les recommandations
Avec le temps et l’expérience, nous avons pu constater que de grands types de recommandations se dégagent très souvent. Il est par exemple très fréquent que des recommandations visant à pallier une mauvaise connaissance ou une mauvaise interprétation de la règle de droit, qui conduit à son ineffectivité. Les recommandations tournent alors beaucoup autour de l’information et de la formation autour de la règle. Au contraire, il est plus rare que les équipes pédagogiques et les étudiants formulent des recommandations qui conduiraient à remettre en cause des pratiques juridiques.
L’équipe de la Clinique du droit attache une réelle importance à ce que la Recherche en actions ne se transforme pas en clinique de légistique, laquelle consiste à formuler des propositions d’évolution de la règle de droit qui, dans certaines cliniques, sont purement et simplement proposées à des parlementaires. Il y a là, en effet, un risque de perte d’objectivité, voire de lobbying, qui ne correspond pas aux objectifs de la Clinique du droit de Bordeaux. Une clinique de légistique totalement objective pourrait exister à la condition que les étudiants présentent plusieurs scenarii législatifs53.
La séance 9 – Préparation de l’atelier de restitution (1h30)
L’enseignant-chercheur relit et corrige le courriel d’invitation à l’atelier de restitution préparé par les étudiants. Il effectue des relectures du rapport de recherche et fait part aux étudiants des modifications qu’ils doivent apporter à celui-ci.
Les étudiants se répartissent définitivement les tâches en vue de l’atelier de restitution :
– qui présente un résumé des résultats ?
– qui gère les prises de paroles ?
– qui prend en charge la préparation d’un support numérique de présentation ? (à partir du modèle de la Clinique du droit)
– qui est en charge de l’organisation matérielle de l’atelier (affiches, invitations, accueil des participants, éventuel cocktail ou pause/café) ? (l’éventuel financement des aspects matériels dépendra du budget du master concerné)
– qui prend des notes pendant toute la durée de l’atelier ?
– qui conclura l’atelier avec une synthèse des réactions du public aux recommandations ?
Bien que certaines tâches soient affiliées aux cartes de rôles, les étudiants doivent collectivement s’assurer que l’ensemble des actions à mener sont effectuées en vue de l’atelier de restitution. L’atelier peut être organisé en suivant la structure du plan du rapport.
Les étudiants achèvent l’organisation matérielle de l’atelier de restitution et doivent remplir le formulaire d’organisation d’un événement ( Document 15)54.
Une fois le rapport relu, corrigé et validé par l’enseignant-chercheur, cette version « avant atelier de restitution » doit être envoyée aux personnes invitées à réagir à la chaire lors de l’atelier (5 jours avant celui-ci) et au public qui a été invité (1 jour avant l’atelier). Cette version du rapport ainsi que la présentation qui servira lors de l’atelier doivent être déposés sur Moodle.
Les étudiants organisent une « répétition » de l’atelier de restitution à laquelle ils invitent l’enseignant-chercheur et, éventuellement, l’équipe pédagogique de la Clinique du droit. Cette répétition est très importante car elle permet aux étudiants de s’assurer qu’ils sont prêts à animer l’atelier de restitution tant sur le fond sur la forme ( Document 16)55. Cette répétition est l’occasion pour l’enseignant-chercheur de formuler des propositions d’amélioration de la présentation.
Enseignants-chercheurs
L’enseignant-chercheur doit veiller à bien accompagner les étudiants dans cette préparation. L’enseignant-chercheur assiste à la « répétition » de l’atelier de restitution et accompagne les étudiants pour les aider à améliorer leur présentation.
La séance 9 – Préparation de l’atelier de restitution
C’est souvent au cours de cette séance 9 que l’équipe pédagogique prend conscience que les étudiants n’ont pas suffisamment pris connaissance des outils qui leur ont été présentés lors de la séance 1.
En revanche, l’expérience montre que les étudiants sont souvent très à l’aise dans les opérations de scénarisation de l’atelier, qu’ils se répartissent soigneusement les rôles et font preuve de créativité.
La séance 10 – L’atelier de restitution (3h)
L’enseignant-chercheur contacte les étudiants quelques jours avant l’atelier de restitution pour s’assurer que tout est prêt et qu’ils ne rencontrent pas de difficultés particulières.
– l’objet de la Recherche en actions et sa méthode,
– les différents types d’experts/chercheurs et d’acteurs de terrain contactés,
– la problématique identifiée et son intérêt sociétal, les recommandations formulées en lien avec les causes des difficultés identifiées.
Ils adressent des questions aux personnes présentes à la chaire et ouvrent le débat avec le public entre chaque recommandation.
En conclusion de l’atelier de restitution, les étudiants réalisent une synthèse des réactions des personnes présentes à la chaire et du public.
Dès la fin de l’atelier de restitution, les étudiants doivent adresser des courriels de remerciements à l’ensemble des personnes présentes lors de l’atelier. Il convient de distinguer les remerciements à destination du public de ceux à destination des personnes invités à réagir à la chaire. Les courriels doivent avoir été validés par l’enseignant-chercheur avant d’être envoyés.
Les étudiants travaillent ensuite à la rédaction définitive du rapport (version après atelier de restitution), en y intégrant les réactions aux recommandations recueillies durant l’atelier. L’enseignant-chercheur vérifie l’intégration dans le rapport de ces éléments, sachant que cette étape peut nécessiter plusieurs allers/retours.
Une fois que le rapport est définitivement achevé et validé par l’enseignant-chercheur, les étudiants l’envoient à l’ensemble des parties prenantes du projet. Le rapport sera par la suite publié sur le site internet de la Clinique du droit.
La séance 10 – L’atelier de restitution
L’atmosphère qui règne au cours de ces ateliers de restitution est sans nul pareil. Les étudiants y sont totalement investis, les professionnels font preuve d’une grande empathie et de bienveillance et les enseignants de l’équipe pédagogique éprouvent généralement une grande fierté face aux résultats obtenus.
Évaluation des étudiants (cf. Document 10)
L’évaluation formative (non sanctionnée par une note) s’effectue d’une séance sur l’autre.
L’évaluation sommative comprend une note pour la qualité de l’organisation de l’atelier de restitution (30 %), une note pour le rapport appréciant le respect des consignes et la pertinence des éléments qu’il contient (60 %) et une note sur la base de l’auto-évaluation individuelle des étudiants (10 %).
Évaluation
L’évaluation de la Recherche en actions pose des problèmes similaires à ceux que l’on rencontre dans d’autres enseignements cliniques56.
La construction d’une grille d’évaluation s’est avérée très complexe, cela pour différentes raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’un travail de groupe, ce qui n’exclut pas la nécessité d’une part d’individualisation. Cette individualisation peut passer par l’auto-évaluation des étudiants, tandis que l’évaluation par les pairs pose des problèmes éthiques que nous ne sommes pas encore parvenus à surmonter.
Autre question soulevée par l’évaluation, quelle doit être la finesse des temporalités d’évaluation : faut-il évaluer chaque étape ? Chaque travail rendu ? Chaque acquis d’apprentissage ? Pour répondre à ces interrogations, des grilles critériées ont été élaborées à partir des acquis d’apprentissage attendus de l’enseignement (cf. Document 10). Les équipes pédagogiques, encore peu habituées à ces pratiques, rechignent parfois à s’en saisir.
Pour l’enseignant, une autre question se pose insidieusement. Du fait du changement de posture de l’enseignant et des étudiants, l’évaluation ne matérialise pas seulement la qualité du travail étudiant mais également celle de l’accompagnement pédagogique. Cela interroge sur la pertinence même du recours à des méthodes classiques d’évaluation.
Compétences et acquis d’apprentissages visés
Compétence 1 : Construire et mener un projet de recherche de terrain
Acquis d’apprentissages liés :
Compétence 2 : Gérer un projet de recherche de façon collective
Acquis d’apprentissages liés :
Compétence 3 : Construire un rapport qui présente les résultats de la recherche et des recommandations en resituant une problématique sociétale dans sa dimension juridique
Acquis d’apprentissages liés :
Compétence 4 : Organiser un événement public de restitution des résultats de la recherche
Acquis d’apprentissages liés :
Compétences et acquis d’apprentissage visés
La Clinique du droit dans le cadre de la conceptualisation des enseignements cliniques et particulièrement à propos de la Recherche en actions a souhaité analyser et mettre en avant les compétences et acquis d’apprentissages visés. Il est apparu très important que les étudiants puissent se saisir de cette détermination des compétences afin d’en témoigner ensuite, durant des entretiens de recrutement ou lors de la rédaction de lettres de motivation57.
Éléments indicatifs de structure de maquettes de diplômes
Les éléments définis ci-dessous ont été élaborés à partir de certaines expériences d’intégration d’activités clinique au sein de certains masters. Ils sont donc donnés à titre indicatif et peuvent varier en fonction du master concerné.
Exemples de maquettes ayant intégré l’enseignement Recherche en actions58 :
Éléments indicatifs de structure de maquettes de diplômes
La mesure des temps consacrés par les étudiants comme par les enseignants-chercheurs à l’enseignement Recherche en actions est délicate, d’abord parce que ce temps est variable, ensuite parce qu’il s’inscrit mal dans les référentiels horaires traditionnellement utilisés à l’université. D’une manière générale, les quantifications forfaitaires réalisées sont empreintes de pragmatismes, destinées à être acceptées par la gouvernance dans les cadres restreints de la soutenabilité financière et administrative. Cela ne doit toutefois pas conduire à occulter que l’enseignement Recherche en actions est sans aucun doute et de très loin l’enseignement clinique le plus chronophage de tous ceux qui figurent dans cet ouvrage.
Notes
MmAnFTe.
Comment citer
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