Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 151, 2005, 49-56.
La formation
Sa date de naissance est incertaine : vers 1530-1535, si, selon les déclarations du chanoine Dupuy, il a bien été au collège de Guyenne l’élève du grand André Gouvéa et de son frère qui avaient quitté l’institution en 1547 ; ou bien vers 1545, si on prend à la lettre le passage de son Oraison Funèbre où le même chanoine évoque “cette terre d’Égypte où il est demeuré l’espace de soixante ans”. Issu d’une famille originaire du Béarn, établie à Bordeaux à la fin du XVe siècle, son père, Jean de Pontac, greffier civil et criminel en chef du Parlement, était à la tête de plusieurs seigneuries. Selon le chanoine Dupuy, de sa première épouse Jeanne de Bellon, il avait eu cinq garçons. Arnaud était l’avant-dernier et n’était pas destiné à l’état ecclésiastique. En même temps que son frère Raymond il est élève du collège de Guyenne, le meilleur collège de France au dire de Montaigne, un milieu dans lequel l’indifférence religieuse et les idées de la Réforme étaient largement répandues, mais où l’on avait le culte des belles-lettres. Arnaud de Pontac y apprend le latin et l’art d’exposer. M. de Pontac, probablement par crainte d’une possible contamination, envoie ses deux fils à Paris. Nous ignorons quelle école ils fréquentent et quels maîtres ils rencontrent. Reçu bachelier ès arts, Arnaud de Pontac quitte Paris pour Toulouse, toujours avec son frère, pour y étudier le droit. Toulouse était alors renommée pour la nouvelle orientation donnée à l’enseignement vers une philosophie historique du droit. Arnaud de Pontac y acquiert le sens de l’histoire, ce qui lui valut plus tard de participer honorablement à un débat avec le juriste Cujas.
C’est à Toulouse que naît chez Arnaud de Pontac cette “contention de religion” dont parle son panégyriste. Il s’applique “fort soigneusement à la Piété et à la Théologie”. Une rencontre allait avoir une grande influence sur lui, celle de Jean Albin de Valsergues de Sérès, théologal de Toulouse, sans doute l’un des grands prédicateurs et théologiens de son époque, auquel l’unit une étroite affection. C’est auprès de lui qu’il s’initie à l’art de la controverse avec des “ministres de la prétendue”, ce qui lui fut plus tard fort utile dans son diocèse. Son père qui vient le voir à Toulouse se rend compte qu’il a fait fausse route en voulant pousser son fils dans une carrière juridique et, comme nous le dit Géraud Dupuy, “il se résolut à le dédier à Dieu”. Aussi envoie-t-il son fils à Paris pour y étudier la théologie et l’hébreu, le donnant en charge à Génébrard.
La rencontre avec Gérard Génébrard, un bénédictin, théologien, érudit, chaud partisan de la Ligue et une des figures de la Réforme catholique fut d’une importance certaine. Lorsqu’il rencontre Arnaud de Pontac Génébrard vient d’être reçu docteur en théologie (1563). En 1569, il est nommé professeur d’hébreu au collège de France. Il y déploie toute son énergie pour obtenir une connaissance intelligente des Écritures et de la Tradition. Cela devait marquer Arnaud de Pontac qui s’initie auprès de lui à la “langue hébraïque” dont, selon Géraud Dupuy “il n’y savoit pas seulement lire”. Mais Génébrard s’insurgea aussi contre certaines nominations laxistes d’évêques par le souverain et contre la pratique de la commande théoriquement interdite par le concile de Trente, ce qui le fit, plus tard, tomber en disgrâce.
En 1566, tirant profit des enseignements qu’il a reçus, Arnaud de Pontac publie son premier ouvrage, Commentaires sur Abdias, Jonas et Sophonie. L’année suivante, il publie avec Génébrard une Chronographie dans laquelle il assure la plus grande partie allant de la mort du Christ à son époque ; l’année des règnes des papes et des souverains temporels est accompagnée d’un sommaire des principaux événements historiques contemporains. Cet ouvrage connaît un extraordinaire succès et pas moins de douze éditions du vivant de l’évêque.
Les débuts de la carrière ecclésiastique : le tremplin romain
En 1567, Arnaud de Pontac part à Rome en compagnie du nouvel ambassadeur, le cardinal de Rambouillet, Charles d’Angennes, évêque du Mans. À Rome, il se montre brillant et séduisant, sait se faire apprécier du cardinal de Rambouillet, dont il devient le secrétaire et loge chez le cardinal Ménandrin que son père avait naguère accueilli à Bordeaux. Il visite “tous ceux qui avaient acquis quelque recommandation aux lettres”, “négocie de grandes et graves affaires pour des seigneurs de France”, s’attire les sympathies du cardinal de Bourbon qui en fait son protonotaire. Il sait marier “la négociation des affaires avec les Lettres” “tellement qu’on l’appeloit point communément que le Docteur Francois”. La chance d’Arnaud de Pontac, c’est d’être arrivé à Rome sous le pontificat d’un grand saint, Pie V (1566-1572), le pape qui a souhaité appliquer intégralement le programme du concile de Trente, celui de la Réforme catholique. Ordonné prêtre, Pontac célèbre sa première messe le jour de la Saint-Émilion, le 16 novembre 1571. L’année suivante il est reçu docteur en théologie. Arnaud de Pontac fut doyen de la collégiale de Saint-Émilion – mais on ignore depuis quand – et le resta jusqu’à sa mort.
La confiance qui lui est accordée par le Saint-Siège s’exprime de façon éclatante. Il participe aux commissions créées par le nouveau pape Grégoire XIII (1572-1585), en particulier à celles qui sont chargées de la correction de la Bible et du droit canon. C’est des travaux de la première commission qu’est issue l’édition romaine de la Vulgate dite Sixto-Clémentine (1592), révision de la version de saint Jérôme. Le décret de Gratien – compilation du XIIe siècle d’un moine camaldule –, l’un des livres les plus utilisés au XVIe siècle en matière de droit canon fut publié sous une nouvelle version en 1580.
Monsieur de Bazas
Le siège de Bazas étant devenu vacant à la suite du décès de François de Balaguier, le 27 août 1572, “le clergé ayant fait eslection de luy”, le roi y nomme Arnaud de Pontac. Le pape aurait déclaré “que dosresnavant il commençait à avoir bonne espérance de la France puisqu’on appelait et nommait aux éveschés des personnages de tel mérite et si rompus aux affaires”. Le 16 novembre 1572, jour anniversaire de sa première messe, il est consacré par le cardinal de Pellevé, archevêque de Sens. Arnaud de Pontac aurait pu rester à Rome, échanger son diocèse contre celui de Narbonne. On lui fait même miroiter la pourpre, mais il préfère rejoindre “les sablonnières du Bazadais” et quitte Rome en 1573.
C’est “quasi méconnu” que le jour de l’Ascension, il fait son entrée à Bazas, une ville dont l’évêque était avec le roi coseigneur, chef-lieu d’un diocèse aux revenus modestes, mais riche de 290 paroisses, qui s’étendait de Gensac et Branne sur la Dordogne jusqu’à Langon, Casteljaloux, Luxey et Belin. Il apaise les tensions qui avaient marqué les relations de son prédécesseur avec le clergé, et s’attache à “donner ordre à la corruption des mœurs de son diocèse” ; surtout, il se trouve confronté aux menaces que les Réformés bien implantés sur l’axe Garonnais font peser sur sa ville. En effet, depuis 1561, les Bazadais avaient subi à deux reprises leurs assauts : une première fois, à la Noël 1561, la ville avait été prise et la cathédrale pillée. Chassés, les Protestants s’emparèrent une seconde fois de Bazas, la veille de l’Ascension 1562. Mais à partir de cette même année, les victoires de Monluc, nommé lieutenant du roi, amenèrent un certain apaisement des esprits. C’est dans ce climat qu’il convient de situer le passage à Bazas, en 1565, de Charles IX et de sa mère, au cours du long périple d’initiation et de présentation du jeune roi. Mais nous ignorons si la Saint-Barthélemy avait eu comme à Bordeaux une réplique à Bazas et quelle était la situation dans la ville en 1573. En tout cas, de retour d’un voyage à la cour, Arnaud de Pontac s’établit à Bazas et, “grâce à la diligence qu’il porte à la conservation de la ville, Dieu ne permet point qu’elle tombe entre les mains de l’ennemy”. Mais, se sentant en danger, voulant éviter de tomber dans les mains des Protestants, il se retire finalement à Bordeaux, place-forte du catholicisme. Dès lors, l’évêque de Bazas va déployer ses activités à Bordeaux, à la cour et bien sûr dans son diocèse. Mais ce n’est qu’en 1583 que sa ville lui est remise.
L’influence qu’Arnaud de Pontac a exercée sur l’Église de France est l’un des aspects importants de son action. Député aux États de Blois, en 1576, il présente au roi les remontrances de l’assemblée. On a conservé le discours qu’il prononça devant Henri III en qualité de député de l’assemblée du clergé, à Melun, le 3 juillet 1579. Il y affirme avec vigueur la doctrine du prince chrétien : “L’autorité royale n’est qu’une procuration et charge publique dont vous rendrez compte bien exact et rigoureux après la mort”. Il s’insurge contre l’état lamentable du haut clergé du royaume en particulier en matière de résidence. Il s’indigne du trafic des bénéfices auquel le pouvoir royal prête la main et réclame l’application des décrets du concile de Trente.
Arnaud de Pontac est “tres bien venu a la cour” : il est fait conseiller d’État et privé et gagne la confiance de la reine mère, mais si l’amitié qu’elle lui manifesta “avoit esté d’un côté honorable” elle lui fut aussi préjudiciable, car, en 1578, Henri III en prit prétexte pour révoquer “l’eslection qu’il avoit faict de luy pour estre chancellier de France”. À Bordeaux, il sert de conseil aux représentants du roi en Guyenne, l’amiral de Villars, nommé gouverneur en 1570, le maréchal de Matignon en 1580. Henri III lui a donné entrée et voix délibérative au parlement de Bordeaux et dans toutes les cours souveraines du royaume. En novembre 1582, “fils de Bourdeaux, et grandement considéré et recommendé pour sa rare doctrine et excellente piété”, il siège au synode de Bordeaux, bien que l’évêque de Bazas ne soit pas suffragant de cette province (Chronique de Jean de Gauffreteau), ce qui est un témoignage exceptionnel de considération. Il assiste aux assemblées du Fleix (septembre 1577) et de Nérac (février 1579). Finalement, “il sollicite et importune tant, qu’enfin la ville de Bazas lui est remise”. À cette époque, il bénéficie de l’entière confiance d’Antoine Prévost de Sansac, grand archevêque de Bordeaux qui s’évertue à mettre en pratique les décrets tridentins.
Les craintes qu’Arnaud de Pontac avait éprouvées, lorsqu’il se réfugia à Bordeaux, n’étaient pas vaines. En effet, les Protestants s’introduisirent une nouvelle fois dans sa cité en 1576 et ils en restèrent les maîtres huit années durant. Violences et pillages furent suivis de la profanation des tombeaux des évêques et de la démolition des édifices du culte. Arnaud de Pontac “tasche d’empescher la démolition de l’Esglise, en faisant offre de donner de l’argent”, en vain. Les églises de Notre-Dame de Mercadil, les Cordeliers connurent un sort identique.
Arnaud de Pontac va déployer toute son énergie à réparer les dégâts considérables commis par les Protestants. Il fait rebâtir le château épiscopal et restaurer la cathédrale dont la majeure partie de la nef, des bas-côtés et du chœur étaient ruinés. “Il n’a eu de cesse qu’il ne l’aye redressé en l’estat que vous la voyez. Que si l’edifice n’est du tout accompli et parfaict, il a néantmoins acquitté sa promesse que mort ou vif il l’acheveroit”, nous dit Géraud Dupuy. Entreprise dont on a peine aujourd’hui à mesurer les moyens mis en œuvre : de quatre-vingts à cent mille écus, selon le chanoine. Mgr de Pontac lègue par testament “une bonne fortune de deniers” – 12 000 écus selon la Chronique – en vue de son achèvement. Ce furent son neveu, Godefroy, premier président du Parlement de Bordeaux, puis le fils de celui-ci, Arnaud qui lui succéda dans cette charge, qui poursuivirent l’œuvre de l’évêque qui ne fut achevée qu’en 1635 : le chantier a donc duré près de cinquante ans, mais il n’est pas facile d’apprécier la part des restaurations réalisées du vivant d’Arnaud de Pontac. Cette restauration n’a pas été appréciée à sa juste valeur car, architecturalement, nous sommes en présence d’une réalisation de grande qualité et le gothique du XVIIe siècle, loin d’être un plagiat, a été à Bazas, repensé par les tenants du classicisme.
La reprise en main du clergé fut pour Arnaud de Pontac une tâche prioritaire, entreprise nous l’avons vu, dès son arrivée à Bazas. Il a accordé une importance toute particulière aux statuts synodaux, “résumé doctrinal, directoire, guide disciplinaire”, élaborés lors d’assemblées réunissant tout le clergé du diocèse : un curé doit trouver dans ces statuts tout ce qui concerne l’exercice de ses fonctions. On en connaît trois éditions : celle de 1580, qui diffuse les constitutions édictées lors du synode de Monségur du 30 avril 1579 ; celle de 1584 qui reprend la précédente, y ajoute les statuts de 1500 ainsi que ceux du synode tenu à Bazas les 8 et 9 novembre de cette année ; celle de 1598, traduction française de la précédente, complétée par les statuts de cette année. Plusieurs points méritent d’être soulignés : le souci de l’évêque que ces statuts soient compris de tous, la volonté de ne pas rompre avec les anciens statuts, véritable législation du diocèse antérieure à la réforme tridentine dont l’évêque se veut le promoteur. Les statuts d’Arnaud de Pontac ont un caractère nettement pastoral. Le souci de l’évêque va croissant avec les années : la réforme des mœurs et des actions du clergé est d’autant plus importante que “c’est de son amendement que s’ensuit aussi celui du peuple”. Parmi les points les plus importants qui sont abordés : la résidence des prêtres, la bonne tenue des églises, la vie privée du clergé, le rappel de la mission du prêtre, c’est-à-dire être un pasteur au service du peuple de Dieu. Faire passer dans les mœurs les principaux points de la réforme tridentine, tel fut l’objectif que s’était assigné Arnaud de Pontac. Dans cet ordre d’idées, on lui doit la fondation, en 1584, d’un “collège ou séminaire de clercs en l’église cathédrale Saint-Jean”, en d’autres termes un séminaire. Pontac fut donc un des premiers évêques à mettre en pratique l’obligation tridentine d’ouvrir un séminaire par diocèse.
En 1589, le roi “lui accorda placet et brevet de la résignation de l’Archevesché de Bordeaux” par Mgr de Sansac. Quand celui-ci retira sa démission, l’évêque de Bazas “renonçant à toutes les prétentions dudict archevêché, bien qu’il eust toutes les dépesches nécessaires, voire expédiées en cour de Rome, de peur d’engager par trop sa conscience, se range ici en notre ville”. Dans un premier temps, Arnaud de Pontac ne réside pas de façon permanente, appelé auprès du roi ou député à l’assemblée du clergé. À l’une de ces occasions, il fait un détour par Rennes où il est accueilli “non comme Evesque, mais comme Apostre”. Ce détour fait courir “force faux bruits en Cour” vite dissipés car le roi “l’accorde et l’embrasse” et lui demande “de se vouloir trouver au conseil”. Il préside ordinairement à l’assemblée du clergé qui le députe pour accueillir le cardinal de Florence, légat du Saint-Siège, lors de son entrée à Paris (1598).
“Ce faict, il s’en retoune icy (à Bazas) ou depuis il n’est parti”. Il reçoit la visite du cardinal de Sourdis, de l’archevêque d’Auch et de l’évêque d’Agen, Claude d’Angennes. Bazas devient alors un foyer intellectuel illustré entre autres par Charron, Géraud Dupuy et Jean d’Intras. Charron qui avait siégé aux côtés d’Arnaud de Pontac au synode bordelais de 1582, fut nommé théologal de Bazas. Le chanoine Géraud Dupuy, docteur en théologie, second archidiacre, auteur de la Chronique bazadaise, polémiqua de 1598 à 1601 avec du Plessis-Mornay sur l’institution, usage et doctrine du Sainct-Sacrement de l’Eucharistie – mais peut-être n’était-il que le prête-nom de son évêque. Jean d’Intras, auteur de romans est aussi celui du Pressoir mystique. Arnaud de Pontac dont nous avons évoqué les premières œuvres possède une remarquable bibliothèque de près de 3 000 volumes dans laquelle les ouvrages religieux voisinent avec des œuvres littéraires et des études historiques. C’est un homme cultivé, s’intéressant à une “infinité de belles sciences et de bonnes lettres, comme de Mathématiques, Jurisprudence, Théologie, lecture de tous les bons livres, de laquelle il estoit merveilleusement avide et glouton de la connaissance des langues, mais notamment de l’histoire”. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cesse de lire, dicter, écrire. Il laisse quelques feuilles bazadaises ainsi qu’un catalogue des évêques de Bazas dont se servit le chanoine Dupuy lorsqu’il rédigea sa Chronique.
Son panégyriste prétend que, lors de la dernière peste qui avait “ravagé toutes les villes circonvoisines”, Bazas fut épargnée “tant elle se trouva bien remparée et munie”. Surtout, à l’occasion de la famine “qui continua de deux à trois ans” Arnaud de Pontac put, grâce à sa prévoyance, fournir du pain aux pauvres tous les jours, bien que le blé fût alors fort rare. Toujours en action, on le trouvait “ou priant Dieu, ou estudiant, ou parlant d’affaires”, “allant par pays et courant la poste, il étudie les Epistres de Saint Paul”. Véritable maître dans l’art de la communication, il accueille chacun “avec une manière inimitable et traitant non seulement le paysan en paysan, l’homme de lettres en homme de lettres, le noble en noble ; mais encore entretenant chascun en homme du mestier”. Toujours maître de lui, il se montre patient “soit à endurer les adversités qui luy arrivoient soit du Ciel soit des hommes”, accueillant ceux qui avaient “attenté sur sa vie”. Humble, il “ne prend point plaisir qu’on lui dédie aucun livre, compose force livres néantmoins soubs le nom d’autruy”, ce qui pose le problème de sa contribution aux ouvrages publiés sous le nom du chanoine Dupuy. Il défend à ce chanoine que lors de l’ouverture de l’école de théologie qu’il fit en présence de “toute la cour de Parlement de Bourdeaus” il ne fasse aucune mention de lui. Généreux, il consacre à “l’entretenement” de cette école “mille douze cens livres”, entretient deux lecteurs, fournit de l’argent “a force jeunesse, pour s’entretenir aux estudes”, mais refuse que l’on sache qu’il en est le donateur. Il “nourrit force pauvres Escholiers à Paris et envoie souvent de l’argent aux Séminaires des pauvres Escholiers”. Il avait déjà manifesté sa générosité alors qu’il était à Rome, assurant une pension à Génébrard, lui prêtant ensuite 1 000 écus “pour avoir les provisions de l’Archevesché d’Aix”. Mais “l’amour de Dieu luy eschauffa les flancs de la charité envers le prochain”, il “nourrit l’espace de deux ou trois ans, dix-huit cens ou deux mille pauvres tous les jours”, se montre généreux à l’égard des “Religieux passans”, “aux gens de lettres nécessiteux”. Il refuse un héritage de sept à huit mille écus qu’il consacre à la nourriture des pauvres et “faict tenir le rôle de tous les pauvres de sa terre de Gans afin de les assister”. Mais quelle était la source qui alimentait la caisse de Monsieur de Bazas ? Familiale très probablement ; mais on souhaiterait en savoir davantage. Arnaud de Pontac apporte aussi tout son soin et sa diligence à la restauration du catholicisme en Béarn. Il donne des instructions et mémoires, procure des prédicateurs – le chanoine Dupuy fut l’un d’entre eux – les gages ou leur fournit “tous bons livres, comme de controverse, des livres spirituels de Catéchismes et de Chapelets”.
Extrêmement pieux, “sa charge luy est à merveilleuse recommandation” ; il prêche, “visite son Diocèse incessamment, procure la convocation du Concile Provincial de Bourdeaus”. Il n’épargne aucun moyen “pour retirer du bourbier de l’hérésie ceux qui s’y sont enfoncés” et ne confère jamais un bénéfice “qu’au préalable, il ne s’en soit conseillé à Dieu par prière et oraison”. Il met en pratique sa devise “contra spem in spem” et fait face à l’adversité. Jamais ne le quitte l’espérance en la Providence divine et, par-dessus tout, il a un sens aigu de la spiritualité épiscopale. “Aimé des lettres” il renoue à la fin de sa vie avec ses travaux de jeunesse ; quelques mois avant son décès, il corrigeait les épreuves d’une nouvelle édition de la Chronique d’Eusèbe, ouvrage dédié à Henri IV, publié en 1604 à Bordeaux.
Souffrant, Mgr de Pontac décide, le 20 janvier 1605, de se retirer quelques jours au château des Jauberthes chez sa belle-sœur, la présidente de Salles, veuve de son frère Raymond. Il y reçoit des délégations de Bazas, Langon, Monségur, du chapitre ainsi que son confesseur, le chanoine Dupuy. Dans ses Honneurs funèbres et son Oraison funèbre, celui-ci nous a laissé un récit émouvant et remarquablement précis des derniers jours du prélat, décédé le dimanche 27 février, du transport de son corps à Bazas le 9 mars puis, des cérémonies qui se déroulèrent jusqu’au 17 mars, jour de ses obsèques. Son corps “fut mis en son lieu de repos, à la main droite du grand autel”. “Vous scavez trop mieux, Seigneur, (si faut-il neantmoins que nous vous le confessions), que ceste pauvre Ville, (pauvre à vrai dire pour son assiette, riche néantmoins de miracles que vous y avez faict dès le commencement du Christianisme et des faveurs que vous avez faict rosoier sur icelle) qu’elle n’est remise a vostre service que par son zèle et industrie”.
Arnaud de Pontac fut un très grand évêque qui a donné au siège de Bazas un éclat sans rapport avec les modestes dimensions du diocèse.
Bibliographie
Honneurs funèbres de messire Arnaut de Pontac conseiller ès conseils d’Estat et privé du Roy et evesque de Bazas avec l’Oraison funèbre prononcée par Mons. M. G. Dupuy, chanoine et second archidiacre de Bazas. Réédition des Cahiers du Bazadais, 4e trim. 1980, n° 51. Les passages “…” sont extraits de l’Oraison funèbre ; Titulus Vazatensium, ou Chronique de Bazas, œuvre du chanoine Géraud Dupuy, dont la réédition avec traduction et notes est en cours ; Hélène Coulon, Recherches sur Arnaud de Pontac, évêque de Bazas (1572-1605), D.E.S., mémoire secondaire, Bordeaux, 1966.
Cette notice est une simple approche et nombreux sont les points qui mériteraient d’être vérifiés et approfondis. L’auteur tient à remercier le professeur Philippe Louprès qui a bien voulu la relire. Mgr Arnaud de Pontac attend son biographe.
Cette notice a été rédigée pour les Amis de la Cathédrale de Bazas, à l’occasion de la commémoration du IVe centenaire de la mort d’Arnaud de Pontac.