Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 168, 2010, 49-56.
Alors qu’il travaillait à la publication des Rôles gascons du règne d’Édouard II de 1307 à 13171, le doyen Y. Renouard avait remarqué que nombre d’actes touchaient aux relations entre le roi-duc et Clément V. Ces actes concernaient en particulier les graves problèmes financiers auxquels était confronté Édouard II et les démarches qu’il avait entreprises auprès de Clément V afin qu’il lui vînt en aide2.
En effet, en conflit ouvert avec ses barons, Édouard II a perdu en 1311 le contrôle des recettes du royaume qui est passé de la Garde robe à l’Échiquier3. Le roi, démuni au point d’entraîner la faillite de ses créanciers italiens est donc dans l’impossibilité d’emprunter. Le pape lui a bien accordé de prélever des décimes sur le clergé anglais, cela de 1309 à 13114. Mais après la clôture du concile de Vienne (11 mai 1312)5 Clément V ordonne la levée d’une dîme de six ans (octobre 1313-octobre 1319) destinée à la Croisade. Édouard II ne pouvant plus compter sur ces recettes essaye donc d’obtenir directement l’aide financière du pape. Il lui faut pour cela trouver un homme de confiance pour demander, définir et obtenir ce concours. Il le trouve en la personne de Bertrand de Sauviac, un des neveux de Clément V6.
Bertrand de Sauviac va jouer dans la négociation qui s’engage entre le roi et le pape un rôle occulte mais sans aucun doute important. Pour autant il n’est pas le seul susceptible d’influer sur la décision de Clément V. Édouard II s’est en effet efforcé de rendre favorable à sa demande, Bertrand de Got, vicomte de Lomagne et Auvillar, autre neveu du pape et chef de la maison de Got depuis le décès de son père Arnaud Garcie. Il lui concède ainsi le droit de haute et basse justice à Portets et Arbanats et tous ses droits et possessions dans la ville de Lectoure, le château de Saint-Clar, les bastides de Dunes et de Donzac et tout ce qu’il possède dans la vicomté et le diocèse de Lectoure (7 juillet 1313). Clément V et ses héritiers demandant des garanties, le roi propose alors de donner en gage les seuls revenus dont il dispose librement, ceux du duché d’Aquitaine. Le 28 octobre 1313, Édouard II constitue ses procureurs pour recevoir les fonds, le génois Antonio Pessagno et ses associés, ses nouveaux banquiers et en informe Gaucelme de Jean, chapelain du pape. Le montant du prêt est alors fixé à 160 000 florins7. Quelques semaines plus tard, le 20 janvier 1314, à Westminster, en présence du chancelier et du trésorier d’Aquitaine, de Bertrand de Sauviac et d’Antonio Pessagno, le roi reconnaît le prêt que lui a fait le pape et s’engage et à en effectuer le remboursement. Le prêt est consenti à titre gratuit puisque l’intérêt considéré comme usure est interdit par le droit canon. Une charte de reconnaissance est rédigée et corroborée sous forme d’instrument public. Cette charte énumère longuement les conditions du prêt. Il est consenti par Clément V comme personne privée, mais il ne s’agit que d’une fiction car la confusion est totale entre le trésor de l’église et la cassette du pape. Édouard II a donc été dans l’obligation d’obtenir l’accord des héritiers de Clément V désignés dans le testament du 29 juin 1312 dont Bertrand de Got, vicomte de Lomagne et d’Auvillar et neveu du pape en était l’exécuteur8. Il déclare recevoir les 160 000 florins du pape et des huit garants de son testament, quatre cardinaux dont l’un Raymond de Got est neveu du pape et quatre autres neveux Gaillard de Preyssac, évêque de Toulouse et son frère Arnaud Bernard seigneur de la Trau et d’Uzeste, Bertrand de Got, vicomte de Lomagne et d’Auvillar et Raymond Guilhem seigneur de Budos. Il remet au pape et aux garants les coutumes et péages de Bordeaux et de Marmande et tous les revenus qu’il a dans le duché d’Aquitaine et la terre de Gascogne jusqu’au remboursement complet. En cas de décès du pape, ce sont les garants qui doivent recevoir les remboursements auxquels s’ajoute celui des frais supportés par le pape pour expédier à Paris les 160 000 florins qui sont remis avant le mois de mars 1314 aux représentants d’Édouard. C’est à partir de ce moment-là que commençe le remboursement. Or Clément V décède le 20 avril 1314.
À cette date Édouard II, avait conclu un accord avec ses barons en octobre 1313, mais Robert Bruce, roi d’Écosse (1306-1329) reprenait la campagne aux frontières de l’Écosse. Le roi, grâce au prêt de Clément V – cela représentait les deux tiers des recettes annuelles moyennes du royaume –, put engager une campagne contre Bruce qui aboutit à la victoire écrasante des Écossais à Bannockburn, le 24 juin. Quant au remboursement du prêt, il s’acheva en décembre 1319 sans que les 160 000 florins fussent remboursés en totalité. Telles sont les grandes lignes de cette opération financière dont les péripéties ont été retracées par Y. Renouard ; engagée au cours de l’année 1312 et négociée en 1313 elle fut conclue au mois de janvier 1314 .
Y. Renouard pensait que la difficulté d’obtenir l’accord des garants fut peut-être un des éléments qui retarda la conclusion du prêt. Le 21 janvier 1314 Édouard II reconnaît avoir reçu les 160 000 florins des mains de Gaucelme de Jean, sacriste de Rodez, chapelain du pape, Bertrand de Sauviac et Bertrand de Savignac chevaliers du pape, mais le paiement n’eut lieu que dans les semaines qui suivirent.
Or à l’occasion d’une recherche récente9 notre attention a été retenue par un acte passé le 27 mai 1313, au château de à La Trave dans la paroisse de Préchac, qui éclaire plusieurs aspects de cette transaction ignorés jusque-là10.
Il s’agit d’un original sur parchemin dont l’écriture est un peu effacée, portant le seing manuel du notaire. Nous sommes “à La Trau”, le cinquième jour à la sortie du mois de mai, soit le 27 de ce mois, l’indiction 10, la huitième année du pontificat du très Saint Père et seigneur Clément V, pape par la divine providence11. C’est Arnaud de Préchac, notaire de la sainte Église catholique qui, à la requête des parties, établit l’acte qu’il rédige en Gascon12. Raimond de La Baste qualifié de noble et discret seigneur, doyen du chapitre de Villandraut13 lui présente une lettre scellée de la bulle du Saint père apostolique14 sur fil de chanvre, ne présentant aucune rature ni altération adressée à Arnaud Bernard de Préchac, chevalier appelé “soldan de la Trau et d’Uzeste” et à sa noble mère Gaillarde. Elle est datée d’Avignon le jour des Kalendes de mai de la huitième année de son règne, soit le 1er mai 1313.
Le notaire a inséré cette lettre dans l’acte daté de la Trave. En voici la teneur.
Clément V s’adresse à son cher fils, le noble homme Ar. Bernard de Preyssac et à sa chère fille, la noble femme Gaillarde de Preychac, sa sœur. Il les informe qu’il a promis de prêter une importante somme à son très cher fils dans le Christ Édouard, illustre roi d’Angleterre. Celui-ci en a besoin pour la préparation des affaires de la terre sainte et pour d’autres affaires sérieuses ? Pour cela, Édouard lui a envoyé “ses gens” qui sont à ses côtés à Avignon et qui demandent avec insistance que l’argent soit expédié à leur maître. La suite de la lettre nous éclaire sur ce point. Il y a quelque temps, en effet, Clément V avait fait déposer auprès de Gaillarde et de son fils, par les soins de Raimond Guillaume de Budos, une somme de 80 000 florins. Le pape demande donc au doyen de Villandraut de retirer de cette somme 74 000 florins afin de compléter une somme beaucoup plus importante et de réunir ainsi l’argent du prêt qu’il a consenti à Édouard. Il souhaite, si cela est possible, que ce retrait soit fait en présence de son cher fils Bertrand, vicomte de Lomagne et Auvillar. En tout cas le soudan de La Trau et sa mère devront remettre 74 000 florins à Raimond de La Baste, doyen de l’église de Villandraut du diocèse de Bordeaux et à Jean de Batssac, chanoine de l’église Saint-Seurin ou à l’un d’eux, afin que tous deux ou l’un d’entre eux les fasse porter au château de Duras, diocèse d’Agen où il doivent être remis aux gens du roi-duc. Au cas où le vicomte de Lomagne et Auvillar ne pourrait être présent, il demande à Arnaud Bernard de Preychac d’accompagner les chanoines. Il ne devra pas s’en revenir tant qu’il n’aura pas mis les florins en sûreté ou ne les aura pas remis aux deux chanoines à Duras. Il donne quittance à Arnaud Bernard et à sa mère Gaillarde de la somme de 74 000 florins dès qu’ils l’auront restituée ou dont ils auront disposé comme il le leur a demandé. Gaillarde remettra le reliquat des 80 000 florins soit 6 000 florins à Guillaume Raimond de Dulcis, doyen de l’église de la bienheureuse Marie d’Uzeste15 pour qu’il les remette à la fabrique de l’œuvre de Villandraut.
En vertu de cette bulle Raimond de La Baste reconnaît avoir pris et reçu en bonne monnaie comptée 74 000 florins d’or des mains d’Arnaud Bernard et de sa mère et en donne quittance à l’exception de 44 florins qu’ils n’avaient pas trouvés lorsqu’ils comptèrent les 80 000 florins ! Furent témoins, Guillaume Raimond, doyen de l’église d’Uzeste, Bertrand de Pompéjac, chevalier, Doad de Faleyras, prêtre, P. d’Endiran, Jean Lugmont et P. d’Auros.
Cet acte qui ne figure pas dans le Regestum de Clément V apporte, on va le voir, une réponse aux questions restées en suspens. Avant toutes choses présentons les personnes que nous avons déjà rencontrées en évoquant les négociations entre Clément V et Édouard II, citées ou présentes dans les deux actes du 1er et du 27 mai.
Clément V avait trois frères, Arnaud Garcie, Béraud, cardinal d’Albano et Gaillard seigneur d’un domaine à Pessac, mort accidentellement lors du sacre de son frère à Lyon. Arnaud Garcie eut neuf enfants dont Bertrand, vicomte de Lomagne et Auvillar, garant du contrat, devenu à la mort de son père le chef de la famille. Parmi les sœurs du pape, deux nous intéressent. Il s’agit d’abord de Gaillarde qui avait épousé Arnaud Bernard de Preyssac, le soudan, dont le fils et héritier Arnaud Bernard II est présent le 27 mai à La Trau, ensuite de Jeanne, épouse de Bérenger Raimond de Budos dont le fils Raimond Guillaume de Budos est cité dans la bulle de son oncle. Avec Bertrand de Got, Arnaud Barnard II de Preyssac et son frère Gaillard, évêque de Toulouse, ils sont garants du contrat, le 21 janvier 1314 au côté de quatre cardinaux. La preuve est faite qu’ils furent des agents actifs dès le début des négociations au printemps 1313.
La bulle de Clément V apporte aussi une réponse partielle mais précise sur l’origine des 160 000 florins prêtés à Édouard II. Y. Renouard avait bien montré qu’il était impossible de distinguer entre le trésor de l’Église et celui du pape. Si nous en avons ici une parfaite illustration, ce qui est beaucoup plus intéressant car ignoré jusqu’à ce jour, c’est le dépôt d’une partie du trésor de Clément V dans le château de sa sœur et de son neveu de Preyssac. Très loin d’Avignon en un lieu particulièrement retiré le pape s’était donc constitué une réserve secrète. Il y a tout lieu de penser que l’existence de ce trésor n’était connue que de quelques membres de la famille, sa sœur Gaillarde et trois de ses neveux que nous avons déjà rencontrés comme garants du prêt. Il est aussi tout à fait significatif que la bulle adressée au doyen de Villandraut soit datée d’Avignon et non comme c’était la règle à la chancellerie du “château d’Avignon” et qu’elle ne figure pas dans les registres du Vatican : en fait, nous sommes en présence d’une lettre de caractère privé. On notera au passage qu’elle a mis 28 jours pour aller d’Avignon à La Trau.
Le doyen de Villandraut et le notaire procédèrent donc au décompte des pièces qui se trouvaient à la Trau. Que sur 80 000 il en ait manqué quatorze ne doit pas surprendre. Que se passa-il alors ? Tout porte à croire que le soudan de La Trau et le doyen de Villandraut après avoir placé les 74 000 florins dans des sacs portés par une bête de somme partirent avec une bonne escorte à Duras passant probablement par Bazas et La Réole. Mais y trouvèrent-ils les gens du roi d’Angleterre ?
C’est ici que se pose une question à laquelle il est difficile de répondre lorsqu’on sait que c’est seulement le 28 octobre 1313 qu’Édouard II constitua ses procureurs pour recevoir les fonds. D’autre part, si dans le long document notarié du 20 janvier 1314 qui précise les modalités du prêt et du remboursement le roi déclare que les fonds lui ont été versés par les mains de maître Gaucelme de Jean, sacriste de Rodez et de Bertrand de Sauviac et Bertrand de Savignac, chevaliers du pape, il est certain qu’Édouard II ne prit réellement possession des fonds que quelques semaines plus tard. En effet, il est explicitement dit que l’argent sera transporté du lieu où se trouve la Curie à Paris. Que sont devenus entre temps les 74 000 florins ? Il y a tout lieu de penser qu’ils n’ont pas été remis à Duras aux agents du roi-duc mais transportés à Avignon. En effet, c’est au cours de l’été 1313 que se déroulèrent les négociations entre les représentants de Clément V et ceux du roi-duc. Or d’après la bulle du 1er mai 1313 on a l’impression que cet accord est déjà très avancé et que l’on peut commencer son exécution ; les gens du roi d’Angleterre sont à la Curie et pressent le pape d’envoyer les fonds ; d’autres gens du roi-duc sont à Duras pour en prendre possession. Le Souverain pontife semble donc avoir cédé trop vite aux démarches de Bertrand de Sauviac le neveu “acheté” par le roi-duc. C’était sans compter avec les autres neveux du Souverain Pontife, couchés sur son testament – Bertrand de Sauviac ne s’y trouve pas – et avec les représentants de la Curie qui ont voulu obtenir des garanties de remboursement et y être associés.
Annexe
1313, 1er mai. – Avignon
Mandement de Clément V à Gaillarde de Got, sa sœur et Arnaud Bernard de Preychac, soudan de la Trau son neveu, de remettre à Raimond de La Baste, doyen de Villandraut et J. de Batssac, chanoine de Saint-Seurin, une somme de 74 000 florins d’or, partie d’une somme de 80 000 florins, déposée à La Trau par Guillaume Raimond de Budos, afin qu’ils la transportent à Duras, le restant étant destiné à la fabrique de Villandraut.
Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio nobili viro Arnaldo Bernardi de Preychaco et dilecte filie, nobili mulieri Gualharde de Preychaco, germane nostre, salutem et apostolicam benedictionem.
Scire volumus vos quod nos carissimo in Christo filio nostro Edoardo, regi Anglie illustri, promisimus mutuare pro preparatoriis ad negocium Terre Sancte et aliis negociis suis arduis, magnam pecunie quantitatem ; ad quod gentes suas misit qui nobiscum sunt et expetunt expeditionem mutui supradicti. Quare, cum de illis quater viginti milibus florenorum quos apud vos dudum per dilectum filium nobilem virum Raimundum Guilhermi de Buzos, deponi fecimus septuagenta quatuor milia florenorum pro predictis habere velimus, cum illa et multo major summa nessessaria sit nobis ad complendum mutuum antedictum, volumus vobisque per apostolica scripta, mandamus quatinus, in presentia dilecti filii Bertrandi, vicecomitis Leomanie et Altovillaris, si ad hoc ejus haberi presentia poterit oportune, septuaginta quatuor milia florenorum de summa predicta apud vos, ut predictum est deposita, deliberetur et tradatur dilectis filiis Raimundo de La Basta, decano ecclesie de Vinhendraldo, Burdegalensis diocesis, et Johanni de Batssaco, canonico ecclesie Sancti Severini Burdegalensis vel alteri eorum, portanda per eos vel eorum alterum apud Duratium, diocesis Agennensis, ubi deliberari facere debemus dictis gentibus mutuum memoratum. Si vero presentia dicti vicecomitis ad predicta comode non posset haberi, tu Arnaude Bernardi de Preychaco, una cum dictis decano et canonico aut altero eorum, predicta septuaginta quatuor milia florenorum sine mora transferas ad locum de Duratio supradictum, ita tamen quod ab eis donec ipsa tibi tute deposueris, seu predictis decano et canonico aut eorum alteri in eodem loco de Duratio tradideris non recedas. Nos autem de dicta summa septuaginta quatuor milia florenorum cum eam restitueritis seu de ea prout scribimus disposueritis, te Arnaldum Bernardi et Gualhardam de Preychaco predictos tenore presentum absolvimus et quitamus. Residua vero sex milia florenorum que de dictis quater viginti milibus florenorum supradictis septuaginta quatuor milia traditis vel depositis, ut predicitur, apud vos remanere noscuntur te Gualhardam predictam per te dilecto filio Guilhelmo Raimundi de Dulcis, decano ecclesie beate Marie de Uzesta, prout fabrica operis de Vinhendraldo indiguerit tradenda volumus retinere. Datum Avinioni, kalendis maii, pontificatus nostri anno VIII°.
B. Acte inséré dans le procès-verbal du 27 mai 1313.
1313, 27 mai. – La Trau
Procès-verbal de la remise de 74 000 florins d’or par Bernard de Preychac, soudan de la Trau seigneur d’Uzeste et sa mère Gaillarde de Got à Raimond de la Baste, doyen de Villandraut.
(Acte reçu par Arnaud de Preychac, notaire apostolique)
A. Original sur parchemin. Conservé aux archives du château de Serrant (Maine-et-Loire). Transcription de Ph. Marchegay dans “Choix de pièces inédites tirées des archives du château de Serrant”, dans B.E.C., t. IV, 4e série, 1857-1858, p. 80-83). Cette transcription comporte manifestement de nombreuse erreurs.
Conoguda causa sia qu’en presentia de min notaris e dels testes de jus escrits la V die en l’eychent de mahs, lo savi e discret senhor lo senhor en Raimon de la Baste, dean de la glise de Vinhendrald, de la diocese de Bordel, presented une letre budlade de la budle del sant payr Apostoli en fil de cambe, no cancellade, ni arase ni en alcune partide de sin viciose, al noble baron et savi senhor n’Arn. Bernard de Preychac, caveyr, aparad soldan, senhor de la Trau e de Uzeste e a la noble done, a la done na Gualharde, sa mayr, la tenor de laquel s’en seg en ceste maneyre :
(Acte du 1er mai 1313. – Avignon)
Per auctoritad de laqual budle e mandament contengut en la deyte budle, lo deyt senhor en Ramon de la Baste reconego sin aver pres et recebud, en bone pecunie contade, setante e quatre milie florins d’aur, par les mains dels deyts lo senhor n’Arn. Bernard de Preychac et de la done na Gualharde sa mayr, e s’en tengo per ben pagad : en renuncien à la exception de no agud e de no aver recebud e de no contad los deyts setante e quatre milie florins d’aur, exceptad que dishs de XLIIII florins d’aur n’ave trobad al conte de la deyte summe. Les quel letres ab budle los deyts senhors n’Arn. Bernard e la done na Gualharde aretengoren de vert lor, a major fermetad de lor garentie del livrament e pagament dels setante et quatre milie florins avant dit. Testes : los senhors en W. Araimonos, dean de la gleise d’Uzeste, en Bertran de Pompeiac caveyr, en Doad de Falras, preste, P. d’Endiran, Johan de Lugmont, en P. d’Auros.
Actum a La Trau, dicta die, anno Domini MCCCXIII, indictione Xa, pontificatus sanctissimi patris et domini Clementis, digna providentia pape V anno VIII°. Et ego Arnaudus de Preychaco, sancte Romane ecclesie notarius, qui hoc scripsit publicum instrumentum, de partium consensu vocatus et rogatus.
Notes
- Édouard II, fils d’Édouard Ier, époux d’Isabelle de France, fille de Philippe le Bel a régné du 7 juillet 1307 au 7 janvier 1327, date de sa déposition. Son fils Édouard III lui succéda sous la tutelle de sa mère jusqu’en 1330.
- Édouard II et Clément V d’après les Rôles Gascons, Annales du Midi, t. LCVII, 1955, p. 119-141. La première partie de l’exposé qui suit s’inspire directement de cet article. La publication du tome IV des Rôles gascons eut lieu en 1962. Ce fut le dernier de cette série.
- Édouard II s’était heurté à l’opposition des barons regroupés derrière Thomas comte de Lancastre, son cousin germain, un médiocre et un jaloux. Le conflit prit un tour politique lorsque sous la menace des armes, le parti aristocratique imposa la constitution d’une commission de vingt-et-un “ordonnateurs” dont les travaux aboutirent au contrôle du Parlement, en fait celui des barons, sur le conseil, les cours souveraines, l’hôtel et toutes les ressources royales en 1311.
- Il s’agit d’une taxe extraordinaire prélevée par le roi avec l’autorisation du pape sur les revenus ecclésiastiques du royaume.
- C’est au cours de ce concile que fut examiné le sort de l’ordre du Temple.
- Y. Renouard l’a bien distingué d’un autre neveu, Bertrand de Savignac, mais on hésite encore sur le nom de leurs mères entre Arrarice et Agnès. Bertrand de Sauviac fut prévôt de Bazas en 1307 et recteur de Campanie. Le roi-duc lui fit don des châteaux de Tontoulon et de Lados, de la dîme de Meilhan et d’une nasse devant Saint-Macaire. Il est à Vienne en janvier 1312, à York le 28 février, puis il repart à la Curie ou il reste jusqu’au mois d’octobre À cette date il est fait contrôleur du château de Bordeaux. Au cours de l’hiver 1312-1313 il séjourne en Angleterre puis, le 8 mars 1313, il repart à la Curie. Il revient rendre compte de sa mission à Édouard II à Poissy, le 4 juillet 1313.
- Le florin d’or fut émis pour la première fois à Florence en janvier 1253. D’or pur, il pèse 3,5368 g et reprend le type du florin d’argent. Au droit est représenté le saint patron de la cité saint Jean-Baptiste avec la légende S. IOHANNES B. Au revers s’épanouit la grande fleur de lis avec la légende FLORENCIA. Le florin de Florence connut un grand succès et tout au long du XIVe siècle d’innombrables contrefaçons dans l’Europe entière, mais en 1313 prévalait encore le florin de Florence (E. Fournial, Histoire monétaire de l’Occident médiéval, 1970, p. 81). Dans la quittance donnée par Édouard II le 21 janvier 1314 il est précisé qu’il s’agit de florins de Florence).
- Le trésor pontifical de 814 000 florins était réparti en trois postes : 300 000 florins pour la Croisade, 200 000 florins pour les aumônes et 3 140 000 florins pour les familiers du pape.
- Il s’agit d’une recherche concernant le château de Duras en Agenais, entré dans la famille de Got en 1305, l’année même où Bertrand de Got accéde au souverain Pontificat. La seigneurie de Duras fut donnée par le roi de France Philippe le Bel à Arnaud Garcie de Got, frère du pape.
- Ce document a été publié en 1855 dans la Bibliothèque de l’École des Chartes par P. Marchegay qui l’avait découvert dans les archives du château de Serrant (Maine-et-Loire) parmi “les débris du chartrier de Thouars” (Choix de pièces inédites tirées des archives du château de Serrant, B. E. C., t. IV, 4e série, 1857-1858, p. 80-83.) L’abbé G. Brun, auteurd’Uzeste et Clément V a eu en main un “vidimus curieux” de ce document (p. 45, n. 2). Abordant la liste des doyens de la collégiale d’Uzeste il s’étonne de trouver le 1er mai 1313 un W. Araimonos, doyen d’Uzeste , mais ne se rend pas compte qu’il s’agit du même personnage que Guillaume Raimond de Dulcis ; le premier est témoin d’un acte du 27 mai 1313 et non du 1er –, le second cité dans une bulle du 1er mai 1313. Cf. infra. Mais l’abbé ne nous dit pas où se trouve ce vidimus.
- La Trau est le nom gascon originel de La Trave, une maison forte bâtie sur la rive gauche du Ciron dans la commune de Préchac. La manière de dater romaine est à l’origine d’un système dont l’usage est assez fréquent dans le Midi de la France au Moyen Âge et qui consiste à diviser le mois en deux parties : on compte directement les quantièmes du 1er au 15 ou 16 puis, du 16 ou 17 en rétrogradant depuis le dernier. L’indiction était sous l’empire romain une période quindécimale comprise entre deux révisions des matrices cadastrales. Au point de vue chronologique les indictions sont des périodes conventionnelles de quinze ans qui se succèdent dont la première commence en 313 apr. J.-C. Ne disposant pas d’un calendrier universel bien des notaires se trompaient. C’est ici le cas. En 1313 l’indiction est 11, la période de quinze ans ayant commencé en 1303 (indiction 1). Clément V a été élu le 5 juin 1305, la huitième année de son règne a commencé le 5 juin 1312.
- Le notariat public originaire d’Italie s’est diffusé depuis le Languedoc en Aquitaine au XIIIe siècle. Le notaire public, en vertu d’une investiture spéciale, a le privilège de donner à ses écritures par sa souscription et l’apposition de son seing manuel le caractère d’écritures authentiques. Cette investiture lui est donnée par ceux qui détiennent une part de la puissance publique. Probablement Arnaud de Préchac avait-il reçu son investiture de Clément V. Cela lui permettait d’officier dans toute la Chrétienté.
- Raymond de La Baste a été nommé premier doyen du chapitre de Villandraut par la bulle Multiplicia tuarum dona virtutum du 28 juin 1312. Regestes de Clément V, n° 8698.
- La bulle est un sceau en plomb, qui a l’apparence d’une monnaie, suspendu au bas de l’acte par des cordelettes de chanvre. Le nom de bulle est donné par extension à certains documents de la chancellerie pontificale. Il s’agit ici d’une petite bulle ou mandement.
- Clément V nomma Guillaume Raymond de Dulcis (alias Urso), le 28 juin 1312. Regeste n°8697.