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Notes sur l’histoire de la ville de Bazas au XIIIe siècle


Paru dans : Les Cahiers du Bazadais, 65 et 66, 1984, 3-47 et 3-42.

Cité épiscopale depuis le Ve siècle, plus tard étape sur le chemin de Vézelay à Saint-Jacques-de-Compostelle puis, aux XIVe et XVe siècles, ville frontière, Bazas a, sans le moindre doute, occupé tout au long du Moyen Âge un rang honorable parmi les villes de Gascogne. Mais son histoire est encore fort mal connue1. Parmi ses moments forts la conclusion, le 16 juillet 1283, du contrat de paréage entre Édouard Ier et l’évêque Hugues de Rochefort n’est certainement pas le moindre. Au terme de dix années de tractations et d’accords provisoires suivis de ruptures, ce contrat consacre, en effet, la fin de près de trois siècles d’indépendance politique. Mais la remise en cause par le roi-duc d’un statut qui remontait probablement aux premières années du XIe siècle, même si elle s’insère dans un cadre plus vaste, celui de la mainmise ducale sur les seigneuries ecclésiastiques d’Aquitaine, n’a été rendue possible qu’en raison de la position privilégiée que le roi-duc occupait déjà dans la cité, en 1274. On ne saurait donc évoquer la conclusion du contrat de paréage et les péripéties qui l’ont immédiatement précédée sans esquisser, au moins à grands traits, l’histoire de la seigneurie ecclésiastique de Bazas au cours des deux siècles qui ont précédé.

Origine et évolution de la seigneurie ecclésiastique
(XIe siècle-1242)2

Avant les premières années du XIIIe siècle, c’est l’obscurité parfois la plus totale qui plane sur l’histoire de Bazas comme, d’ailleurs, sur celle de bien des villes de l’ancien duché gascon, passé entre 1032 et 1058 dans le patrimoine des comtes de Poitiers, ducs d’Aquitaine. Le mariage, en 1152, de l’héritière de cette maison, Aliénor avec Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, qui devient deux ans plus tard roi d’Angleterre, eut pour conséquence l’intégration de la Gascogne occidentale dans le vaste “empire” Plantagenêt, mais ne modifia guère la situation des pays d’outre-Garonne. Ce n’est, en effet, que sous le gouvernement de Richard Cœur de Lion puis, sous son court règne (1189-1199), que les affaires gasconnes commencent à intéresser quelque peu des maîtres dont le centre des possessions était alors situé entre Loire et Tamise. Il fallut donc attendre l’effondrement de cet empire sous Jean sans Terre (1199-1216), obligé d’abandonner à Philippe Auguste ses possessions de la Normandie au Poitou, pour que l’ancien duché gascon – du moins ce qu’il en restait – reconstitué à la fin du Xe siècle à partir du comté de Bordeaux et de celui de Gascogne revînt au-devant de la scène politique.

Origines et caractères de la seigneurie ecclésiastique

Les origines

Quelle fut la destinée de la ville de Bazas au cours de ces deux siècles ? Quelle place occupait-elle au sein des pays gascons ? Sans trop préjuger d’une histoire qui reste encore en grande partie à écrire, on peut estimer que la restauration de l’évêché de Bazas, en même temps que celle des autres sièges de la Gascogne occidentale au cours des années 1059-1060, coïncide avec la renaissance de la vieille cité3. Cependant, la situation ne se présentait pas alors à Bazas de la même façon que dans les autres évêchés gascons restaurés – Aire, Dax, Lescar, Oloron –, ou créés comme celui de Bayonne4. Lorsque vers 977 fut établi, dans un premier temps, un grand évêché gascon pour Gombaud, frère du comte et duc de Gascogne Guillaume Sanche, le territoire de l’ancien évêché de Bazas s’y trouvait inclus. Mais, par la suite, peut-être dès 978, en tout cas, lorsque l’évêché de Gascogne passa aux mains d’Arsiu (988-1025), le siège de Bazas aurait, comme ceux d’Agen et de Lectoure, possédé son propre pasteur, situation qui se serait prolongée jusqu’en 1012 lorsqu’Hugues, le fils de Gombaud devenu évêque d’Agen, le fut aussi de Bazas (1012-1014). Si de 1014 à 1025, Bazas demeura probablement encore en dehors de l’évêché de Gascogne administré par Arsiu puis Sans (1025), il n’en fut plus de même, semble-t-il, après l’avènement de Raimond le Vieux (1025-1059) qui fut peut-être évêque de Bazas avant de devenir évêque de Gascogne et qui aurait alors cumulé les deux fonctions. Ainsi s’expliquerait, en tout cas, le titre d’évêque de Bazas que prit Raimond le Vieux, lors du synode de Toulouse, en 1056. Or, son neveu Raimond le Jeune qu’il avait probablement pressenti pour lui succéder, sinon dans la totalité du moins dans une partie de l’évêché de Gascogne, se rendit à Rome à l’occasion du concile tenu au Latran, en avril 1059 ; à cette occasion, le pape Victor II prononça la dissolution de l’évêché de Gascogne et nomma, sans doute sur sa demande, Raimond le Jeune évêque de Bazas, en le chargeant, en outre, de fonder un évêché en Labourd, tandis que son oncle Raimond le Vieux recevait l’évêché restauré de Lescar.

Si les grandes lignes de cette histoire, telle qu’elle a pu être récemment proposée, sont exactes, on ne peut qu’être frappé par le destin très original que connut le diocèse de Bazas au sein des évêchés gascons. En effet, alors que dans un premier temps, jusqu’en 1025, son histoire rappelle celle des sièges de la Gascogne orientale, le hasard d’une promotion aurait lié son sort à celui du grand évêché de Gascogne. Or, lorsque furent restaurés ou créés les évêchés landais et béarnais, les nouveaux évêques se trouvèrent confrontés à un pouvoir établi avant le leur depuis un demi-siècle au moins, celui des vicomtes de Marsan, Gabardan, Dax, Oloron et Béarn. En revanche, à Bazas, comme d’ailleurs à Lectoure et à Agen, l’évêque était resté seul maître dans sa cité épiscopale, situation qui ne peut avoir d’autre origine, selon nous, que dans l’ancienneté de la restauration de ces sièges.

S’il n’est pas exclu qu’au cours de son long épiscopat Raimond le Jeune (1059-1084) se soit attaché à renforcer son pouvoir temporel, il ne fait aucun doute, à notre avis, qu’il avait hérité dans ce domaine d’une situation déjà bien assise. Le contenu de sa seigneurie, les pouvoirs qui y étaient attachés ne présentent rien d’exceptionnel : comme l’abbé de Saint-Sever dont l’abbaye avait été fondée par le frère de Gombaud, Guillaume Sanche en 988, ou comme l’évêque de Lectoure, celui de Bazas était maître du sol de la ville et détenait la juridiction au sens le plus large, c’est-à-dire le pouvoir de juger, celui de lever et de diriger l’ost, de construire des châteaux, de lever des contributions et des péages.

Mais, pour des raisons qui restent mystérieuses, la seigneurie de Bazas demeura en dehors du réseau des liens vassaliques qui se mit peu à peu en place en Gascogne à partir de la fin du XIe siècle et surtout au cours du siècle suivant : elle devint – ou resta – ainsi un alleu, c’est-à-dire un bien que son possesseur ne tenait de personne et qui, de ce fait, n’était assujetti à d’autres obligations que celles découlant de sa situation dans le duché de Gascogne : à peu de chose près, le service militaire5. Le Bordelais et le Bazadais ont été tout au long du Moyen Âge, et même au-delà, des terres où les alleux ne furent pas rares, mais l’évêché de Bazas est probablement la seule seigneurie ecclésiastique de Gascogne occidentale à s’être trouvée dans cette situation, qu’elle conserva d’ailleurs en partie après le paréage de 1283. Cette situation permet de prendre la mesure des difficultés que le roi-duc et ses officiers rencontrèrent dès lors qu’ils souhaitèrent s’approprier une parcelle de pouvoir dans la cité ; elle permet de comprendre aussi la vigueur de la résistance que purent opposer les évêques et le chapitre ; elle confère enfin aux événements qui se déroulèrent dans cette ville un intérêt particulier. Bazas constitue indiscutablement un champ idéal pour voir s’affronter le pouvoir ducal et un pouvoir local attaché à ses privilèges.

Les premières étapes de l’évolution

Or, la situation exceptionnelle qui était celle de la seigneurie de Bazas au milieu du XIe siècle se modifia très sensiblement au cours des deux siècles qui suivirent. Dans des circonstances qui, le plus souvent, nous échappent, l’évêque fut contraint de faire des concessions qui, sans porter fondamentalement atteinte à son pouvoir, en modifièrent sensiblement le contenu.

Le partage du pouvoir avec le chapitre

Dans un premier temps, il fut ainsi amené à le partager avec son chapitre. D’après le Chronicon Vasatense, notre seule source pour cette période, cela se serait produit, en 1140, sous l’épiscopat de Forton6. Cette décision résulte sans aucun doute de la situation très grave à laquelle cet évêque et ses prédécesseurs immédiats étaient alors confrontés depuis une vingtaine d’années, en raison des prétentions des évêques d’Agen qui revendiquaient plusieurs paroisses de la rive gauche de l’Avance. Commencé vers 1110, provisoirement réglé par le pape Calixte II au profit des Bazadais, en 1121, le conflit reprit avec violence cette fois en 1136 à l’occasion, semble-t-il, du ralliement de l’évêque de Bazas, Geoffroy, au schisme d’Anaclet II et de l’excommunication dont il fut frappé7. Les Agenais en profitèrent pour attaquer la cité épiscopale et en incendièrent une bonne partie, en particulier l’église Saint-Martin : c’est dans ces circonstances que fut “inventé” le corps de saint Alain qui fut transporté dans la cathédrale où son chef fut désormais l’objet d’un culte. Incapable probablement de résoudre seul les problèmes qui se posaient alors, le nouvel évêque Forton prit donc la décision d’associer le chapitre à la seigneurie de la ville et de sa juridiction : Bazas devint ainsi, en 1140, une coseigneurie ecclésiastique, sans que ne fût en rien modifié son caractère alleutier. Les chanoines paraissent avoir pris fort au sérieux leurs nouvelles prérogatives : ainsi, le chanoine Garcias, l’auteur du Baptista Salvatoris, accompagna-t-il Forton quand celui-ci se rendit à Rome plaider auprès d’Innocent II la cause de l’Église bazadaise8. Quelques années plus tard, en 1142, des chanoines furent faits prisonniers à Casteljaloux, lorsque des seigneurs de l’Agenais agissant pour le compte de l’évêque d’Agen rengagèrent le conflit9. Plus tard, on les voit encore défendre avec vigueur leurs droits et ceux de l’évêque contre les prétentions du sire d’Albret qui voulait imposer à son profit un droit d’entrée aux portes de la ville (1156-1159)10. Qu’il y ait eu parfois des différends entre l’évêque et le chapitre, la chose ne saurait surprendre, mais ils furent apparemment réglés sans trop de heurts comme ce fut le cas en 118911. On peut aussi supposer que, sous l’épiscopat de Gaillard, en 1188-1192, ce fut d’un commun accord que le nombre des chanoines fut ramené à dix-huit12.

La réduction du territoire de la seigneurie

Si l’histoire des relations entre les évêques et leurs chanoines ne soulève pas de problème particulier, nous sommes fort mal renseigné, en revanche, sur un autre aspect de la seigneurie ecclésiastique de Bazas : celui de son extension territoriale et de l’éventuelle fluctuation de celle-ci au cours des années 1050-1250. Ce n’est, en effet, qu’à travers des sources tardives – elles ne datent que du XVIIIe siècle – que nous connaissons les limites de la ville et de son détroit13.

Cette délimitation remontait probablement aux années 1278-1283, époque où, nous le verrons, dans le cadre des accords conclus entre le roi-duc, d’une part, l’évêque et le chapitre, de l’autre, une commission fut chargée de borner le détroit14. Mais il ne s’agissait alors que de procéder à une meilleure définition de limites en gros reconnues. On peut donc être assuré que celles des années 1280, sont à quelques détails près semblables à celles du XVIIIe siècle. Faisaient ainsi partie du “détroit”, les paroisses Saint-Jean-Baptiste, Notre-Dame, Saint-Martin, une partie de Conques, une partie de Saint-Côme et de Sauviac, Saint-Vincent-de-Cabouzitz, Guiron, Saint-Michel-de-La Prade, Poussignac, une partie de Cazats, Saint-Hippolyte, une partie de Tontoulon, soit un territoire qui correspond à peu de chose près à celui de la commune actuelle de Bazas15. Or, au XIIIe siècle, ce détroit fut défini par rapport et dans le cadre d’une autre entité territoriale qui l’entourait de tous côtés et qui nous est connue depuis 1242 : la prévôté ducale de Bazadais souvent confondue d’ailleurs, après 1283, avec celle de Bazas et de son détroit, lorsque le même officier exerça simultanément les fonctions de prévôt de Bazadais et de prévôt ducal dans la ville et son dex.

Pas plus que pour le détroit de Bazas on ne connaît pas avant le XVIIIe siècle la liste des paroisses qui constituaient la prévôté de Bazadais mais, grâce à de multiples recoupements ou des indications dispersées, on peut être assuré que ces limites n’avaient pas non plus évolué depuis la seconde moitié du XIIIe siècle16. Faisaient partie de cette prévôté : au nord, une partie de Coimères, Cazats et Brouqueyran ; vers l’est, les paroisses de Gajac, Birac, Bijoux et Sauros ; au sud-est, une partie de Sigalens, Cauvignac, Thil, Masseilles, Magnac, Marions, Lavazan et Artiguevieille ; au sud : une partie de Sillas, le quartier de Taves dans Lerm, celui de Roquemaure dans Giscos, Maillas et Escaudes dont Le Boscage, la majeure partie de Bernos et de Cudos, Taleyson, une partie de Sauviac ; à l’ouest enfin Pompéjac, Marimbault et une moitié de Lignan. Il s’agit donc d’un ensemble deux fois plus vaste au moins que le canton actuel de Bazas, atteignant la vallée du Lisos, vers l’est, s’enfonçant dans les Petites Landes, au sud et entourant du nord-est au sud-ouest la ville et son détroit à la manière d’un croissant.

La question est de savoir si, au milieu du XIe siècle et jusqu’à une date qu’il conviendrait éventuellement de déterminer, l’évêque exerçait ou non son autorité à la fois sur la ville et son détroit et sur une région plus vaste incluant en particulier le territoire de la prévôté ducale de Bazadais tel que nous le connaissons à la fin du XIIIe siècle. En d’autres termes, la ville et son dex ne seraient-ils pas les vestiges d’une seigneurie épiscopale bien plus vaste, née au début du XIe siècle ? L’hypothèse n’est pas à écarter. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner la carte des châteaux et mottes castrales dans la partie méridionale du diocèse, au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle. Il ne subsiste, en effet, que très peu de mottes fossiles dans les juridictions situées à la périphérie de la prévôté de Bazadais, celles de Roquetaillade, Auros, Lados, Aillas, Castelnau-de-Mesmes, Captieux, Cazeneuve. En revanche, on note la présence de cinq ouvrages de terre sur le territoire de la prévôté qui ne comporte bien sûr aucun château postérieur aux années 1240. Il s’agit des tertres de Tontoulon, Sauviac (Le Vieux-Château, La Motte), Bernos (Saminzet) et Lignan (Boutevin). Par ailleurs, les châteaux épiscopaux de Lerm et Gans occupent une position limitrophe entre la prévôté et les juridictions extérieures. Une telle géographie n’est évidemment pas le fruit du hasard. La fossilisation des mottes situées sur le territoire de la prévôté ducale suggère qu’à un moment donné un pouvoir suffisamment fort arrêta net l’essor de ces forteresses manifestement adultérines. Cela ne put être le fait de l’évêque dont l’autorité temporelle ne cessa de s’affaiblir et qui n’avait d’ailleurs pas su empêcher leur apparition, mais bien celui du roi-duc. Tout laisse donc penser que l’évêque fut contraint – à une époque qu’il reste à déterminer – de céder au roi-duc un territoire sur lequel il n’exerçait peut-être plus aucun pouvoir, ne conservant que les châteaux lui appartenant en propre, à commencer par celui de Bazas, ainsi que ceux de Lerm et de Gans. Deux autres faits viennent étayer cette hypothèse : tout d’abord, on ne connaît pas, avant 1283, de maison forte ou de forteresse ayant servi de résidence au prévôt ducal, connu depuis 1242 mais dont l’origine est sans doute plus ancienne ; apparemment, il résida toujours à Bazas. En second lieu, les hommes francs du roi-duc qui, dans la prévôté, tenaient leurs biens dans le cadre d’une tenure collective, devaient, en 1274, le même service militaire que les habitants de Bazas17. Certes, on peut imaginer que le roi-duc ait à un moment donné imposé à ses hommes francs un service militaire calqué sur celui que lui devaient les habitants de Bazas. Mais nous serions plutôt enclin à penser que cette identité des obligations militaires remonte à une situation originelle commune, celle d’une époque où hommes francs du Bazadais et habitants de Bazas relevaient d’une même juridiction, celle de l’évêque. Bien sûr, répétons-le, il ne s’agit là que d’une hypothèse, mais elle est plus vraisemblable que celle qui consisterait à envisager dès le XIe siècle une sorte de partage entre le duc et l’évêque.

Le service militaire des Bazadais au roi-duc

C’est probablement aussi au XIIe siècle ou au tout début du siècle suivant que le roi-duc obtint le service militaire des habitants de Bazas selon des modalités qui ne nous sont connues que bien plus tard, à l’occasion des reconnaissances faites par les Bazadais à Édouard Ier, en 1274. Il est probable, en effet, que c’est à l’évêque et aux chanoines que les habitants de Bazas devaient à l’origine le service d’ost ; bien que nous n’ayons conservé aucun témoignage formel de leur participation aux luttes qui opposèrent au XIIe siècle l’évêque et le chapitre de Bazas à l’évêque d’Agen et aux seigneurs du voisinage, tels que les Albret qui tentaient de s’imposer dans la cité, on peut être assuré que les Bazadais intervinrent activement dans ces conflits : comment aurait-il pu en être autrement puisque jamais nous ne voyons l’évêque faire appel à des concours extérieurs18. Or, le 25 mai 1242, le roi-duc mandait aux prud’hommes de Bazas de se trouver à Royan pour lui rendre le service d’ost, un ordre dont les Bazadais ne contestèrent pas un seul instant le bien-fondé19. Un changement était donc intervenu : comme pour le démembrement de la seigneurie épiscopale, si du moins nous en retenons l’hypothèse, il conviendrait de rechercher à quel moment et dans quelles circonstances il a pu se produire. On ne saurait, d’ailleurs, exclure à priori que les deux événements aient été contemporains ; mais ce fut dans tous les cas à l’occasion d’une intervention ducale que l’évêque sollicita ou qui lui fut imposée dans des circonstances graves et ceci probablement entre 1140, date du partage avec les chanoines et 1242, lors de la venue d’Henri III à Bazas. Mais ce siècle est encore bien mal connu, autant en Bazadais que dans l’ensemble de la Gascogne : aussi nous contenterons-nous d’avancer quelques hypothèses.

L’attitude de l’évêque face aux menaces extérieures (1200-1242)

On ne saurait écarter tout d’abord une initiative de Richard Cœur de Lion, plus d’ailleurs à l’époque où il était comte de Poitiers que sous son règne, après 1189. On se souvient, en effet, de ses interventions énergiques à Dax et dans le Labourd mais, au lendemain du décès de la reine mère Aliénor, le 31 mars 1204, l’évêque Gaillard (1186-v. 1213) n’hésita pas, semble-t-il, à soutenir la tentative que fit alors le roi de Castille, Alfonse VIII, pour prendre la Gascogne à son beau-frère Jean sans Terre (1199-1216). Influencé par la condamnation de Jean par la cour de France en 1202, et souhaitant faire valoir les droits de son épouse Aliénor à la succession de sa mère, le roi de Castille lança, en 1204, une offensive diplomatique en vue de rallier à sa cause seigneurs et prélats gascons20. Or, le 26 octobre l’évêque de Bazas était présent à Saint-Sébastien aux côtés de son confrère de Bayonne, du comte Géraud d’Armagnac, de Gaston VI, vicomte de Béarn et d’Arnaud Raymond, vicomte de Tartas Cette manœuvre fut suivie, l’année suivante, ou au cours de l’hiver 1205-1206 d’une expédition castillane dont l’objectif principal était Bordeaux mais qui visa aussi d’autres places hésitantes ou hostiles aux manœuvres du Castillan21.

Dans le cas de Bazas, les renseignements dont on dispose sont fragmentaires et contradictoires. À la politique de collaboration de l’évêque Gaillard se serait opposée celle des habitants de la cité épiscopale : au mois d’avril 1205, Jean sans Terre ne remercia-t-il pas les prud’hommes de Bazas, en même temps que ceux de Bordeaux et de Saint-Émilion des services qu’ils lui avaient rendus et d’avoir ainsi contribué à la conservation du duché22. Mais il est probable qu’à cette date, Alfonse VIII n’avait pas encore lancé son offensive, en sorte que le message du roi aux Bazadais peut aussi bien traduire la crainte qu’il éprouvait de voir les Bazadais et les autres bourgeois gascons passer dans le camp adverse… En tout cas, bien que Bazas ait constitué une étape forcée dans l’avance castillane vers La Réole et Bordeaux qui furent toutes deux menacées, on n’a conservé aucun souvenir d’une attaque contre Bazas, encore moins de la reddition ou de la prise de la ville. Il est donc vraisemblable que les habitants résistèrent aux entreprises castillanes : on comprendrait mal d’ailleurs que, quelques années plus tard (1219), les Bazadais eussent témoigné auprès du roi-duc de la fidélité des Bayonnais à la couronne anglaise, lors des événements de 120623. Face à la détermination des Bordelais, l’aventure d’Alfonse VIII tourna finalement court et, dès le mois de mai 1206, lors de la venue de Jean sans Terre en Gascogne, tout était rentré dans l’ordre. Apparemment aucun de ceux qui avaient pris le parti du roi de Castille n’eut à subir la vindicte du roi-duc, bien trop préoccupé ailleurs. Dans ces conditions on ne voit guère pour quel motif seul l’évêque de Bazas aurait eu à souffrir des conséquences de son engagement.

Il semble, en revanche, que l’on doive considérer d’une tout autre manière les événements qui se produisirent quelques années plus tard, au début du règne d’Henri III. La mort de Jean sans Terre, en octobre 1216, ouvrit, en effet, en Gascogne une période de troubles imputables en grande partie à la minorité et à la faiblesse du jeune roi. En raison de l’impuissance des sénéchaux anglais qui ne parvenaient pas à maîtriser l’état de révolte endémique qui agitait la classe seigneuriale, une crise d’une extrême gravité pour la couronne ducale éclata en 1222. Les Bordelais essayèrent alors de s’émanciper politiquement et de prendre en main leur destinée et c’est à grand-peine que le sénéchal Savary de Mauléon parvint à mettre un terme à cette tentative24. Or, au printemps 1224, le roi de France Louis VIII lançait contre les possessions d’Henri III une offensive qui risquait d’être décisive pour le sort des possessions anglaises sur le continent. En effet, La Rochelle tombait le 3 août, tandis que le sénéchal anglais passait à l’ennemi25. La Gascogne se trouvait donc livrée à elle-même : si Bordeaux résista aux attaques françaises, en revanche, le comte de la Marche, à la tête des troupes françaises, faisait passer sous l’autorité de Louis VIII les villes de Saint-Émilion, La Réole et Saint-Macaire ainsi que la “cité de Bazas avec l’évêque”, mais nous ne savons trop de quelle manière il convient d’interpréter l’expression : pervertit ad fidem regis Francie ? Y eut-il capitulation, négociations ou au contraire ralliement ? Dans le cas de Bazas il est impossible de le savoir26.

Dès le printemps suivant, cependant, grâce au concours des Bordelais, les Anglais purent reprendre toutes les villes. À la différence de ce qui s’était produit en 1205-1206, la Chronique de Bazas nous a conservé le souvenir de cette reconquête par Richard de Cornouailles, frère de Henri III27. Mais Richard, lui-même, a rapporté dans une lettre les circonstances dans lesquelles la ville capitula. Le 17 avril, le frère du roi arriva avec son armée à Bazas où il passa la nuit sous les murs de la ville, tandis que l’évêque Arnaud de Piis et les citoyens délibéraient sur la conduite à suivre. Ils décidèrent finalement de capituler, remirent la cité à Richard et lui jurèrent fidélité ainsi qu’au roi Henri. À ce moment-là seuls La Réole pour les villes et Élie Rudel de Bergerac pour les “magnats” n’avaient pas encore fait leur soumission28.

Dans l’ignorance où nous sommes des circonstances dans lesquelles les Français s’emparèrent de Bazas on ne saurait donc dire s’il y avait un parti français dans la cité. En tout cas, si l’on en juge par la rapidité avec laquelle ils firent leur soumission à Richard, on peut douter de l’engagement des Bazadais dans le camp de Louis VIII. Leur attitude paraît avoir été avant tout opportuniste. Si l’évêque ne semble pas s’être singularisé il ne faut pas oublier, cependant, que c’était lui et le chapitre et non pas le commun conseil des Bazadais qui étaient seigneurs de la cité. Il n’est donc pas impossible que la soumission de l’évêque ait fourni aux Anglais le prétexte ou l’occasion d’affirmer ou d’établir les droits du roi-duc sur les paroisses qui devaient, quelques années plus tard, constituer la prévôté de Bazadais.

On ne saurait, cependant, passer sous silence les bonnes relations que, par la suite, Henri III entretint avec l’évêque Arnaud de Piis : celui-ci se trouvait en Angleterre en octobre 123529 puis, en juin 1237, en compagnie cette fois de l’archevêque de Bordeaux Géraud de Malemort30. Nous ignorons quel était l’objet de ces voyages, mais le roi est rempli d’attentions à l’égard de l’évêque : les portes de ses châteaux, sa table, ses chasses lui sont ouvertes. Au mois d’août 1237, Henri III devait d’ailleurs lui confier la garde du castrum de Bouglon confisqué à W.R. de Piis31. Ainsi que l’on peut le constater, il s’en faut donc encore de beaucoup que soient éclaircies les conséquences des engagements politiques des évêques de Bazas sur la destinée de leur pouvoir temporel.

La ville au début du XIIIe siècle : de la crise de 1208 à la création d’une “commune” (1206-1242)

S’il est un point, en revanche, sur lequel on peut bien s’accorder, c’est sur l’essor que connut la ville au cours de cette période32. Le noyau en est toujours la vieille cité épiscopale édifiée de part et d’autre de la rue Taillade, au nord-est de la cathédrale, dont l’évêque Arnaud de Piis entreprend la reconstruction précisément dans les années 123033 ; mais, une ville nouvelle est en train de naître à l’ouest du parvis, autour d’une place carrefour dont les chemins qui s’y croisent vont constituer autant d’axes de développement. La construction, vers 1230-1240, à l’angle sud-ouest de cette place d’une nouvelle église paroissiale à l’imposant vaisseau – Notre-Dame du Mercadil témoigne de l’essor du bourg nouveau qui devait avoir alors égalé en importance la cité épiscopale. Quartier marchand sans aucun doute, ainsi qu’en témoignent la présence d’une vaste place et le vocable de l’église, probablement entouré déjà par une enceinte, le Bourg, ainsi que nous l’appellerons par opposition à la Cité, va jouer désormais un rôle de premier plan dans l’histoire de la ville. Peuplé de marchands et d’artisans souvent issus de familles venues des campagnes voisines où ils ont conservé des biens, il devient le siège d’un nouveau pouvoir, économique celui-ci. Il était donc à craindre que cette bourgeoisie s’accommodât mal de la présence à la tête de la ville de seigneurs ecclésiastiques, en partie étrangers à leurs préoccupations. Or, en s’adressant, en 1205, aux prud’hommes de Bazas le roi Jean sans Terre avait reconnu à la fois l’existence de cette communauté et la présence à sa tête d’un groupe d’hommes qui en constituaient les guides et les représentants34. Dès lors, l’évêque n’est plus avec les chanoines le seul interlocuteur du roi-duc dans la ville. Face aux menaces qui planent sur son duché, l’attitude que vont prendre les Bazadais importe désormais au roi Jean autant que celle de l’évêque et du chapitre.

Si, comme nous l’avons suggéré, les Bazadais s’opposèrent en 1205-1206, à l’entrée des troupes castillanes dans leur ville, alors que l’évêque Gaillard s’était au moins dans un premier temps, rallié à la cause d’Alfonse VIII, pour quelle raison ne pas faire remonter à cette époque le moment où ils se dotèrent sinon d’une commune du moins de ce “commun conseil” qui, en 1219, n’hésite pas à s’adresser directement à Henri III35. En effet, entre 1205 et cette date nous ne voyons pas quel événement grave, sinon précisément la crise des années 1205-1206 aurait pu favoriser une telle évolution. Nous serions d’autant plus enclin à le penser qu’il se produisit à Bazas, en 1208, une autre crise dont nous ignorons les origines et le déroulement mais dont le caractère politique ne fait aucun doute. Cette année-là, nous rapporte avec laconisme le Chronicon Vasatense, un conflit opposa les chanoines aux habitants ; il fut réglé à la suite de la venue de l’évêque Navarre de Couserans légat du Saint-Siège36. Notons tout d’abord que le fait que l’évêque Gaillard ne soit pas mentionné ne signifie pas pour autant qu’il ne fut pas lui aussi partie dans l’affaire puisqu’il était coseigneur de la cité ; mais, peut-être en raison des derniers événements préféra-t-il rester en retrait. Nous ignorons quel fut le motif du différend, mais la personnalité du “médiateur” nous donne la mesure de l’événement. Navarre de Couserans ne serait pas venu à Bazas pour régler un incident mineur dont on ne voit pas d’ailleurs pour quel motif, le Chronicon en aurait conservé le souvenir. Certes, au cours de cette même année, le légat du pape a tenu un synode provincial à Saint-Sever ; à cette occasion, l’évêque de Bazas a dû le rencontrer et lui exposer les problèmes qui se posaient dans sa ville. Mais, à notre avis, ces circonstances n’auraient pas suffi à justifier le déplacement du légat à Bazas si, au cours de la réunion de Saint-Sever, n’avait été évoqué et réglé un grave conflit qui avait opposé l’abbé aux habitants de sa ville. Or, à Bazas comme à Saint-Sever, le seigneur était ecclésiastique : dès lors, ou bien les événements étaient de même nature que ceux de Saint-Sever et il fallait y mettre fin, ou bien il était à craindre que la situation n’évoluât à Bazas comme elle venait de le faire à Saint-Sever, et dans ce cas il convenait de les prévenir. Nous sommes, en effet, relativement bien informés sur ce qui s’était passé à Saint-Sever et l’on peut dire sans exagération que la situation y avait été particulièrement difficile pour la seigneurie ecclésiastique. En effet, excédés, semble-t-il, par les exigences des moines en matière de droits de sépulture et de sacrements, les Saint-Séverins se révoltèrent et prirent en main l’administration de la ville et de sa banlieue, confisquant à leur profit les droits de l’abbaye, promulguant des ordonnances municipales, imposant des collectes, s’emparant des clefs de la ville, nommant un crieur public, refusant de payer les droits de sépulture, dîmes et oblations et finalement élevant un beffroi pour y abriter des cloches destinées, entre autre, à convoquer les fidèles à des offices présidés par des laïcs ! Le légat du pape mit bon ordre à cette situation révolutionnaire et rétablit le monastère dans l’ensemble de ses droits37. Certes, on ne saurait conclure de la venue de Navarre de Couserans à Bazas, que la situation y était aussi grave qu’à Saint-Sever, mais le fait que la même année les bourgeois de Saint-Sever et ceux de Bazas soient entrés en conflit avec leur seigneur qui, dans les deux cas, est ecclésiastique, n’est pas, selon nous, fortuit. À Bazas comme à Saint-Sever les bourgeois ont sans doute essayé de se faire, reconnaître le droit de participer à l’administration de la ville. N’oublions pas que ceux de Saint-Émilion avaient, dès 1199, obtenu de Jean sans Terre la concession d’une commune sur le type des Établissements de Rouen38. Or, on se souvient qu’en avril 1205 Jean sans Terre s’était adressé en même temps aux prud’hommes de Bordeaux, Bazas et Saint-Émilion ; l’année suivante, il reconnut tacitement la commune dont s’étaient dotés les Bordelais39. Au mois d’août 1206, la crise provoquée par l’incursion castillane passée, il se rendit à La Réole où les habitants venaient de se doter d’un maire lui aussi reconnu par le roi-duc40 mais, on n’a aucune preuve qu’il vint à Bazas et, par la suite, en raison des difficultés que provoquèrent les interventions de Philippe Auguste et d’Innocent III, Jean sans Terre ne s’intéressa plus guère à la Gascogne. Les Bazadais avaient-ils escompté une intervention du roi en leur faveur, en raison de leur fidélité lors de l’expédition d’Alfonse VIII (1205-1206) ? L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable que l’évêque Gaillard s’était, on l’a vu, rangé d’emblée dans le camp du Castillan. Mais on ne doit pas oublier qu’à Bazas le roi-duc n’avait que de très faibles moyens d’action puisque la seigneurie était un alleu : on conçoit dès lors que les Bazadais ne pouvant obtenir de concessions par la négociation, soient entrés en opposition ouverte et peut-être violente contre l’évêque et les chanoines.

Il est à peu près certain qu’à l’issue de l’arbitrage du légat les Bazadais conservèrent une représentation reconnue par les seigneurs ecclésiastiques, ainsi qu’en témoigne l’existence d’un “commun conseil”, en 1219. Mais, nous pourrions aussi rappeler la lettre de l’automne 1224 dans laquelle un archidiacre qui se trouve alors à Bordeaux relate l’invasion française : énumérant les villes qui se sont soumises à Louis VIII il précise, à propos de Bazas, que ce sont bien “la cité avec l’évêque” qui sont passés dans le camp français41, formule qui suggère, selon nous, l’existence de deux pouvoirs dans la cité. Ces péripéties politico-militaires ne paraissent pas avoir contrarié en tout cas l’évolution qui se manifestait depuis maintenant deux décennies, bien au contraire : en effet, sept ans après la reconquête anglaise les Bazadais possédaient apparemment une mairie.

L’événement dut se produire, selon nous, à l’occasion du premier voyage qu’Henri III fit sur le continent. Le roi-duc voulut en effet profiter de la mort de Louis VIII, en octobre 1226, et de la régence de sa veuve Blanche de Castille pour tenter, en 1230, de reprendre une partie au moins des territoires que lui-même et son père avaient perdus. L’équipée qui le conduisit de Saint-Malo à Bordeaux fut coûteuse, ridicule et inutile ; mais elle lui fournit l’occasion d’entrer directement en relation avec ses sujets gascons afin de solliciter leur aide. Ainsi le 21 juillet 1230, demande-t-il aux prud’hommes de Bazas, en même temps qu’à ceux de La Réole, Langon, Rions, Caudrot, Sainte-Bazeille et Couthures et aux hommes francs de Bazadais, de Bouglon et de Loutrange de se rendre en hâte à Mirambeau42. Les Bazadais ne sont pas alors considérés différemment des autres communautés du Bazadais, mais ce n’est que pour peu de temps, car le 7 septembre 1232, à l’occasion du rappel en Angleterre du sénéchal de Gascogne Henri de Thouberville (1227-1231) qui s’entendait fort mal avec ses administrés, c’est “au maire et aux prud’hommes” de Bordeaux, Bazas, Oléron, Dax et La Réole ainsi qu’au maire et à la commune de Bayonne que s’adresse le roi-duc43. Deux ans plus tard (20 novembre 1234), c’est au maire et jurats de Bazas ainsi qu’à ceux de Bordeaux, La Réole et Saint-Émilion que le roi-duc confie la garde du butin et des prisonniers faits par Boson de Matha44. On ne pourrait certes voir dans la mention d’un maire de Bazas qu’une formule utilisée un peu au hasard par la chancellerie anglaise, mais nous connaissons le nom d’un maire de Bazas en 1251 et il n’y a aucune raison de ne pas faire remonter la création d’une mairie à Bazas à 1230 ou même à une date antérieure.

Telle était donc la situation à Bazas au cours des années 1230, c’est-à-dire au moment où l’on commence à reconstruire la cathédrale : si l’évêque et le chapitre sont encore les maîtres théoriques de la juridiction sur la ville et son détroit, ils doivent compter d’une part, avec le roi-duc qui contrôle désormais le territoire de la future prévôté de Bazadais et peut exiger des hommes francs qui y résident comme des habitants de Bazas le service militaire, de l’autre, avec la communauté de Bazas, surtout celle du bourg marchand qui vient sinon de s’émanciper, du moins de se doter d’un corps municipal reconnu de fait par l’administration ducale. On ne se dissimulera pas, cependant, que la rareté des sources, alliée à leur laconisme, laisse bien des points dans l’ombre et ne permet le plus souvent que d’avancer des hypothèses. Mais, à partir de la décennie suivante, la situation change complètement.

Le temps des crises : l’échec de la commune bazadaise 1242-1274

En 1242, s’ouvre une nouvelle période de l’histoire de la ville qui va durer jusqu’à l’avènement d’Édouard Ier en 1274. Elle se caractérise d’abord par la détérioration des relations entre l’évêque et le roi-duc, mais surtout, à la suite des graves événements des années 1249-1254 qui virent la révolte des Gascons contre l’autorité ducale, par l’échec de la commune bazadaise. Cette histoire, en raison peut-être des blancs que présente encore notre documentation45, reste rythmée par quelques moments forts : le second voyage d’Henri III dans son duché en 1242-1243 et sa venue à Bazas ; la lieutenance de Simon de Montfort et la “guerre civile” à Bazas (1248-1252) ; l’expédition d’Henri III et de son fils Édouard en Gascogne (1253-1254). La lieutenance du Prince de 1255 à 1274 correspond, en revanche, à un temps “creux” au cours duquel aucun événement important ne se produisit à Bazas, en apparence du moins ; car on peut être assuré qu’au cours des dernières années les relations se tendirent entre l’évêque et les officiers ducaux, préfigurant la crise des années 1274-1283.

L’expédition d’Henri III et ses conséquences (1242-1243)

Rappel des événements

Au mois de juin 1242, Louis IX ayant investi du comté de Poitiers son frère Alphonse, celui-ci obligea Hugues de Lusignan, comte de la Marche et beau-père d’Henri III – il avait épousé la mère du roi, Isabelle – à restituer le grand fief d’Aunis qui lui avait été concédé onze années auparavant. Lésé dans ses intérêts, Hugues rameuta les seigneurs poitevins et renia l’hommage au comte de Poitiers. Le conflit était inévitable. Alors que l’armée française se rassemblait à Chinon, Henri III, à l’appel de son beau-père, débarquait à Royan. Mais l’expédition s’acheva encore plus lamentablement que celle de 1230, au pont de Taillebourg (21 juillet 1242)46. Si Bordeaux ne fut pas réellement menacé par les troupes françaises victorieuses, en revanche, les pays charentais étaient perdus. C’est dans ces circonstances pénibles qu’Henri III fut amené à séjourner en Gascogne au cours de l’hiver 1242 et au début de l’année suivante. Il s’en serait apparemment passé et ne songeait, comme la fois précédente, qu’à revenir en hâte en Angleterre ; mais il lui fallait auparavant obtenir une trêve de Louis IX. Ce fut chose faite au mois d’avril : prévue jusqu’à la Saint-Michel, elle fut alors prorogée pour cinq ans.

Au cours de son séjour quelque peu forcé, Henri III eut quelques velléités de mettre de l’ordre dans son duché : il se rendit ainsi en Bazadais à deux reprises, à La Réole, tout d’abord, au mois de novembre 1242, à Bazas ensuite, où il s’arrêta trois jours (28 avril-Ier mai 1243), alors qu’il allait de Bordeaux à Bayonne, en passant par Saint-Sever47.

De ce séjour gascon, trois faits sont à retenir pour l’histoire bazadaise : la mise en place définitive d’un représentant du roi-duc en Bazadais ; l’établissement de bonnes relations, d’une part avec le nouvel évêque Raimond de Castillon, après une crise qui opposa le roi au chapitre à propos de l’exercice du droit de régale, de l’autre avec la communauté bazadaise. Mais aucun changement n’affecta la situation politique dans la cité.

L’apparition d’un prévôt de Bazadais

Au début de l’année 1242, le roi n’avait, semble-t-il, aucun représentant permanent en Bazadais, puisque, au mois de novembre 1242, lorsque décéda l’évêque Arnaud de Piis48, il désigna G. d’Hoela pour recevoir la saisine des terres et biens de l’évêché devenu vacant49. Certes, il s’agissait là d’une affaire d’importance ; mais, au mois de février suivant, Henri III déléguait un nouveau procureur Pierre de Mainsan pour surveiller de près l’élection du nouvel évêque50. C’est seulement quelques jours plus tard, le 13 mars 1243, à l’occasion de la convocation de tous les vassaux du roi, qu’il est question pour la première fois d’un prévôt de Bazadais, en même temps d’ailleurs que d’un prévôt de La Réole51 : ce prévôt était sans doute Seygnor(um) ou Seinerun qui, bien qu’il fût alors seulement qualifié de sergent du roi, fut chargé, le 20 avril suivant, de récolter le fouage de l’évêché de Bazas52. Au mois de mai, il est encore question d’un prévôt de Bazadais sans autre précision53 ; en revanche, le 8 juillet suivant, lors du règlement de la succession épiscopale c’est Seinerun qui porte ce titre54.

Le prévôt de Bazadais avait la charge d’administrer la prévôté de Bazadais dont les limites furent peut-être précisées à cette époque55. C’est dans cette prévôté que résidaient les hommes francs du Bazadais auxquels le roi-duc s’était directement adressé en 123056. Mais, le terme de prévôté n’apparaît pas encore dans les textes, ce qui prouve bien la nouveauté de l’institution. L’interruption des Rôles Gascons, après le retour d’Henri III en Angleterre, ne permet pas de savoir si la charge fut maintenue après 124357.

La succession de l’évêque Arnaud de Piis

Les relations entre Arnaud de Piis et Henri III, avaient été, on s’en souvient, excellentes – du moins vers 1235-123759. Or, si l’on en croit la Chronique de Bazas, Arnaud de Piis ne serait décédé que le 26 novembre suivant, le lendemain de la Sainte-Catherine60[60]. Ce jour-là, le roi qui se trouvait à La Réole et avait donc fort bien pu être informé du décès dans la journée prit d’ailleurs des mesures pour s’assurer des revenus de l’évêché vacant61. Cette date paraît donc la plus vraisemblable, d’autant que, d’après les termes de sa lettre du mois de septembre, Henri III n’était pas du tout certain du décès62. Il semblerait simplement que le roi était tellement désargenté qu’il avait envoyé son évêque de Bazas dans la tombe sur une simple rumeur !

Dès le 26 novembre donc, G. de Hoela partit à Bazas pour prendre possession des terres et des autres revenus de la mense épiscopale qui comprenait, entre autres, la moitié de la seigneurie de Bazas et de son détroit. C’est manifestement à la suite de cette saisine que, le 1er février suivant, Henri III pourvoyait à une cure devenue vacante63. On peut imaginer quelle fut la surprise des chanoines face à cette initiative du roi-duc ; nous savons, en effet, par des documents ultérieurs que c’était le chapitre qui, en cas de vacance du siège, avait traditionnellement la charge d’administrer les biens de l’évêché. Mais, nous ignorons quelle fut l’attitude des chanoines car les documents de la chancellerie anglaise sont muets sur ce point. On peut être assuré en tout cas qu’ils firent diligence pour trouver un successeur à Arnaud de Piis. Le 7 février, alors qu’il se trouvait à Bordeaux, Henri III nomma un procureur pour le représenter à cette élection qui, selon la Chronique aurait eu lieu le 2 ou le 11 mars64. Fut-ce Henri III qui suggéra le nom de Raimond de Castillon dont la Chronique nous dit qu’il fut chanoine, aumônier, et pénitencier de Bordeaux ?65 L’hypothèse n’est pas à écarter. On notera cependant, que ce n’est que près de deux mois après son passage à Bazas – fin avril – qu’Henri III manda à son prévôt de Bazadais de faire remettre au nouvel évêque les terres, revenus et possessions qui lui appartenaient, en particulier les châteaux de Bazas et de Lerm (8 juillet) puis, quatre jours plus tard, de faire restituer les grains et foins récoltés sur la mense épiscopale66. Peut-être les officiers ducaux avaient-ils fait preuve d’un peu trop de zèle. Il est possible en tout cas qu’Henri III ait voulu effacer le souvenir de ses rapports difficiles avec l’Église bazadaise car, le 9 septembre, il fit remettre à l’envoyé de l’évêque et du chapitre 30 marcs pour la fabrique de la cathédrale67. Le roi-duc n’eut d’ailleurs qu’à se louer de Raimond de Castillon qui, nous le verrons, au cours des années difficiles que connut le Bazadais à partir de 1249, se montra toujours soucieux d’apaiser les esprits et joua un rôle politique non négligeable.

La saisine de la mense épiscopale par le roi-duc soulève un problème particulièrement grave sur lequel il importe de revenir. Certes, Henri III était confronté à de graves difficultés financières et sa présence dans le duché lui permettait de prendre des décisions immédiates. Mais cela ne suffit pas à justifier une initiative, sans précédent, semble-t-il. L’affaire était d’autant plus sérieuse que, grâce au droit de régale, le roi-duc avait la possibilité de mettre la main, même si ce n’était que de manière temporaire, sur une seigneurie justicière et, qui plus est, alleutière. Ce problème du droit de régale devint donc un des points importants du contentieux entre les évêques et le roi-duc, les premiers affirmant qu’il n’avait aucun fondement juridique, le second invoquant le précédent de 1242-124368.

Le roi, les Bazadais et le service d’ost

La venue d’Henri III en Gascogne fut enfin pour lui l’occasion de rencontrer les bourgeois de Bazas. À peine débarqué, il faisait appel à eux, en même temps qu’aux autres communautés de son duché, afin qu’elles lui apportent leur concours lors de la prochaine campagne. De Pons, le 25 mai, il demandait aux prud’hommes de la cité de Bazas de se rendre à Royan en armes et avec des chevaux, le jeudi après la Pentecôte69. Sans remettre en cause le principe du service d’ost, les Bazadais semblent n’avoir manifesté aucun enthousiasme à partir en guerre. Il n’y eut ainsi aucun contingent bazadais à la bataille de Taillebourg (21 juillet). Mais, afin d’éviter des sanctions, les bourgeois adressèrent 6 000 s. bordelais au roi-duc qui les accepta avec d’autant plus de satisfaction que ses caisses étaient vides. Henri III pardonna ainsi aisément les Bazadais de “l’indignation” qu’avait provoquée chez lui leur absence à l’ost et accusa réception des 300 l., ainsi qu’il le leur avait ordonné. C’est du moins ce qu’il prétend dans la lettre qu’il adressa, le 28 août, aux Bazadais70 ; mais nous ne croyons guère à la colère du roi pas plus qu’à l’ordre qu’il aurait donné. Trop heureux fut-il sans doute de la manière dont les Bazadais avaient cru devoir se faire pardonner.

Au mois de novembre, Henri III devait une nouvelle fois convoquer les Bazadais à l’ost et les inviter à se rendre à La Sauve, le jeudi des Cendres 1243 (26 février)71. Mais cette convocation comme celle qu’il leur adressa de Bayonne, le 23 mai suivant, pour les inviter à se rendre à Saint-Sever72 fut sans suite. En revanche, et bien que sujets de l’évêque, les Bazadais durent contribuer au fouage que le roi fit lever au printemps 1243 afin de renflouer ses caisses73. C’est la première mention d’un impôt payé par la communauté bazadaise.

Le problème de la “mairie” bazadaise

Ces diverses interventions du roi-duc sont révélatrices de la dualité des pouvoirs exercés sur la ville et son détroit, mais elles nous font aussi connaître de quelle manière s’établissaient les relations entre le roi-duc et les Bazadais. On notera, tout d’abord, que sur les six lettres recensées qu’Henri III adressa à la communauté bazadaise au cours des années 1242-1243 ce n’est que dans une seule qu’il qualifie Bazas de cité (civitas)74. C’est par l’intermédiaire de leurs représentants qu’il transmet aux Bazadais ses demandes ou ses décisions, mais l’adresse de ces lettres laisse planer bien des interrogations sur la manière dont était organisée la communauté bazadaise dans les années 1240. Nous avons vu que dix ans auparavant, Henri III s’était adressé successivement aux prud’hommes, puis au maire et aux prud’hommes, enfin au maire et aux jurats de Bazas75. Or, du mois de mai 1242 à celui de septembre 1243 c’est une nouvelle fois aux prud’hommes seuls qu’il fait écrire à trois reprises, à propos de l’ost (25 mai et 28 août 1242) puis pour les informer qu’il a nommé Nicolas de Meules sénéchal de Gascogne (17 juin 1243)76. On notera, d’ailleurs, qu’à l’occasion de la convocation à l’ost du mois de mai 1242, alors qu’à Bordeaux et Bayonne, les destinataires sont le maire et la commune et, à La Réole, Langon et Saint-Macaire, le conseil et les prud’hommes, c’est seulement à Bazas qu’il n’est question que de prud’hommes. Au mois de novembre suivant, toujours pour une convocation à l’ost la lettre est adressée cette fois au justicier et aux prud’hommes de Bazas mais aussi de Langon, aux jurats et prud’hommes de Saint-Macaire et au conseil et aux prud’hommes de La Réole77. Manifestement, sauf à Bordeaux et Bayonne, la chancellerie anglaise ignore quelle est la situation exacte de chaque ville en matière d’institutions municipales. Mais, même dans le cas de Bordeaux et Bayonne, elle n’attachait que bien peu d’attention aux formules utilisées : ainsi, en juin 1243, à l’occasion de la nomination de Nicolas de Meules, les destinataires sont des prud’hommes à Bazas comme à Langon, La Réole ou Saint-Macaire, mais aussi à Dax et Bayonne où il y avait pourtant un maire et seul celui de l’île d’Oléron est finalement cité !

Il était nécessaire d’évoquer ces exemples pour souligner avec quelle prudence il convient d’accueillir les formules “au maire de Bazas” et “au maire et aux jurats de Bazas”, utilisées par la chancellerie anglaise le 15 juillet et le 1er septembre 1243, à l’occasion de deux convocations à Bordeaux78. Si la première concernait aussi les maires de La Réole et de Bayonne, la seconde n’intéressait que la municipalité bazadaise chargée de conduire à Bordeaux les otages que le roi lui avait remis en garde au mois de mai précédent. La rareté de ces formules pourrait laisser planer quelque doute sur l’existence à cette date d’une mairie à Bazas. Pour en être certain, il faudrait connaître le nom d’un maire : or, le premier maire de Bazas mentionné dans un texte est, à notre connaissance, Vidal de Cabouzidz, cité dans la plainte des Bazadais contre Simon de Montfort, en mai 125279. Mais, par la suite, sous la mairie de R. Markès, ce n’est qu’exceptionnellement, dans des lettres à caractère privé, que son nom apparaît80. Dans ces conditions, une expression du type “le maire et les jurats” n’est pas seulement une formule.

Bazas sous la lieutenance de Simon de Montfort et au cours de la guerre civile en Gascogne (1249-1256)

La situation en Gascogne en 124881

Au cours des cinq années qui séparent le départ d’Henri III pour l’Angleterre à la mi-septembre 1243, de l’arrivée de Simon de Montfort comme lieutenant du roi-duc, les pays gascons s’engagèrent dans un processus qui fit de la violence, de l’insécurité et des abus de toutes sortes le lot quotidien des habitants. À Bordeaux et Bayonne, mais aussi à Bazas et La Réole des clans s’opposaient avec d’autant plus de vigueur que de véritables réseaux d’alliance s’étaient établis entre eux d’une ville à l’autre. Dès 1243, Henri III s’était bien rendu compte du danger et avait pris des mesures pour le contenir82. Dans les campagnes, les nobles n’en faisaient qu’à leur tête et réglaient leurs différends par les armes au plus grand dommage des populations rurales. Or, les sénéchaux qui se succédèrent à la tête du duché, Waleran ou Guillaume de Bueil, se révélèrent incapables de ramener l’ordre. À cela s’ajoutaient les menaces venues de la péninsule Ibérique aussi bien de la Navarre que de la Castille, sans compter la crainte de la reprise de la guerre avec les Français à l’échéance des trêves, le 29 novembre 1248.

C’est afin de tenter de mettre fin à cette situation préjudiciable à tous égards aux intérêts de la couronne, qu’Henri III, après avoir délégué sans succès son pouvoir à Richard de Grey (février 1248), confia pour sept ans à son beau-frère, Simon de Montfort, le gouvernement de son duché à des conditions particulièrement avantageuses. Si l’on en croit le chroniqueur Mathieu Paris, il aurait reçu l’ordre de traiter les rebelles rudement et durement (mai 1248)83.

La situation à Bazas

Quelle était à ce moment la situation à Bazas ? Comme à Bordeaux la vie dans la cité était dominée par un groupe de familles établies depuis plus ou moins longtemps en ville mais d’origine sans doute rurale84. Leur nom apparaît à l’occasion des nombreux incidents qui marquèrent la vie de la cité au cours des sept années qui suivirent, mais deux d’entre elles jouèrent un rôle prédominant, celles des Marquès et des Ladils. Les Marquès – dont le nom est transcrit de bien des manières – apparaissent en 1252. Le principal personnage de la famille est alors celui nommé Markès, sans aucun prénom, qui représente la communauté de Bazas au Parlement de Londres et qui fut maire de Bazas de décembre 1253, au plus tard, jusqu’en février 1254. Homme de confiance du roi-duc, son banquier occasionnel, il appartient sans aucun doute aux milieux les plus fortunés de la ville. Raimond Markès le jeune, peut-être son fils ou son neveu, parfois son associé, a, lui aussi, la confiance du roi, auquel il prête de l’argent.

L’autre grande famille est celle des Ladils dont les représentants sont dans les années cinquante au nombre d’une demi-douzaine. Il est très difficile, en l’absence de tout document familial, d’y voir clair au sein de cette famille qui comportait plusieurs branches bazadaises, sans compter des homonymes en Bordelais. Le personnage le plus en vue entre 1250 et 1260 est Bertrand, chef du parti qui s’opposa d’abord à Simon de Montfort, puis à Henri III, associé en 1249-1250 à Arnaud de Ladils. C’est aussi à ce groupe qu’appartiennent Pierre et Gaillard de Ladils mêlés de très près, verrons-nous, aux événements qui ensanglantèrent Bazas en 1249. Mais les Ladils sont divisés en deux clans qui se vouent une haine solide ; à Bertrand et Arnaud s’oppose Guillaume Arnaud, associé à Menaud Guitarin, probablement un de ses parents, avec lequel il dirige une faction favorable à Simon de Montfort, puis au roi.

Les autres familles bazadaises que l’on voit apparaître au cours de ces années sont celles des Ayquem, des Carbonel, des Cabozidz, des Cogutmont, des Cozin, des Dax, des Flus, des Forquer, des Espagne, des Guitarin, des Navans, des Piis apparentés aux Piis de La Réole. Certains de leurs représentants prirent le parti de tel ou tel clan : ainsi Arnaud Ayquem et Raimond de Cozin se portèrent caution de Bertrand et Arnaud de Ladils lorsqu’ils furent pardonnés par le roi en 125685 ; mais Arnaud Ayquem qui accompagne Markès à Londres, en 125286, est, semble-t-il, un modéré comme le sont les Marquès ou Vidal de Cabouzidz.

On ne sait que bien peu de choses sur ces familles en dehors des moments où elles participent à l’agitation qui s’empare de la cité ou bien en sont les victimes. À l’exception des Cabozidz qui portent le nom d’une paroisse toute proche de la ville, il est impossible de proposer le moindre lieu d’origine et l’on ignore si les lieux-dits Marquès et Ladils qui figurent sur le cadastre de Bazas de 1830 remontent au XIIIe siècle. Nombre d’entre eux étaient possessionnés dans des paroisses du Bazadais, parfois éloignées du chef-lieu : les Ladils possèdent des tenures à Bernos, Cudos, Taleyson, Pompéjac87. Pour sa part Bertrand était alleutier à Taves dans Lerm, à Lucmau, au Sauboar dans Artiguevieille, à Saint-Michel de Bazas – Melenat et Calon – mais aussi à Lavison en Réolais88. La plupart d’entre eux faisaient sans aucun doute du commerce, parfois à longue distance, tels les Markès ou les Espagne qui exportaient du vin en Angleterre89, mais ce devait aussi être le cas des Navans ou des Flus dont les disponibilités financières sont davantage le fait de marchands que de propriétaires fonciers, sans que les deux s’excluent bien sûr90. Ce qui est plus intéressant à noter c’est le rapprochement qui s’opère entre cette bourgeoisie marchande et la petite noblesse locale, comme on a déjà pu le constater mais à un autre niveau à Bordeaux. Ainsi, Bertrand de Ladils est-il engagé contre le roi aux côtés des Sescars d’Illon, des Preissac et des La Mote91 ; Henri III, deson côté, concède à Markès düférents biens, moyennant l’esporle d’un marabotin d’or92 et autorise Doat de Piis à édifier une maison forte sur l’un de ses domaines93. Les Carbonel étaient de leur côté alliés à la famille de Noaillan94.

La rivalité entre certaines de ces familles à l’intérieur même de la cité constitue le trait dominant de la vie bazadaise à la fin des années quarante. La violence des antagonismes y semble d’autant plus forte que ce sont les membres d’une même famille qui s’opposent et que chacun des clans a plus ou moins partie liée avec l’un de ceux qui se partagent Bordeaux. S’il n’est pas sûr que Bertrand de Ladils ait été vraiment l’allié des Soler, il est certain en revanche que Guillaume Arnaud de Ladils et Menaud Guitarin sont de connivence avec les Colom. Mais, pas plus qu’à Bordeaux, on ne saurait donner à ces oppositions un quelconque fondement social. En effet, les protagonistes appartiennent au même groupe du patriciat municipal et si, à La Réole, les événements de 1224 ont pu laisser des traces, tel ne fut pas, semble-t-il, le cas à Bazas95.

Il convient de noter enfin que l’évêque Raimond de Castillon, installé depuis cinq ans maintenant, vivait apparemment en bonne intelligence avec les Bazadais. Il sut se tenir au-dessus de la mêlée et joua un rôle d’arbitre, surtout à partir de 1251.

La lieutenance de Simon de Montfort (1248-1253)

Dès son arrivée en Gascogne, à l’automne 1248, Simon de Montfort tint successivement sa cour à Bazas, où il fut, selon les Bazadais, accueilli avec honneur (honorifice) puis à Dax et Saint-Sever96. Ce fut peut-être à cette occasion ou l’année suivante que fut condamné à la pendaison un certain Bidau de Saubonaes, dont Gaston de Béarn prit plus tard la défense mais qui, d’après le lieutenant du roi, n’était qu’un bandit de grand chemin qui avait fait bien du mal à la terre de Bazadais97. Il ne semble s’être rien passé d’important à Bazas cette année-là et Simon de Montfort ne dut y faire qu’une brève apparition car la saison était avancée et il souhaitait surtout mettre de l’ordre dans le Labourd et aux confins du Béarn.

La journée des barricades à Bordeaux

Tout changea l’année suivante à la suite de la nuit des barricades qui opposa, les 28 et 29 juin 1249, à Bordeaux, le clan des Soler à celui des Colom. En effet, en raison des liens qui unissaient le parti des Colom à des clans de Bazas et de La Réole les querelles intestines qui couvaient dans ces deux villes se trouvèrent ranimées. Pour tenter de rétablir la paix le comte de Leicester commença par exiger des otages des deux partis bordelais mais il prit très vite le parti des Colom, ce qui entraîna le regroupement autour des Soler de tous ceux qui avaient à se plaindre de Simon de Montfort ou qui craignaient sa justice expéditive. Ainsi se constitua une alliance hétéroclite regroupant autour des Soler qui avaient pu s’enfuir de Bordeaux, dont Gaillard, le vicomte de Fronsac Raimond et une partie des bourgeois de La Réole et de Bazas. Conseillé par le chef du clan des Colom, Guillaume Raimond, nouveau maire de Bordeaux, lequel voyait dans la situation qui venait de se créer une bonne occasion de régler de vieilles querelles à son avantage, le comte se décida à prendre des mesures préventives afin d’éviter que le mouvement de révolte ne se répandît98.

Les conséquences à Bazas

À Bazas, poussé par Guillaume Raimond Colom, Simon prit sous sa protection Guillaume Arnaud de Ladils et Menaud Guitarin et leurs amis et considéra comme des gens dangereux les membres de l’autre clan bazadais conduit par Bertrand et Arnaud de Ladils. Sans l’avoir voulu, ceux-ci se trouvèrent obligés de devenir les ennemis du lieutenant du roi et, plus tard, du roi lui-même, situation parfaitement absurde on en conviendra.

On s’est donc interrogé à bon droit sur la facilité avec laquelle le comte de Leicester se laissa guider par les Colom ; il semblerait cependant que la politique de soutien à un clan contre l’autre ait été, compte tenu des moyens dont il disposait, la plus réaliste, à Bordeaux du moins. Mais, ayant probablement mal apprécié la vigueur des liens existant entre clans bordelais et bazadais, Simon paraît avoir été débordé par ses alliés et s’être laissé imposer une politique qui, l’avenir le montra, n’était pas exempte de risques. C’est ainsi qu’il demanda des otages aux Bazadais parmi ceux que les Colom lui avaient dénoncés – sur les conseils de leurs amis bazadais – comme des agitateurs en puissance. Le motif avoué était le maintien de la paix dans la ville ; mais les Bazadais accusèrent par la suite Simon de Montfort d’avoir voulu surtout tirer un parti financier de l’opération en songeant, dès le début à libérer un jour les otages moyennant rançon. L’accusation n’était pas gratuite, la suite le montra.

L’échec de Simon de Montfort contre les Ladils

Or, à la différence de ce qui se produisit à La Réole où les Piis, dénoncés par les Colom, tombèrent dans le piège et se rendirent à Bordeaux pour y être arrêtés, les Bazadais qui se doutaient apparemment du sort qui les attendait s’ils obéissaient au comte restèrent dans leur ville. Lorsqu’ils apprirent la venue de Simon, ils se réfugièrent dans une église, probablement la cathédrale ou Notre-Dame-du-Mercadil99. Simon n’osa pas violer le droit d’asile attaché aux édifices du culte mais, deux ans plus tard, les représentants de la municipalité bazadaise reprochèrent à Simon d’avoir obligé Bertrand et Arnaud de Ladils à faire dans l’église des “choses malhonnêtes”. Y eut-il un siège et un pillage de la ville par les hommes du comte comme l’avait suggéré Ch. Bémont ? Nous ne le pensons pas. En revanche, rendus furieux par l’échec que venait de subir celui qu’ils pensaient manœuvrer à leur guise, les chefs de l’autre clan bazadais que nous appellerons, pour plus de commodité, celui des Guitarin, “remplis de superbe” (facti superbi) et assurés de toute impunité, s’en prirent publiquement à tous ceux qu’ils soupçonnaient de sympathies pour le camp adverse “ceux de la ville” (illi de villa), comme ils sont désignés en 1252. C’est ainsi que sur la place (in platea communi) ils blessèrent plusieurs prud’hommes en les rouant de coups. Mieux encore, ayant pris les armes, ils coururent les rues de la ville du roi (villa regis), sans doute le bourg, et tuèrent à cette occasion Pierre de Ladils qualifié de “magnat” par ses concitoyens, ainsi qu’un gentilhomme et un autre prud’homme et blessèrent grièvement une trentaine d’autres prud’hommes. Sans doute convient-il de ne pas prendre à la lettre le récit de cette Saint-Barthélemy bazadaise, d’autant que nous ignorons quelle fut la réponse de Simon de Montfort à ces allégations ; mais elles témoignent en tout cas du climat de violence et même de terreur imposé par les partisans du comte qui s’en prirent à des comparses, des modérés ou des imprudents, faute de pouvoir ou de vouloir en découdre avec les chefs du clan adverse enfermés – mais y étaient-ils encore ? – dans une église. Comme souvent en pareilles circonstances, l’aveuglement et la lâcheté furent à l’honneur.

La révolte des modérés (fin 1249)

Cependant, ces excès ne tardèrent pas à provoquer la colère de la plupart des habitants de Bazas restés apparemment neutres ou prudents : ils se rassemblèrent et se soulevèrent sinon contre le comte du moins contre ses partisans bazadais. Le terme utilisé pour désigner ceux qui participèrent à ce soulèvement est celui de populares ; sans doute faut-il entendre par là la majorité de la population, mais surtout les éléments populaires de la ville, les gens des métiers par opposition aux magnati et aux prud’hommes, marchands et propriétaires fonciers, sans que ceux-ci soient entièrement exclus. Cette révolte apparaît en tout cas comme celle d’une sorte de tiers-parti, le plus important numériquement dans la ville mais qui, compte tenu des circonstances, inclinait naturellement pour le clan des Ladils persécuté par le représentant du roi-duc. On ne saurait donc parler tout à fait de neutralité. C’est d’ailleurs une délégation de la municipalité bazadaise dont on peut penser qu’elle exprimait les sentiments de la majorité de la population qui protesta plus tard contre les violences de Simon de Montfort et de ses alliés, en prenant fait et cause pour les Ladils.

La question se pose donc de savoir quelle fut l’attitude de la municipalité lors des événements de 1249 ; plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. Ou bien comme cela s’était passé à Bordeaux, les Guitarin s’en étaient-ils emparé avec l’appui de Simon de Montfort. Dans ce cas, c’est la révolte des populares qui entraîna un changement à la tête de la ville. Mais on peut aussi bien supposer que la municipalité qui n’avait aucun pouvoir en matière de police resta à l’écart. En tout cas, une fois les Guitarin et leurs complices chassés de la ville, c’est la municipalité qui engagea, semble-t-il, officiellement une procédure contre Guillaume Arnaud de Ladils, Menaud Guitarin et tous ceux de leur clan. Plusieurs fois cités devant le tribunal de l’évêque dont on notera au passage qu’il n’est que le témoin impuissant des événements qui ensanglantaient sa cité, ils firent défaut et furent tenus pour défaillants100. La municipalité estima à 1000 marcs d’argent le montant des dommages subis par la ville et ses habitants à l’occasion de ces graves incidents101.

Ces événements durent se passer au cours de l’été ou de l’automne 1249, mais il est probable que le climat de troubles se prolongea lorsque, au début de l’année suivante, Simon repartit en Angleterre. C’est peut-être à son retour en Gascogne, au mois de mai, que, toujours conseillé par G.R. Colom et ses amis réolais et bazadais, il reprit ses manœuvres contre les Ladils : il s’empara ainsi des biens que Gaillard et Pierre de Ladils, des “magnats fidèles” selon les Bazadais, possédaient depuis plus de quatre-vingts ans à Cocumont (Cogotmont) et en retira 150 livres bordelaises à l’occasion d’une “collecte”, disons une imposition forcée. Il semble que, sur plainte des Ladils, il aurait été convenu que l’affaire serait réglée dans le cadre de duels judiciaires entre les hommes des Ladils et ceux de Simon de Montfort. Or, lorsque celui-ci constata que les Ladils avaient bien l’intention de se défendre et de ne pas lui donner d’argent, il changea d’avis, humiliant ainsi ses adversaires et remit le litige dans les mains de l’évêque de Bazas. Mais, alors que Raimond de Castillon était chargé de régler cette affaire, Simon ne respecta pas ses engagements, car il s’était aperçu, une nouvelle fois, qu’il ne pourrait tirer profit de la situation et il préféra donc occuper à nouveau la terre de Cocumont, en sorte que les Ladils auraient perdu deux cents marcs de plus.

La noblesse prend le relais de la révolte (1250)

Si le conflit entre le comte et les clans des villes de Bordeaux, La Réole et Bazas avait tenu le devant de la scène au cours des années 1249 et 1250, une partie de la noblesse gasconne entretenait de son côté une agitation permanente.

Le meneur en était Gaston VII de Béarn que Simon avait humilié l’année précédente (1249) en l’envoyant en Angleterre demander le pardon de ses méfaits. Au mois de mars 1250, alors qu’il se trouvait à Paris pour y négocier avec le roi de France la prolongation des trêves, Simon avait été averti qu’il se tramait quelque chose parmi les nobles, mais ce n’est qu’après son retour en Gascogne que la situation devint inquiétante102. Bien qu’il eût multiplié les précautions pour parer au danger, il ne put empêcher l’alliance entre le vicomte de Béarn et le sire d’Albret Amanieu VI qui possédait plusieurs châteaux et seigneuries en Bazadais dont ceux de Cazeneuve, Aillas, Meilhan et Casteljaloux, alors que Captieux appartenait au vicomte béarnais. Le 14 août, Amanieu d’Albret faisait hommage à Gaston VII pour les châteaux de Cazeneuve et de Bazas, à raison de la vicomté de Gabardan, mais la clause essentielle concernait l’engagement pris par le sire d’Albret de remettre en cas de guerre les châteaux au vicomte de Béarn103. Ce double hommage équivalait en fait à une alliance, dirigée contre Simon de Montfort. Compte tenu de l’importance et de la géographie des possessions des deux alliés, la situation du clan des Guitarin risquait de se trouver singulièrement améliorée pour peu qu’une alliance se nouât entre eux et les seigneurs gascons, comme cela s’était produit l’année précédente en Bordelais entre les Soler et le vicomte de Fronsac. Il convient cependant de rappeler que, probablement depuis la fin de l’année 1249, la ville de Bazas était contrôlée par une municipalité favorable aux Ladils.

L’alliance entre Amanieu VI d’Albret et le vicomte de Béarn comportait cependant une clause surprenante qui nous intéresse au premier chef : il s’agit de l’hommage fait par le sire d’Albret pour le château de Bazas. Jamais, en effet, cette forteresse n’appartint aux Albret mais à l’évêque de Bazas qui la possédait alors en alleu. Il faudrait donc admettre que les deux alliés étaient convenus par avance du sort du château au cas où il tomberait entre leurs mains, car il n’est guère imaginable que le sire d’Albret ait pu faire croire à Gaston VII qu’il avait quelque droit sur cette forteresse.

La révolte de 1251

C’est au cours de l’hiver 1250-1251 que se produisit le soulèvement redouté par le comte de Leicester : à sa tête se trouvaient donc le vicomte de Béarn, le sire d’Albret, Bernard de Bouville vicomte de Bezaumes, les vicomtes de Castillon et de Fronsac, Arn. Bernard de Lados104, G. Arn. de Tontoulon, le Bordelais Gaillard del Soler, des bourgeois de La Réole et, bien sûr, mais en arrière-plan, des membres du clan des Guitarin. Simon, reparti en Angleterre au mois de janvier, en ramena de l’argent, mais dut accepter l’envoi de deux commissaires royaux chargés de faire une enquête sur les motifs de discorde entre lui et les Gascons : c’étaient Nicolas de Meules et Dreu de Barentin. Meilhan, possession du sire d’Albret, servait de base aux insurgés, tandis que Bazas où la majorité des habitants était restée cependant hostile à Simon de Montfort se tenait apparemment à l’écart. Il est probable que l’arrivée des commissaires royaux auxquels ils comptaient bien faire part de leurs griefs à l’égard du comte les ait conduits à adopter une attitude de neutralité. On ne saurait oublier non plus le rôle que put jouer l’évêque Raimond de Castillon dans la voie de l’apaisement des esprits. Bazas devint ainsi au printemps 1251 siège de conférences à l’occasion des négociations qui s’ouvrirent entre le comte et les Gascons révoltés105.

Ce que souhaitaient les insurgés c’était obtenir de Simon qu’il fît droit à leurs revendications, mais certainement pas entrer en conflit armé avec lui. À peine soulevés, Gaston VII et Amanieu VI firent, en effet, des propositions de paix à Simon de Montfort, sur des bases bien entendu inacceptables par lui, mais dont ils pensaient peut-être qu’elles pourraient être retenues par les commissaires royaux. Le comte qui commençait à connaître les manœuvres des Gascons déjoua leur piège, détruisit le château de Lados106 et entreprit le siège de Castillon. Il accepta cependant de répondre aux propositions qui lui avaient été faites le 29 avril par Gaston de Béarn, le sire d’Albret et leurs alliés. Cette réponse fut communiquée au sire d’Albret et à Arnaud d’Estang qui, munis sans aucun doute de sauf-conduits, s’étaient rendus à Bazas où ils trouvèrent, dans la chambre de l’évêque, les deux commissaires royaux, ainsi que l’archevêque de Bordeaux, l’abbé de La Sauve, deux chevaliers Girard de Blaie et Jourdain de l’Isle, le vicomte de Benauges, Arnaud Marmande et le maire de Bazas, Bidau de Cabozidz. Simon était bien sûr absent, mais avait fait envoyer ses réponses par écrit. Pour autant que l’on puisse reconstituer la chronologie des discussions qui se déroulèrent au cours des mois d’avril et mai 1251, il semble bien qu’il y ait eu au moins trois échanges de correspondance entre le comte et les insurgés ; Raimond de Castillon joua un rôle prépondérant au cours des ultimes tractations qui se déroulèrent à Couthures-sur-Garonne – une possession de l’archevêque de Bordeaux. Non seulement l’évêque apporta sa caution à l’accord final conclu le 25 mai, jour de l’Ascension ; mais c’est lui qui, dans une lettre annexe, fit savoir qu’en cas de divergences d’interprétation sur les termes de l’accord, l’évêque d’Agen jouerait le rôle d’arbitre107 ; de concert avec celui d’Agen, il se chargea aussi d’obtenir l’engagement formel des parties et de préciser les termes de l’application de l’accord108. Le samedi suivant, à Meilhan, le sire d’Albret fit sa soumission aux commissaires royaux, s’engagea à faire adhérer au traité tous ses sujets du diocèse de Bazas et remit en gage Castelnau-de-Cernès109. Mais le vicomte de Béarn, bien décidé à reprendre les opérations dès qu’il jugerait le moment favorable, se retira dans ses terres. Lorsqu’en novembre 1251 Simon de Montfort repartit en Angleterre, il pouvait cependant s’estimer satisfait. De son côté, le roi-duc témoigna à Raimond de Castillon son estime et ce fut sans doute pour le remercier du rôle qu’il avait joué à l’occasion des négociations du printemps qu’au mois de janvier 1252 il lui fit don d’une tunique, d’une dalmatique et d’une chasuble ainsi que d’autres habits sacerdotaux110. Le même jour, il confirmait d’ailleurs à l’évêque et au chapitre les droits, coutumes et libertés dont ils avaient joui jusque-là comme les autres évêques et chapitres de la province d’Auch111.

La venue des commissaires royaux à Bazas et le rôle joué par l’évêque suggèrent que les Bazadais adoptèrent alors une politique de relative neutralité – tout au plus bienveillante en faveur des insurgés. Le seul document qui pourrait nous éclairer quelque peu sur leur attitude est malheureusement incomplet. Il s’agit de la réponse faite par Simon de Montfort à la plainte portée par Gaston de Béarn qui l’accusait d’avoir détruit et incendié le château de Lados112. L’affaire se serait produite au moment où Nicolas de Meules et Dreu de Barentin tentaient de conclure la paix entre le comte de Leicester et les barons, donc au printemps 1251. Dans l’accusation de Gaston de Béarn la destruction du château apparaît comme un acte gratuit. Mais, dans sa réponse, Simon explique que “quant il tenoit le chastel, le fils Arnaud Bernard (de Lados) et ses genz plaerent (blessèrent) Menaud Guitarin dont le cuida qu’il deust morir et chacerent Bertrand de Ladils e le père et…”113. Il semblerait donc que l’attaque du château de Lados ait été une mesure de représailles contre un vassal de Gaston, accusé d’une tentative de meurtre contre la personne du plus fidèle des alliés de Simon. Il est bien dommage que nous n’en sachions pas davantage car bien des points demeurent obscurs : qui était en particulier ce Bertrand de Ladils, homonyme de l’ennemi de Menaud Guitarin. Où se trouvaient Menaud et ses comparses, quand ils furent attaqués ? Probablement pas à Bazas, d’où ils avaient été chassés, nous l’avons vu par un mouvement populaire, probablement fin 1249. Ne serait-ce donc pas dans le château de Lados où Simon, qui s’en était emparé, les aurait installés ? On ignore aussi ce qu’ils étaient devenus en ce printemps 1251 car, lors de l’accord du 25 mai, il est seulement question des bourgeois de Bordeaux et de La Réole alors en exil et qui sont autorisés à rentrer dans leur diocèse – mais non dans leur ville114. Pas un mot, en revanche, des Bazadais, qu’ils fussent d’un clan ou de l’autre. Les Guitarin et leurs alliés étaient-ils tellement compromis que les commissaires royaux préférèrent les écarter du traité ?

Le temps de la confusion (1252-1253)

Alors qu’il séjournait en Gascogne, les ennemis de Simon de Montfort n’avaient cessé de critiquer la politique qu’il y menait au point que le comte songeait à renoncer à ses fonctions. Il fallut l’annonce d’une nouvelle révolte dont le motif avoué était les exactions qu’il aurait commises pour qu’il changeât d’avis. Mais, entre-temps, Henri III cédant aux instances des Gascons hostiles à son beau-frère avait décidé d’envoyer dans le duché une nouvelle commission d’enquête et de convoquer à Londres les représentants des nobles et des villes pour qu’ils y présentent leurs doléances. La municipalité de Bazas y était bien sûr conviée, en même temps que les représentants de La Réole et des autres villes du duché115.

Lorsque les deux commissaires envoyés par le roi arrivèrent en Gascogne, ils se trouvèrent confrontés à une situation assez extraordinaire. En effet, à La Réole, la majorité des habitants hostile à Simon de Montfort assiégeait ses partisans réfugiés dans le château116. Déjà, les commissaires avaient essuyé un premier refus des nobles et bourgeois du Bordelais de se rendre à Londres aussi longtemps que la paix ne régnerait pas en Gascogne. Deux tentatives en vue de faire conclure une trêve aux partis en présence à La Réole ayant échoué, les commissaires, accompagnés de l’archevêque de Bordeaux, mais aussi de l’évêque de Bazas, Raimond de Castillon que nous retrouvons dans une nouvelle mission de conciliation se rendirent à La Réole. Ils purent alors se rendre compte que les Réolais n’étaient pas seuls : des barons de l’Agenais, la majorité des habitants de Sainte-Bazeille mais aussi les majores Vasatenses, les maires du Bazadais avec leurs troupes étaient venus leur prêter main-forte. À leur tête se trouvait une fois de plus Gaston de Béarn. Les commissaires remirent la convocation du roi à la communauté de La Réole, à Gaston et au prieur du Mas ainsi qu’au maire de Bazas. Les assiégeants protestèrent de leur fidélité à Henri III, sollicitant son aide contre les partisans de Simon enfermés dans le château car ils prétendaient être menacés et refusèrent de se rendre au Parlement de Londres. Comme ils ne disposaient pas de moyens militaires suffisants pour faire lever le siège et bien conscients, par ailleurs, que la convocation des Gascons à Londres serait un échec si le parti de La Réole et celui de Bazas restaient en guerre, les commissaires et les prélats se résignèrent à négocier avec eux. Une trêve fut alors conclue : elle devait durer de la Saint-Aubin (1er mars) à la Saint-Jean-Baptiste (24 juin), mais le 15 mai Henri III la prolongea jusqu’au 15 août117. Les insurgés obtinrent un sauf-conduit, même ceux qui n’avaient pas été convoqués en Angleterre ; l’assurance que le comte de Leicester serait présent pour entendre leurs plaintes et y répondre ; enfin, la promesse qu’en leur absence les officiers royaux protégeraient leurs biens. Seul Gaston de Béarn refusa de partir. Simon de Montfort fit une brusque incursion en Gascogne pour tenter de reprendre la situation en main (début avril), mais il repartit vite pour l’Angleterre118 afin d’être présent au Parlement.

Les événements qui se sont déroulés à La Réole présentent un grand intérêt pour nous car ils révèlent un changement d’attitude de la part des Bazadais. La présence du maire de Bazas aux côtés de l’évêque et des commissaires royaux lors des négociations de l’été précédent prouvait que si la majorité d’entre eux n’était pas favorable à Simon de Montfort, ils restaient dans une prudente réserve. Or, six mois plus tard, ils se sont totalement engagés aux côtés des Réolais tandis que leur évêque restait fidèle à une politique de négociations et de pacification des esprits. La part prise par les Bazadais dans l’affaire de La Réole est d’ailleurs manifeste dès la convocation adressée par le roi-duc aux Gascons, le 6 janvier 1252. C’est d’abord aux communautés de La Réole et Bazas que s’adresse Henri III ; avec Gaston de Béarn, Amanieu VI d’Albret et les Réolais, le maire de Bazas est l’un des quatre partenaires avec lesquels les commissaires royaux concluent la trêve du mois de mars. Quant aux raisons de ce changement d’attitude des Bazadais, deux à notre avis peuvent être avancées : tout d’abord, les liens qui existaient entre familles de La Réole et de Bazas – alliances ou communauté d’intérêts. Les Piis avaient une branche bazadaise et une autre réolaise ; les Ladils étaient possessionnés autour de Bazas, mais aussi dans la vallée du Drot. D’autre part, les Gascons espéraient peut-être que la situation allait évoluer en leur faveur et que le roi-duc écoutant leurs doléances rappellerait Simon de Montfort. Le 9 mai 1252, les délégués gascons parmi lesquels se trouvaient Markès et Arnaud Ayquem, représentants du maire et de la commune de Bazas, se présentèrent au Parlement de Westminster. C’est grâce au mémoire qu’ils remirent alors que nous connaissons les événements qui s’étaient déroulés à Bazas depuis 1248119 ; mais nous ignorons malheureusement la réponse que dut faire le comte aux accusations portées par les Bazadais. D’une manière générale, les griefs faits à Simon portèrent davantage sur sa façon d’agir – la manière forte – que sur des questions de fond.

C’est à ce moment-là qu’Henri III, impressionné par ces plaintes, s’engagea dans une voie qui le conduisit en quelques mois face à une situation fort délicate120. Il commença par renouveler la donation de la Gascogne à son fils Édouard – le 8 juin – puis annonça sa venue en Gascogne pour le mois de février 1253 et imposa une trêve jusqu’à cette date. Mais, ignorant des réalités gasconnes, il demanda, au mois d’août, à certaines villes – mais Bazas n’y figure pas – ainsi qu’à des nobles comme le sire d’Albret de soutenir les nouveaux commissaires qu’il envoyait dans le duché121 ; décision absurde puisque ceux auxquels il demandait leur concours étaient les ennemis de Simon de Montfort et de sa politique de rétablissement de l’ordre dans le pays.

Or, Simon qui avait tenu tête au Parlement et conservé sa lieutenance, car il en aurait coûté trop cher au roi de la lui retirer, revint une nouvelle fois en Gascogne pour y aider ses partisans toujours enfermés dans le château de La Réole et refusa, malgré les admonestations des commissaires ducaux, de respecter les trêves. Ce n’est qu’au printemps 1253 qu’il renonça à ses fonctions, à la suite d’un accord avec son beau-frère ; il se retira alors en France122.

Henri III en Gascogne (août 1253-décembre 1255)

Henri III avait cru, non sans naïveté, que l’annonce de son arrivée en Gascogne suffirait à calmer les esprits ; or, il n’en fut rien. Non seulement les Gascons ne respectèrent pas les trêves, mais, de surcroît, le nouveau roi de Castille Alphonse X, reprenant les prétentions d’Alphonse VIII, revendiquait à son tour la Gascogne. Gaston de Béarn était gagné à sa cause et le château de La Réole avait fini par tomber aux mains des insurgés réolais et de leurs alliés béarnais, rejoints une fois de plus par le sire d’Albret. Telle était la situation dans le duché lorsqu’Henri III débarqua à Bordeaux, le 15 août 1253. Que se passait-il alors à Bazas ?

La situation à Bazas

À Bazas la situation avait, semble-t-il, évolué depuis le printemps 1252. La ville avait pour maire Markès, un des délégués bazadais au Parlement de Londres l’année précédente. Maintenant que le château de La Réole était passé aux mains des insurgés réolais, les Bazadais se tenaient une nouvelle fois à l’écart de la flambée d’agitation qui reprenait dans le pays. Probablement confiants dans les promesses faites par Henri III, satisfaits du renvoi de Simon de Montfort, doutant peut-être du succès de la révolte réolaise, ils se cantonnaient pour l’instant dans une prudente expectative. Si cette attitude n’est pas exempte d’un certain opportunisme il convient néanmoins de souligner qu’à Bazas, à la différence de La Réole, le parti le plus puissant depuis 1249 n’est ni celui des Guitarin alliés de Simon de Montfort ni celui de leurs ennemis jurés, les Ladils, mais un troisième parti dont l’hostilité à Simon de Montfort n’a jamais pris la forme d’un engagement total ; d’où, au gré des circonstances, une attitude fluctuante. Le roi-duc ne s’y est pas trompé, qui, à l’automne 1253, n’hésitera pas à s’établir dans la cité épiscopale même si c’était en partie pour mieux la surveiller : probablement y fut-il d’ailleurs invité par l’évêque Raimond de Castillon. Peu de jours après son arrivée en Gascogne, Henri III le chargeait d’ailleurs, en même temps que le prieur de Saint-Jacques de Bordeaux, d’exhorter ses sujets bazadais qui lui étaient fidèles à persévérer dans leur attitude et de leur demander le service d’ost123. Faut-il voir dans cette démarche une preuve de la tiédeur ou de la réserve des Bazadais ? C’est bien probable car ils étaient divisés, on va le voir, sur l’attitude à prendre à la suite de l’arrivée du roi.

Qu’était-il advenu en particulier des clans qui avaient défrayé la chronique locale en 1249-1250 ? Autant que de rares textes permettent de le deviner, il semblerait qu’au mois de septembre 1253 des bourgeois de Bazas fidèles au roi-duc ne fussent pas encore rentrés d’exil à cette date, puisqu’Henri III demanda alors à son sénéchal Richard de Grey de protéger leurs biens124. En revanche, il lui laisse le choix des mesures à prendre contre ceux qui sont rebelles et, quelques jours plus tard, il ordonne à son connétable de Bazas nouvellement installé au château de saisir les biens, meubles et immeubles en particulier les vignes de ces Bazadais et, s’il le peut, de s’emparer de leur personne125 : il s’agit de quatre nobles Garcie et Arnaud de Sescars, son frère, seigneurs d’Illon, d’Arnaud de Pinsac et Arn. R. de La Mote – un Mesme ou un Roquetaillade – mais aussi d’un bourgeois Arnaud Bertrand de Ladils appelé encore Bertrand dans un document ultérieur126. À notre avis, il convient de l’identifier avec ce Bertrand de Ladils qui, en 1251, conduisait le parti des Bazadais hostiles à Simon de Montfort. Comme l’ont montré les événements de La Réole, les ennemis du roi en 1253, sont les mêmes que ceux qui, en 1249, luttaient contre le comte de Leicester. Les exilés auxquels fait allusion le roi-duc ce sont les Guitarin et leurs alliés, expulsés de la ville en 1249, menacés en 1251, et considérés jusque-là comme des perturbateurs par les Markès, les Ayquem, les Caboudzid, favorables aux Ladils aussi longtemps que n’a pas été remis en cause le principe de la fidélité au roi-duc.

Cependant, si à l’automne 1253 la ville de Bazas est une nouvelle fois partagée, la situation n’est plus exactement la même qu’en 1249. En se rebellant contre le roi – peut-être seulement par haine des Guitarin – le clan des Ladils a été lâché par la majorité des Bazadais, avec à leur tête le maire, Markès, qui va jouer la carte du loyalisme, nous dirions du légalisme ; car, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, les Guitarin ne font pas parler d’eux une fois revenus, sans doute parce que les Bazadais ne leur ont pas encore pardonné le sang qu’ils ont fait couler dans la ville, fût-ce sous couvert de soutenir le représentant du roi.

La pacification (automne 1253)

Être Bazadais dans un pays en guerre n’est donc pas une sinécure car, en dehors de la ville, il est parfois difficile de prouver que l’on est loyaliste. Bidau de Nauans et son frère Peregrin l’apprirent à leurs dépens : alors qu’ils se trouvaient à Gironde, ils furent les victimes d’hommes du roi – et non des moindres – Jean le Parker, un de ses futurs prévôts et Robert le Grant qui les délestèrent de 63 livres, sous prétexte qu’ils n’étaient pas du parti du roi. Les deux marchands allèrent se plaindre à Henri III qui se trouvait entre Gironde et La Réole dont il faisait alors le siège127. Le roi-duc voulut bien les reconnaître comme ses loyaux sujets et leur permettre de récupérer leurs fonds à condition qu’ils obtiennent de la municipalité de Bazas un certificat de loyalisme à la couronne (16 septembre). Afin d’éviter qu’une telle mésaventure ne se reproduise, le 7 décembre suivant, il accorda aux deux frères l’autorisation de vaquer librement à leurs affaires en Gascogne jusqu’à la quinzaine suivant Noël128.

Tous ceux qui, en revanche, s’étaient dressés contre l’autorité royale furent l’objet de mesures radicales : non seulement, on l’a vu, leurs biens furent confisqués, mais parfois ils furent détruits. Le connétable de Bazas reçut ainsi l’ordre de raser les maisons que Bertrand de Ladils possédait dans la ville et d’en donner les pierres en provenant à la fabrique de la cathédrale (21 septembre)129. Quelques jours plus tard, Henri III faisait don à son sénéchal des maisons, terres et tènements que ce même Bertrand possédait dans la cité de Bazas et au-dehors et cela à titre perpétuel (8 octobre)130. Au mois de novembre, le sénéchal reçut l’ordre de détruire le château de Lados et celui de Arn. G. de Sescars, ainsi que ceux appartenant aux ennemis du roi dans les confins de Bazas131. C’est R. Le Bigot, comte de Norfolk qui fut chargé avec ses chevaliers et sergents et avec le concours d’un contingent bazadais d’aller renverser le château d’Illon132.

Henri III avait passé le mois de septembre entre Gironde et La Réole qu’il avait bloquée ; puis, il était parti faire le siège du château de Benauges à Arbis, où Simon de Montfort qu’il avait appelé à son secours finit par le rejoindre : la forteresse tomba le 6 novembre. Déjà, le sire d’Albret s’était rendu et lui avait remis, en signe de soumission, les châteaux de Casteljaloux et de Cazeneuve ; mais La Réole résistait toujours et Gaston de Béarn insaisissable s’était réfugié auprès du roi de Castille qu’il essayait une nouvelle fois de pousser à intervenir en Gascogne133.

Henri III à Bazas (novembre 1253-février 1254)

Henri III se tenait sur ses gardes : aussi, pour plus de sûreté, après avoir passé quelques jours à Saint-Macaire (du 6 au 18 novembre), il se rendit à Bazas où il arriva le 19 et où il séjourna jusqu’au 26 février134[134]. Dès le 18 octobre, il avait demandé au maire et au bailli de Bazadais de procurer 200 tonneaux de vin… soit 800 barriques ! – en prévision de sa prochaine venue “es parties de Gascogne”135 ; le même jour, il avait chargé son connétable de faire réparer les maisons qui se trouvaient dans le château que, pour plus de sûreté, il avait fait mettre sous sa main136. Le 10 novembre, afin que son séjour ne fût pas l’occasion de troubles dans la cité, il ordonnait au maréchal d’Angleterre d’empêcher l’entrée des exilés dans la ville, sauf autorisation spéciale du roi et accord des prud’hommes, aussi longtemps que leur cas n’aurait pas été jugé par la cour du roi ; tous ceux qui seraient revenus devraient être une nouvelle fois expulsés137. Ce sont bien sûr les membres du clan des Ladils qui sont visés par ces mesures.

De ce séjour d’Henri III à Bazas, le plus long qu’un souverain ait jamais fait dans la ville, on ne sait finalement que bien peu de choses. De Bazas Henri III continua à administrer son duché et son royaume comme il le faisait depuis son arrivée en Gascogne138. Il célébra la Noël au milieu des réjouissances, entouré des principaux personnages de sa cour139 ; à l’occasion de ces fêtes plusieurs seigneurs furent armés chevaliers140. Le roi-duc était seulement inquiet des manœuvres de Gaston de Béarn ; aussi, avait-il mandé à ses contingents landais de se tenir prêts à intervenir141. Les relations entre le souverain et les Bazadais furent, selon toute apparence, bonnes : point n’est besoin d’insister sur le sentiment de fierté que fit naître chez eux la présence du roi dans leur cité. Tout au plus peut-on noter une légère déception de la part de l’évêque qui avait cru un moment pouvoir mettre la main sur les biens de Bertrand de Ladils. N’oublions pas, en effet, qu’il était seigneur foncier ; à ce titre il s’enquit auprès du roi du sort des biens des ennemis de la couronne abandonnés par leurs possesseurs, qu’ils soient exilés volontaires ou bannis. Henri III qui n’avait pas encore fixé son choix permit alors à l’évêque de veiller à la garde de ces biens et d’en encaisser les revenus142. Mais Raimond de Castillon espérait manifestement davantage, c’est-à-dire les biens confisqués (21 septembre). Or, nous avons vu que quinze jours plus tard le roi fit don à son sénéchal des propriétés de Bertrand de Ladils. N’ignorant pas la déception qu’en éprouvait l’évêque il le pria, ainsi que le chapitre, d’approuver cette décision143.

La municipalité bazadaise paraît pour sa part avoir tout fait pour rendre au roi-duc son séjour aussi agréable que possible : en témoignage de satisfaction, Henri III offrit à Markès, le maire, une belle robe (roba pulchra et conveniens), à l’occasion des fêtes de Noël144. Sans doute ne fut-il pas le seul à bénéficier de la reconnaissance royale car, si l’on en croit Mathieu Paris, un Anglais malgré son nom, Henri III aurait fait des largesses somptueuses en vêtements et autres choses désirables aux Gascons. En revanche, nous serions moins enclin à suivre ce chroniqueur lorsqu’il laisse entendre que ces mêmes Gascons ayant “reniflé” les sterlings se faisaient entretenir par le roi d’Angleterre145. En effet, les Rôles Gascons ont surtout conservé le souvenir des reconnaissances de dettes faites par le roi à des citoyens de Bazas et, encore plus, de Bordeaux. En voici quelques-unes. Markès le maire et Raimond Markès ont remis le 22 février à deux clercs du roi duc 86 l., 11 s., 11 d. st.146 ; quelques jours plus tard, Pierre de Flus avance à son tour 71 l. afin que le souverain puisse payer – les gages ou les dettes on ne sait au juste – de Geoffroy de Nieul147. Le 4 mai, à la demande de G. de Beauchamp, le roi reconnaît encore devoir 37 marcs à Vivian Forker un autre Bazadais148 et, le 3 juin, c’est une nouvelle fois Raimond Markès qui avance 60 marcs pour que le roi-duc puisse payer les arrérages dus au sire d’Albret149.

Prudent, Henri III s’en tenait à des formules vagues lorsqu’il fallait préciser les dates de remboursement : ainsi, les Markès devaient être remboursés lorsque le trésorier reviendrait d’Angleterre. Mais revint-il jamais ? Nous ignorons aussi si Vivian Forker fut payé, comme il était convenu, à la Saint-Jean-Baptiste et si Raimond Markès rentra dans ses fonds dans la quinzaine suivante. Pierre de Flus reçut le règlement à la date prévue, dans le mois qui suivit Pâques, mais non en espèces : trop désargenté, le roi en fut réduit à lui faire remettre des tissus ou bien d’autres marchandises150. À la veille de son départ de Bazas, pour remercier Markès, maire de la ville, des services qu’il lui avait rendus durant son séjour, le roi-duc lui fit don de tout ce qu’il possédait à Ensignac et Aguzan, ainsi qu’au Puch moyennant un marabotin d’or d’esporle à seigneur mouvant (25 février 1254)151.

Henri III n’hésita pas non plus à mettre la municipalité à contribution afin de pourvoir à l’entretien de la garnison qu’il laissa au château : ainsi, le 16 mars, de Meilhan, ordonne-t-il au maire de faire remettre deux tonneaux ; de vin à Mansel le Tailur et à ses vingt sergents152 ; trois jours plus tard, ce sont vingt tonneaux qu’il lui demande d’acheter, toujours pour les besoins du château153 ; enfin, le 21, il charge le maire et G. de Chaeny d’acheter vingt paires de bœufs parmi ceux de la ville avec leurs bretta sans doute les charrettes à deux roues – des bros – probablement pour effectuer des transports de marchandises pondéreuses154. Mais, comme pour les emprunts, on peut se demander si les marchands ou la municipalité qui servait d’intermédiaire furent payés : les marchands de vin devaient être réglés, selon la formule habituelle, lorsque le trésorier arriverait en Gascogne ! Ils durent attendre longtemps, car pour régler les gages de la garnison, le 7 avril, Henri III ne trouva d’autres moyens que celui qu’il utilisa ensuite pour rembourser Pierre de Flus : le don à ses hommes de tissus et d’autres marchandises155. Mais cela ne suffisait pas, aussi, le 10 avril pour éviter qu’hommes et chevaux ne se trouvent dans une situation trop désespérée, il leur fit envoyer vingt flèches de lard (bacones) et dix escartes d’avoine156.

La paix (18 août 1254)

Depuis la fin du mois de février, le roi se trouvait à Meilhan, où il résida jusqu’au mois de juin, mais il avait laissé, nous venons de le voir, une garnison à Bazas ; le 11 avril, elle s’élevait à 11 sergents à cheval et 30 arbalétriers à pied – une compagnie157 Henri III se tenait, en effet, sur ses gardes car ce n’est que le 22 avril que les pourparlers engagés avec Alphonse X aboutirent. Le roi de Castille demanda à tous les Gascons de se soumettre à Henri III tandis qu’un mariage entre le prince Édouard et une sœur d’Alphonse X devait mettre un terme aux différends entre les deux familles. Prolonger la résistance n’avait dès lors plus de sens : aussi, les Réolais finirent-ils par capituler et la paix fut proclamée pour la première fois depuis longtemps sur toute la Gascogne, le 18 août 1254158.

Cette paix devait se prolonger jusqu’au déclenchement de la guerre de Guyenne quarante ans plus tard. Le prince Édouard était arrivé à Bordeaux le 12 juin 1254. Son père voulut qu’il prît réellement possession de son duché, avec remise des places et prestation de serment par les habitants. Le prince Édouard ne se rendit à Bazas que le 10 décembre, au retour de son voyage de Castille et de son mariage avec Éléonore alors que, venant de Saint-Sever, il se rendait à Bordeaux159. Mais, dès le 18 août, la situation était devenue “normale” à Bazas, puisque l’évêque avait pu reprendre possession de son château160.

Bazas sous le prince Édouard (décembre 1254-novembre 1272)

La liquidation du passé (1254-1256)

Les séquelles du conflit qui venait d’agiter la Gascogne se firent encore sentir pendant longtemps : ainsi, pour des raisons que nous ignorons, au mois de septembre, Bernard de Fargues et la majeure partie des habitants de Meilhan firent une chevauchée sur Bazas : quatre citoyens de la ville furent faits prisonniers, d’autres blessés et de nombreux dégâts commis161. Il est possible que les sujets du sire d’Albret en aient voulu aux Bazadais de s’être ralliés au roi-duc et d’avoir ainsi trahi leur cause. Ce climat de trouble explique sans aucun doute le souci des chanoines d’obtenir du roi-duc avant qu’il ne regagne l’Angleterre des lettres de protection adressées à la fois au sénéchal de Gascogne, au prévôt et au maire de Bazas (29 octobre 1254)162. Mieux encore, lors de son passage à Bazas, le 10 décembre 1254, le prince Édouard prit des otages parmi la population “pour le bien et la sécurité de la cité”, tout en déclarant solennellement que cette décision ne saurait constituer une atteinte aux libertés et aux droits de l’évêque et de la communauté163. Manifestement, le prince redoutait qu’après son départ les Bazadais ne recommencent leurs luttes intestines ; mais cette mesure de circonstance bien compréhensible constituait un précédent dangereux que le prince devenu roi essaya de transformer en article de droit.

La tâche qui attendait le prince Édouard était donc considérable car la paix était encore bien fragile et il lui fallait compter avec des sujets chatouilleux. Il séjourna en Gascogne jusqu’au mois d’octobre 1255, ce qui lui donna l’occasion de repasser à Bazas et d’y séjourner du 6 au 13 février 1255 dans le cadre d’une “tournée bazadaise” puis, le 28 avril sur le chemin de Saint-Sever, enfin, une dernière fois, du 7 au 10 juin164. Confronté comme son père à de graves problèmes financiers, il ordonna le 22 avril 1255 la levée d’un fouage auxquels les Bazadais contribuèrent sur la base de 5 s. par paire de bœufs ou de vaches, 2 s. 6 d. pour une vache et 1 s. bord. pour ceux qui ne possédaient pas d’attelage. En ville, la taxe était de 5 s. par feu, le fort supportant le faible. Arnaud Garcie de Sescars, G. Arn. d’Auros et R. de Pugoys furent chargés de procéder à la collecte dans le sud du diocèse165. Les produits de la collecte devaient être apportés à Saint-Macaire avant le 18 juillet166. Mais il est probable que les collecteurs éprouvèrent quelques difficultés à faire rentrer ce fouage : en effet, le 8 juillet, alors qu’il se trouvait à La Sauve, Édouard ordonna au maire de Bazas de faire remettre à André de Goys 20 l. bord. sur les sommes qui lui étaient dues dans la ville167. Puis, quelques semaines plus tard (6 septembre) Menaud Guiterin, maire de la ville, reçut l’ordre de remettre à Jean de Beseville des armures que ce personnage qui faisait partie de la suite du roi avait, semble-t-il, été contraint de laisser en gage d’un prêt. Le prince Édouard rendait ainsi le maire responsable de la mauvaise volonté des Bazadais ; mais, en échange, Menaud Guiterin était “autorisé” à prélever les 33 livres montant du prêt sur les “collectes” de la ville168. On peut se demander si le maire eut auprès de ses concitoyens plus de succès que les officiers du roi-duc.

La présence à la mairie de la ville de Menaud Guiterin, l’ancien chef de la faction favorable à Simon de Montfort puis à Henri III, ne pouvait que rassurer le Prince. Mais il s’en faut, semble-t-il, que tous les problèmes aient alors été réglés. On peut ainsi s’interroger sur les motifs qui amenèrent Édouard à demander au maire de mettre sous sa main les possessions d’Arnaud de Piis et de Raimond Guillaume de Ladils, cela en vertu d’une décision prise probablement fin 1253 ou début 1254 (9 septembre 1255)169. D’autre part, ne serait-ce pas à un bourgeois bazadais rebelle qu’appartenait cette tour de Trazitz dont le Prince demandait la démolition le 7 octobre suivant170 ? Quelques jours plus tard, le 10 octobre, le Prince convoqua à Bordeaux plusieurs Bazadais parmi lesquels figurent des Ladils : Arnaud Raymond, Guillaume et son fils Jean, Pierre du Puch, Raimond Morlan mais aussi – et cela est plus surprenant – des Markès : Raymond l’ancien, le fils de Jean et même le fils de Vital de Cabouzidz171. Voulait-il une dernière fois admonester ceux qui à des degrés divers s’étaient opposés à Simon de Montfort, puis à son père ?

L’épilogue de cette période, la plus troublée que Bazas ait connue au XIIIe siècle, eut lieu un an plus tard au mois de novembre 1256. Comme Doat de Piis bourgeois de La Réole l’avait fait dès le 4 novembre, Arnaud de Ladils, le 10, puis Bertrand de Ladils, le 27, promirent fidélité pleine et sans réserve au prince Édouard et donnèrent chacun un certain nombre de cautions dont on peut être assuré qu’ils étaient tous sinon des membres actifs, du moins des sympathisants du clan des Ladils qui avait tenu tête à Simon de Montfort et osé affronter le roi lui-même dans une lutte sans autre issue pour eux que la soumission finale172.

La situation politique à Bazas

Il convient maintenant de revenir en arrière et d’essayer de faire le point sur la situation politique à Bazas au lendemain de la grave crise que venait de traverser la ville. Qu’était-il advenu du pouvoir de l’évêque face aux ambitions de la municipalité bazadaise et aux prétentions des officiers du roi-duc favorisées les unes et les autres par des événements que les seigneurs ecclésiastiques furent incapables de maîtriser ?

La “commune” (cf. annexe II)

Essayons, tout d’abord, de voir quelle idée la chancellerie anglaise se faisait de la communauté bazadaise. Notre première remarque concerne la dénomination même de la ville. Le plus souvent, qu’il soit question de prud’hommes ou tout simplement d’hommes, tous sont dits de Bazas (de Vasato), sans autre précision. Parfois, cependant, apparaissent les termes de cité (civitas) – à propos des possessions de Bertrand de Ladils, des exilés, de la résidence du roi, ou, plus tard, de la prise d’otages – ou celui de villa173. Mais, aux yeux des officiers ducaux, l’agglomération constitue un tout ; aucune distinction n’apparaît ainsi entre “la cité épiscopale” et le “bourg marchand” et le terme de cité et celui de ville sont synonymes : ainsi, est-il interdit aux personnes “exilées de la cité” de “rentrer dans la ville”174. On notera aussi que, dans leur plainte contre Simon de Montfort, les Bazadais parlent, tantôt de la ville, tantôt de la cité175. Or, nous verrons qu’au cours des années 1270-1280 la distinction apparaît très nettement entre les deux parties de l’agglomération.

Mais les Bazadais, parlant d’eux au Parlement de Londres, se qualifient de cives voulant bien montrer qu’ils habitent une cité épiscopale176 ; la chancellerie anglaise pour sa part n’adoptera vraiment ce terme qu’après le mois de février 1254, à propos de R. Markès177. En revanche, ce n’est qu’exceptionnellement qu’un Bazadais est qualifié de bourgeois : les Nauans, en septembre 1253, ou Arnaud et Bertrand de Ladils, en novembre 1256178.

La communauté bazadaise est constituée en “commune” (communia Vasatensis, en 1252)179, présidée par un maire : Bidau de Cabozidz en 1251180, puis Markès (16 décembre 1253 ; 22-25 février 1254)181, enfin Menaud Guiterin (6 septembre 1255)182. Par deux fois il est aussi question des jurats : la première lorsqu’Henri III invite les villes de Gascogne à se rendre au Parlement de Londres (6 janvier 1252)183, la seconde à l’occasion de la convocation au Parlement de Bergerac, en juin 1254184. Nous avons vu que ces jurats sont attestés dès 1243. On peut donc supposer que Bazas possédait une municipalité ayant à sa tête un maire et une ou deux douzaines de jurats. Nous le croyons d’autant plus volontiers qu’à l’occasion de la convocation de 1254, faite depuis Saint-Macaire, la formule utilisée pour inviter les Bazadais l’est aussi pour les habitants de Saint-Émilion, la plus ancienne commune du Bordelais, tandis qu’à Rions, Saint-Macaire et Langon, seuls des prud’hommes sont convoqués. Le sceau de cette municipalité (sigillum civitatis Vasatensis) est mentionné, mais on n’en a conservé aucune empreinte, en France du moins185. Cependant, il est manifeste que cette “commune” ne dispose d’autres pouvoirs que ceux qu’elle a pu s’arroger au cours des événements assez exceptionnels que vient de vivre la population bazadaise et, faute de documents municipaux, il est, nous l’avons vu, bien difficile d’apprécier son rôle exact. La seule chose dont on soit certain c’est que la municipalité était reconnue de fait par le roi comme l’organe représentatif de la population bazadaise ; dans ces conditions c’est au maire que le roi-duc s’adresse lorsqu’il fait appel à la communauté de la ville et c’est encore la municipalité qui délègue deux de ses membres pour représenter les Bazadais à Londres. Mais, en dehors de cette fonction de représentation, cette municipalité n’exerce pratiquement aucun pouvoir si on ne tient pas compte des initiatives “révolutionnaires” qu’elle a pu cautionner comme le soulèvement contre les Guitarin.

Le roi, dès son arrivée en Gascogne, a fait appel aux Bazadais en de nombreuses occasions, mais il convient de bien distinguer entre les demandes qu’il leur a adressées dans le cadre de la coutume et celles qui présentent un caractère extraordinaire. Dans la première catégorie se rangent le service d’ost et la contribution au fouage. Henri III a ainsi convoqué tous les Bazadais (homines de Vasato) à l’ost, dès le 23 août 1253186, puis, une nouvelle fois, le 16 septembre187 ; il leur a enfin demandé de fournir un contingent pour aider le comte de Norfolk à renverser le château d’Illon188. De même, c’est en conformité avec la coutume que le prince Édouard a sollicité un fouage en 1255189. En revanche, on ne saurait en dire autant de la prise d’otages du mois de décembre 1254190 ; quant au rôle d’intermédiaire joué par le maire au cours de l’hiver 1253-1254 ce n’était pas pour lui une obligation ; encore moins celui de banquier qu’il exerça au cours de la même période avec certains de ses concitoyens. Le zèle que manifestent à cette occasion la plupart des Bazadais peut s’expliquer par bien des raisons probablement toutes intéressées : il n’en reste pas moins que si le roi a fait appel officiellement à la municipalité, c’est en raison de la carence de ceux qui étaient les seigneurs de la ville, l’évêque Raimond de Castillon et son chapitre.

L’évêque et le chapitre

Si le loyalisme du corps ecclésiastique bazadais ne saurait être mis en doute, et même si Raimond de Castillon joua un rôle indiscutable de pacificateur en 1251 et 1252, il n’en reste pas moins que les seigneurs de Bazas n’ont apparemment exercé depuis 1249 qu’un rôle politique bien mince. À l’origine de ce comportement, d’autant plus étonnant qu’il contraste avec l’acharnement que mit ensuite le successeur de Raimond de Castillon à défendre les droits de la seigneurie, se situe, selon nous, le “coup de force” de Simon de Montfort, en 1249. Comme nous aurons l’occasion de le voir à propos des événements des années 1274-1283, ni le roi-duc ni son lieutenant n’avaient le droit d’entrer en armes dans la ville, sans accord éventuel des seigneurs, et encore moins celui d’y exercer des actions de police à l’encontre des habitants, sujets de l’évêque et du chapitre qui possédaient la plénitude de la juridiction. Les interventions de Simon de Montfort dans Bazas, à l’exception de celle de 1248, où il vint pour présider la cour de Gascogne, sont donc illégales. Les Bazadais, lorsqu’ils portèrent leur plainte devant le Parlement de Londres, n’abordèrent pas cet aspect des choses ; mais il n’y a pas à s’en étonner, car c’est à l’évêque qu’il revenait de protester. Or, apparemment il ne le fit pas, bien qu’après avoir bafoué sa juridiction Simon de Montfort se fût moqué de son tribunal191. Par la suite, ce fut le roi-duc lui-même qui mit la main sur le château épiscopal, y installa une garnison aussi longtemps qu’il le jugea nécessaire, saisit les biens de Bertrand de Ladils et prit des otages.

Mais, c’est parce que les autorités ecclésiastiques avaient été incapables, faute de moyens, de faire régner la paix entre leurs sujets, qu’elles ne purent ensuite empêcher Simon de Montfort de soutenir ses partisans puis, s’opposer aux exigences du roi-duc. Nous avons vu dans quelles conditions l’évêque avait dû céder aux pressions d’Henri III qui souhaitait remettre à un de ses officiers les possessions de Bertrand de Ladils192 ; quant aux promesses faites par Édouard de ne pas porter atteinte aux droits de l’évêque de Bazas, à l’occasion de la prise d’otages, l’avenir devait montrer leur vanité193. Ainsi éclate au grand jour le mal qui menace le pouvoir de tous les seigneurs ecclésiastiques et qui finira par les emporter : l’incapacité dans laquelle ils se trouvent de se faire obéir. Dès que le climat général se détériore tant soit peu, ils sont immédiatement débordés. Les sénéchaux des années soixante-dix tirant la leçon des événements n’auront désormais de cesse de mettre la main sur ces juridictions afin d’éviter que ne se renouvellent des débordements qu’ils auraient ensuite de la peine à maîtriser. Pour l’instant, le prince Édouard ne pouvait que remercier Raimond de Castillon qu’il qualifie de “vénérable père spirituel” et ordonner à ses officiers de protéger ses biens et de l’aider à recouvrer ses revenus194.

La fin de la principauté d’Édouard (1256-1274)

L’interruption de la série des Rôles Gascons entre le mois d’octobre 1255 et le mois de novembre 1274 ne permet plus de suivre, comme nous venons de le faire, les vicissitudes politiques que put alors connaître la cité. On ne saurait cependant passer sous silence quelques événements qui, d’une manière ou d’une autre, la concernèrent : tout d’abord, le traité de Paris du 4 décembre 1259 conclu entre Henri III et Louis IX, par lequel le roi d’Angleterre s’engageait à faire hommage au roi de France pour son duché, y compris pour les terres gasconnes ; la paix était enfin conclue mais, par le jeu des appels portés devant son Parlement, le roi de France allait pouvoir désormais s’immiscer le plus légalement qu’il fût dans les affaires du duché aquitain ; en second lieu, le second voyage (oct. 1260-début 1262) que le prince Édouard fit en Gascogne et au cours duquel il obligea le sire d’Albret à lui céder la seigneurie de Meilhan (déc. 1261)195 ; enfin, le 3 août 1265, à Evesham, sa victoire sur Simon de Montfort et les barons anglais révoltés.

Bien que le Prince Édouard administrât, en principe, le duché, les relations n’étaient pas cependant interrompues entre le roi-duc et les Bazadais. Nous en voulons pour preuve les mesures dont il faisait bénéficier les Bazadais qui, la paix revenue, avaient repris le commerce des vins avec l’Angleterre ; Raimond Markès obtint ainsi l’autorisation d’exporter outre-Manche 100 tonneaux de vin en 1263, autant en 1264, aux conditions habituelles (18 juin 1263)196. Sept ans plus tard, Henri III exemptait Guillaume Belet, Bertrand et Menaud Guterin, deux frères, tous trois marchands de Bazas de saisies pour dettes dont ils ne seraient pas cautions ou principaux débiteurs (2 août 1270)197. Déjà, en 1268, le roi-duc était intervenu en faveur de Pierre d’Espagne, un autre bourgeois de Bazas associé à un bourgeois du Mas G. de Cassinac, qui avaient eu affaire à des commerçants anglais de mauvaise foi (6 mai 1268)198. Henri III avait aussi continué à témoigner sa confiance à l’évêque Raymond de Castillon le chargeant du règlement d’affaires délicates telles que l’exécution de l’accord conclu avec le roi de Castille, Alfonse X (20 septembre 1260)199, ou encore le règlement de la succession de Bergerac200. Il est clair que l’évêque de Bazas demeure l’homme de confiance du roi car c’est au moment où, à la suite de maladresses du Prince Édouard, cette affaire risquait d’être portée devant le Parlement, qu’Henri III intervenant en personne le chargea, en même temps que son sénéchal de Limousin, d’essayer de trouver le plus vite une solution.

Les années qui suivirent furent marquées en Gascogne par un changement sans doute trop rapide des hommes chargés d’administrer le pays201. Aussi, malgré tout le soin qu’ils y apportèrent, lieutenants et sénéchaux anglais ne parvenaient pas à bien tenir le pays. Notons, cependant, la conclusion, le 29 juillet 1270, du contrat de paréage, entre le lieutenant du prince, Roger de Leyburn et l’abbé de Saint-Sever ; avec celui de Lectoure (février 1283) ce contrat devait servir de modèle treize ans plus tard, lors de la conclusion du paréage de Bazas202. La même année le prince Édouard partit à la croisade et c’est sur le chemin du retour, en Sicile, qu’il apprit le 19 janvier 1273, le décès de son père, survenu le 16 novembre précédent. Gaston VII profita de la situation pour jouer une nouvelle fois les perturbateurs aux confins des Landes et du Béarn. Édouard qui s’était rendu à Paris, au cours de l’été 1273, pour faire hommage de son duché à Philippe III en profita pour se hâter vers la Gascogne où il avait de toute façon l’intention de se rendre afin de recevoir les hommages de ses vassaux et de ses sujets203.

La mainmise du roi-duc sur la seigneurie ecclésiastique (1274-1294)

Le roi-duc arriva en Gascogne au début du mois de septembre 1273. Il se rendit aussitôt à Saint-Sever pour y recevoir les hommages de ses vassaux landais mais aussi pour s’opposer aux menées de Gaston de Béarn qui avait profité de l’avènement d’Édouard Ier pour reprendre ses incursions dans le sud de la Chalosse. Finalement Édouard Ier dut consacrer tout l’hiver à cette affaire et ce n’est qu’au mois de février 1274 qu’il put reprendre la tournée de son duché. De Lectoure où il se trouvait le 18 février il gagna Bordeaux, passant probablement par Bazas entre le 10 et le 15 mars. Le 18, il tenait à Bordeaux un parlement qui fut suivi, six jours durant, par la réception des hommages et reconnaissances de ses hommes et vassaux de Bordelais et de Bazadais. C’est ainsi que, le 19 mars 1274, l’évêque de Bazas, Guillaume de Piis, qui avait succédé à Arnaud de Castillon en 1265204, puis, le lendemain, une délégation de la communauté de la ville faisaient reconnaissance au duc d’Aquitaine des droits qu’il possédait dans la ville205. Événement banal en apparence, cette double reconnaissance fut lourde de conséquences ; elle inaugure, en effet, un processus au terme duquel, après dix ans de discussions suivies d’accords vite rompus, l’évêque finit par perdre au profit du roi-duc la plus grande partie du pouvoir qu’il exerçait de concert avec le chapitre sur la ville et son détroit. L’affaire de Bazas, il convient de le souligner, n’est en fait qu’une illustration de la politique menée par les sénéchaux d’Édouard Ier pour faire respecter et accroître l’autorité de leur maître sur son duché aquitain. Mais, ainsi que nous l’avons déjà souligné, le contrôle des plus grandes seigneuries ecclésiastiques constituait un des objectifs privilégiés de cette politique. On ne saurait non plus trop insister sur sa continuité – condition de son efficacité – rendue possible par la présence à la tête de la sénéchaussée de seulement deux hommes au cours des quatorze premières années du règne d’Édouard Ier. Il s’agit, tout d’abord, de Luc de Thanet, nommé par le roi-duc le 18 mai 1272, révoqué après le passage de commissaires royaux au début de l’été 1278 puis, de Jean de Grailly, déjà sénéchal de 1266 à 1268, qui réoccupa ces fonctions d’août-septembre 1278 au 18 octobre 1283, pour devenir alors lieutenant du roi durant deux mois puis, une dernière fois sénéchal jusqu’à l’été 1287206. C’est peu de temps auparavant (nov. 1286) qu’Édouard Ier revint pour la troisième fois dans son duché qu’il avait quitté en avril 1274.

L’accord de 1274 : une victoire fragile pour l’évêque et le chapitre

Les reconnaissances de l’évêque et de la communauté de Bazas (mars 1274)

Les deux reconnaissances faites le 19 mars par Guillaume de Piis puis, le lendemain, par les sept représentants de la communauté bazadaise firent éclater au grand jour l’ambiguïté de la situation politique à Bazas, en même temps qu’elles révèlent l’existence d’une crise ouverte entre le roi-duc et l’évêque. En effet, l’évêque ne reconnut tenir d’Édouard Ier qu’une seule chose : le manoir de Bolders207, ancienne possession de Pierre de Saint-Loubert, moyennant une esporle de cent sous à mouvance de seigneur, ainsi que le service d’ost. Mais, requis de dire s’il tenait d’autres biens en fief immédiat du roi-duc, il déclara avoir été spolié par le sénéchal de la justice de Bazas ainsi que d’autres choses qu’il ne précisait pas. Dans ces conditions, il affirma n’être pas tenu de répondre et refusa de le faire aussi longtemps que ses droits ne lui auraient pas été restitués, en précisant que s’il avait fait hommage pour Bolders, c’est qu’il l’avait bien voulu. Les relations entre l’évêque et Édouard Ier étaient donc très tendues.

La responsabilité en incombe sinon au roi-duc, du moins à son sénéchal Luc de Thanet. En raison du petit nombre de documents dont on dispose il n’est pas possible de savoir à quelle époque remonte cette affaire ; mais elle est sans aucun doute consécutive à la mise en route de la procédure qui a précédé les hommages de 1273-1274. Selon toute probabilité, c’est au cours de l’automne ou de l’hiver 1273-1274 que le sénéchal, agissant sur sa propre initiative ou à la demande d’Édouard Ier, tenta de faire pression sur l’évêque et le chapitre pour qu’ils s’engagent à reconnaître au roi-duc des droits qu’il n’avait pas. Devant leur résistance il dut passer aux actes et s’emparer de certains biens et droits appartenant aux seigneurs ecclésiastiques ; d’où la protestation de Guillaume de Piis et son refus de parler aussi longtemps qu’ils ne lui auraient pas été restitués. Parmi ces biens figure très probablement le château de Lerm qui, nous le verrons, était encore dans les mains du sénéchal au mois de juin suivant208. En revanche, nous serons moins formel en ce qui concerne l’installation d’un viguier ducal à Bazas dès cette époque. En tout cas, si, comme nous le pensons, Édouard Ier passa par Bazas entre le 10 et le 15 mars, on peut être assuré qu’il ne reçut pas un accueil bien chaleureux de la part du clergé209.

De leur côté les représentants de la communauté bazadaise reconnurent devoir au roi-duc fidélité et obéissance et lui prêter serment quand il venait à Bazas ou lorsqu’un nouveau sénéchal entrait en fonction. Le roi ou son sénéchal devaient alors jurer à leur tour aux Bazadais d’être pour eux un bon seigneur, de veiller au maintien de leurs coutumes et de les défendre. Le roi-duc recevait, d’autre part, des Bazadais le service d’ost auquel étaient consacrés pas moins de neuf articles : chaque maison habitée devait le service d’un homme (art. 2) ; si le roi-duc emmenait les Bazadais à une chevauchée hors de la ville le butin éventuellement pris par eux devait lui être remis moyennant une indemnité fixée par un tarif210. C’était la reconnaissance officielle d’un service que les Bazadais n’avaient jamais contesté, même s’ils avaient parfois mis peu de zèle à le remplir, comme en 1242 et en 1253.

Par ailleurs, le roi et son sénéchal possédaient le droit de faire proclamer ce qui leur plaisait dans la ville par le crieur public. En temps de guerre, ils pouvaient aussi entrer dans la ville avec ou sans armes, de nuit et de jour et aller et venir ; ils pouvaient aussi en demander les clefs des portes et y installer leurs gardes. En outre – il s’agit sans aucun doute de la disposition la plus lourde de conséquences – garant de la paix publique, le roi-duc se faisait reconnaître le droit de prendre des otages lorsque des troubles éclataient soit dans la ville même, soit, chose plus étonnante, en Gascogne, expression tellement vague qu’elle autorisait tous les abus. Sur le plan judiciaire, les Bazadais dépendaient de la juridiction royale dès lors qu’ils étaient à l’ost (art. 8) et, s’ils jugeaient que l’évêque et son chapitre faisaient défaut, ils pouvaient en tout temps faire appel au roi ou à son représentant afin qu’ils somment l’évêque et le chapitre de remplir leur fonction de juges et, s’ils refusaient, qu’ils se substituent à eux (art. 5). Enfin, les querelles entre un Bazadais et les membres de familia ou de la suite du roi-duc étaient jugées devant le roi-duc en personne, soit en Bazadais, soit en Bordelais.

D’après cette déclaration, le pouvoir de l’évêque et du chapitre apparaît donc sérieusement menacé. Mais il ne faut pas oublier que la reconnaissance est faite par les Bazadais dont il est à peu près certain, par ailleurs, qu’ils ont agi plus ou moins sous la contrainte. Tout à fait révélatrice est la réserve qu’ils font transcrire sur le procès-verbal à propos du droit du roi-duc de prendre des otages, qu’ils déclarent sans fondement juridique. C’est bien la preuve qu’ils ont été obligés de reconnaître comme article de droit ce que dans le vocabulaire de l’époque on appelle une innovation. En faisant pression sur les Bazadais le sénéchal a donc renié la parole du prince Édouard qui avait bien précisé que la prise d’otages qu’il avait faite au cours de l’hiver 1254 était exceptionnelle et ne devait en aucune manière porter atteinte aux libertés des Bazadais211. Si les représentants de la communauté n’émirent pas d’avis sur des articles tels que l’entrée du roi dans la ville ou la remise des clés, probablement est-ce parce que ces dispositions concernaient d’abord les seigneurs de la cité. Mais, prudents, ils réservèrent les droits de l’église de Bazas, ce qui leur permettait de ne pas se faire accuser par l’évêque et le chapitre d’avoir porté atteinte à leurs droits. De toute façon, l’évêque et son chapitre n’étaient pas engagés par la déclaration des Bazadais.

Une grave crise a donc éclaté entre le roi-duc et les seigneurs de la cité épiscopale. Elle n’a rien de commun avec les frictions qui avaient pu naître entre Henri III et Arnaud de Piis. Cette fois-ci, en effet, on assiste, à l’occasion de la prestation d’hommage de tous les vassaux et hommes du roi-duc à une tentative de la part de ses officiers pour remettre en cause le statut de la seigneurie de Bazas alleutière et justicière. En 1270 déjà, l’abbé de Saint-Sever avait accepté un paréage ; le 24 février l’évêque et le chapitre de Lectoure venaient de l’imiter212. Or, l’évêque et le chapitre de Bazas n’entendaient manifestement pas céder une part aussi minime fût-elle de leurs droits. Qu’allait-il se passer ? À la suite du départ d’Édouard Ier pour l’Angleterre, au début du mois d’avril, le sénéchal se trouvait désormais seul, confronté à une situation épineuse.

Il semblerait d’ailleurs que le roi-duc, bien conscient de la gravité d’une situation dont on ignore si c’est son sénéchal ou lui-même qui l’avait provoquée, ait songé à s’assurer la fidélité de certaines familles bazadaises : ainsi, dès le 25 avril, alors qu’il était sur le chemin du retour en Angleterre, il se fit céder par Bertrand de Ladils – probablement le fils de Guillaume Arnaud, un des chefs du parti de Montfort – la totalité de ses alleux ; mais, deux jours plus tard, il les concéda en fief à son fils Bernard qui devint ainsi son vassal direct pour toutes ses possessions situées en dehors de la seigneurie épiscopale213.

L’incident du mois de juin 1274 et ses conséquences

C’est quelques semaines plus tard que se produisit un grave incident qui allait précipiter les événements et permettre de trouver une solution au moins provisoire au conflit214. Le viguier ducal établi par le sénéchal à Bazas fut en effet pris à partie par les habitants dans des circonstances qui ne sont pas connues mais qu’il n’est pas difficile d’imaginer. En effet, la présence à Bazas d’un représentant du roi-duc chargé de rendre la justice constituait une véritable provocation à l’égard de l’évêque et du chapitre seuls maîtres de la justice dans leur seigneurie. Est-ce à cette intrusion que faisait allusion Guillaume de Piis lorsque, le 19 mars, il évoqua les spoliations dont il avait été victime ? On ne saurait l’affirmer, le viguier ayant pu tout aussi bien être installé après le refus de reconnaissance de l’évêque tandis que le château de Lern était, selon toute probabilité, déjà occupé par les hommes du sénéchal. Celui-ci, en tout cas, s’appuyant peut-être sur la clause de la reconnaissance faite par les Bazadais selon laquelle il pouvait entrer dans la ville s’il estimait la paix menacée, envoya des troupes pour rétablir l’ordre ; mais sa compagnie ne put entrer dans Bazas. Des habitants refusèrent le passage aux soldats et, à l’occasion d’une échauffourée qui se déroula sous les murs de la ville, deux écuyers, Pierre Denoer et Guillaume Dreu de Batz, appartenant à la suite de Luc de Thanet, furent tués. L’incident se serait produit au lendemain de la Saint-Jean, donc au plus tôt le 25 juin. Peut-être qu’à une autre date rien de grave ne se serait produit ; mais les fêtes de la Saint-Jean, patron de la cathédrale et de la cité, devaient déjà provoquer de grands rassemblements et en cette saison, la chaleur et la soif aidant, les esprits durent vite s’échauffer. Regrettable sans aucun doute, certainement pas suscitée par l’évêque qui protesta de son innocence, cette “affaire” eut au moins le mérite de débloquer une situation absurde. En effet, dès le 28 juin, Luc de Thanet se trouvait en personne à Bazas.

Bien que les Bazadais fussent manifestement engagés dans le conflit, c’est uniquement avec l’évêque et le chapitre que le sénéchal va traiter, car s’il en conteste le contenu, il ne reconnaît qu’un seul pouvoir dans la ville, celui de la seigneurie ecclésiastique. Des deux côtés il fut convenu d’oublier ce qui s’était passé depuis la dernière Saint-Jean, mais uniquement les délits de nature politique, les différends privés et de droit commun restant justiciables de la cour de l’évêque et du chapitre ou de celle du sénéchal, selon les cas. Pour “l’honneur du roi”, le sénéchal, avec le consentement de l’évêque et du chapitre, conservait sous sa main le château de Lerm dont la garnison serait entretenue aux frais des seigneurs ecclésiastiques qui en percevraient cependant les revenus. En tous cas Guillaume de Piis refusait de supporter le moindre préjudice à la suite de la mort des deux écuyers, car il déclarait ne pas en être responsable. Le sénéchal l’ayant dépouillé de ses droits, c’est à celui-ci que revenait la responsabilité des incidents.

Le compromis entre les seigneurs ecclésiastiques et le sénéchal (28-29 juin 1274)

Lorsque, le 29 juin, fut négocié cet accord, l’évêque avait déjà consenti, la veille, à faire la reconnaissance qu’il avait jusque-là refusée215. Mais il ne fait aucun doute, à notre avis, que le document a été antidaté pour que “l’honneur du roi” fût sauf, l’accord et la reconnaissance ayant fait l’objet d’une négociation globale. Comment imaginer, en effet, que l’évêque et le chapitre aient pu accepter de faire la reconnaissance sans avoir obtenu auparavant de Luc de Thanet qu’il les reconnût innocents des incidents du mois de juin et qu’il eût renoncé à ses prétentions sur la juridiction de Bazas ?

Le contenu de la déclaration faite par l’évêque avec l’accord du chapitre sur ce que “selon sa conscience” il sait ou croit savoir des droits et devoirs du roi-duc à Bazas prouve, d’ailleurs, que Guillaume de Piis a tenu bon. Il y a loin de cette déclaration à celle faite par les Bazadais quelques mois plus tôt, ce qui donne d’ailleurs la mesure de la pression qui fut alors exercée sur les délégués de la communauté. À vrai dire, l’évêque et les Bazadais ne sont d’accord que sur un seul point ; le service d’ost dû par les habitants au roi-duc et la juridiction que le roi-duc exerce sur les Bazadais dès lors qu’ils entrent à l’ost. Mais, dans tous les autres domaines, les droits reconnus par l’évêque et le chapitre au roi-duc sont singulièrement réduits : ainsi, du droit d’entrée dans la cité, le roi et son sénéchal ne conservent que celui d’entrer et de sortir en temps de guerre et de se servir alors de la ville comme d’une place forte, mais sans pouvoir disposer des clefs de la ville, droit qu’ils n’ont jamais eu ; le droit de saisir des otages est lui aussi limité à un cas précis : celui où une guerre civile éclaterait dans la cité et où l’évêque et le chapitre, dans l’impossibilité d’y mettre fin, feraient appel au roi-duc ou à son représentant, justification partielle des initiatives du prince Édouard en 1254, mais condamnation implicite de celles de Simon de Montfort. Quant au crieur public, il ne peut intervenir au nom du roi que dans deux cas : pour la convocation des Bazadais à l’ost ou à la prestation de serment au roi-duc ou à son sénéchal. Par ailleurs, si l’évêque admet que les habitants prêtent serment de fidélité au roi quand “il vient à Bazas” ou à son sénéchal, il précise que le roi ou son représentant doivent auparavant prêter le serment accoutumé aux habitants – inversant ainsi l’ordre des serments prévus dans la reconnaissance du mois de mars. Enfin, à propos des excès commis par les Bazadais à l’encontre du roi-duc, du sénéchal ou de ceux de sa maison, il est seulement précisé qu’ils citeront les prévenus, recevront des cautions et rendront justice. Le seul point sur lequel l’évêque semble avoir capitulé concerne le serment des Bazadais, puisqu’il se réserve le droit et le dominium de l’église de Bazas et va jusqu’à affirmer que le serment des Bazadais au roi-duc porte préjudice aux droits de l’église de Bazas.

On ne saurait au demeurant s’étonner des protestations de l’évêque et de son chapitre. Ils sont, en effet, seigneurs alleutiers et c’est pour ce motif qu’ils n’ont pas prêté hommage mais seulement fait une déclaration. S’ils reconnaissent au roi-duc le droit de demander directement le service d’ost aux Bazadais, sans doute est-ce parce qu’eux-mêmes y ont renoncé depuis longtemps. C’est d’ailleurs par ce biais que le roi-duc et ses officiers ont tenté de se faire reconnaître par les Bazadais un certain nombre d’autres droits tels que la remise des clefs de la ville, la garde des portes ou la livraison d’otages, en se fondant sur les précédents créés dans des circonstances exceptionnelles lors des événements des années 1249-1253. Maintenant, c’est encore à raison du service militaire que le roi-duc se fait prêter directement serment par les Bazadais. Même si l’on peut considérer que la portée de ce serment est atténuée par celui que le roi-duc ou ses officiers doivent d’abord prêter aux Bazadais, il n’en reste pas moins parfaitement fondé. La protestation de l’évêque qui y voit une ingérence dans sa seigneurie peut se comprendre ; mais le serment des Bazadais va de soi, dès lors que le roi-duc disposait d’un droit régalien et non du moindre. Cependant, cet aspect des choses mis à part, le conflit risquait de renaître à tout instant : en effet, il n’est nulle part question dans l’accord du mois de juin de la juridiction épiscopale dont la remise en cause par le sénéchal Luc de Thanet, l’année précédente, avait été à l’origine des graves événements de l’été.

La sentence arbitrale du 12 novembre 1278 : un nouvel échec

L’accord provisoire de l’automne 1277

On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure l’accord des 28-29 juin ne fut pas considéré par chacune des deux parties comme une simple trêve. Nous savons, en effet, que l’évêque et le chapitre portèrent leur différend devant le Parlement de Paris216. À la suite de cette démarche, un nouvel accord dont le contenu ne nous est pas connu fut conclu à l’automne 1277 entre Luc de Thanet et les procureurs de l’église de Bazas217. Guillaume de Piis était alors décédé depuis le mois d’avril et son successeur n’avait pas encore été installé218. C’est ce qui explique probablement qu’au mois de novembre, le roi-duc ait demandé de respecter les décisions prises par son connétable et le chantre de la cathédrale, en exécution de l’accord que lui-même venait de ratifier219. Or, l’évêque et le chapitre de Bazas n’avaient pas été les seuls à se plaindre de la manière dont Luc de Thanet conduisait les affaires du duché. Ainsi, un grave différend l’avait opposé à l’église de Dax à la suite du décès de l’évêque Navarre de Miossens, à propos de l’exercice du droit de régale (novembre 1272), puis à la commune de Dax dont les habitants n’hésitèrent pas à faire appel au roi de France, en septembre 1277220. Aussi, au mois de janvier suivant, Édouard Ier envoya-t-il deux commissaires Othon de Grandson et Robert Burnell pour enquêter sur place et apporter les réformes qu’ils jugeraient nécessaires. La décision la plus importante qu’ils prirent fut la suspension de Luc de Thanet221.

De nouveaux interlocuteurs

Bien que nous n’ayons conservé aucun témoignage de leur intervention directe dans les affaires bazadaises, nous soupçonnons les deux commissaires d’être à l’origine de l’arbitrage du mois de novembre 1278. En effet, s’il fut appliqué, l’accord de 1277 n’avait lui non plus satisfait aucune des deux parties et plus particulièrement, semble-t-il, le nouvel évêque de Bazas, Hugues de Rochefort, élu au mois de novembre 1277222. De nouveaux pourparlers durent donc s’ouvrir à l’occasion de la venue des commissaires spécialement chargés de régler les problèmes en suspens. Tirant la leçon de l’échec de la procédure jusqu’alors utilisée, les deux parties choisirent de s’en remettre à un arbitrage plutôt que de chercher un accord par des négociations directes. L’installation d’un nouveau sénéchal Jean de Grailly, soucieux avant tout de faire régner la paix dans le duché, hâta alors le règlement du contentieux qui fut confié à l’examen d’Amanieu, archevêque d’Auch et de Géraud, comte d’Armagnac et de Fezensac223.

La sentence du 12 novembre 1278

C’est à la lecture de la sentence que les deux arbitres prononcèrent à Saint-Sever, le 12 novembre 1278, que l’on mesure parfaitement l’ampleur des divergences qui existaient alors entre les positions de l’évêque et celles des officiers du roi-duc. C’est d’ailleurs la première fois qu’elles sont énoncées avec autant de précision. Selon le roi-duc, la cité de Bazas et son détroit ainsi que tous les biens temporels que l’évêque et le chapitre possèdent dans la ville et le diocèse se trouvent dans sa mouvance et, à ce titre, l’évêque et le chapitre doivent lui être soumis comme à un seigneur ; les seigneurs ecclésiastiques affirment, au contraire, que Bazas et son détroit ainsi que les autres biens temporels qu’ils tiennent dans le diocèse et toute juridiction et justice haute et basse sur tous ces biens leur appartiennent en “alleu franc, pur et libre”. Au roi-duc qui, en vertu de l’hommage qu’il prétend lui être dû, réclame droit de régale sur les biens épiscopaux en cas de vacance du siège, le droit d’ost et de chevauchée, celui de prendre des otages, de tenir des assises et de faire des proclamations, droits que lui-même ou son père avaient de fait parfois exercés, ainsi que plusieurs autres droits et services non précisés sur les citoyens, les hommes, la cité et le détroit, l’évêque et son chapitre rétorquent qu’ils avaient joui de leur alleu, de leurs biens et de leurs droits depuis des temps immémoriaux et qu’ils ne doivent donc pas être ses sujets. Si le roi-duc ou ses sénéchaux avaient par hasard exercé l’un des droits qu’ils revendiquaient ce n’était que par usurpation et violence au préjudice de l’église de Bazas224. Hugues de Rochefort ne reniait donc rien des prises de position de son prédécesseur. Mais il convient de noter qu’à la différence de ce qui s’était produit en 1274 les Bazadais sont cette fois présents en la personne de leur syndic Doat de Piis qui déclare agir au nom de la communitas ou de l’universitas ville225. On imagine d’ailleurs mal qu’ils aient pu être tenus à l’écart d’un accord qui se voulait définitif.

Le renoncement de l’évêque à l’allodialité

Ce qui frappe dans la sentence arbitrale du 12 novembre 1278, c’est la victoire qu’elle constitue pour l’église de Bazas sur tous les points litigieux, à l’exception d’un seul, mais qui est de taille, son renoncement à l’allodialité de sa seigneurie. En effet, l’évêque et le chapitre reconnaissent tenir en fief du roi-duc la cité, le détroit, la juridiction, la justice temporelle haute et basse de la cité et du détroit, ainsi que tous les biens qu’ils possèdent dans la cité et le diocèse moyennant, au choix de l’évêque, un autour ou un faucon d’esporle à mouvance de seigneur, dans la cité ou le diocèse et serment de fidélité au roi-duc ou à son représentant (art. 2 et 19). Ayant ainsi donné satisfaction au roi-duc sur un point d’ordre juridique mais fondamental, les arbitres firent droit à la plupart des propositions des seigneurs ecclésiastiques en ce qui concerne le contenu de ce qui, désormais, n’était plus la simple reconnaissance d’un alleutier mais bel et bien un hommage.

La seigneurie justicière et la seigneurie foncière

Le roi-duc renonçait ainsi solennellement au droit de régale (art. 11) lequel, on s’en souvient, avait donné lieu, en 1242 au moins, à un sérieux incident. En cas de vacance du siège, la garde des biens épiscopaux était confiée au chapitre (art. 10). L’évêque et le chapitre restaient aussi maîtres de la justice haute et basse de la cité et du détroit, lequel devait être délimité par les soins des arbitres qui avaient reçu tout pouvoir pour ce faire (art. premier), ainsi qu’à Gans, Lerm et Labescau sur l’ensemble de leurs hommes, tenanciers et terres (art. 15). Dans le reste du diocèse les seigneurs ecclésiastiques d’une part, le roi-duc de l’autre, continueraient comme auparavant à exercer la justice sur les autres possessions et tenanciers de l’évêque et du chapitre (art. 16). Par ailleurs, le roi-duc s’engageait en son nom et en celui de ses sénéchaux et bayles à ne pas mettre en cause les jugements prononcés par les juges de l’évêque et du chapitre ou par l’évêque lui-même (art. 8) et, sur leur demande, à leur prêter son concours pour l’exécution des sentences qu’ils prononceraient au cas, bien sûr, où il n’y aurait pas eu appel suspensif (art. 14). Les appels faits des sentences du tribunal ecclésiastique seraient portés dans un premier temps devant l’évêque ou son vicaire – en cas de vacance du siège – et, éventuellement, à un second degré, de l’évêque au roi-duc ou au sénéchal de Gascogne (art. 18). D’autre part, sauf s’il s’agissait d’une affaire le concernant personnellement, l’évêque n’était pas tenu de plaider en appel – c’est-à-dire de défendre la sentence prononcée par son tribunal devant le représentant du roi (art. 18) ; il ne pouvait non plus, à l’occasion d’un appel, être condamné à une amende ou une peine quelconque : seule la partie dont l’appel serait rejeté paierait l’amende prévue dans un tel cas. D’une manière générale, l’évêque ou son chapitre ne pouvaient comparaître ni engager un procès par-devant les baillis royaux mais, seulement, par-devant le roi ou son sénéchal et encore uniquement dans le diocèse de Bazas. L’évêque restait enfin le maître absolu sur le plan foncier dans la cité et le détroit ; le roi-duc renonçait de son côté à toutes les irrégularités que son sénéchal avait pu commettre dans ce domaine et s’engageait à ne recevoir désormais aucun aveu (art. 7). Si ces divers articles ne font que confirmer les droits de l’évêque et du chapitre on notera, cependant, avec quel soin les arbitres se sont attachés à préciser ceux qui concernent la justice et plus particulièrement la procédure d’appel par laquelle un seigneur pouvait s’immiscer dans les affaires d’un vassal.

La nouvelle situation des Bazadais vis-à-vis du roi-duc

Mais qu’en était-il maintenant des liens qui unissaient le roi-duc et les Bazadais, un autre domaine “sensible”, puisque, on s’en souvient, il avait jusque-là permis aux officiers du roi-duc de donner un semblant de fondement aux tentatives qu’ils avaient faites pour remettre en cause les droits de l’évêque et du chapitre ? Remarquons, tout d’abord, qu’à l’occasion de cette sentence la communauté bazadaise ne se voit accorder aucune reconnaissance juridique, bien au contraire. En effet, si les Bazadais doivent toujours le serment accoutumé au roi-duc ou à son représentant selon la forme accoutumée (art. 4), il n’est plus question du serment qu’aux termes de l’accord de 1274 le roi-duc ou son sénéchal devaient auparavant faire aux Bazadais. L’entrée de l’évêque et du chapitre dans la vassalité du roi-duc ayant enlevé au serment des Bazadais son aspect équivoque à l’égard des seigneurs ecclésiastiques, ceux-ci ne remettent pas en cause son principe. D’ailleurs, c’est désormais à l’évêque seul que tout nouveau sénéchal entrant dans Bazas doit désormais prêter serment sur l’autel de saint Jean de respecter les termes de l’arbitrage, de même que les évêques nouvellement élus et le procureur du chapitre le prêteraient au roi-duc (art. 20).

Le service militaire que les Bazadais devaient au roi-duc est profondément modifié. Alors que, jusque-là, chaque maison de la cité devait fournir un combattant, désormais, les Bazadais enverront dix chevaliers bien équipés avec leur monture ou devront payer 7 livres tournois par jour – ainsi que cent arbalétriers à pied et cent hommes munis d’une lance et d’un bouclier, experts au combat (art. 3)226. Une telle troupe risquait de se révéler autrement efficace que celle constituée par la mobilisation d’un Bazadais par feu, mais on ne saurait dire si, à la suite de cette modification du service, la charge était plus ou moins lourde qu’auparavant pour l’ensemble de la communauté (art. 3). Par ailleurs, il était précisé que ni l’évêque, ni le chapitre, ni les tenanciers de leurs autres seigneuries y faisant domicile, mais seulement les citoyens et habitants de Bazas devaient contribuer au service d’ost (art. 16).

Autres droits reconnus aux seigneurs ecclésiastiques

Sur tous les autres points, les arbitres adoptèrent les positions de l’évêque : il n’est plus question de remise des clefs de la ville au roi-duc en cas de guerre ; comme en juin 1274 aussi, les proclamations faites dans la ville par et au nom du roi demeurent limitées à trois cas : convocation des Bazadais pour qu’ils viennent prêter serment ou pour se rendre à l’ost et tenue des assises royales – celles de la cour du sénéchal, héritière de la cour de Gascogne dont Bazas était un des sièges avec Bordeaux, Dax et Saint-Sever (art. 5) ; il est enfin interdit au roi-duc de prendre des Bazadais en otages (art. 6). S’il n’est plus question d’éventuelles révoltes de Bazadais, l’évêque envisageait maintenant la possibilité d’une rébellion des clercs de son diocèse contre sa personne ou celle des membres du chapitre et se voyait accorder la possibilité de faire appel au roi-duc qui devait alors leur venir en aide (art. 12).

Moyennant donc l’abandon de leur condition de seigneurs alleutiers et la promesse d’entrer dans la vassalité du roi, l’évêque et le chapitre demeuraient ainsi les maîtres de la cité et de son détroit à trois réserves près : le serment de fidélité et le service militaire des Bazadais au roi-duc ; l’appel, de l’évêque à la cour du sénéchal ; le droit pour le roi de tenir ses assises à Bazas (art. 5)227.

Le sort de la commune de Bazas

Quant aux Bazadais, ils ne se voyaient accorder ou reconnaître ni une représentation permanente ni, apparemment, une quelconque autonomie administrative ; tout au plus, la communauté était-elle reconnue de fait comme personne morale aussi bien par l’évêque que par le roi-duc. On ne saurait s’en étonner, car la sentence arbitrale concerne les relations entre le roi-duc et l’évêque et non l’évêque et ceux qui – service militaire mis à part – sont encore dans tous les domaines ses sujets. Mais le silence qui pèse sur cette communauté à l’occasion d’événements dont il est inutile de souligner l’importance pour la vie de la cité et de ses habitants soulève un problème. Qu’était-il advenu de la commune de Bazas si active à l’aube du demi-siècle au point qu’elle occupait alors l’avant de la scène, alors que maintenant la communauté bazadaise ne joue plus qu’un rôle de figurant ? Essayons de faire le point. Le dernier nom connu d’un maire de Bazas est celui de Menaud Guitarin, le 6 septembre 1255228 ; par la suite, à travers les rares documents conservés de la période 1255-1274, nous n’avons rencontré qu’une seule mention du maire et de la commune de Bazas, le 8 août 1260229. Mais la nature du document n’emporte pas l’adhésion. S’il y avait encore eu un maire à Bazas à cette époque, on comprend mal qu’il n’y ait été fait aucune allusion lorsque, en novembre 1256, Arnaud et Bertrand de Ladils, les meneurs de l’opposition à Simon de Montfort puis à Henri III, font leur soumission230. Plus significative encore est la manière dont s’est présentée la délégation bazadaise lors de la reconnaissance qu’elle fit au roi-duc, au mois de mars 1274 : il n’est alors question que de sept personnes qualifiées de “citoyens de Bazas” qui s’engagent pour eux et les autres habitants de la ville, un point c’est tout231. Nous ignorons même de quelle manière cette délégation avait été constituée, en particulier de qui elle avait reçu pouvoir et instructions : une assemblée, un conseil, un groupe de jurats ? Quelques mois plus tard, au lendemain de l’échauffourée qui avait opposé aux portes de la ville les troupes du sénéchal Luc de Thanet aux Bazadais, ceux-ci n’apparaissent que de manière collective lors de la ratification du compromis conclu entre l’évêque et le sénéchal232. Il n’en est plus tout à fait de même en 1278, puisque, parmi les personnes qui furent entendues par les juges-arbitres, figure le syndic de la communauté233. Il existe d’ailleurs une communitas ou universitas de la ville dont le sceau fut apposé au bas des actes du 29 juin 1274 et du 10 novembre 1278234. La communauté bazadaise constitue donc sans le moindre doute possible une personne morale reconnue, au moins tacitement, aussi bien par les seigneurs ecclésiastiques que par le roi-duc. Lorsqu’il ratifia, le 8 mars 1279, l’accord du mois de novembre précédent, le roi-duc n’hésite pas de son côté à parler de la communia de Bazas : mais nous ignorons ce que ce mot recouvre exactement235. Est-ce une simple formule ou bien les Bazadais avaient-ils un maire ?

C’est vers la première hypothèse que nous serions le plus enclin à pencher. En effet, si les Bazadais ont eu, avant 1254 et probablement pendant plusieurs décennies, un maire assisté de jurats, il est à peu près certain, en revanche, qu’ils n’obtinrent jamais de l’évêque ni du chapitre la reconnaissance officielle de leur commune. Si les seigneurs ecclésiastiques la tolérèrent ce fut sans doute en raison des circonstances et probablement parce qu’elle bénéficia le plus souvent du soutien plus ou moins ouvert des officiers du roi-duc. En période de troubles ou de menaces extérieures, le concours des bourgeois importait, en effet, davantage au roi-duc que le ralliement de l’évêque et de son chapitre. L’exemple de Saint-Sever est à cet égard tout à fait significatif : à la différence de Bazas, cette ville ne possédait pas de maire en 1253 ; aussi, malgré la vigoureuse opposition de l’abbé, Henri III en imposa-t-il un, mais seulement pour la durée des troubles236. Or, la compromission des Bazadais à l’occasion des événements des années 1249-1253, peut-être aussi la mainmise momentanée sur la commune par des factions hostiles au pouvoir ducal n’ont pu que faire naître chez les officiers royaux de la défiance à l’égard d’une institution qu’ils ne pouvaient contrôler puisque le roi-duc n’exerçait aucun pouvoir politique dans la ville. Les Bazadais furent donc abandonnés à leur sort, c’est-à-dire à un tête-à-tête avec l’évêque : dès lors, il ne pouvait plus être question d’un quelconque partage du pouvoir dans la ville.

Dans la mesure où ils prêtaient serment au roi-duc et lui rendaient le service militaire, les Bazadais pouvaient cependant à tout instant être manipulés par les officiers du roi-duc contre les seigneurs ecclésiastiques : c’est ce qui avait dû se produire en 1273-1274, mais il est impossible de savoir quel jeu exact ils jouèrent alors. Cela l’évêque ne pouvait l’ignorer, pas plus d’ailleurs que la nécessité dans laquelle il se trouvait d’associer les Bazadais à l’administration de leur ville. Peut-on savoir ce que l’évêque et le chapitre d’un côté, les officiers du roi-duc de l’autre en attendaient ? Probablement l’organisation du guet, la garde des portes pour les uns, la formation du contingent militaire, la répartition d’éventuels fouages pour les autres. Aucune initiative, aucune participation à des décisions, seulement l’exécution de mesures prises par l’évêque ou le roi-duc.

Il n’est pas, enfin, sans intérêt, de signaler l’évolution qui se produisit au cours de ces mêmes années dans la terminologie utilisée par la chancellerie anglaise pour désigner la ville et ses habitants. Si le terme de villa et celui de cives sont le plus souvent employés pour évoquer l’agglomération et l’ensemble des habitants, en revanche, on note l’apparition de deux formules nouvelles : la première est celle de civitas et villa (28 juin-29 juin 1274) qui souligne, selon nous, l’opposition entre la cité épiscopale et le bourg marchand237, l’autre, celle de cives et habitatores qui suggère l’existence de deux catégories de Bazadais (28 juin 1274)238, impression confirmée par l’expression homines et cives, que l’on rencontre en 1278239.

Les réserves d’Édouard Ier

La sentence arbitrale du 12 novembre fut approuvée sur-le-champ par le procureur du chapitre de Bazas R. de Miremont et par le syndic de la communauté bazadaise qui apposèrent leurs sceaux à côté de ceux des arbitres, de l’évêque de Bazas, de la cour de Gascogne et de l’évêque d’Aire présent à Saint-Sever. Il restait, cependant, à obtenir la ratification du souverain pontife (art. 21) et celle du roi-duc (art. 20). Or, si, le 8 mars 1279, Édouard Ier ratifia de Woodstock la sentence arbitrale dans la forme que nous venons d’évoquer, son attitude n’en demeure pas moins passablement ambiguë. Nous disposons en effet de trois versions différentes de cette ratification, toutes datées du même jour et toutes destinées à être établies en trois exemplaires, et par conséquent à être expédiées240.

Pour être minimes, les différences entre les trois versions méritent cependant qu’on s’y attache. Dans la seconde, le roi-duc exclut l’article 8 aux termes duquel les jugements prononcés jusqu’à la date de l’arbitrage par le tribunal de l’évêque et du chapitre ou par l’un des deux ne pourraient être remis en cause par le roi-duc, son sénéchal ou ses baillis. Dans la troisième version, trois autres articles étaient en plus réservés : l’article 13 concernant le complément de justice qui devait être apporté sans délai aux injures et excès commis par le sénéchal Luc de Thanet à l’encontre de l’évêque, du chapitre et de leurs sujets ; l’article 17 portant sur la dispense dont devaient jouir l’évêque et le chapitre de comparaître ou de plaider devant les simples baillis du roi ou hors du diocèse ; enfin, l’art. 18 qui concerne l’appel du tribunal de l’évêque et du chapitre à l’évêque et au chapitre puis, d’eux au sénéchal, mais aussi – selon toute vraisemblance – la double exemption dont bénéficiait l’évêque de ne pas être tenu de poursuivre les appels portés devant la cour du sénéchal et de toutes peines et amendes consécutives à ces appels. Si les articles 8 et 13 n’ont qu’une portée limitée et conjoncturelle, il n’en est pas de même des deux autres. Essayons donc de voir pour quels motifs le roi demanda leur suppression. Il est certain, tout d’abord, qu’en renonçant à tous les griefs qu’il pouvait avoir envers l’évêque, les chanoines et leurs partisans, le roi-duc avait espéré que les événements de l’été 1274 seraient oubliés ; le complément de justice que les arbitres ont accordé aux Bazadais contre Luc de Thanet n’a manifestement pas sa place dans un accord conclu quatre ans plus tard dans un esprit de conciliation. Il s’agit là d’une maladresse d’autant plus manifeste que l’on pouvait s’attendre à ce qu’Édouard Ier prît la défense de son ancien sénéchal. Il est plus difficile, en revanche, de discerner les mobiles qui ont pu pousser le roi-duc à réclamer que les jugements prononcés par la cour de l’évêque avant le mois de novembre 1278 puissent faire l’objet d’un appel de sa part. À moins, bien sûr, que ce problème de l’appel n’ait été en partie à l’origine du nouveau contentieux né au lendemain de l’accord de juin 1274. Nous serions assez enclin à le penser car cet article est en étroite relation avec les articles 17 et 18 refusés par Édouard Ier. Aux termes de l’art. 17, l’évêque s’interposant entre son tribunal et le sénéchal à la possibilité de faire traîner dans les arcanes de la procédure les appels qui lui déplaisent et d’écœurer jusqu’à ce qu’il renonce le plaideur le plus endurci. Or, en admettant qu’un appel parvienne jusqu’au sénéchal, d’après l’article 18, non seulement l’évêque n’est plus concerné sauf s’il est lui-même partie, mais dans ce cas il ne peut comparaître qu’en Bazadais et devant le sénéchal en personne. Autant dire qu’en tant que juge il était irresponsable et qu’en tant que partie le faire comparaître n’était pas une mince affaire. Si, à l’occasion de cet accord, le roi-duc avait pensé obtenir un droit de regard sur la justice épiscopale, en pratique il devait y renoncer. On comprend, dès lors, son refus d’entériner des dispositions qui venaient à l’encontre de ses vœux, surtout si, comme nous le pensons, ce problème des appels s’était déjà posé. Nous ignorons cependant laquelle des trois versions fut expédiée mais, quelle que fût la décision prise par Édouard Ier, il existait toujours un contentieux entre l’administration ducale et les seigneurs ecclésiastiques, soit que le roi-duc eût finalement adopté, mais avec bien des réticences, la version finale, soit qu’il eût fait publier l’une des deux autres, provoquant ainsi à un degré plus ou moins fort le mécontentement sinon l’opposition de l’évêque et du chapitre. On notera cependant que les arbitres avaient déclaré que si le roi-duc ne ratifiait pas leur sentence telle quelle, elle serait frappée de nullité (art. 20). Mais, même si par sagesse il finit par s’y rallier, les événements allaient se charger de faire apparaître les dangers que sécrétait une convention aux articles pleins de sous-entendus.

Une délicate affaire (1279-1280)

En effet, trois bourgeois de Bazas, R. Markès, Bernard de Ladils et R. de Cosyn qui appartenaient aux plus importantes familles de la cité furent condamnés par le prévôt de l’évêque et du chapitre pour le meurtre de Rossinhol Carbonel, sans aucun doute un de leurs compatriotes241. Le jugement dut être prononcé à la fin de l’année 1279. Les condamnés l’estimant inique firent appel au roi-duc. Comme nous ne disposons d’aucune des pièces du procès nous ignorons si la sentence était ou non fondée, mais il n’est pas impossible qu’en agissant avec sévérité l’évêque, qui était toujours Hugues de Rochefort, ait voulu mettre un arrêt à une agitation endémique dont il risquait de subir un jour les conséquences à la suite d’une intervention du roi-duc. En fait, autant que la sentence ce qu’il eut été important de connaître c’est la procédure suivie par les condamnés pour faire appel. Selon l’arbitrage de 1278, dans un premier temps c’est devant l’évêque que devait être porté cet appel et, seulement en cas de désaccord, au sénéchal. Or, il est à peu près certain que les condamnés se passèrent de l’étape intermédiaire. En effet, le 4 mars 1280 l’évêque et les chanoines remirent dans les mains du roi-duc tous les droits qu’ils avaient sur la personne et les biens des trois condamnés ; mais, en même temps, ils le désignaient comme arbitre et déclaraient considérer comme nul l’appel qui lui avait été adressé242. On a le sentiment que l’évêque et les chanoines pris de court par une procédure illégale n’avaient trouvé d’autre solution pour sauvegarder leurs droits que de s’en remettre au roi-duc en tant qu’arbitre librement choisi par eux. Ils espéraient probablement qu’Édouard Ier rejetterait alors l’appel des trois Bazadais. Or, après il est vrai quelques semaines de réflexion, le 9 mai 1280, le roi-duc ordonna à son sénéchal Jean de Grailly de les placer sous sa sauvegarde aussi longtemps que l’affaire ne serait pas jugée en appel, ce qui revenait de sa part à l’accepter243. Si l’on s’en rapporte à une lettre adressée par l’archevêque d’Auch et ses suffragants à Édouard Ier, le 4 février 1280, donc à peu près à l’époque où les condamnés firent appel, il semblerait que les relations entre l’évêque et le chapitre d’une part, le sénéchal Jean de Grailly de l’autre aient été au plus bas. Le sénéchal et ses officiers sont en effet accusés de désobéir aux ordres du roi, de s’emparer des droits de l’église de Bazas et de ses sujets, de citer l’évêque et le chapitre par-devant des cours séculières, de voler et d’occuper indûment leurs biens. Malgré cela, les évêques n’avaient pas, comme ils auraient pu le faire, excommunié les représentants du roi ; ils suppliaient seulement Édouard Ier de bien vouloir mettre un terme aux humiliations de toutes sortes dont était victime l’un des leurs. Certes, il convient de ne pas prendre à la lettre les accusations portées contre Jean de Grailly, mais il est clair que le sénéchal n’appliquait pas loyalement les conclusions de l’arbitrage de 1278.

Nous ignorons quelle suite fut donnée à l’appel des trois condamnés bazadais mais ce n’est probablement pas une coïncidence si, le jour même où Édouard Ier rouvrait officiellement le dossier bazadais, il confiait à deux de ses commissaires le soin de régler un litige opposant Doat de Piis à Raimond Markès et Bernard de Ladils, deux des protagonistes de l’appel du printemps 1280244.

Le paréage : 16 Juillet 1283

La reprise des négociations : 1280-1283

C’est le 18 février 1281 que le roi-duc décida que de nouvelles négociations auraient lieu avec l’évêque de Bazas en raison de l’obscurité de certains articles de l’accord de 1278 et du préjudice que d’autres lui portaient245. Mais nous avons vu que cet avis était aussi celui de l’évêque et des chanoines. Pour ces nouvelles négociations, Édouard Ier délégua son sénéchal Jean de Grailly, ainsi que Béraud de Got, archidiacre d’Agen et Me Adam de Norfolk, connétable de Bordeaux. Les Rôles Gascons ne nous ont conservé aucun écho des discussions qui s’ouvrirent alors. On peut être assuré, en revanche, que le ton monta puisque l’évêque et le chapitre n’hésitèrent pas à faire appel au Parlement (8 juin 1282)246, mais nous ignorons quel en fut le motif exact ; s’agit-il d’un incident provoqué par un nouvel appel fait directement au sénéchal ? d’un refus de l’évêque de se rallier aux propositions des représentants du roi-duc et de représailles de la part du sénéchal ? En tout cas, à l’occasion d’une lettre adressée par le roi-duc à son connétable, le 1er juillet 1289 – donc après la conclusion du paréage –, nous apprenons que G. Grimaud, un notaire de Bazas, n’avait pu exercer ses fonctions à la suite de l’interdiction que lui avaient signifiée l’évêque et le chapitre lorsqu’ils étaient en procès avec le roi-duc247 à la cour du roi de France. Mais cette mesure des seigneurs ecclésiastiques n’était vraisemblablement qu’une réplique à des initiatives de Jean de Grailly à l’encontre de l’évêque. Nous savons, en effet, qu’antérieurement à la conclusion du contrat le roi-duc avait mis la main sur la juridiction de Bazas, ville et détroit248. On se trouvait donc dans une situation qui présentait de grandes analogies avec celle que nous avons déjà rencontrée en 1274.

Nous ne connaissons guère de ces péripéties que celles consécutives à l’appel porté par l’évêque et le chapitre devant le Parlement. Cette démarche provoqua la colère d’Édouard Ier qui, dans une lettre adressée, le 8 juin 1282, à son sénéchal, n’hésite pas à qualifier l’évêque et ses chanoines “d’individus rebelles et nuisibles”249. Dans cette missive, le roi-duc s’interrogeait cependant sur la conduite à adopter car les appels devant le Parlement pouvaient toujours avoir de graves conséquences ; aussi, laissa-t-il finalement Jean de Grailly libre, soit de poursuivre l’affaire s’il pensait que cela fût avantageux et susceptible de lasser ses adversaires, soit de solliciter le jugement du roi de France en personne en escomptant qu’il lui serait moins défavorable qu’une sentence de ses juges, s’il estimait, au contraire, que l’affaire risquait de mal se terminer. À toutes fins utiles, il adressa donc le même jour à Jean de Grailly une lettre rédigée dans ce sens et destinée au roi Philippe III250. Mais, soit à la suite de tractations menées peut-être à Paris entre procureurs des parties, comme ce fut souvent le cas dans de semblables affaires, soit à la suite de nouvelles pressions du sénéchal, Hugues de Rochefort renonça sans doute à l’appel. C’est cette procédure qui devait conduire au contrat de paréage de juillet 1283. Le 12 janvier 1283, Édouard Ier constituait ses procureurs, Bonet de Saint-Quentin, Jean de Lacy et R. de La Ferrière, chanoine de Saint-Seurin, afin qu’ils s’entretiennent des “litiges et différends héréditaires” qui l’opposaient ainsi que ses gens de Gascogne à Hugues de Rochefort et au chapitre de Bazas251. Le 11 avril suivant, il substituait aux deux premiers deux confrères de R. de La Ferrière252 au chapitre de Saint-Seurin, Gombaud de Mercat et Jean Giraud ; mais quelques jours plus tard, le 25, il les remplaçait à leur tour par Jean de Grailly son sénéchal et Me Bonet de Saint-Quentin253. Ces changements au sein de la délégation ducale, loin de refléter les vicissitudes qu’auraient pu connaître les négociations préliminaires, sont probablement à mettre en relation avec la disponibilité des négociateurs ducaux254. Finalement, les représentants du roi-duc à la négociation finale furent Me Bonet de Saint-Quentin, archidiacre de Meymac en Limousin, et R. de La Ferrière255. Le 13 juillet, les deux parties, ayant sans doute largement déblayé le terrain, acceptèrent de s’en remettre à l’arbitrage de Pierre de Bétous, évêque d’Aire et Saint-Quitterie (1276-1284) et de Pons de L’Isle, doyen de Saintes. Le lendemain, le chapitre constituait ses procureurs pour le règlement final en la personne de Folquet de Préchac, official, p. de Perquer, archidiacre de Bezaumes, G. Maurin, archidiacre de Gamages, G. R. de Miremont, R. Arn. De Rama et Me R. de Pompehac. Deux jours plus tard, le 16 juillet, à Bordeaux, les deux arbitres prononcèrent une sentence dont on peut estimer qu’elle leur avait été largement suggérée. Elle se présente cependant sous forme de deux actes en raison de quelques oublis involontaires commis dans un premier temps par les arbitres256.

Le contrat de paréage du 16 juillet 1283

Partage de la justice et retour à l’allodialité

Le point essentiel du nouvel accord, qui sera cette fois définitif, concerne la justice de la ville et du détroit de Bazas, désormais partagée entre l’évêque et le chapitre d’une part, le roi-duc de l’autre. C’est là une disposition tout à fait nouvelle et d’une importance capitale puisqu’elle met fin à l’autorité exclusive des seigneurs ecclésiastiques sur la ville et sa banlieue. En revanche, l’évêque recouvre sa qualité de seigneur alleutier qu’il avait perdu en 1278 et c’est désormais en “alleu libre” que, de concert avec les chanoines, il possédera la moitié de la justice qui lui reste.

On pourrait s’étonner de cette disposition qui ressemble fort à une reculade du roi-duc, mais nous serions plutôt enclin à y voir, au contraire, une victoire car, en échange d’un droit éminent qui ne lui permettait guère, on l’a vu, d’intervenir dans les affaires de la ville, il dispose maintenant d’un moyen particulièrement efficace pour surveiller aussi bien les seigneurs ecclésiastiques que les habitants de la cité. On notera, cependant, qu’à Saint-Sever où, en 1270, avait été conclu un contrat du même type, l’abbé tenait en fief la moitié de la justice qu’il avait conservée257 ; il était, il est vrai, depuis toujours le vassal du roi. De nombreux articles du contrat sont consacrés à la nouvelle cour de justice, à son personnel et à son fonctionnement ; présence de deux prévôts, l’un de l’évêque et du chapitre, l’autre du roi-duc qui pourront agir seuls – en matière de citations ou arrestations – mais devront toujours le faire conjointement lorsqu’il s’agira de mainlevée, libération de personnes, apposition du ban, proclamations et édits (art. 2) ; partage des amendes et autres revenus de la juridiction (art. 3) ; édification et garde de la prison à frais communs (art. 29) ; dispositions tout à fait classiques dans ce genre de contrat. Notons au passage que le prévôt du roi dans la ville et le dex n’était autre que le prévôt de Bazadais. En plus de ces dispositions d’ordre général, la sentence précisait quelle serait la compétence de la nouvelle cour, sans doute afin d’éviter que ne se produisent de nouveaux différends. Or, on va le voir, certains points étaient encore loin d’être parfaitement éclaircis.

La justice : les aspects territoriaux

Les différents articles concernant la justice peuvent être regroupés autour de trois thèmes : limites de la nouvelle juridiction ; personnes et biens concernés ; appels. Sur le plan territorial, l’une des dispositions les plus curieuses de ce contrat a trait à la création à l’intérieur de la ville et plus précisément dans la cité d’une enclave : celle-ci était délimitée, à l’ouest, par la porte de la cité de Bazas, située probablement à l’entrée de la rue Taillade en venant de la place de la cathédrale ; à l’est, par l’entrée dans le bourg de “Jactaillade” sans doute à hauteur de l’embranchement entre la rue Taillade et la rue des Clercs ; au nord, par la rue Taillade (magna quarreria civitatis) ; au sud, enfin, par les remparts, du côté de Saint-Vivien, au-delà de la rue des Clercs. Le chapitre recevait l’autorisation de clore le territoire ainsi délimité, d’y percevoir les revenus des biens meubles et immeubles qui s’y trouvaient et d’en acquérir ; une fois la clôture faite, il pourrait exercer la justice sur les sols et les maisons situés à l’intérieur. Entre-temps, cependant, cette enclave restait du ressort de la justice commune des seigneurs ecclésiastiques et du roi-duc. Par ailleurs, les citoyens de Bazas y résidant continueraient à relever de la justice du paréage, même une fois la clôture construite, de même que tous ceux qui auraient commis des crimes de sang dans la rue des Clercs. En fin de compte donc, seuls les biens situés à l’intérieur de l’enceinte pourraient alors bénéficier d’une juridiction particulière : celle du chapitre.

Ces dispositions, à première vue déconcertantes, s’expliquent en réalité fort bien. Il ne faut pas oublier, en effet, que le chapitre était coseigneur de la cité et du détroit au même titre que l’évêque. À partir du moment où le prévôt du roi-duc devenait l’égal des seigneurs ecclésiastiques au sein de la juridiction, les chanoines voulurent affirmer leur condition de coseigneurs au même titre que l’évêque qui résidait non loin de là dans son château : d’où, l’idée qu’ils eurent de clore le quartier dans lequel résidaient la plupart d’entre eux et où le chapitre possédait probablement plusieurs maisons. Cependant, en raison sans doute des difficultés matérielles que n’aurait pas manqué de soulever la construction d’une enceinte nouvelle dans un quartier largement bâti, le projet de clôture ne fut jamais réalisé.

En ce qui concerne les autres possessions de l’évêque et du chapitre dans le reste du diocèse, on relève, d’autre part, quelques changements par rapport aux termes du compromis de 1274, le seul parmi les accords précédents à avoir abordé cette question : à Lerm et à Gans l’évêque et le chapitre conservaient haute et basse justice sur leurs tenanciers, mais nous ignorons s’ils en étaient les seuls seigneurs fonciers ; c’est possible à Gans mais non à Lerm où le quartier de Taves, fief des Ladils, dépendait de la prévôté de Bazadais. En revanche, il n’était plus question des possessions de l’évêque à Labescau. Il semblerait donc que ce quartier était désormais soumis au régime général qui prévoit que l’évêque et le chapitre auront haute et basse justice sur leurs tenanciers à l’intérieur du diocèse, mais seulement sur ceux résidant dans des juridictions dont le roi-duc détient la haute justice – prévôté de Bazas ou de La Réole par exemple, mais non Cazeneuve ou Aillas. En matière de haute justice, les droits des seigneurs ecclésiastiques étaient cependant singulièrement réduits, puisque ne relevaient désormais de leur cour que les plaintes portées contre leurs tenanciers pour délits relatifs aux chemins publics ou privés, à l’exclusion de tout crime de sang.

À Bazas même, c’était maintenant la justice du paréage qui s’exercerait sur la cité, le bourg et le détroit dont les limites devaient être définies par les arbitres ou les parties, ce qui laisse supposer que cette opération prévue depuis 1278 n’avait pas été encore effectuée. Tous les habitants de ce territoire, y compris les étrangers, relevaient de cette justice à l’exception de certaines catégories de personnes ou en fonction de la gravité du délit.

La justice : la qualité des justiciables

Ainsi, en matière de haute justice, celle de sang, tous les clercs et tous les membres de leur familia possédant la qualité de clerc, ainsi que les desservants des paroisses du dex dépendaient exclusivement du tribunal ecclésiastique (art. 20). Les membres laïcs de la familia de l’évêque, c’est-à-dire ceux qui constituaient sa suite, y compris sa domesticité, ne relèveraient en revanche que de lui seul. Une disposition semblable s’appliquait aux membres laïcs de la familia du roi-duc ou de celle de son sénéchal qui n’étaient justiciables que de l’un ou de l’autre. En revanche, les membres laïcs des familia des chanoines relèveraient du tribunal du paréage pour les cas ressortissants à la haute justice et de celui des chanoines qu’ils servaient pour les petits délits. Il était précisé, cependant, que pour être considéré comme membre de la familia de l’évêque, de celles du sénéchal ou des chanoines, il ne fallait pas être citoyen de la ville, et être, en revanche, nourri et habillé par son maître. Ces restrictions avaient manifestement pour but d’éviter que, sous prétexte d’appartenir à la familia de l’un des coseigneurs ou de son représentant, trop de Bazadais n’essaient d’échapper à la justice commune. Enfin, les étrangers de passage à Bazas ou en résidence temporaire étaient considérés comme faisant partie du “for” et, de ce fait, ils étaient justiciables de la justice commune.

Les assises ducales

À ces problèmes liés à la qualité des justiciables s’en ajoutaient d’autres posés par la tenue à Bazas des assises ducales. Il était précisé que les Bazadais qui, à cette occasion, commettraient un délit dans l’enceinte du tribunal relèveraient du sénéchal ; il en serait de même pour les étrangers qui viendraient à ces assises à quelque titre que ce fût, plaideur, témoin ou curieux. Mais, tout délit commis par un Bazadais ou un étranger hors de l’enceinte du tribunal appartiendrait à la justice du paréage. En revanche, il n’est fait à aucun moment allusion au tribunal du prévôt de Bazadais dont les assises devaient poser les mêmes problèmes que ceux évoqués à propos des assises ducales.

Alors qu’il avait constitué l’un des points sur lesquels les seigneurs ecclésiastiques et les officiers du roi-duc s’étaient le plus opposés, le problème de l’appel fut oublié par les arbitres qui ne l’évoquèrent que dans la seconde sentence. Il fut alors précisé qu’en cas d’appel d’un jugement des prévôts, ce seraient l’évêque ou son représentant et le sénéchal ou son représentant qui en connaîtraient, aussi bien pour les affaires civiles que criminelles. En cas de vacance du siège, les chanoines subrogeraient une personne pour remplacer l’évêque.

Péages et droits de foires et marchés

Les arbitres s’attachèrent aussi à préciser les conditions dans lesquelles l’évêque et le chapitre pourraient continuer à exercer d’autres droits de nature banale maintenant que la juridiction avait fait l’objet d’un partage. Les seigneurs ecclésiastiques étaient maintenus dans leur droit de prélever leudes et péages (art. 4). Le prévôt ou le péager de l’évêque pourrait arrêter dans la cité, le détroit ou la zone péagère, apparemment distinctes, toute personne qui se serait soustraite au paiement des péages, leudes et droits sur les ventes, et saisir leurs marchandises, les conserver ou les remettre à leur propriétaire. En cas de litige sur l’arrestation des personnes ou la saisie des biens, la cour du paréage jouerait le rôle de cour d’appel ; mais, en cas de jugement favorable au péager, lui seul encaisserait les amendes et conserverait la totalité des biens saisis. Les habitants de Bazas étaient invités à ne pas frauder (art. 4), ce qui laisse supposer qu’ils le faisaient souvent ; mais cette invitation est en contradiction apparente avec l’exemption dont ils bénéficient (art. 23) : il faut donc supposer que celle-ci n’était pas générale.

En plus des droits de leudes et péages l’évêque et le chapitre devaient continuer à jouir seuls des droits de foire et de marché, de ceux qu’ils tiraient des moulins et de tous les revenus annexes en provenant, y compris les amendes pour infraction (art. 20, 22). Il en était de même pour les droits d’hallage, de poids et mesures et de four (art. 11) ; mais, au cas où l’assiette ou le taux des trois derniers droits seraient accrus – on ignore si cette disposition s’appliquait aussi à ceux de foire, marché et moulins – les nouveaux profits en provenant seraient partagés par moitié avec le prévôt ducal.

La seigneurie foncière

Sur le plan foncier, l’évêque et le chapitre étaient aussi maintenus dans l’ensemble de leurs possessions : châteaux de Bazas et de Lerm, maisons, droits et dépendances, cens et fiefs ainsi que tous les revenus et amendes en provenant, disposition confirmée par le droit de l’évêque et du chapitre de contraindre leurs tenanciers en cas de retard ou de non-paiement des cens. Deux articles soulèvent, cependant, un problème d’interprétation. Ainsi, d’après l’article 10, lorsque le roi recevra une maison ou un mur à l’intérieur de la cité ou du détroit, ce bien lui appartiendra en totalité sans être frappé de la moindre redevance en faveur de l’évêque. Sans doute faut-il entendre par là que, lorsque le roi-duc acquiert d’une manière ou d’une autre – achat ou don – un bien situé sur le territoire relevant du paréage, il n’est redevable d’aucun cens à l’évêque et au chapitre, seigneurs fonciers. La seigneurie ecclésiastique ayant conservé sa condition d’alleu, dès lors il n’y avait pas de raison qu’un tenancier, fût-il roi-duc, fut exempt de cens ; d’où cette précision.

En revanche, la disposition selon laquelle ni l’évêque ni le roi ne pourront plus recevoir seuls de nouveaux aveux des habitants de la ville et du détroit manque de clarté : il ne saurait s’agir, selon nous, de reconnaissance foncière puisque, nous venons de le voir, dans ce domaine l’évêque et le chapitre sont seuls seigneurs. Sans doute faut-il alors admettre que le terme d’aveu sert à désigner le serment prêté par les habitants et plus spécialement peut-être par les nouveaux venus.

La protection accordée à l’évêque et au chapitre

Notons, enfin, que le roi-duc s’engageait à prendre sous sa protection l’évêque et le chapitre, leurs personnes et leurs biens, et à ne gêner lui, ni son sénéchal, l’évêque ou son official dans l’exercice de leurs fonctions. Comme en 1278, il promettait de venir en aide à l’évêque et au chapitre en cas de révolte des clercs du diocèse (art. 27). Quant aux injures publiques faites par un citoyen de Bazas ou un membre de sa familia à l’évêque, aux chanoines, à leur prévôt, à un membre de la familia de l’évêque, de celles des chanoines ou de leur prévôt, elles seront désormais sanctionnées comme si elles avaient été faites, selon les cas, au sénéchal, à son prévôt ou à un membre de leur familia, sauve la juridiction canonique. C’est à peine si, parmi toutes ces garanties, on relève qu’en cas de décès de l’évêque ce sont les chanoines qui géreront les biens vacants : le problème de l’exercice du droit de régale est ainsi réglé de façon définitive.

Les droits et devoirs des Bazadais

Il restait un dernier problème à résoudre et ce n’était pas le moindre : celui de l’organisation des rapports entre les Bazadais, le roi-duc, l’évêque et son chapitre. Notons, tout d’abord, que pas plus qu’en 1274 ou 1278 il n’est fait allusion à l’existence d’un organisme représentatif de la communauté, une jurade par exemple, non plus qu’à la cession d’une parcelle de responsabilité politique à cette communauté. Mais, à la différence de ce qui s’était produit en 1278, où elle était partie prenante puisque son syndic en apposa le sceau au bas de la sentence arbitrale, le paréage a été conclu sans que les Bazadais n’aient été consultés ni conviés à le ratifier. Ils étaient pourtant concernés. En bonne logique, le serment qu’ils prêtaient à l’évêque et au chapitre devenait commun aux coseigneurs ; les Bazadais le prêteraient désormais à la fois lors de l’avènement d’un nouvel évêque et lorsqu’un nouveau sénéchal ferait son entrée dans la ville. On aurait pu croire que la question des serments était ainsi définitivement réglée. Tel n’était pas le cas puisque les arbitres précisèrent que le nouveau sénéchal recevrait aussi et seul cette fois le serment accoutumé que lui faisaient les Bazadais. Déjà, en 1278, lorsque l’évêque était devenu momentanément vassal du roi-duc, il avait été précisé que les Bazadais continueraient à prêter ce serment au sénéchal. On ne saurait s’en étonner puisque cette prestation est à mettre sans aucun doute en relation avec le service d’ost que les Bazadais doivent au roi-duc. En revanche, pas plus qu’en 1278, il n’est question du serment qu’aux termes de l’accord de 1274 le sénéchal devait d’abord faire aux Bazadais lorsqu’il entrait dans leur ville. Cette suppression constitue selon nous un témoignage indirect de la modeste place que la communauté occupe dans la gestion des affaires de la cité.

Les habitants de Bazas et du détroit devaient, comme auparavant, le service d’ost au roi-duc (art. 17), mais les tenanciers de l’évêque résidant en dehors du dex en étaient, bien sûr, exemptés. Nous ignorons de quelle manière on cessait d’être considéré comme étranger ou résident temporaire pour devenir habitant ; mais nous avons noté que toute personne résidant un an et un jour dans la ville était exempte de péage (art. 28). Cela suffisait-il pour devenir bourgeois ou, du moins, “habitant” ? Par ailleurs, alors que dans aucun des documents retenus jusqu’ici l’évêque n’apparaissait lorsqu’il était question d’affaires militaires, désormais si un Bazadais était condamné pour n’avoir pas répondu à l’appel, l’évêque recevrait le 1/12 de l’amende et, si cela se produisait à l’occasion d’une levée dont l’évêque était le bénéficiaire, son droit s’élèverait à la moitié. Comme par le passé, le roi-duc restait évidemment libre de percevoir sur les habitants du détroit des fouages, collectes et subsides et de les conserver en totalité.

Indemnités accordées à l’évêque et au chapitre

Une fois que les termes du contrat eurent été ainsi soigneusement pesés, les arbitres estimèrent certainement que la cession de la moitié de la justice et les autres concessions faites par l’évêque et le chapitre n’étaient pas compensées par la restitution – implicite – de l’allodialité de l’autre moitié et l’assurance de quelques garanties. Aussi décidèrent-ils que le roi-duc devrait verser à l’évêque et au chapitre une somme de 3 000 livres (art. 14). Dans la seconde sentence les ecclésiastiques reçurent en outre l’autorisation d’acheter 200 livres de revenus dans le diocèse de Bazas en fief ou en arrière-fief, mais à condition que soient préservés les services et droits que le roi-duc pouvait en tirer, ce qui signifiait en d’autres termes que ces biens ne pouvaient tomber en main-morte. Il est certain que l’évêque et le chapitre songeaient alors à investir les 3 000 livres promises par le roi, en rentes foncières.

Les termes de la sentence devaient être confirmés par chaque nouveau sénéchal et chaque nouveau prévôt ducal dès leur arrivée à Bazas, ainsi que par les nouveaux évêques élus et le syndic du chapitre, au lendemain de l’élection épiscopale. Dans la seconde sentence les arbitres envisagèrent aussi le cas où l’un ou l’autre des paréagers aliénerait sa part de la juridiction et de la justice temporelle : le roi-duc ne pouvait la céder qu’à l’archevêque et au chapitre d’Auch – l’évêché de Bazas était en effet suffragant d’Auch. Quant à l’évêque et au chapitre ils ne pouvaient aliéner leur part ou transférer une portion de leurs droits qu’en faveur du roi-duc ; mais celui-ci devait les indemniser en biens temporels dans un délai d’un an, car, à cette échéance, les seigneurs ecclésiastiques pouvaient disposer de leurs droits en faveur de qui ils voudraient. L’avenant prévoyait, enfin, que le roi-duc solliciterait à ses frais la confirmation de l’accord auprès du souverain pontife. Les termes du contrat furent acceptés par les procureurs du roi et ceux du chapitre qui y apposèrent leurs sceaux, le 17 juillet. Hugues de Rochefort et le chapitre de Bazas ratifièrent l’arbitrage, le 23 août, puis Édouard Ier le confirma à son tour, sans aucune réserve, le 28 décembre 1283.

Les événements bazadais et la politique ducale

Avec la conclusion de ce contrat commence une nouvelle période de l’histoire de la ville désormais contrôlée par le roi-duc, sous la fiction d’un paréage qui lui est très largement favorable. Mais, les événements qui viennent de se dérouler à Bazas, loin d’être isolés, s’inscrivent au contraire dans un processus déjà entamé depuis une douzaine d’années au moins et qui, dans l’esprit des officiers ducaux, devait aboutir au contrôle plus ou moins total par l’administration ducale des seigneuries ecclésiastiques disposant du droit de haute justice. Certes, en Bazadais du moins, les seigneuries laïques hautes justicières étaient-elles plus nombreuses : Cazeneuve et Aillas aux Albret, Roquetaillade et Castelnau-de-Mesmes à deux branches des La Mote, ou encore Langon. Mais, à la différence des seigneurs laïcs qui parvenaient sans trop de peine à faire régner l’ordre dans leur juridiction, les ecclésiastiques éprouvaient des difficultés de plus en plus grandes pour exercer leurs prérogatives en sorte que leurs terres devenaient des foyers d’agitation.

Dans les attendus qu’énumère Hugues de Rochefort pour expliquer la décision qu’il a prise de s’en remettre à un arbitrage, le plus long passage concerne précisément les difficultés de plus en plus grandes auxquelles il se heurte pour exercer son droit de justice en raison de la lourdeur des charges financières qui en résulte, en particulier lorsqu’il s’agit de poursuivre des affaires en contentieux, mais aussi à cause du climat de violence, des maux et homicides qu’elle provoque. Sa conclusion est sans ambiguïté : la justice dépérit, les revenus qu’elle procurait aussi. Une solution s’impose même si c’est la chancellerie anglaise qui a argumenté l’exposé et fait dire à l’évêque ce qu’elle-même souhaitait : l’appel à un puissant258. La résistance qu’Hugues de Rochefort et ses prédécesseurs ont opposée aux tentatives faites par Henri III et Édouard Ier pour contrôler la juridiction de Bazas et la faire passer sous leur tutelle apparaît ainsi comme un combat d’arrière-garde, bien compréhensible mais sans espoir. Nous ne saurons jamais avec exactitude quelle fut la part de la pression ducale et celle des événements locaux dans la capitulation de l’évêque et du chapitre de Bazas. Déjà, en 1270, l’abbé de Saint-Sever avait été contraint de solliciter un contrat de paréage259 ; puis, le 24 février 1274 ce fut le tour de l’évêque et du chapitre de Lectoure ; peu de temps après la conclusion du paréage de Bazas, au mois de novembre 1283, Jean de Grailly en concluait un avec l’abbé de Condom ; quant à l’évêque d’Aire, l’un des arbitres du paréage de Bazas, lorsqu’il voulut reconstruire le bourg du Mas qui avait été entièrement brûlé à la suite d’incidents autrement plus graves que ceux qu’avait connus Bazas, il ne trouva lui non plus, d’autre solution que dans le recours au roi-duc260. Les seigneuries ecclésiastiques étaient atteintes d’un mal incurable – la présence à leur tête d’un clerc, alors qu’il aurait fallu un homme à poigne disposant et usant de la force – et de surcroît dangereux pour les juridictions voisines. Les sénéchaux anglais ne pouvaient tolérer une telle situation, même si la faiblesse de leurs adversaires les assurait de toute façon de la victoire à plus ou moins long terme.

On ne s’étonnera donc point s’il existe des ressemblances nombreuses entre le contrat de paréage de Saint-Sever et celui de Bazas, auquel il servit vraisemblablement de modèle, ne serait-ce d’abord qu’en raison des similitudes dans la situation initiale. Dans les deux cas, le seigneur ecclésiastique céda au roi-duc la moitié de la haute et basse justice de la ville et du détroit, se réservant le reste de la seigneurie banale et la totalité de la seigneurie foncière, mais en s’engageant à partager tout revenu provenant d’un droit nouvellement instauré ; dans les deux cas aussi le roi-duc versait une indemnité : à Saint-Sever ce furent 15 livres de rente sur Mimizan. En revanche, l’abbé de Saint-Sever qui devait personnellement le service militaire put désormais se faire remplacer par un bayle ou un écuyer. Il céda d’autre part au duc le camp de Morlanne ainsi que les deux mottes qui s’y trouvaient, alors que l’évêque de Bazas conserva son château, probablement parce qu’il n’était tenu à aucun service d’ost : mais, alors qu’à Saint-Sever les habitants sont exempts de service, tel n’est pas le cas des Bazadais. On notera enfin que le paréage de Saint-Sever consacra ou instaura une double jurade, alors qu’à Bazas nous ignorons de quelle manière était organisée la représentation des habitants. Dernière différence enfin : alors que l’abbé de Saint-Sever restait le vassal du roi-duc, l’évêque de Bazas redevenait seigneur alleutier.

L’exécution du paréage (1283-1294)

On pouvait espérer que la conclusion du paréage mettrait fin aux troubles qui, depuis près d’un demi-siècle, n’avaient cessé de marquer la vie de la cité. Malgré quelques incidents mineurs, on peut dire que le but fut atteint.

En effet, au cours des années qui précèdent la guerre de Guyenne et l’occupation française (1294), les relations entre l’évêque et le roi-duc furent bonnes261. Les Bazadais qui craignirent un instant que la mise en place du nouveau régime ne leur fût préjudiciable, en particulier sur le plan judiciaire, obtinrent du roi-duc des garanties. En revanche, aucun changement n’affecta la communauté bazadaise placée sous la tutelle du roi-duc et celle de l’évêque et du chapitre.

Bonnes relations entre les coseigneurs

Le roi-duc intervint, tout d’abord, dans le cadre du paréage pour prendre sous sa protection l’évêque, sa familia et ses biens : de Condom où il se trouvait au mois de mai 1289, lors du troisième voyage qu’il fit en Gascogne, il enjoignit à tous ses officiers d’empêcher qu’il soit porté atteinte à la personne et aux biens d’Hugues de Rochefort, de ses serviteurs et des membres de sa familia et de les faire indemniser des torts qu’ils pourraient avoir subis262. Le même jour, sans aucun doute à la demande de l’évêque, Édouard Ier prenait aussi sous sa protection le curé de Lignan, Pierre de Pomonet, ainsi qu’un clerc de l’évêque Élie de Lacrouts tous deux inquiétés dans la jouissance de leurs revenus263. Toujours à la demande du prélat, le roi ordonnait enfin à ses officiers d’intervenir chaque fois qu’ils en seraient sollicités par lui contre ceux qui violaient les églises et les cimetières. Le prévôt du roi devait en particulier contraindre ceux qui se refuseraient à payer les frais d’une réconciliation imposée par l’évêque ou l’official et, s’il le fallait, saisir leurs biens. Les officiers ducaux étaient, en outre, tenus de remettre à l’évêque, sauf empêchement “raisonnable”, les clercs qu’ils auraient arrêtés afin qu’ils fussent jugés et de faire en sorte qu’il ne leur soit pas fait de tort264. Toutes ces mesures sont révélatrices de la situation ambiguë dans laquelle se trouve désormais l’évêque : d’une part, il se montre jaloux de la juridiction qu’il exerce sur les clercs du diocèse mais, d’un autre côté, il est obligé de faire appel au roi pour qu’il le protège, y compris éventuellement contre ses propres clercs. Il est certain en tout cas, qu’au moins sur le plan des déclarations et des instructions, le roi-duc respectait scrupuleusement les articles du contrat énumérant les garanties dont jouiraient l’évêque et le chapitre.

Les problèmes que posa la mise en application de la nouvelle organisation judiciaire furent eux aussi réglés sans trop de difficulté. Un débat fut ainsi ouvert à propos de la justice de Labescau, village de la paroisse de Notre-Dame de Mouchac appelée aussi d’Aillas. On se souvient que, lors de l’accord provisoire de 1278, l’évêque de Bazas s’était fait reconnaître droit de haute justice dans ce village. Or, sans que l’on sache si l’oubli fut ou non volontaire, il n’en est plus question dans l’accord de 1283. En revanche, le roi-duc ordonna au nouveau sénéchal John de Havering de faire une enquête pour savoir à qui, du roi-duc, du sire d’Albret à raison du château d’Aillas, ou de l’évêque de Bazas appartenait la justice de Labescau ; mais nous ignorons quelles furent les conclusions de l’enquête (1er juin 1289)265. Le problème des appels, source de tant de conflits fut, pour sa part, réglé sans heurt : le 2 juin 1289, en application de l’article 2 du paréage, le roi nomma deux clercs pour le représenter auprès de l’évêque et constituer avec lui la cour chargée de recevoir les appels des sentences du tribunal du paréage. Il s’agissait de Jean Gérard et Bernard Fabre, tous deux chanoines de Saint-Seurin266.

Règlement des problèmes pendants avec les Bazadais

C’est de la part des Bazadais qu’allaient venir les difficultés. Le 14 avril 1289, à la suite d’une plainte qu’ils lui avaient adressée et dans laquelle ils protestaient contre les innovations imposées par le prévôt de Bazas et de Bazadais G.R. de Sauviac, Édouard Ier ordonna une enquête267. De quoi s’agissait-il ? Essentiellement, allons-nous voir, de maladresses de la part d’un officier qui, exerçant ses fonctions dans deux juridictions différentes, voulut introduire à Bazas des procédures ou des dispositions qui n’avaient cours jusque-là que dans la prévôté de Bazadais. Il est à peu près certain aussi que ses sergents firent preuve d’un excès de zèle et que leur comportement ne fut pas du goût des Bazadais, habitués sans doute à plus de ménagements de la part de la maréchaussée ecclésiastique. Édouard Ier avait tout intérêt à ménager les Bazadais devenus des sujets directs et se montra très conciliant, en répondant favorablement à la plupart de leurs requêtes. Les réclamations des Bazadais étaient peut-être fondées. Mais on ne saurait oublier leur contribution à la libération de Charles II d’Anjou, cousin d’Édouard Ier, prisonnier du roi d’Aragon Alfonse III. Les Bazadais se portèrent d’abord garants à côté des autres villes du duché de la somme de 80 000 marcs d’argent, prévue comme caution des engagements inscrits au traité de Jaca (oct. 1288). Puis, plusieurs d’entre eux acceptèrent de partir comme otages en Aragon en attendant que fussent réunis les 7 000 marcs manquant à la rançon de 30 000 marcs. Doat de Piis et Menaud de Taleyzon partirent ainsi à Saragosse et Pierre de Ladils se rendit à Lérida268.

Au mois de juin 1289, Édouard Ier rappela ainsi ses officiers à plus de modération269 : il ordonna la limitation du nombre des sergents des prévôts, leur présentation et leur constitution en cour plénière – le prévôt royal ayant dû profiter de ses nouvelles fonctions pour “caser” un certain nombre de ses protégés dont il n’est pas sûr qu’ils étaient les plus aptes à devenir sergents ; il interdit aussi aux sergents de percevoir quoi que ce soit à l’occasion de citations, compulsoires ou exécutions de jugements à l’intérieur de la ville – les sergents devaient sans doute se prendre pour des officiers de justice – et leur ordonna d’attendre que les jugements fussent prononcés avant de réclamer les gages qui leur revenaient au titre des plaintes. D’autres dispositions ont pour but de protéger les Bazadais contre une procédure apparemment inconnue jusque-là à Bazas : l’interdiction de prendre pour le paiement d’une amende ou celui de dettes ou en exécution d’un jugement, le pain, la farine, le vin à usage domestique, le lit et le vêtement des habitants, de leur épouse et de leur famille aussi longtemps que d’autres meubles seraient disponibles ; interdiction d’arrêter et d’emprisonner un Bazadais si ce n’est pour un délit entraînant la mort ou la mutilation corporelle ou pour toute autre raison légitime ; enfin, obligation pour les gardiens de prison de donner à manger et à boire à leurs prisonniers en leur remettant ce que leurs amis leur apporteraient, à condition que ce soit selon la qualité du délit. Un point restait alors en suspens : celui du droit de torragium ou prisonagium, sans aucun doute une redevance de “gardiennage” ou “taxe de séjour” que devait payer tout prisonnier. Le roi-duc chargea, le 5 juin 1289, Jean Gérard dont il venait de faire l’un de ses juges d’appel de s’occuper de cette affaire avec le sénéchal270. Mais le différend entre les Bazadais et leur prévôt n’était pas pour autant réglé. Jean Gérard, en collaboration avec l’évêque et le chapitre devait ainsi essayer de faire la lumière sur les atteintes que R. G. de Sauviac aurait portées aux fors et coutumes des Bazadais. Les Bazadais s’opposèrent aussi aux officiers du roi-duc à propos de l’usage des padouens ; au mois d’avril 1289, le roi avait mandé à Jean Gérard et à Gombaud de Mercat de faire, à Bazas et aux environs, une enquête sur les padouens de la prévôté de Gascogne ; il s’agissait de rechercher les droits de la couronne perdus, aliénés ou soustraits, et plus particulièrement de voir de quelle manière les padouens271 pourraient être mis en valeur, mais sans que cela nuise à autrui. Or, quelques semaines plus tard, sur plainte des habitants de Bazas, Jean Gérard fut chargé d’enquêter sur les agissements d’un certain Jean Reda, clerc du roi, accusé par les Bazadais de leur avoir porté préjudice par l’usage qu’il avait fait des padouens proches de la ville272. On peut être assuré que Jean Reda exerçait à Bazas des fonctions qui, pour être mal définies, n’en étaient pas moins officielles puisque, le 1er juillet, le roi-duc lui ordonne de payer 40 l. à Arn. G. Markès273. Il s’agit donc d’une sorte de trésorier ou de percepteur dont on peut penser qu’à l’image du prévôt il manifestait dans son domaine un trop grand zèle pour défendre les intérêts de la couronne. Les padouens en question devaient se trouver, selon toute vraisemblance, dans la prévôté de Bazas.

Grâces ducales

Les Rôles Gascons nous renseignent aussi sur la manière dont s’établirent les relations entre le roi-duc et un certain nombre de Bazadais, soit qu’Édouard Ier ait eu à se louer de leurs services, soit au contraire, que ses sujets aient défrayé la chronique judiciaire.

Parmi les bourgeois qui bénéficièrent des bonnes grâces du roi-duc, nous retrouvons tout d’abord certains membres de la famille Ladils, du moins si Bertrand et Bernard de Ladils, qualifiés de citoyens de Bordeaux, sont des Bazadais “montés” dans la capitale du duché. Ils sont alors les associés de Arn. Moneder – qui appartient à une des plus vieilles familles bordelaises – dans une affaire foncière274. Bertrand devint ensuite un des hommes de confiance du roi-duc qui lui concéda un fief-rente de 80 l. Par an275, puis lui accorda une allocation de 20 s. t. par jour lorsqu’il serait hors de Bordeaux pour son service ou celui du sénéchal (21 juin 1291)276. Mais, d’autres Bazadais furent investis de fonctions officielles parfois très importantes : ainsi, Arn. G. Markès devint bayle de Lomagne277 et Ramon Markès receveur d’Agenais (1285-1289) puis lieutenant du sénéchal pour les Landes ; Pierre de Barde fut chargé d’administrer les revenus de l’île d’Oléron à la suite du décès de G. de Lusignan, oncle du roi (1er juin 1289)278. Le roi-duc savait d’ailleurs récompenser ceux qui l’avaient loyalement servi. Ce fut le cas de Guillaume Grimaud, un notaire de Bazas : Édouard Ier commença par lui allouer 50 l. pour le dédommager des pertes qu’il avait subies quand l’évêque et le chapitre lui interdirent d’instrumenter, lors du conflit qui les opposa au roi-duc devant le Parlement, ainsi que pour les services de toute nature qu’il avait rendus au roi (1er juillet 1289)279 ; puis, quelques jours plus tard, il l’autorisa à exercer sa profession dans l’ensemble du duché (30 juillet 1289)280.

À un autre niveau social, nous trouvons les Talayson et les Piis : Doat de Piis dont la famille était, on s’en souvient, établie aussi en Réolais, reçut l’autorisation de construire une maison forte à Cuts, Escaudes, Tuscas ou Fontet, à la seule condition qu’elle ne puisse devenir chef-lieu d’une juridiction et soit rendable en temps de guerre281. Nous ignorons quel service particulier avait rendu Doat de Piis ; mais nous sommes mieux renseignés sur les Talayson, Maître Raimond et son frère Guillaume Arnaud, qualifié de citoyen de Bazas. Maître Raimond était clerc au service du roi-duc depuis 1254282 ; il devait décéder connétable de Bordeaux en 1274 et fit sans aucun doute la fortune de Guillaume Arnaud283. Avec son frère ou seul, il avait acquis d’Odon et Arn. de Pinssac des moulins ou parts de moulin sur le Ciron, à Préchac et des cens et questes à Noaillan et de Guillaume Arn. de Tontoulon, d’autres cens et questes à Sendets284. Comme certains de ces biens avaient été acquis auprès de nobles, le roi-duc pouvait s’opposer à leur cession. Mais il n’en fit rien. Édouard Ier accorda aussi à G. Arnaud des lettres de protection afin qu’il puisse avec son associé Bertrand de Ladils exercer plus aisément son métier de marchand (20 août 1289)285, Édouard Ier intervint aussi pour faciliter le règlement de certaines affaires privées ; ainsi, le 1er juillet 1289, faisait-il payer par son clerc à Arn. G. Markès 40 l. que lui devait G. Arn. de Tontoulon, un autre Bazadais mais noble celui-là, auquel le roi devait cette même somme286. Quelques mois plus tard, il demandait à son prévôt de contraindre Bertrand de Ladils (Ladeuz), citoyen de Bazas, de restituer à G. Arn. de Tontoulon des arbalètes que son père avait remises en gage, une fois que Bertrand aurait été remboursé (30 mai 1290)287.

Il ne faudrait pas croire, cependant, que le calme était entièrement revenu dans la vieille cité depuis les troubles graves des années 1250 et 1274. On se souvient qu’en 1280 Raimond Markès et ses associés condamnés pour meurtre n’avaient pas hésité à en appeler au roi-duc contre le tribunal épiscopal. Mais, maintenant qu’Édouard Ier était coseigneur de la ville, il lui fallait éviter plus que jamais que des appels ne fussent portés devant le Parlement de Paris. Certaines affaires graves se réglaient heureusement à l’amiable ; ainsi, celle de l’assassinat de Vital Carbonel par Élie de La Roque, tous deux Bazadais288[. L’affaire se produisit vers 1287 : Élie de La Roque s’en remit alors au jugement du cousin du défunt Amanieu de Noaillan, de son frère Bertrand Carbonel et d’un ami, Bertrand de Ladils dit de Bruna, qui le condamnèrent à aller en pèlerinage à Jérusalem et au bannissement de la ville. Mais, probablement de retour, Élie de La Roque sollicita l’autorisation de revenir à Bazas ; l’affaire était délicate, aussi le roi-duc en chargea-t-il son lieutenant et son connétable. Beaucoup plus grave fut, en revanche, l’affaire d’Arnaud de Ladils et de ses complices qui défraya la chronique des années 1280 comme les agissements de son homonyme et parent avaient occupé le devant de la scène bazadaise trente ans auparavant ; mais, c’est un signe des temps, le complot politique est devenu fait divers. Arnaud de Ladils, inculpé pour l’assassinat dans Bazas de Arn. Bernard de Tresarieu ou Tresaigues, un noble, inconnu par ailleurs, fut condamné par la justice ducale – probablement à mort – et ses biens furent confisqués289. Arnaud de Ladils n’était pas seul : à ses côtés se trouvaient deux de ses frères bâtards, Arnaud Carbonel et Pierre de Ladils, Arnaud Ayquem, Pierre, Jean et Gaillard de Laforêt, Bernard Couat le Jeune et R. Gaillard, tous citoyens de Bazas. Apparemment tous avaient réussi à échapper aux agents du roi-duc et, comme cela s’était produit en 1274 avec R. Markès et ses complices qui en avaient alors appelé au roi-duc, ils avaient fait appel au roi de France qui les avait placés sous sa protection et avait chargé son sénéchal de Périgord d’ouvrir une enquête. C’était pour Édouard Ier l’amère découverte de sa nouvelle condition de seigneur direct des Bazadais. Si, jusqu’en 1283, il avait été pour eux un efficace recours chaque fois qu’ils avaient eu à se plaindre des jugements de l’évêque, ce rôle était maintenant dévolu au roi de France.

Le 1er juin 1289, Édouard Ier déléguait auprès du représentant du roi Philippe IV, trois commissaires chargés de répliquer aux accusations d’Arnaud de Ladils290. Or, au cours de ce même été, les prévenus, par crainte probablement que tout cela ne finisse mal pour eux, proposèrent de se soumettre à la volonté de certains amis du défunt selon une procédure que nous avons déjà évoquée. Le roi-duc, trop heureux de son côté de voir cette affaire échapper au Parlement chargea quatre de ses officiers ou proches de recevoir officiellement cette demande (1er juillet 1289)291. Dans le courant du même mois, Arnaud de Ladils et ses complices sortirent de la clandestinité et se rendirent à Bazas probablement pour tenter de trouver, sous le couvert des commissaires ducaux, un compromis avec les parents du défunt. Le prévôt de Bazas, R. G. de Sauviac, dut, à cette occasion, engager des dépenses importantes qui l’obligèrent à faire appel à plusieurs bourgeois de la ville : Bertrand de Ladils, Doat de Piis, et Arn.

G. Markès. Le 30 juillet et le 10 août, le roi-duc intervint auprès de son connétable afin qu’ils fussent indemnisés292. Cet appel direct à la bourse de certains habitants de Bazas, le fait aussi qu’à l’occasion de l’application du paréage il ne soit jamais fait mention d’un quelconque organisme représentatif de la communauté des habitants montre, s’il le fallait encore, le déclin du corps municipal si actif durant la première moitié du siècle. Il devait bien cependant en exister un, probablement une jurade avec son syndic et son sceau mais pratiquement sans pouvoir dans la ville : il fallut des circonstances graves, l’occupation du duché par Philippe le Bel, pour que, le 29 juin 1294, le roi-duc s’adressât aux “jurats de Bazas” qui, après le départ de ses officiers, constituaient pour Édouard Ier la seule force sur laquelle il pût compter pour tenter d’organiser la “résistance” à l’occupant français293.

* * *

Au terme de cette évocation plusieurs remarques s’imposent. La première, c’est que bien des aspects de l’histoire politique de la ville nous échappent encore, même pour les deux derniers tiers du XIIIesiècle. Il est à peu près sûr qu’une enquête systématique dans certains fonds du Public Record Office permettrait d’éclairer bien des points restés obscurs et de nuancer sinon de corriger quelques-uns de nos commentaires. En revanche, les grandes lignes de cette histoire nous semblent maintenant à peu près bien établies : il s’agit, tout d’abord, du déclin progressif plus ou moins rapide mais en quelque sorte inéluctable du pouvoir de l’évêque et du chapitre face à celui du roi-duc et de ses officiers. À cet égard le contrat de paréage de 1283 n’est, malgré son apparente pérennité, qu’une étape dans un processus au terme duquel il sera pratiquement vidé de son contenu au détriment des seigneurs ecclésiastiques. En revanche, depuis sa timide apparition dans les années 1200-1210, la commune de Bazas a connu au cours du XIIIesiècle une histoire plus complexe : née dans des circonstances qui nous échappent encore, tolérée mais probablement jamais officiellement reconnue – il n’en reste en tout cas aucune trace – son échec tient davantage à l’écran constitué par la seigneurie alleutière de l’évêque et du chapitre qu’aux erreurs politiques commises par certains Bazadais au cours des années 1249-1253. Le rôle qu’elle a parfois joué en période de troubles dans le duché est à la mesure de la faiblesse de la seigneurie ecclésiastique d’autant plus manifeste que la situation politique se détériore. Bien que la conclusion du contrat de paréage n’ait apporté aucun changement dans la situation de cette communauté qui reste toujours entièrement placée sous la tutelle d’une seigneurie passée de deux à trois partenaires, le fait que l’un des coseigneurs soit le roi-duc n’en constitue pas moins une nouveauté d’importance : les Bazadais, devenus sujets directs du roi-duc, seront forcément davantage impliqués dans les vicissitudes politiques que pourra connaître le duché.

Si la guerre de Guyenne (1294-1304) fut suivie d’une période de répit, en revanche la guerre de Saint-Sardos (1324) au cours de laquelle la majeure partie du Bazadais passa sous l’autorité du roi de France, servit de prélude à un siècle et demi de crises et de conflits. Devenue ville frontière Bazas occupa désormais une position stratégique sur l’échiquier politico-militaire. Si cela valut aux Bazadais bien des souffrances, le roi de France et le souverain anglais firent tout ce qu’ils purent pour conserver leur fidélité ou les gagner à leur cause ; ainsi, ce siècle de crise fut aussi celui au cours duquel la communauté bazadaise, seul véritable interlocuteur en un temps où l’audience à laquelle on pouvait prétendre se mesurait à la force que l’on représentait, finit par obtenir cette reconnaissance qu’elle avait tant attendue.

* * *

C’est pour répondre à l’invitation qui avait été faite aux Amis du Bazadais par le comité d’organisation des fêtes du 750e anniversaire de la reconstruction de la cathédrale de Bazas que nous avons évoqué, dans le cadre d’une conférence faite à Bazas le 4 juin 1983, le 700e anniversaire de la conclusion du contrat de paréage de 1283 entre le roi d’Angleterre et l’évêque de Bazas. Le texte qui précède – et celui de la première partie – a été établi à partir des notes que nous avions réunies pour cette conférence. Il ne saurait donc s’agir d’une histoire de la ville de Bazas au XIIIe siècle, laquelle nécessiterait des recherches méthodiques au Public Record Office à Londres, mais seulement d’une ébauche de l’histoire politique de la cité à une époque où elle fut particulièrement animée.

Annexe I

Le paréage de 1283

Il existe deux sentences arbitrales prononcées à Bordeaux, le 16 juillet, par Pierre de Bétous, évêque du Mas et Sainte-Quitterie et Pons de l’Ile, doyen de Saintes, arbitres désignés par les deux parties. Ce sont ces deux sentences qui constituent le contrat de paréage. Les arbitres ont inséré chaque fois dans le texte de la sentence :

  •  l’engagement de l’évêque et du chapitre et celui des procureurs du roi-duc de s’en remettre aux arbitres pour régler le différend (Bazas, 13 juillet). Cet acte contient lui-même inséré le pouvoir des procureurs du roi-duc (Aberconvay, 25 avril) ;
  •  le pouvoir des procureurs de l’évêque et du chapitre (Bazas, 14 juillet).

La première sentence est, de très loin, la plus longue, la seconde ne contient que quatre articles. Bien que les deux sentences soient identiques dans leur forme et datées du même jour chacune n’en constitue pas moins un acte particulier.

Elles ont été ratifiées :

  •  par le roi Édouard Ier, à Chester, le 28 décembre : deux ratifications, une pour chaque sentence ;
  •  par l’évêque de Bazas et le chapitre : mais nous n’avons conservé que le texte de la ratification de la seconde sentence (26 août, Bazas).

Il existe plusieurs copies de ces divers documents et trois éditions :

  •  Public Record Office, Rôles gascons, n° 13, membr. 8 et 7 : éd. Ch. Bémont, Rôles gascons, t. II, n° 747 : ratification de la sentence n° 1 ; n° 749 : ratification de la sentence n° 2 par le roi Édouard Ier ;
  •  British Museum, Julius El, éd. G.P. Cuttino, Gascon Register A (Series of 1318-1319), 1975, n° 20 : ratification de la sentence n° 2 par l’évêque de Bazas ; n° 101 : texte de la sentence n° 1 ; n° 102 : texte de la sentence n° 2.
  •  Public Record Office, Miscellaneous books. Exchequer Treasury of Receipt (E 36), vol. 275, f° 292 r° : texte de la sentence n° 1 ; f° 294 : texte de la sentence n° 2 ; f° 296 r° : ratification de la deuxième sentence par l’évêque de Bazas.

Les variantes de ce manuscrit sont indiquées par G.P. Cuttino dans l’édition du Gascon Register A.

  •  Arch. dép. de la Gironde, G. 921. Vidimus par François de Gascq, lieutenant général en Bazadais (6 nov. 1557) du vidimus par François Ier (nov. 1516) de la confirmation par Louis XI (mars 1461) de la confirmation par Édouard Ier de la première sentence (28 déc. 1283) contenant tous les documents annexes et du texte de la seconde sentence, éd. Arch. hist. de la Gironde, t. XXVI, p. 108-124. M. Gouron, dans son Catalogue des chartes de franchises de Guienne et Gascogne, 1935, a mentionné la plupart de ces copies (n° 405-408). Il ne signale pas celle des Archives de la Gironde mais mentionne celles de la Bibl. nat., Coll. Moreau (d’après les copies anglaises).

Annexe II

Représentants de la communauté de Bazas au XIIIe siècle

avril 1205probi hominesRot. Litt. pat., I, p. 53.
1219Commune Vasacense consiliumW. W. Shirley, Royal Letters, t. I, p. 67.
1230, 21 juilletprobi homines VasatensesClose rolls, 1227-1231, p. 422.
1232, 7 sept.major et probi homines de VasatoIbid., 1231-1234, p. 104.
1234, 20 nov.major et jurati VasatensesIbid., 1234-1237, p. 15.
1242, 25 maiprobi homines civitatis VasatensisRG, t. I, n° 460.
1242, 28 aoûtprobi homines nostri VasatensesRG, t. I, n° 411.
1242, 12 nov.justiciarius et probi homines VasatensesRG, t. I, n° 1587.
1242, 26 nov.probi homines VasatensesRG, t. I, n° 672.
1243, 17 juinprobi homines de VasatoRG, t. I, n° 1009.
1243, 1er sept.major et jurati VasatensesRG, t. I, n° 1642.
1251, 9 mai“Bidauz de Cabodziz, meres de Besaz”Ch. Bémont, Simon de Montfort…, p. 270.
1252, 6 janv.major et jurati et communitas VasatensesShirley, Royal Letters, t. Il, p. 70 ; Close rolls 1251-1252, p. 186-187.
1252, 6 marsmajor VasatensisW.W. Shirley, Royal Letters, t. II, p. 76 et suiv.
1252Marquisius et Arnaldus. Ayquilmi legati majoris et communie VasatensisCh. Bémont, op. cit., p. 309.
1253, 23 aoûtprobi homines de VasatoRG, t. I, n° 3542.
1253, 16 sept.homines de VasatoRG, t. I, n° 3566.
1253, 18 oct.major (et ballivus) de Vasato pRG, t. I, n° 2745.
1253, 10 nov.probi homines de VasatoRG, t. I, n° 2804.
1253, 15 nov.homines de VasatoRG, t. I, n° 2807.
1253, 16 déc.Markès, major de VasatoRG, t. I, n° 2891.
1254, 22 fév.Markeis, major VasatiRG, t. I, n° 2400.
1254, 25 févr.Markès, major VasatiRG, t. I, n° 2608.
1254, 16 marsmajor VasatiRG, t. I, n° 3098.
1254, 19 marsmajor VasatiRG, t. I, n° 3609.
1254, 21 marsmajor VasatiRG, t. I, n° 3620.
1254, 12 juinmajor et jurati de VasatoRG, t. I, n° 3608.
1254, 29 oct.major VasatensisRG, t. I, suppl., n° 9, p. LXXII.
1255, 30 marsmajor VasatensisUn rôle gascon de lettres closes… n° 43.
1255, 13 juilletmajor VasatensisIbid., n° 77.
1255, 6 sept.Menaudus Guiterin major VasatensisIbid., n° 85.
1255, 9 sept.major VasatensisIbid., n° 86.
1255, 7 oct.major VasatensisIbid., n° 95.
1255, 7 oct.major VasatensisIbid., n° 96.
1255, 10 oct. (?)major VasatensisIbid., n° 121.
1260, 8 aoûtmajor et communia VasatiRG, t. I suppl., n° 22, p. XCIII.
1274, 20 marsBertrandus de Ladils, Doatus de Pinibus, Arnaldus Guitarinus, Galhardus de Podio, Bernardus de Montecoguto, R. Cosini, R. Marquesii, cives de Vasato pro se et omnibus aliis civibus et habitatoribus ville ejusdem de VasatoRecogniciones, n° 291.
1274, 29 juinhabitatores civitatis et ville de VasatoRecogniciones, n° 456.
1278, 10 janv.communitas VasatiRG, t. II, n° 160.
1279, 8 marscommunia Vasatensis
Doatus
de Pinibus sindicus et procurator communitatis seu universitatis Vasati
RG, t. II, n° 215.
1283, 4 avrilprobi homines de VasatoRG, t. II, n° 697.
1283, 16 juilletcives et burgenses de VasatoRG, t. II, n° 747.
1289, 5 juinprobi homines et tota communitas VasatensesRG, t. II, n° 1052.
1289, 30 juilletuniversi habitatores VasatiRG, t. II, n° 1227.
1294, 29 juinjurati ville VasatiRG, t. III, n° 3382.

Annexe III

Officiers du roi-duc prévôts de bazadais

ANONYME  
1243, 13 marsmention d’un prepositus VasatensisRG, t. I, n° 1589.
1243, maiment. d’un prepositus de BesadeisIbid., n° 1613.
SEINERUN  
1243, 22 juinSeinerun, prepositus de VasateIbid., n° 1064.
1243, 8 juilletSeinerun, prepositus VasatensisIbid., n° 1064.
B. DE PRIEYZ  
1253 ap. le 15 aoûtB. de Prieyz, prepositus VasatensisUn rôle gascon de lettres closes, n° 96.
ANONYME  
1258, 18 oct(major et) ballivus de VasatoRG, t. I, n° 2745.
1253, 10 déc.prepositus regis de BesadesIbid., n° 2241.
GUILLAUME ARNAUD D’AUROS  
* 1254, 12 juinWillelmus Ernaldi de Eweros, ballivus de BasadoysIbid., n° 3669.
1254, 18 sept.prepositus de BesadeysIbid., n° 3716.
1254, 13 oct.Willelmus Arnaldi de Auros, milesUn rôle gascon, n° 106.
1254, 29 oct.prepositus VasatensisRG, t. I, suppl. p. LXXII, n° 9.
1255, 29 janvierprepositus VasatensisUn rôle gascon de lettres closes, n° 21.
1255, 4 avrilprepositus Besad.Ibid., n° 45.
RAIMOND DE PUGOYS (?)294  
1255, 22 avrilReymondus de Pugoys, prepositus VasatensisRG, t. I, n° 4456.
1255, 7 oct.prepositus VasatensisUn rôle gascon, n° 95.
1255, 13 oct.Willelmus Arnaldi de Auros, prepositus VasatensisIbid., n° 120
1255, 29 oct.Willelmus Arnaldus Vauros, (sic) prepositus VasatensisArch. hist. de La Gironde, t. VI, p. 165.
1274, marsprepositus VasatensisRecogniciones, n° 187, 244, 249, 255, 306, 322, 338, 340, 342.
BERNARD DE BATZ  
* 1er nov. 1282- 1er nov. 1283prévôt de BazadaisP.R.O.E 101/176/13, n° 3.
1283, 16 juilletprepositus regis de VasatoRG, t. II, n° 477, 479.
EYMERIC ESPLEYTAT  
* c. 1285prévôt de BazadaisP.R.O.E 101/152/5 m. 2.

Prévôts de Bazas et de bazadais (à partir du 16 juillet 1283)

RAYMOND GUILLAUME DE SAUVIAC  
* 1287, 11 juinBailli de Bazas et de BazadaisP.R.O.E 101/352/9.
GUILLAUME RAYMOND DE CASMIAC  
1287, 10 octobrePrévôt. Par son ordonnance de mai-juin 1289, Édouard Ier décide que le châtelain de Tontoulon serait aussi prévôt de Bazadais et d’Uzeste et gardien des terres du roi de Lados et de Berthez (J.-P. Trabut-Cussac, Actes gascons dispersés).P.R.O.E 101/152/5 m. 3.
RAYMOND GUILLAUME DE SAUVIAC  
1289, 14 avrilRaymundus Guillelmi de SaubiacoRG, t. II, n° 1347.
* 1289, 30 juilletReimundus Guillelmi de Salviaco, miles, prepositus VesstensisRG, t. II, n° 1238.
1289, 22 avrilprepositus VasatensisRG, t. II, n° 1392.
1290, 30 maiId.RG, t. II, n° 1789.
1290, 12 aoûtId.RG, t. II, n° 1826.

Connétales du château de Bazaslors de la mainmise du roi-duc

1253, 16 sept.constebulerius regis de VasatoRG, t. I, n° 2667.
* 1253, 21 sept.Id.RG, t. I, n° 2675.
* 1253, 21 sept.Id.RG, t. I, n° 2677.
* 1253, 18 oct.Id.RG, t. I, n° 2748.
GUILLAUME DE CHENY  
1254, 5 marsWillelmus de Chaeny constebulerius de VasatoRG, t. I, n° 3053
1254, 19 marsWillelmus de Chaeny constebulerius VasatiRG, t. I, n° 3608
* 1254, 11 avrilId. Le château de Bazas fut restitué à l’évêque par décision du 18 août 1254 (Id., n° 3920).RG, t. I, n° 2505

* Mentionné dans J.-P. Trabut-Cussac, L’administration anglaise en Gascogne, 1972, p. 343-344.

Juges des appels de la cour de paréage pour le roi-duc

JEAN GÉRARD ET BERNARD FABRE  
1289, 2 juinJohannes Gerardi et Bernardus Fabri, canonici Sancti Severini BurdegaleRG, t. II, n° 1687.
1289, 30 juilletId.Ibid., n° 1227.

Collecteurs du fouage en bazadais

Pour l’évêché :  
SEYGNORUN  
1243, 20 avrilSeygnorun serviens regisRG, t. I, n° 955
Pour l’évêché :  
1255, 22 avrilversus partem de Regula : Arnaldi Willelmi de Greyngnoill (Grignols), Reymundus Segur, Elias de La Cal ; altera parte : Arnaldus Garsie de Siscarz, Willelmus Arnaldi de Auros, Reymundus de Pugoys, prepositus Vasatensis.Un rôle gascon de lettres closes, n° 58.
1255, 17 maicollectores focallagii in diocesi Vasatensi ex parte Vasati… citra Geronem ex parte ReguleIbid., n° 69.  
1255, 22 maicollectores focallagii de diocesi Vasatensi 

Clerc du roi

1289, 15 juinJohannes de Reda, clericus nosterRG, t. II, n° 1051.
1289, 1er juilletJohannes de Reda, clericus nosterRG, t. II, n° 1206.

On connaît au cours de la même période d’autres officiers du roi-duc en Bazadais : des bayles, à Gensac (1254-1255) ; un justicier ou prévôt (1243), puis un bayle à Langon (1253-1254) ; un prévôt à La Réole, à Meilhan, Cocumont et Bouglon (1287), à Monségur (depuis 1269), des gardes de bastides à Sauveterre (depuis 1292), à Pellegrue (depuis 1291), des connétables à Caudrot, Coutures, Gironde, Landerron, Meilhan (1253).

Notes

  1. Il n’existe que deux ouvrages consacrés à l’histoire de Bazas, celui plus que centenaire de P.J. O’Reilly, Essai sur l’histoire de la ville et de l’arrondissement de Bazas, Bazas, 1840, celui de J.-R. D’Anglade, Aperçu sur l’histoire de Bazas depuis les origines jusqu’à la Révolution, Bordeaux, 1913.
  2. Pour l’histoire de cette période, on peut se reporter ici à l’Histoire de l’Aquitaine, 1971, sous la dir. de Ch. Higounet, à l’Histoire de Bordeaux, Bordeaux pendant le Haut Moyen Âge (Bordeaux Médiéval I) par Ch. Higounet, 1963, et Bordeaux sous les rois d’Angleterre, sous la dir. de Y. Renouard, 1965.
  3. Ch. Higounet, Bordeaux Médiéval 1, p. 21 et suiv.
  4. Les meilleures et plus récentes synthèses sur les délicats problèmes que pose la restauration des évêchés de la Gascogne occidentale ont été faites par R.-A. Sénac, L’évêché de Gascogne et ses évêques (977-1059) dans Comité des Travaux historiques et scientifiques, Actes du 104e Congrès national des sociétés savantes, Bordeaux (1979), 1981, t. II, p. 131-144 et Essai de géographie et d’histoire de l’évêché de Gascogne (977-1056), dans Bull. Phil. et historique du Comité des Travaux historiques et scientifiques (1980).
  5. Pour les problèmes concernant l’alleu en Bordelais, il faut toujours se reporter à R. Boutruche, Une société provinciale en lutte contre le régime féodal. L’alleu en Bordelais et Bazadais du XIe au XVIIIe siècle, Rodez, 1947. En 1275, Arn. Garcie de Sescars, requis de dire quels étaient les droits du roi-duc sur les alleux et les alleutiers du diocèse de Bazas, répondit après avoir pris l’avis de nobles et bourgeois que les alleutiers devaient au roi-duc campum seu bellum campestre, s’il le leur demandait, entre Ports et Garonne ou entre Garonne et Charente ; au cas où son château serait assiégé, ils devaient aussi venir à son secours. Le voyage était à leurs dépens ainsi que le premier jour de présence, les suivants l’étaient à la charge du roi. Les alleutiers étaient justiciables du roi, et leurs sujets de ceux qui détenaient la haute et basse justice (Recueil d’actes relatifs à l’administration des rois d’Angleterre en Guyenne au XIIIe siècle. Recogniciones feodorum in Aquitania, éd. Ch. Bémont, 1914 (abrégé en Recogniciones), n° 252).
  6. Chronicon Vasatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 27.
  7. Cf. J. B. Marquette, Note sur la lutte entre les évêques de Bazas et d’Agen au XIIe siècle, dans Revue hist. de Bordeaux, juillet-décembre 1962, p. 144-156.
  8. Le Baptista Salvatoris, œuvre du chanoine Garcias, a été publié une première fois par Claude Garnier, en 1530, à Bazas (un seul exemplaire connu, conservé aujourd’hui à la bibliothèque Sainte-Geneniève) puis, en 1880, à Toulouse par Dom Aurélien. Dans les derniers chapitres de cet ouvrage, Garcias évoque les événements dont il fut le contemporain (p. 293-294 de l’édition de 1880) et son voyage à Rome (p. 296).
  9. Chronicon Vasatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 27.
  10. Ibid., p. 28-29 (d’après le Liber rubeus, probablement un cartulaire cité à plusieurs reprises dans le Chronicon).
  11. L’évêque Gaillard concéda aussi aux chanoines l’église de Saint-Vincent de Marimbault et celle de Préchac (Lib. rubeus, Chronicon Vasatense dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 30).
  12. Ibid., p. 30.
  13. Cf. Dom Biron, L’ancien diocèse de Bazas, dans Rev. hist. de Bordeaux, t. XVIII, 1923, p. 79.
  14. Cf. infra, n. 218 et tableau annexe I.
  15. D’après Dom Biron, art. cité, n. 13. Une carte des juridictions du Bazadais établie d’après un document conservé aux Archives dép. de la Gironde (C 4101) : élections et pays pour la répartition des tailles (début XVIIIe s.) a été publiée dans Les Cahiers du Bazadais, n° 16 (hors-texte) ; nous y renvoyons. L’Almanach des frères Labottière pour l’année 1760 donne une description précise de la ville, dex et prévôté de Bazas. Par rapport à la liste donnée par Dom Biron, d’après le document C 4101, Conques serait en totalité dans le dex ainsi que Cazats et une partie de Sauviac, et Bernos en totalité dans la prévôté. La recherche des limites exactes du dex et de la prévôté reste à faire, même pour le XVIIIe siècle.
  16. Il est facile de reconstituer les limites de la prévôté de Bazadais à la fin du XIIe siècle, soit d’après les reconnaissances faites en 1274 par les hommes francs du roi dans cette prévôté (cf. Ch. Bémont, Recogniciones, n° 246-251), soit à partir des limites des juridictions contiguës, bien connues aujourd’hui (cf. J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 45-46, 2e-3e trim. 1979, p. 575-600 et Roquetaillade, ibid., n° 53-54, 2e-3e trim. 1981, p. 7-9).
  17. Debeant eciam ipsi homines dicto domino regi, facere obsequium exercitus sicut villa de Vasato (Recogniciones, n° 246).
  18. Lors de la tentative que fit le sire d’Albret Amanieu (IV), en 1157, pour contrôler les portes de la ville une guerre éclata ; selon la Chronique on réunit des deux côtés un grand nombre d’hommes d’armes (Chronicon, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 29).
  19. Rôles Gascons, éd. Francisque Michel, t. I, n° 160.
  20. Histoire de Bordeaux, Bordeaux médiéval II, sous la dir. de Y. Renouard, p. 24-26.
  21. Gallia Christiana, t. I, 1870, Instrumenta, p. 174.
  22. Bordeaux médiéval II, p. 25, n. 51, d’après Rot. litt. pat. I, p. 53. Nous n’avons pu consulter les Rotuli litterarum patentium (1201-1216) ni les Rotuli litterarum clausarum (1199-1227) édités entre 1839 et 1845 par Th. Duffus-Hardy.
  23. Royal and other historical letters illustrative of the reign of Henry III, éd. W.W. Shirley, 1866, vol. 1, 1216-1235, p. 67.
  24. Bordeaux médiéval II, p. 39-40.
  25. Ibid., p. 41 et suiv.
  26. W.W. Shirley, op. cit., t. 1, p. 238-239. D’après la lettre d’un archidiacre anonyme qui se trouve alors à Bordeaux, adressée à l’évêque de Chichester, le 23 septembre 1224. Parmi les ralliés au roi de France se trouvent aussi P. de Gavarret, Élie Rudel et d’autres barons de Gascogne.
  27. Richardus… Vazatensem urbem et vicinas in potestatem redegit unde in anthiquo urbis pomoerio extat locus quo expugnata urbe irruerunt qui Passus Anglorum vocitatur (Chronicon Vasatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 31.) Nous ignorons en quel point de la muraille se trouvait ce “Pas des Anglais”. Mais il est probable que l’origine de ce nom se rattache à un événement plus récent.
  28. M. Champollion-Figeac, Lettres de rois, reines et autres personnages des cours de France et d’Angleterre, t. I, Paris, 1839 (Coll. de documents inédits), n° XXVII, p. 35. D’après la Gesta Ludovici VIII, tous les nobles limousins, périgourdins et aquitains se seraient soumis aux Français mais non les Gascons qui ultra fluvium commorantur, ce qui est une erreur, car nul ne disconviendra que les Bazadais étaient gascons. Toujours d’après cette même source, après la prise de Saint-Macaire, Richard de Cornouailles aurait ravagé les alentours de La Réole à l’occasion du siège de cette ville ; mais il n’est pas question de la reprise de Bazas (Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. XVII, 1878, p. 306-308). Mathieu Paris a fait état de la prise de La Réole par Richard de Cornouailles puis de celle de Saint-Macaire et de Bergerac et conclut : et sic in brevi totam sibi Wasconiam subjugavit. Mais il ne fait lui non plus aucune allusion à la prise de Bazas (MATTHAEI PARISIENSIS… Chronica Majora, éd. H.-R. Luard, 1880, t. III, p. 93, Anno 1225).
  29. Le 4 oct. 1235, le roi mande à Jean de Nevill de donner à l’évêque de Bazas deux daims de la forêt de Brohull (Close rolls of the reign of Henry III, 1234-1237, p. 146).
  30. Le 19 juin 1237, le roi mande au garde de ses maisons de Clarend que si G., archevêque de Bordeaux, et A., évêque de Bazas, s’y rendent il leur offre les demeures et les vins du roi, ainsi que les forêts s’ils souhaitent y prendre des bêtes sauvages (Ibid., p. 459). Le même jour il donne des instructions semblables au garde de ses maisons de Guldefort (p. 460), puis, le 27, il mande au vicomte de Suthout de pourvoir les deux prélats en pain et vin (Ibid., p. 464).
  31. Henri de Thouberville, sénéchal de Gascogne avait, à la suite de la félonie de G.-R. de Piis, seigneur d’une partie de la ville de Bouglon, mis sous la main du roi le castrum de Bouglon (6 août : Close rolls…, 1234-1237, p. 372). Un an plus tard, le roi ordonna au gardien du château établi par le sénéchal de le remettre à l’évêque qu’il chargeait de surcroît de collecter les revenus du roi jusqu’à la venue du sénéchal (Ibid., p. 562).
  32. Pour le développement topographique de la ville voir J. B. Marquette, Bazas, Coll. Atlas historique des villes de France, CNRS, 1982.
  33. Anno 1233 ; hic fuit inchoata ecclesia Vazatensis (Chronicon Vasatense dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 31). Cf. J. Gardelles, Les portails occidentaux de la cathédrale de Bazas, dans Bull. monumental, 1975, p. 285-310.
  34. Cf. supra, n. 22.
  35. Cf. supra, n. 23.
  36. Ce conflit est rapporté par la Chronique en ces termes : anno 1208 : Gaillardus episcopus Coseranensis Sanctae Sedis legatus, appulit Vazatem ut canonicos et cives inter se conciliarent (Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 31).
  37. La sentence prononcée par Navarre de Couserans a été publiée dans Dom P.D. Du Buisson, Historia monasterii Sancti Severii, libri X, éd. J.-F. Pedegert et A. Lugat, t. 1, 1876, p. 214-226.
  38. Cf. M. Gouron, Catalogue des chartes de franchises de la France, II, Les chartes de franchise de Guyenne et Gascogne, 1935, p. 643, n° 1717.
  39. Histoire de Bordeaux, t. III, Bordeaux médiéval II, p. 28.
  40. Ibid., p. 33. La première mention d’un maire à La Réole est du 13 août 1206 (cf. Ch. Bémont, La mairie et la jurade dans les villes de la Guyenne anglaise : La Réole, dans Annales du Midi, t. XXXI, n° 121-122, janvier-avril 1919, p. 9. Voir surtout Marc Malherbe, Les institutions municipales de la ville de La Réole, des origines à la révolution française, thèse de droit, Bordeaux, 1977).
  41. Cf. n. 26 : civitatem Vasatensem cum episcopo.
  42. Probis hominibus Vazatensibus (Close rolls of the reign of Henry III, 1227-1231, p. 422).
  43. Majori et probis hominibus de Vasato (Close rolls, 1231-1234, p. 104). Le roi demande au maire et aux prud’hommes de Bordeaux de ne plus répondre à personne des revenus affermés de la ville ou des autres revenus le concernant et de les conserver jusqu’à nouvel ordre. Dans le cas de Bazas cette disposition ne pouvait s’appliquer que dans le cadre de la prévôté, puisque la ville et son détroit appartenaient à l’évêque et au chapitre.
  44. Close rolls, 1234-1237, p. 15.
  45. L’interruption de la série des Rôles gascons de 1256 à 1273 laisse, en effet, dans l’ombre l’histoire politique de ces dix années.
  46. Pour tout ceci on peut se reporter à Bordeaux médiéval II, p. 93 et suiv.
  47. Rôles gascons, éd. Ch. Bémont, suppl. au t. I, p. 27-29.
  48. Cf. Dom R. Biron, L’épiscopat bazadais (Ve siècle-1792) dans Revue historique de Bordeaux, t. XVII, 1924, p. 25.
  49. Rôles gascons, t. I, n° 672.
  50. Ibid., n° 830. Daté par erreur de Bordeaux du 7 février 1242. Le roi n’était pas encore arrivé en Gascogne.
  51. Ibid., n° 1589. Nous traduisons prepositus Vasatensis par “prévôt de Bazadais”, car il n’y eut pas de prévôt de Bazas (ville et détroit) avant 1283.
  52. Ibid., n° 955.
  53. Ibid., n° 1613.
  54. Ibid., n° 1064.
  55. Cf. n. 15.
  56. Cf. n. 42.
  57. Cf. J.-P. Trabut-Cussac, L’administration anglaise en Gascogne de 1254 à 1307, 1972, p. 343, qui ne donne la liste des prévôts qu’à partir de 1254. Voir notre tableau annexe III.
  58. Cf. n. 29-31./efn_note]. Cependant, son décès ouvrit une crise dont les séquelles ne furent définitivement réglées qu’à l’occasion du paréage de 1283. Ce décès soulève d’abord un problème de chronologie. En effet, dès le 22 septembre 1242, Henri III ordonnait à son sénéchal Rostanh del Soler de mettre sous sa main les biens et revenus de l’évêché de Bazas58Rôles gascons, t. I, n° 472.
  59. Arnaldus, episcopus Vazatensis in crastinum beatae Catharinae obiit (Chronicon Vazatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 32).
  60. Rôles gascons, t. I, n° 672.
  61. Quia datum est nobis intelligi quod episcopus Vasatensis diem clausit, et, si ita est… (Rôles gascons, t. I, n° 472).
  62. Il s’agit de celle de l’église “del Res”, non identifiée. Le bénéficiaire en est Bernard de Romulla. L’acte est, par erreur, daté de 1242 (Rôles gascons, t. I, n° 811).
  63. Cf. n. 50.
  64. Postea, II die martis electus fuit Raymundus de Castellione, poenitentiarius et elemosinarius Burdegalae, et in decanum Burdegalensem erat electus (Chronicon Vazatense, dans Arch. hist. de la Gironde, t. XV, p. 32 ; Dom R. Biron, L’épiscopat bazadais, dans Rev. hist. de Bordeaux, t. XVII, 1924, p. 90) place, on ne sait trop pourquoi, cette élection, en 1246. Selon la Chronique de Bazas, Raymond aurait été pénitencier et aumônier de l’archevêque de Bordeaux et chanoine de Saint-André. Dom R. Biron fait remarquer, cependant, qu’il ne figure pas, selon Lopès, parmi les prélats anciens membres du chapitre. Cependant, on notera que le 12 juin 1251, le pape Innocent IV chargea Raymond de Castillon de prendre en mains les affaires du chapitre Saint-André endetté. Or, il s’adressa à lui ainsi : per te vel per alios canonicos Burdegalensis ecclesie. L’évêque de Bazas serait donc bien un ancien chanoine de Saint-André, ce qui justifierait d’ailleurs le choix du pape dans cette affaire (Arch. hist. de la Gironde, t. XXIII).
  65. Rôles gascons, t. I, n° 1064.
  66. Ibid., n° 1913.
  67. Sur le droit de régale on peut lire l’article récent de B. Guillemain, Philippe Auguste et l’épiscopat, dans La France de Philippe Auguste, CNRS, 1982, ici p. 372-378.
  68. Rôles gascons, t. I, n° 160.
  69. Ibid., n° 411.
  70. Ibid., n° 1587.
  71. M. Champollion-Figeac, op. cit., t. 1, p. 77, n° LXIV et Rôles gascons, t. 1, DO 1587.
  72. Ibid., n° 965 (daté par erreur de 1242).
  73. Probis hominibus Vasatensis (Ibid., n° 160).
  74. Cf. n. 42, 44.
  75. Rôles gascons, t. I, n° 160 (Cf. n. 74) ; probis hominibus nostris Vasatensibus (28 août 1242 : RG, t. I, n° 411) ; probis hominibus de Vasato (juin 1243 : Rôles gascons, t. I, n° 1009).
  76. Justiciario et probis hominibus Vasatensibus (Rôles gascons, t. I, n° 1587). Apparemment aussi au mois de mai suivant (Cf. n. 72).
  77. Mandatum est majori… Vasate (Rôles gascons, t. I, n° 1590) ; Mandatum est majori et juratis Vasatensibus… (Ibid., t. I, n° 1642).
  78. “Bidauz de Cabodziz, meres de Basaz” (Ch. Bémont, Simon de Montfort, comte de Leicester, sa vie (120?-1265), son rôle politique en France et en Angleterre, Paris, 1884, p. 270. Cf. infra).
  79. Cf. infra. Rôles gascons, t. I, n° 2891 (16 décembre 1253) ; n° 2400 (22 février 1254) ; n° 2608 (25 février 1254). Voir annexe II.
  80. Cf. Histoire de Bordeaux, Bordeaux médiéval II, p. 97 et suiv. ; J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 41, 2e trim. 1978, p. 381-382.
  81. Henri III interdit aux prud’hommes de La Réole, Saint-Macaire et Langon de se rendre à Bordeaux pour y porter secours à des citoyens en conflit avec d’autres (21 avril 1243 : Rôle gascons, t. I, n° 1378).
  82. Pour tout ce qui suit, nous renvoyons à Histoire de Bordeaux, Bordeaux médiéval II, p. 99 et suiv. ; Ch. Bémont, Simon de Montfort, comte de Leicester, p. 19-52. J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 41, 2e trim. 1978, p. 382-391).
  83. Nous n’aborderons pas ici l’histoire de ces familles qui reste entièrement à faire. En raison des liens qui les unissaient souvent à des familles de La Réole une telle étude ne saurait d’ailleurs être envisagée que dans le cadre du diocèse. Nous reviendrons sur les personnages que nous avons évoqués ci-dessous à l’occasion du récit des événements. Les références seront indiquées au fur et à mesure.
  84. Cf. infra, n. 172.
  85. Cf. infra, n. 119.
  86. Recogniciones, n° 246, 247.
  87. Il s’agit de Sainte-Marie de Saco aux lieux-dits Dorralhan et Guros entre le Drot et le ruisseau de Martalab et entre le pont de Labarta et l’hôpital de Roquebrune, à savoir la tour de Lavison (Recogniciones…, n° 34).
  88. Calendar of the Patent rolls, 1258-1266, p. 240 (18 juin 1263) et 1266-1272, p. 282 (6 mai 1268).
  89. Cf. infra, n. 127, 147.
  90. Rôles gascons, t. I, n° 2667 (16 septembre 1253).
  91. Ibid., t. I, n° 2608 (25 février 1254).
  92. Ibid., t. II, n° 1167 (1er juillet 1289).
  93. Ibid., t. II, n° 1233 (3 août 1289).
  94. Ch. Bémont, op. cit., p. 310. ID., Les institutions municipales de Bordeaux au Moyen Âge. La mairie et la Jurade, dans Revue historique, t. CXXIII, 1916. Voir aussi J. Heers, Les partis et la vie politique dans l’Occident médiéval, 1981.
  95. Ch. Bémont, op. cit., p. 309.
  96. Selon le vicomte de Béarn, les hommes de Simon de Montfort se seraient emparés de Bidaut de Saubonaes, de son cheval et de 1000 s. morlans, l’auraient traîné à la queue d’un cheval, puis pendu (Ch. Bémont, op. cit., p. 316). Simon de Montfort répliqua “que cils Bidauz fut robeur et brisoit les chemins le roi e fesoit moult de mals en la terre le roi et nommement en l’evesche de Basaz e bien oi a le comte dire qu’il fu prise penduz à Basaz si com li prodomme de Basaz qui ci sont bien savent…” (J. Balasque, Études historiques sur la ville de Bayonne, t. II, 1869, p. 578). Les deux documents se rapportent au débat qui opposa à Londres au printemps 1252 les délégués gascons à Simon de Montfort. Le premier est conservé au Br. Museum, Add. charters 3303 ; le second à la Bibl. nat., Ms latin 9016.
  97. Ch. Bémont, op. cit., p. 29 et suiv. ; Histoire de Bordeaux, Bordeaux médiéval II, p. 99-101.
  98. Pour tout ce qui suit, nous avons utilisé le document intitulé Querimonie Marquisii et Arnaldi Ayquilmi civium Vasatensium (British Museum, Add. charters, n° 3300, éd. Ch. Bémont, op. cit., p. 309-312). Ce document appartient à la série des plaintes déposées au procès plaidé en 1252 devant le Parlement anglais contre Simon de Montfort et son administration. Or, si nous avons conservé le texte des répliques faites par le comte à Gaillard del Soler (Ch. Bémont, op. cit., p. 286 et suiv.) ainsi qu’à d’autres plaignants tels que le vicomte de Béarn (Cf. J. Balasque, op. cit., p. 575 et suiv. n. 97), le sire d’Albret, la commune de Dax, Arnaud de Blanquefort, les vicomtes de Castillon, de Soule, ou de Fronsac, en revanche, celle concernant les Bazadais est apparemment perdue et c’est bien dommage. En effet, il y a fort à parier que les Bazadais furent partiaux dans leurs accusations ; par ailleurs, certains passages de leur plainte sont obscurs et la chronologie des événements qui y sont rapportés est tout à fait floue.
  99. Ch. Bémont, op. cit., p. 32. Le texte de la plainte dit à propos de Menaud Guitarin : ad jus venire pluries et competenter vocati noluerint : “bien que plusieurs fois dûment cités, ils refusèrent de se rendre”.
  100. Et propter eorum mala facta gravata est civitas in expensis mille marcarum, exceptis deterioracionibus et dampnis aliis civitatis ob hoc est in mille marcis et ultra (Ch. Bémont, op. cit., p. 311).
  101. Ch. Bémont, op. cit., p. 33-36.
  102. Ibid., p. 36 et J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 41, p. 384.
  103. L’histoire du château de Lados et de ses seigneurs est certainement une des plus mouvementées qu’il soit. Arn. Bernard de Lados était vassal de Gaston de Béarn pour une partie de Lados. Il fut impliqué dans le meurtre de G. Arn. d’Auros ; mais, n’ayant pas voulu, comme il l’avait promis, aller en pèlerinage à Jérusalem, Simon de Montfort engagea une nouvelle procédure contre lui et s’empara de son château. Sur tout ceci voir la plainte de Gaston de Béarn (Ch. Bémont, op. cit., p. 313-317), la réponse faite par Simon de Montfort (G. Balasque, op. cit., t. II, p. 575-576) qui donnent des événements des versions différentes et pour la suite J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 92 et n.
  104. Pour tout ce qui suit il faut se reporter aux textes publiés par Ch. Bémont, op. cit., p. 268 : correspondance échangée entre Simon et les barons gascons pendant le siège de Castillon (Bibl. nat., Ms latin 9015, n° 4) et accord final entre Simon et les barons (Arch. nat., J 1030, n° 10).
  105. Si les déclarations de Simon de Montfort et celles de Gaston de Béarn divergent sur les circonstances de cette destruction, on sait en revanche qu’elle eut lieu au moment de la mission de Nicolas de Meules et Dréu de Barentin.
  106. Ch. Bémont, op. cit., p. 275 (Doc. X).
  107. Ibid., p. 276-277 (Doc. XI).
  108. Ibid., p. 275-276 (Doc. IX).
  109. Calendar of the Close rolls, 1251-1253, p. 32.
  110. Calendar of the Patent rolls, 1247-1258, p. 124.
  111. Ch. Bémont, op. cit., p. 314-315.
  112. J. Balasque, op. cit., t. II, p. 576.
  113. Ch. Bémont, op. cit., p. 274.
  114. W.W. Shirley, Royal Letters, t. II, p. 70 ; Calendar of the Close rolls, 1251-1253, p. 186-187. On notera que La Réole et Bazas sont citées en premier probablement en raison de la présence dans ces villes de clans hostiles à Simon de Montfort et maîtres de la situation.
  115. Les événements qui se déroulaient à La Réole nous sont connus grâce à une lettre du 6 mars 1252 adressée par les commissaires à Henri III (W.W. Shirley, Royal Letters, t. II, p. 76-81).
  116. Ibid., t. II, p. 387.
  117. Ch. Bémont, op. cit., p. 42.
  118. Cf. n. 99.
  119. Pour ce qui suit cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 44-50 et J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 41, 1978, p. 387-388.
  120. Calendar of the Close rolls, 1251-1253, p. 65.
  121. Ch. Bémont, op. cit., p. 49-50.
  122. Rôles gascons, t. I, n° 3542.
  123. Ibid., t. I, n° 2649 (8 sept.). L’interprétation de ce document pose un problème : que sont au juste les homines feiditi de Vasato qui sunt ad fidelitatem regis ? Selon nous, il s’agit des hommes du clan des Guitarin qui lui ont toujours été fidèles.
  124. Ibid., t. I, n° 2667 (16 sept.).
  125. Ibid., t. I, n° 2675 (21 sept.). Le 18 novembre Henri III ordonnait à P. Chacepork de garder en otage Arnaud fils de Bertrand de Ladils (Ibid., n° 2812).
  126. Ibid., t. I, n° 3571. L’incident se produisit ad capud insule de Geyros. Il s’agit, selon nous, de l’île de Barie, alors plus proche de la rive droite que de la rive gauche de la Garonne et qui dépendait de la seigneurie de Gironde. À cette date (16 sept.), Henri III se trouvait devant La Réole dont il faisait le siège. John Le Parker fut nommé prévôt avant le 28 octobre 1253 (Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 344).
  127. Calendar of the Patent rolls, 1247-1258, p. 256.
  128. Rôles gascons, t. I, n° 2675.
  129. Ibid., t. I. n° 2726.
  130. Ibid., t. I, n° 2803 (10 nov.). On notera que le château de Lados, pris au cours du printemps 1251 par Simon de Montfort, était apparemment repassé dans les mains des ennemis du roi.
  131. Ibid., t. I, n° 2807 (16 nov.).
  132. Cf. Ch. Bémont, op. cit., p. 50-52 ; Rôles gascons, t. I Suppl., p. XXVIII-XXXI et LXVII ; J. B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, n° 41, 2e trim. 1978, p. 389.
  133. Rôles gascons, t. I, n° 2402. Le 2 mars, le roi était à Meilhan (Ibid., n° 2404).
  134. Ibid., t. I, n° 2745.
  135. Ibid., t. I, n° 2748. Le connétable de Bazas était en fonction depuis le 21 septembre, au moins (Ibid., n° 2675).
  136. Ibid., t. I, n° 2804.
  137. Cf. Rôles gascons, t. I, mois de novembre à février.
  138. Anno Domini M CC LIVo qui est annus regni domini Regis H. tertii trigesimus octavus fuit idem dominus rex ad Natale Domini in Wasconia apud Besaceum, quod non procul distat a Regula, ubi dies Natalitios cum magnatibus suis solempniter et gaudenter celebravit.” (Matthaei Parisiensis… Chronica majora, éd. H.R. Luard, 1880, vol. V, p. 421). Cf. aussi Chronica Johannis de Oxenedes, éd. H. Ellis, 1859, p. 197).
  139. Du 28 novembre au 10 décembre 1253, Henri III adressa à P. Chacepork une série de mandements afin qu’il pourvût du nécessaire les futurs chevaliers en vue de la cérémonie de l’adoubement. Parmi les quinze noms connus figure une majorité de gascons (M. Champollion-Figeac, op. cit., t. I, p. 115, n° LXXXVIII).
  140. Ch. Bémont, Rôles gascons, t. I, suppl., p. LCVI-LXVIII et n° 2202, 2219.
  141. Ibid., t. I, n° 2677.
  142. Ibid., t. I, n° 2726. Cf. n. 130.
  143. Ibid., t. I, n° 2891.
  144. “… Ubi etiam Wasconiensibus esterlingos olfacientibus in vestibus duplicibus et aliis rebus desiderabilibus pretiosa contulit donativa” (Matthaei Parisiensis, op. cit., vol. V, p. 251).
  145. Rôles gascons, t. I, n° 2400.
  146. Vadia (Ibid., t. I, n° 2611 ; Cal. of the Patent rolls, 1247-1258, p. 295) ; debita (Rôles gascons, t. I, n° 3167).
  147. Pro arreragiis et stipendiis (Ibid., n° 2633 ; Cal. of the Patent rolls, 1247-1258, p. 298).
  148. Calendar of the Patent rolls, 1247-1258, p. 301.
  149. L’ordre de paiement est du 29 avril 1254 (Rôles gascons, t. I, n° 3167). En 1254, Pâques tombait le 12 avril.
  150. Ibid., n° 2608.
  151. Ibid., n° 3098 (16 mars 1254).
  152. Ibid., n° 3609 (19 mars 1254).
  153. Ibid., n° 3620 (21 mars 1254).
  154. Ibid., n° 3139. Cf. aussi n° 3109.
  155. Ibid., n° 3147.
  156. Ibid., n° 3139.
  157. Ibid., t. I suppl., p. LXVII-LXIX.
  158. Ibid.
  159. Ibid., t. I, n° 3920 ; Cal. of the Patent rolls, 1247-1258, p. 318.
  160. Rôles gascons, t. I, n° 3710.
  161. Ibid., t. I, suppl., p. LXXII, n° 9.
  162. Ibid., n° 4329. Le 5 août précédent, Henri III avait accordé son pardon à Bertrand mais sous certaines réserves (Rôles gascons, t. I, n° 4281).
  163. Ibid., p. XXX-XXXI.
  164. Rôles gascons, t. I, suppl., n° 4448, 4455.
  165. Ch. Bémont, Un rôle de lettres closes expédiées par la chancellerie du prince Édouard, fils aîné du roi d’Angleterre Henri III (1254-1255), Paris, 1916, n° 69.
  166. Ibid., n° 77.
  167. Ibid., n° 85.
  168. Ibid., n° 86, 96. L’épouse de Arn. de Piis fit appel de cette décision car, en vertu d’un jugement de l’évêque de Hereford, elle avait été mise en saisine de ses biens propres.
  169. Ibid., n° 95.
  170. Ibid., n° 121.
  171. Recogniciones…, n° 422, 426, 425. Cf. aussi n. 163.
  172. Rôles gascons, t. I, n° 2726 (8 oct. 1253) ; 2804 (10 nov. 1253) ; 2608 (25 février 1254) ; ex receptione obsidum civitatis Vasatensis (t. I, suppl. n° 4592) (4 oct. 1255) ; in villa Vasati (t. I, suppl., n° 3609).
  173. Quod non permittat feiditos a civitate Vasati villam istam...ingredi (Ibid., t. I, n° 2804).
  174. Homo de villa ; vir de villa ; fori et consuetudines civitatis ; gravata est civitas (Ch. Bémont, op. cit., p. 311).
  175. Marquesius et Arn. Ayquelmi cives Vasatenses (Ch. Bémont, op. cit., p. 309).
  176. Reimundus Markes, cives Vasati (Rôles gascons, t. I, n° 2406) ; Petrus de Flus cives Vasati (2 mars 1254 : n° 2611 et 29 avril 1254 : n° 3167).
  177. Bidallus de Nauans, burgensis de Vasato (Rôles gascons, t. I, n° 3571) ; Arnaldus de Ladillis burgensis de Vasato (Recogniciones…, n° 426).
  178. Legati majoris et communie Vasatensis Ch. Bémont, op. cit., p. 309).
  179. Ibid., p. 270.
  180. Markes, major de Vasato (16 déc. 1253, Rôles gascons, t. I, n° 2891) ; Markeisus major Vasati (22 février 1254 : n° 2400) ; Markes major Vasati (25 février 1254 : n° 2608). Pour les diverses mentions de maires de Bazas voir tableau annexe II.
  181. Ch. Bémont, Un rôle de lettres closes, n° 85.
  182. W.W. Shirley, Royal letters, t. II, p. 70 ; Rôles gascons, t. I, n° 3668. Le prévôt de “Basadoys” fut aussi convoqué avec tous les chevaliers et tous les gens de sa baylie qu’il pourrait amener (n° 3669).
  183. Ch. Bémont, Rôles gascons, t. I suppl., n° 22, p. XCIII.
  184. Ibid., t. I, n° 3571.
  185. Ibid., n° 3542.
  186. Ibid., n° 3566. Le contingent demandé est de 400 hommes. À la même époque Saint-Émilion et Saint-Macaire doivent fournir 200 hommes et Bordeaux 3000.
  187. Ibid., n° 2807.
  188. Ibid., n° 4455 (Cf. n. 165).
  189. Ibid., n° 4329 (Cf. n. 163).
  190. Cf., ante. C’est du moins ce qui apparaît à travers la plainte des Bazadais au Parlement de Londres.
  191. Cf. n. 142-143.
  192. Cf. n. 163.
  193. Rôles gascons, t. I, n° 4591. Les officiers du roi-duc devaient venir en aide à l’évêque chaque fois qu’ils en seraient requis. Le 11 octobre, Édouard s’engageait à conférer à Bernard Ayzon, chanoine et official de Bazas, le premier bénéfice vacant jusqu’à 50 marcs annuels (Ibid., n° 4597).
  194. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 21 et suiv.
  195. Calendar of the Patent rolls, 1258-1266, p. 240.
  196. Ils pouvaient, en outre, continuer à faire du commerce en toute liberté sauf le droit de prise dû au roi (Ibid., 1266-1272, p. 450).
  197. En 1267, les deux négociants gascons avaient conclu avec deux bourgeois de Southampton un contrat aux termes duquel ils devaient fournir 60 tonneaux de vin ; mais les Anglais refusèrent ensuite la marchandise. Le roi ayant, en vain, demandé à son bailli de Southampton de rendre justice aux Gascons, il chargea Robert Falcon de faire une enquête sur cette affaire (Cal. of the Patent rolls, 1266-1272, p. 282).
  198. Cal. of Patent rolls, 1258-1266, p. 94.
  199. Sur cette affaire qui dura quatorze années (1254-1267) voir Ch. Bémont, Rôles gascons, t. I suppl., p. CXI-CXVI. Le 24 mars 1260 puis, le 7 avril, le roi chargea l’évêque de Bazas et Bertrand de Cardaillac de régler l’affaire au cas où le jugement ne pourrait avoir lieu dans la quinzaine de Pâques (Cal. of the Patent rolls, 1258-1266, p. 207 ; Ch. Bémont, op. cit., p. CXIII, n. 6). Mais l’affaire fut portée devant le Parlement. Le 20 mars 1262, Henri III désignait une nouvelle fois l’évêque de Bazas, Amanieu d’Albret, Pierre de Bordeaux et Jean de Lalinde pour tenter de régler le différend (Cal. of the Patent rolls, 1258-1266, p. 207 ; Ch. Bémont, op. cit., p. CXV, n. 1).
  200. De 1253 à 1272 on ne compte pas moins de seize sénéchaux (J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 372-374).
  201. Ibid., p. 39, Recogniciones, n° 416.
  202. Pour tout ceci, cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit.
  203. D’après le Chronicon Vasatense, il serait décédé le 21 juin 1265 et son successeur Guillaume, prieur du Mas, aurait été élu le 15 juillet (Arch. hist. de la Gironde, t.XV, p. 33). Une erreur de copie s’est produite à propos de l’élection de Guillaume de Piis. Il faut lire : proxime idus julii et non junii (13 juin). Dom R. Biron ne mentionne pas l’élection de Guillaume. Art. cité dans Rev. hist. de Bordeaux, t. XVII, 1924, p. 91.
  204. Recogniciones , n° 204 et 291. La reconnaissance de l’évêque a été analysée dans Arch. hist. de la Gironde, t. III, p. 36. Celle des habitants de Bazas a été aussi publiée dans Notice d’un manuscrit de la Bibliothèque de Wolfenbuttel intitulé Recogniciones feodorum… éd. MM. Martial et Jules Delpit, Paris, 1841, p. 91.
  205. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 371-375.
  206. Que nous ne sommes pas encore parvenu à identifier.
  207. Voir plus bas la crise de juin 1274.
  208. Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 41 et suiv. On sait que le roi-duc passa à Bazas entre le mois de novembre 1273 et le mois de mars 1274 (Cf. Recogniciones… n° 455). La date que nous proposons en fonction de l’itinéraire du roi-duc de Lectoure à Bordeaux n’est donc pas certaine.
  209. Si, lors d’une chevauchée ou à l’ost, un Bazadais s’empare d’un chevalier il devra le remettre au sénéchal ou à son représentant et recevra en échange 100 s. morlans ; pour un damoiseau : 50 s. ; un bourgeois : 20 s. ; un paysan (rusticus) : 5 s. ; un cheval avec sa selle : 10 s. (Le cheval vaut donc la moitié d’un bourgeois mais deux paysans) ; porcs et bœufs : la moitié ; il peut garder pour lui les ânes et le petit bétail (art. 7).
  210. Cf. ante n. 163.
  211. Recogniciones…, n° 452, 453.
  212. La cession des alleux eut lieu alors que le roi se trouvait à Saint-Georges-de-Montagne (Recogniciones…, n° 34 ; AHG, t.V, p. 330), la concession en fief à Guîtres (AHG, t. VII, p. 380). Pour la filiation entre Guillaume Arnaud et Bertrand cf. Recogniciones, n° 470. Il est certain que Bertrand n’a rien à voir avec le meneur du clan hostile à Simon de Montfort. Nous pensons qu’on peut l’identifier avec le personnage témoin dans les années 1263-1274 de nombreux actes publiés dans les Recogniciones (ex. n° 488, 494, 414, 477, 471, 470, 497… dans l’ordre chronologique).
  213. Cet incident nous est révélé à l’occasion de la transaction conclue entre le sénéchal de Gascogne, l’évêque, le chapitre et les habitants de Bazas, le 29 juin 1274 (Recogniciones, n° 456 ; publié aussi dans Notices et extraits, dans Arch. hist. de la Gironde…, t. XIV, p. 393).
  214. Recogniciones…, n° 457 et Arch. hist. de la Gironde, t. XIV, p. 39.
  215. Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 56.
  216. Rôles gascons, éd. Ch. Bémont, t. II, n° 140.
  217. Cf. Recogniciones…, p. 406.
  218. Cf. n. 217.
  219. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p.54-55.
  220. Ibid., p. 56.
  221. Il était prieur de Sainte-Marie en Agenais (Chronicon Vasatense, dans Arch. hist. de la Gironde… t. XV, p. 33 ; Cf. Dom R. Biron, L’épiscopat bazadais, dans Rev. hist. de Bordeaux, t.XVII, 1924, p. 91).
  222. Rôles gascons, t. II, n° 215.
  223. In eorum et ecclesie Vasatensis enormum lesionem et grave prejudicium et gravamen” (Recogniciones…, n° 215, p. 58, col. 1).
  224. Ibid., p. 60, col. 2.
  225. Quand le sénéchal mandait l’ost, les Bazadais devaient par lettre ou par messager faire savoir s’ils choisissaient d’envoyer les chevaliers ou de payer leurs gages. L’ost se faisait comme il était accoutumé en Gascogne.
  226. Il était précisé que ni l’évêque ni le chapitre ne s’y opposaient.
  227. Cf. n. 182.
  228. Il s’agit d’une lettre que le prince Édouard adresse aux maires et communes de Bordeaux, Bazas, Bayonne, Dax et La Réole (Ch. Bémont, Rôles gascons, t. I suppl. n° 22, p. XCIII).
  229. Cf. n. 172. On notera cependant que les engagements sont reçus par-devant notaire et à Bordeaux.
  230. Cf. n. 205. Il s’agit de Bertrand de Ladils, Doat de Piis, Arnaud Guitarin, Gaillard du Puy, Bernard de Cocumont, R. Cosin et R. Marquès, cives de Vasato (Recogniciones…, n° 291).
  231. Cf. n. 214. Il n’est, en effet question que des habitatores civitatis et ville de Vasato (Recogniciones…, n° 456).
  232. Doat de Pinibus sindicus et procurator communitatis seu universitatis civitatis Vasati (Rôles gascons, t.II, n° 215). Cf. n. 220.
  233. Sigillum communitatis ville (Recogniciones…, n° 456) ; sigillum civitatis Vasati (Rôles gascons, t. II, n° 215).
  234. Id.
  235. Rôles gascons, t. I, n° 2561 (5 mai 1254).
  236. Habitatores civitatis et ville de Vasato (Recogniciones…, n° 456) ; in civitate et villa Vasatensi (Id., n° 457).
  237. Omnes cives et habitatores civitatis (Id., n° 457).
  238. Dominus rex quitabit hominibus et civibus Vasati generalem exercitum (Rôles gascons, t. II, n° 215, art. 3, 4).
  239. Ibid., n° 215, 216, 217. Il existe d’autres copies de la confirmation par Édouard Ier de la sentence arbitrale du 12 novembre 1278, l’une au Public Record Office, Chancery Miscellanea, bundle 25, n° 1 pièce 11, l’autre aux Arch. Nat., J 1030, signalées par M. Gouron, op. cit., n° 403.
  240. Le nom de la victime nous est connu grâce à la lettre adressée par l’évêque et le chapitre au roi-duc. Cf. n. 242 et Rôles gascons, t. II, n° 383.
  241. La lettre de l’évêque et du chapitre a été publiée dans Rymer (Th.), Foedera, conventiones 3e éd., t. I, pars II, p. 178. Elle est datée du lundi après la fête du bienheureux Mathias apôtre (die lune post festum beati Mathie apostoli) 1279. En Bazadais, l’année commençait à cette époque le 25 mars ; la fête de Mathias apôtre était célébrée le 24 ou le 25 février si l’année était bissextile. La lettre est donc datée du lundi 4 mars 1280. Rymer, considérant sans doute que l’année commençait à Bazas le jour de Noël, proposait comme date le lundi 27 février 1279, la Saint-Mathias tombant cette année-là un vendredi, mais à la table (t. VII) il rectifie en 26 février 1280 : si le millésime est cette fois juste, en revanche le quantième du mois est faux car la lettre est datée non de la fête de l’apôtre – le lundi 25 février 1280 – mais du lundi suivant. Ch. Bémont dans une note des Rôles gascons (t. II, n° 383) avait proposé de son côté le 25 septembre 1279 confondant l’apôtre Mathias avec l’évangéliste Matthieu dont la fête est célébrée le 21 septembre (un jeudi en 1279).
  242. Rôles gascons, t. II, n° 363.
  243. Ibid., t. II, n° 442. Il n’est pas impossible que Raimond Markès impliqué dans le meurtre de Rossinhol Carbonnel soit le même personnage que celui qui servit d’émissaire entre Jean de Grailly et le roi-duc (été 1282 : RG, t. II, n° 553, 568, 570), fut nommé ensuite garde du château de Penne-d’Agenais du mois de juin 1282 au mois d’octobre 1283 (RG, t. II, n° 574, 586, 590, 591, 729, 767, 783, 865), puis receveur des revenus royaux en Agenais du mois de juin 1285 au mois de mai 1289 (RG, t. II, n° 893-895, 1059, 1238, 1253, 1263, 1379, 1395, 1413, 1603) et qui devint lieutenant du sénéchal pour les Landes. Prisonnier des Français en 1297 il reprit, semble-t-il, du service en 1303 (Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 374, 384). S’il en était ainsi cette promotion constituerait un véritable camouflet pour l’évêque et les chanoines. Mais il peut aussi bien s’agir d’un homonyme. Seule une étude sur la bourgeoisie du Bazadais serait susceptible d’apporter une réponse.
  244. Ibid., t. II, n° 440.
  245. Ibid., t. II, n° 440.
  246. Super controversiis pendentibus in curia Francie inter nos ex parte una et episcopum et capitulum Vasatenses (Rôles gascons, t. II, n° 566).
  247. Rôles gascons, tII, n° 1212.
  248. Rôles gascons, tII, n° 1659.
  249. Ibid., n° 566.
  250. Ibid., n° 636.
  251. Ibid., n° 658.
  252. Ibid., n° 671.
  253. Ainsi Me Bonet fit au printemps un voyage en Angleterre où il se trouvait le 7 juin (Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 231).
  254. Cf. Rôles gascons, t. II, n° 747, p. 203, col. I. Sur Me Bonnet de Saint-Quentin, cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 229-233. Sa carrière au service d’Édouard Ier de 1270 à 1290 est exemplaire. Me R. La Ferrière, clerc du roi depuis juin 1276 succéda à MBonnet dont il avait été l’associé. Il décéda en 1298 (Ibid., p. 233). M. Gouron, op. cit., n° 404, signale une commission en blanc, non datée, pour traiter avec l’évêque et le chapitre de Bazas.
  255. Voir tableau annexe, les différentes versions que l’on possède de ces documents.
  256. Dom P. D. Du Buisson, op. cit., t. II, p. 233-254.
  257. Rôles gascons, t. II, n° 747.
  258. Dom P.D. Du Buisson, op. cit., t. II, p. 233-254.
  259. Lectoure : Recogniciones, n° 452, 453 ; Condom, Rôles gascons, t. II, n° 938 ; Le Mas : Ibid., t. II, n° 1042. Voir aussi M. Gouron, op. cit. Aux articles correspondants.
  260. Le 3 juin 1285, Édouard Ier ordonnait à son sénéchal Jean de Grailly de respecter et de faire respecter les accords conclus avec l’évêque et le chapitre (Arch. hist. de la Gironde, t. VII, p. 155 ; RG, t. II, n° 839). Le lendemain, il mandait à Guitard de Bourg le jeune et Pierre Itier de jurer en son nom de respecter les accords conclus avec l’évêque et le chapitre et de demander qu’ils en fassent autant (RG, t. II, n° 856). Nous ignorons si les accords dont il est question sont intervenus après la conclusion et la ratification du paréage mais il n’est pas impossible que des aménagements aient été apportés au contrat au cours de l’année 1284 ou au printemps 1285. Il existe, en effet, un rapport du conseil de la cour de Gascogne fait à Édouard Ier sur le paréage de 1283 (Cf. M. Gouron, op. cit., n° 409) mais nous n’avons pu le consulter.
  261. Rôles gascons, t. II, n° 1457.
  262. Ibid., n° 1458.
  263. Ibid., n° 1456.
  264. Ibid., n° 1666.
  265. Ibid., n° 1687, 1727 (30 juillet).
  266. Ibid., n° 1347.
  267. Le roi d’Aragon III détenait prisonnier Charles II d’Anjou, roi de Naples, cousin d’Édouard Ier. Celui-ci obtint sa libération à l’issue de longues négociations qui s’achevèrent à Canfranc, le 4 octobre 1288. Comme il manquait 7 000 marcs à la rançon de 30 000 marcs, le roi-duc demanda aux Gascons de fournir des otages en attendant que la somme manquante fût réunie (Cf. J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 91 et n. 280, 281).
  268. Ibid., n° 1052.
  269. Ibid., n° 1051.
  270. Ibid., n° 1347.
  271. Ibid., n° 1051.
  272. Ibid., n° 1206.
  273. Bernard et Arnaud de Ladils auraient, avec Arnaud Moneder, mis Arn. de la Naude, marchand de Bordeaux en possession de certains revenus, aux termes d’un accord conclu par-devant le sénéchal Jean de Grailly (Rôles gascons, t. II, n° 915). Le roi demanda au sénéchal de se porter garant de l’affaire (20 juin 1285).
  274. Ibid., t. III, n° 1913 (15 juin 1291). À cette date la rente n’a pas été payée depuis deux ans.
  275. Ibid., t. III, n° 1911.
  276. Mentionné dans une lettre qui lui était adressée, insérée dans un mandement d’Édouard Ier à Bernard de Preyssac, bayle de Lomagne (11 mars 1289) (Rôles gascons, t. II, n° 1252). Mais la lettre n’est pas datée. Pour R. Markès, cf. n. 244.
  277. Ibid., t. II, n° 1657. Qualifié de clericus de Vasati (15 juin 1291) (Ibid., t. III, n° 1918) il doit alors 400 sous tournois au roi-duc au titre de la gestion de la succession de Gui de Lusignan.
  278. Dans la ville, est-il précisé, et au-dehors en faisant pour les besoins du roi de nombreux instruments publics (Ibid., t. II, n° 1212).
  279. Ibid., t. II, n° 1230.
  280. Ibid., t. II, n° 1167. Nous ne sommes pas parvenu à identifier Cuts  pour lequel Ch. Bémont proposait Cudos – ni Tuscos.
  281. Cf. Ch. Bémont, Rôles gascons, t. III, p. LXXVIII ; J.-P. Trabut-Cussac, op. cit., p. 51 et n. 224-226 ; 236 n. 288, 292, 295, 308 n. 354, 376. Taleyson est le nom d’une paroisse aujourd’hui disparue absorbée par celle de Bernos.
  282. Le 5 mai 1287 Édouard Ier ordonna de payer à G. Arn. la somme de 326 l. 4 s. tournois qu’il lui devait encore sur la succession de Me Raymond son frère, plus 30 l. tournois pour le dédommager des frais qu’il avait engagés pour obtenir le paiement des sommes que lui devait le roi (J.-P. Trabut-Cussac, Actes gascons dispersés émanant d’Édouard Ier d’Angleterre pendant son séjour en France (1286-1289), dans Bull. phil. et hist. (1962), Paris, 1965, n° 26, p. 92).
  283. Rôles gascons, t. II, n° 1479 (4 mai 1289). Dans cet acte, Odon et Arnaud ne sont pas autrement nommés, mais on les retrouve dans un autre acte du 12 août 1290 (n° 1826) sous le nom de Arn. et Otton de Pinsaco.
  284. Les officiers du roi devaient aussi les aider à recouvrer leurs créances (Ibid., n° 976).
  285. Guillaume Arn. de Tontoulon devait à Arn. G. Marquès 40 l. “pour le fait de Tontoulon” (Tantelo). Mais le roi-duc avait des dettes à l’égard de G. Arn. de Tontoulon ; il se substitua alors à son créancier et ordonna à un de ses clercs de payer les 40 l. et de les déduire du compte de G. Arn. de Tontoulon (Ibid., n° 1266).
  286. Témoignage sur la médiocre situation financière de la famille de Tontoulon. Le père de G. Arn. s’appelait lui aussi G. Arnaud (Ibid., n° 1789).
  287. Ibid., t. II, n° 1233 (3 août 1289).
  288. Ibid., t. II, n° 1169. Le 1er juin 1289, Édouard Ier dans un mandement à son sénéchal et à son connétable rappelle qu’il avait confisqué des biens appartenant à Arnaud de Ladils et ses consorts à l’époque où il détenait la justice de la ville, avant la conclusion de l’accord avec l’évêque et le chapitre. Cela nous ramène donc avant 1283. En application du paréage le roi-duc demande à ses officiers de donner aux seigneurs ecclésiastiques la part qui leur revient (Rôles gascons, t.II, n° 1659).
  289. Ibid., t.II, n° 1066.
  290. Ibid., t. II, n° 1169.
  291. Ibid., t.II, n° 1238, 1830. Le prévôt de Bazas avait dû lui aussi engager des dépenses à cause des frères mineurs de Bazas qualifiés de Guallici mais nous ignorons ce à quoi il est fait allusion – et verser une indemnité ou une amende de 100 l. au sénéchal de Périgord.
  292. Rôles gascons, t.III, n° 3382.
  293. Il peut s’agir d’une erreur, car on trouve avant R. de Pugoys, Willelmus Arnaldi de Auros.
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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356135094
ISBN html : 978-2-35613-509-4
ISBN pdf : 978-2-35613-511-7
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
69 p.
Code CLIL : 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, J. B., “Notes sur l’histoire de la ville de Bazas au XIIIe siècle”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 1, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 225-294, [URL] https://una-editions.fr/notes-sur-lhistoire-de-la-ville-de-bazas-au-xiiie-siecle
Illustration de couverture • d'après “Atlas de Trudaine pour la ‘Généralité de Bordeaux n° 6. Grande route de Bordeaux à Bayonne. Les douze premières cartes du plan de cette route. Cy 15 cartes’.
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