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Hommes libres et hommes francs du roi
en Bordelais et Bazadais au XIIIe siècle


Paru dans : Sociétés et groupes sociaux en Aquitaine et en Angleterre,
Actes du Colloque franco-britannique tenu à Bordeaux
du
27 au 30 septembre 1976, FHSO, 1979, 19-55.

Telle qu’elle apparaît au milieu du XIVe siècle la société du Bordelais n’était guère différente à cette époque de celle de la plupart des autres parties du royaume. On y retrouve aussi bien les clivages juridiques entre hommes libres, qu’ils soient nobles, bourgeois ou simples tenanciers et les serfs, appelés ici questaux, de même qu’au sein de chaque groupe les hiérarchies fondées sur la fortune. Les études qui ont été faites jusqu’à ce jour n’ont attaché que peu d’intérêt aux conséquences que pouvait avoir sur la condition des individus le fait qu’ils soient ou non placés dans l’immédiateté du roi-duc. Au siècle dernier, cependant, des historiens et des chercheurs1 avaient attiré l’attention sur les hommes francs du roi-duc, un groupe de libres roturiers placés dans la directe ducale et qui bénéficiaient de ce fait pour leurs personnes et leurs biens d’une situation privilégiée. R. Boutruche, de son côté, s’était interrogé sur la nature juridique des biens détenus par ces hommes francs2. C’est surtout à l’occasion des Recogniciones de 1274 que leur existence nous est révélée en Bordelais et Bazadais, mais ils nous sont aussi connus grâce à d’autres enquêtes, celle de 1238 pour l’Entre-deux-Mers ou celle de 1311 pour la prévôté de Barsac3. Or, même en excluant d’une part tous les hommes qui vivaient dans le cadre d’une ville ou d’un village – cité, castrum, bastide, castelnau – et y possédaient la plus grande partie de leurs biens, de l’autre les bourgeois détenteurs de fiefs nobles, les hommes francs n’étaient pas pour autant les seuls roturiers libres faisant reconnaissance directe au roi. Bien qu’ils ne portent pas de noms particuliers, nombreux aussi étaient dans certaines paroisses rurales les simples roturiers pour lesquels le seigneur direct était le roi-duc.

C’est à l’étude de ce groupe des libres roturiers tenants directs du roi, au sens le plus large du terme, incluant entre autres les hommes francs mais laissant de côté nobles, détenteurs de fiefs nobles, clercs et communautés diverses que nous nous sommes attaché. Dans un premier temps nous avons limité notre recherche aux diocèses de Bordeaux et de Bazas, réservant pour une étude particulière les pays landais dans lesquels ce groupe est aussi largement représenté. Il y a peu de chances d’ailleurs pour qu’en dehors de ces limites, sauf peut-être en Agenais et sur les franges du Périgord, ce phénomène ait pu se développer dans la mesure où il est lié à la directe du roi concurrencée très vite par celle des comtes et vicomtes. Quant à la période retenue qui correspond au début du règne d’Édouard Ier (1272-1307), elle nous a été imposée par la documentation ; c’est le moment où, grâce aux Recogniciones, elle devient suffisante pour que l’on puisse appréhender le phénomène sans trop de risques d’erreurs.

Étant donnée la très grande variété des conditions à l’intérieur du groupe ainsi défini, nous avons jugé préférable de situer d’abord sur le plan géographique ceux que nous appellerons par convention les hommes du roi puis d’en préciser le nombre et la répartition4 (voir cartes).

Fig. 1. Hommes francs du roi et hommes libres du roi en Bordelais. Les noms indiqués sont ceux des paroisses et, en italique, ceux des lieux-dits dans lesquels sont attestés au XIIIe et au début du XIVe siècle des hommes du roi. En Entre-deux-Mers, lorsque ces noms ne sont précédés d’aucun signe ces hommes sont attestés en 1238 et 1274, sauf dans les cas suivants :
1. Hommes francs du roi aliénés avant 1238 ; 2. Hommes francs du roi attestés en 1238 seulement ; 3. Hommes francs du roi attestés en 1274 seulement. La carte du Cernès – sauf dans le cas du Muret – représente les hommes francs du roi, en 1274 et en plus ; 5. Hommes libres mentionnés en 1311 ; 6. Hommes libres du roi mentionnés en 1311. En Entre-deux-Mers et Cernès, les redevances indiquées sont celles mentionnées en 1274 sauf mention particulière (1311) ; 7. Hommes tenant leurs biens en franchise ; 8. En versant une queste estimée en sous ; 9. En versant une esporle ; 10. En versant un cens ; 11. En versant une esporle et un cens ; 12. En versant une redevance en remplacement d’un service militaire ; 13. En assurant un service militaire ; 14. Hommes versant un captenh ; 15. Redevances de nature différente pesant sur les mêmes hommes ; 16. Limite de diocèse ; 17. Limite d’archiprêtré.
Fig. 2. Hommes francs du roi et hommes du roi en Bazadais en 1274. 1. Hommes versant une queste estimée en sous : à gauche, sommes imposées, à droite, sommes attestées ; 2. Hommes tenant leurs biens en franchise ; 3. En versant une esporle ; 4. En versant un cens ; 5. En assurant un service militaire ; 6. Hommes versant un captenh ; 7. Redevances de nature différente pesant sur les mêmes hommes ; 8. Limite de diocèse ; 9. Limite de la prévôté de Bazas.

Si, dans le diocèse de Bordeaux, ces hommes ne se rencontrent guère que dans deux régions, en revanche, en Bazadais, la dispersion est beaucoup plus grande. En Bordelais, trois ensembles apparaissent : celui de l’Entre-deux-Mers, celui du Cernès, et celui du Born. En Entre-deux-Mers les hommes du roi sont, en 1274, répartis dans trente-deux paroisses qui constituent un groupe cohérent appuyé au sud à la Garonne du Tourne à Floirac, mais n’atteignant pas au nord les rives de la Dordogne. Si, en 1238, la situation était très sensiblement la même on note, cependant, l’absence d’une paroisse, celle de Beychac et la présence de sept autres5. Quelques années auparavant, aux environs de 1200, les hommes du roi étaient aussi présents dans d’autres quartiers des paroisses déjà évoquées6 mais aussi en Bénauge et même en Bazadais à Romagne et dans le petit pays du Blanhadès7. On peut donc estimer à au moins quarante et un le nombre des paroisses de l’Entre-deux-Mers qui, à la fin du XIIe siècle, comptaient parmi leurs habitants des hommes du roi (voir carte).

Sur la rive gauche de la Garonne ceux-ci étaient, en 1274, représentés dans un ensemble de dix-neuf paroisses, mais en 1311, seulement dans huit, toutes situées dans l’archiprêtré de Cernès et réparties pour la plupart entre les rives du Ciron en amont et celles du Gua-Mort en aval8. Le dernier groupe était celui du Born avec la paroisse de Mimizan et son annexe de Bias. Notons, enfin, qu’au début du XIIIe siècle il existait aussi des francs du roi dans la banlieue occidentale de Bordeaux, à Eysines et Mérignac, mais il n’en est plus question par la suite9 (voir carte).

À la différence du Bordelais c’est la plus grande dispersion qui règne dans le Bazadais voisin, dans lequel on ne distingue pas moins de cinq groupes d’hommes du roi : s’ils constituent sur le terrain des ensembles assez cohérents ils n’en sont pas moins parfois, nous le verrons, constitués d’éléments bien différents.

Le premier groupe, le plus important, est réparti dans treize paroisses situées aux alentours du chef-lieu du diocèse : neuf d’entre elles sont situées au nord du Ciron, mais quatre autres s’étendent sur le pays landais. Un second groupe est installé sur les terrasses de rive gauche de la Garonne principalement à Savignac et Mazerac ; un autre, un peu plus en amont, en Loutrange, à Goux, Cocumont, Tersac et Marcellus, auquel se soude, vers l’intérieur, celui de Bouglon et des paroisses voisines, dans une zone de collines dominant la rive gauche de l’Avance. Les deux dernières régions du Bazadais dans lesquelles apparaissaient les hommes du roi sont, en revanche, très excentriques ; il s’agit, d’une part, de celles de Civert et Sainte-Croix aux confins du Bazadais et de l’Agenais, au nord de la Garonne et de l’autre, dans l’enclave, des paroisses de Moustey et Saugnacq sur les bords de l’Eyre (voir carte).

L’examen de la carte suggère, d’emblée, quelques remarques. Tout d’abord, si la dispersion géographique demeure le trait le plus apparent à l’échelle des deux diocèses, elle ne saurait pour autant cacher le fait que certaines régions, telles le Médoc ou le Buch, ainsi que les pays au nord de la Dordogne, Bourgeais, Fronsadais, Blayais, Entre-Dordogne ainsi que la partie du diocèse de Bazas au nord du Drot ne possèdent pratiquement pas d’hommes du roi. En second lieu, la plupart de ces hommes résident dans des paroisses qui se trouvent situées le plus souvent dans le cadre de prévôtés (voir carte).

En Entre-deux-Mers, la coïncidence est presque complète entre la géographie des hommes du roi, en 1274 et les limites de la Grande et Petite prévôté et celles de la juridiction royale d’Ambarès telles qu’on les connaît à la fin du Moyen Âge. On peut noter aussi que les paroisses qui, entre 1200 et 1274, perdent leurs hommes francs sont précisément celles qui se trouvent en Bénauge, hors de la prévôté. Il ne peut s’agir d’une simple coïncidence, mais on ne saurait dire si les limites de la prévôté étaient ou non fixées en 1200, cette seconde hypothèse étant cependant la plus vraisemblable. En Cernès, à l’exception d’une partie de la paroisse de La Brède dont les hommes francs attestés en 1274 ne figurent pas dans l’enquête sur la prévôté de Barsac de 1311, on peut estimer que presque toutes les autres paroisses dans lesquelles se trouvent des hommes francs étaient rattachées à cette prévôté10. En Born enfin, les paroisses de Mimizan et Bias sont situées dans la prévôté de Born, jointe avant la fin du XIIIe siècle à celle de Labouheyre.

En Bazadais la situation est sensiblement la même, mais avec quelques exceptions. Ainsi, toutes les paroisses qui entourent le chef-lieu du diocèse, dans lesquelles, en 1274, résident des hommes du roi dépendaient, encore vers 1700, sauf celle de Captieux rattachée au Marsan, de la prévôté de Bazas, y compris, malgré sa situation excentrique, celle de Maillas. En ce qui concerne le Réolais, si nous ignorons quelle était la configuration de la prévôté de La Réole à la fin du XIIIe siècle, les hommes du roi de Mazerac, sur la rive gauche de La Réole aussi bien que ceux de Civert ou Sainte-Croix étaient dans sa dépendance ; mais il ne s’agit manifestement pas d’un rattachement fait à la suite d’une réorganisation administrative, comme celle qui eut lieu au milieu du XIIIe siècle. Ne voit-on pas, en effet, des hommes de Mazerac ou Puybarban déclarer qu’ils doivent apporter leurs redevances à la Tour de La Réole (turris de Regula), souvenir d’un temps où le château n’était probablement qu’une tour sur motte11 ? Les seuls cas d’hommes du roi ne résidant pas dans le cadre d’une prévôté sont en Bazadais, ceux de Savignac, des bords de l’Eyre, de la Loutrange et de Bouglon12 (voir carte).

Il existe donc une relation étroite entre l’existence des prévôtés royales et la présence d’hommes du roi13. Mais, si la plupart des hommes du roi résident dans des prévôtés royales, ce phénomène ne saurait toutefois en cacher un autre, l’absence de prévôté royale, du moins en Bordelais et Bazadais, dans les régions où il n’y a pas d’hommes du roi.

Les données dont on dispose sur l’importance numérique du groupe et sur la façon dont se répartissent ses représentants entre les diverses paroisses d’une région concernée sont beaucoup moins précises et d’interprétation beaucoup plus délicate.

En Cernès, les reconnaissances de 1274 nous font connaître les noms de 243 hommes du roi. Ce chiffre est probablement inférieur à la réalité car, dans certains cas, le nombre de ces hommes n’est pas précisé et dans d’autres, il y est seulement fait allusion14. D’autre part, le fait que ne figurent pratiquement dans les listes de déclarants que des noms d’hommes laisse supposer que le plus souvent, sinon toujours, les noms qui nous sont connus sont seulement ceux des chefs de feux. Cette hypothèse est d’ailleurs confirmée par l’enquête de 1311 qui, selon les paroisses, donne tantôt le nombre des hommes du roi, tantôt le nombre des feux libres, tantôt, dans un cas, les deux. Il s’agit de celui du quartier de La Brède dans lequel résident, en 1311, cinq représentants d’une même famille, celle des Lartiga, quatre hommes et une femme, qui tiennent cinq feux ; or, en 1274, figurent déjà six déclarants de cette même famille15. En 1311, selon que l’on compte ou non les mentions d’hommes libres ou de feux libres pour lesquels on ignore s’ils relèvent vraiment du roi16 on obtient, en mettant sur le même plan les mentions d’hommes et celles de feux, un total de 320 ou 160 mentions selon les cas. Or, le chiffre de 243 hommes du roi, en 1274, se situe au milieu de cette fourchette. On peut donc estimer, cette dernière indication étant inférieure à la réalité, qu’à la fin du XIIIe siècle il y avait en Cernès environ 250 feux d’hommes du roi représentant un bon millier de personnes.

En Bazadais, la documentation étant réduite aux Recogniciones, on ne peut se reporter qu’aux seules listes de noms figurant dans les reconnaissances. Celles-ci nous font connaître un total de 369 noms, dont 189 pour la prévôté de Bazas, 11 pour Mazerac, 21 pour Savignac, 31 pour Civert et Sainte-Croix, 23 pour la Loutrange, enfin, 91 autour de Bouglon, mais seulement deux à Moustey et Saugnacq, alors qu’au moins une partie des habitants de ces deux paroisses était concernée. Ainsi que le suggère ce dernier exemple, le nombre des hommes du roi en Bazadais devait être très sensiblement supérieur à celui qui est attesté dans les documents. Cette impression est confirmée par les allusions faites à des parçonniers17 et par le cas particulier des francs de la prévôté solidaires du versement d’une queste de 20 livres. Nous connaissons, en effet, les noms de 148 d’entre eux mais, comme la somme pour laquelle ils cotisent dépasse à peine 10 livres, il est probable qu’une bonne partie des représentants de ce groupe ne figure pas dans les Recogniciones18. Si l’on admet, comme dans le Cernès voisin, que les noms qui nous sont connus sont ceux de chefs de famille on peut estimer que l’effectif des hommes du roi en Bazadais devait dépasser les deux mille individus.

Il eût été intéressant de comparer ces données avec celles fournies par l’ensemble du diocèse de Bordeaux. Malheureusement, le Cernès mis à part, on ne saurait, même de façon approximative, évaluer le nombre d’hommes du roi dans le reste du Bordelais. En Entre-deux-Mers, en effet, l’enquête de 1238 ne nous est dans ce domaine d’aucun secours ; quant aux données fournies par les Recogniciones elles sont d’un intérêt bien inégal. Ainsi, sur un ensemble de 29 paroisses participant au versement d’une queste dont nous connaissons la quote-part de chacune, c’est seulement pour trois d’entre elles Yvrac, Quinsac-en-Barès et Sainte-Eulalie que nous avons pu relever le nom de certains cotisants qui sont au nombre de vingt et un19. Pour le reste de l’Entre-deux-Mers, on arrive à un ensemble de 113 hommes du roi sans compter leurs parçonniers20. À partir de données aussi incomplètes on ne saurait donc avancer le moindre chiffre. Il en est de même pour le pays de Born. On peut, cependant, estimer que le nombre des hommes du roi en Bordelais ne devait pas être inférieur à celui du Bazadais voisin, ce qui nous donnerait pour l’ensemble des deux diocèses un groupe d’au moins quatre mille personnes.

Les renseignements détaillés dont on dispose pour les paroisses du Cernès et celles de la prévôté de Bazas permettent, d’autre part, d’affiner dans ces deux cas la géographie des hommes du roi. On constate, ainsi, que dans la prévôté de Bazas la moitié des hommes francs est regroupée dans deux paroisses, celles de Cudos et de Bernos, qui sont, il est vrai, parmi les plus vastes de la juridiction. En Cernès, c’est sur les rives du Ciron et celles du Gua et de la Garonne que sont surtout établis les hommes francs. Parfois, il est d’ailleurs possible de localiser à l’intérieur d’une paroisse le quartier dans lequel ils résident21. Ces précisions présentent d’ailleurs un intérêt qui dépasse largement celui de la microgéographie, car elles tendent à prouver que les hommes du roi étaient parfois attachés – casati disent d’ailleurs les textes – à une terre. Quant à savoir quelle proportion de la population les hommes du roi pouvaient représenter sinon dans une région du moins dans une paroisse, ce n’est que dans le pays de Cernès que l’on peut tenter une approche de la question, à partir de l’enquête de 1311. On y constate que, sur un total de 21 paroisses recensées pour l’ensemble de la prévôté, ce n’est que dans huit d’entre elles que sont explicitement mentionnés des feux d’hommes libres du roi : le pourcentage de feux de cette catégorie varie de 6 % à Hostens, à 14 % à Cérons mais atteint 63 % à Preignac et même 74 % à Pujols. Faute de données suffisamment précises il n’est malheureusement pas possible de donner un pourcentage même approximatif pour l’ensemble de la prévôté. Mais une impression demeure, c’est que le groupe des hommes libres du roi constituait en Bordelais et Bazadais, en raison de son implantation en quelques points précis, un groupe dont l’importance pouvait être localement de tout premier plan.

Cette présentation géographique et statistique ne saurait dissimuler la très grande variété de conditions qui existe parmi les hommes du roi, même au sein d’une région donnée. Elle se manifeste, d’abord, à travers les noms qui servent à les désigner, puis, en fonction de la nature et de l’importance des biens tenus du roi, enfin, au niveau des redevances et services que ces hommes versent ou font au roi-duc. Cependant, dans chacun de ces trois domaines, des points communs apparaissent qui permettent de cerner progressivement des groupes aux composants relativement homogènes, dont la géographie chevauche parfois celle des ensembles régionaux que nous venons d’évoquer.

Sur le plan de la terminologie deux groupes s’opposent avec netteté. Le premier, de loin le plus important, correspond à celui des tenants du roi qui portent dans les documents un qualificatif propre, le plus souvent celui “d’homme du roi”. En 1274, il s’agit en Bordelais de la totalité ou presque des hommes du Cernès et en Entre-deux-Mers, de ceux de Beychac et des 29 paroisses participant à la queste de 40 livres, enfin de certains hommes du Born ; en Bazadais, des hommes de Savignac et de ceux qui participent solidairement au paiement de la queste de 20 livres.

En Cernès, aussi bien en 1274 qu’en 1311, la terminologie utilisée présente une grande homogénéité ; on relève, tout au plus, quelques nuances. En 1274, la plupart des déclarants se qualifient d’homines francales domini regis, parfois même d’homines ligii franci ou francales22. Si on rencontre la formule homines domini regis, ceux qui sont ainsi désignés affirment toutefois être tenus aux mêmes devoirs que les autres hommes francs de la prévôté23. Les seuls hommes du roi en Cernès qui, en 1274, ne portent aucun titre sont ceux de la “comtau” de Castres et Portets qui ne sont que de simples usagers ; mais les hommes d’une autre “comtau”, celle de Cabanac, sont bien des homines francales. Cette unité dans la terminologie se retrouve de façon encore plus systématique en 1311. Dans cette enquête tous les hommes libres tenants directs du roi sont, en effet, qualifiés d’homines liberi domini regis ; seuls portent cette fois un nom particulier les hommes de la “comtau” de Castres devenus des homines regis de terra comitali. Homo francalis et homo liber sont donc synonymes. Quant à l’existence, d’une terminologie apparemment homogène, pour désigner, en Cernès les hommes du roi elle constitue un facteur d’unité que l’on ne retrouve pas dans les autres régions.

En Entre-deux-Mers, en effet, s’il existe encore en 1238 une certaine unité entre tous les hommes du roi, en 1274, en revanche, elle a disparu. Au début du XIIIe siècle tous les roturiers tenants libres du roi sont qualifiés de “laboradors” ou encore de “pititz” par opposition aux “cavaleys”. Mais les hommes du roi sont aussi qualifiés de “francx del seynhor rey” de “francx e liberaus” ou encore de “propries francx del rey”24. L’enquête de 1238 distingue d’ailleurs plusieurs catégories au sein de ces hommes francs, en fonction des redevances ou services payés ou rendus au roi25. À côté des hommes participant à la queste on trouve ainsi ceux qui “deben certans reyratges annuaus” et les “hommes del seynhor rey debent exercitut o ost”. Or, si en 1274, les hommes de la queste se qualifient encore de liberi ou d’homines minores26, expressions qui rappellent celles du début du siècle, en revanche les représentants des deux autres groupes ne portent plus de nom particulier. Par contre, les hommes de Beychac attestés seulement en 1274 se déclarent pour leur part “francaus” et ceux de Mimizan “francales27. C’est aussi le cas des hommes du Bazadais participant à la queste de 40 livres qui se disent homines francales domini regis28. Ailleurs, on rencontre parfois des expressions plus simples : liberi à Savignac29 homines regis à Saugnacq30 et Moustey. De toute façon il ne s’agit là que de nuances et, comme en Cernès, on peut considérer tous ces termes comme synonymes.

En 1274, même si leur nombre avait pu diminuer depuis le début du siècle, les hommes libres ou francs du roi constituaient donc et de loin le plus important groupe parmi les roturiers tenants directs du roi-duc. À cette date, à côté de certains tenants de l’Entre-deux-Mers, anciens hommes francs d’ailleurs, seuls les hommes du Réolais, de la Loutrange et de Bouglon ainsi que ceux de quelques paroisses de la prévôté de Bazas ne portent, en effet, aucun titre particulier31.

Les relations entre le roi-duc et ses hommes reposaient sur des bases réelles dans la presque totalité des cas. Le plus souvent les hommes du roi déclarent tenir de lui uniquement des biens fonciers, encore que la formule “tout ce que” n’exclue pas des droits d’usage ; il s’agit en Bordelais, de tous les hommes de l’Entre-deux-Mers, sauf ceux de la queste et d’un petit groupe de francs du Cernès32 en Bazadais de la presque totalité des tenants qu’ils soient francs ou simples tenants. Parfois, surtout en Cernès, s’ajoutent à la possession des biens-fonds des droits d’usage sur des padouens, mais on rencontre aussi des exemples isolés tels ceux des hommes de la queste en Entre-deux-Mers, des francs de Bernos et de quelques tenants de Loutrange33. En revanche, les exemples d’hommes qui détiennent seulement des droits d’usage sont très rares : en 1238 et 1274 des habitants de La Sauve ; en 1274, un groupe de quatorze personnes à Barsac et un homme en Loutrange34. À vrai dire les membres de la “comtau” de Cabanac ou de celle de Portets et Castres pourraient être rangés dans cette catégorie : mais probablement dans le premier cas, en toute certitude dans le second, ces “comtaus” pour être juridiquement usagères n’en comportent pas moins des terres et des vignes, ce qui implique, même si elle n’est peut-être que temporaire, une appropriation individuelle du sol35. Il n’y a rien de toute façon dans un tel tableau qui permette de distinguer les possessions des hommes du roi de celles de n’importe quel tenancier libre.

Or, à côté de ces nombreux exemples, on rencontre en Cernès des francs qui mettent en avant le fait qu’ils tiennent leur corps ou leurs personnes du roi, soit seuls, soit associés à des biens-fonds et des droits d’usage, soit seulement à des droits d’usage36. Ils représentent 16 % des francs du Cernès en 1274. On serait tenté de voir dans ces déclarants une catégorie particulière d’hommes francs, mais un examen plus détaillé des reconnaissances prouve qu’il n’en est rien. Parmi ceux qui déclarent tenir leurs corps du roi on rencontre, en effet, des membres de communautés taisibles qui, n’ayant pas de biens propres à déclarer, car c’est un autre membre de la communauté, père, frère ou parent qui en est le portant, ne veulent pas pour autant que leur qualité de franc soit ignorée : ainsi, à Saint-Morillon, sur les trois frères de la famille Esclau, l’un déclare tenir ses biens du roi, les deux autres seulement leur personne37. D’autre part, si certains francs qui tiennent leur corps du roi, ainsi que des padouens, affirment que leurs terres et stagia relèvent d’autres seigneurs38 on en connaît d’autres qui, bien qu’ils ne détiennent aucun bien-fonds du roi, ne font cependant aucune allusion à la dépendance dans laquelle pourrait se trouver leur personne : ainsi, tel franc de La Brède qui déclare payer une taxe d’ost sur sa tête ou encore ces quatre francs de Cudos qui versent seulement un droit afin que le roi les protège39. Enfin, en 1311, aucune distinction n’apparaît parmi les hommes libres de la prévôté de Barsac, qu’eux-mêmes ou leurs ancêtres aient ou non déclaré, en 1274, tenir leur personne du roi. On ne saurait dans ces conditions attacher une signification particulière au fait que certains francs qui déclarent tenir des biens-fonds et des padouens du roi ou seulement des padouens y ajoutent aussi leur personne. Le fait que cet usage soit limité au Cernès nous incite à n’y voir qu’une formule, justifiée d’ailleurs lorsque le franc ne tient rien du roi ou seulement des droits d’usage et destinée à souligner la qualité d’homme du roi. Il est indiscutable, néanmoins, que si la presque totalité des hommes du roi sont ses tenanciers ou les usagers de ses padouens, certains n’étaient que ses protégés40.

Lorsqu’on tente de cerner la fortune foncière de ces hommes on se heurte à de multiples difficultés : dans plus de la moitié des cas les biens ne sont, en effet, décrits qu’à travers des formules très générales. Trop souvent aussi on ignore le nombre de personnes concernées : s’il arrive que certaines reconnaissances soient faites à titre individuel, comme c’est assez souvent le cas en Bazadais ou bien en Cernès41 dans d’autres cas elles se situent au niveau de groupes familiaux d’importance tout à fait variable42. Il n’est pas du tout certain, enfin, que les biens éventuellement tenus d’autres seigneurs que le roi soient toujours mentionnés. Ce n’est de toute façon qu’en Cernès et en Bazadais qu’il est possible, à partir des reconnaissances, de se faire une idée du patrimoine des hommes du roi.

En Bazadais, si l’on considère d’abord le groupe constitué par tous les hommes du roi dans ce diocèse, à l’exclusion de ceux qui participent à la queste de 20 livres, on constate que, sur 137 reconnaissances43 dans 58 % des cas on ne dispose d’aucun renseignement sur la nature ou l’importance de leur contenu. Pour les 42 % restant on relève 40 % de reconnaissances portant sur des ensembles comprenant des terres, vignes, bois ou prés ; 33 % concernant de modestes parcelles de nature diverse ; 12 % des stagia, que l’on peut considérer comme des exploitations ; 8 % des cens et autant de droits sur un bois ; enfin, des exemples isolés de “casal” ou “d’affar”, sans doute les lots les plus importants. Ce n’est que dans 19 cas – 13 % des reconnaissances – qu’il est fait mention de biens tenus d’autres seigneurs que le roi.

Les reconnaissances faites par les francs de la prévôté de Bazas versant la queste s’élèvent de leur côté à 73. Pour la moitié d’entre elles on ignore, comme pour le reste du Bazadais, quel en était le contenu44. Pour l’autre moitié, dans 56 % des cas il s’agit de stagia, dans 18 % de casals et 18 % encore d’ensembles dont il y a tout lieu de penser qu’ils constituaient de véritables exploitations45 enfin, dans seulement 6 % des cas, de parcelles isolées46. D’autre part, dans 57 % des cas les hommes francs déclarent tenir des biens d’autres seigneurs que le roi, mais parfois il s’agit de lots relativement importants.

En Cernès, sur 67 reconnaissances qui apportent des renseignements suffisamment précis, 17 % concernent des stagia, 25 % des ensembles sans doute assez vastes, mais 58 % ne font état que de parcelles parfois extrêmement petites.

On ne saurait tirer de conclusions définitives de données qui ne portent au plus que sur la moitié de la documentation. On notera les analogies qui existent entre le Bazadais – en dehors des hommes de la queste – et le Cernès : grand nombre des petits lots, faible proportion des stagia. En revanche, dans 90 % des cas les hommes francs du Bazadais seraient à la tête de patrimoines relativement importants, même si, pour environ la moitié, les détenteurs ne sont pas des individus mais des communautés familiales. Ailleurs, on se trouverait en présence de situations plus variées ; mais tout est loin d’être clair dans les reconnaissances de 1274. Si l’on prend, par exemple, le cas des francs de Barsac, on est confronté à des problèmes insolubles ; en effet, sur 47 déclarants, trente ne possèdent que des parcelles de quelques sadons ou quelques règes et aucun n’appartient au groupe des francs qui détiennent des biens d’autres seigneurs que le roi47. Doit-on considérer que la documentation dont on dispose est pleine de lacunes, ou bien ces hommes tirent-ils la plus grande part de leurs revenus de l’usage des padouens ou bien d’autres activités ? Il est impossible de le savoir.

S’il existe donc parmi les hommes du roi une assez grande diversité de situations fondée sur la fortune, elle n’est en rien comparable à celle qui apparaît au niveau des services et redevances auxquels ces hommes sont tenus envers leur seigneur. On peut, en effet, partant de ces critères, les répartir en cinq groupes principaux.

Le premier est constitué par les hommes francs qui ne versent au roi aucune redevance pour ce qu’ils tiennent de lui, biens-fonds ou droits d’usage : c’est le cas des francs de Beychac en Entre-deux-Mers ; celui de la plupart des francs du pays de Cernès et d’une communauté de Maillas en Bazadais48.

Le second comprend les hommes qui contribuent au paiement d’une queste pour laquelle ils sont solidaires et qu’ils répartissent entre eux, soit par paroisses puis par feux ou directement par feux ou groupes familiaux. Il s’agit d’abord des hommes de la questa regis de l’Entre-deux-Mers qui doivent chaque année une somme de 40 livres payable au prévôt, à La Sauve, entre Saint-Michel et Toussaint. L’enquête de 1238 et la reconnaissance de 1274 donnent la liste de ces paroisses et le second document indique la quote-part de chacune d’elles49. Bien que le terme de questa ne soit utilisé qu’une seule fois chez les hommes francs de la prévôté de Bazas et si, à Mimizan en Born, il n’est question que d’un cens (census), il semble que l’on se trouve dans ces deux cas en présence d’une redevance du même type que la précédente50. En effet, les hommes du Bazadais déclarent tous devoir contribuer “aux 20 livres que tous les francs du Bazadais doivent et paient à Bazas à la Saint-Michel ou dans l’octave au prévôt de Bazas”. Quant à ceux de Mimizan ils sont solidaires dans le versement au roi de 300 sous morlans le jour de la Saint-Jean-Baptiste.

À ces deux premiers groupes parfaitement homogènes s’oppose celui constitué par les hommes qui versent au roi soit un cens, soit une esporle, soit les deux. Les esporles seules se rencontrent en Cernès, en Entre-deux-Mers, à Taleyzon et à Bouglon en Bazadais. Il peut s’agir d’esporles en argent51 ou en nature mais, dans ce cas, elles ne manquent pas de pittoresque : un groupe de paroissiens de Haux verse ainsi à mouvance de seigneur une vache variable (vaca vaira) et un cercle de volailles52 ; les hommes de la “comtau” de Portets et Castres présentent de leur côté au nouveau sénéchal de Gascogne, où qu’il se trouve à Bordeaux, trois porcs pelés et préparés, de ceux que l’on trouve sur le marché de la ville, un gros, un moyen et un petit, ainsi gue quarante pains blancs bordelaise53. Le nom de cornagium donné à cette redevance est certainement à mettre en relation avec le fait que les terres de la “comtau” étaient surtout utilisées comme terrains de parcours pour le bétail. Un dernier exemple est fourni par les membres de la commestio d’Argenton qui sont tenus d’offrir au roi à mouvance de seigneur à lui-même et à cent chevaliers un festin composé de pain, vin, viande de bovin et de porc, choux et moutarde, volaille rôtie aux oignons et au verjus, mais sans fourniture de foin, d’avoine ni de chandelles54.

Payant une esporle et un cens nous n’avons recensé que les représentants de la famille de Bosc à Saint-Morillon ainsi que les membres de la “comtau” de Cabanac, deux paroisses du Cernès55.

En revanche, les tenants du roi qui sont seulement astreints à lui verser un cens sont relativement nombreux. On les rencontre surtout en Cernès, en Entre-deux-Mers, en Bazadais et en Born. En Cernès, sont seulement attestés en 1274 les hommes de Saint-Martin-de-Got qui doivent au prévôt de Barsac 5 s. de cens, mais d’autres apparaissent en 1311, à Barsac et Cérons : les uns versent 3 d., les autres 12 d.56.

En Entre-deux-Mers, par contre, l’enquête de 1238 nous fait connaître une catégorie particulière de francs qui doivent certains “reyratges” annuels en argent ou en nature : ils résidaient alors dans les paroisses de Saint-Hilaire, Lestiac, Langoiran et Saint-Loubès et payaient respectivement 5 s., 10 s. et 20 s. Les hommes de Saint-Loubès sont les seuls à être encore attestés en 1274, mais, en 1311, apparaissent des hommes de Baron qui paient 18 chapons et un autre habitant de cette paroisse qui verse 12 d. de cens57. Des francs participant à la queste de 40 livres versaient par ailleurs des cens. Il s’agit d’abord de ceux de Bonnetan qui doivent en payer 8 s. à la Saint-Hilaire et de ceux de Quinsac-en-Barès qui étaient tenus d’apporter à Bordeaux à leur prévôt, la veille de Noël, dix-sept chapons de redditus58. En Born et en Blayais on retrouve des redevances identiques dans des reconnaissances faites par des habitants de Mimizan et de Bias, et de Saint-Christoly59.

Mais c’est en Bazadais que les charges annuelles sont les plus nombreuses et les plus variées. À Mazerac, il s’agit dans sept cas d’une somme de 12 d. bord, et à Puybarban, pour une reconnaissance collective de 20 s. bord. Cette somme est qualifiée une fois de “corrage” une autre “d’oublies”, mais le reste du temps ne porte aucun nom particulier60. Dans la paroisse voisine de Savignac chacun des hommes libres est tenu de verser une poule à Noël61. La situation est un peu plus complexe dans le Nord du Bazadais et en Loutrange : dix-neuf habitants de Sainte-Croix se déclarent tenus en 50 s. et 5 s. pour une stagia, payables au château de La Réole à Saint-Michel62 ; seize autres personnes de Civert pour diverses parcelles de terre et de prés doivent verser de leur côté, sauf dans un cas, des oublies dont le montant varie de 2 d. à 18 d. – 10 d. en moyenne – assorties du 1/8 du grain63. En Loutrange, les tenants du roi versent des redevances tantôt en nature, six cas, tantôt en argent, une fois, tantôt sous les deux formes, deux fois. Celles en nature sont constituées de froment d’avoine et de vin ; celles en argent sont qualifiées d’oublies et s’élèvent à 12 d., 2 s. 6 d. et 12 d.64. Dans la région de Bazas, enfin, divers tenants versent aussi des cens. Il peut s’agir soit d’hommes qui ne paient au roi que ces redevances, soit de francs qui contribuent par ailleurs à la queste mais qui, pour certains de leurs biens qui ne sont pas concernés par la queste, versent en plus un droit spécifique. Dans le premier groupe figurent des hommes de Bernos, Gajac, Tontoulon, Taleyzon, Trasits, Brouqueyran et Saint-Jean-de-Goutz65 ; quant au second il est constitué par des hommes d’Artiguevieille, Bernos, Pompéjac et Cudos qui versent des redevances qualifiées de “fief”66.

Parmi ces cens il importe de faire un sort particulier à ceux qui étaient versés en échange d’un droit d’usage ; l’enquête de 1238 pour l’Entre-deux-Mers distingue d’ailleurs parmi les francs ceux qui versent un “us”. Il s’agit des hommes de La Sauve qui doivent fournir chaque année sept chars de “leynha e de busca” pour fabriquer des cercles. En 1274, leurs successeurs associés à des hommes de Lombaud devaient aussi apporter chaque année au port de Cambes, pour l’usage du bois de Trena, sept chars de cercles. On peut rapprocher de ces exemples ceux des hommes des “comtaus” de Cabanac, Portets et Castres ou encore celui des usagers du bois du Perer, à Cocumont en Loutrange67.

La plupart des redevances que nous avons rangées sous la rubrique de cens et esporles sont désignées comme telles dans les documents ou bien par des termes synonymes tels que ceux d’acapte ou d’oublies. Il ne fait aucun doute qu’elles ne diffèrent pas des charges habituelles qui pèsent sur des censives et, de ce fait, elles ont un caractère spécifiquement foncier. Il est des cas, cependant, pour lesquels on est en droit de les interroger sur la nature exacte de telles redevances : il s’agit par exemple du repas offert par les membres de la commestio d’Argenton. Le fait qu’il soit dû à mouvance de seigneur et qu’il emporte seigneurie permet certes de l’assimiler à une esporle, mais par son nom, commestio, son contenu, un repas, il fait songer à une aubergade. Qu’étaient-ce, d’autre part, que ces 12 d. de “corrage” que verse un homme de Mazerac68 ? Certains tenants de la même paroisse parlent seulement de 12 d. d’oublies69, mais, dans un autre cas, il est question d’un versement de 12 d. et amparamenta70. Ne s’agirait-il pas en réalité de deux redevances de même nature ? En effet dans un autre document concernant toujours la même localité, dans lequel cette redevance de 12 d. ne porte aucun nom particulier, il est précisé que le roi ou son prévôt doivent en échange protéger les biens des déclarants : imparare predicta71. D’autre part, les quatre francs de Cudos qui ne tiennent rien du roi lui versent par groupe de deux 2 s. de cabernio et amparantivo, à charge pour le roi de les protéger de toute injure72[72]. On est ainsi enclin à rapprocher le terme de “corrage” de l’expression cabernium et amparantivum et d’en faire des synonymes. Il est en revanche certain que le cabernium et amparativum correspondent au captenh ou capdennium versé par les hommes francs de Cursan, Lombaud et Le Pout. Il s’agit d’une somme de 20 s. pour Cursan et de 8 s. pour les deux autres paroisses payables in adventu regis73. Certes cette redevance est qualifiée d’esporle, aussi bien en 1238 qu’en 1274 et la périodicité de son versement semble confirmer cette attribution. Mais, en plus de la ressemblance des termes cabernium capdennium, ce que l’on sait du captenh en fait une redevance destinée, elle aussi, à assurer une protection : ne le rencontre-t-on pas dans des formules telles que sub capitennio et amparantio, protectione et custodia74 ? D’ailleurs, l’enquête de 1238 précise que le captenh aurait été établi en Entre-deux-Mers “per la protection e deffencion” des hommes francs de certaines paroisses75. Quels que soient les noms qu’elle porte et les modalités de sa perception on se trouve donc, en toute certitude à Cudos et en Entre-deux-Mers et vraisemblablement à Mazerac, en présence d’une même redevance d’origine banale assurant protection et sauvegarde76. Dans la mesure où parfois – comme à Cudos – elle est versée par des hommes qui ne tiennent rien du roi, mais qui lui sont néanmoins attachés, elle constitue un élément d’appréciation intéressant pour toute enquête sur les origines des hommes du roi.

Aux trois ou quatre catégories que nous venons d’évoquer, selon que l’on fait ou non un sort particulier aux hommes qui versent un droit de protection, il faut, enfin, ajouter celle des hommes qui sont tenus envers le roi soit à un service militaire, soit au versement d’une redevance en équivalence. Il convient, cependant, de préciser que ce service ou cette redevance sont assurés ou versés à raison des biens tenus du roi et non, ainsi que nous le verrons par la suite pour d’autres cas, en tant que service public rendu parfois par tous les hommes d’une prévôté qu’ils soient ou non tenants du roi et parfois même par des serfs. Tout à fait caractéristique est à cet égard la déclaration des représentants de la famille de Lartiga à La Brède qui estiment que la somme qu’ils paient en équivalence du service militaire les dispense des autres devoirs (alias jura facere non tenentur) qui ne sont malheureusement pas précisés77. En Entre-deux-Mers, dès 1238, l’enquête fait état des hommes qui doivent “exercitut o ost” qui résident à Saint-Germain, La Ramonga à Pompignac, Tresses-Mélac, Sallebœuf, Balentinhan à Nérigean, Camiac et Croignon78. Ceux des quatre premières localités réapparaissent en 1274. Il s’agit chaque fois d’une communauté de parçonniers qui doivent au roi-duc un service qui ne diffère pas de celui dont serait redevable un détenteur de fief noble : un chevalier à Tresses ; un homme avec un couteau et deux javelots, à Pompignac ; un sergent avec un ronçin et une lance à Saint-Germain, un “armiger” à Nérigean. À Sallebœuf, où il est seulement question d’un service d’ost, mais où des nobles sont associés aux roturiers, il ne peut s’agir que d’un service à cheval accompli par l’un d’eux. Il semblerait d’autre part qu’à Gajac en Bazadais une partie des habitants de la paroisse ait tenu ses biens du roi au devoir d’un service d’ost de six sergents79.

Parfois, ce service était remplacé par le paiement d’une redevance à chaque levée de l’ost : ainsi, en Entre-deux-Mers, quatre habitants de Tabanac et trois autres de Haux devaient à cette occasion au prévôt deux ferratura, une pour un cheval et une autre pour un palefroi80. En Cernès, les alleutiers de La Brède versaient chacun au châtelain de Bordeaux chaque fois qu’il mandait l’ost 6 d. pour leurs biens-fonds et six autres pour les padouens81. Les Lartiga de la même paroisse payaient de leur côté 20 d. au prévôt de Barsac chaque fois que le roi mandait l’ost82. Bien qu’ils ne soient pas très nombreux, ces exemples n’en sont pas moins fort intéressants, car on les rencontre dans toutes les régions où se trouvent des hommes du roi.

Les redevances et services que nous venons d’évoquer ont deux points communs entre eux : le plus souvent, mis à part les cas du “captenh” et de certains cens supplémentaires, ils s’excluent les uns les autres ; d’autre part, ils constituent, à la fin du XIIIe siècle du moins, le lien spécifique entre le roi et ses hommes. Si certains hommes du roi, tels ceux de Beychac ou les francs du Cernès, ne lui versent aucune de ces redevances, il ne s’agit, à la limite que d’un cas particulier, à moins que ce ne soit le contraire. De toute façon, s’il existe, allons-nous voir, d’autres obligations auxquelles sont tenus les hommes du roi, elles ne leur sont pas propres, même lorsque pour certains d’entre eux qui ne paient ni cens ni esporle et ne font pas de service militaire “noble” – hommes de Beychac et francs du Cernès – elles constituent le seul aspect apparent du lien qui les attache au roi. Ces charges et obligations ont un caractère territorial et, à l’exception des lods et ventes que le roi-duc pouvait percevoir en tant que seigneur foncier, elles ressortissaient à la seigneurie banale ou à la mouvance ; elles ne sont pas en tout cas spécifiques de l’appartenance au groupe des hommes du roi et, à la limite, concernent tous les habitants d’une prévôté conçue en tant que juridiction.

Avant tout, on se doit d’évoquer le serment de fidélité prêté en principe lors de l’entrée en fonction d’un nouveau représentant du roi. Il est attesté en Entre-deux-Mers où les hommes de la queste précisent qu’ils doivent le prêter comme le populus burdegalensis83. En Cernès, même si cette obligation n’est indiquée qu’épisodiquement, il ne fait pas de doute que tous les francs étaient tenus de faire serment de fidélité ou de jurer la paix à mouvance de prévôt, à Barsac84. Les francs de la prévôté de Bazas sont aussi tenus à ce serment envers le prévôt de Bazas, de même que les hommes de Puybarban et de Sainte-Croix envers celui de La Réole. Si, dans certaines déclarations, il n’est pas fait état de cette obligation, il ne peut s’agir, sauf peut-être lorsque les hommes du roi ne sont pas rattachés à une prévôté structurée comme à Moustey ou en Loutrange, que d’un oubli.

C’est, d’autre part, en échange de ce serment que le prévôt doit de son côté s’engager à protéger les hommes du roi de toute injure et violence venant de lui-même ou d’autrui : attesté dans la prévôté de Bazas où il est prêté le premier et dans la juridiction d’Ambarès85 ce serment prend parfois une forme particulière. Dans certains cas, en effet – ceux des hommes de la “comtau” de Castres ou des alleutiers de La Brède, celui aussi de certains francs de Cudos – c’est en échange d’une redevance propre ou non et de services généraux ou particuliers que le roi est tenu par l’intermédiaire de son prévôt de protéger ceux qui se réclament de lui86. On en arrive ainsi au cas du service de protection assuré moyennant le versement d’un “captenh” ou celui d’une redevance du même type qui constitue, parfois, comme à Cudos et La Brède le seul lien matériel entre le roi et ses hommes.

Or, il ne fait pas de doute que, lorsqu’un prévôt prend possession de sa charge, ou lorsqu’un seigneur est investi d’une seigneurie banale, tous les habitants, quel que soit leur seigneur foncier, sont tenus de faire serment de fidélité ; en échange, le prévôt ou le seigneur prend l’engagement de protéger les habitants. Il semblerait donc, à la lumière des cas particuliers évoqués précédemment, que le serment des hommes du roi n’était pas exactement de même nature que celui que prêtaient les autres habitants de la prévôté, à l’exception bien entendu des détenteurs de fiefs. Pour les uns et les autres il s’agissait d’un serment fait au détenteur de la puissance publique mais, dans le cas des hommes du roi, s’y ajoutait un élément personnel. Lorsqu’un homme du roi ne détenait aucun bien de celui-ci – ce qui était le cas des hommes de Cudos et peut-être aussi celui de certains hommes de Mazerac – il n’y a rien d’étonnant à ce que ce serment ait été accompagné du paiement d’une redevance particulière afin qu’il n’y ait aucun doute sur le devoir de protection qui, en échange, incombait au roi.

En revanche, pour tous les hommes du roi rattachés à une prévôté qui sont, avons-nous vu, les plus nombreux, les obligations auxquelles ils sont assujettis en matière de justice, de service militaire ou d’aubergade ne leur sont que rarement spécifiques mais concernent en principe tous les habitants de cette juridiction.

Le roi était ainsi seul haut et bas justicier dans ses prévôtés. Pour celle de Barsac dont nous connaissons avec précision la géographie judiciaire en 1311, les seuls habitants échappant à sa juridiction étaient, pour la haute justice les hommes des Albret et ceux des Calhau de Podensac, et, pour la basse, ceux des seigneurs de Landiras, Gabarret, La Lande, et Rions87. Tous les hommes du roi résidant dans une prévôté étaient donc ses justiciables, mais il en était de même de ceux qui, apparemment du moins, n’étaient pas rattachés à une juridiction royale.

En Entre-deux-Mers, même si les hommes de Saint-Loubès et ceux de la queste sont les seuls à le reconnaître de façon explicite, dans presque tous les autres cas les hommes du roi déclarent qu’ils sont tenus de comparaître en justice devant le prévôt à Bordeaux, ou à La Sauve pour les hommes de la queste au-delà du Gestas88. Les alleutiers de la prévôté d’Ambarès avaient affaire à un prévôt particulier qui tenait ses fonctions à fief du roi, mais, en cas de différend avec le roi-duc lui-même, le prévôt devait conduire les intéressés au château de Bordeaux89. En Cernès, si dans seulement dix cas les francs reconnaissent que le roi-duc exerce sur eux haute et basse justice, l’enquête de 1311 est en revanche formelle à cet égard. La comparution se faisait normalement devant le prévôt de Barsac, mais parfois il pouvait s’agir aussi du châtelain de Bordeaux90, ou du sénéchal de Gascogne91. En Bazadais, sous des formulations diverses, les francs de la prévôté affirment de leur côté que le prévôt exerce sur eux toute justice92, mais d’autres hommes, aussi divers que ceux de la commestio d’Argenton, ceux de Puybarban ou de Sainte-Croix reconnaissent aussi devoir faire droit devant le représentant du roi, le prévôt de La Réole dans les deux derniers cas93. Il est d’autre part précisé parfois que les hommes du roi doivent fournir des fidéjusseurs à tout mandement du prévôt : rare en Bazadais et en Entre-deux-Mers où on ne la relève que pour Maillas et la juridiction d’Ambarès, cette mention est plus fréquente en Cernès94.

Autant la situation est claire en matière de justice autant, allons-nous voir, elle pose des problèmes en ce qui concerne le service militaire et les aubergades. Faute d’une documentation suffisante on ignore en effet parfois quelle était la situation des hommes du roi dans ce domaine, aussi bien d’ailleurs que celle des autres habitants dans le cas d’une prévôté. Il est possible, cependant, de se faire une idée de la situation.

En ce qui concerne le service militaire les hommes de la queste de l’Entre-deux-Mers déclarent, en 1274, qu’ils doivent l’ost selon ce que les homines minores peuvent et doivent faire95. L’enquête de 1238 précise en quoi consistait le service dû par ceux qui sont qualifiés de “pititz” ou de “laboradors”. Le roi ne pouvait leur demander l’ost, comme d’ailleurs ses propres vassaux à leurs “laboradors” – entendons par là leurs tenanciers libres – que dans des circonstances et selon des modalités qui en restreignaient singulièrement le poids. Lorsque le roi ou son sénéchal ayant lancé un assaut contre une cité, un bourg ou un château avec l’aide de ses chevaliers et du commun des cités et bourgs se trouvait dans l’obligation de faire un siège, quand celui-ci était commencé, mais non avant, les “laboradors” du roi alors convoqués devaient “faire ce que des hommes rudes et sans armes sauront et pourront faire” : sans doute faut-il entendre par là le transport, les terrassements, la recherche du ravitaillement, le génie et l’intendance en quelque sorte. La seconde éventualité dans laquelle les “pititz” étaient tenus d’intervenir était celle d’appel au secours ou “biahora”. Ce cri qui invitait les habitants à sortir de leurs maisons face à un danger immédiat était lancé contre les malfaiteurs se livrant à des attaques ou des vols, mais sans doute faut-il entendre par là des seigneurs se livrant à des pillages et autres malversations96. En Cernès, les hommes francs déclarent de leur côté, en 1274, qu’ils doivent suivre le prévôt en armes (sequi cum armis), donc éventuellement sans limitation du nombre de fois, mais uniquement dans le cadre de la prévôté (per preposituram)97. Il est parfois précisé que pendant la première journée l’homme franc faisait campagne à ses frais, les autres à ceux du prévôt98. L’appel du prévôt avait lieu chaque fois que des violences et injures étaient faites à sa personne autrement dit au dominium du roi99. Comme en Entre-deux-Mers c’est au cri de “Biahora” qu’avait lieu le ralliement100. Dans ces deux cas, aussi bien que dans ceux des hommes de Haux et de Beychac qui parlent “de faire ost”101 il ne s’agit donc que d’un service défensif accompli par des roturiers avec des moyens parfois rudimentaires.

En revanche, nous sommes plus perplexe en ce qui concerne le service dû par les francs de la prévôté de Bazas. En effet, ils sont tenus de faire “ost” de la même façon que la ville de Bazas102, c’est-à-dire à raison d’un homme par feu103. Mais le fait que dans la reconnaissance des bourgeois de Bazas au roi-duc figurent les modalités de partage des prisonniers et du butin suggère qu’il s’agissait d’un service assuré peut-être à pied, mais qui pouvait mener les hommes loin de la seigneurie pour de véritables expéditions guerrières104. On peut rapprocher de cet exemple celui des hommes francs de Savignac qui doivent eux aussi “ost et chevauchée et venir à son mandement (du roi) jour et nuit”, et peut-être aussi celui des hommes de Saugnacq et Moustey “qui sont tenus au même service que les autres hommes de la terre105”.

Or, à ces cas d’hommes du roi lui faisant un service militaire on peut opposer celui des francs de Mimizan qui en sont formellement exemptés par leurs coutumes ou celui de tel franc de Sauviac qui déclare être exempt d’ost et chevauchée106. Comment interpréter d’autre part le silence en la matière des tenants de Mazerac, de Bouglon, de la Loutrange ainsi que celui des hommes de Civert et Sainte-Croix ? N’étaient-ils pas astreints à un service même réduit, ou bien, la chose allant de soi, n’ont-ils pas cru utile d’en faire état ? C’est vers cette seconde hypothèse que nous inclinerions car, en Cernès, alors qu’en 1274 tous les hommes francs mentionnent le service réduit, en 1311 il n’y est fait aucune allusion, sauf au tout début de l’enquête : il est manifeste que dans ce cas les enquêteurs n’ont pas jugé nécessaire de répéter indéfiniment la même formule107.

Il semblerait donc que, sauf dans des cas précis relevant de coutumes particulières, les hommes du roi étaient tenus à un service militaire, mais il existait des situations tout à fait variables. Nous avons vu que certains hommes du roi devaient un service d’ost et sans doute aussi de chevauchée en échange de la possession de biens-fonds ou de l’usage de padouens. Pour les autres le service ne représentait qu’une obligation annexe mais selon des modalités différentes. Pour certains – francs de la prévôté de Bazas et de Savignac – il s’agissait d’un service probablement identique au précédent au moins dans son principe. D’autres ne devaient qu’un service réduit : c’était le cas des francs du Cernès et de l’Entre-deux-Mers. Un tel service, comme le prouve l’enquête de 1311 pour le Cernès, n’était en rien lié à la qualité d’homme du roi : en effet, même des hommes questaux d’autres seigneurs y étaient astreints108. Il s’agit donc là d’une obligation qui pesait sur tous les hommes d’une prévôté, qu’ils fussent ou non hommes du roi. On peut rappeler d’ailleurs qu’en Entre-deux-Mers non seulement les “laboradors” du roi, mais aussi ceux des autres seigneurs étaient selon l’enquête de 1238 astreints au service réduit109.

À côté du service militaire figure parfois celui d’aubergade qualifié d’aubergata ou bien de procuracio ou encore de commestio. Il s’agit pour les hommes du roi de l’obligation de recevoir, d’héberger et de nourrir le prévôt et sa suite. Mais, dans la pratique les modalités sont des plus variées. Ainsi, en Entre-deux-Mers, chaque maison de laboureur payant la questa regis était, en 1274, tenue de recevoir une fois par an un des deux sergents du prévôt, celui-ci se faisant pour sa part semble-t-il héberger par les chevaliers110. L’enquête de 1238 précise, d’autre part, qu’à la suite d’un accord, lorsque le roi à la poursuite d’un ennemi, le cri de “biafora” ayant été lancé, ne pouvait, la nuit venue, se loger dans une ville ou un château dans lequel il pût faire des achats, il lui était permis de prendre aubergade sur les “obreys e laboradors” des “villas foresteyras” de quelque seigneur qu’ils fussent, sauf sur ceux des églises. À cette occasion, seuls des porcs, des moutons, des oies et des volailles pouvaient être sacrifiés111. Les aubergades ayant donné lieu à des excès nombreux, les enquêteurs de 1238 précisèrent que celles-là seules étaient légales112. En ce qui concerne l’aubergade annuelle une ordonnance de 1321 précisa, d’ailleurs, qu’elle ne devait être prise qu’une fois par an et que la suite du prévôt devait être limitée à six hommes, trois à pied et autant à cheval113. Ce régime était sensiblement modifié pour les francs de Beychac qui, quatre fois par an, devaient tous ensemble recevoir le prévôt et sa suite et lui donner à manger et à boire, mais en des lieux différents appelés “la cambra del rey”114. Dans la juridiction d’Ambarès, enfin, l’aubergade était prise à l’occasion de la collecte de la queste115.

Dans le Cernès voisin on se trouve confronté à un problème de documentation. En 1274, en effet, à l’exception de ceux de la “comtau” de Castres et de Portets qui déclarent devoir une aubergade au représentant du roi ou lui payer 6 l. bord.116 aucun homme du roi ne fait allusion à une obligation de ce genre. En revanche, en 1311, aucun homme libre n’y échappe sauf les Lartiga de La Brède dont on se souvient qu’ils paient une taxe d’ost117. Certains, c’est le cas pour quatre feux d’Hostens, sont tenus à une commestio par feu, mais le prévôt ne peut en exiger le remplacement éventuel en argent118. D’autres paient une somme forfaitaire et globale : 4 l. 10 s. pour les francs de Saint-Morillon119, mais seulement 25 s. pour les dix-neuf hommes libres de Castres120. Une dernière catégorie est enfin taxée par feu : 4 s. 6 d. à Preignac, Saint-Selve, Landiras, Barsac ; 5 s. à Cérons121. Comme il est difficile de penser que les aubergades aient été instituées au cours de la guerre de Gascogne qui a été marquée au contraire par un grignotage des droits du roi-duc, il faut donc admettre que les déclarants de 1274, peut-être à dessein, ont sous-entendu les aubergades dans la formule et “tous les autres droits que font les hommes francs de la prévôté”.

Dans celle de Bazas la formule rappelle celle de l’Entre-deux-Mers. D’une façon générale le prévôt accompagné de ses sergents, quatre à six hommes précise un homme de Maillas122, peut faire deux aubergades par an chez les francs de Bernos, Pompéjac, Talayson, Escaudes, Cudos, Captieux et Maillas, mais seulement une chez ceux de Sauviac, Sauros et Artiguevieille et chez une communauté de Maillas123. Cependant, à la différence de l’Entre-deux-Mers, l’aubergade n’est pas due par maison mais par paroisse ou, dans le cas de Bernos et Maillas, par quartier124. Compte tenu du nombre variable d’hommes francs d’une paroisse à l’autre le poids de ces aubergades n’était donc pas partout le même125.

Ces exemples d’aubergades sont avec celui de la commestio d’Argenton les seuls qui, en 1274, soient mentionnés pour l’ensemble du Bordelais et du Bazadais. On constate qu’à l’image de ce qui se passe pour le service militaire cette charge pèse aussi bien sur des hommes astreints à la, queste, comme en Entre-deux-Mers, que sur ceux qui en sont exempts, comme en Cernès et à Beychac. D’autre part, l’aubergade ne constitue pas, à la différence de ce qui se produit parfois pour le service militaire, une charge en relation avec la possession de biens tenus du roi. Cette non spécificité de l’aubergade est encore accentuée par le fait qu’en Cernès du moins la plupart des autres habitants de la prévôté de Barsac qui ne sont pas hommes du roi y sont aussi astreints, qu’ils soient libres ou questaux126. Cependant, on ne saurait affirmer que les autres tenants du roi pour lesquels nous ignorons leur situation en la matière y étaient soumis ; c’est le cas pour ceux du Born et de la totalité du Bazadais à l’exception des francs de la prévôté de Bazas ; celui aussi des hommes de l’Entre-deux-Mers qui paient un cens ou font le service d’ost. De la même façon, à la différence de ce qui se passe pour le service militaire, il n’est pas sûr que tous les habitants d’une prévôté étaient redevables envers le roi du service d’aubergade.

L’examen du patrimoine des hommes du roi ainsi que celui des redevances et services auxquels ils étaient tenus a permis de préciser un certain nombre de caractères de ce groupe tout en faisant ressortir la diversité des situations. Il reste cependant un dernier point sur lequel il importe de se pencher avec une attention particulière, dans la mesure où il est susceptible de nous apporter quelque lumière sur les origines de ces hommes : il s’agit du problème de la nature juridique de leurs biens-fonds. Qu’en était-il au juste ?

Lorsqu’on examine les formules utilisées en 1274 par les déclarants des Recogniciones pour introduire leurs reconnaissances on note, tout d’abord, un clivage assez net entre celles utilisées en Bordelais d’une part et en Bazadais, de l’autre. Les hommes du Bordelais, ainsi que ceux de l’enclave de Moustey, reconnaissent simplement devoir certaines choses pour des biens qu’ils tiennent du roi ou bien affirment tenir certains biens moyennant le versement de redevances et services. Jamais en tout cas ils n’utilisent le terme de “fief” pour désigner leurs possessions. Dans le Bazadais, en revanche, et à deux reprises en Born, la formule qui le plus souvent introduit la reconnaissance est celle de tenent in feodum immediate et, lorsqu’il est fait allusion aux biens tenus du roi, ceux-ci sont qualifiés de feoda. Ces formules recouvriraient-elles des réalités différentes ?

En Entre-deux-Mers, il convient de se reporter d’abord à l’enquête de 1238. À propos des hommes qui paient la queste de 40 livres l’enquête précise : “La sobredeyta questa de XL livras deben li sobredeytz homes del seynhor rey et aquetz qui tenen allodi del seynhor rey segont la quantitat que tenen, sino que aquet allodi deya exercitut o ost qui livrya lui d’aquesta donation”127 : la queste de 40 l. ci-dessous doivent les hommes du seigneur-roi ci-dessous mentionnés, ainsi que ceux qui tiennent alleu du seigneur-roi en proportion de la quantité qu’ils tiennent, à moins que pour cet alleu ils ne doivent un service d’ost, qui, dans ce cas, les exempte de toute contribution à la queste. Il y avait donc à cette époque parmi les francs payant la queste, à la fois des hommes qui n’étaient pas alleutiers (li sobre deytz homes del seynhor rey) – il s’agit des francs de la plupart des paroisses soumises à la queste dont la liste suivait – et d’autres qui l’étaient (aquetz qui tenen allodi del seynhor rey) – il s’agit des francs de la juridiction d’Ambarès désignés ensuite dans la liste par la formule : “aucuns paucs hommes en l’honor de Barès”. D’autres alleutiers ne payaient pas la queste parce qu’ils faisaient un service militaire (sino que aquet allodi deya exercitut o ost) : c’étaient les hommes de Pompignac, de Tresses, Sallebœuf, Saint-Germain, Camiac, Croignon et Nérigean. Mais l’enquête ajoutait, on s’en souvient à ces groupes les hommes de paroisses et lieux versant des “reyratges” ou cens annuels parce que les habitants étaient “propres del seynhor rey per la mayor part et habens allodi” ; il s’agissait, entre autres, des gens de Saint-Loubès. En 1238, à l’exception de la plupart des hommes de la queste les autres francs du roi étaient donc pour la plus grande partie de leurs biens des alleutiers. Qu’en était-il en 1274 ? D’après les reconnaissances faites à cette époque, sauf dans un cas, aucun des biens détenus par les hommes francs n’entre plus, à leurs yeux du moins, dans la catégorie des alleux. Certes, les hommes de la queste, un groupe d’hommes de Haux ainsi que les francs de Beychac, absents en 1238, sont muets sur ce problème128. Mais ceux qui paient un cens ou font un service militaire sont très nets129 et répondent par la négative. Il n’y a guère que les francs des trois paroisses de la juridiction d’Ambarès pour répondre de façon affirmative mais contradictoire : c’est à raison de leurs alleux réputés libres de toute redevance qu’ils paient la queste et s’ils désirent les vendre, ils doivent les remettre au prévôt et payer les droits de vente130. Il s’est donc produit, entre 1238 et 1274, une évolution plus ou moins profonde selon le cas de la condition juridique des biens des hommes francs : les alleux des francs de la juridiction d’Ambarès sont maintenant assimilés à des censives en ce qui concerne du moins les aliénations ; pour les biens des hommes assurant un service militaire ou versant un cens la transformation est encore plus radicale : ce qui était alleu en 1238 ne l’est plus en 1274, a tourné au fief dans le premier cas à la censive dans le second. Mais, déjà en 1238, n’était-il pas aberrant de qualifier d’alleux ou de “francas” des terres sur lesquelles pesaient des redevances que ce soient des questes ou des cens131 ?

On est ainsi conduit à se demander si, antérieurement à 1238, un phénomène de détérioration de la notion d’alleu semblable à celui que nous venons d’évoquer ne se serait pas produit pour les biens des hommes de la queste ou de ceux de Beychac qui ne sont pas mentionnés en 1238 et, d’une façon générale, pour tous les biens des hommes du roi de l’Entre-deux-Mers. Un passage de l’enquête de 1238 nous incite en tous cas à le penser. À propos de la liberté qu’ils prétendent avoir de vendre leurs biens sans autorisation du roi ou de son bayle les francs déclarent, en effet, qu’ils peuvent “vendre leur alleu lequel ils tiennent du roi à qui leur plaira, à condition que l’acheteur remplisse le service militaire dû au roi”132. Dans l’esprit des déclarants de 1238 le bien de l’homme franc était donc à l’origine un alleu.

Il se serait donc produit en Entre-deux-Mers une transformation radicale de la condition juridique des biens des hommes francs : de celle d’alleu qui était la leur au début du XIIIe siècle – mais la situation n’était-elle pas déjà ambiguë ? – elle aurait évolué jusqu’à la fin du XIIIe siècle vers de multiples formes dégradées : terres franches des hommes de Beychac ; terres franches avec queste des hommes de la queste ; alleux à queste, cens et droits de vente des hommes de la prévôté d’Ambarès ; véritables censives ou fiefs nobles pour les autres. Or, cette évolution dans les faits non seulement est, comme nous l’avons vu, mal traduite dans les mots, mais n’est pas non plus très bien comprise par les intéressés : si l’attitude des francs de la prévôté d’Ambarès qui trouvent naturel que des alleux paient une queste et des droits de vente a de quoi surprendre, que dire du raisonnement que font les hommes de la queste ? Ceux-ci n’hésitent pas, en effet, à affirmer “qu’ils ont l’usage de leurs padouens qu’ils sont libres et possèdent leurs terres franches et libres parce qu’ils versent une queste”133. Or, la queste est en Bordelais le symbole même du servage. Peut-être les hommes de la queste pensaient-ils que leurs ancêtres à l’occasion d’un affranchissement avaient obtenu un abonnement de la queste. Il existe certes de tels exemples en Bordelais, mais ce que l’on sait déjà des hommes de l’Entre-deux-Mers et de leurs possessions permet de supposer que, s’il y eut évolution de leur condition, ce ne fut pas dans le sens d’un affranchissement mais plutôt dans celui d’une détérioration de leur condition.

Avant de nous interroger sur les raisons et les mécanismes d’un tel phénomène il convient, cependant, d’examiner la situation des biens des autres francs dans le reste du Bordelais et en Bazadais. En Cernès, seuls, en 1274, deux francs d’Illats et neuf autres de La Brède déclarent tenir la totalité de leurs biens en alleu134, exactement comme le font les hommes de la juridiction d’Ambarès, tandis que tous les autres francs affirment ne pas en avoir. Pour aussi curieux que cela puisse paraître, les neuf hommes de La Brède ajoutent d’ailleurs ne pas avoir d’alleu ; sans doute faut-il entendre par là : “d’autres alleux que ceux déclarés précédemment”, car il n’est pas interdit de penser que des alleutiers francs du roi aient pu posséder des alleux en dehors de ce cadre de relation. Or, en 1311, dans l’enquête sur la prévôté de Barsac, il n’est plus question d’alleutiers ; certes, on peut faire remarquer que cette enquête ne s’intéressait pas à la nature juridique des biens. Mais les hommes de La Brède qui figurent dans la liste des droits du roi établie à la même époque et qui sont descendants des alleutiers de 1274, sont seulement considérés comme des tenanciers et la taxe d’ost versée en 1274 est devenue un cens135. Bien que les documents de 1311 soient loin d’être précis on est en droit de se demander s’il n’y aurait pas là un nouveau témoignage de la détérioration de la notion d’alleu semblable à celle que nous avons rencontrée en Entre-deux-Mers.

Ces deux cas mis à part, reste celui de la presque totalité des biens des hommes francs du Cernès : les uns, les plus nombreux, sont exempts de toute redevance, les autres chargés d’une esporle avec ou sans un cens ou seulement un cens ou encore un captenh136. La situation des hommes qui tiennent leurs biens en franchise véritable est apparemment identique à celle des francs de Beychac en Entre-deux-Mers. Mais, si les biens des hommes de Beychac peuvent être considérés comme le type même des alleux d’hommes francs restés en l’état originel, peut-on pour autant attribuer une même nature et donc une même origine aux terres franches des francs du Cernès ? Probablement oui et cela pour plusieurs raisons. Lorsqu’on examine la nature des biens détenus par les francs du Cernès, en 1274, indépendamment des alleux, ils se répartissent en deux groupes : les “comtaus” et les autres. Contrairement à ce que l’on a pu dire parfois ces “comtaus” n’étaient pas uniquement des padouens : elles comprenaient, certes, des bois et des eaux, mais aussi des terres et des vignes. En fait, si la “comtau” ou terra comitalis du roi se présente d’abord comme une terre restée dans sa directe, dans la mesure où, au milieu du XIIIe siècle, elle demeure encore à l’état de forêt ou de terrain de parcours elle constitue autant une réserve susceptible d’être mise en valeur. Cette définition vaut d’ailleurs aussi bien pour les “comtaus” seigneuriales, comme celles de Landiras ou d’Ornon, sans aucun doute découpées dans celle du roi. Or, en Cernès les Recogniciones nous font connaître deux “comtaus”, celles de Cabanac d’une part, de Castres et Portets, de l’autre. Pour être parfois qualifiés de francs ou de libres les membres de ces “comtaus” n’en versent pas moins des redevances au roi137. Surtout, comme le prouvent deux passages de l’enquête de 1311138, il ne saurait y avoir de confusion entre eux et les véritables francs détenteurs d’une terre franche : nous apprenons ainsi que les 17 feux libres d’Arbanats sont associés pour le paiement d’une aubergade à 9 autres feux libres de Portets qui se trouvent extra terra comitale. D’autre part si, à Castres, se trouvent 19 feux libres du roi, d’autres hommes de cette paroisse associés à ceux de Portets qui se trouvent dans la terra comitalis constituent le groupe des homines regis de terra comitali, autrement dit le groupe de la “comtau” de Castres et Portets, attesté en 1274. L’opposition entre la terre détenue par les francs et celle exploitée par les tenanciers de la “comtau” est donc très nette. D’autre part, lors des reconnaissances de 1274, si certains francs du Cernès placent sur le même plan leurs biens fonciers et leurs droits d’usage139, il en est d’autres qui considèrent ces droits comme résultant de la possession de biens fonciers et parfois aussi des obligations qui y sont attachées140. On en voit même qui font de ces droits d’usage une conséquence non seulement du fait qu’ils tiennent des biens du roi, mais aussi de leur qualité d’hommes francs141. Il est donc manifeste que la jouissance de ces padouens est tout à fait indépendante de celle des “comtaus”. Rien ne s’oppose donc à voir dans les terres franches des francs du Cernès d’anciens alleux intégrés, comme ceux de l’Entre-deux-Mers à l’origine, dans la directe du roi142.

Peut-on pour autant considérer les autres terres du Cernès chargées d’un cens, une esporle, un service militaire ou un captenh comme d’anciens alleux ayant connu une évolution du même type que celle que nous avons décelée en Entre-deux-Mers ? Ce n’est pas impossible, mais certaines de ces terres pourraient aussi bien être des tenures nées de la mise en valeur des “comtaus”. Peut-être est-ce le cas des possessions des hommes de Saint-Martin-de-Got qui tiennent leurs biens à cens : en effet, lors de l’enquête de 1311, comme dans le cas des hommes des “comtaus” de Castres, Portets et Arbanats ou de ceux de la Forêt de Bordeaux, il n’est pas question à leur propos de feux ou d’hommes libres143.

Lorsqu’on passe en Bazadais on se trouve en présence d’une situation qui, apparemment différente, conduit à peu près aux mêmes conclusions. Tout d’abord, sauf dans un cas, marginal de surcroît144, jamais un tenant du roi ne déclare posséder d’alleu, mais chose curieuse, sauf une fois à Gajac et une autre à Civert, jamais un déclarant affirme ne pas en détenir145. En revanche, non seulement les déclarants reconnaissent, on l’a vu, tenir leurs biens en fiefs immédiats, mais comme c’est le cas pour plusieurs hommes francs de la prévôté ainsi que pour les hommes de Civert, ils n’hésitent pas à qualifier ces biens de feoda. Les hommes de la commestio d’Argenton aussi bien que les francs de Bernos se considèrent de même comme des feodotarii. Il semblerait donc que les biens détenus par les francs du Bazadais et d’autres tenants de ce diocèse soient des fiefs ou des censives et rien d’autre. En fait l’identité des formules recouvre des réalités diverses.

Il convient, tout d’abord, de distinguer, d’une part les biens détenus par les francs moyennant le paiement d’une queste, de l’autre ceux qui sont assujettis à une esporle – à Taleyzon et Bouglon, un cens – à Mazerac, en Loutrange, à Civert et Sainte-Croix et aussi dans la prévôté de Bazas, enfin ceux chargés d’un service militaire comme à Gajac146. En ce qui concerne les francs, il n’est pas inutile de rappeler que, si pour la plus grande partie de leurs biens ils versent une queste au roi, pour l’autre ils ne sont astreints qu’à un cens147, même si dans les deux cas ces biens sont qualifiés de feoda. On ne saurait donc voir dans les premiers des biens tenus en censive ; mais le fait qu’ils soient chargés d’une queste permet-il de les assimiler aux biens des hommes de la queste d’Entre-deux-Mers ? Une telle hypothèse n’est pas à rejeter, mais elle impliquerait une évolution semblable dont nous n’avons aucune preuve en Bazadais. En revanche, plusieurs indices laissent supposer qu’on pourrait se trouver, comme dans le cas des “comtaus” du Cernès ou de celle de Camparian, en présence d’une terra comitalis : tout d’abord, il y a le fait que jamais les francs ne font la moindre allusion à un alleu ; en second lieu, au moins dans le cas des francs de Bernos, Cudos et Maillas, ces francs possédaient des padouens, ce qui n’a rien d’étonnant au sud du Ciron148, mais on peut aussi considérer ces terrains de parcours comme les restes d’une “comtau” dont une bonne partie aurait été mise en valeur ; d’autre part, ainsi que nous l’avons souligné, les francs du Bazadais sont à la tête de véritables exploitations découpées manifestement à une époque où la terre n’était pas rare et, si une documentation insuffisante ne permet pas de reconstituer sur une carte la géographie de tous ces biens, il n’est pas douteux que, sur les bords du Ciron, ils devaient constituer des ensembles vastes et cohérents ; on ne doit pas oublier, non plus, l’insistance que mettent ces hommes francs à rappeler qu’ils sont casati ou casati sub ipso rege in suis feodis ou le nom de feodum dominicum qu’ils donnent à leur terre149 ; enfin, un des confronts des possessions des francs de Taleyzon porte le nom de “viras comtals” (bornes comtales)150. Tous ces indices permettent donc de penser que les terres des francs du Bazadais sont des terrae comitales accensées. Il reste bien sûr ce nom de queste que porte la redevance, son caractère forfaitaire et collectif, le nom de franc donné à ceux qui la versent, autant de caractères qui paraissent contradictoires avec les précédents ; mais on peut faire remarquer que c’est seulement dans un seul document isolé que la redevance est qualifiée de queste151 et que le nom de franc a été donné aussi en Cernès à de simples usagers de “terres comtales”. Quant au montant forfaitaire de la redevance peut-être résulte-t-il des conditions de son imposition. Nous reviendrons sur ce point.

Pour tous les autres bien chargés de diverses redevances on se trouve en revanche réduit, comme pour le Cernès, aux plus fragiles hypothèses : à la fin du XIIIe siècle, si l’on s’en tient aux apparences, il s’agit de fiefs et de censives mais en était-ce vraiment ? Pour les terres détenues par les francs en dehors de la queste c’est probablement le cas ; on peut y voir des parcelles gagnées sur les padouens après l’établissement de la queste, hypothèse qui conforte la précédente. Mais pour les autres sans doute se trouve-t-on, suivant les cas, en présence de situations les plus variées : anciens alleux transformés en fiefs de reprise comme c’est le cas à Taleyzon152, ou passées sous la protection du roi moyennant versement d’un captenh153 comme à Mazerac ; terres de “comtaus” accensées comme Bernos154 ; mais il est possible que d’autres fois – nous songeons en particulier à la Loutrange, à Bouglon et à Civert et Sainte-Croix – ces biens soient passés dans la directe du roi par confiscation ou retrait155.

On ne saurait être complet dans cet examen juridique des biens des hommes du roi sans évoquer, enfin, le cas des hommes de l’Enclave et celui des hommes du Born. Les biens des premiers qui ne versent aucune redevance s’apparentent à ceux des francs de Beychac, mais on ne saurait exclure l’éventualité d’une terre comtale156. En revanche, en Born, la situation semble différente : en effet, dans le cas des biens des hommes de Mimizan157 on se trouve en présence du territoire d’une ancienne sauveté et pour les autres, selon toute probabilité, d’anciens alleux158. Des hommes de Bias ne déclarent-ils pas en effet ne pas détenir d’alleux si ce n’est leurs terres franches : allodia non habent nisi terras predictas francales159, formule qui témoigne d’ailleurs une nouvelle fois de la confusion qui s’est établie dans l’esprit des déclarants.

La part faite aux hypothèses ne permet certes pas d’être aussi précis en ce qui concerne la nature juridique des biens des hommes du roi qu’en matière de redevances, de charges ou de services. On peut, cependant, affirmer que si ces biens tendent de plus en plus à être assimilés à des censives ou à des fiefs tous ne l’ont pas été à l’origine : indépendamment de ceux qui ont pu être intégrés “accidentellement” dans la directe du roi par confiscation ou retrait, les autres semblent appartenir à deux filières : celle de l’alleu que nous retiendrons pour l’Entre-deux-Mers, une partie du Cernès, du Born et du Bazadais ; celle de la terre comtale dont paraissent provenir de nombreuses terres du Cernès et du Bazadais.

Au terme de cette enquête sur les hommes du roi en Bordelais et Bazadais vers 1274, une constatation s’impose : s’il s’agit toujours d’hommes libres la plus grande diversité règne entre eux selon qu’ils tiennent ou non des biens ou des droits du roi, en fonction aussi de la nature et de l’importance très variable de ces biens, en raison, enfin, des charges et services auxquels ils sont astreints. Or, si une telle diversité a de quoi surprendre, l’enquête a révélé l’existence de multiples contradictions entre la réalité telle qu’elle se présente en 1274 et les mots utilisés par les hommes pour la décrire. Comme nous avons pu le voir dans le cas de l’Entre-deux-Mers, aussi bien en étudiant le nombre et la qualité des hommes du roi qu’en examinant leurs possessions, ces contradictions semblent être le fruit d’une longue évolution. Mais vouloir en retrouver les mécanismes revient à rechercher les origines des hommes du roi et à écrire leur histoire. La chose est-elle possible sans sortir du domaine de l’hypothèse ? Peut-être en serait-il ainsi si nous ne disposions, d’une part, de l’enquête de 1238 pour l’Entre-deux-Mers, de l’autre, de celles du début du XIVe siècle sur la mise en valeur de la Forêt de Bordeaux.

Lors de l’enquête de 1238 sur l’Entre-deux-Mers, les francs du roi, évoquant la liberté qu’ils prétendaient avoir toujours eu de vendre leurs alleux comme ils l’entendaient, déclarèrent avoir usé de cette liberté depuis le temps où “lo rey Karles conquistet la terra dels Sarrazins”160. Le roi aurait alors amené avec lui des chevaliers et d’autres nobles “a soudada”, mais les “mendres” suivirent son ost “sens soudada”. Parce qu’il était tenu en peu vis-à-vis des chevaliers qui l’avaient accompagné le roi leur aurait donné les possessions qu’ils tenaient au XIIIe siècle moyennant un service d’ost ; mais aux “pititz”, parce qu’ils étaient venus de leur bon gré, afin qu’ils fassent profit de la “poblasson” de la terre, il leur bailla leurs possessions franches et les fit francs, c’est-à-dire qu’il les constitua libres leur enjoignant seulement de défendre la terre. Telles auraient donc été en Entre-deux-Mers, selon les déclarations faites en 1238, les origines et la condition initiale des hommes du roi et de leurs biens. Mais, à une époque qui n’est pas précisée, en tout cas avant l’avènement d’Henri II, fut institué le système des aubergades161. Puis, un bailli, aïeul ou bisaïeul d’un personnage nommé Gaillard de La Lande qui vivait en 1238, demanda aux hommes du roi qu’ils voulussent bien lui donner un “cavat” de 40 livres. Dans certaines paroisses les hommes s’inclinèrent, dans d’autres ils refusèrent ; ainsi s’expliquerait, selon les réponses faites aux enquêteurs de 1238, l’exemption de queste dont bénéficiaient les hommes francs de certaines paroisses. En effet, par la suite tous les baillis exigèrent cette somme de 40 livres qui devint ainsi une queste annuelle162. D’autre part, sans doute à la même époque, certaines paroisses furent obligées de payer pour leur protection une redevance particulière appellée “captenh”.

Cet “historique” présenté en 1238 par les hommes du roi appelle bien sûr un commentaire. S’il faut renvoyer l’allusion à Charlemagne au rayon des légendes, en revanche l’idée que les francs se faisaient de leur origine et de la condition de leurs ancêtres, recèle sans aucun doute une part de vérité. Ce qui n’est pas très clair dans l’exposé concerne la condition des terres et celles des hommes avant que ne leur soit octroyée la franchise. Nous serions personnellement enclin à voir dans cette concession non un affranchissement mais plutôt l’intégration dans un cadre de relation de type féodal de petits et moyens alleutiers : le fait que le seul service qui leur fut réclamé à l’origine fût de nature militaire ainsi que la possibilité pour les francs de vendre leur alleu, nous paraissent aller à l’appui de cette hypothèse. L’introduction de l’aubergade pourrait s’expliquer par un renforcement des structures administratives, peut-être sous le règne de Henri II ; il ne faut pas oublier, en effet, que sa perception était liée aux tournées périodiques que faisait le prévôt dans sa circonscription. Quant aux redevances arbitraires elles furent imposées sans doute vers la même époque, selon un processus qui faillit se renouveler sous le règne de Jean-sans-Terre : abus de pouvoir des officiers royaux dans le cas de la queste, chantage à la protection contre les violences de seigneurs du voisinage dans le cas du “captenh”. Si certains francs purent échapper à ces charges peut-être fut-ce parce qu’ils accomplissaient déjà un service d’ost véritable ; c’est en tout cas ce qui semble ressortir de l’enquête de 1238. En revanche, ce fut, semble-t-il, à cette époque que des francs qui avaient pu échapper à la queste et au “captenh” virent leurs terres chargées de cens.

On assiste, ainsi, au cours des XIIe et XIIIe siècles à une détérioration progressive de la condition des hommes francs qui rend compte des ambiguïtés et des contradictions multiples qui apparaissent en 1274 aussi bien au niveau des personnes qu’à celui des biens. De la même façon s’explique la multiplicité des situations chez des hommes qui portent encore pour la plupart le même nom et qui, en tout cas, sont tous des roturiers liés directement au roi.

Cette situation qui était celle de la fin du XIIe siècle faillit être à nouveau mise en cause sous les règnes de Richard Cœur-de-Lion, Jean-sans-Terre et Henri III, en raison des abus de toutes sortes commis aussi bien par les officiers ducaux que par les seigneurs de l’Entre-deux-Mers. Si, à la suite de leurs plaintes, les francs qui avaient pu rester dans la directe du roi conservèrent leur statut antérieur, d’autres en revanche passés sous la dépendance de seigneurs locaux tels les Escossan, les Rions et les vicomtes de Benauges ne purent retrouver leur condition d’origine et devinrent vraisemblablement leurs tenanciers163. Seuls les hommes de Beychac soumis seulement à l’aubergade conservèrent jusqu’à la fin du XIIIsiècle un état proche de celui qu’avaient probablement connu à l’origine tous les francs de l’Entre-deux-Mers. Ils apparaissent ainsi comme de véritables fossiles.

S’il est possible de formuler une hypothèse cohérente en ce qui concerne les origines et l’évolution du groupe des francs de l’Entre-deux-Mers, l’absence d’une documentation suffisante ne permet pas d’être aussi précis pour les autres hommes du roi en Bordelais et Bazadais. Nous nous contenterons donc de proposer quelques essais d’interprétation. Trois semblent pouvoir être avancés.

Le premier reprend celui que nous venons d’esquisser pour l’Entre-deux-Mers. Les hommes du roi seraient dans ce cas d’anciens alleutiers intégrés de façon collective ou individuelle dans la directe du roi. On peut, semble-t-il, rapporter à ce premier schéma le cas des francs du Cernès détenteurs de terres franches, proches parents de ceux de Beychac. Mais nous n’irons pas jusqu’à considérer le cas d’alleutiers versant une redevance, tels ceux de La Brède, comme identique par exemple à celui des alleutiers de la prévôté d’Ambarès. Nous pensons que ces redevances peuvent aussi bien être le signe d’une intégration dans la directe du roi que celui d’une évolution dans le cadre de cette directe. Pour leur part, comme le prouve l’exemple de Taleyzon, les fiefs à esporle tenus par des roturiers sont probablement des fiefs de reprise. Il n’est pas impossible enfin que d’autres alleutiers, à l’occasion d’une opération du même genre, aient été soumis aussi ou seulement à un cens, ou à un captenh.

Un second groupe d’hommes du roi aurait pour origine des hommes établis anciennement ou récemment sur des terres restées sinon toujours de fait du moins en droit dans la directe et la réserve du roi, c’est-à-dire sur des terrae comitales.

Nous pensons, en nous référant à la situation de la plus grande partie des terres de la Grande Lande telle qu’elle est connue à partir du milieu du XIIIe siècle, ainsi qu’à l’évolution de la Forêt de Bordeaux dans le dernier tiers de ce siècle, que les terres de la zone landaise, à l’exception de celles qui furent englobées dans quelques grandes seigneuries – du type de celle de Lesparre, du captalat de Buch, de la Maremne, du Marsan ou de la vicomté de Tartas – restèrent longtemps des zones sur lesquelles l’autorité des ducs était surtout nominale sans que pour autant elle fût contestée. C’est probablement à l’occasion d’une reprise en main de ces vastes régions accompagnée de l’implantation du régime féodal que les hommes de la lande qui n’étaient passés sous la dépendance d’aucun seigneur local furent intégrés dans la mouvance directe du roi. Opération qui présente certes des ressemblances avec celle de l’Entre-deux-Mers, mais qui en diffère parce que, à notre connaissance du moins, ces terres landaises ne furent qu’exceptionnellement revendiquées comme alleux sinon sur les marges bazadaises et bordelaises. Peut-être cela résulte-t-il des conditions propres au milieu naturel landais où la terre fut toujours plus abondante que les hommes. Pour les raisons que nous avons exposées plus haut nous pensons que les hommes francs du Bazadais appartiennent à ce groupe d’hommes du roi intégrés après coup dans le système féodal, alors que leurs ancêtres étaient depuis longtemps des possesseurs sans titre du sol. Cette intégration se serait accompagnée de l’imposition – probablement sous la couverture d’une protection ducale – d’une redevance, forfaitaire et collective, parfois nommée “questa” n’ayant rien à voir avec celle versée par les questaux, mais ressemblant à celle payée par certains francs de l’Entre-deux-Mers. L’éclairage donné par l’histoire de ces francs en ce qui concerne ce point précis permet d’écarter l’hypothèse d’un affranchissement. D’ailleurs, il existe dans la lande d’autres cas, à commencer par celui des libres de Moustey et Saugnacq, d’hommes dont les biens avaient selon toute vraisemblance été découpés dans des “comtaus” et qui étaient néanmoins exempts de toute redevance pour leurs personnes et leurs biens.

Dans une telle perspective les usagers des “comtaus” de Castres, Portets ou Arbanats, représentent les cas d’hommes qui sont seulement en voie de devenir tenanciers du roi comme ceux qui, au même moment, mettent en valeur la Forêt du roi aux portes de Bordeaux. Mais, entre les hommes du roi tenanciers “ab antiquo” dans un cadre collectif et ceux qui sont en train de le devenir nul doute que d’autres ont dû se glisser tout au long du XIIIe siècle sinon plus tôt, tels les hommes de Saint-Martin-de-Got ou peut-être les Lartiga de La Brède ou les Bosc de Saint-Morillon, maîtres d’une clairière ; n’oublions pas non plus ces terres à cens que les francs du Bazadais ajoutent à leurs stagia.

Nous pensons, enfin que d’autres hommes du roi avant de se trouver à la fin du XIIIe siècle dans sa directe, le furent dans celle d’autres seigneurs.

Tel paraît être le cas des hommes de Mimizan appartenant à une sauveté dont il y a de bonnes raisons de penser qu’elle fut établie sous la protection de l’abbaye de Saint-Sever. Or, dans des circonstances que nous ignorons, ces habitants furent tenus de verser au roi une somme annuelle de 300 s. morl. dont ils estimaient, en 1274, que son versement les rendait francs – sans doute convient-il de comprendre “de toute autre redevance”164. La commestio d’Argenton qui regroupe des nobles et de simples roturiers fait songer, d’autre part, à ces communautés de chevaliers et de bourgeois telles qu’on les rencontre dans les castelnaux gascons et l’on imagine fort bien le roi-duc se substituant par retrait ou confiscation à un seigneur local.

Dans l’état actuel de la recherche on ne saurait considérer autrement que comme des hypothèses les schémas d’interprétation que nous venons de présenter, encore que celui de l’Entre-deux-Mers repose sur des données relativement précises. De toute façon, même en admettant qu’ils soient vrais dans leurs grandes lignes, ils ne sauraient rendre compte de l’origine et de l’évolution de tous les groupes dont les descendants constituent à la fin du XIIIe siècle celui dont nous avons appelé les représentants, les hommes du roi. Que l’on songe en particulier aux hommes, même s’ils sont très peu nombreux, qui ne tiennent rien du roi, mais lui versent une redevance pour obtenir sa protection pour leurs personnes et leurs biens.

Tels sont les hommes du roi aux environs de 1274 : groupe relativement nombreux de roturiers libres placés dans la directe ducale, répartis dans quelques régions bien déterminées et dont la complexité des conditions tient pour une part à la diversité des origines et pour une autre à celle de leur longue histoire. Les uns descendent sans conteste d’anciens alleutiers, mais leurs biens, comme le soulignait déjà R. Boutruche, n’entrent “ni dans la féodalité ni dans l’allodialité de stricte observance”165. Si la plupart de ceux-ci ont conservé leur nom de franc, seuls certains ont pu maintenir pour leurs biens la franchise d’origine, les autres étant maintenant astreints à des redevances de nature féodale, seigneuriale ou banale. D’autres, appelés parfois aussi francs, sont par leurs origines étroitement liés, semble-t-il, à la mise en valeur des vastes zones de lande restées dans la réserve du roi, la terra comitalis. Si certains ont probablement été intégrés dans la directe du roi dès le milieu du XIIe siècle, d’autres le sont seulement à la fin du XIIIe siècle. Parfois exempts de toute redevance, le plus souvent ils versent eux aussi des questes, des esporles et des cens. Paradoxalement ce sont eux qui seront à l’origine des alleux du second âge féodal166[166]. À côté de ces deux groupes les hommes libres, simples protégés du roi, aussi bien que les anciens dépendants d’autres seigneurs – font figure de marginaux. En tout cas, ainsi qu’en témoignent les registres de la connétablie, tous ces hommes pour aussi diverses que soient leurs origines, ont tous à un moment donné été intégrés dans la directe du roi et, dès lors, ont tendu de plus en plus à être assimilés à des vassaux ou à des tenanciers. Étape finale d’une évolution qui achève de les insérer dans un système juridique et social auxquels leurs ancêtres étaient de droit ou de fait pour la plupart des étrangers.

Notes

  1. F. Jouannet, Statistique du département de la Gironde, 1837, t. I, p. 198 ; M. et J. Delpit, Notice d’un manuscrit de la Bibliothèque de Wolfenbüttel, 1841, p. 49 sq. ; Rabanis, Les hommes libres de l’Entre-deux-Mers, dans Mémorial Bordelais du 9 décembre 1847 ; Abbé Cirot de la Ville, Histoire de la Grande Sauve, 1844-1845, t. II, p. 180 ; L. Drouyn, Essai historique sur l’Entre-deux-Mers, Bordeaux, 1872 (extrait des Actes de l’Académie de Bordeaux) ; C. Bémont, Recogniciones feodorum in Aquitania, 1914, p. 331-332.
  2. R. Boutruche, Une société provinciale en lutte contre le régime féodal : l’alleu en Bordelais et Bazadais du XIe au XVIIIe siècle, 1947, p. 120-127.
  3. Notre étude repose essentiellement sur trois séries de documents : les Recogniciones feodorum de 1274 (RF) pour l’ensemble du Bordelais ; les coutumes et privilèges de l’Entre-deux-Mers publiés dans les Arch. Hist. de la Gironde, (AHG), t. III, p. 101 sq., d’après un ms. de la Bibl. mun. de Bordeaux, pour l’Entre-deux-Mers (en particulier les résultats d’une enquête sur les droits du roi-duc faite en 1236-1238) ; l’enquête sur les revenus de la prévôté de Barsac (1311) qui se trouve dans le Gascon Register A (series of 1318-1319) du British Museum (Cottonian ms. Julius EI) édité par G.P. Cuttino, 1975, n° 44, t. I, p. 236 sq. (GRA), ainsi que la liste des esporles dues dans les diocèses de Bordeaux et de Bazas (ibid., n° 52, 53) et celle des droits du roi en Aquitaine (ibid., n° 13).
  4. Pour plus de clarté nous donnons ci-dessous la liste des paroisses concernées : Bordelais : Entre-deux-Mers (le signe * signifie que la paroisse concernée avait possédé des hommes francs qui, avant 1238, étaient passés sous la dépendance de seigneurs ; le signe ° signifie que la paroisse possédait des hommes francs en 1238 ; le n° est celui des Recogniciones de 1274 ; GRA renvoie au Gascon Register A) : Baron : GRA, p. 114 ; °Baurech : 537 ; Beychac : 541 ; °Bonnetan : 537 ; °Bouliac : 537 ; *Cadillac ; Camarsac : stagia de Labatut : 537 ; °Camiac ; °Cambes : 537 ; °Camblanes : 537 ; *Cardan ; °Cénac : 537 ; *°Croignon ; °Cursan : 537 ; °Fargues : 537 : °Floirac : 537 ; Haux : I. °531 ; II. 549, GRA, n° 52 (24) ; °Langoiran : *Laroque ; La Sauve : °Bosc de Capian ou laïcium de Trena : 589, GRA, n° 52 (45) ; La Tresne : °Phusolas ou Podium Salatum : 537 ; °Le Pout : 537 ; *°Lestiac ; °Le Tourne : 537 ; °Lignan : 537 ; Lombaud : I.°, 537 ; II. Lo Gaich : 537 ; °Loupes : 537 ; *Loupiac ; °Madirac ou Cavoiac ou Corcorac : 537 ; Mélac (cf. Tresses) ; Nérigean : I. °Tuzinhan ou Curinhas : 537 ; II. °Balantinhan : 645 ; *Neyrac (auj. Béguey) ; Pompignac : °La Ramonga ou La Ramonenga : 592 ; °Quinsac : 547 ; °Quinsac-en-Barès : 680 ; *Romagne (en Bazadais) : Saubanhac ; °Sadirac (et Cordiac) : 537 ; °Saint-Ambroise ; Saint-Caprais : 537 ; °Saint-Denis-de-Camiac (rattaché à Saint-Quentin) ; *Sainte-Croix-du-Mont ; Sainte-Eulalie : I. 680 ; II. *Sartillac ; III. *Cucanat ; Saint-Germain-du-Puch : 537, 605 ; *°Saint-Hilaire (auj. Paillet) ; °Saint-Loubès : 570 ; °Saint-Quentin : 537 ; Sallebœuf : I. *Castan ; II. °Davinhan : 537; III. °par. : 665 ; °Tabanac : 531, 537 ; Tresses : I. °, 537 ; II. *Moncuc ; III. *Mélac ; IV. °Darmanda ou Durianda ; *Villenave ; Yvrac : 680. Saint-Ambroise : peut-être paroisse disparue entre Tabanac et Baurech. – Nous avons pu identifier plusieurs des lieux-dits ment. dans les documents : La Tresne : Phusolas devenu Pissoulas (S.E. de la comm.) ; Nérigean : Balentinhan dev. Valentinien (centre de la comm.) ; Pompignac : La Ramonga dev. Roumaningue (N. de la comm.) ; Tresses : Darmenda dev. Durmende (N. de la comm.) – La Ramonga est dit à Sallebœuf en 1238 (AHG, t. III, p. 115), à Pompignac en 1274, ce qui est exact. – Haux et Tabanac (531) : les poss. de ces hommes se trouvent dans cette par. et dans celles de Baurech, du Tourne et de Langoiran ; Sallebœuf (565) : Les poss. de ces hommes se trouvent dans cette par. et dans celles de Loupes, Pompignac et Saint-Germain. – Certains points demeurent obscurs dans la distinction entre paroisses dans lesquelles des hommes du roi sont attestés avant 1238 seulement ou à cette date. On dispose, en effet, d’une part de la liste des paroisses dans lesquelles se trouvaient des hommes du roi qui furent aliénés avant 1238, de l’autre de celle des par. dans lesquelles se trouvaient des hommes du roi en 1238. Or, on retrouve en 1238 des noms de par. qui auraient dû disparaître. Cela résulte sans doute du fait que parfois seuls les hommes de certains quartiers avaient été aliénés.
    Cernès (le signe * indique les mentions d’hommes libres du roi dans l’enquête de 1311 ; le signe ° celles d’hommes libres sans autre précision ; la liste des par. est celle établie d’après les Recogniciones : °Arbanats et Portets ; °Barsac : 636, 638, 639, GRA, n° 13 ; °Cabanac (Comtau) : 679, GRA, n° 13 ; *°Castres : 661 ; °Castres et Portets (Comtau) : 660 ; *Cérons : GRA, n° 13 ; °Guillos : 572, GRA, n° 52 (35) ; Hostens : I. Luissatz (Louchats) et Curton : 573 ; II. *Serton ; °Illats : 659 ; Lassats (auj. Landiras) et Pujols : 626 ; Lassats : cornau de Possinhan : 625 ; °Portets ; *Preignac : 624 ; Preignac et Sauternes : 640, 657 ; *Pujols : 674 ; Saint-Jean-d’Estomptes (auj. La Brède) : I. 678, GRA, n° 13 ; II. *Cornau de Lartiga : 658 ; °Saint-Martin-de-Got (auj. Villandraut) : 637 ; Saint-Morillon : I. *628, 675, 676 ; II. Rive gauche du Gua : 677, GRA, n° 13, p. 112, 113 et n° 52 (69) ; Saint-Selve : I. *, 663 ; Muret : GRA, n° 13, p. 112 ; Sauternes et Pujols : 626 ; °Virelade : 620. Nous ne tenons pas compte dans cette liste des alleux transformés en fief de reprise par une personne de Barsac dont nous ignorons la qualité [617, GRA, n° 52 (53)]. Les biens possédés par les hommes de Barsac (636) se trouvent dans les paroisses de Cérons, Landiras, Sauternes, Preignac et Pujols. Avant 1238 il y avait aussi des hommes francs à Mérignac et Eysines. Nous avons exclu de notre étude les hommes qui détenaient des biens du roi dans la forêt de Bordeaux, puis dans la prévôté de Camparian. En effet, antérieurement à 1274, les renseignements dont nous disposons sur la mise en valeur de cette forêt sont des plus minces (RG, t. I, n° 1228, 2333) et, en 1274, c’est seulement dans deux actes des Recogniciones (n° 36 et n° 615) qu’il est question de biens tenus par des roturiers dans cette forêt. En revanche, à partir de 1274, nombreux sont les documents se rapportant à la mise en valeur de la Foresta Regis (RG., t. II et III). La fondation de la bastide de Baa à la suite de l’achat par le roi de la “comtau” d’Ornon (1287) et l’organisation de la prévôté de Camparian n’en constituent que les aspects les plus apparents (cf. J.P. Trabut-Cussac, Date, fondation et identification de la bastide de Baa dans Rev. hist. de Bordeaux, 1961, p. 133-134). Les enquêtes de 1310-1311 (RGA, n° 13, 51, 52) révèlent l’ampleur des défrichements et de la mise en valeur, mais pour une bonne part ils semblent postérieurs à 1274. Pour cette raison et parce que la forêt de Bordeaux mériterait à elle seule un examen particulier, nous ne l’avons pas incluse dans cette étude mais, le cas échéant, nous y ferons référence.
    Born : Bias : 681, 695 ; Mimizan : 683, 690 et GRA, n° 13, p. 116.
    Bourgeais-Blayais : Laruscade, Saint-Christoly, Tauriac : GRA, n° 13, p. 113.
    Il y avait probablement d’autres hommes du roi à Salles ainsi qu’à Belin avant la donation de cette seigneurie aux Soler.
    Bazadais : Autour du chef-lieu du diocèse : Artiguevieille (comm. de Cudos) : 244 ; Bernos : 246, 247, 251, 253, 338 ; Brouqueyran (?) : Derquayron dans la prévôté de Bazas : GRA, n° 13, p. 113 ; Captieux : 247 ; Cudos : 248 ; Escaudes : 427 ; Gajac : 320 – GRA, n° 52 (84), 322 – GRA, n° 52 (85-86), 323 ; Maillas : 249, 250 ; Pompéjac : 247 ; Sauviac : 244 ; Sauros (com. de Birac) : 244 ; Taleyson (com. de Bernos) : 197 – GRA, n° 53 (I), 247, 255 ; Tontoulon (com. de Bazas) : 245 ; Trazits (com. de Gajac) : 365.
    Réolais de rive gauche de la Garonne : Mazerac (com. de Castets-en-Dorthe) : 311-316, 345 ; Puybarban : 358 ; Savignac : 356.
    Loutrange et Bouglon : Bouglon et par. avoisinantes : 210, 337, 364 ; Cocumont : 348-351, 353 ; Goux (com. de Cocumont) : 336, 344 – GRA, n° 52 (96) ; Marcellus : 334 ; Tersac (com. de Meilhan) : 339 – GRA, n° 52 (92). Les biens des personnes citées dans l’acte 364 se trouvent dans les par. de : Argenton, Bachac (com. de Ruffiac), Bouglon, Bouglon-Vieux, Cavaignan (com. de Grézet-Cavaignan), Figuès, Fontet (com. de Guérin), Goux (com. de Cocumont), Samadet (com. de Bouglon).
    Réolais de rive droite de la Garonne : Civert (com. de Lévignac-de-Guyenne) : 231, 239, 354 ; Sainte-Croix (Id.) : 325.
    Diocèse d’Agen : Goux (com. d’Allons) : 340.
    Toutes les communes citées se trouvent dans le dép. de la Gironde, sauf celles de Moustey, Saugnacq, Mimizan, Bias et Maillas (Landes) et celles d’Argenton, Bouglon, Cocumont, Figuès, Grézet, Guérin, Marcellus, Meilhan, Lévignac-de-Guyenne (Lot-et-Garonne).
  5. Croignon, Camiac, Saint-Denis, Saint-Hilaire, Saint-Ambroise en Entre-deux-Mers et Lestiac et Langoiran en Bénauge. En 1311, il convient d’ajouter Baron.
  6. Castan à Sallebœuf, Moncuc et Mélac à Tresses-Mélac, Sartillac à Sainte-Eulalie pour l’Entre-deux-Mers ; Cadillac, Cardan, Laroque, Loupiac, Neyrac (Beguey), Sainte-Croix-du-Mont et Villenave en Bénauge.
  7. Région de Saint-Jean-de-Blaignac.
  8. Cf. n. 4. Le territoire des par. de Cabanac, Saint-Morillon et Saint-Selve s’étendait sur les deux rives du Gua, appelé Trench ou Tyngl au XIIIe siècle. À Cabanac, dont le chef-lieu se trouve sur la rive gauche, le quartier de rive droite correspondait en particulier à la “comtau” (cf. G.P. Cutting, op. cit., p. 244). À Saint-Morillon où la situation est inverse le quartier où habitent les hommes de Bosc est situé sur la rive gauche.
  9. AHG, t. III, p. 126. Voir cependant n. 4, GRA, n° 44 (5). En 1311 il y avait aussi des hommes du roi en Bourgeais et Blayais : cf. n. 4.
  10. C’est vrai en particulier pour le quartier de La Brède où résident les Lartiga et celui de Saint-Morillon où habitent les Bosc qui, bien qu’ils soient l’un et l’autre situés sur la rive gauche du Gua, sont mentionnés dans l’enquête de 1311 sur la prévôté de Barsac. En revanche Saint-Martin-de-Got devait dépendre de Castelnau-de-Cernès. On notera cependant, que d’après l’abbé Beaurein (Variétés girondines, t. III, p. 40), le Gua séparait la paroisse de Saint-Morillon entre les juridictions de La Brède et de Barsac, mais au XVIIIe siècle.
  11. RF, 345, 358.
  12. Ceci peut s’expliquer de diverses façons : oubli (Savignac) ; situation particulière des hommes du roi qui ne paient aucune redevance (enclave de l’Eyre) ou seulement de façon exceptionnelle (Argenton) ; dépendance d’une seigneurie acquise par le roi (biens de Loutrange dépendant du dominium de Meilhan).
  13. Ceci est ainsi parfaitement vrai pour la prévôté de Camparian.
  14. Hostens : alii parrochiani (RF, 673) ; Guillos : alii homines (RF, 572).
  15. GRA, n° 44 (2) ; RF, 658.
  16. Dans l’enquête de 1311 la distinction n’est pas toujours faite entre les feux libres du roi et ceux qui pourraient relever d’autre seigneurs (Barsac, Arbanats, Illats). Parfois aussi feux libres et questaux d’une paroisse sont donnés en bloc (Sauternes). Il arrive, enfin, que le nombre de feux ne soit pas précisé (Portets). Nous pensons, cependant, que lorsque dans une paroisse il est fait état d’un nombre précis de feux libres sans que soit mentionné le seigneur dont ils dépendent, celui-ci était le roi-duc. Comment expliquer autrement la disparition complète des francs du roi dans certaines paroisses comme Barsac entre 1274 et 1311 ?
  17. À Bernos (RF, 253), Gajac (RF, 320, 322), Trazits (RF, 355).
  18. Il existe parfois des différences considérables entre la somme que doivent verser les hommes francs d’une paroisse et celle que l’on peut comptabiliser à partir des reconnaissances. Ce peut être tantôt en moins (Pompéjac : 16 s. 2 d. au lieu de 34 s. ; RF, 247), tantôt en plus (Bernos : 95 s. 5 d. au lieu de 50 s. ; RF, 246), mais le total des sommes effectivement avouées reste bien inférieur aux 20 livres (11 l. 12 s. 6 d.).
  19. RF, 537, 660.
  20. Le nombre d’hommes du roi varie beaucoup d’une paroisse à l’autre : Beychac : 39 ; Sallebœuf : 11 ; Nérigean : 8 ; La Tresne, Tresses : 7 ; Saint-Germain : 6 ; Haux : 4 ; Pompignac, Tabanac : 3 ; Saint-Loubès : 2. À Haux il est par ailleurs fait état de parcionarii (RF, 531) ou d’autres paroissiens (RF, 549).
  21. Cf. n. 3. En Bazadais, certains francs portent des noms qui sont ceux de lieux-dits actuels : tels les Laubarède, les Hugo ou les Graville à Bernos ; pour d’autres on retrouve aisément les stagia qu’ils occupaient : ainsi celles de Lugayosse à Captieux et de Lugadet à Bernos.
  22. RF, 624, 639.
  23. RF, 572, 573, 623, 657, 658, 674. On retrouve cette même mention dans les reconnaissances dans lesquelles les auteurs ne font que de manière indirecte allusion à leur qualité d’homme du roi.
  24. AHG, t. III, p. 118 sq.
  25. Ibid., p. 114-115.
  26. RF, 357.
  27. RF, 541, 542 ; 690 ; cf. n. 3.
  28. RF, 244, 246-250, 338.
  29. RF, 356.
  30. RF, 574.
  31. Cf. n. 3. Pour les par. de la prévôté : RF, 245, 251, 253, 255, 323, 340, 355.
  32. RF, 626 (Saut., Puj.), 573 (Host.), 572 (Gui.).
  33. Cernès : RF, 620, 636, 657-659, 675-678 ; Entre-deux-Mers : 537 ; Bernos : 246 ; Loutrange : 348-351, 353.
  34. AHG, t. III, p. 116 ; RF, 589 et GRA, n° 52 (45) ; RF, 636 ; RF, 350.
  35. RF, 679 ; 660.
  36. 1er cas : RF, 625, 675 ; 2e cas : 623, 624, 638, 640, 661, 663 ; 3e cas : 639.
  37. RF, 675.
  38. RF, 624.
  39. RF, 678 ; 248 (13, 14).
  40. R. Boutruche (op. cit., p. 12) avait déjà distingué francs à titre personnel et à titre réel, mais il avait attaché une signification particulière au fait que certains déclaraient tenir leur personne ou leur corps du roi, ce qui ne semble pas le cas.
  41. C’est le cas à Cocumont (RF, 338, 349, 350), Tersac (339), Taleyson (265), Tontoulon (245).
  42. Pour l’Entre-deux-Mers, cf. n. 20 ; on peut aussi citer le cas des Bosc à Saint-Morillon (6 pers.) (RF, 677), des Lartiga à La Brède (6 pers.) (RF, 658), des douze parçonniers de Trazits (355). Chez les francs de la prévôté de Bazas on note : à Cudos (248), pour 12 recon. : 1 pers : 5 cas ; 2 pers : 4 ; 3 pers : 1 ; 5. pers : 1 ; 7 pers : 1 et à Bernos (246), sur 27 recon. : 1 pers : 16 cas ; 2 pers : 6. cas ; 3 pers : 3 ; 6 pers : 1 ; 9 pers : 1.
  43. En excluant les paroisses de Saugnacq et Moustey (RF, 574) et celle de Sainte-Croix (RF, 325). Dans le premier cas on ignore combien de personnes sont concernées, dans le second le lien qui existait entre les personnes citées.
  44. Voici un bon exemple de cette imprécision : quicquid habent de divisis comitalibus et de ultra Sironem donec ad parochias de Marimbad, de Pissac et de Bernos vel alibi in parochia de Talayson [RF, 247 (13)].
  45. Ainsi à Maillas (RF, 250).
  46. Ainsi à Bernos : 19 journaux de terre et 15 estirons, ainsi que des landes (RF, 246) (21).
  47. RF, 636. À l’opposé, en Entre-deux-Mers, on a un exemple d’homme du roi détenant des stagia (RF, 645).
  48. RF, 541, 542 ; RF., 620, 624, 625, 626, 628, 637-640, 657-659, 661, 663, 674-676 ; RF, 249.
  49. AHG, t. III, p. 114-115 ; RF, 537, 680. Il peut arriver qu’un noble contribue à cette queste (RF, 567).
  50. Baz. : RF, 244, 246-248, 250, 338 (questa); Mim. : RF, 690.
  51. Cernès : 2 d. à s. m. par 3 hom. de Guillos agissant pour eux et d’autres hab. de la par. [RF, 572 ; GRA, p. 316 (35)] ; 2 d. par chacun des 10 alleutiers de La Brède qui doivent en plus 12 d. pour service d’ost (RF, 678) ; Talayson : 4 s. bord. [RF, 197 ; GRA, n° 44 (1)]. On pourrait aussi citer les esporles versées par B. del Cau [RF, 320 ; GRA, n° 52 (84)] et P. de Cajac [RF, 322 ; GRA, n° 52 (85)] : 12 s. et 2 s.
  52. AHG, t. III, p. 115 ; RF, 549 ; GRA, n° 52 (24).
  53. RF, 660 ; GRA, n° 44 (6).
  54. RF, 364. Dans la prévôté de Camparian les biens sont tenus à esporle et à cens et à agrière ou, seulement, à agrière.
  55. Les premiers étaient tenus à une esp. de 6 d. à s. m. et à un cens (usualis census) de 12 d. portés au châtelain de Bordeaux la veille de Pâques [RF, 677 ; GRA, n° 44 (5), n° 52 (69), n° 13, p. 113] ; les autres à 1 d. d’esporle chacun et 20 s. de cens tous ensemble à la Circoncision, le porteur recevant 6 d. en ristourne (RF, 679 ; GRA, n° 13, p. 112). Les alleutiers de La Brède paient aussi 2 d. d’esporle et deux fois 6 d., mais il s’agit d’une taxe d’ost (RF, 678 ; GRA, n° 13, p. 114-115).
  56. RF, 637 ; GRA, n° 13, p. 110, 112.
  57. AHG, t. III, p. 115 ; RF, 570 ; GRA, n° 13, p. 114.
  58. AHG, t. III, p. 115-116 ; RF, 537-680.
  59. 14 d. à Saint Michel (RF, 681) ; 5 s. par maison à Saint Martin (RF, 695) ; un épervier d’un an ou dix livres de cire (RF, 683) ; 25 s. (GRA, n° 13, p. 113-116).
  60. RF, 311 (corrage), 312-316 (oublies), 345 ; 348.
  61. RF, 356.
  62. RF, 325.
  63. RF, 354. Une fois figure une agrière du 1/12 de la vendange assortie d’une acapte. Deux autres hommes de Civert dont un noble versent pour leur part 2 s. et 1 s. (RF, 231, 239).
  64. RF, 334, 336, 344, 348-351, 353. Froment et avoine sont mesurés selon une mesure vieille, rase pour le froment, courante pour l’avoine ; quant au vin il est décompté en barrils et quartiers (de 15 à 32). L’avoine est associée au froment 6 fois sur 7. Les quantités de grains sont de une ou deux mesures, une fois de huit. Le vin, 7 fois mentionné, est parfois mouillé au tiers. Dans l’analyse de l’acte 344 donnée dans GRA, n° 52 (86) il est question de 12 d. d’esporle au lieu de 12 d. de cens.
  65. Bernos : deux fois 12 d. à Saint Michel (RF, 251) ; Bazas : 12 d. à Saint Michel (253) ; Gajac : 1 d. à Carême-prenant pour des biens à Aillas et 3 s. morl. à Saint Pierre et Paul pour d’autres biens à Trazits (322) [dans GRA, n° 52 (86) il est question de 3 s. d’esporle] ; Tontoulon : 3 s. à Saint Martin et 2 s. à Saint Michel (RF, 245) ; Taleyson : 14 d. à Saint Michel (255) ; Trazits : 3 s. morl. à Saint Pierre et Paul (RF, 355 ; cf. 322) pour la stagia de Bugera ou Budemer ; Brouqueyran : 4 l. de cire (GRA, n° 13, p. 113) ; Saint-Jean-de-Goutz ; RF, 340.
  66. Il s’agit respectivement d’un quartal d’avoine à Saint Michel (RF, 244, Art.), trois fois 2 s. et 1 s. (RF, 246 : Bern.), 2 s. 2 d. (247, Pomp.), 2 s. (246, Cud.). Certains hommes de Maillas devaient aussi la dîme des fruits in campis (RF, 250).
  67. Cf. n. 33, 34. Dans la forêt de Bordeaux différents droits étaient perçus pour le pâturage exclusivement : forêt de Baa : 3 s. par bœuf, 5 s. par paire mais rien en plus pour d’autres bêtes ; landes de Camparian : les fromages faits en deux jours avec le lait de tous les troupeaux.
  68. RF, 311. D’après Du Cange, C. Bémont voyait dans cette redevance l’équivalent d’une corvée.
  69. RF, 316.
  70. RF, 314.
  71. RF, 312.
  72. RF, 248 (13, 14).
  73. RF, 537 ; en 1238 (AHG, t. III, p. 116) Cursan ne versait que 15 s. “quar l’ostau de La Seuba mayor la occupada, IIII souds et VIII deneys que a cadan sobre aquera”.
  74. Cf. Du Cange, art. captenium.
  75. AHG, t. III, p. 119.
  76. On pourrait citer d’autres exemples de captenh : ainsi à Saint-Sève (GRA, n° 13, p. 112), à Laruscade et Tauriac en Bourgeais (GRA, n° 13, p. 112) ou dans la prévôté de Camparian à Mérignac (Ibid., p. 103, 114), à Canéjan (p. 103), dans le Marsan (p. 111) ou encore à Issigeac (RF, 481).
  77. RF, 658.
  78. AHG, t. III, p. 115 ; RF, 605 (St-G.) ; 592 (Pomp.) ; 588 (Tres.) ; 645 (Nér.) ; 665 (Sall.).
  79. RF, 320, 322 (?), 323 (?).
  80. RF, 531.
  81. RF, 678. Mais en 1311 (GRA, n°13, p. 114-115) il n’est plus question que d’un cens de 6 d.
  82. RF, 658.
  83. RF, 537.
  84. RF, 623, 636, 657, 658, 661, 663, 674, 675 (sacramentum ou juramentum fidelitatis), 628, 676, 677 (jurare pacem). Les seuls cas particuliers que nous ayons relevés sont celui des Bosc de Saint-Morillon qui prêtent serment au château de Bordeaux (RF, 677) et celui des hommes de la comtau de Cabanac qui rendent hommage et serment au même endroit (RF, 679).
  85. RF, 246, 248 ; 680.
  86. Castres : Pro isto deverio (une esporle) dominus rex debet ipsos homines defendere… (RF, 660) ; La Brède : et volunt quod dictus dominus rex custodiat eos… pro illis sex denariis (d’ost) (678) ; Cudos : Pro quibus debet ipsos defendere, (248) (13, 14).
  87. GRA, n° 44 (1, 6, 16, 17, 19-21).
  88. RF, 537, 680 ; RF, 531, 541, 542, 570, 588, 592, 605, 665, 680. Le Gestas était appelé le Lucbert au XIIIe siècle (Cf. AHG, t. III, p. 116 et RF, 537).
  89. RF, 680.
  90. Dans le cas des Bosc de Saint-Morillon (RF, 677).
  91. Pour les alleutiers de La Brède (RF, 678), les francs de Guillos (572) et ceux d’Hostens (573). On notera que trois fois sur quatre il s’agit d’hommes qui résident dans les marges de la prévôté de Barsac et paient cens ou esporle à Bordeaux.
  92. RF, 244, 246, 247, 250.
  93. RF, 210, 364 (Arg.) ; 358 (Puyb.) ; 325 (Ste-Cr.).
  94. RF, 250 (Baz.) ; 680 (Amb.) ; 628, 639, 640, 657, 659, 661, 663, 675, 676 (Cernès).
  95. RF, 537. R. Boutruche (op. cit., p. 126) estimait qu’il y avait eu dans ce domaine une évolution au cours du XIIIe siècle. D’après lui, en 1274, tous les francs devaient le service militaire, alors qu’en 1238 seuls certains y auraient été astreints (cf. infra).
  96. AHG, t. III, p. 117, 118.
  97. RF, 628, 638-640, 658, 661, 675.
  98. RF, 675.
  99. RF, 636, 661.
  100. GRA, n° 44 (1).
  101. RF, 542 (Bey.) ; 549 (Haux) ; 638, 572 (Cernès). Mais les hommes de la queste précisaient : debent exercitum secundum quod homines minores possunt et debent facere (RF, 537) ; on a vu en quoi consistait cet “ost”.
  102. RF, 244, 246, 247 (obsequium exercitus sicut in villa de Vasato) ; 249, 250 (quando ipsum facit villa Vasatensis).
  103. RF, 291 : habet dominus rex exercitum in villa… de qualibet domo unum hominem.
  104. On notera cependant l’ambiguïté de l’expression : Item si dominus rex… facit cavalgatam et cives vas. sint cum eo vel eciam in exercitu… (RF, 291). Mais un homme de Sauviac exempt de service précise qu’il ne doit exercitum nec cavalcatam [RF, 244 (7)].
  105. RF, 356 ; 574.
  106. Comm. des Mon. hist. de la Gironde, 1851, p. 45-46 ; J.B. Marquette, Le pays de Born à la fin du XIIIe siècle, dans Bull. de la Soc. de Borda, 1977 ; RF, 244 (7) (Sauviac).
  107. GRA, n° 44 (1).
  108. Ibid.
  109. AHG, t. III, p. 117.
  110. RF, 537.
  111. AHG, t. III, p. 116.
  112. Ibid., p. 118-124.
  113. Ibid., p. 129.
  114. RF, 541, 542.
  115. RF, 680.
  116. RF, 660. Aucune allusion en revanche dans GRA, n° 44 (6).
  117. RF, 658.
  118. GRA, n° 44 (1).
  119. GRA, n° 44 (5). C’est du moins la somme réclamée par le prévôt, mais les intéressés prétendent que l’aubergade ne s’élève qu’à 50 s. Le prévôt pouvait choisir entre l’aubergade et la redevance en argent.
  120. GRA, n° 44 (6). Dans la prévôté de Camparian l’aubergade est aussi de ce type.
  121. Ibid., n° 44 (4, 7, 9, 17), (10).
  122. RF, 249.
  123. RF, 246-248, 250 ; 244, 249.
  124. À Bernos, il y avait, semble-t-il, des aubergades distinctes, l’une pour Bernos proprement dit sur la rive droite du Ciron, l’autre pour le quartier de la Graville sur la rive gauche [RF, 246 (10)].
  125. Ainsi, à Artiguevieille où il y a 4 stagia, chacune doit contribuer pour le quart (RF, 244).
  126. GRA, n° 44.
  127. AHG, t. III, p. 114-115. La ponctuation utilisée dans cette édition rend le texte parfaitement incompréhensible. R. Boutruche (op. cit., p. 124, n. 1) se référant à cette édition estimait que les alleutiers échappaient à la queste car ils étaient astreints au service d’ost.
  128. RF, 537 ; 549 ; 541, 542.
  129. La formule classique est : Item si habebant allodia… dixerunt quod non. RF, 531, 570, 588, 589, 592, 605, 665.
  130. solvunt istos L solidos racione allodiorum suorum (RF, 680).
  131. AHG, t. III, p. 114-115.
  132. “quascun franc del seynhor rey… pot vendre son allodi, loquau ten del rey a qui a luy playra, lo quau d’aqui enrey fassa servici au rey” (AHG, t. III, p. 118).
  133. Après avoir reconnu devoir la queste, le service d’ost, le serment et pour cela avoir l’usage des padouens, les hommes de la queste déclarent : et… ita sunt liberi et habent terras suas modo predicto francas et liberas et quod de ipsis suam possunt facere voluntatem (RF, 537).
  134. RF, 658, 678.
  135. GRA n° 13, p. 114-115.
  136. Esporle : Guillos, La Brède (n. 50), “comtau” de Castres et Portets (n. 52) ; esporle et cens : Saint-Morillon, “comtau” de Cabanac (n. 54) ; cens : Saint-Martin-de-Got, Barsac, Cérons (n. 55) ; service d’ost : La Brède (n. 83, 84) ; captenh : Saint-Sève (n. 75).
  137. RF, 660, 679.
  138. GRA, n° 44, (13, 14, 6).
  139. Dixit quod… est homo dom. regis Anglie… tenet totam terram quam habet in parochia… et dixit se tenere… aquas, vias et paduencia (RF, 663).
  140. Dixerunt quod sunt homines francales… et tenent ab ipso septem sazones terre et vinee et propter hoc debent paduere vias, aquas et alias paduencia (RF, 620).
  141. Dixit quod ipse est francalis homo. Item, dixit quot tenet stagiam… Item dixit quod debet dare… et pro omnibus istis dixit quod debet uti et espelitari viis et aquis.
  142. Nous ne pensons pas pour autant que les padouens tenus en franchise par les francs détenteurs de terres franches aient eu, eux aussi, une origine alleutière. C’est vraisemblablement en raison de la franchise de leur terre dont certains francs estimaient d’ailleurs qu’elle était à l’origine de leur condition de franc que ces hommes possédaient aussi l’usage franc des padouens, alors que les hommes des “comtaus” versaient une redevance (RF, 628, 636). Il existe, il est vrai, un exemple de francs qui ne tiennent en franchise que des padouens (Barsac ; RF, 636), mais il s’agit d’un cas particulier, ces hommes ayant fait l’objet d’une contestation entre le roi-duc et Géraud de Montremblanc (RF, p. 289, n. 1).
  143. GRA, n° 44 (18). On ne saurait, en revanche, tirer argument du fait qu’en 1274 ces hommes se déclarent francs à raison de leurs biens (RF, 637) car on retrouve la même formule chez de véritables hommes francs (RF, 628, 636). Nous avons vu, d’ailleurs, l’usage abusif qui a été fait, en 1274, du qualificatif de franc, alors qu’en 1311 le terme de libre du roi est utilisé avec beaucoup plus de justesse.
  144. RF, 253.
  145. RF, 239, 320.
  146. Cf. supra.
  147. Cf. n. 66.
  148. RF, 246 (2, 4), 248 (11), 250.
  149. RF, 247, 248 ; 246.
  150. RF, 247 (1, 13).
  151. RF, 338.
  152. RF, 197.
  153. RF, 311-316.
  154. RF, 251, 255.
  155. À Cocumont (RF, 344), les hommes du roi versent des droits de vente. C’est aussi le cas à Puybarban (358) et Savignac (356).
  156. RF, 574. Cf. infra.
  157. RF, 690. Cf. infra.
  158. RF, 681, 683, 695.
  159. RF, 695.
  160. AHG, t. III, p. 118-119.
  161. À propos du service militaire, des aubergades et des droits de justice du roi, les francs déclarent que toutes ces choses étaient “usadas et acostumadas en lo temps dels reys Henric et Richart” (AHG, t. III, p. 118).
  162. Jean-sans-Terre céda cette queste à l’archevêque de Bordeaux pour la “sustentation de certanx paulbres” (ibid., p. 114).
  163. Ibid., p. 119-127.
  164. Cf. Le pays de Born au XIIIe siècle, dans Bull. de la Soc. de Borda, 1977.
  165. Op. cit., p. 126.
  166. Ibid., p. 66 sq.
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Pessac
Chapitre de livre
EAN html : 9782356135094
ISBN html : 978-2-35613-509-4
ISBN pdf : 978-2-35613-511-7
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
31 p.
Code CLIL : 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, J. B., “Hommes libres et hommes francs du roi en Bordelais et Bazadais au XIIIe siècle”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 1, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 469-500, [URL] https://una-editions.fr/hommes-libres-et-hommes-francs-du-roi-en-bordelais
Illustration de couverture • d'après “Atlas de Trudaine pour la ‘Généralité de Bordeaux n° 6. Grande route de Bordeaux à Bayonne. Les douze premières cartes du plan de cette route. Cy 15 cartes’.
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