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Bayonne et les pays de rive droite de l’Adour :
Gosse, Seignanx, Labenne (1200-1320)


Paru dans : Bayonne et sa région, Actes du XXXIIIe congrès
d’études
régionales tenu à Bayonne les 4 et 5 avril 1981, FHSO, 1983, 77-96.

Tout au long du Moyen Âge, Bayonne s’est efforcé de substituer sa juridiction à celle du roi-duc sur les terres landaises de la rive droite de l’Adour1. Cela n’a pas de quoi surprendre, car, depuis Hourgave ou bec de Gave jusqu’à son embouchure au Boucau de la Punte ou celui du Plecq, le fleuve constitue déjà pour la ville l’axe vital qu’il n’a jamais cessé d’être.

À défaut de pouvoir établir totalement leur juridiction sur l’Adour – comme le prouve le fait que le roi-duc se soit toujours réservé le droit d’y concéder des nasses2 – les Bayonnais essayèrent donc d’en contrôler la navigation et le commerce, dont celui du poisson. Mais, on le conçoit aisément, il n’était pas facile d’assurer efficacement un tel contrôle si l’on ne pouvait l’exercer en même temps sur les deux rives du fleuve. Si, du côté du Labourd, l’autorité bayonnaise s’exerça fort tôt et sans partage jusqu’à l’embouchure3, sur la rive landaise, en revanche, il n’en fut pas de même. À vrai dire, étant donné la nature des terres bordières – les barthes – ni le pays de Gosse, ni celui de Seignanx n’offraient de grandes possibilités portuaires ; mais la situation était différente dans la baronnie de Labenne qui disposait d’un port à Capbreton.

Cette baronnie et celles de Gosse et Seignanx constituaient, par ailleurs, pour les Bayonnais, une véritable ceinture nourricière pouvant offrir à la ville une part des produits alimentaires – vin et gras – et des matières premières – le bois surtout, mais aussi la pierre et l’écorce à tan dont elle avait besoin4. C’est aussi par ces pays qu’arrivaient les routes terrestres – celles de Bordeaux et de Dax entre autres – qui reliaient Bayonne au reste du duché. Enfin, nombre de familles bayonnaises étaient originaires des paroisses landaises riveraines du fleuve, dans lesquelles elles avaient conservé des attaches et des intérêts.

Aussi, avant d’évoquer les tentatives plus ou moins couronnées de succès que firent les Bayonnais pour contrôler les pays landais, il convient de se pencher sur les divers aspects de la pénétration bayonnaise jusqu’à la seconde décennie du XIVe siècle5.

La première manifestation notable en fut, vers 1125, la construction du pont sur l’Adour. L’initiative en revint à l’évêque de Bayonne, Raimond de Martres, agissant de concert avec le vicomte de Labourd, Bertrand, sa mère Urraca, les chanoines de la ville et tous les barons de la province6. À cette occasion, le vicomte fit don à l’évêque du tiers du péage perçu sur le pont – sans aucun doute en bois – prolongeant le pont mayour sur la Nive. Que l’initiative ait été bayonnaise ne saurait surprendre car, indépendamment des facilités que ce pont offrait aux Bayonnais et aux habitants du Labourd7 pour vaquer à leurs affaires sur l’autre rive ou certains d’entre eux avaient déjà des biens, il facilita l’acheminement des produits landais et contribua à la fixation des deux principaux itinéraires routiers, en direction de Bordeaux et Dax d’une part, de Peyrehorade et Orthez de l’autre. Si l’Adour demeurait la voie de transport par excellence des produits béarnais et landais, le pont n’en favorisa pas moins grandement la circulation des marchandises et celle des hommes.

Il facilita aussi largement la pénétration bayonnaise en terre landaise. Celle-ci se manifesta, tout d’abord, par l’implantation foncière des Bayonnais, notable surtout au débouché du pont dans le quartier qui prit le nom de Saint-Esprit, à la suite de la fondation d’un prieuré-hôpital. Mais, les Bayonnais acquirent aussi des biens en Seignanx, ainsi que dans la baronnie de Labenne et plus particulièrement à Capbreton et au Boret où les portait naturellement le flot de l’Adour. Cependant, aussi bien en Labenne qu’en Gosse et Seignanx, il convient de distinguer, d’une part, les acquisitions foncières faites par les Bayonnais, d’autre part, l’installation permanente ou temporaire de certains d’entre eux – surtout à Saint-Esprit et Capbreton – en relation avec les activités de la ville ou du port.

Voyons tout d’abord, en quoi consistaient les possessions bayonnaises outre-Adour. Les plus lointaines et les plus anciennes à la fois furent les biens patrimoniaux conservés par des familles du pays de Gosse ou de Seignanx “descendues” à Bayonne, comme celle des La Lanne, originaire de Saint-André-de-Seignanx8. Viennent, ensuite, les dîmes et droits d’autel que le chapitre de Bayonne commença à acquérir dans le pays de Seignanx, probablement, peu de temps après l’ouverture du pont. Dès 1142, en effet, il faisait l’acquisition, sous réserve de l’usufruit pour le donateur, du quart des droits d’autel que Pierre de Camiade possédait à Saint-Étienne-d’Arribe-Labourd9. Quelques années plus tard, vers 1160, l’évêque Fortaner se substituait à un groupe de bourgeois de Bayonne et reprenait en gage de Navarre, vicomtesse de Maremne, la dîme de Saint-Martin-de-Seignanx, pour 1520 s.10. L’obligation d’un remboursement dans les trois ans, sans que le débiteur puisse faire appel à de nouveaux prêteurs aboutit sans aucun doute à la main mise définitive du chapitre sur la dîme de Saint-Martin. Un siècle plus tard, à l’occasion de divers prêts, il prenait en gage de nouvelles dîmes en Seignanx : tout d’abord, le chanoine Raimond Laudig, en son nom personnel prenait une hypothèque de 720 s. sur le dîmier de l’Arribère que la maison d’Ordozon possédait à Tarnos11 ; puis, en 1257, le chapitre prêtait 500 s. sur les biens du seigneur d’Ordozon : dîmes à Tarnos, dont la moitié des trois-quarts de celles de neuf feux, ainsi que celles de l’estey du moulin d’Esbor jusqu’aux Ponteils12, complétées, l’année suivante, par 800 s. sur le dîmier d’Estiei à Tarnos13 ; enfin, à la suite d’un litige portant sur la nature des biens hypothéqués en 1257, 700 s. morlans de plus sur la dîme de deux feux et celle de trois moulins, toujours dans la paroisse de Tarnos (1259)14. C’est donc un total de 100 livres morlanes d’hypothèque, non comprises les 36 livres initiales, que le chanoine, Raimond, avait par la suite léguées au chapitre, que celui-ci conserva tout au long du Moyen Âge à Tarnos, car, ni Arnaud d’Ordozon ni ses successeurs immédiats ne furent capables de les rembourser. À la même époque Arnaud de Monbrun engageait aussi au chapitre pour 200 s. morl., la dîme qu’il prélevait à Ahite et Romatet15 toujours dans Tarnos. Quelques années plus tard, enfin, Arnaud de Lalane engageait à son tour, la dîme qu’il possédait paroisse de Saint-André-de-Seignanx, pour 3 200 s. morl.16.

Fig. 1. Les zones de protection économique de Bayonne (fin XIIIe, début XIVe siècle).
1. Perception du droit de pontage ; 2. Limite de la zone d’interdiction d’achat de grains pour leur revente (1296) ;
3. Limite de la zone d’interdiction d’achat des autres produits alimentaires pour leur revente (1315) ;
4. Limite de la zone “urbaine” des honoraires de notaire (1311) ;
5. Limite de la zone viticole privilégiée (1292) ;
6. Limite de juridiction.

Mais, ces dîmes pratiquement engagées à perpétuité ne furent pas les seuls biens que détenait le chapitre cathédral en Gosse et Seignanx. Le 7 juin 1289, le roi, ayant pris sous sa protection spéciale le chapitre de Bayonne et les biens qu’il possédait dans ce pays et en Labourd, énumère encore les juridictions, droits, dîmes, prémices, fruits, revenus et possessions qu’il soumet à la garde du prévôt de Bayonne et des baillis de Gosse et Labourd17. Parmi ces biens figurent entre autres, une carrière à Saint-Étienne que le chapitre s’était fait donner à la fin du XIIe s. par un “faure” de la ville ; quelques années plus tard (1213), un litige éclata à propos de cette carrière, entre l’évêque de Bayonne et Raimond Deluc, héritier du donateur P. Arnaud de Norton18. En bon fils de l’église Raimond Deluc renonça définitivement à son droit “d’arrebot”, se réservant seulement la possibilité d’extraire les matériaux dont il avait besoin pour construire sa maison. L’évêque lui accorda en échange, la liberté de passage pour aller à sa vigne proche de la carrière. Cette affaire illustre, d’ailleurs, de manière remarquable le rôle joué par le Seignanx pour l’approvisionnement des chantiers de construction bayonnais, en particulier celui de la cathédrale.

Ainsi qu’on vient de le voir, les bourgeois bayonnais possédaient donc des biens à Saint-Étienne et, probablement, dans les paroisses limitrophes : il s’agissait de dîmes19, de vergers, de jardins, de vignes20, mais aussi de moulins et de petits domaines que nous font connaître, entre autres, l’ordonnance prise en faveur des Bayonnais, en octobre 1294 par Ar. R. de Durfort21[21], puis une supplique adressée deux ans plus tard au roi-duc22. Or, selon l’ordonnance de 1294, les Bayonnais ne se seraient pas contentés d’acquérir des biens en Seignanx ; ils s’y seraient installés pour y exploiter vergers, vignes, moulins et domaines23. Sans doute étaient-ils particulièrement nombreux au faubourg Saint-Esprit qu’ils contribuèrent à peupler. Leur présence autant que la volonté de contrôler les deux entrées du pont conduisit, d’ailleurs, au rattachement momentané du quartier à Bayonne, en 129424.

Mais, de façon opposée, combien de familles de Gosse et de Seignanx franchirent le pont pour s’établir à Bayonne ; tel fut le cas de Pierre Arnaud de Gosse25 (1251), d’Arnaud d’Ondres (1258)26, d’Ogier d’Ondres (1299)27 et de Pierre Arnaud de Saubrigues28, tous quatre citoyens et celui de Jean de Seignanx, citoyen et marchand (1303)29. Mais, en feuilletant les listes de censitaires du chapitre, c’est par dizaines que l’on relève les noms des immigrés du bas Adour landais. En voici quelques-uns : Désirade et Jean d’Esbor – du nom du ruisseau de Tarnos – Domenje de Marsag, Guiraut et Douse de Seubrigues en Gosse, Marie d’Ondres en Seignanx, B. de Gosse, Biverne, Domenje, Johan et Peirone de Seignangs ou Biverne de Lebene30.

On ne saurait, cependant, réduire à ces seuls aspects les relations nouées entre Bayonne et les pays d’outre-Adour. Nous avons vu aussi que les pays de Gosse et de Seignanx ainsi que la baronnie de Labenne constituaient une sorte de réserve qui permettait au roi par le moyen de concessions directes de récompenser les Bayonnais dévoués à son service, lesquels devenaient de ce fait administrateurs de ces territoires : tel fut le cas pour la terre de Labenne de P. de Roset (1242), Thomas Aurifaber (1254) puis, P. Arnaud de Vic (1289)31.

Mais, ce qui à notre avis, symbolise le mieux l’étroitesse des liens entre les deux rives de l’Adour, c’est sans aucun doute, la présence à Saint-Esprit et à proximité de trois établissements religieux qui, par leur origine et toute leur histoire, sont plus bayonnais que landais : il s’agit de la commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, de l’hôpital du Saint-Esprit, enfin du monastère des cisterciennes de Saint-Bernard32. Tous trois doivent remonter au XIIe siècle. Deux étaient implantés face à la ville : le prieuré-hôpital du Saint-Esprit, probablement le plus ancien des trois, établi à l’extrémité du pont ; la commanderie-hôpital de Saint-Jean de Jérusalem dont la chapelle était édifiée sur la hauteur du Fort, attestée pour la première fois en 1187, mais qui avait alors plusieurs années d’existence. Quant au monastère des cisterciennes de Saint-Bernard, connu le plus souvent sous le nom de Beubeder ou d’Esterou, établi à quelques kilomètres en aval du pont Saint-Esprit, on ignore la date de sa fondation. L’absence de toute étude sérieuse sur ces maisons ne permet pas d’apprécier pour l’instant avec exactitude le rôle qu’elles ont joué à la fois dans l’histoire de Bayonne et comme relai ou point d’appui de la présence bayonnaise en terre landaise. Il est en tout cas certain que la fondation des deux hôpitaux est liée à l’existence du pont. Il est probable aussi que c’est à une initiative bayonnaise que l’on doit l’installation de l’hôpital du Saint-Esprit. Enfin, ces trois établissements, de même qu’ils étaient possessionnés sur les deux rives de l’Adour, recrutaient leurs membres aussi bien à Bayonne que dans les pays landais.

Il n’y avait pas de port véritable en pays de Gosse et de Seignanx et, de ce fait, les relations qui s’établirent entre les Bayonnais et les habitants de ces pays, de même que les problèmes qui purent les opposer eurent toujours un caractère “terrien”, à l’image du pont qui unissait les deux rives. Il n’en fut pas de même en ce qui concerne la baronnie de Labenne et cela pour d’évidentes raisons : c’est par l’Adour que s’établissaient les relations entre Bayonne et ce petit pays qui disposait d’un port – Capbreton – le seul, d’ailleurs, qui existait entre la ville et le Boucau, celui de la Punte puis celui du Plecq.

Peut-être en raison de la facilité des relations, mais aussi parce que les terres de la baronnie – du moins certaines d’entre elles – se prêtaient particulièrement bien à la culture de la vigne, les Bayonnais en quête d’investissements fonciers productifs se tournèrent-ils vers les bouches de l’Adour. De l’importance de ce vignoble et de son caractère bayonnais les témoignages abondent dans les Établissements de Bayonne. Ce vignoble de Boret, de Capbreton et de Labenne fut d’ailleurs, en 1291-1292, à l’origine d’un conflit qui opposa les Bayonnais entre eux33. Parmi ceux qui étaient alors propriétaires se trouvaient Pierre Arnaud de Boniort, Arnaud de Vilar, Pierre de Villa et Bernard de Liposse, représentants des familles les plus connues de la cité. C’est progressivement que les Bayonnais établirent ce vignoble de sable, en même temps sans doute que celui de Seignanx ; en revanche, le développement de Capbreton et de son terroir résulte d’une initiative royale dans laquelle les Bayonnais furent largement concernés.

On ignore au juste qu’elle était l’importance de Capbreton à la fin du XIIIe siècle ; en tout cas, le roi-duc, estimant sans doute que cet avant-port était insuffisamment peuplé, à moins que ce ne soit pour répondre à une sollicitation bayonnaise, manda, en 1287, à Pierre Arnaud de Vic de se charger de l’extension du bourg landais34. Il devait en particulier, remettre à ceux qui le souhaitaient des lots pour y construire des maisons et aménager des jardins. Le montant du cens devait être établi par le prévôt de Labenne. On ne sait si les intéressés furent nombreux, mais, en 1300, donc au moment de la guerre de Guyenne, Pierre Arnaud de Vic concédait encore une demi-place à Jean de Clarenhs. Il apparaît, tout d’abord, qu’au moins dans ce secteur le lotissement était avancé puisque cette demi-place confrontait à des terrains tous deux accensés : l’un appartenant à Arnaud de Vilar, l’autre à Pierre de Menta, alors décédé. La profondeur de la parcelle était la même que celle des deux parcelles qui lui étaient contiguës et la largeur en façade de sept brasses. Le nouveau tenancier devait payer 9 s. morl. de cens annuel à Toussaint au bailli de Labenne sous peine de 6 s. morl. d’amende. S’il souhaitait vendre la maison qu’il allait construire, il devait en faire présentation au bayle de Labenne. On ignore, pour l’instant, l’identité de Jean de Clarenhs ; en revanche, nous connaissons celle de ses deux voisins : l’un d’eux, Pierre de Menta, citoyen de Bayonne, décédé en 1300, avait onze années plus tôt, reçu de Pierre Arnaud de Vic des terres incultes à Labenne. Peut-être obtint-il à la même époque le lot de Capbreton35. Quant à Amanieu de Vilar, c’est un des meneurs de la manifestation en faveur des vignes du Boret qui envahit la maison commune de Bayonne, en 1291. Il semblerait donc, à travers ce document malheureusement unique, qu’un certain nombre d’habitants de Capbreton aient été d’origine bayonnaise ; mais, il n’est pas interdit non plus de voir dans ces maisons de Capbreton des sortes de résidences secondaires bayonnaises. On notera, d’ailleurs, que ce n’est pas seulement pour cultiver des vignes que les Bayonnais s’installaient à Capbreton, mais aussi pour y faire du commerce : les clauses de la concession en censive sont à cet égard parfaitement explicites36.

On est ainsi conduit à s’interroger sur les conditions dans lesquelles les habitants de la seigneurie de Labenne-Capbreton pouvaient exercer des activités commerciales et naviguer sur le bas Adour. Si l’on se réfère aux documents de la fin du Moyen Âge, on constate que Capbreton n’existe pas en tant que port d’exportation ou d’importation, en raison du système alors en vigueur, réservant au port de Bayonne l’ensemble du trafic maritime à partir de l’Adour37.

Qu’en était-il à la fin du XIIIe siècle ? D’après les privilèges qui leur furent confirmés en 1302, les habitants et voisins de Labenne et Capbreton avaient le droit de charger et décharger au port de Capbreton les marchandises leur appartenant. Par ailleurs, ils étaient exemptés de tous leudes, péages, pontages, impositions pour toutes transactions faites sur le territoire de la ville, du château et de la juridiction de Bayonne, de la même façon que les bourgeois et voisins de Bayonne38. Capbreton était donc, à cette époque, un avant-port de bayonne et la baronnie de Labenne ressortissait à la franchise de la ville. De ce fait, les Bayonnais propriétaires de vignes à Boret pouvaient faire entrer leurs vins à Bayonne sans difficulté, jusqu’en 1291-1292, du moins. On notera, cependant, que si, en matière commerciale, la baronnie de Labenne est alors dans le ban de Bayonne, il n’en est pas de même dans les autres domaines – sur le plan judiciaire en particulier : Bayonne et Labenne ont chacune un prévôt ou un bayle royal. Mais, si à Bayonne ce prévôt doit compter avec les autorités communales, à Labenne, en revanche, le représentant du roi exerce directement son autorité sur les habitants.

Tout au long du XIIe et du XIIIe siècle des liens étroits s’étaient donc établis entre la cité de l’Adour et les pays landais qui lui faisaient face : le quartier de Saint-Esprit, Capbreton et les vignobles du Boret en constituaient la meilleure illustration.

Or, une fois le fleuve franchi, les Bayonnais pénétraient sinon en pays étranger, du moins sur le territoire d’une autre juridiction, le diocèse de Dax et la terre ducale du Seignanx. Que le maire et les jurats aient tenté d’apporter des aménagements à cette situation se conçoit aisément, mais le problème ne se présentait pas du tout de la même façon, les solutions possibles non plus, selon qu’il s’agissait de questions ressortissant au domaine ecclésiastique ou administratif.

Il ne fut jamais dans les intentions des Bayonnais de demander une modification quelconque des limites diocésaines, bien que l’appartenance des pays de Gosse et de Seignanx au diocèse de Dax ait donné pas mal de soucis à l’évêque et au chapitre de Bayonne. Heureusement encore que les deux diocèses aient relevé de la province d’Auch. Les témoignages ne manquent cependant pas des complications qui découlaient de cette situation : ainsi, lorsque le chapitre de Bayonne se fait donner par Pierre de Caminade des parts de dîmes et droits d’autel à Angresse et Sorts en Maremne39, ainsi qu’à Saint-Étienne, l’évêque de Bayonne Arnaud (1125-1136) demande-t-il à Guillaume de Falguars, évêque de Dax, confirmation du don, ce que celui-ci accepta sous réserve des services qui étaient dûs auparavant.

S’agissant des établissements hospitaliers susceptibles de concurrencer ceux de Bayonne auprès des fidèles, le problème des limites revêtait une toute autre ampleur. On sait avec quelles réserves l’implantation d’un nouvel établissement religieux était parfois accueillie par le clergé local. Lorsque ceux du Saint-Esprit et de Saint-Jean s’installèrent sur la rive droite de l’Adour ce fut probablement sans l’autorisation de l’évêque de Bayonne, à moins, bien sûr, que celui-ci n’en ait été l’instigateur. En tout cas, par leur proximité, par leur nouveauté aussi, ils ne manquèrent pas de drainer vers eux une partie des dons et aumônes qui allaient jusque-là au clergé diocésain ; aussi, des conflits éclatèrent-ils, en raison même de la concurrence que ces maisons faisaient à celles de Bayonne.

Un premier litige se produisit, en 118740, entre les Hospitaliers de Saint-Jean et les chanoines de Bayonne, à la suite du don fait à l’Hôpital par Guilhem de Castedgelos et son frère Vital d’un terrain situé derrière l’église Saint-Léon, destiné à la construction d’un hôpital dont le donateur devait être le premier prieur. Ainsi qu’on pouvait s’en douter, le chapitre cathédral ne manqua pas de manifester son opposition : l’édification de l’hôpital ne risquait-elle pas, en effet, de faire concurrence à celui tout proche de Saint-Nicolas. De leur côté, les Hospitaliers étaient d’autant moins disposés à y renoncer que la construction de l’hôpital constituait la condition même de la validité du don. Il y eut donc une vive controverse – lis non minima – nous dit le document. Finalement, sur intervention de l’évêque de Bayonne, Bernard, et du ministre de l’Hôpital en Gascogne, G. de Castedgelos accepta de modifier les clauses de la donation. L’évêque reçut le don au nom des Hospitaliers, lesquels, de leur côté, placèrent le donateur, sa vie durant, à la tête de leur maison du bout du pont, avec liberté d’y recevoir ses parents. Les Hospitaliers s’engagèrent, enfin, à ne construire ni hôpital, ni oratoire sur le terrain donné par G. de Castedgelos ou ailleurs à Bayonne.

Or, un nouveau conflit d’une toute autre ampleur éclata quelques années plus tard (1207). Cette fois-ci ce n’était plus un don qui était à l’origine du litige, mais une question de casuel41. En effet, attirés sans doute par la renommée qui entourait l’ordre de l’Hôpital, des Bayonnais se faisaient ensevelir dans la chapelle du bout du Pont ; peut-être même certains s’y mariaient-ils. En tout cas, ils venaient volontiers assister aux offices et processions organisés par les Hospitaliers et, à cette occasion, ils faisaient des dons de toutes sortes ; quant aux Hospitaliers, ils venaient de leur côté quêter à Bayonne. En somme, les frères empiétaient sur les droits et revenus paroissiaux du clergé de Bayonne. Ce type de conflit ne présente en soi rien d’original ; plus tard, il se produisit fréquemment au moment de l’installation des ordres mendiants dans les villes. Mais à Bayonne, le problème revêt un aspect original, car en raison de leur implantation dans le diocèse de Dax, les Hospitaliers jouissaient d’une sorte d’exterritorialité. Un accord fut trouvé grâce à l’intervention de Fortaner, évêque de Dax, auquel avait fait appel Bernard de Lacarre, son confrère Bayonnais. Les Bayonnais purent, désormais, se faire ensevelir à Saint-Jean où les Hospitaliers recevaient droit de sépulture ; mais, les défunts ne devaient pas dans leurs legs oublier complètement la cathédrale de Bayonne. S’ils ne se montraient pas suffisamment généreux envers elle, les legs faits aux Hospitaliers, ainsi que les oblations de la semaine suivante devaient faire l’objet d’un partage : un tiers au chapitre et deux tiers à l’Hôpital. Si le défunt était un étranger, selon qu’il décédait ou non à l’Hôpital, celui-ci conservait la totalité ou les trois quarts de ses legs, mais dans tous les cas ses armes et ses chevaux. Les Hospitaliers s’engageaient, en revanche, à ne recevoir aucune oblation à l’occasion de fiançailles, mariages, relevailles, adorations ou autres cérémonies et si, à l’occasion de grandes fêtes, des Bayonnais venaient se joindre aux processions organisées par les Hospitaliers, ceux-ci devaient les exhorter à repartir à la cathédrale. De même, leur chapelle serait fermée à toute personne excommuniée par l’évêque de Bayonne ou son archidiacre et, en cas d’interdit général à Bayonne, les frères célèbreraient leurs offices en silence et porte close. En revanche, le lundi de Pâques le quêteur de l’Hôpital serait admis à venir à la cathédrale. On ne sait au juste de quelle façon fut observé cet accord, mais l’intervention de l’évêque de Dax illustre parfaitement les difficultés qui découlaient de la situation marginale de Bayonne aux frontières mêmes de son diocèse.

Si les problèmes liés au voisinage d’une limite diocésaine furent réglés dans le cadre d’accords ponctuels, sans que fut jamais remise en cause la juridiction de l’évêque de Dax, il n’en fut pas de même, en revanche, de ceux posés par le voisinage des juridictions de Seignanx, de Gosse et de Labenne. Les Bayonnais, pour les raisons évoquées récemment tentèrent, en effet, chaque fois que les circonstances le leur permirent d’établir la juridiction de leur ville sur les paroisses situées au débouché du pont Saint-Esprit, manifestant, par contre, une attitude plus nuancée en ce qui concerne la terre de Labenne.

C’est de manière prudente, du moins dans un premier temps, que se développe la politique bayonnaise en Seignanx : elle consiste à couvrir d’une apparence de légalité ce qui n’est en réalité qu’un abus de pouvoir, à donner un vernis juridique à un état de fait progressivement établi. Les Bayonnais ne se comportent pas autrement que les Bordelais qui finirent par faire croire que les limitations qu’ils imposaient à la descente des vins du haut pays résultaient de privilèges octroyés par les rois d’Angleterre42. Mais, à Bayonne, c’est directement aux dépens du roi-duc que se développe l’action de la commune. À l’origine, sinon des prétentions bayonnaises, du moins du désir du maire et des jurats de les justifier, on se doit d’évoquer la “charte aux bourgeois” concédée aux Bayonnais, en janvier 1172, par Richard Cœur de Lion. Il s’agit d’une confirmation des coutumes et des droits concédés par le duc d’Aquitaine Guillaume IX, qui contient, entre autres, que tout Bayonnais ou toute personne venant, à l’avenir, habiter à Bayonne disposera sur terre et sur mer d’un droit de franchise par bois et par forêt sur tout le territoire qu’il pourra parcourir en une journée depuis Bayonne, à condition de revenir dans la ville le même jour43. Or, il n’était pas précisé si l’Adour constituait ou non une limite à ce périmètre d’une quinzaine de kilomètres environ. Les Bayonnais, semble-t-il, ne le pensaient pas.

Mais ce n’est que lorsque les circonstances leur parurent suffisamment favorables, qu’invoquant le privilège de Richard, ils essayèrent de se faire reconnaître des droits sur la rive landaise de l’Adour. Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, en effet, ils se contentèrent, à l’occasion de la promulgation d’établissements municipaux de conforter ou d’introduire – on ne saura jamais au juste s’il s’agissait alors d’une innovation – toute une série de pratiques qui aboutissaient en fait sinon en droit à établir sur la rive droite du fleuve ce qu’il faut bien appeler une banlieue au sens juridique du terme. Politique dangereuse s’il en est, puisque le pays de Seignanx et celui de Gosse étaient une baillie royale.

On peut suivre, à travers quelques actes, trop rares à notre gré, les manœuvres persévérantes des Bayonnais. Le premier témoignage qui remonte probablement à la première décennie du XIIIe siècle figure dans la concession de privilèges aux faures de la ville44. L’aire d’application de ces privilèges s’étend sur la rive gauche de l’Adour à Saint-Pierre-d’Irube, Lannes, Donzacq et Balichon, mais inclut aussi sur la rive droite Saint-Étienne-d’Arribe-Labourd. Le second établissement, bien plus récent, puisqu’il date de 1284 (16 septembre), nous fait découvrir la progression sur le terrain des prétentions bayonnaises. Cette année-là, le maire Jean de Viele prit une ordonnance sur les droits de pontage et de portage perçus au profit de la ville45. S’appuyant sur une pratique en usage “de toute ancienneté” – c’est là le fondement juridique de toutes les décisions bayonnaises en la matière – le maire décida que, lorsqu’un Bayonnais achetait une marchandise à un étranger se dirigeant vers Bayonne pour y vendre sa marchandise, selon que l’achat était fait en deçà ou au delà du bois de Gostresse et de l’église d’Ondres, ou bien il devait acquitter les droits ou bien il en était exempt. Cette mesure avait sans aucun doute pour but de mettre fin à des pratiques préjudiciables aux finances de la ville. On sait, en effet, que les Bayonnais ne payaient pas de droit de pontage : il leur suffisait donc de franchir le pont de la “mar” sur l’Adour pour aller faire leurs achats auprès de marchands étrangers qui pouvaient alors leur consentir un rabais équivalent aux droits qu’eux-mêmes paieraient en traversant le pont avec leurs marchandises. Désormais, si un bourgeois bayonnais souhaitait jouir de son privilège d’exemption, il devait aller faire ses achats au-delà de l’église d’Ondres, soit à une dizaine de kilomètres de la ville, distance suffisamment dissuasive pour le décider à attendre l’arrivée du marchand à Bayonne. Quoi qu’il en soit, la commune de Bayonne, entérinant ou non une pratique déjà ancienne, a officiellement reporté à Ondres la limite septentrionale de la zone péagère et cela de manière unilatérale sans en référer apparemment au bailli de Seignanx. Le droit de péage étant un droit régalien, le préjudice porté à la juridiction du roi-duc est donc, considérable. Cependant, le bailli ne semble pas avoir protesté ni s’être opposé à cette mesure : depuis deux mois (16 juillet), il est vrai, le bailli était un bourgeois de Londres, Henri le Waleys. Il n’est pas impossible que le maire de Bayonne ait profité de la situation pour prendre une mesure favorable aux intérêts de sa ville46.

Cette disposition concernait-elle aussi des produits achetés par les Bayonnais à des habitants de Seignanx ou même provenant de leurs biens en Seignanx ? Si l’ordonnance de P. de Vièle ne le dit pas, en tout cas elle contient deux dispositions qui n’excluent pas une telle hypothèse : chaque maison de Seignanx produisant du vin et souhaitant le faire entrer à Bayonne devait, désormais, payer au pont de Bertaco sur la Nive, une quarte de froment par an ; de même, les meuniers des moulins Neuf, de la Mote, de Claverie, de Lordon, d’Ordozon, d’Ardengos et de Seres verseraient 12 d. morlans par an pour pouvoir faire entrer leurs produits en franchise47. Faut-il voir dans ces mesures le désir de la municipalité de protéger les producteurs du Labourd ? On pourrait le penser, s’il ne s’agissait que du vin, taxé d’ailleurs en froment ; mais, la médiocrité de la redevance que doivent payer les meuniers exclut une telle hypothèse. Bien que des dispositions soient prévues à l’encontre des fraudeurs, il semblerait donc que l’on se trouve en présence de mesures de faveur remplaçant dans les cas précis le régime général par un système d’abonnements. Elles se justifieraient par le souci de la municipalité de ne pas gêner l’approvisionnement de la ville, celui aussi de ne pas trop aller à l’encontre d’intérêts bayonnais : il est probable, en effet, que parmi les producteurs de vins ou les propriétaires de moulins se trouvaient des citoyens de Bayonne. Quoi qu’il en soit, ces mesures témoignent des liens étroits qui existaient sur le plan économique entre Bayonne et le proche pays landais.

Telle était donc la situation au XIIIe siècle – celle du moins qui nous est révélée par les documents dont nous disposons. En tout cas, même s’ils jouissaient par ailleurs, en Gosse et Seignanx de droits d’usage mal connus, les Bayonnais ne semblent pas avoir essayé d’établir une véritable juridiction sur tout ou partie du Seignanx, s’en tenant à la mise en place d’une zone péagère étendue. Avec le déclenchement de la guerre de Guyenne qui bouleverse entièrement les données politiques, leurs ambitions vont, en revanche, se donner libre cours.

Au début de l’année 1294, les officiers du roi de France, Philippe IV, ont en effet, réussi à placer sous leur autorité l’ensemble du duché48. À Bayonne, les officiers anglais, ainsi que les bourgeois compromis dans l’affaire de La Rochelle pour une part à l’origine du conflit qui venait d’éclater, ont fui en Angleterre avec, à leur tête, Pascal de Vièle. Dès le mois de mars, la mairie de Bayonne est remise à Raimond Bernard de Durfort et à son gendre Jourdain de l’Isle mais, la plupart des bourgeois de la ville qui n’étaient pas mêlés aux événements rochelais n’ont pas quitté Bayonne ; c’est en particulier le cas de Jean de Vièle et Jean Dardir. Or, à peine les Français étaient-ils installés à Bayonne que bien décidés à tirer parti de la nouvelle situation, les Bayonnais envoyaient deux suppliques à Jean de Burlats, le nouveau sénéchal de Gascogne pour le roi de France ; la première avait trait aux droits d’usage qu’ils prétendaient avoir pour eux-mêmes et leurs animaux dans les pays de Gosse et de Seignanx, la seconde concernait la juridiction qu’ils revendiquaient sur les biens qu’ils possédaient dans ces deux pays49. En raison de l’opposition des habitants de Gosse et Seignanx à ces prétentions, le sénéchal chargea Raimond Bernard de Durfort, maire et gouverneur de Bayonne de faire une enquête et de prononcer sa sentence. On était alors au lendemain de Pâques (18 avril) et la situation politique était encore très favorable au roi de France. Il n’en était plus de même, lorsque, le 11 octobre, R.B. de Durfort rendit sa sentence50. En effet, le 1er juillet, s’apercevant qu’il avait été berné par le roi de France, Édouard Ier avait ouvert les hostilités et il était à craindre que les Bayonnais réfugiés en Angleterre ne tentent de reprendre la ville.

Ces considérations ne sont peut-être pas étrangères au caractère exorbitant des dispositions contenues dans la sentence du mois d’octobre. S’appuyant, sans le nommer explicitement sur le privilège de Richard Cœur de Lion et sur l’affirmation des Bayonnais qu’ils jouissaient depuis plus de quarante ans des droits dont ils réclamaient confirmation, R.B. de Durfort fit droit à leurs revendications ; mais, il leur accorda aussi d’autres privilèges que les Bayonnais – du moins par écrit – n’avaient pas osé solliciter. Quant aux habitants de Gosse et de Seignanx qui devaient sans doute considérer que la cause était entendue d’avance, ils ne prirent pas la peine de répondre à la citation que le gouverneur de Bayonne leur avait adressée. On ne peut que le regretter, car le procès-verbal de comparution nous aurait éclairé sur la manière dont était organisée la représentation de ces pays.

Les Bayonnais se virent donc reconnaître la liberté de parcours dans les bois et landes de Seignanx et Gosse, sur terre et sur eau, dans un rayon d’une journée – aller-retour – à partir de Bayonne, sans qu’ils soient tenus de verser la moindre redevance. Mais, ces dispositions initiales, assez restrictives par la définition de l’aire concernée – durent être complétées par une série d’articles qui étendaient les droits d’usage à l’ensemble des deux pays et ne les limitaient pas à la dépaissance. C’est ainsi que les Bayonnais disposent désormais, du droit de couper le bois d’œuvre dont ils auront besoin pour édifier leurs maisons ou construire leurs navires, en tout lieu de Gosse et de Seignanx et celui de le faire transporter là où ils voudront, par terre ou par eau. Ils sont aussi autorisés à faire des chemins pour écorcer les arbres aux deux tiers, en vue d’en tirer les matières premières nécessaires à la préparation des cuirs.

En ce qui concerne les droits de juridiction, on relève, de même, une différence sensible entre les demandes initiales des Bayonnais et les droits qui leur sont finalement accordés. En effet, le gouverneur concède au maire et aux jurats de Bayonne la juridiction et le droit de garde sur les vergers, vignes, jardins, domaines et moulins qui se trouvent en Gosse et Seignanx et qui appartiennent à des Bayonnais avec droit de carnelage – c’est-à-dire de saisie – sur les animaux errants qui pénètrent sur ces biens, ainsi que la justice haute et basse pour tout délit commis sur ces mêmes biens quel qu’en soit l’auteur. Enfin, complément non négligeable, et qui réalisait certainement l’un des vœux les plus chers des Bayonnais, les habitants du Cap-du-Pont et leurs maisons sont désormais considérés comme faisant partie de la juridiction de Bayonne, ce qui équivalait donc, en droit, à un rattachement du Bourg Saint-Esprit à la cité.

Cette annexion allait être de peu de durée : quelques semaines plus tard, en effet, une flotte conduite par Pascal de Vièle remontait l’Adour et libérait la ville dont Pascal devenait maire et gouverneur. On aurait pu croire qu’en raison des circonstances les nouveaux représentants du roi-duc qui l’accompagnaient se seraient montrés aussi généreux que les officiers du roi de France, d’autant qu’après quelques succès initiaux Bayonne était encore en 1296, la seule ville du duché vraiment tenue par les Anglais. Certes, les Bayonnais se firent concéder une série de privilèges dont la restitution de la commune ne fut pas le moindre, mais, point de trace d’une confirmation de la sentence du 11 octobre 1294. En fait, il semble bien que les Anglais aient repris en main l’administration du pays de Gosse et de celui de Seignanx. Comment expliquer autrement la nouvelle supplique adressée par le maire et les jurats de Bayonne au roi d’Angleterre, dans laquelle ils se plaignaient de ce que les baillis de ces deux pays jouissaient indûment de la juridiction des biens possédés par les bayonnais dans ces deux baillies, alors que, selon eux, ces biens se trouvaient placés sous la juridiction du maire de Bayonne51 ? On ignore quelle suite fut donnée à cette demande ; mais on peut imaginer sans peine qu’elle resta lettre morte. Nous n’avons, en effet, retrouvé aucun document émanant de la chancellerie anglaise qui y fasse écho ; nulle trace, non plus, de l’existence d’une annexe de la juridiction bayonnaise sur la rive droite de l’Adour. Mais, fût-ce pour donner satisfaction aux Bayonnais, le roi-duc pouvait-il porter gravement préjudice aux privilèges reconnus aux habitants de Gosse et de Seignanx ? Avait-il d’ailleurs intérêt à établir de multiples enclaves au sein d’une juridiction lui appartenant ? En revanche, deux jours avant qu’il n’ordonnât une enquête sur cette demande, il avait concédé aux Bayonnais qui l’avaient sollicité le transfert devant la cour du maire de Bayonne des appels de Gosse et de Seignanx et Labenne portées jusque-là devant la cour du maire de Dax52.

Les Bayonnais ne vont pas, cependant, renoncer à leurs prétentions : ainsi, en 1307, à l’occasion du couronnement d’Edouard II se plaignent-ils de l’incurie des baillis de Gosse, de Seignanx et de Labenne, qu’ils accusent de laisser libre champ aux voleurs et de les empêcher de se rendre sur les biens qu’ils possèdent en pays landais53. Mais, ils poursuivent surtout, selon une méthode bien éprouvée avant la guerre de Guyenne l’aménagement d’une zone de protection économique sur la rive droite du fleuve. C’est ainsi que par un établissement du 27 octobre 1296 le maire et les jurats définirent la zone à l’intérieur de laquelle il était interdit d’acheter des grains pour les revendre à Bayonne. Cette zone est délimitée, d’une part, sur le plan maritime, de Horgave en amont à La Punte et Boret, en aval – l’Adour bayonnais – de l’autre, sur le plan terrestre ; rive gauche, la limite passait par Saint-Martin-de-Seignanx, à peu près à la même distance de Bayonne qu’Ondres. En fait, chacune de ces localités contrôle une des principales routes se dirigeant vers Bayonne, depuis Bidache et Hasparren, Saint-Jean-Pied-de-Port et Hendaye, au sud, Port de Lanne et le pays d’Orthe, au nord54.

En 1315, la mesure concernant les grains fut étendue aux volailles, chapons, oies, fromages, et autres viandes domestiques. À cette occasion, la limite septentrionale du dex fut fixée à Horgave, Saint-André-de-Seignanx, Capbreton et Le Boret. En plus de la perte de la marchandise, les contrevenants étaient passibles d’une amende de 20 s. morl55. Peu à peu, le maire et les jurats parvinrent à faire admettre la notion de détroit de la ville au nord de l’Adour ; ainsi, les notaires de Bayonne en vertu d’un établissement de 131156, ne devaient percevoir aucune indemnité supplémentaire lorsqu’ils officiaient au Boret ou jusqu’à Sainte-Marie-de-Gosse ou Ustaritz et qu’ils revenaient dans la journée. Ce n’est que, dans le cas contraire, que le client devait pourvoir à leur boire et leur manger, ainsi qu’à ceux de leur monture et leur verser deux sous par jour.

Si les autorités municipales bayonnaises ont donc essayé avec persévérance d’étendre dans tous les domaines leur contrôle sur le pays de Seignanx et, à un moindre degré, sur celui de Gosse, leur attitude à l’égard de la seigneurie de Labenne-Capbreton est tout à fait différente.

Nous avons vu que les Bayonnais s’étaient vivement intéressés, après 1287, au peuplement et à la mise en valeur de Capbreton et de la terre de Labenne ; d’autre part, au XIIIe siècle, les habitants de la seigneurie faisaient partie de la franchise de Bayonne. On aurait pu croire que les Bayonnais avaient une fois pour toutes admis cette situation. Or, il n’en fut rien ; on assiste même de leur part à une remise en cause des privilèges des habitants de Labenne et Capbreton.

Dans un premier temps, cependant, c’est uniquement aux Bayonnais propriétaires de vignes en Seignanx et au Boret que s’en prirent le maire et les jurats. L’affaire éclata en 1291, alors que le sénéchal de Gascogne, J. de Havering se trouvait à Bayonne57. Les autorités municipales s’opposèrent, cette année-là, à l’entrée en ville des vins provenant des vignobles possédés par les Bayonnais dans la baronnie de Labenne : tous ceux qui étaient lésés par cette mesure, à la tête desquels se trouvaient Arnaud de Boniort, Arnaud de Vilar, P. de Vièle et P. de Liposse envahirent alors la maison commune où se tenait le sénéchal pour lui exposer la situation et lui demander de leur rendre justice. On a, d’ailleurs, l’impression que la “multitude” qui se présenta devant le représentant du roi-duc n’était pas uniquement constituée de propriétaires de vignes : il s’agit bien plutôt d’une manifestation organisée en vue d’impressionner le sénéchal. Celui-ci se fit alors exposer les données de l’affaire. La Municipalité, pour justifier sa décision, prétendait qu’en vertu d’un ancien statut, les vins en question ne pouvaient être introduits à Bayonne avant Noël et vendus avant Pâques. Malheureusement, ce statut resta – on s’en serait douté – introuvable ; aussi, le sénéchal demanda-t-il à Pierre Arnaud de Vic, celui-là même qui avait été chargé de procéder au peuplement de Capbreton de s’occuper de l’affaire (13 février 1291). Pierre Arnaud fit citer les parties, des arbitres furent désignés qui rendirent leur verdict, le 3 juillet 1292. Celui-ci fut approuvé par Pierre Arnaud de Vic, puis par le sénéchal, les jurats et les Cent-Pairs de Bayonne.

Cette sentence définit, d’abord, les vins concernés : ceux produits par des vignes appartenant à des bourgeois bayonnais et situées au Boret et à Labenne, ainsi que dans un rayon d’un jour aller-retour à partir du pont Saint-Esprit – vins de Seignanx et de Gosse. Avant de faire entrer ces vins dans la ville, les producteurs devaient jurer qu’ils provenaient bien de leurs vignes et qu’ils ne les mélangeraient pas avec ceux de Bayonne. Si cette dernière disposition s’explique par la suite de la sentence, celle qui précède constitue semble-t-il, une atteinte indirecte aux droits des Capbretonnais, qui – pour la commercialisation de leur vin – ne ressortiraient plus à la franchise de Bayonne. Désormais, les vins ainsi définis pouvaient être transportés à Bayonne, une fois la vendange faite : mais, jusqu’à quinze jours avant Pâques, ils ne pouvaient être vendus qu’en gros ou bien à l’occasion de noces. Quant aux vins étrangers – mais ceux des habitants de la terre de Labenne en faisaient-ils maintenant partie ? – ils ne pouvaient entrer en ville qu’à partir du dimanche précédant les Cendres et n’être vendus qu’après Pentecôte58. Cette sentence ne prévoyait pas de sanctions contre les contrevenants ; aussi, est-il probable que les Bayonnais en profitèrent pour vendre dans le courant de l’hiver du vin provenant de leurs vignobles landais. À une date qui n’est pas précisée mais, probablement au début du siècle suivant, la Municipalité de Bayonne décida que ceux qui ne respectaient pas les dispositions précédentes perdraient, leur vie durant, le bénéfice de la franchise, sérieusement aménagée, il faut en convenir : en clair, leurs vins seraient alors considérés comme étrangers59.

Dix ans plus tard, alors même que la guerre de Guyenne n’était pas achevée, les habitants de Labenne peut-être déjà touchés par l’ordonnance de 1292 virent l’ensemble de leurs privilèges remis en cause. Pelegrin de Bordeu, alors lieutenant de Loup Bergonh, châtelain et prévôt de Bayonne prétendit assujettir les habitants de la baronnie aux droits divers frappant les étrangers qui faisaient du commerce sur le territoire de Bayonne et de leur interdire de faire du commerce à partir de leur port de Capbreton60. Or, les habitants de Labenne affirmaient jouir des mêmes privilèges que les Bayonnais ; selon eux, la terre de Labenne relevait de la coutume de Bayonne. Le sénéchal Amauri de Créon devant qui le débat avait été porté chargea Loup Bergonh de régler le conflit. Le châtelain-prévôt convoqua alors l’évêque Dominique de Mans, le maire de la ville Raimond Durand, ainsi que le bayle de Labenne. Après que les habitants de Labenne au nombre de soixante-douze eurent juré sur l’autel de saint Jean dans l’église du Saint-Esprit qu’ils avaient toujours joui des privilèges contestés, le représentant du roi-duc fit droit à leurs protestations : liberté de débarquement et d’embarquement à Capbreton pour des marchandises leur appartenant quelle qu’en soit l’origine ou la destination, franchises commerciales dans la juridiction de Bayonne, identiques à celles dont jouissaient les bourgeois de la ville. Dans la mesure où cette confirmation ne suscita que peu de protestations de la part des Bayonnais, on doit donc considérer qu’elle ne faisait qu’entériner un état de fait sans doute fort ancien.

Les privilèges des habitants de Labenne et Capbreton ne furent pas, semble-t-il, remis en question au cours des deux décennies suivantes. Mais ce n’était que partie remise, comme en témoigne le conflit qui de 1328 à 1331, opposa une nouvelle fois Bayonnais et Capbretonnais à propos de la liberté de vente du poisson pris par les pêcheurs de Capbreton. Ceux-ci en sortirent vainqueurs, mais l’expédition organisée par les Bayonnais contre les barques des pêcheurs landais qui furent détruites témoigne de la vigueur des antagonismes61.

En fait, les Bayonnais ne pouvaient supporter la présence entre leur ville et l’Océan d’un autre port. Le fait que les Capbretonnais aient joui de la franchise de Bayonne aurait pu ouvrir la voie à une entente ; mais Labenne étant juridiction royale, il y avait peu de chances pour qu’un jour elle passât sous autorité bayonnaise. D’ailleurs, comme en témoigne l’affaire des vignobles possédés par les Bayonnais au Boret, les plus gros intérêts bayonnais se trouvaient à Bayonne même. Dès lors, il ne s’agit plus pour la ville que d’établir le monopole de son pavillon et de son port sur le bas Adour et, pour ce faire, d’exclure Capbreton du commerce océanique. À cet égard, le déplacement du Boucau de l’Adour au Plecq fut pour les Bayonnais une chance inespérée puisqu’elle faisait perdre à Capbreton son rôle d’avant-port jusqu’au coup de grâce qui lui fut porté en 1578. C’est avec la même vigueur que les Bayonnais poursuivirent la politique d’expansion en Seignanx, afin d’établir leur contrôle sur la rive droite du fleuve, entreprise qui s’avéra finalement beaucoup plus laborieuse et qui, de nos jours encore, est loin d’être achevée. En tout cas, dès le début du XIVe siècle, les deux axes de la politique bayonnaise à l’égard des pays landais sont tracés : rejet à l’égard de Labenne et Capbreton, efforts pour établir sa mainmise sur le pays de Seignanx qui témoignent de la volonté de la ville d’établir sa suprématie sur l’eau et de se donner l’assiette territoriale que l’histoire lui avait refusée.

Notes

  1. Cet article constitue la seconde partie de l’étude consacrée aux Pays de Gosse, de Seignanx et de Labenne.
  2. J. Balasque, op. cit., t. II, p. 412-414 et J.-B. Marquette, Les Albret, dans Les Cahiers du Bazadais, 2e-3e trim., 1979, n° 45-46, p. 780, n. 326 ; Saint-Jours, op. cit., p. 321.
  3. Ibid., p. 202-203.
  4. L’ancien tarif des droits de pontage nous renseigne sur la nature du trafic qui passait par le pont (Cf. J. Balasque, op. cit., t. I, p. 481, P.J. n° XXIV, d’après Arch. comm. de Bayonne, AA II, p. 66 d).
  5. Sur le choix de ce cadre, Cf. art. précédent.
  6. Livre d’Or, n° XI, p. 21 ; Cf. J. Balasque, op. cit., t. I, p. 98, 101, 102 et P.J., n° VIII, p. 404-405.
  7. Ceux-ci amenaient leurs porcs paître en Gosse et Seignanx (30 oct. 1288) (RG, t. II, n° 1438).
  8. Cf. art. préc., n° 110, 113, 116.
  9. Livre d’Or, n° VII, p. 15, 16.
  10. Ibid., n° XXXI, p. 53.
  11. Pour cette affaire et celles qui suivent cf. Livre d’Or, n° LXXXIV, p. 177-189, un acte de 1259 qui reprend et complète cette série d’opérations.
  12. Livre d’Or, n° LXXXIV, p. 151-152 ; n° LXXXIV, p. 177-178.
  13. Ibid., n° LXXV, p. 155-156 ; n° LXXXIV, p. 177-178.
  14. Ibid., n° LXXXIV, p.178-179.
  15. Ibid., n° LXXVI, p. 157-158.
  16. Ibid., n° LXXXV, p. 182-184.
  17. RG, t. II, n° 1746.
  18. Livre d’Or, n° L, p. 93-95 ; J. Balasque, op. cit., t. II, p. 382-385.
  19. Dès 1150-1170, la vicomtesse de Maremne avait déjà engagé à P. de Luc et Renaud de Lebruguière sa part de la dîme de Saint-Martin-de-Seignanx avant que le gage ne soit repris par l’évêque de Bayonne, Fortaner (Livre d’Or, n° XXXI, p. 53-54). André de Marsag “ciptadan de Bayonne” possède, en indivis avec Arnaud seigneur d’Ordozon, la moitié de trois part d’un dîmier à Tarnos, à la suite de son mariage avec Narbonne de Leis de la “lar” d’Ordozon (Livre d’Or, n° LXXIV, p. 153 et n° LXXXIV, p. 178) (1257).
  20. À l’occasion d’une vente faite par E. de La Fiite, paroissien de Saint-Étienne de deux pièces de terre, l’un des confronts est la “binhe” de Bernard Ladant “ciutadant de Bayonne” (Arch. comm. de Bayonne, GG 200, p. 8 : 20 janvier 1344).
  21. Custodia viridariorum, ortorum, vinearum, molendinorum et prediorum que possident et habent homines de Baiona in territoriis et villatgiis seu pertinenciis predictarum villarum (Établissements, p. 51, n° 29).
  22. Gardina, molendina et alie possessiones quas cives ejusdem civitatis habent in terris de Goosse, Seynhans et de La Burde (RG, t. II, n° 4249 : 16 mai 1296).
  23. À propos de vergers, vignes, moulins et domaines possédés par les Bayonnais il était précisé à l’art. 3 : que de civibus Baionensibus foris sunt populata. Il semble bien que des Bayonnais forains résidaient sur ces biens.
  24. Cf. infra n. 50.
  25. J. Balasque, op. cit., t. II, p.117 ; P.J., n° I, p. 573.
  26. Livre d’Or, n° LXXV, p. 156.
  27. RG, t. III, n° 4509.
  28. RG, t. III, n° 4538.
  29. Calendar of the patent rolls (1301-1307), p. 121, 218, 246, 268, 397.
  30. Livre d’or, p. 199-213 (1266). Cf. aussi p. 214-232 ; 246-262 et n° 20 le cas d’André de Marsag et de son épouse.
  31. RG, t. I, n° 1657, 2324 ; t. II, n° 1402.
  32. Nous renvoyons à J. Balasque, op. cit., t. I, p. 222-239, 330-332 (hospitaliers) ; Abbé V. Dubarat, Le missel de Bayonne de 1543, Pau, 1901 ; Recherches sur la ville et sur l’église de Bayonne, Manuscrit du chanoine R. Veillet, avec des notes et des gravures par M. l’abbé V. Dubarat et l’abbé J. Daranatz, Bayonne, Pau, 1910 ; Abbé Foix, Notes manuscrites, Arch. dép. des Landes, II F 921, 922. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les articles consacrés par ces auteurs aux trois établissements “bayonnais” du diocèse de Dax ne brillent pas par leur clarté. Si la documentation que l’on peut réunir sur les deux hôpitaux est relativement mince, en revanche le “cartulaire” des sœurs de Saint-Bernard constitue une source extrêmement précieuse pour l’histoire de ce monastère que nous avons entreprise.
  33. J. Balasque, op. cit., t. II, p. 495-496, P.J. n° VI, p. 683, d’après Arch. comm. de Bayonne, AA 11, p. 10. Cf. infra. Il est souvent question du vignoble de Boret dans les Établissements à partir de 1318 (n° 216) : 1320 (n° 213), 1323 (n° 212, 215), 1333 (n° 207).
  34. J. Balasque, op. cit, t. II, P.J., n° XI, p. 690-691, d’après Arch. comm. AA 11, p. 11.
  35. RG t. II, n° 1648. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ces terres incultes et le terrain de Capbreton n’aient fait qu’un.
  36. Et sciendum quod in domo construenda in placea predicta poterit vendere et emere quantumlibet mercandisas suas tenere, vinea vinearum suarum de Leben albergare et Baion portare dum sibi placebit, (J. Balasque, op. cit., t. II, p. 691).
  37. L’histoire de la navigation sur l’Adour reste à faire. Il ne fait aucun doute que c’est au cours de la guerre de Cent ans que les Bayonnais imposèrent progressivement leur monopole sur le bas Adour. Les ordonnances de la fin du XVe et du début du XVIe siècle donnent une couverture légale à des dispositions qui constituent autant d’abus, si l’on s’en rapporte à la situation que nous évoquons ici. Si le monopole du pavillon bayonnais pour certaines marchandises exportées de Bayonne – telles que bois, douves, douelles, écorces – remonte à la fin du XIIIe siècle (Établissements, n° 100) ou au début du XIVe siècle (Ibid., n° 125) (1307), celui concernant les exportations de vin des pays bas landais ne date que de 1447 (Établissement, n° 441, p. 416). Mais, ces dispositions furent singulièrement aggravées par l’ordonnance royale de juillet 1498 qui faisait obligation de décharger à Bayonne les grains importés par mer ou par fleuve puis, par celles des 6 et 9 février 1511 qui étendaient ces mesures aux vins et autres marchandises. Désormais, Capbreton ne pouvait jouer ni le rôle de port d’escale, ni celui de port d’attache. Le seul trafic autorisé était celui qui permettait aux habitants de Labenne d’apporter les produits de leur sol – bois, cire, vin – à Bayonne et cela même lorsque ces produits étaient destinés à l’exportation (Cf. A. Saint-Jours, Port-d’Albret (Vieux Boucau). L’Adour ancien et le littoral des Landes, Perpignan, 1900, p. 241 et suiv.). En réunissant une documentation étalée sur deux siècles, sans souligner la diversité et même les contradictions de son contenu, cet auteur a laissé croire que la situation n’avait pas évolué entre le XIIIe et le XVIe siècle. Or, ainsi qu’on va le voir, il n’en est rien.
  38. J. Balasque, op. cit., t. III, p. 4, 5. Cet auteur s’est contenté d’évoquer le contenu de cet acte sans souligner son importance. Le document est conservé aux Arch. dép. des Landes, Arch. comm. de Capbreton, AA I.
  39. Livre d’Or, n° IX, p. 18-19. Guillaume, archevêque d’Auch, ratifia à son tour ce don à l’occasion de sa venue à Bayonne, se réjouissant de l’abandon par des laïques de ce qu’il considère comme des biens d’église (Livre d’Or, n° X, p. 20).
  40. Livre d’Or, n° XLII, p. 74-77 ; J. Balasque, op. cit., t. I, p. 225 sq.
  41. Arch. dép. Pyr.-Atl., H 64 ; J. Balasque, op. cit., t. I, p. 328-332.
  42. C’est le même procédé qu’utiliseront les Bayonnais pour établir sur le bas Adour le monopole de leur pavillon, puis, celui de leur port (Cf. n. 37).
  43. Arch. mun. de Bayonne, AA I, p. 64, publ. dans J. Balasque, op. cit., t. I, p. 412-416, P.J. n° XII et Établissements, n° 10, p. 27-28.
  44. Arch. comm. de Bayonne, FF, publ. par J. Balasque, op. cit., t. I, p. 437-438 ; P.J.,n° XVII.
  45. Arch. comrn. de Bayonne, AA I, p. 66 d. publ. par J. Balasque, op. cit., t. I, p. 481-483 (Cf. aussi p. 100-101).
  46. Cf. art. préc. n. 86. Il est certes précisé que cette ordonnance a été prise “per assi cum ancianementz ere estat establit prumer”. Mais, répétons-le, cette affirmation permet aux Bayonnais, sous couvert d’une confirmation d’introduire des nouveautés. Qu’il y ait eu avant 1284, un tarif de pontage, cela est certain, mais on ne saurait affirmer que l’ordonnance de Pascal de Vièle ne fait que reprendre des dispositions anciennes, sinon à quoi servirait-elle ?
  47. Cf. II. 45.
  48. On peut se reporter à J. Balasque, op. cit., t. II, p. 499, sq.
  49. Arch. comm. de Bayonne AA I, p. 83 ; Établissements, n° 29, p. 51-55. Cf. J. Balasque, op. cit., t. II, p. 526-528.
  50. Cf. note précédente.
  51. RG, t. III, n° 4249 (16 mai 1296). Le roi-duc chargea ce jour-là son frère Edmond de Lancastre de faire une enquête sur cette affaire et, le cas échéant, de casser toute disposition nouvelle en la matière. Cf. J. Balasque, op. cit., t. II, p. 550-551.
  52. RG, t. III, n° 4185 (16 mai 1296).
  53. J. Balasque, op. cit., t. III, p. 57-58.
  54. Établissements, n° 70, p. 81 : “E son los dex de le biele, de Boret et dou Boucau de le Punte en sa, de Forgabe, de St Johan de Biudz, d’Ustaritz e de St-Johan de Luis en sa, e de St-Martin de Seinhans en sa”.
  55. Établissements, n° 141 : “de Sent Iohan de Lus en sa, ni d’Ustaritz, ni de Cap de Crabe, ni d’Urt, ni de Forgaue en sa, ni de Sent Andriu de Seinhans en sa, ni de Capserbum, ni de Boret en sa”.
  56. Établissements, n° 96, p. 92-94, d’après Arch. comm. de Bayonne, AA I, p. 111, cf. J. Balasque, op. cit., t. III, p. 80-81.
  57. J. Balasque, op. cit., t. II, P.J., n° VI, p. 683-685, d’après Arch. comm. de Bayonne, AA II, p. 10.
  58. Ces dispositions furent bien appliquées comme en témoignent les décisions prises par la municipalité de Bayonne en février 1320 et mars 1323, sur les redevances que devaient payer les vins de Boret provenant des vignes de besins de Bayonne (Établissements…, n° 213, 215). C’est le 16 et le 13 mars qu’en 1320 et 1323 la vente de ces vins pouvait avoir lieu à taverne (quinze jours avant Pâques). En revanche, nous ne voyons pas pour quelle raison les vins de Boret sont associés à ceux de Gascogne dans un règlement pris le 10 juin 1318 –le samedi avant Pentecôte : on vient de voir, en effet, que la mise en vente à taverne à Pentecôte ne concernait que les vins réputés étrangers.
  59. Établissements, n° 482, d’après Arch. Comm. de Bayonne AA II p. 63.
  60. Cf. n. 38.
  61. J. Balasque, op. cit., t. III, p. 172-177. Il est probable que le déplacement de l’embouchure de l’Adour au Plecq qui se produisit probablement peu avant cette date, ne fut pas étrangère au conflit.
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Pessac
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EAN html : 9782356135094
ISBN html : 978-2-35613-509-4
ISBN pdf : 978-2-35613-511-7
Volume : 4
ISSN : 2827-1912
Posté le 15/11/2025
15 p.
Code CLIL : 3385
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Marquette, J. B., “Bayonne et les pays de rive droite de l’Adour : Gosse, Seignanx, Labenne (1200-1320)”, in : Boutoulle, F., Tanneur, A., Vincent Guionneau, S., coord., Jean Bernard Marquette : historien de la Haute Lande, vol. 1, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 4, 2025, 579-594, [URL] https://una-editions.fr/bayonne-et-les-pays-de-rive-droite-de-ladour
Illustration de couverture • d'après “Atlas de Trudaine pour la ‘Généralité de Bordeaux n° 6. Grande route de Bordeaux à Bayonne. Les douze premières cartes du plan de cette route. Cy 15 cartes’.
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