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Les “résidences princières” comme centres territoriaux :
éléments de vérification

Brun, P. (1988b) : “Les ‘Résidences princières’ comme centres territoriaux : éléments de vérification”, in : Les princes Celtes et la Méditerranée, Paris, La Documentation Française, 128-143.


Je tentais ici la première analyse du phénomène des résidences princières nord-alpines des VIe et Ve s. a.C. Elle annonçait une série de travaux individuels et collectifs qui n’ont jamais cessé depuis lors. Le scénario proposé-là n’en était certes pas prouvé, mais son degré de probabilité en était utilement augmenté.

I was attempting here the first analysis of the phenomenon of princely residences in the northern Alps in the 6th and 5th c. BC. It heralded a series of individual and collective works that have continued ever since. The scenario proposed here was admittedly not proven, but its degree of probability was usefully increased.


Plusieurs sites du premier âge du fer sont maintenant nommés des “résidences princières” par de nombreux chercheurs. Certains voient dans chacune de ces “résidences princières” le centre fonctionnel d’un territoire d’une cinquantaine de kilomètres de rayon. Cette idée, comme beaucoup d’autres en Préhistoire, reste une hypothèse, et, bien que plusieurs indices convergent dans ce sens, il convient d’en chercher la vérification. Dans cette perspective, on va tenter de préciser le cadre culturel à l’intérieur duquel s’insèrent ces “résidences princières”.

Le concept de “résidence princière”

Les “résidences princières” sont des sites de hauteur fortifiés ayant livré des objets grecs ou étrusques, et se trouvant environnés de tombes tumulaires très riches, détentrices elles aussi d’importations méditerranéennes. Une quinzaine de sites correspondent, de façon plus ou moins spéculative, à ces critères1 (fig. 1). La répartition géographique de ces sites s’avère assez régulière. L’idée de centres territoriaux ne peut ainsi que venir à l’esprit. H. Härke2 a tenté de la systématiser à l’aide de la méthode des polygones de Thiessen. Cette méthode consiste à tracer les limites théoriques de territoires centralisés. Son principe repose sur une contrainte physique : la distance, donc le temps et le coût des transports d’un point quelconque à l’un ou l’autre de ces centres. Il est ainsi postulé qu’un site, possédant une fonction de coordination et de redistribution, tend à se localiser au centre géographique du territoire qu’il contrôle3. La réalité se révèle rarement aussi simple. D’autres facteurs jouent pour la localisation d’un site dominant, et en particulier, la topographie et l’hydrographie. La faiblesse principale de l’intéressante démarche de H. Härke réside dans l’absence d’une tentative de validation. Il faut noter de plus qu’elle sous-estime la chronologie relative. Toutes les “résidences princières” ne restent pas d’égale importance au cours du Hallstatt D4. Ce phénomène est clairement illustré par l’évolution respective de La Heuneburg et du Hohenasperg : le second se développe tandis que la première décroît en puissance. Il se pourrait même que tous ces sites de hauteur n’aient pas eu le statut de “Résidence princière” au même moment. Il semble, quoi qu’il en soit, qu’elles n’empiétèrent pas beaucoup sur le territoire de leurs voisines.

L’analyse de S. Frankenstein et M. Rowlands5 intègre bien, en revanche, les données de la chronologie fine. Elle exploite de plus certains indices qui tendent à montrer les liens de dépendance unissant les structures périphériques à la “Résidence princière”. Ce stimulant essai mérite d’être approfondi et élargi à l’ensemble de la zone des “résidences princières”.

Fig. 1. Carte de répartition des “Résidences princières” stricto sensu.Site de hauteur fortifié ayant fourni des objets grecs ou étrusques.Concentration de tombes riches recelant des objets grecs ou étrusques.1 : Würzburg “Marienberg” ; 2 : Bopfingen “Ipf” ;3 : Ludwigsburg “Hohenasperg” ; 4 : région de Haguenau ; 5 : Hundersingen/Donau “Heuneburg” ; 6 : Breisach ; 7 : Illfurth “Britzgyberg” ; 8 : Zürich “Uetliberg” ; 9 : Freiburg “Châtillon-sur-Glâne” ; 10 : Salins “Camp du Château” ; 11 : région de Gray-sur-Saône ; 12 : Saxon-Sion “Côte de Sion” ; 13 : Vix “Mont Lassois” ; 14 : Chassey le Camp.Encart : Histogramme des distances séparant les sites voisins ; on constate la régularité du semis des “Résidences princières”. Elles ne sont distantes que de 60 à 150 km les unes des autres, soit environ 2 à 5 jours de marche à pied en moyenne.
Fig. 1. Carte de répartition des “Résidences princières” stricto sensu.
Site de hauteur fortifié ayant fourni des objets grecs ou étrusques.
Concentration de tombes riches recelant des objets grecs ou étrusques.
1 : Würzburg “Marienberg” ; 2 : Bopfingen “Ipf” ;
3 : Ludwigsburg “Hohenasperg” ; 4 : région de Haguenau ;
5 : Hundersingen/Donau “Heuneburg” ; 6 : Breisach ;
7 : Illfurth “Britzgyberg” ; 8 : Zürich “Uetliberg” ;
9 : Freiburg “Châtillon-sur-Glâne” ; 10 : Salins “Camp du Château” ;
11 : région de Gray-sur-Saône ; 12 : Saxon-Sion “Côte de Sion” ;
13 : Vix “Mont Lassois” ; 14 : Chassey le Camp.
Encart : Histogramme des distances séparant les sites voisins ; on constate la régularité du semis des “Résidences princières”. Elles ne sont distantes que de 60 à 150 km les unes des autres, soit environ 2 à 5 jours de marche à pied en moyenne.

La détermination d’entités homogènes

Il s’agit, en fait, de délimiter des entités homogènes. Le problème revient à l’interrogation suivante : de quelles données archéologiques dispose-t-on pour isoler un territoire spécifique ?

Cette interrogation est évidemment aussi vieille que la notion de culture archéologique. Cette notion a évolué, mais reste un problème crucial ; non seulement pour cerner dans l’espace et dans le temps des ensembles homogènes, mais aussi, cela réalisé, pour comprendre à quoi ces ensembles correspondent socialement6. Je crois utile de rappeler ici la définition que je retiens pour une entité culturelle, et que j’emprunte à D. Clarke7 : il s’agit d’un assemblage polythétique d’éléments plus fréquemment associés à l’intérieur d’une aire géographique limitée qu’à l’extérieur de celle-ci. Cette définition n’est toutefois pas suffisante. On constate que les cultures archéologiques couramment manipulées n’ont pas toutes la même taille, ni surtout le même contenu. Or, on sait empiriquement qu’il existe toujours une hiérarchie de ressemblance entre les entités culturelles. Des distinctions terminologiques sont parfois introduites pour surmonter cette difficulté, mais elles demeurent en général implicites. Il importe de les expliciter afin de disposer d’un cadre précis où ranger nos “résidences princières”.

La hiérarchie des entités culturelles

S’inspirant de D. Clarke8, on peut classer les entités culturelles du Hallstatt D à l’aide d’un dendrogramme (fig. 2) où les niveaux hiérarchiques vont du Complexe techno-économique au Groupe. À l’issue de cette mise en ordre, il faudrait pour valider l’hypothèse des “Principautés” que ces dernières correspondent chacune à un groupe culturel.

Fig. 2. Carte et dendrogramme des entités culturelles.Trait plein : le Complexe techno-économique nord-alpin ou celtique.Tiretés : les Groupes de Cultures.Pointillés : les Cultures identifiées du Groupe des Cultures occidentales.
Fig. 2. Carte et dendrogramme des entités culturelles.
Trait plein : le Complexe techno-économique nord-alpin ou celtique.
Tiretés : les Groupes de Cultures.
Pointillés : les Cultures identifiées du Groupe des Cultures occidentales.

Le Complexe techno-économique

Le Complexe techno-économique nord-alpin se met en place dès le Bronze ancien. Il réunit ce que l’on nomme la Culture d’Únětice, au sens strict, et ses voisines occidentales tels que Straubing ou Adlerberg. Il correspond assez bien à ce que les chercheurs de langue allemande appellent Kreis et ceux de langue anglaise : Techno-complex. Le qualificatif de techno-économique semble préférable parce que les entités de cet ordre ne s’individualisent pas seulement par leurs productions “ artisanales ”, mais aussi par leur mode de production et par leurs réseaux d’échanges. Après sa mise en place, le Complexe nord-alpin évolue en s’étendant ou en se contractant, mais en conservant toujours le même centre de gravité. Il se nomme selon la nomenclature traditionnelle : Culture des Tumulus du Bronze moyen, des Champs d’Urnes, de Hallstatt et du La Tène. Notons que durant le millénaire et demi qui précède notre ère, la documentation archéologique ne montre que deux moments pour lesquels les changements peuvent s’interpréter en termes de migrations importantes : au Bronze C ou seconde partie du Bronze moyen de Hatt, et au La Tène B ou La Tène lb-lc de Viollier. Entre ces deux étapes de forte expansion, il se révèle, à la faveur de la croissance documentaire, inutile de solliciter des envahisseurs pour expliquer les changements que l’on repère. Remarquons simplement qu’une migration est une hypothèse très lourde, toujours difficile à prouver, et que, dans de nombreux cas, une telle idée ne répond pas à l’exigence scientifique selon laquelle une explication doit être “nécessaire et suffisante”. La nomenclature traditionnelle s’avère de surcroît peu satisfaisante en raison des ambiguïtés qu’elle entretient entre les significations spatiales et chronologiques.

Au VIe s. a.C., le Complexe nord-alpin correspond au Hallstattkreis des collègues allemands. Le nord de la Yougoslavie s’y trouve parfois inclus. Cette option n’est pas absolument convaincante. Les points communs entre cette région et le nord-est des Alpes sont indéniables, mais les différences demeurent très marquées dans le domaine des produits courants, et spécialement de la céramique. Les ressemblances sont au total plus fortes avec l’Italie du nord-est. Les éléments que la Slovénie possède en commun avec le nord des Alpes peuvent mieux s’expliquer par des relations d’échanges que par une véritable communauté culturelle. Cette liaison est surtout manifeste dans la nécropole de Hallstatt. Cette dernière, qui se situe précisément à la limite méridionale de l’est du Complexe nord­alpin, reste exceptionnelle du fait de l’effectif et de la richesse de ses tombes. Elle provoque logiquement ainsi un effet de poids qui fausse sa représentativité statistique.

Pour le reste, l’accord est assez unanime sur la délimitation de notre ensemble. Des incertitudes demeurent cependant à l’ouest, en raison de la pauvreté documentaire dont souffre encore la moitié occidentale du Bassin parisien.

Les Groupes de Cultures

La limite entre le Groupe des Cultures orientales et son homologue occidental suit à peu près un axe Augsburg-Nuremberg. Elle apparaissait déjà au Hallstatt A2-B19. Elle ressort de la répartition de plusieurs types d’objets. Les parures en or se concentrent à l’ouest10 (fig. 3 A). Les ceintures plaquées de bronze à l’est, et les plaques de ceintures à l’ouest soulignent cette limite11 (fig. 4 A). La même limite partage la zone de la céramique du type de l’Alb-Hegau de celle de la céramique gravée-estampée bavaroise12 (fig. 4 B). La région qui s’étend entre Lech et Isar brouille quelque peu cette dichotomie. Elle a fourni des types occidentaux bien connus : chaudrons en bronze à anses en fer13 (fig. 3 B), ou brassards-tonnelets gravés14. En termes de fréquence d’association, ils ne suffisent pas toutefois pour rattacher cette région au Groupe des Cultures occidentales. Enfin, les sites du Kyberg et du Hellbrunner Berg présentent certes des analogies avec les “résidences princières”, mais n’en possèdent pas les critères fondamentaux.

Fig. 3. A. Carte de répartition des parures en or du Hallstatt D. Cercles : bracelets et colliers ; étoiles : boucles d'oreille ; B. Carte de répartition des chaudrons en bronze à anses en fer du Hallstatt D ; C. Carte de répartition des poignards dits “hallstattiens” ; D. Carte de répartition des glaives à antennes et poignée lisse (cercles rouges) et des poignards à antennes atrophiées et à trois appendices proximaux (rectangles verts).
Fig. 3. A. Carte de répartition des parures en or du Hallstatt D. Cercles : bracelets et colliers ; étoiles : boucles d’oreille ; B. Carte de répartition des chaudrons en bronze à anses en fer du Hallstatt D ; C. Carte de répartition des poignards dits “hallstattiens” ; D. Carte de répartition des glaives à antennes et poignée lisse (cercles rouges) et des poignards à antennes atrophiées et à trois appendices proximaux (rectangles verts).

Les Cultures

Dans l’un et l’autre des Groupes de Cultures retenus, deux Cultures peuvent être distinguées. À l’est, le Danube sépare la Culture à céramique gravée-estampée que l’on peut appeler la Culture de Basse Autriche­Bavière, d’une autre, au nord, la Culture de Bohême-Palatinat supérieur. À l’ouest, on peut distinguer la Culture du Jura, où se trouvent les “résidences princières”, et celle de la Marne-Moselle. Cette dernière comprend les groupes de l’Aisne-Marne15 et de l’Hunsrück-Eifel16. Les ensembles des Ardennes belges et du nord de la Lorraine appartiennent à cette Culture, mais leur statut reste à préciser en ce qu’ils constituent, ou non, chacun un groupe spécifique. Avant d’envisager la Culture du Jura, il importe de souligner que l’est de l’Ile-de­ France, l’Orléanais et le Berry demeurent difficiles à classer. Ils appartiennent sans doute au Groupe des Cultures occidentales, mais le Berry en particulier montre des traits communs à la Culture du Jura comme à celle de la Marne-Moselle17. Le groupement des tombes à importations autour de Bourges, et la découverte récente de céramique attique à Bourges même18 évoquent la Culture du Jura et ses “résidences princières”. Ces tombes riches ne renfermaient toutefois pas de char. Par ailleurs, leur position chronologique, au seuil du La Tène A et les types de vaisselles métalliques importées apparentent cette région à la Culture de la Marne-Moselle. Dès lors, deux hypothèses sont plausibles :

  • cette région forme une Culture spécifique de même rang que les précédentes ;
  • elle échappe progressivement, après le Hallstatt C, à l’emprise de la Culture du Jura pour s’intégrer à celle de la Marne-Moselle.

On appellera Culture du Jura la zone des “résidences princières”. Cette zone s’étire en effet le long de l’axe du Jura : le Jura français et son prolongement souabe.

Il est intéressant de noter que la limite entre les Cultures de la Marne-Moselle et du Jura apparaît dès le Hallstatt B2/3 ou Bronze Final IIIb. Tandis que dans la seconde, on revient à la pratique de l’inhumation, la première reste fidèle à l’incinération19 (fig. 4C).

Fig. 4. A. Carte de répartition des ceintures plaquées (losanges noirs) et des plaques de ceinture (cercle rouges) ; B. Carte de répartition de la céramique gravée-estampée bavaroise (Cercles rouges) et de la céramique du type de l'Alb-Hegau (cercles noirs) ; taches noires non géométriques : zone de l'origine du type de l'Alb-Hegau (Ha C) ; cercles pleins : produits mixtes ; C. Nord-ouest de la zone des tombes à inhumation dans le nord de la France.
Fig. 4. A. Carte de répartition des ceintures plaquées (losanges noirs) et des plaques de ceinture (cercle rouges) ; B. Carte de répartition de la céramique gravée-estampée bavaroise (Cercles rouges) et de la céramique du type de l’Alb-Hegau (cercles noirs) ; taches noires non géométriques : zone de l’origine du type de l’Alb-Hegau (Ha C) ; cercles pleins : produits mixtes ; C. Nord-ouest de la zone des tombes à inhumation dans le nord de la France.

Les Groupes dans la Culture du Jura

La grille culturelle étant définie, il devient possible de traiter l’hypothèse initiale : des groupes culturels coïncident-ils avec nos “Principautés” ?

Certains types d’armes de poing vont dans ce sens20 : le glaive à antennes et à poignée lisse se concentre plus particulièrement en Suisse occidentale, secteur de Châtillon-sur-Glâne ; le poignard à antennes atrophiées et à trois appendices proximaux montre un groupement serré autour de La Heuneburg (fig. 3 D). Mais ce sont logiquement les parures qui se prêtent le mieux à une telle recherche. I. Kilian-Dirlmeier21 a pu mettre en évidence des zones d’atelier pour les plaques de ceinture : zone de Haguenau ou du Hegau (Taf. 88, A), du type de Kaltbrunn (Taf. 88, B) ou du type de Bitz (Taf. 84, A) : la diffusion de ces deux dernières zones d’atelier se révélant centrées sur le territoire de La Heuneburg. Les bracelets du type bourguignon semblent propres à l’aire dominée par le mont-Lassois, d’où ils semblent s’acheminer surtout vers le nord-ouest22.

Avec les plaques de ceinture ou les bracelets, notre échantillon reste cependant très faible, et permet difficilement de tirer des conclusions fermes. Ce sont les fibules qui offrent le corpus le plus favorable. On dispose pour cela du remarquable travail de G. Mansfeld23. Si l’on ajoute à ce corpus les informations publiées par M. Feugère24, on peut dresser une carte de densité selon un maillage de 20 kilomètres de côté (fig. 6 A). On constate que les points de forte densité se trouvent bien corrélés avec l’emplacement des “résidences princières”, (fig. 5). Sept catégories de fibules ont été sélectionnées ici en fonction de leur distribution préférentielle à l’intérieur de la Culture du Jura. Cette Culture a été divisée selon la méthode des polygones. Ainsi, toute fibule, comptée à l’intérieur d’un polygone, a été découverte en un lieu proche de la “Résidence princière” polarisant par conséquent ce polygone.

Fig. 5. Carte établie selon une maille de 20 km de côté montrant la corrélation entre la densité des sites de la Culture du Jura ayant fourni des fibules dites “hallstattiennes” et la localisation des “Résidences princières”. a. Présence de 3 ou 4 sites dans la maille ; b. Présence de plus de 4 sites dans la maille ; c. “Résidence princière”.On constate une bonne corrélation dans 9 cas sur 14 (64 %) ; la zone où la corrélation n'est que partielle correspond au territoire français où la recherche est encore insuffisante.
Fig. 5. Carte établie selon une maille de 20 km de côté montrant la corrélation entre la densité des sites de la Culture du Jura ayant fourni des fibules dites “hallstattiennes” et la localisation des “Résidences princières”. a. Présence de 3 ou 4 sites dans la maille ; b. Présence de plus de 4 sites dans la maille ; c. “Résidence princière”.
On constate une bonne corrélation dans 9 cas sur 14 (64 %) ; la zone où la corrélation n’est que partielle correspond au territoire français où la recherche est encore insuffisante.

Une série de cartes de répartition illustre cette analyse (fig. 6 et 7). Si l’on ordonne ces informations sur une matrice quantitative, on met en évidence le haut degré de centralisation de la production ou de la distribution de ces fibules (fig. 8). La matrice s’ordonne en fonction de la proximité relative des territoires ; ceci, sans même introduire un coefficient de pondération pour les effets de poids des secteurs les mieux documentés. On note que dans ce phénomène de proximité se sont la “Résidence princière” elle-même et ses abords immédiats qui recèlent principalement les produits du territoire voisin, et non la zone immédiatement contiguë. Le faisceau des indices qui convergent dans le sens souhaité se densifie. Le rôle redistributeur de la “Résidence princière” est lui-même perceptible, en dépit de l’insuffisance des fouilles sur ce type de site.

Fig. 6. A. Carte de la densité des sites ayant fourni des fibules dites “hallstattiennes” selon une maille de 20 km de côté (Maille vide : 1 site ; maille avec carré vide : 2 sites ; maille avec un petit carré plein : 3 ou 4 sites ; maille avec gros carré plein : 5 à 9 sites ; maille pleine : plus de 9 sites) ; B. C. et D. : cartes figurant le nombre des fibules par type, dans chacun des territoires théoriques polarisés par une "Résidence princière" ; chaque colonne correspond à 100 % et la fraction noircie représente le pourcentage des fibules d'un type spécifique découvertes dans le polygone (un petit carré, à la base d'une colonne, représente un total inférieur à 5 %) ;B. Type K1 (la navicella) : un tiers du corpus se situe dans l'aire de La Heuneburg ; les territoires contigus sont ensuite les mieux représentés ;C. Type P1 (à timbale hémisphérique) : l'échantillon disponible permet de travailler sur le sous-type P1 1aw. Les aires de Zurich et de La Heuneburg renferment chacune un quart du corpus vu la sur-représentation du territoire de la seconde, l'origine se situe plus probablement autour de Zurich ;D. Type F1 (à pied dressé) : il se concentre à 45 % dans l'aire de La Heuneburg ; 24,5 % proviennent de la Résidence princière elle-même.
Fig. 6. A. Carte de la densité des sites ayant fourni des fibules dites “hallstattiennes” selon une maille de 20 km de côté (Maille vide : 1 site ; maille avec carré vide : 2 sites ; maille avec un petit carré plein : 3 ou 4 sites ; maille avec gros carré plein : 5 à 9 sites ; maille pleine : plus de 9 sites) ; B. C. et D. : cartes figurant le nombre des fibules par type, dans chacun des territoires théoriques polarisés par une « Résidence princière » ; chaque colonne correspond à 100 % et la fraction noircie représente le pourcentage des fibules d’un type spécifique découvertes dans le polygone (un petit carré, à la base d’une colonne, représente un total inférieur à 5 %) ;
B.
Type K1 (la navicella) : un tiers du corpus se situe dans l’aire de La Heuneburg ; les territoires contigus sont ensuite les mieux représentés ;
C. Type P1 (à timbale hémisphérique) : l’échantillon disponible permet de travailler sur le sous-type P1 1aw. Les aires de Zurich et de La Heuneburg renferment chacune un quart du corpus vu la sur-représentation du territoire de la seconde, l’origine se situe plus probablement autour de Zurich ;
D
. Type F1 (à pied dressé) : il se concentre à 45 % dans l’aire de La Heuneburg ; 24,5 % proviennent de la Résidence princière elle-même.
Fig. 7. Voir légende de la fig. 6. A. Type P2 (à timbale conique) : l'aire de Haguenau regroupe le quart des exemplaires. Celle voisine du Hohenasperg est ensuite la mieux pourvue ; B. Type dZ3 (à double cupule) : il est très concentré dans l'aire de Haguenau avec 42 %, et secondairement, dans celle de Breisach ; très probablement alsacien, il est aussi notablement représenté au Mont-Lassois lui-même ; C. Type dP4 (à double timbale) : le sous-type dP4 2a est équitablement distribué autour du Mont-Lassois et de Château-Salins, mais 17 % proviennent du Mont-Lassois lui-même ; D. Type F4 (à pied dressé) : il présente une distribution analogue à celle du type dP4 2a. L'aire du Mont-Lassois en regroupe 22,5 %, et la “Résidence princière” seule : 15,5 %. Les exemplaires extérieurs à la Culture du Jura s'alignent le long d'un axe Rhône-Saône-Meuse.
Fig. 7. Voir légende de la fig. 6. A. Type P2 (à timbale conique) : l’aire de Haguenau regroupe le quart des exemplaires. Celle voisine du Hohenasperg est ensuite la mieux pourvue ; B. Type dZ3 (à double cupule) : il est très concentré dans l’aire de Haguenau avec 42 %, et secondairement, dans celle de Breisach ; très probablement alsacien, il est aussi notablement représenté au Mont-Lassois lui-même ; C. Type dP4 (à double timbale) : le sous-type dP4 2a est équitablement distribué autour du Mont-Lassois et de Château-Salins, mais 17 % proviennent du Mont-Lassois lui-même ; D. Type F4 (à pied dressé) : il présente une distribution analogue à celle du type dP4 2a. L’aire du Mont-Lassois en regroupe 22,5 %, et la “Résidence princière” seule : 15,5 %. Les exemplaires extérieurs à la Culture du Jura s’alignent le long d’un axe Rhône-Saône-Meuse.
Fig. 8. Matrice quantitative de sept types de fibules par “Principautés” : – À gauche : valeurs absolues,– À droite : pourcentages,– Cadre épaissi : plus de 10 %,– Étoile : localisation des centres de production ou de redistribution, – Extérieur (avant-dernière ligne) : total des fibules du type découvertes hors de la Culture du Jura.
Fig. 8. Matrice quantitative de sept types de fibules par “Principautés” :
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À gauche : valeurs absolues,
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À droite : pourcentages,
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Cadre épaissi : plus de 10 %,
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Étoile : localisation des centres de production ou de redistribution,
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Extérieur (avant-dernière ligne) : total des fibules du type découvertes hors de la Culture du Jura.

Une analyse de l’hypothèse des “principautés” nécessitait d’expliciter la classification culturelle, dès le palier du Complexe nord-alpin ou celtique. Ces délimitations, souvent ignorées sinon méprisées par l’archéologie anglo-saxonne dans le passé, constituent pourtant l’un de nos principaux outils de recherche. On a déjà montré, dans le cas du Groupe des Cultures occidentales au Hallstatt A2-B1 (Bronze final IIb-IIIa), que la reconnaissance de ces entités permettait de mieux comprendre l’évolution et l’organisation des sociétés préhistoriques25. La même réalité apparaît ici (fig. 9). Les Cultures qu’il est permis d’isoler grâce aux caractères morphologiques et ornementaux de leurs productions respectives témoignent chacune d’une évolution économique et sociale propre. La corrélation constatée entre le lieu des principaux carrefours d’échanges et la localisation des manifestations d’une forte hiérarchisation sociale s’avère très étroite. Ces deux phénomènes restent intimement liés dans leurs déplacements spatio-temporels, et ils respectent dans cette évolution les limites des entités culturelles.

Fig. 9. – En haut : carte de répartition des tombes riches du Hallstatt D (final) et du La Tène A et B (ancien) ; en hachures : zones de forte densité des vaisselles en bronze. – En bas : histogrammes des tombes à char, par culture. Les colonnes correspondent, de droite à gauche, au Ha C et C ou D (pointillés) pour la première ; au Ha D pour la deuxième ; au LTA et B pour la troisième.1 : Culture de la Bohême-Palatinat supérieur ;2 : Culture de la Basse Autriche-Bavière ; 3 : Culture du Jura ; 4 : Culture la Marne-Moselle.
Fig. 9. – En haut : carte de répartition des tombes riches du Hallstatt D (final) et du La Tène A et B (ancien) ; en hachures : zones de forte densité des vaisselles en bronze. – En bas : histogrammes des tombes à char, par culture. Les colonnes correspondent, de droite à gauche, au Ha C et C ou D (pointillés) pour la première ; au Ha D pour la deuxième ; au LTA et B pour la troisième.
1 : Culture de la Bohême-Palatinat supérieur ;
2 : Culture de la Basse Autriche-Bavière ; 3 : Culture du Jura ; 4 : Culture la Marne-Moselle.

Les tombes riches sont majoritaires dans le Groupe des Cultures orientales au Hallstatt C (Hallstatt ancien). Elles se fixent, au Hallstatt D (Hallstatt moyen/final) dans l’aire de la Culture du Jura ; sans doute à la faveur de la fondation de comptoirs grecs au sud de la France, et de la montée en puissance des cités étrusques. Au La Tène A et B (La Tène ancienne), ces manifestations d’opulence de la part des dominants montre un glissement vers la Culture de la Marne-Moselle. Il est satisfaisant de constater qu’un phénomène analogue se produit dans le Groupe des Cultures orientales. Bien que de façon moins nette et surtout moins massive, la Bohême semble bien se substituer à la Culture de Basse Autriche-Bavière. Là aussi, tout se passe comme si les fonctions d’intermédiaires, monopolisées par les petits potentats, le long de l’axe central est-ouest du Complexe nord-alpin, se scindaient pour être appropriées par d’autres chefs, les unes à l’entrée sud, les autres à la sortie nord de la Celtique (fig. 10).

Fig. 10. Schéma d'interprétation de la désintégration fonctionnelle des régions les plus riches de la Celtique nord-alpine au Ha D, au profit de : A : la culture de Golasecca ; B : la culture d'Este aux limites méridionales ; X : le Groupe de l'Aisne-Marne ; Y : le Groupe de l'Hunsrück-Eifel ; Z : le Groupe de la Bohême aux limites septentrionales au début du La Tène.
Fig. 10. Schéma d’interprétation de la désintégration fonctionnelle des régions les plus riches de la Celtique nord-alpine au Ha D, au profit de : A : la culture de Golasecca ; B : la culture d’Este aux limites méridionales ; X : le Groupe de l’Aisne-Marne ; Y : le Groupe de l’Hunsrück-Eifel ; Z : le Groupe de la Bohême aux limites septentrionales au début du La Tène.

Il reste que l’hypothèse n’en est pas pour autant vérifiée. Mais son degré de probabilité s’en trouve plus élevé encore ; d’où une difficulté plus grande pour concevoir un modèle alternatif. J’ai bien tenté de bâtir un scénario différent qui rende tout autant compte de l’ensemble des informations disponibles, sans succès. Je souhaite vivement que d’autres s’y essayent, car c’est bien ainsi que la science progresse. On a vu la richesse exemplaire des données issues des recherches dans le Wurtemberg. Nous sommes dorénavant certains qu’il existe en France un potentiel équivalent pour traiter de la question des “résidences princières”. L’approche tentée dans le présent article peut, je l’espère, constituer le squelette d’une problématique claire pour le lancement d’un programme sur les “résidences princières” en France.


Bibliographie

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Notes

  1. Frankenstein & Rowlands 1978 ; Kimmig 1969 ; Schiek 1959 ; Wells 1980 ; Zürn 1970.
  2. Härke 1979.
  3. Haggett 1965.
  4. Frankenstein & Rowlands 1978 ; Kimmig 1969 ; Pauli 1972.
  5. Frankenstein & Rowlands 1978.
  6. Klenj 1982.
  7. Clarke 1968.
  8. Clarke 1968.
  9. Brun 1988.
  10. Kimmig 1983.
  11. Kilian-Dirlmeier 1972.
  12. Kimmig 1979.
  13. Kimmig 1983.
  14. Kossack 1959 ; Wamser 1975.
  15. Demoule 1982.
  16. Haffner 1976 ; Joachim 1968.
  17. Willaume 1985.
  18. Ruffier et al. 1985.
  19. Brun 1984 ; Olivier 1986.
  20. Sievers 1980.
  21. Kilian-Dirlmeier 1972.
  22. Chaume 1987 ; Wamser 1975.
  23. Mansfeld 1973.
  24. Feugère & Guillot 1986.
  25. Brun 1988.
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Chapitre de livre
EAN html : 9782356134585
ISBN html : 978-2-35613-458-5
ISBN pdf : 978-2-35613-460-8
Volume : 5
ISSN : 2827-1912
Posté le 22/12/2025
15 p.
Code CLIL : 4117; 3122;
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Brun, Patrice, “Les “résidences princières” comme centres territoriaux : éléments de vérification”, in : Brun, Patrice, Comprendre l’évolution sociale sur le temps long, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 5, 2025, 51-64, [URL] https://una-editions.fr/les-residences-princieres-comme-centres-territoriaux
Illustration de couverture • Première : Nebra Sky Disc, bronze and gold, ca. 3600 years before present; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták ;
Quatrième : The Nebra hoard with Sky Disc, swords, axes, chisel and arm spirals; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták
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