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Échelles d’intégration politique et contrôle des moyens
de production en Europe au cours du Ier millénaire a.C.

Brun, P. (2001) : “Échelles d’intégration politique et contrôle des moyens de production en Europe au cours du Ier millénaire av. J.-C.”, in : Berrocal-Rangel, L., Gardes, P., dir. : Entre Celtas e Iberos: Las poblaciones protohistoricas de las Galias e Hispania, 29-43.



J’évoquais bien ici l’effondrement du bassin oriental de la Méditerranée au XIIe s. a.C., mais j’en sous-estimais encore largement les conséquences sur la totalité de l’Europe.

I mentioned here the collapse of the eastern Mediterranean basin in the 12th c. BC, but I still largely underestimated its consequences for the whole of Europe.


De nombreuses données permettent aujourd’hui d’esquisser les formes d’organisation sociales du Ier mill. a.C., en Europe, surtout en Celtique nord-alpine et en Ibérie. Après avoir tenté de repérer le niveau de contrôle des moyens de production, je vérifierai la corrélation entre le niveau de complexité politique et le degré de contrôle des ressources économiques. Nous verrons que la corrélation ne va pas de soi et que sa variabilité suggère des hypothèses permettant d’expliquer certaines modalités du changement social, en particulier l’urbanisation, et d’en approcher les causes.

Le cadre méthodologique et théorique

Le principal outil employé pour définir l’échelle et le niveau d’intégration, c’est-à-dire la taille et la hiérarchie interne des territoires politiquement autonomes, est l’étude des settlement patterns. Ces réseaux de sites contemporains reflètent, dans leurs diverses configurations, le degré de complexité des sociétés sans écriture. Ils représentent aussi l’un des meilleurs indices d’évaluation de la démographie, parce qu’ils permettent de savoir si les échantillons toujours restreints connus par la fouille d’établissements ou de cimetières sont vraiment représentatifs. Les programmes d’échelle micro-régionale, seuls aptes à offrir des résultats de cet ordre, restent toutefois peu nombreux ou trop peu avancés, car ils sont coûteux en temps et en moyens humains et financiers. Cela oblige à raisonner sur des données très incomplètes et dispersées, d’où le caractère relativement spéculatif de la construction. Les risques de commettre des erreurs grossières se trouvent toutefois limités par la taille énorme de l’aire étudiée et ainsi le nombre élevé et la diversité des informations croisées. Le fait de travailler jusqu’à une échelle continentale présente l’intérêt supplémentaire et crucial de pouvoir saisir les indices d’échanges transrégionaux, parfois sur de très longues distances.

Le concept braudélien d’économie-monde1 est utilisé pour décrire une zone économiquement autonome, organisée en trois sous-ensembles hiérarchisés globalement concentriques et formant système. On le confond souvent, à tort, avec un système du type centre/périphérie. La notion de système centre/périphérie a été élaborée, sous sa forme actuelle, par les économistes du sous-développement. Elle exprime une relation dissymétrique entre un sous-ensemble central, exploiteur et un autre, éloigné, dominé. Un malentendu majeur, entretenu surtout dans le milieu anglophone, vient en effet de l’utilisation de cette terminologie à propos de n’importe quelle disposition auréolaire. D’autres modèles existent pourtant, en particulier ceux d’économie-monde ou système-monde, qui constituent des outils théoriques précieux pour rendre compte des relations entre sociétés de niveaux de développement inégaux, mais dénuées du caractère d’exploitation, au sens marxiste du terme. Il convient aussi d’insister sur la polysémie potentielle des représentations auréolaires. Ces dernières peuvent figurer une “tombée de la distance” après avoir défini des ondes jugées plus significatives que d’autres pour le sujet traité. Elles peuvent représenter des zones fonctionnellement emboîtées, comme dans le paysage de von Thünen. Elles peuvent enfin correspondre aux étapes d’un phénomène de développement spatio-temporel. Ces trois significations sont parfois combinées. De tels modèles peuvent s’appliquer à diverses échelles. La plus locale est celle du village de von Thünen au sein de son aire d’approvisionnement direct. À un niveau plus régional, on trouve le réseau hiérarchisé d’établissement : ici, des déformations deviennent importantes, causées par les irrégularités naturelles. À des échelles supra-régionales, continentales et au-delà, existent des systèmes auréolaires de grande envergure, appelés économies-mondes ou systèmes-mondes.

Bien que très critiquées, les typologies sociales néo-évolutionnistes sont utilisées ici sans vergogne. Des versions récentes2, plus détaillées que celles de Fried3 ou de Service4 se prêtent en effet assez bien à la documentation archéologique. Remarquons d’ailleurs qu’il n’existe pas, même chez les plus critiques à leur égard5, de travaux de synthèse qui en fasse longtemps l’économie, tant serait fastidieuse la répétition de longues périphrases décrivant le mode d’organisation des sociétés protohistoriques à divers niveaux de complexité. Il devrait aller de soi qu’il ne faut pas comprendre ces catégories comme les paliers immuables d’une ascension sociale unilinéaire vers un progrès toujours plus grand. Des sociétés sont revenues à des formes d’organisation plus simples, d’autres ont ignoré certaines catégories typologiques. Il semble, de plus, nécessaire, bien que déplorable, de devoir aujourd’hui encore préciser que l’adoption d’une complexité sociale accrue ne représente pas nécessairement un progrès social ; elle a même souvent correspondu à une régression des conditions de vie de la majorité de la population. Il convient toutefois d’insister sur la longue gradation des formes d’organisation politique. Cette remarque s’oppose aux formes de présentation courantes des sociétés qui les regroupent en deux, au plus quatre, catégories. Les bipartitions distinguent les sociétés sans État et celles à État6 ; les néo-évolutionnistes américains rangent les sociétés sur quatre paliers successifs7 ; mais les deux principaux schémas proposés se trouvent décalés l’un par rapport à l’autre, ce qui trahit leur imperfection. J.-W. Lapierre8 a procédé au classement d’un large échantillon de sociétés à travers le monde, à l’aide de deux variables politiques : le mode de régulation de la coopération et de la compétition sociale et le degré de spécialisation et de différenciation du pouvoir. Il propose, au total, neuf degrés d’organisation politique. Cette typologie, qui est actuellement la plus détaillée, sera utilisée ici pour décrire la nature du pouvoir politique dans les sociétés celtiques nord-alpines.

L’approche de l’échelle et du niveau d’intégration, à l’aide de ces outils typologiques doit être complétée par une enquête sur les bases et la nature du pouvoir politique. Derrière la grande diversité des sociétés humaines, se discernent des tendances générales, au premier rang desquelles la croissance corrélative du niveau d’intégration politique et du degré de contrôle exercé sur les ressources. Cette observation laisse penser qu’un certain état de l’économie est nécessaire pour qu’un certain type d’organisation politique s’établisse. Nous essaierons, par conséquent, d’identifier les catégories de ressources sur lesquelles les potentats ont pu exercer leur contrôle afin de maintenir et reproduire leur position sociale.

Notons encore que la posture théorique tenue ici ne se classe dans aucun des trois courants habituellement distingués :

  1. L’archéologie historico-culturelle consistant à repérer des entités stylistiques à connotation ethnique et à interpréter les changements en termes de diffusion et de migration.
  2. La New Archaeology (dite ensuite processualiste) soucieuse de quantifier les données, insistant sur les contraintes environnementales, cherchant des systèmes et des tendances lourdes.
  3. L’archéologie post-processualiste avec son goût pour la diversité, le mouvement constant, le relativisme et son insistance sur les aspects symboliques et religieux.

Des perspectives fécondes existent dans ces trois courants qu’il paraît pertinent d’envisager comme cumulatifs, le suivant corrigeant certains excès du précédent (la conception rigide des tiroirs typo-chronologiques, le scientisme hypothético-déductif, la dilution des catégories analytiques et le relativisme absolu), et non comme une suite de renversements paradigmatiques. Les catégories sont nécessaires à toute démarche scientifique, mais elles sont analytiques. Cela signifie qu’il ne faut pas les réifier. D’autre part, la variété du social est une évidence première : tout comme il n’existe évidemment pas deux individus rigoureusement identiques, il n’y a, a fortiori, pas deux communautés humaines, ni deux événements historiques identiques. Pourtant, au-delà de ces différences primordiales, et pour peu que l’on dispose d’un recul temporel suffisant, on discerne des analogies entre certaines situations, des tendances lourdes vers certaines configurations, des sortes d’états attracteurs d’une haute probabilité. Cela suggère que l’histoire n’est pas totalement aléatoire, ou le jouet d’une supposée fantaisie divine.

L’étude réalisée selon cette approche pragmatique permet de proposer un panorama général en quatre temps, à l’échelle de l’Europe “barbare” ou protohistorique durant le Ier mill. a.C. :

  • -le temps des chefferies fondées sur le contrôle des moyens de production, qui commencent d’être travaillées par l’économie-monde orientale, après les âges sombres de la Grèce ;
  • le temps, dans la zone intermédiaire, des chefferies complexes financées par les échanges extérieurs ;
  • le temps des désintégrations politiques en Europe tempérée ;
  • le temps des États naissants financés en nature et en richesses externes, dans la zone intermédiaire, et des chefferies complexes dans la périphérie plus lointaine.

Durant ces quatre volets, se distinguent trois paliers d’accentuation et de généralisation de la division sociale en Europe.

Une stabilisation des chefferies (1350-530 a.C.)

Il semble bien que pendant l’âge du Bronze, le pouvoir repose, au plus haut niveau, sur le contrôle des biens échangés sur de longues distances, en particulier sur le cuivre, puis l’étain, ces métaux dont l’alliage produit le bronze et qui représentent la part encore visible de loin la plus volumineuse de ces échanges (alors même que cette matière première est recyclable). À partir du Bronze final, les chefferies simples semblent constituer la trame majeure des sociétés européennes. Des tombes très riches apparaissent, surtout entre Bavière et Slovaquie. Les plus luxueuses renferment des pièces de services à boisson métalliques. Lointain écho de leurs homologues caucasiens, leur caractère cérémoniel et leur lien avec le char sont éclatants dans le chariot porteur d’un chaudron ou d’une situle des tombes de Milavce (tumulus C1), Hart a. d. Alz, Acholshausen et peut-être Ockov. Les ensembles les plus fournis possèdent de l’armement, parfois défensif. La majorité, même les plus anciennes, sont des incinérations, déposées ou non dans un vase. Une concentration de tombes à vaisselles métalliques du Bronze D existe aussi dans le Mecklembourg, de Peckatel à Weitgendorf9, sorte de relais entre la Bohème et le Danemark où se situe la fameuse tombe de Skallerup.

À cette époque, les objets en bronze sont de plus en plus abondants et variés. Armes, parures et outils se multiplient et se diversifient. Les récipients en bronze, qui représentent une de ces nouveautés, deviennent un symbole évident de pouvoir. Ces vaisselles sont en effet présentes de préférence dans les ensembles funéraires comportant, de façon plus ou moins complète, l’association : arme défensive, épée, poignard, rasoir et lance ; c’est-à-dire dans les sépultures masculines les plus riches10. Elles témoignent ainsi de l’importance des banquets offerts par les potentats dans un système fondé sur le prestige : il faut donner le plus généreusement possible pour maintenir son rang, voire le rehausser. La valeur sociale et économique du bronze s’exprime aussi dans les divers types de dépôts qui constituent presque une caractéristique de cette période. Quelle qu’en soit la fonction, réserve de produits finis et/ou de fragments à refondre, dépôt votif personnel ou collectif, dépôt sacrificiel en rivière, ils traduisent l’importance cruciale que ce matériau a acquis pour la reproduction sociale11.

Ce ne sont pas les producteurs directs du cuivre et de l’étain qui tirent le plus de profit de ce secteur économique. C’est non seulement sur les voies de communication, mais aussi dans les zones-tampons entre complexes culturels différents que le bronze sert de base à la dynamique sociale la plus active. Les ressources agricoles ne semblent pas avoir circulé sur de plus longues distances qu’auparavant. Les données disponibles indiquent la pratique d’une économie de subsistance peu spécialisée. Les capacités d’ensilage n’excèdent pas les besoins d’une consommation locale, compte tenu d’une certaine marge de sécurité12. La viande sur pied présente moins de difficultés de transport et de conservation. Là encore cependant, l’étude des rejets fauniques ne plaide pas pour la pratique d’élevages particulièrement spécialisés13. La production vivrière ne semble donc pas avoir servi de base à l’accentuation des inégalités. Nous détectons des indices de l’existence d’une échelle d’intégration dépassant 30 km de rayon. Il est difficile de déterminer la nature de cet hypothétique niveau de pouvoir politique. Rien ne permet encore de voir, dans ces tombes détentrices de symboles spécifiques, les marqueurs de centres territoriaux stables. Peut-être ne s’agit-il que de tentatives éphémères, comme au Bronze ancien, voire d’établissements qui ne jouent un rôle de centre que lors de formations confédérales, par exemple à vocation guerrière, comme au Bronze moyen. Pour le deuxième niveau d’intégration en revanche, l’espace à gérer demeure suffisamment réduit pour qu’un pouvoir central conserve une relative stabilité. C’est toutefois la logique seule qui incite à admettre ce deuxième niveau pour l’ensemble du domaine nord-alpin. Pour le niveau 3, il convient d’être encore plus circonspect dans l’état actuel des connaissances.

Le pouvoir politique du Bronze final ne semble pas très différent de ce qu’il était au Bronze ancien. Il présente aussi des indices de spécialisation et de hiérarchisation. Le pouvoir spécialisé et hiérarchisé correspond au sixième degré de la typologie de J.-W. Lapierre14. Sur son tableau montrant la bonne corrélation entre le degré d’organisation politique et le nombre d’habitants par unité politique maximale, le sixième degré correspond à des sociétés de 1 000 à 10 000 personnes. Nos propres estimations démographiques, réalisées à partir de la densité des sites, donnent une fourchette correspondante : de 7 400 à 10 000 habitants pour le troisième niveau d’intégration. Nous constatons, par ailleurs, la présence, dans les tombes les plus riches, d’indices d’un pouvoir religieux : il s’agit des volumineux services à boisson en bronze qui évoquent la consommation collective, lors de festins ostentatoires, de breuvages alcoolisés et surtout qui, dans plusieurs cas, trônaient sur un chariot spécial. Ce dispositif doit probablement être rapproché des chars solaires comme celui de Trundholm15.

Au début du Bronze final, la dynamique de l’économie-monde aurait pu, en s’intensifiant, accélérer le processus d’intégration politique, mais la civilisation mycénienne décline au XIIe s. a.C., en même temps que les actives cités du Proche-Orient et d’Égypte subissent des troubles sévères. Le système est en crise, victime, semble-t-il de sa croissance rapide. Des groupes, vraisemblablement originaires de zones périphériques sollicitées par l’économie-monde, en déstabilisent les centres. Le système se met en sommeil pour quelques siècles. En Grèce, peut-être en Italie du Nord, la complexité sociale faiblit. Les chefferies simples sont alors, comme ailleurs, le type d’organisation sociale le plus courant. Cette fragmentation est d’autant plus perceptible qu’elle est artificiellement accentuée par une généralisation de pratiques funéraires plus sobres, dont l’incinération.

Les sépulcres exceptionnels disparaissent dans les régions nordiques du XIIe au IXe s. a.C., en même temps que se produit un tassement socio-économique en Grèce et en Italie. Cette coïncidence invite à établir un lien causal. Pourtant, des tombes riches, à armes et/ou à vaisselle métallique, continuent d’être installées pendant cette période. Il convient par conséquent de nuancer le propos. Les échanges transcontinentaux semblent certes marquer le pas, mais les échanges intra et interrégionaux demeurent très actifs. À cette échelle moyenne, la position centrale du complexe culturel nord-alpin en Europe constitue un avantage précieux. À partir du Xe s. a.C., de nouvelles techniques déterminantes se répandent. Elles confèrent une autonomie économique accrue à ces communautés fixées plus durablement sur leur finage. Le fer, le perfectionnement des techniques de tissage, l’intensification de la production saline, ou la spécialisation de l’élevage permettent, de plus, aux chefs d’accroître leur emprise sur les moyens de production locaux, en tant qu’intermédiaires privilégiés dans les échanges avec les autres communautés, surtout à longue distance. C’est d’ailleurs en partie sur ces nouvelles bases que l’économie-monde redevient active au VIIIe s. a.C. Quelques entités politiques, comme celles d’Eubée ou d’Attique, qui semblent avoir conservé un niveau de différenciation social élevé, pendant les “âges sombres” – évoquant les chefferies complexes de la nomenclature utilisée – reprennent un rôle important, à côté des cités phéniciennes. Plus souple et libérale que les organisations étatiques précédentes, la cité-État maritime devient le vecteur privilégié du système transcontinental. L’Italie villanovienne, dont les très nombreux points communs avec les régions nord-alpines trahissent un intense trafic transalpin, devient un relais important du système. C’est aussi le cas des communautés de Vénétie et de Carniole qui jouent un rôle d’intermédiaire entre les cités méditerranéennes et le nord de l’Europe sur les voies est-alpines.

Aux IXe et VIIIe s. a.C., les nomades installés sur le pourtour de la mer Noire exercent une forte pression sur les États d’Assyrie et d’Ourartou. La péjoration climatique qui sévit alors explique en partie ces turbulences. Il convient d’ajouter que les royaumes du bassin supérieur du Tigre et de l’Euphrate prennent ces redoutables guerriers à cheval à leur service, afin de se doter d’un avantage militaire sur les États concurrents. Il s’agit là d’une autre forme d’élargissement pour une économie-monde qui se réactive. Les populations steppiques occupent une large bande de terre qui dessine une accolade sur toute la périphérie septentrionale des États asiatiques, de la Chine à l’Europe centrale, et avec lesquels elles entretiennent des liens de complémentarité systémique, où alternent rapports commerciaux et prédateurs.

De même, la demande méditerranéenne permet à des chefs locaux de gagner en richesse et en pouvoir. Les manifestations ostentatoires visibles dans les monuments funéraires s’alignent le long des principales voies de communication, en particulier, mais pas seulement, dans le sens nord-sud. Là encore, il s’agit souvent de tombes à vaisselle en bronze : Hostomice ou Nynice en Tchéquie, Stillfried en Basse-Autriche, Steinkirchen en Bavière, ou Gevelingshausen en Allemagne du Nord16. Cependant, les variations dans l’intensité des échanges transeuropéens ne semblent pas affecter les formations sociales de cette époque. La chefferie simple reste la structure d’intégration politique la plus courante.

L’histoire antique offre en nombre des exemples où l’ostentation, en particulier funéraire, fait office d’instrument de légitimation, ou de renforcement d’un pouvoir naissant ou chancelant. Par conséquent, les impressionnants sépulcres, sur lesquels notre perception repose en grande partie pour cette période, signalent probablement des moments de difficulté socio-politique, par exemple lors de fondations ou de querelles de succession dynastiques. Il faut davantage pour envisager le passage à un niveau supérieur de différenciation sociale. À densité démographique à peu près équivalente, il faut un agrandissement du territoire intégré sous un unique pouvoir. Or, la documentation disponible ne suggère pas la formation d’entités excédant une taille qui nécessite des vassaux ou des gouverneurs ; c’est-à-dire où les frontières se trouvent à plus d’une journée de marche, plus de 25 à 30 km du siège du pouvoir en terrain peu accidenté. Le cas de Seddin se révèle très significatif. Dans cette zone du Mecklembourg, une concentration de tombes riches plus serrée qu’auparavant est datée des périodes V et VI de Montelius. Parmi celles-ci, H. Wüstemann17 isole les quatre groupes riches : Seddin, Triglitz, Kemnitz et Stralendorf. Il propose d’inclure dans un même territoire Triglitz et Kemnitz, pour des raisons chronologiques. Les unités ainsi mises en évidence mesurent au mieux une quinzaine de kilomètres de rayon. Ces tentatives de renforcement du pouvoir paraissent, par conséquent, rester dépendantes du commerce lointain. De plus, rien n’indique une croissance réelle de l’échelle d’intégration et la réplication de telles formations sur de vastes zones avant la fin du VIe s. a.C., c’est-à-dire avant l’établissement et la consolidation de comptoirs grecs.

Avec le début du premier âge du Fer, le deuxième niveau d’intégration gagne en stabilité. Très nombreuses sont les communautés territoriales qui fortifient le siège du pouvoir central. Plusieurs exemples montrent, de surcroît, qu’une petite nécropole tumulaire renfermant les défunts de l’élite sociale s’étend non loin de cette fortification18. La plupart des zones de concentration de tombes à épée en fer, le cours supérieur de l’Ain, la haute Seine, la Lorraine ou le Jura souabe se trouvent à proximité immédiate de gisements de fer exploités à l’époque historique19. Il est ainsi tentant de voir dans le contrôle de cette nouvelle matière première métallique un instrument de la stabilisation du pouvoir. Dans la logique de la période précédente, cette nouvelle ressource sert d’abord à produire des insignes de prestige, épées, parures, pièces de char ou de vaisselle. Rappelons que le fer n’est pas la seule innovation qui se généralise alors. Le sel commence d’être exploité sur une grande échelle et les nouveaux métiers à tisser à quatre barres de lisse permettent de réaliser de luxueuses étoffes. C’est, ainsi, une nouvelle donne des bases économiques du pouvoir qui s’opère alors. Beaucoup plus de leaders de communautés peuvent disposer d’une base locale pour se procurer des biens de prestige et ainsi se créer une large “clientèle”. La compétition inter-communautaire ne peut que s’intensifier, nécessitant une meilleure organisation économique et militaire. La stabilité locale serait aussi confortée par l’adoption de nouvelles pratiques culturales. L’introduction de la féverolle (vicia faba L.)20 autoriserait en effet une rotation des cultures sur la même parcelle en prolongeant la fertilité du sol.

À la fin du IIe mill. a.C., la participation de la péninsule ibérique à de vastes réseaux d’échanges devient évidente. Les bronzes caractéristiques du complexe atlantique se trouvent répartis dans toute sa moitié nord-ouest21. Les régions du nord-est reçoivent une influence issue du Languedoc, qui s’exprime dans les bronzes, la poterie et jusque dans les pratiques funéraires, d’où son nom de culture des Champs d’Urnes22. Un troisième courant, enfin, prend peu à peu de l’importance. Il vient de la Méditerranée orientale. Il se marque d’abord dans les stèles de l’Alentejo, du Tage à la moyenne vallée du Guadalquivir, mais de façon plus impressionnante encore dans la tombe de Roça do Casaldo Meio23. Ces éléments exotiques montrent l’impact des échanges entre des orientaux intéressés par les métaux locaux et les élites indigènes. Ils se distribuent sur la périphérie des petits territoires politiques, c’est-à-dire dans les aires de conflits possibles24 et annoncent l’installation de comptoirs phéniciens au VIIIe s. a.C.25.

À partir du Xe s. a.C., les établissements fortifiés réapparaissent en nombre, la quantité d’objets en bronze devient beaucoup plus importante, quel que soit le contexte26, et les formes d’expression religieuse se multiplient. Le dépôt de Baioes, au Portugal, est à cet égard exemplaire avec ses trois chariots miniatures fragmentés, ses coupelles, ses crochets à viande et ses bracelets en bronze. Notons aussi la diversité des influences qui s’y mêlent : méditerranéenne, atlantique et nord-alpine27. Après la fondation du comptoir phénicien de Cadix, d’autres s’échelonnent de Malaga à l’Atlantique28. On constate alors une rapide diffusion de nouveautés : l’écriture, le fer, le tour de potier, des espèces animales exotiques – la poule, l’âne et le chat – et un mode de vie quasi-urbain, dans la région du bas-Guadalquivir.

Ce processus s’est même produit deux fois de suite dans la péninsule Ibérique. Celle-ci a d’abord accueilli des établissements phéniciens, dont le plus important fut Cadix, dès la seconde moitié du VIIIe s. a.C. et a connu le début d’une phase orientalisante vers 700 a.C. De profonds changements ont alors affecté de larges pans de la vie sociale : adoption du tour de potier, d’une architecture élaborée, domestique et publique, et d’une organisation quasi-urbaine29.

La documentation funéraire laisse penser qu’un troisième niveau d’intégration peut exister autour de centres distants d’une centaine de kilomètres. Les concentrations d’épées s’avèrent toutefois très relatives. Il s’agit de zones d’une vingtaine de kilomètres de diamètre. Cela pourrait signifier que le processus d’intégration est en cours, non encore cristallisé. Ainsi, dans le prolongement logique de la période antérieure, la société continue d’être travaillée par de fortes tendances à la complexification sociale. Des nouveautés économiques semblent permettre de stabiliser le deuxième niveau d’intégration. La forme du pouvoir politique ne change pas dans l’immédiat, il s’agit toujours d’un pouvoir spécialisé et hiérarchisé. L’éventualité d’un troisième niveau n’est pas exclue, mais sous la forme temporaire déjà entrevue, ou sous une forme inachevée.

Une émergence de chefferies complexes (530-400 a.C.)

C’est chose faite dans la seconde moitié du VIe s. a.C. Toutefois, les résidences princières ne se sont pas épanouies à l’endroit exact de ces concentrations, mais après un transfert des principales manifestations de pouvoir depuis les zones hautes, riches en fer, jusqu’à des zones basses, généralement sur un relief remarquable, comme une butte-témoin, dominant une large vallée où les communications étaient plus faciles. Tout comme les secteurs dominants du début du premier âge du Fer, les centres princiers présentent des intervalles de 100 km en moyenne. Le fait que la corrélation spatiale entre les zones de concentration d’épées et les résidences princières ne soit pas stricte et que le transfert se soit produit des hautes terres vers les basses terres, invite à envisager un changement de la base économique : au niveau d’intégration le plus élevé, la richesse économique tendrait, autour de 500 a.C., à reposer davantage sur le contrôle des échanges à longue distance.

Le dispositif des nœuds subalternes de pouvoir s’avère non seulement concentrique, mais aussi radial. Leurs manifestations archéologiques sont en effet plus fréquentes sur certains rayons du système, très probablement parce qu’ils jalonnent les principales voies de communication. Les gisements locaux de matières premières convoitées commandent aussi la localisation de certains nœuds du réseau. Il s’agit d’une évidence en Franche-Comté où le centre politique lui-même, Salins-les-Bains, et son satellite le plus connu, Montmorot, sont implantés à proximité de ces résurgences d’eaux salées à l’aplomb des bancs de sel gemme du Trias et du Lias.

Plusieurs indices accréditent la fonction redistributrice des centres princiers30. Il y a lieu, dès lors, de voir dans ces principautés des entités politiquement autonomes, centralisées et gouvernées par des dynasties aristocratiques. Cette image correspond assez bien avec celle des sociétés du septième degré de J.-W. Lapierre31, un pouvoir individualisé, celui du prince, et très “différencié”, impliquant que ce dernier dispose du monopole de l’usage légitime de la violence. Comment se traduit pour notre propos l’existence d’une force publique de coercition physique ? Par l’armement qui domine au VIe et au début du Ve siècle a.C. Pendant cette période, en effet, la grande épée cède la place au poignard dans les tombes les plus riches et la lance signale de nombreuses tombes d’homme au mobilier par ailleurs plus ordinaire. Cela correspond très vraisemblablement, de la part de sociétés entretenant des contacts privilégiés avec le monde grec, à l’adoption du mode de combat hoplitique. Cet emprunt suppose une réforme profonde de la pratique et de la puissance guerrière, mais aussi de l’organisation de la société. La guerre s’apparentait auparavant à une série de duels mettant aux prises surtout les aristocrates. De héros escrimeur, le chef devient alors le coordinateur d’une troupe uniformément armée et qui manœuvre collectivement sur le terrain. Les chefs se trouvent eux-mêmes hiérarchisés sous l’autorité du souverain. Ils ne sont plus des champions, mais des officiers. L’officier porteur du poignard et ses soldats armés de lances constituent une force militaire redoutable et, sans doute possible, une force de police non moins efficace. Le lien entre le politique et le religieux, moins discernable au début du premier âge du Fer, redevient perceptible à la fin de cette période à travers un sanctuaire récemment découvert au pied du mont Lassois, tout près de la tombe princière de Vix32.

Le pouvoir des “princes” tient, avec une grande probabilité, au contrôle qu’ils exercent sur les échanges avec les cités phocéennes et étrusques. Dans le courant du Ve s. a.C., ce rôle d’intermédiaire semble se transférer vers la communauté du Tessin d’une part et vers des communautés situées à la périphérie nord-ouest de la zone tenue par les principautés d’autre part, celles du Hunsrück-Eifel, de l’Aisne-Marne et du Berry. Cette concurrence a vraisemblablement déstabilisé les “princes” dont le pouvoir demeurait très fragile pour les mêmes raisons que celles que nous évoquions pour l’âge du Bronze, c’est-à-dire une trop grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

Dans la mesure où elles se sont emparées du monopole des échanges avec les civilisations méditerranéennes, les nouvelles zones où sont attestées des sites à importations auraient logiquement dû être le théâtre d’un phénomène analogue à celui des principautés. Hormis à Bourges, ce n’est pourtant pas le cas. Dès le début du IVe s. a.C., en effet, des groupes celtes, organisés sous l’autorité de chefs issus de leur aristocratie, se sont installés nombreux en Italie du nord. Le contact direct et durable avec les civilisations latine et étrusque a incité les groupes celtes à adopter en les adaptant, non seulement un nouveau mode d’expression artistique, le “vocabulaire” de ce qui devint le fameux art celtique, mais aussi, assez vite apparemment, une organisation territoriale de type urbain33. L’expansion celtique s’est aussi effectuée vers l’ouest et vers l’est. Dans le cœur traditionnel de la Celtique, la dynamique expansionniste a eu pour résultat un retour à une forme de pouvoir politique moins accentuée. Il semble qu’un pouvoir seulement spécialisé et hiérarchisé ait réapparu. Celui-ci devait être assez comparable à ce qu’il était durant l’étape initiale du premier âge du Fer.

Alors seulement – si l’on excepte la civilisation tartessienne où le phénomène a démarré vers 700 a.C., en raison de l’installation précoce des comptoirs phéniciens – émergent, sans ambiguïté, d’un bout à l’autre du continent des chefferies complexes. Dans tous les cas, elles apparaissent moins d’un siècle après la fondation de comptoirs commerciaux phéniciens ou grecs. Les importations méditerranéennes deviennent plus régulières et confèrent un grand prestige aux chefs indigènes qui en monopolisent l’usage et la distribution. Ces chefferies complexes se mettent toutes en place dans le dernier tiers du VIe s. a.C., à la suite de la deuxième vague de colonisation grecque autour de 600 a.C., sauf en Thrace où la présence d’une administration perse retarde quelque peu le processus34.

Dans la péninsule Ibérique, les Grecs forment le second grand courant méditerranéen. Ils s’installent à Huelva et à Ampurias au début du VIe s. a.C. Ce dernier établissement reste toutefois le seul comptoir permanent dans la péninsule. C’est par lui que la céramique grecque pénètre l’est et le sud ibériques, mais surtout l’Andalousie, le sud-est et le Levant35. Dans cette zone, où prend naissance la culture ibérique, les marqueurs de pouvoir se révèlent eux aussi plus nombreux qu’ailleurs : les parures en or36, les monuments sculptés37 et les sites fortifiés de grande taille38. Plusieurs niveaux hiérarchiques sont perceptibles à travers les sépultures39. Ampurias fut un comptoir grec permanent sans territoire propre, le seul comptoir permanent attesté en Espagne ; d’autres établissements commerciaux sont évoqués par les textes antiques, mais on suppose qu’il s’agissait de simple têtes de pont temporaires, sortes de ports of trade selon la conception de K. Polanyi40. Le comptoir d’Alonis, peut-être situé au cap de Santa Pola au sud d’Alicante, devait être de ce type. Cela pourrait expliquer que très près de la côte se soit développé là un phénomène princier sur une surface de 200 x 150 km environ. Les recherches sur l’habitat confirment les indices funéraires de complexification avec le dense réseau d’agglomérations fortifiées de plus de 10 ha41.

Des États semblent se former dans les deux régions où des principautés sont apparues. L’usage de l’écriture et l’existence de plusieurs niveaux d’investissement dans le funéraire le suggèrent. Les sites fortifiés ne sont pourtant distants que de 10 à 15 km en moyenne. Une analyse spatiale détaillée, conduite à partir d’une hiérarchie de ces établissements et des tombes riches, permettrait de préciser la question fondamentale de l’échelle d’intégration.

Dans la zone tartessienne, cette organisation politique dure peu, un siècle et demi tout au plus, et s’effondre tandis que le trafic phénicien se trouve perturbé en amont et que menacent les communautés de l’intérieur ibérique42. Les tombes très riches disparaissent à la fin du VIe s. a.C., mais les villes, comme Carmo, Hasta Regia ou Castulo, qui peuvent atteindre 50 ha, poursuivent leur existence à la tête d’un petit territoire indépendant jusqu’à la fin du IIIe s. a.C. ; date à laquelle elles deviennent partie intégrante de l’empire carthaginois. Des États archaïques semblent avoir émergé vers le milieu du Ve s. a.C. dans le Levante, autour des cités d’Hemeroskopaion, près d’Alicante, et de Sagonte, où un alphabet de style ionien est adopté43.

Pour l’Ibérie, la fonction de fournisseur de métaux est soulignée par tous les auteurs antiques, dont Hérodote pour qui le royaume de Tartessos, lui-même riche en argent, draine aussi des métaux venus du lointain arrière-pays. La moitié occidentale de la péninsule Ibérique est très riche en métaux, dont l’étain aux gisements si parcimonieusement distribués en Europe et de ce fait très recherché pour la production de bronze. Au royaume de Tartessos, les plus riches tombes connues sont celles d’Almuñecar, La Joya, Niebla, Carmona et Setefilla. Pièces d’importation et orfèvrerie ostentatoires ont aussi été découvertes dans les restes de palais ou de temples comme à Cancho Roano. Pour le Levante espagnol, M. Almagro Gorbea44 propose une hiérarchisation de sépultures avec des tombes royales ou monarchiques, et des tombes princières ou aristocratiques dominant toutes les autres au sein desquelles toutefois l’éventail de richesse s’avère encore très ouvert. Les tombes les plus ostentatoires étaient surmontées d’un monument funéraire en pierres appareillées et sculptées. Elles contenaient de la vaisselle en céramique attique. Plus nombreuses là aussi que dans le reste de la péninsule Ibérique, les parures personnelles sont pourtant relativement rares45, probablement à cause du rite de l’incinération qui retient toujours une partie, sinon la totalité, des objets portés par le défunt.

Au IVe s. a.C., les tombes sculptées de tradition tartessienne des souverains ibères, comme celle de Pozo Moro, sont remplacées par des monuments à l’iconographie héroïque, comme dans l’heroon de Porcuna46. Ce nouveau mode d’expression sanctionne la prise de pouvoir d’une aristocratie guerrière dans un paysage politique plus morcelé en apparence. Tout se passe comme s’il se produisait là un tassement du niveau d’intégration et un resserrement concomitant de l’échelle d’intégration. Il s’agirait d’un phénomène analogue à ce qui se produit à peu près au même moment en Celtique nord-alpine. Des États tendent à réapparaître au IIIe s. a.C., c’est chose faite à la fin du siècle à Sagonte au moins, ville qui, sous l’autorité de magistrats élus et d’un sénat aristocratique, affronte Hannibal47.

Dans l’intérieur de la péninsule, les cimetières du VIe s. a.C. montrent l’existence d’une hiérarchie stable dominée par des hommes en armes. Ces formations politiques s’articulent sur les castros, petites fortifications qui semblent être l’une des caractéristiques de la culture celtibère. Ces régions constituent un réservoir de mercenaires pour les Tartessiens comme pour les Ibères.

Rappelons que les chefferies complexes apparaissent souvent à 100 ou 200 kilomètres des comptoirs permanents, sur d’importantes voies de communication terrestres et fluviales. La distance peut être supérieure si des comptoirs intermédiaires existent : peut-être Alonis dans le Levante espagnol, très probablement Arles et Lyon en France. Les objets méditerranéens, destinés dès le départ à ces lointains clients, deviennent les marqueurs d’un statut social dominant. Ils figurent en particulier dans les tombeaux les plus volumineux au mobilier le plus diversifié. Le prestigieux défunt appartient indifféremment à l’un ou l’autre sexe.

Il existe dans ces unités politiques une hiérarchie à l’intérieur même des tombes riches. Cela suppose l’existence d’au moins trois niveaux d’intégration, d’autant que des distances assez régulières séparent ces tombes ou groupes de tombes. Là où l’habitat est connu, les sites les plus riches sont associés aux tombes correspondantes. Tout cela indique que le niveau d’intégration possède au moins un échelon supplémentaire et que l’échelle d’intégration s’élargit, à la faveur des contacts avec les cités-États.

Par-delà leurs différences, de la péninsule Ibérique au Kouban, les chefferies complexes se conforment à la logique d’une économie-monde : la demande des cités-États permet une complexification sociale dans les régions intermédiaires, sur la base des échanges à longue distance. Cette complexification affecte tous les secteurs de la société, mais surtout l’économique pour produire ou obtenir les biens demandés par les méditerranéens. Ces modifications conduisent au renforcement de la division sociale. Il est bien entendu possible que la société ne puisse, ou ne veuille pas suivre un tel processus et choisisse la segmentation, c’est-à- dire la désintégration politique. On constate une réaction de ce type en Illyrie et en Celtique, mais l’émigration se dirige vers les centres de l’économie-monde. Ainsi le principe d’attraction des centres joue là encore, bien que sous une autre forme. Il occasionne d’ailleurs la désintégration temporaire d’autres chefferies complexes ou États naissants.

Les zones où apparaissent les chefferies complexes n’étaient pas occupées auparavant par des chefferies plus développées qu’ailleurs. Les objets méditerranéens n’ont, par conséquent, pas été captés en plus grand nombre par les formations sociales devenues plus puissantes pour d’autres raisons. C’est la demande des cités-États, autrement dit l’ouverture d’un nouveau et vaste bassin de consommation, qui crée un système assez intégré pour briser les autonomies économiques locales. Elle provoque une modification endogène, dans le sens de la complexification, des organisations socio-politiques qui y étaient prêtes depuis les IXe-VIIIe s. a.C.

On observe une corrélation chronologique entre l’émergence des chefferies complexes et le repli sur elles-mêmes des sociétés du nord-ouest européen. Presqu’aucun objet méditerranéen ne dépasse les régions nord-alpines. L’impression de déclin est d’ailleurs amplifiée par des codes sociaux qui restreignent le faste funéraire, au moins pour ce qui laisse des traces matérielles durables. Ce constat paraît contredire la notion d’économie-monde, pour laquelle la montée en puissance d’intermédiaires autour des Alpes doit en effet relayer, relancer les échanges, plus loin vers le nord. La contradiction s’estompe toutefois si l’on observe la documentation d’une façon plus attentive.

L’interposition des grandes chefferies de Celtique centre-occidentale coupe les voies d’échange qui lient la Méditerranée à la mer du Nord et à la Baltique, ou plus exactement organise le trafic sur des bases différentes, plus hiérarchisées. Les biens de prestige méditerranéens ne cheminent plus de proche en proche, de chef en chef, tout au long des principales voies de communication, transportés de façon plus planifiée et encadrée, ils sont contrôlés, sélectionnés, thésaurisés, étalés à leur arrivée par les souverains qui les exploitent dans leur stratégie de pouvoir. Ceux-là les diffusent peu parmi leurs subordonnés, pas davantage, bien sûr, parmi les chefs plus éloignés sur lesquels ils répercutent la demande méditerranéenne.

Les vases attiques, les œnochoés ou les stamnoi étrusques sont exceptionnels en Europe du nord-ouest. En revanche, les cistes à cordons, ou les situles, fabriquées sur les piémonts sud des Alpes – voire copiées sur le Rhin moyen – et par conséquent d’une moindre valeur sociale locale, sont offerts aux petits chefs septentrionaux. Ces vaisselles cérémonielles se révèlent même présentes dans plusieurs tombes localisées sur le cours moyen de la Meuse, jusqu’à proximité du delta rhénan, et surtout sur la basse Weser, dans la région de Brême. D’autres existent dans la région de Seddin et le long de l’Oder et de la Neisse. Plus loin, les découvertes de biens importés deviennent très rares, que ce soit dans la vallée de la Tamise ou en Scandinavie48. Tout se passe comme si le système était en cours de structuration, des petits intermédiaires tendant à se développer sur une troisième auréole d’une économie-monde au plein sens du terme, c’est-à-dire hiérarchisée en paliers interdépendants.

De 400 à 250 a.C. environ, l’évolution des sociétés d’Europe tempérée humide diverge de celle des sociétés vivant dans des conditions environnementales méditerranéennes. Tandis que les premières reviennent à des formes d’organisation du type des chefferies simples, les secondes conservent le niveau de complexité atteint à la faveur des contacts avec les cités-États, voire adoptent la forme étatique. Cette constatation attire l’attention sur l’importance des conditions économiques locales dans le processus de division sociale.

À côté de l’indéniable stimulus produit par la demande des sociétés plus différenciées, la capacité vivrière permet ou non d’entretenir un cadre socio-politique complexe. On sait que la polyculture méditerranéenne confère cette capacité depuis la fin du IIIe mill. a.C. Il semble bien que les techniques agricoles, pratiquées jusqu’au IIIe s. a.C. en Europe tempérée humide, ne permettent pas, en revanche, de subvenir longtemps aux besoins d’un pesant appareil de gouvernement et d’agglomérations humaines où l’on pratique surtout des activités secondaires et tertiaires. L’attraction des centres urbains qui animent l’économie-monde continue toutefois de s’exercer sur la périphérie tempérée. Lorsque les tensions sociales locales se résolvent par la fission des unités les plus complexes, les migrants ne cherchent pas seulement des terres riches, faciles à disputer à leurs occupants, ils cherchent aussi et surtout à s’approcher des zones urbanisées, à la fois plus peuplées et mieux organisées au plan militaire. L’esprit d’aventure se révèle primordial, la gloire, la fortune rapide, la satisfaction des désirs plus ou moins conscients et imaginaires motivent les jeunes chefs et leur suite.

Ce faisant, ils “grippent” le système économique, détruisent pour un temps certains de ses centres, mais ne l’immobilisent pas, comme cela s’était produit du XIIe au VIIIe s. a.C. Les centres de l’économie-monde sont en effet multiples par nature, assez nombreux désormais pour que le réseau supporte des attaques sur quelques-uns. Mieux, les élites des États menacés tentent souvent d’utiliser cette force armée en la canalisant vers leurs concurrents. Du IVe au IIe s. a.C., l’économie-monde cahote, mais fonctionne, bien qu’à une échelle réduite.

L’Europe nord-occidentale subit, elle aussi cette crise. Les importations méridionales y deviennent rarissimes, les productions nord-alpines elles-mêmes y sont moins fréquentes dans un premier temps. Il reste pourtant difficile de savoir si les régimes politiques locaux perdent en complexité, adoptant, par exemple, un pouvoir différencié certes, mais fractionné, dans un cadre non pas villageois, mais clanique. Les données archéologiques, très déficitaires en cimetières et en établissements fouillés sur de grandes surfaces, nous laissent fort dépourvus. L’économie de subsistance gagne toutefois beaucoup en autonomie et renforce son emprise sur la nature. Ces périodes pionnières nécessitent des solidarités avant que les nouvelles terres produisent assez. Ces solidarités peuvent bien entendu être et rester de nature familiale, mais les moyens de production à mettre en action, un outillage en fer et des bêtes de trait, induisent l’investissement d’au moins une famille étendue, voire de clans. De ce fait, des chefferies simples ont fort bien pu se maintenir, même s’il n’était plus dans l’attribution des chefs d’entretenir des alliances lointaines dans le cadre d’une économie d’échange plus ouverte. Des alliances avec des communautés plus proches devaient, d’autant plus, être nouées qu’une pression s’exerçait sur la terre, entraînant une redéfinition des fonctions des diverses parcelles et, par conséquent, des droits d’usage. Que ces arbitrages ou ces jugements, que l’organisation militaire en cas de rapports de force violents, aient été assurés par un conseil et/ou un chef ne signifie donc pas le retour à un pouvoir dilué, loin s’en faut. En toute probabilité – et les nombreux hillforts britanniques plaident dans ce sens –, le maillage politique se compose, dans ces régions périphériques aussi, de petites chefferies au pouvoir concentré et spécialisé, incarné dans un conseil d’aînés ou un chef.

Une accentuation du gradient de complexité (400-250 a.C.)

Les turbulents mouvements de population ne pouvaient toutefois aboutir qu’à désorganiser les réseaux d’échanges traditionnels. En effet, avec l’occupation d’une grande partie de l’Italie septentrionale, les échanges se sont limités à la sphère intra-celtique. L’expansion des Celtes s’est achevée dans la seconde moitié du IIIe siècle a.C. C’est alors qu’à côté des caractéristiques anciennes toujours majoritaires, des nouveautés sont apparues. Les trois éléments nouveaux les plus visibles sont l’adoption de la monnaie49, la réapparition du rite de l’incinération et la création de nouveaux sanctuaires50. Il ne s’agissait encore que de prémices. La monnaie, qui demeurait rare et conservait sa forte valeur métallique intrinsèque, ne circulait pas autrement que les autres biens de prestige. La transformation du rite funéraire invite, par sa progressivité, à expliquer les nouveautés autrement que par le recours à un mouvement de population rapide et massif. Les nouveaux sanctuaires, dont certains semblent installés aux frontières, pourraient signifier le besoin, pour les communautés territoriales, d’exprimer plus fortement leur assise territoriale et, corrélativement, leur identité. Le changement fut effectif au IIe s. a.C. Parallèlement, Rome avait pris le contrôle du pourtour du bassin occidental de la Méditerranée. La future capitale impériale était ainsi devenue le centre d’un vaste système économique qui se ranimait en intégrant l’hinterland européen de plus en plus loin vers le nord51.

Les IVe et IIIe s. a.C. apparaissent comme une importante période transitoire. À partir du IIIe s. a.C., des États impériaux tentent d’annexer la péninsule Ibérique. La tentative inachevée des Carthaginois est suivie de l’entreprise victorieuse de Rome, malgré de farouches résistances. La romanisation contribue à la réduction des différences de formes d’organisation sociales d’une région à l’autre. Le gradient de complexité, qui suivait une pente descendante accentuée du sud-est au nord-ouest jusqu’à l’intégration impériale, s’atténue beaucoup.

Nous observons, ici, comme dans les autres régions que la demande extérieure ne suffit pas pour qu’apparaissent, et surtout durent, des entités politiques complexes. Il fallait de surcroît le potentiel agricole des zones de climat méditerranéen pour subvenir aux besoins vivriers d’une population nombreuse et agglomérée, pour partie, dans des centres de type urbain.

Des migrations se déclenchent encore avec une ampleur et une fréquence suffisantes pour entretenir une grande instabilité en Europe tempérée humide et steppique. Les indices de reprise d’un processus d’intégration politique se perçoivent d’abord dans le domaine religieux avec l’apparition de sanctuaires qui constituent de surcroît les marqueurs de territoires supra-locaux. Un outillage agricole en fer, plus varié, se répand dans toute cette zone, suggérant une intensification de la production. Cette tendance est confirmée au siècle suivant par le développement spectaculaire des systèmes de fossés de drainage et surtout de délimitation des aires d’activité agro-pastorales. De gros villages se forment aussi, dont certains se fortifient assez vite, sur place ou après un court transfert.

Une reprise généralisée de la division sociale (250 à 25 a.C.)

La monnaie fiduciaire constitue la nouveauté la plus visible de cette période. Elle servait principalement au commerce interne de chaque unité politique autonome. Il ne faut pas oublier que cet instrument économique suppose une organisation politique disposant de moyens de contrôle de la masse monétaire mise en circulation, de contrôle des changes aux frontières et de contrôle de l’authenticité du numéraire52. C’est là le principal argument pour voir de véritables États dans les cités gauloises que César a rencontrées lors de sa conquête. Il faut y ajouter les résultats des études réalisées sur l’écriture. On recense de plus en plus d’inscriptions celtiques transcrites en alphabet grec le long du couloir rhodanien jusqu’à la Bourgogne. On a identifié des stylets et des cadres en bronze de tablettes en bois probablement enduites de cire à l’origine, jusqu’en Bohème53. On se souvient de l’évocation par César des tablettes contenant la liste nominative des émigrants helvètes54. Seuls les druides auraient utilisé l’écriture pour tenir des comptes et des registres publics et privés. Une véritable administration transparaît ainsi, tenue par les détenteurs de la légitimité religieuse. Ceux-là géraient, en particulier, les traités et les contrats55. Il n’est pas indifférent de noter ici un début de découplage du pouvoir politique et du pouvoir religieux ; il semble que ce ne soit plus alors la même personne qui incarne ces deux faces du pouvoir. La division et la hiérarchisation des tâches affectaient bien tous les secteurs de la société. La spécialisation des tâches s’est accentuée fortement, en particulier dans les agglomérations. Beaucoup plus d’individus pratiquaient l’artisanat et le commerce à plein temps. Bien entendu, la majorité écrasante restait cependant la catégorie des paysans qui produisaient les surplus nécessaires à l’approvisionnement des citadins.

Il est évident qu’a émergé à cette époque un appareil spécialisé de gouvernement. Pour un tel pouvoir politique clairement institutionnalisé et que l’on peut en effet qualifier d’étatique, J.-W. Lapierre distingue deux degrés : un huitième degré où le pouvoir est exercé par des réseaux de clientèle et un neuvième degré où c’est une administration qui l’exerce. L’ouvrage de César relatant la guerre des Gaules se révèle explicite sur la forme du pouvoir politique chez les Celtes. Les États gaulois qu’il a conquis de gré ou de force étaient gouvernés par des réseaux de clientèle. Toutefois, les conflits internes émaillaient la vie des familles dirigeantes, tandis qu’un embryon d’administration se mettait en place, sous l’autorité de druides, pour assurer la stabilité des institutions56. Nous pouvons dès lors penser que le pouvoir politique se situait dans une phase de transition entre ces deux formes. Ce sont principalement les sociétés des huitième et neuvième degrés qui dépassent un effectif de 100000 habitants.

Les entités politiques ainsi stabilisées empruntent aux civilisations méditerranéennes l’usage de leurs monnaies – jusqu’à leurs modèles iconographiques – et leur alphabet pour rédiger des documents juridiques, administratifs et politiques. L’État émerge là, doté d’une petite administration, contrôlée par un clergé. L’adoption d’instruments aussi abstraits que l’écriture et la monnaie présupposent des relations économiques et culturelles fréquentes. Les émigrés installés sur les franges des États – travaillant parfois à leur solde – ont sans doute transmis vers le cœur du continent des objets et des renseignements sur les sociétés plus développées. Tout aussi déterminants ont été les marchands italiques, vecteurs de croissance pour l’économie-monde. La demande méditerranéenne, plus précisément les moyens utilisés pour la satisfaire et qui bénéficient surtout aux élites, conduit une nouvelle fois à la formation d’unités politiques de grande taille, en particulier à quelque distance des centres-moteurs, là où les chefs locaux, nécessaires pour relayer cette demande vers les producteurs de leur propre région ou vers des partenaires plus éloignés, y trouvent un intérêt propre.

Pour répondre à une pression sur les ressources, il faut produire plus, c’est-à-dire accroître la surface des terres mises en culture et/ou innover dans les pratiques agricoles et dans l’outillage. Pour la période traitée ici, c’est la façon dont les hommes ont aménagé leur espace qui traduit le mieux l’ampleur des changements qui affectent les pratiques agricoles. Les paysages portent encore aujourd’hui les scarifications de cette véritable mutation agricole. Notons que ces multiples systèmes de fossés n’impliquent pas seulement une rationalisation pour l’intensification de la production, mais révèlent aussi le souci d’une matérialisation plus poussée des droits d’usage, voire de propriété de la terre, souci logique dans une situation de pression démographique.

Dans les zones bien explorées, les schémas de distribution des établissements indiquent une hausse du nombre de sites et une différenciation fonctionnelle et hiérarchique de ces sites. Ainsi, la densité de population croît dans les campagnes, et la démographie augmente même assez pour former des sites agglomérés plus peuplés que jamais auparavant en Europe non méditerranéenne. Ce phénomène nécessite une agriculture apte à nourrir la partie non agricole de la population. Nous avons vu que les indices d’une forte intensification de la production ont commencé d’apparaître un peu plus tôt. L’approvisionnement en vivres des habitants des bourgs implique aussi une infrastructure de transport d’un niveau suffisant. Les textes latins insistent sur la qualité des véhicules gaulois. Ces derniers impliquent des voies carrossables.

Les bourgs ont été occupés plus ou moins longtemps, puis ont été, soit fortifiés sur place, le plus souvent en bord de rivière, soit transférés sur une hauteur voisine et fortifiés. Ces deux processus ont donné naissance aux oppida. Le second s’avère de beaucoup le plus fréquent. Il ne semble pas nécessaire de voir dans le transfert sur une hauteur la conséquence d’une catastrophe archéologiquement indécelable. Nous pouvons considérer plus simplement ce phénomène comme un moyen de renforcer la cohésion sociale et le contrôle politique dans une période de changement, donc de forte instabilité. Le rempart de l’oppidum possédait souvent, en effet, une piètre valeur militaire, il était très long, il dévalait et remontait les pentes, son parement ne résistait pas longtemps aux machines de guerre. La taille et l’indéniable qualité esthétique de ces remparts, surtout de leurs portes monumentales, constituaient surtout une manifestation de prestige et de pouvoir : cet important ouvrage témoignait de la capacité de mobilisation et d’organisation d’une main-d’œuvre nombreuse qui, symétriquement, renforçait dans cette réalisation collective son sentiment d’appartenance à l’unité sociale et politique. Ces remparts servaient probablement aussi à délimiter un espace à l’intérieur duquel le pouvoir politique garantissait la sécurité et la régularité des échanges.

Par comparaison avec les villes méditerranéennes de la même époque, les oppida étaient des agglomérations peu denses. À Manching, en dehors de la zone centrale où la lecture des plans est rendue difficile par les superpositions de traces d’occupation, nous comptons dix habitations par hectare. Si une seule famille nucléaire habitait chaque maison, nous pouvons estimer la population totale à 5 000 personnes environ, car 100 ha étaient réellement occupés sur les 200 qu’entourait le rempart. Une estimation réalisée sur la base de la viande consommée a donné des chiffres équivalents : 3 400 à 5 100 personnes57. Cette densité relativement faible était, pourtant, beaucoup plus forte et permanente que toutes les concentrations qui avaient pu être réunies auparavant. Il en a résulté une croissance forte et rapide du nombre des interactions entre individus et entre groupes. Conséquences inévitables, la quantité et la variété des informations reçues par chacun se sont fortement accrues. Comme l’a rappelé G. Johnson58, cela crée de l’anxiété et des difficultés organisationnelles en raison de la capacité limitée de traitement de l’information. La société est ainsi devenue beaucoup plus opaque, car plus personne ne percevait immédiatement la configuration de l’ensemble59. La solution la plus couramment adoptée pour remédier à ce type de problème est la hiérarchisation des organes de traitement de l’information. Il se trouve cependant que la communication interne d’une société se dégrade lorsque le nombre de niveaux hiérarchiques devient trop grand, car l’information baisse en qualité et en quantité à chaque transmission de niveau à niveau. Ces deux contraintes constituent des limites extrêmement contraignantes pour la gestion politique d’une société. Pour desserrer ces contraintes, il convient d’innover en matière de communication et de traitement des données. Il ne fait guère de doute que l’écriture a été, dans tous les États naissants, cette innovation nécessaire. Elle est venue parachever le renforcement des moyens de gouvernement.

Période de forte croissance démographique et de fission difficile, la fin du second âge du Fer a très logiquement été marquée par la réapparition d’un troisième niveau d’intégration dont les centres, les oppida-capitales, respectaient des intervalles de 65 km en moyenne et subordonnaient des centres secondaires distants respectivement de 10 à 30 km60. En Gaule centrale, existaient des entités politiques plus vastes encore. Celles-ci semblent bien avoir possédé quatre niveaux d’intégration avec une échelle dépassant les 20 000 km2. Ces entités politiques sont celles que César a nommées civitates. Il s’agissait selon le conquérant d’unités territoriales centralisées et politiquement autonomes. À quelques exceptions près, la capitale était l’enceinte fortifiée la plus vaste du territoire. Pour plusieurs d’entre ces oppida, nous sommes sûr que l’on y fabriquait la monnaie61. Celle-ci servait principalement au commerce interne de chaque unité politique autonome. Cet instrument économique suppose une organisation politique disposant de moyens d’en garantir la valeur. Il est évident qu’a émergé à cette époque un appareil spécialisé de gouvernement.

Le territoire a aussi quelque chose à voir avec la guerre. La menace guerrière exige, certes, que la communauté conserve la maîtrise de son territoire, ce qui implique l’exclusion de l’autre, le différent, l’étranger. Mais, en plus de se protéger physiquement, l’exclusion de l’autre permet à la communauté d’affirmer son identité en se différenciant et cette affirmation peut aller jusqu’à la guerre d’agression. Cette double fonction du territoire, différenciation vis-à-vis de l’extérieur et renforcement de l’identité collective à l’intérieur, est particulièrement importante en période de changement d’échelle d’intégration. Incorporer dans la même unité politique des communautés différentes nécessite, en effet, l’intégration idéologique de ces différences, car la force ne suffit pas à maintenir durablement l’amalgame. C’est l’ensemble du système de valeurs qui se trouve modifié et la nouvelle norme sociale doit être intériorisée par les membres de l’entité en gestation pour qu’il y ait consensus. Cela est traditionnellement réalisé au cours de cérémonies religieuses collectives62.

La création de temples implique un clergé. Il s’agit d’un pas supplémentaire sur la voie de la spécialisation. Pour la première fois peut-être dans la zone étudiée, s’est produit un découplage du pouvoir politique et du pouvoir religieux. Il est très probable que jusqu’à cette date ces deux pouvoirs étaient détenus par la même personne ou le même groupe restreint de personnes. Le premier service que les élites rendent à leur société – du moins celle-ci le croit-elle – semble bien, en effet, avoir été le plus souvent d’ordre magico-religieux ; il s’agit de contrôler rituellement la fertilité et la communication avec les ancêtres et avec les dieux63. Le découplage reste cependant très relatif puisque la haute administration est assurée par des prêtres. Ainsi, loin de voir dans ce phénomène un affaiblissement du pouvoir, il convient d’y voir un développement du personnel dont dispose le pouvoir pour s’exercer. Ce corps de prêtres diffuse le message de légitimation du pouvoir et les nécessaires adaptations du système de valeur dans une société dont l’échelle d’intégration et le mode d’organisation politiques changent.

Au total, la documentation archéologique suggère la réaction en chaîne suivante : d’abord se modifient des éléments du domaine idéologique afin d’adapter le système de valeur, ensuite l’économie est marquée par une intensification de la production, enfin le champ du politique change dans le sens d’un renforcement des moyens de gouvernement. Cependant, dès qu’il est affecté par le changement, chaque sous-système rétroagit sur ses homologues, ce qui produit une chaîne d’effets cumulatifs.

L’État et la ville apparaissent comme des éléments consubstantiels. Une difficulté vient de ce que nous manquons, en archéologie, d’une définition satisfaisante de la ville. Là comme ailleurs, le sens commun, lourd des clichés de l’antiquité méditerranéenne et du Moyen Âge ouest-européen, brouille la perspective. De ce point de vue, ce que l’on appelle un oppidum en Europe tempérée humide ne correspond significativement que d’assez loin à une ville. Or ces agglomérations rompent avec une longue tradition d’habitat dispersé où n’émergent, çà et là, de temps en temps, que des établissements fortifiés de taille plutôt réduite, ou des établissements ouverts un peu plus grands que de simples hameaux. Or, comme les gros oppida se développent en même temps que d’autres nouveautés (monnaie, écriture) annonciatrices, dans de nombreux cas, d’une complexification sociale de type étatique, il paraît légitime de questionner avec davantage d’exigence le concept de ville.

Il se trouve que les géographes eux-mêmes ont beaucoup approfondi leur réflexion sur ce thème. La définition que proposent certains d’entre eux64 est plus générale et, par conséquent, plus opératoire pour des champs chrono-culturels variés et, en particulier, éloignés de l’archétype européen actuel. Nous les suivrons pour penser qu’une ville est une agglomération permanente de populations et d’activités destinées à favoriser le développement local et régional des relations sociales. Au niveau local, un tel site valorise la proximité en matière de contrôle politique, d’efficacité économique, de contact culturel, de reproduction sociale, etc., en permettant des économies dites justement “d’agglomération”. Au niveau régional et au-delà, une ville valorise une situation dans un réseau, c’est-à-dire une position relative dans une hiérarchie complexe de fonctions productives, sociales, territoriales et jusque dans l’espace des représentations mentales collectives.

Sur cette base, les critères archéologiques pertinents sont le nombre d’habitants, la variété des activités et la hiérarchie fonctionnelle locale des établissements d’une part, et, en outre, la distance, les indices de relations économiques, politiques, idéologiques avec les autres agglomérations, ainsi que les caractéristiques de situation géographique par rapport aux voies de communication, aux sources de matières premières, c’est-à-dire à tout ce qui contribue à la densification sociale. L’évolution de la division sociale en Europe protohistorique suggère l’importance déterminante d’une dialectique de l’économie de subsistance et de l’économie d’échange ou de prestige. La seconde semble bien exercer une stimulation de la dynamique sociale en accentuant la différenciation et les inégalités, mais ces caractéristiques demeurent instables, sujettes à de fréquentes remises en cause. Tout au long de la période couverte ici, la division sociale s’opère d’abord sur cette base. Les formes d’organisation les plus différenciées dépendent de leur intégration à des réseaux d’échanges animés par des sociétés encore plus complexes. Mais ces unités politiques ne s’inscrivent dans la durée, dans une relative stabilité, que si les élites sociales parviennent à contrôler une partie des moyens de production, c’est-à-dire les ressources qui sont nécessaires à l’entretien matériel de l’appareil de gouvernement : pour la subsistance, l’équipement et le prestige du chef, de sa suite, du clergé, de la force armée, de l’administration, etc.

Cette dialectique à effet décalé a beaucoup gêné la compréhension. Elle explique en partie le mauvais ajustement et les apparentes contradictions entre les typologies sociales proposées depuis un demi-siècle. Ainsi, les sociétés de rang les plus simples de M. Fried65 se classent-elles encore parmi les organisations tribales d’E. Service66. J.-W. Lapierre67 et la plupart des auteurs actuels suivent plutôt Fried que Service sur ce point. Ils considèrent même ce changement comme crucial. Pour A. Johnson et T. Earle68, il s’agit du plus déterminant après l’adoption d’un mode de vie sédentaire en groupes unissant plusieurs familles. Ce deuxième changement majeur n’est, pour eux, suivi que d’une simple croissance quantitative et un peu mécanique de la complexification. E. Service réservait le terme de chefferie à des unités politiques déjà complexes, c’est-à-dire dotées de plusieurs niveaux d’intégration, dans la terminologie de Johnson et Earle. Ni Service, ni ces deux derniers n’ont retenu le changement de degré proposé par Fried entre ses sociétés de rang et ses sociétés stratifiées et qui sanctionne, selon lui, l’apparition de véritables classes sociales. Lapierre tient compte de cette distinction, tout en lui accordant moins d’importance. Pour lui, on passerait là de ces chefferies fédérées de façon plus ou moins claire et durable, dont les récits antiques et ceux d’explorateurs modernes sont pleins, à des unités au pouvoir individualisé et nettement différencié, d’aspect pyramidal, très proches en cela des États archaïques. Ce sont en particulier ces formations qui ont été appelées ici des principautés ou des chefferies complexes.

Les données archéologiques suggèrent que les chefferies simples ne se stabilisent peu à peu qu’à partir du Bronze moyen, évoquant, selon les moments et les régions, des tentatives de fédération liées, là encore, aux échanges à longue distance, tentatives par conséquent temporaires. Les progrès de l’économie-monde suscitent l’émergence de principautés ou chefferies complexes de la fin du VIe à la fin du Ve s. a.C. Ce niveau de division sociale ne se maintient, ou ne s’accroît en adoptant une forme d’organisation étatique, que là où les moyens de production sont de nature à fournir aux souverains de quoi financer leur politique. Ailleurs, l’instabilité inhérente au commerce lointain provoque la désintégration, c’est-à-dire la disparition des niveaux d’intégration les plus élevés. Il s’avère pourtant que chaque tentative éphémère et les contacts entretenus avec des sociétés plus développées stimulent la recherche, l’innovation et favorise la découverte de solutions techniques et organisationnelles offrant, tôt ou tard, les moyens de production nécessaires à la consolidation de formations politiques plus complexes.


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Chapitre de livre
EAN html : 9782356134585
ISBN html : 978-2-35613-458-5
ISBN pdf : 978-2-35613-460-8
Volume : 5
ISSN : 2827-1912
Posté le 22/12/2025
18 p.
Code CLIL : 4117; 3122;
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Brun, Patrice, “Échelles d’intégration politique et contrôle des moyens de production en Europe au cours du Ier millénaire a.C.”, in : Brun, Patrice, Comprendre l’évolution sociale sur le temps long, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 5, 2025, 177-198, [URL] https://una-editions.fr/echelles-d-integration-politique-controle-des-moyens-de-production
Illustration de couverture • Première : Nebra Sky Disc, bronze and gold, ca. 3600 years before present; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták ;
Quatrième : The Nebra hoard with Sky Disc, swords, axes, chisel and arm spirals; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták
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