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La complexification sociale en Europe moyenne pendant l’âge du Fer : essai de modélisation

Brun, P. (1993) : “La complexification sociale en Europe moyenne pendant l’âge du Fer : essai de modélisation”, in : Daubigney, A., dir. : Fonctionnement social de l’âge du Fer : opérateurs et hypothèses pour la France, Actes de la table-ronde de Lons-le-Saunier, 24-26 oct. 1990, Lons-le-Saulnier, 275-290.


Cet article, qui annonçait des publications de travaux prévus ou à venir mais qui ne l’ont pas été, restait, à tort, dubitatif au sujet d’un système-monde déjà développé jusqu’en Europe nord-occidentale au milieu du IIe mill. a.C. Je soulignais cependant que les élites restaient le plus aptes à se procurer non seulement des biens matériels d’origines lointaines, mais surtout la disponibilité de ces biens par l’échange de prestations. Je signalais aussi l’intérêt de la théorie des systèmes chaotiques qui suppose l’existence d’états attracteurs à identifier au-delà même de la structure du système-monde. Cette idée souligne de façon pertinente l’absence inévitable de durables états d’équilibre ; ce qui renvoie aux bifurcations évoquées par Prigogine, donc à l’existence inévitable de cycles d’évolution/dévolution.

This article, which heralded the publication of work that was planned or to come but never did, remained erroneously dubious about a world-system that had already developed as far as north-western Europe by the middle of the 2nd millennium BC. I stressed, however, that the elites remained the most able to procure not only material goods from distant origins, but above all the availability of these goods through the exchange of services. I also pointed out the interest of chaotic systems theory, which presupposes the existence of attractor states to be identified even beyond the structure of the world-system. This idea aptly underlines the inevitable absence of durable equilibrium states, which refers to the bifurcations evoked by Prigogine, and therefore to the inevitable existence of cycles of evolution/devolution.


L’essai de modélisation présenté ici part de l’hypothèse selon laquelle l’âge du Fer européen, comme tout espace-temps, ne constitue ni un bloc intangible, ni même une suite d’états d’équilibre, mais un changement permanent rythmé de bifurcations avec lesquelles s’opèrent des choix d’organisation sociale qui demeurent imprévisibles. Une telle approche nécessite de travailler dans un cadre spatial à la fois très large, le continent, et très rétréci par endroit, les micro-régions où la documentation est suffisamment étoffée pour révéler les modes d’occupation durant la période étudiée. Après avoir dégagé les principes théoriques de cette étude, je tenterai de caractériser structurellement l’âge du Fer par rapport à l’âge du Bronze. Je dégagerai ensuite les principales tendances de l’évolution et les changements significatifs qui la rythment. J’essaierai, de plus, d’identifier les facteurs de changement et de mesurer leurs effets respectifs sur l’organisation sociale. Je commenterai pour terminer certaines implications théoriques du modèle.

Les fondements théoriques

Les archéologues et les historiens ont longtemps manifesté des réticences devant l’emploi de modèles. Cette hostilité tend à s’estomper. Il convient de s’en réjouir car la recherche ne consiste pas seulement à décrire l’objet d’étude. La description, aussi exhaustive soit-elle, n’a en effet jamais rien révélé de plus qu’elle-même. L’effort d’exhaustivité conduit même, paradoxalement, à faire obstacle à la compréhension recherchée. Il condamne à ne voir que des cas particuliers, bref à se noyer dans la complexité qui est le propre du vivant et l’objet ultime de notre recherche. À l’inverse, le raisonnement, qui procède par hypothèse et déduction, permet de passer de la donnée brute à ce qu’elle implique. Tenter de produire du sens nécessite donc le recours à des outils conceptuels, à des modèles.

La problématique de la stratification sociale a été profondément marquée par les travaux de L. Morgan1 d’une part, K. Marx2 et F. Engels3 de l’autre. Ils ont conçu l’évolution sociale comme une succession de paliers conduisant du communisme primitif à l’État. Le paradigme marxiste et sa dialectique ont constitué une importante avancée conceptuelle. Ses auteurs n’ont cependant traité en profondeur que du capitalisme et, si leur principe de contradiction interne peut s’appliquer à toute forme d’organisation sociale, il s’avère trop large, trop multiforme pour satisfaire pleinement. Enfin, il laisse bien sûr en suspens l’identification du moteur initial de l’histoire.

S’inspirant explicitement de la théorie marxiste, les néo-évolutionnistes ont dominé les débats à partir des années soixante. Ils ont repris l’idée centrale d’un continuum de différenciation sociale depuis l’état de solidarité mécanique cher à Durkheim, jusqu’à un état potentiellement plus organique ; des problèmes de régulation et d’intégration impossibles à résoudre par les mécanismes antérieurs devant être résolus à chaque état successif. Ils ont proposé leur fameuse typologie des formes d’organisation : bande, tribu, chefferie, État. L’évolution sociale de l’Europe, qui va globalement dans le sens d’une complexité croissante, semble se conformer aux typologies élaborées par les anthropologues de cette école de pensée4. Le schéma est cependant trop sommaire. L’examen synthétique de la documentation disponible invite à en relativiser le caractère trop mécanique et irréversible. De plus, ces modèles aboutissent, en définitive, à des explications fonctionnalistes.

La théorie des systèmes a été mise à contribution à partir du milieu des années 1960. La tentative s’est, en général, révélée décevante. Elle n’apportait finalement rien de plus que les modèles précédents. Cependant, la systémique, dite improprement “de la deuxième génération”, suscite de grands espoirs. Elle ouvre la possibilité de concevoir les entités sociales autonomes comme des systèmes auto-organisés ; leur organisation ne leur est pas imposée de l’extérieur – comme les machines par exemple – mais émerge de l’interaction de leurs composants5. Les systèmes sociaux peuvent aussi, du fait de leur caractère auto-organisé, avoir une aptitude à traiter le “bruit”, la perturbation externe, en tant que facteur d’accroissement d’ordre6.

Le concept d’économie-monde, initié par I. Wallerstein7 et repris par F. Braudel8, constitue une fructueuse application de l’approche systémique. Il exprime la division “internationale” du travail qui anime, chez Wallerstein un monde où une zone-cœur capitaliste exploite une périphérie de plus en plus vaste, chez Braudel une portion d’espace économiquement autonome, organisée en trois cercles fonctionnels hiérarchisés et concentriques : la zone des centres urbains moteurs, la zone intermédiaire où prospèrent les nécessaires sites satellites, enfin la zone périphérique d’exploitation facile. Deux articles ont introduit ce modèle dans le champ de l’archéologie : l’un consacré à la partie occidentale de l’Europe celtique aux VIe et Ve s. a.C.9, l’autre à l’Europe tempérée pendant le Bronze final10. Il y a connu un écho considérable, notamment au Congrès archéologique mondial de Southampton, en septembre 1986, dont les contributions du thème “centre et périphérie”, qui en sont largement imprégnées, ont été récemment publiées11. Il est au cœur de la série d’articles édités sous la direction de M. Rowlands, M. Larsen et K. Kristiansen12. Il charpente aussi deux ouvrages de synthèse portant sur la Protohistoire européenne13. Il ne montre pas seulement une bonne adéquation avec de nombreuses situations à travers le monde, mais présente aussi l’avantage de contraindre les archéologues à élargir leur échelle d’observation, jusqu’à bousculer les frontières des sous-disciplines traditionnelles, leurs codes, leurs modes de pensée et leur mépris réciproque.

Parmi les systèmes ouverts étudiés, plusieurs se sont révélés impossibles à prévoir ; de là leur qualificatif de chaotique. C’est le cas bien connu de certains phénomènes météorologiques. Ces systèmes chaotiques ont fait preuve de divergences d’évolution à partir des mêmes états initiaux : c’est “l’effet papillon14”. Malgré cette imprévisibilité fondamentale, il semble bien que ces systèmes connaissent des états préférentiels ou états “attracteurs15” ; autrement dit, une structure sous-jacente qui d’ailleurs révèle souvent une apparence fractale, c’est-à-dire une forme semblable quelle que soit l’échelle d’observation16. Des modèles mathématiques, dont celui des structures dissipatives17, sont maintenant capables d’exprimer de tels phénomènes. Il s’agit là des principales strates théoriques sur lesquelles repose la présente modélisation. Chacune a nourri un cheminement conceptuel non linéaire dont la représentation graphique pourrait avoir la forme des structures dissipatives. C’est aussi, on s’en serait douté, la représentation ultime qui sera donnée au modèle présenté. Dans un premier temps, cette représentation n’aura qu’une valeur métaphorique. Une application mathématique est en cours d’élaboration18. La localisation des principaux moments de rupture, de bifurcation de l’évolution repose sur un travail typo-chronologique en cours19 qui, pour la fin de la période considérée, concorde avec les conclusions obtenues sur des documents du centre de la France par M. Vaginay et V. Guichard20 (fig. 1).

Fig. 1. Localisation des ruptures majeures de l'évolution dans le groupe des cultures occidentales du complexe nord-alpin.
Fig. 1. Localisation des ruptures majeures de l’évolution dans le groupe des cultures occidentales du complexe nord-alpin.

De l’âge du Bronze à l’âge de Fer

Il convient d’abord, de mettre en évidence ce qui, du point de vue de la complexification sociale, distingue l’âge du Fer de ce qui le précède. Les principales caractéristiques de l’âge du Bronze apparaissent dès le milieu du IIIe mill. a.C. Le changement social majeur consiste en une individualisation du pouvoir. Ce ne sont plus des segments sociaux, probablement des lignages, qui affichent ostensiblement leur statut dans le funéraire, mais des individus et leurs proches immédiats. De plus, dès le début de l’âge du Bronze, certaines tombes d’enfants sont dotées des symboles d’un statut social élevé21. Celui-ci se transmet donc probablement de façon héréditaire. Enfin, la catégorie sociale dominante semble disposer d’un accès préférentiel aux objets en cuivre.

Dès le Bronze A, on constate des cas d’opulence funéraire exceptionnelle : Helmsdorf, Leubingen22. Il est intéressant de souligner que ces sites ne se trouvent pas au plus près des gisements de matières premières, mais sur des voies de communication avec la Scandinavie. Ces tombes témoignent de grands écarts sociaux et de velléités de renforcement et d’élargissement du pouvoir. Mais ces tentatives paraissent avoir été fugaces. D’autres ont eu lieu ensuite, pendant l’âge du Bronze23, mais ailleurs et de façon tout aussi éphémère. Cette période se caractérise ainsi par une fragilité chronique du pouvoir

La documentation de l’âge du Bronze – en particulier les corrélats sociaux des configurations spatiales – suggère que la hiérarchie sociale est restée, pendant plus d’un millénaire, fondée sur les échanges à longue distance et non sur le contrôle de la terre24. Les chefs exerçaient probablement leur contrôle sur l’attribution des parcelles travaillées25, par l’arbitrage des conflits, mais non sur les produits primaires de la terre et leurs surplus ; tout simplement parce que ceux-ci ne circulaient que sur de faibles distances26. Pour la plupart des chefs de communauté, les produits secondaires à valeur d’échange élevée étaient exotiques ; leur contrôle n’en pouvait être que partiel et fragile. Ils restaient ainsi dépourvus de la base économique nécessaire à l’élargissement durable de leur pouvoir territorial27.

Il semble bien que les communautés de l’âge du Bronze fonctionnaient selon une stratégie expansionniste28 : forte croissance démographique, mise en culture de terres délaissées jusqu’alors, densification de l’occupation. Pour des raisons encore difficiles à saisir, le complexe nord-alpin s’est étendu plus que d’autres au détriment des complexes voisins. Des migrations de colons sont envisageables. Cette stratégie semble être parvenue à un butoir à l’aube du dernier millénaire a.C.

Pour résumer, malgré les tentatives de complexification, le mode de fonctionnement des sociétés de l’âge du Bronze conservait encore de nombreuses caractéristiques de la fin de la période néolithique. L’âge du Bronze apparaît donc comme une longue période intermédiaire, comme une longue transition, comme un âge fondamentalement ambigu. Une crise économique et sociale, une contradiction interne entre une démographie en forte croissance et des moyens de production en stagnation semble avoir contraint les groupes sociaux à modifier profondément leur mode d’organisation29. Toutefois, si la densité du peuplement croît considérablement pendant l’âge du Bronze, les estimations réalisables restent loin d’une situation critique dans le domaine de la subsistance30. En dernière analyse, la ressource dont l’acquisition devient problématique semble bien être plutôt le bronze et/ou ses composants, plutôt que la terre et ses produits.

Des chefferies stables aux principautés

Une étude typologique et structurelle de la transition de l’âge du Bronze à l’âge du Fer m’a amené31 à localiser cette rupture majeure, non pas à la césure traditionnelle Hallstatt B/ Hallstatt C, mais, comme l’avaient déjà proposé E. Vogt et ses élèves32 à la coupure supposée mineure Hallstatt B1/ Hallstatt B2-3, c’est-à-dire environ 150 ans plus tôt. Les changements profonds qui sont apparus avec le Hallstatt B2-3/C peu­vent être interprétés comme la solution adoptée par les communautés pour résoudre la crise ; c’est-à-dire une stabilisation et une consolidation des communautés autonomes. Cette nouvelle stratégie peut être déduite de la multiplication des centres fortifiés, du développement d’une métallurgie du fer plus indépendante que celle du bronze33, de la spécialisation économique de certains sites dans l’exploitation du sel34 ou dans la production de porcs35, de l’adoption d’innovations techniques dans le domaine textile comme le métier à tisser à quatre barres de lisse permettant la fabrication de vêtements et de tentures de luxe36, etc. Autrement dit, les communautés se sont dotées de produits secondaires nouveaux dont la matière première était plus largement répartie. La base économique locale, contrôlable par les chefs, étant dorénavant partout présente, au moins potentiellement, la stratification sociale pouvait se cristalliser. Les données funéraires sont compatibles avec cette explication37.

Ainsi, une série de facteurs purement internes a entrainé le renforcement de la stratification sociale, la stabilisation territoriale et vraisemblablement la croissance de la spécialisation artisanale à l’intérieur de chaque communauté autonome. En effet, la spécialisation des tâches s’accroît à la fois à l’échelle intercommunautaire et au sein de chaque communauté. À côté du bronzier, prend place le forgeron. Le travail du fer nécessite la disponibilité, la connaissance et le savoir-faire de véritables spécialistes, peut-être déjà à temps plein38. Un autre artisan spécialisé transparaît derrière les chars d’apparat : le charpentier-charron qui collabore étroitement avec le forgeron39. D’autres spécialistes encore se devinent devant les grands métiers à tisser verticaux40. Il faut souligner qu’au début de l’âge du Fer ces artisans dépendent nécessairement de l’aristocratie, principale sinon unique consommatrice de leurs produits.

À la même époque, on commence à trouver au nord des Alpes des produits d’Italie centrale. La plupart des produits de cette région, où le processus d’urbanisation est en cours, transitent alors à travers le “groupe des cultures orientales” du complexe nord-alpin41. Dans l’autre sens, l’ambre balte emprunte les mêmes voies42. L’opulence spécifique de la nécropole éponyme de Hallstatt, aux VIIIe et VIIe s. a.C.43, s’explique non seulement par l’exploitation d’une mine de sel44, mais aussi par sa localisation au débouché des plus importantes passes est-alpines. C’est en Bavière, en Franconie et en Bohème que se localisent les plus fortes concentrations de tombes ayant livré des pièces de harnachement équestre. Les tombes à char y sont aussi spécialement nombreuses45.

Le système qui s’installe peu à peu se conforme à ce que F. Braudel46 et I. Wallerstein47 ont appelé une “économie-monde méditerranéenne”. Celle-ci, centrée sur l’Italie, s’est constituée en intégrant notamment le complexe nord-alpin au cours du Hallstatt B2-3/C ; dès la formation des premières cités grecques et italiques48. Comme au nord des Alpes, un phénomène de concentration sur des sites fortifiés s’était produit en Grèce49 ; différence capitale toutefois : les fortifications méditerranéennes ont évolué rapidement vers des formes et des fonctions urbaines. Simultanément se déclenchait un vaste mouvement de colonisation, rendu nécessaire par une trop forte pression sur les ressources et par l’aggravation des conflits50. En Italie aussi, une précoce urbanisation a émergé au sein de la culture villanovienne qui a donné naissance, en Toscane, à la civilisation étrusque51. L’Italie du Sud, pour sa part, a évolué sous l’influence du mouvement de colonisation grec. Ce mouvement a touché le sud de la France vers 600 a.C.52.

Au Hallstatt D (600 à 450 a.C.), le stimulus gréco-­étrusque a joué sur l’organisation mise en place pendant les IXe, VIIIe et VIIe s. a.C. pour rendre possible le fameux phénomène princier. Au cours des deux siècles précédents, un axe d’échanges sud-nord avait peu à peu pris le pas sur tout autre. Au VIe s. a.C., la demande des cités méditerranéennes s’est fait sentir de façon croissante en Europe moyenne ; mais dorénavant dans la partie occidentale, en liaison avec la fondation du comptoir grec de Marseille53. Les villes grecques et étrusques ont exprimé une telle demande en matières premières qu’elles ont été amenées à élargir leur aire d’approvisionnement jusqu’à englober une grande partie du continent. Dans ce vaste système, on peut supposer que certains chefs locaux bien situés se sont érigés en intermédiaires obligés. Saisissant une position de monopole des échanges, donc des biens de prestige méditerranéens, ils ont pu étendre leur contrôle sur les territoires voisins. Dans le cadre d’une économie de prestige, ils ont fait des autres dominants locaux des sortes de vassaux. Ces princes ont assuré le relais entre les cités méditerranéennes et, d’une part les communautés productrices qu’ils coiffaient, d’autre part les communautés plus septentrionales. Ainsi se sont formées des unités politiques centralisées d’une taille jusqu’alors inédite en Europe54. Plusieurs indices accréditent la fonction redistributrice des résidences princières55.

Pour que le stimulus méditerranéen opère aussi rapidement, il fallait que l’organisation sociale locale soit prête à le recevoir. Il fallait que des territoires stables et bien coordonnés soient en place. Comme pendant l’âge du Bronze cependant, cette dépendance des principautés vis-à-vis de l’extérieur les laissait dans une situation de grande fragilité. De façon significative, c’est l’échelle d’intégration du Hallstatt B2-3/C qui est redevenue la norme lors de l’effondrement des principautés. Ce n’est pourtant pas une interruption de l’approvisionnement en biens de prestige qui a causé la désintégration des principautés. Des produits étrusques ont en effet continué de franchir les Alpes pendant tout le Ve s. a.C. Il existe une autre cause externe possible.

J’ai récemment proposé une explication de la désintégration des principautés du Hallstatt D en termes d’éclatement fonctionnel56. Les principautés auraient été dépouillées de leur rôle par la concurrence des relais du Tessin, du Rhin moyen et de la Champagne. En s’interposant, les négociants du Tessin et non plus des Phocéens ou des Étrusques, auraient pu chercher les intermédiaires nécessaires plus loin au nord. Mais les chefs de ces régions n’auraient constitué que des relais secondaires, assurant les contacts avec leurs égaux et avec les zones plus septentrionales, pour regrouper les produits indigènes qui sont supposés être des contreparties possibles aux cadeaux diplomatiques : métaux, sel, viandes, peaux, fourrures ou esclaves. Une explication plus élégante, parce qu’intellectuellement plus économique, peut être pro­posée : on peut penser que les principautés du VIe s. a.C. ont, plus simplement, subi le contrecoup d’un élargissement du premier cercle de l’économie-monde. Quelques indices suggèrent que le processus d’élargissement de l’échelle d’intégration s’était engagé dans les nouvelles zones de concentration des prestigieuses pièces de banquet – le cas le plus convaincant est celui du territoire centré sur Bourges – mais qu’il n’a pas eu le temps de se cristalliser du fait de la désorganisation des réseaux d’échanges causée par l’invasion en Italie. Dans cette hypothèse, la culture de Golasecca qui occupe le Tessin57, deviendrait, dans la deuxième moitié du Ve s. a.C., une excroissance fonctionnelle de l’Étrurie dont l’expansion atteint la plaine du Pô. Cette proposition exige la présence de villes à la frange de la culture de Golasecca. La condition est dorénavant remplie avec le centre étrusque de Forcello à Bagnolo S. Vito, près de Mantoue58. Par conséquent, le transfert du rôle d’intermédiaire vers le Berry, la Champagne et le Rhin moyen, pourrait représenter une variation concomitante du deuxième cercle de l’économie-monde, le deuxième cercle s’éloignant du centre à la mesure de l’élargissement du premier. Il convient de souligner ici que les porteurs de la culture de Golasecca parlaient une langue celtique, comme l’attestent des inscriptions léponto-étrusques, ce qui leur facilitait les contacts avec les Celtes transalpins. Les rapports privilégiés entretenus par les Tessinois avec les occupants du site de Bragny, au confluent de la Saône et du Doubs, pourraient s’inscrire dans cette perspective59.

Peut-être une cristallisation politique du type des principautés se serait-elle produite dans les nouvelles zones intermédiaires si le temps ne leur avait manqué. Dans ces régions, la densité des sites d’habitat et des nécropoles n’a jamais été aussi forte60. La même conclusion ressort d’une étude du modèle d’implantation de l’habitat et des nécropoles en Bohème61. Ces données concordent avec les textes qui invoquent des tensions internes : excédent démographique et conflits nombreux pour expliquer l’émigration celtique en Italie. Mais, contrairement à ce qui semble s’être produit au début de l’âge du Fer, cette contradiction n’a pas été résolue par une complexification sociale mais par l’émigration de la fraction considérée comme excédentaire.

L’expansion celtique

Dès le début du IVe s. a.C., des groupes celtes bien encadrés se sont installés nombreux en Italie du nord, sous l’autorité de chefs issus de leur aristocratie62. Les premiers, les Sénons, seraient partis de la Champagne. Un autre gros contingent, les Boïens, serait parti ensuite de la Bohème63. Le mouvement a ainsi affecté l’ensemble de la Celtique. Le contact direct et durable avec les civilisations latine et étrusque a amené les groupes celtes à adapter en les adoptant, non seulement un nouveau mode d’expression artistique, le fameux art celtique, mais aussi, assez vite apparemment, une organisation territoriale de type urbain64. Cette évolution vers une organisation plus complexe s’observe non seulement en Italie, mais aussi dans le sud de la France. Là, de petites cités fortifiées se sont généralisées aux IVe et IIIe s. a.C.65 Il ne semble pas cependant que l’expansion celtique y ait été massive ; des infiltrations ont dû provoquer une celtisation progressive, sans affecter le processus continu de complexification sociale qui était sous-tendu par la présence de Marseille. L’expansion celtique s’est aussi effectuée vers l’ouest et vers l’est du continent.

Ces turbulences ne pouvaient toutefois aboutir qu’à la désorganisation des réseaux d’échanges traditionnels. De façon symptomatique, les prestigieux objets méditerranéens sont alors devenus exceptionnels en Europe moyenne. Les tombes riches se sont raréfiées. La densité du peuplement a décru nettement66. Il ne faut cependant pas exagérer la régression. Seul a disparu le niveau d’intégration le plus élevé. Les communautés locales ont vraisemblablement retrouvé leur autonomie politique. À cette échelle, leur organisation interne est demeurée stratifiée ; les différences ont persisté, comme l’indiquent les écarts de richesse entre les tombes.

La densité des nécropoles est restée élevée, une tous les quatre kilomètres en moyenne, mais il s’agit de petits cimetières qui contenaient deux ou trois familles d’aristocrates tout au plus. Le dépôt de Duchcov montre le développement d’une production artisanale à grande échelle pour certains biens dont des parures67. L’homogénéité stylistique intra-celtique est demeurée très forte et prouve la persistante intensité des échanges d’un bout à l’autre du complexe culturel. Avec l’occupation d’une grande partie de l’Italie septentrionale, les échanges sud-nord, eux aussi, ont eu tendance à prendre une forme intra-celtique.

Il semble que l’expansion ait atteint son maximum au IIIe s. a.C. La mise en œuvre d’une stratégie expansionniste avait interrompu le processus de complexification. Ce choix avait eu d’importantes conséquences sur la structure de l’économie-monde, mais celle-ci n’avait pas été totalement détruite. En effet, tout s’est passé comme si cette expansion s’était opérée dans le but d’encercler les centres moteurs de l’économie-monde ; comme si l’objectif avait été de contrôler l’ensemble du deuxième cercle, après avoir été de s’approcher des cités du premier cercle ; le but ultime étant de profiter plus encore du système. Ce n’est probablement pas un hasard si l’expansion celtique s’est développée essentiellement dans la zone intermédiaire. Toutefois, désirant gagner trop, trop vite, les groupes qui ont adopté cette stratégie ont fini par faire perdre beaucoup à l’ensemble du complexe celtique.

L’émergence des États

L’expansion celtique s’est terminée dans le courant du IIIe s. a.C. C’est alors qu’à côté des caractéristiques anciennes toujours majoritaires – celles qui dominent les étapes du La Tène A et B (environ 450 à 250 a.C.), sont apparues quelques nouveautés : l’adoption de la monnaie, la généralisation du rite de l’incinération et la création de nouveaux sanctuaires. Il ne s’agissait encore que de prémices. La monnaie, qui demeurait rare, ne circulait pas autrement que les autres biens de prestige. La progressive transformation du rite funéraire invite à écarter tout recours à une immigration rapide et massive. Les nouveaux sanctuaires, enfin, pourraient signifier, le besoin d’exprimer plus fortement l’assise territoriale et, corrélativement, l’identité collective des communautés politiquement autonomes.

À partir du La Tène C2, qui a commencé vers 180/170 a.C., la monnaie s’est généralisée. L’incinération a été pratiquée presque sans partage. Mais surtout, le schéma d’implantation de l’habitat s’est modifié. Au total, on peut penser que ce qui s’est produit dès le IIe s. a.C., constitue l’émergence de formations étatiques dans le complexe nord-alpin. Ce changement socio-politique paraît bien s’être opéré sur des bases locales. L’archéologie livre en effet les indices d’une véritable mutation agricole : nouveaux outils, nouvelles délimitations de l’espace agricole et techniques agricoles plus productives. Il s’agit des moyens qui, pour la première fois, ont permis de produire assez pour nourrir une population non agricole relativement importante et regroupée dans de grosses agglomérations. On peut penser qu’il fallait, en Europe tempérée, des techniques de travail de la terre plus complexes que dans les régions irrigables du Moyen-Orient ou dans les zones méditerranéennes de polycultures sèches, pour avoir cette possibilité. Les communautés d’Europe tempérée ont pu, dès lors, remplir cette condition nécessaire à une différenciation sociale aussi développée que celle d’un État : l’urbanisation.

De gros bourgs, sièges d’activités artisanales et commerciales se sont en effet constitués dès le IIe s. a.C. Dans l’état actuel de nos connaissances, les agglomérations ouvertes d’une dizaine d’hectares étaient plus fréquentes que leurs homologues fortifiées, à l’est comme à l’ouest : Mistrin, Strelice, Vienne, Bad Nauheim, Breisach “Hochstetten”, Sissach, Bâle “Gasfabrik”, Feurs, Levroux “Les Arènes68”. Plusieurs ont livré des témoins de fabrication de monnaies. Toutes regroupaient des activités artisanales très spécialisées : pour l’or, le bronze, le fer, le verre, l’os ou la poterie. On y a souvent trouvé des amphores romaines en quantité significative. Au total, elles possédaient la plupart des critères propres aux oppida plus récents, sauf la fortification.

Au cours, ou à la fin du La Tène D1, quelques-unes de ces agglomérations se sont entourées d’un rempart qui fermait parfois une surface très largement supérieure à celle de la zone bâtie : Manching, Berne “Engehalbinsel”, Besançon. Mais, dans la plupart des cas, la population et l’ensemble des activités ont été transférées sur une hauteur voisine, dotée d’une fortification. Trois exemples sont maintenant bien connus : à Breisach : de “Hochstetten” au “Munsterberg”, à Bâle : de la “Gasfabrik” à la “Münsterhügel” et à Levroux : des “Arènes” à “La Colline des Tours”. Comme l’a bien souligné J. Collis69, la majorité des oppida sont des villes neuves, créées ex nihilo sur des sites vierges de fortification antérieure. Il faut donc supposer un transfert humain et fonctionnel.

Malgré ce transfert topographique, le processus paraît plutôt progressif (fig. 2). De grosses agglomérations se sont formées peu à peu, par regroupement des fonctions artisanales et commerciales. Celles qui produisaient leur monnaie étaient, de plus, le lieu d’un pouvoir politique capable d’en garantir la valeur. Certaines étaient fortifiées dès le début du La Tène C270. Leur rempart entourait déjà une surface importante sur une hauteur : 80 ha à Stradonice, 50 ha à Amboise. On connaît cependant mal leur organisation interne, ce qui rend difficile leur interprétation. Plus nombreuses, les agglomérations ouvertes et de basse terre ont évolué selon deux cas de figures : les unes ont été fortifiées sur place, les autres ont été déplacées sur une hauteur proche fortifiée, comme on l’a vu. Ce phénomène s’est surtout produit au cours du La Tène D1 et au début du La Tène D2, c’est-à-dire, vraisemblablement, dans le premier tiers du Ier s. a.C. (il n’existe aucun argument archéologique solide pour faire correspondre la transition La Tène D1/D2 avec la fin de la guerre des Gaules, vers 50 a.C.).

Fig. 2. Schéma de la genèse des villes fortifiées celtiques (oppida) ; en gras : évolution la plus fréquente.
Fig. 2. Schéma de la genèse des villes fortifiées celtiques (oppida) ; en gras : évolution la plus fréquente.

Ces fortifications répondaient-elles à un climat d’insécurité ? Il est possible que de fréquents conflits guerriers aient opposé ces peuples qui se structuraient politiquement et s’ouvraient au commerce méditerranéen. Il convient pourtant de remarquer la médiocre valeur militaire de certains remparts, surtout les plus coûteux, ceux dont le périmètre était le plus long. Il s’agissait plutôt d’une manifestation ostentatoire de pouvoir et d’un symbole d’emprise territoriale ; symbole renforcé par une localisation topographique dominante. Le rempart était ainsi le principal monument public. Sa longueur était fonction de la population qu’il était censé protéger, c’est-à-dire, approximativement, de la surface du territoire polarisé extra-muros.

L’organisation interne de ces sites conforte l’idée d’un processus de concentration progressive. La densité des bâtiments était en effet très relative. On observe, dans tous les cas, la présence de quartiers composés d’unités associant la maison et quelques dépendances (grenier, cave, puits) autour d’une cour palissadée. Ces unités évoquent, en modèle réduit, les fermes contemporaines. Ainsi, l’organisation architecturale traditionnelle façonnait encore le cœur des agglomérations. De plus, à l’intérieur de la fortification, s’étendaient des espaces non bâtis qui pouvaient servir à l’élevage et à l’agriculture. Le contraste entre les espaces ruraux et urbains devait en être d’autant plus atténué pour un observateur possédant une référence méditerranéenne en tête.

L’oppidum d’Europe tempérée peut cependant être qualifié de ville. Pour plusieurs d’entre les plus grands, on est sûr que des surfaces de 20 à 40 ha étaient bâties, ce qui, même avec un tissu assez lâche, implique une population permanente nombreuse. Des activités variées de service s’y trouvaient réunies et, surtout, on y produisait la monnaie, l’oppidum était donc le siège du pouvoir politique et économique. Il s’agit là d’un élément important pour un définition de la ville, car il y a deux manières différentes d’aborder la question : l’approche monographique ou intra-site qui appréhende la ville comme un ensemble monumental et dans laquelle on raisonne en terme de présence ou absence de tel ou te type de bâtiment (monuments publics en particulier) ; l’approche systémique ou inter-site qui saisit tous les établissements d’une portion d’espace donnée dans leurs caractères généraux et leurs relations réciproques.

La seconde est la plus judicieuse. D’ailleurs, les auteurs de l’Antiquité qui avaient une vision très stéréotypée de la ville, insistent toujours sur l’étroite relation qui existe nécessairement entre celle-ci et le territoire sur lequel elle a autorité. Une ville peut donc être définie comme une agglomération dont la majorité des habitants s’occupe de commerce, d’artisanat ou d’administration et n’appartient pas à la maison du chef (famille, domesticité, suite, ou clientèle) et qui exerce un pouvoir politique sur des zones périphériques nécessaires à sa subsistance. Cette définition possède le mérite de discriminer les “résidences princières” du Hallstatt D ou les châteaux du Moyen Âge, par exemple, et d’être testable archéologiquement. L’oppidum tend logiquement à se situer au centre du territoire qu’il contrôle (fig. 3). Ce lien organique transparaît aussi dans la corrélation entre la surface du site central et celle de son territoire71. Il se manifeste encore dans la répartition des types monétaires produits au centre (fig. 4 et 5). On peut ajouter que l’analyse du rang par la taille donne un résultat conforme au modèle : la surface des sites fortifiés d’un territoire autonome tend à décliner selon une régression log-normale ; il est intéressant de noter que la courbe dessine des paliers qui pourraient refléter les niveaux de la hiérarchie fonctionnelle et, par conséquent, le degré de stratification du territoire considéré.

Fig. 3. Comparaison des territoires théoriques obtenus par la méthode des polygones de Thiessen avec les diocèses médiévaux en Gaule. Les points de forte discordance sont indiqués par des cercles rouges. Ils représentent une information intéressante, car ils demandent une explication. Malgré l'absence de pondération pour le relief, la corrélation est globalement bonne, bien marquée par la taille et la forme générale des entités.
Fig. 3. Comparaison des territoires théoriques obtenus par la méthode des polygones de Thiessen avec les diocèses médiévaux en Gaule. Les points de forte discordance sont indiqués par des cercles rouges. Ils représentent une information intéressante, car ils demandent une explication. Malgré l’absence de pondération pour le relief, la corrélation est globalement bonne, bien marquée par la taille et la forme générale des entités.
Fig. 4. Proportions relatives de deux types monétaires ; sur le site central de Pommiers (oppidum capitale des Suessiones), sur le reste du territoire des Suessiones (limites du diocèse médiéval) et à l'extérieur de ce territoire ; pour les B.N. 8106 à 8123 : n = 472, pour les B.N. 7951 à 7975 : n = 1379.
Fig. 4. Proportions relatives de deux types monétaires ; sur le site central de Pommiers (oppidum capitale des Suessiones), sur le reste du territoire des Suessiones (limites du diocèse médiéval) et à l’extérieur de ce territoire ; pour les B.N. 8106 à 8123 : n = 472, pour les B.N. 7951 à 7975 : n = 1379.
Fig. 5. Carte de répartition des sites ayant livré une ou plusieurs monnaies en bronze frappées à tête janiforme du type B.N. 8106 à 8123 ; site cerclé : dépôt ; tiretés : limites des diocèses médiévaux.
Fig. 5. Carte de répartition des sites ayant livré une ou plusieurs monnaies en bronze frappées à tête janiforme du type B.N. 8106 à 8123 ; site cerclé : dépôt ; tiretés : limites des diocèses médiévaux.

Paradoxalement, les preuves archéologiques de la hiérarchisation sociale sont peu abondantes pendant les deux siècles qui ont précédé notre ère. La principale raison tient à la pratique de l’incinération. Cette pratique induit toujours une plus grande sobriété du mobilier déposé dans la tombe. Malgré une réelle faiblesse documentaire, les écarts de richesse entre les tombes connues sont marqués ; plus particulièrement en Gaule Belgique, de la Normandie au Rhin moyen. Là, sur la périphérie nord-occidentale du complexe celtique, nous connaissons une trentaine de tombes à pièces de char (celui-ci ayant subi les flammes du bûcher en même temps que le défunt). De plus, parmi ces tombes riches, certaines renfermaient de la vaisselle romaine72. C’est le cas des tombes luxueuses qui se concentrent autour de l’oppidum de Château-Porcien73 (fig. 6). Elles rappellent les configurations princières de la fin du premier âge du Fer. L’évidente hiérarchie des sites fortifiés exprime, elle aussi, une forte stratification sociale.

Fig. 6. Concentration des tombes à importations romaines du La Tène D (cercles pleins) autour de l’oppidum de Château-Porcien “Le Nandin” (Ardennes). 1 : Hannogne “Le Grand Chemin”. 2 : Banogne. 3 : Saint-Germainmont “Le Poteau”. 4 : Château-Porcien “La Briqueterie”. 6 : Thugny-Trugny. Oppida (triangles vides). 5 : Château-Porcien “Le Nandin”. 7 : Saint-Thomas. 8 : Condé-sur-Suippe. 9 : Reims.
Fig. 6. Concentration des tombes à importations romaines du La Tène D (cercles pleins) autour de l’oppidum de Château-Porcien “Le Nandin” (Ardennes). 1 : Hannogne “Le Grand Chemin”. 2 : Banogne. 3 : Saint-Germainmont “Le Poteau”. 4 : Château-Porcien “La Briqueterie”. 6 : Thugny-Trugny. Oppida (triangles vides). 5 : Château-Porcien “Le Nandin”. 7 : Saint-Thomas. 8 : Condé-sur-Suippe. 9 : Reims.

Ainsi, les données archéologiques ne contredisent pas les sources littéraires qui distinguent des catégories sociales nettement constituées : les aristocrates guerriers, parmi lesquels se recrutaient les souverains ou les magistrats suprêmes, les druides – dont on sait que certains au moins étaient des aristocrates – et les autres, la majorité de la population. Les sources écrites suggèrent de plus que l’on héritait du statut social par les hommes, au moins pour l’accès à la royauté et que, dans ces catégories sociales les plus élevées, la filiation était patrilinéaire et la résidence patrilocale, comme le suggèrent les exemples de mariages inter-peuples où l’épouse va vivre chez le mari74. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, nous pouvons admettre l’existence d’une catégorie de dépendants dont le statut semble se rapprocher progressivement de celui d’esclave-marchandise75. Nous ignorons son importance numérique, de même que la proportion relative des diverses subdivisions statutaires et fonctionnelles : serviteurs-domestiques, entourage guerrier et paysans dépendants, etc. La différenciation sociale n’était pas seulement verticale. La spécialisation des tâches s’était fortement accentuée, en particulier dans les agglomérations. Beaucoup plus d’individus pratiquaient l’artisanat et le commerce à plein temps. Bien entendu, la majorité écrasante restait cependant la catégorie des paysans, dépendants ou non, qui produisaient les surplus nécessaires à l’approvisionnement des citadins.

L’usage de la monnaie suppose une organisation politique qui dispose de moyens de contrôle de la masse monétaire mise en circulation : contrôle des changes aux frontières et contrôle de l’authenticité du numéraire. Les monnaies de potin qui apparaissent dès le IIe s. a.C.76 mais probablement aussi des bronzes frappés, possédaient une valeur supérieure à celle de leur teneur métallique. Cela induit que leur valeur était une convention garantie par l’autorité émettrice. Par conséquent, on peut les qualifier de fiduciaires. Ce terme ne correspond évidemment pas à la définition étriquée des économistes du XIXe s., à savoir une monnaie de papier dont la valeur est cautionnée par les réserves d’une banque centrale. Il convient de lui garder son sens strict qui s’applique à toute valeur fondée sur la confiance accordée à celui qui l’émet. C’est, bien entendu, sur cette acception que se fonde J. Babelon lorsqu’il écrit :

“Sorti de l’usage courant et spécialisé dans une fonction, il [le métal devenu monnaie] acquiert une valeur fictive, et l’on pourrait dire sans trop d’exagération que toute monnaie est ‘fiduciaire’”… car, insiste-t-il plus loin… “toute monnaie est de confiance77”.

Il ne faut surtout pas édulcorer cette notion centrale pour le phénomène monétaire : la pièce de monnaie est essentiellement la matérialisation d’un symbole ; elle ne vaut que par la confiance que lui accordent collectivement ses utilisateurs, ce qui renvoie directement au pouvoir économique supposé de l’émetteur et/ou à sa légitimité politique. Ainsi, K. Gruel a-t-elle raison d’affirmer, dans son chapitre consacré aux potins, que : “ce sont donc des monnaies fiduciaires78”. Elle pense cependant que ces monnaies coulées dans un vil métal ne peuvent être utilisées comme telles que dans une économie déjà très monétarisée. Ce sont là deux hypothèses très fortes qui mériteraient une argumentation. En effet, rien dans l’absolu ne s’oppose à l’usage d’objets sans valeur intrinsèque dans une économie monétaire balbutiante et rien, hormis le postulat de J.-B. Colbert de Beaulieu79, ne permet d’affirmer que l’économie des Celtes était peu monétarisée avant la guerre des Gaules. Ce présupposé a conduit à tasser sur le milieu du Ier s. a.C. de nombreux documents qui, en réalité, s’étalent du deuxième quart du IIe au troisième quart du Ier s. a.C.

Une autre catégorie de documents s’avère d’une très grande importance pour notre propos : des document écrits80. Ils sont apparus vers 200 a.C. dans le sud de la France sous la forme de série de mots celtiques transcrits en alphabet grec. Au cours du Ier s. a.C., ces documents jalonnent, sans surprise le couloir du Rhône, jusqu’à la Bourgogne (fig. 7). Environ 400 documents de plus d’une lettre sont actuellement attestés. La plupart sont des graffites sur poteries. On se souvient des tablettes d’argile des Helvètes recensant les émigrants stoppés par les troupes romaines en Bourgogne81. Selon César, l’usage de l’écriture était réservé aux druides, mais pas à des fins religieuses. L’écriture servait à tenir des comptes, des registres publics et privés. Nous pouvons ainsi concevoir une administration tenue par des individus détenteurs d’une légitimité religieuse et qui géraient, notamment, les traités et les contrats. Ces données convergent avec les implications de l’usage d’une monnaie, a fortiori si elle était fiduciaire, pour suggérer l’existence de pouvoirs publics forts, dotés d’une administration et capables de garantir des engagements de nature économique et juridique.

Fig. 7. Carte de répartition des documents gallo-grecs (d'après Goudineau 1989).
Fig. 7. Carte de répartition des documents gallo-grecs (d’après Goudineau 1989).

Par conséquent, ce que nous observons dans l’évolution du complexe celtique, c’est non seulement une augmentation du degré de centralisation, de différenciation verticale et horizontale, mais surtout l’apparition d’une institution de gouvernement spécialisée, où tendaient à se concentrer les principaux pouvoirs publics : judiciaires, militaires et religieux et dotée d’une bureaucratie. Ces éléments définissent cette forme d’organisation que l’on appelle l’État. Parallèlement, a émergé une économie monétaire, c’est-à-dire fondée sur une unité de compte qui devait être acceptée en échange de n’importe quel bien. Réserve de valeur, la monnaie permettait aussi et facilitait une consommation différée. L’organisation politique, mais aussi économique a changé de nature. C’est donc bien un changement qualitatif et pas seulement quantitatif qui s’est produit.

Tandis qu’une série d’innovations rendait l’agriculture apte à supporter une société urbanisée, Rome prenait, par une suite de conquêtes, le contrôle du pourtour du bassin occidental de la Méditerranée. Au cours du La Tène C2, de 180/170 à 130/120 a.C., la totalité du premier cercle de l’économie-monde était ainsi tombée sous l’emprise romaine. La future capitale impériale était d’abord devenue le centre de l’économie-monde méditerranéenne qui se ranimait. Le deuxième cercle correspondait à la zone des États celtiques où sont progressivement apparus les oppida. Tous ces sites ont livré des preuves d’échanges commerciaux avec Rome. Les monnaies celtiques, inspirées de prototypes méditerranéens, ont été l’indice le plus précoce de la restructuration de l’économie-monde, cette organisation fonctionnelle concentrique, hiérarchisée selon trois niveaux de complexité politico-économique décroissant du centre vers la périphérie. À la faveur de l’intensification des échanges avec Rome, cependant, l’écart des niveaux de développement entre les deux premiers cercles s’est réduit. Des prémices de phénomène princier sont apparus dans le troisième cercle. Et lorsque le pouvoir romain s’est étendu jusqu’au Rhin, intégrant la totalité de la zone des États celtiques, de véritables principautés se sont constituées en Germanie libre. Ce phénomène s’exprime surtout à travers les tombes du fameux groupe de Lübsow82. Il s’est épanoui entre 200 et 600 km du Limes en liaison étroite avec le commerce romain83.

Comme au Ve s. a.C., l’élargissement du premier cercle a causé le déplacement du deuxième cercle plus loin du centre (fig. 8). L’analyse quantitative des importations romaines en Germanie libre84 confirme cette observation : tandis que les produits courants, céramique sigillée ou fibules, dominent le long de la frontière, principalement dans la frange non romanisée de l’ancienne zone des oppida celtiques, les biens de prestige, surtout des récipients en bronze, en argent ou en verre se distribuent en majorité dans cette bande de terre qui correspond à l’aire des tombes princières.

Fig. 8. L'économie-monde méditerranéenne au Ier s. a.C. La zone centrale se trouve presque entièrement sous contrôle romain (hachures) ; la zone intermédiaire est celle des oppida celtiques (pastilles noires) ; dans la zone périphérique, les riches tombes à importations romaines se multiplient (cercles vides). Sauf à l'ouest, cette tripartition correspond à celle du premier âge du Fer.
Fig. 8. L’économie-monde méditerranéenne au Ier s. a.C. La zone centrale se trouve presque entièrement sous contrôle romain (hachures) ; la zone intermédiaire est celle des oppida celtiques (pastilles noires) ; dans la zone périphérique, les riches tombes à importations romaines se multiplient (cercles vides). Sauf à l’ouest, cette tripartition correspond à celle du premier âge du Fer.

Le modèle de l’économie-monde sied aussi aux différences qui s’observent à l’intérieur du complexe celtique. Géographiquement plus éloignée des centres-moteurs, la Gaule Belgique s’en éloigne aussi plus que la Gaule centrale au plan de la complexité sociale. C. Haselgrove85 a déjà très justement insisté sur ce fait. Dans la même voie, il est intéressant de noter les arguments archéologiques qui s’ajoutent aux indications des sources littéraires. Les territoires théoriques des civitates, qui montrent une corrélation satisfaisante avec les diocèses médiévaux, sont plus réduits que ceux des Arvernes, des Séquanes, des Éduens, des Bituriges ou des Carnutes. De plus, l’analyse du rang par la taille des sites fortifiés permet, comme on l’a signalé ci-dessus, de distinguer des paliers. Tandis qu’un seul palier intermédiaire apparaît sur la courbe des civitates de Gaule Belgique, au moins deux se discernent sur celle des grands territoires. Cela signifie qu’un groupe de sites satellites relaie l’autorité de la capitale dans les premiers, alors que dans les plus grands, au moins une subdivision supplémentaire renforce la gestion territoriale. Ainsi, à l’intérieur même de chacune des zones concentriques, la complexification sociale s’atténue au fur et à mesure de l’éloignement du centre. Si l’on ajoute à cette perspective le paysage de Thunen que tend à reproduire chaque bourgade avec sa périphérie rurale, on peut voir là un bon exemple de structure fractale.

Les implications théoriques

Pendant cette période, les manifestations de richesse et de pouvoir (tombes monumentales, mobilier funéraire abondant) se révèlent très fréquemment associées à des biens exotiques (métaux, ambre, objets de luxe). Nous pouvons en déduire que richesse et pouvoir étaient liés à un accès préférentiel aux biens de prestige. Mais cette observation ne permet pas de savoir si cet accès était la cause ou seulement la conséquence de la stratification sociale. Une autre donnée, la localisation géographique des manifestations les plus spectaculaires de pouvoir, nous offre un indice en faveur de la première proposition. Elles n’ont pas eu lieu sur les gisements de matières premières critiques, mais sur les voies de communication par où transitaient les biens de prestige. Toutefois, il ne semble pas qu’un phénomène du type centre et périphérie ou économie-monde ait affecté le complexe nord-alpin pendant l’âge du Bronze. Un tel phénomène a cependant pu se produire plus à l’est, articulant le complexe grec (Mycènes), le complexe carpatique (zone des tells du moyen Danube) et le complexe nordique, comme le pense K. Kristiansen86.

Il s’avère que l’évolution de la Celtique ne se conforme pas à l’explication fonctionnaliste fondée sur la raréfaction des ressources, raréfaction qui causerait des conflits dont la résolution passerait par une délégation de pouvoir à une instance d’arbitrage. Outre qu’une raréfaction des ressources n’engendre pas nécessairement une augmentation de la stratification sociale, l’émergence de l’État, en Celtique, s’est produite à la faveur d’une intensification de l’agriculture et des échanges à longue distance. Ainsi, le processus correspond davantage à la grille de lecture proposée par J. Friedman et M. Rowlands87, dans une perspective marxiste, qui sied aussi à l’évolution vers l’État de la Mésopotamie, du Pérou ou de la Chine. L’intensification agricole permet de supporter une hausse de la production non agricole et entraîne ainsi un processus cumulatif de centralisation/stratification. Logiquement, plus la production augmente, plus les occasions de litiges augmentent aussi, et en conséquence les nécessités d’arbitrage88.

Une solide base économique locale est donc indispensable à l’émergence d’une organisation plus complexe, capable de durer. En effet, dans le cas des principautés comme dans celui des États celtiques, l’influence de sociétés voisines plus complexes a stimulé le processus de stratification sociale. Cette influence n’a fait, toutefois, que renforcer et accélérer un phénomène rendu possible par des facteurs internes : des progrès techniques qui ont permis l’intensification de la production. Dans les deux cas, on peut penser que les innovations techniques ont répondu à la contradiction bien connue entre la croissance démographique et la capacité de production89. Dans le premier cas toutefois, les fondements économiques mis en place aux IXe et VIIIe s. a.C. restaient insuffisants pour supporter une échelle d’intégration politique supérieure à une centaine de km2. Ils ont surtout permis de stabiliser les entités territoriales et la stratification sociale qui étaient fondamentalement mouvantes jusque-là. Au VIe s. a.C., l’augmentation considérable du niveau d’intégration, due au principe de fonctionnement de l’économie-monde, a été tout aussi artificielle que les tentatives sans suite de l’âge du Bronze. Les principautés semblent bien s’être désintégrées en raison d’une modification de la distribution spatiale des fonctions au sein de l’économie-monde (tripartition fonctionnelle concentrique), donc en fonction de causes extérieures à elles-mêmes. De façon significative, la perturbation de réseaux d’échange sud-nord aux IVe et IIIe s. a.C. a occasionné un retour à l’échelle d’intégration telle qu’elle s’était stabilisée à partir du IXe s. a.C. Pour qu’un niveau supérieur de complexité sociale soit atteint, il a fallu une mutation de l’agriculture. Il a fallu que soient mises en œuvre des techniques aptes à intensifier la production sur les sols lourds et profonds de l’Europe tempérée, afin de dégager assez de surplus pour subvenir aux besoins alimentaires de non-agriculteurs plus nombreux.

L’évolution de la Celtique offre un autre cas de figure intéressant pour une réflexion plus large sur la stratification sociale. La complexification sociale n’est pas la seule voie possible pour remédier aux tensions internes. L’expansion territoriale ou l’émigration en sont d’autres, ainsi que le suggère le processus avorté de la fin du Ve s. a.C. Le niveau d’intégration décroît alors montrant que le processus n’est pas irréversible. Nous parvenons ainsi à détecter des conditions nécessaires à l’émergence de l’État, mais nous échouons pour ce qui concerne les conditions suffisantes. Cette difficulté pourrait être due au fait qu’il existe de l’aléatoire dans le choix d’un nouveau type d’organisation sociale. Le processus d’évolution se comporte en effet à la manière des structures dissipatives de Prigogine ainsi que l’a suggéré S. Van der Leeuw90 (fig. 9).

Fig. 9. Représentation schématique de l'évolution de la complexification sociale dans le complexe nord-alpin selon le modèle des structures dissipatives ; à chaque bifurcation, plusieurs choix sont possibles ; ici seuls les deux extrêmes ont été représentés : complexification accrue avec passage à un ni­veau d'intégration supérieur ou retour à une organisation plus simple ; comme dans tout système chaotique, la solution choisie est imprévisible.A : Chefferie du Bronze A (Leubingen)  ; B : Chefferie du Bronze D (Milavce) ; C : Principauté du Hallstatt D ; D : État du La Tène D.
Fig. 9. Représentation schématique de l’évolution de la complexification sociale dans le complexe nord-alpin selon le modèle des structures dissipatives ; à chaque bifurcation, plusieurs choix sont possibles ; ici seuls les deux extrêmes ont été représentés : complexification accrue avec passage à un ni­veau d’intégration supérieur ou retour à une organisation plus simple ; comme dans tout système chaotique, la solution choisie est imprévisible.
A : Chefferie du Bronze A (Leubingen)  ; B : Chefferie du Bronze D (Milavce) ; C : Principauté du Hallstatt D ; D : État du La Tène D.

L’accès différentiel aux ressources est généralement conçu comme une condition nécessaire à la stratification sociale. Dans tous les cas connus, cette inégalité a précédé la formation de l’État, mais elle s’est toujours accrue avec lui. G. Johnson91 a proposé de voir dans la hiérarchisation sociale le résultat d’une capacité différentielle à traiter de l’information. Ces deux points de vue ne sont pas incompatibles, car l’accès privilégié à des ressources matérielles suppose le traitement des informations concernant leur localisation, leurs conditions de transport et de circulation et surtout les partenaires et les codes de l’échange. En dernière analyse, ce que les élites sont plus aptes que d’autres à se procurer, c’est, en effet, moins un bien matériel que la disponibilité de ce bien. Ce qu’ils échangent, c’est une série de prestations qui assurent la fourniture d’un bien en un lieu et à un moment précis92. Il s’agit donc d’abord d’une activité de service, donc de traitement des informations. L’importance cruciale du traitement de l’information se dessine avec une acuité toute particulière dans les institutions qui caractérisent l’État, car celui-ci se définit d’abord comme une forme de gouvernement dotée d’une institution spécialisée dans le traitement de l’information : l’administration.

Dès lors, il devrait être possible de lire notre problématique dans les termes de la systémique auto-organisatrice. La condition nécessaire que constitue l’innovation technique dans le domaine de la subsistance et l’intensification de la production qui est son corollaire, reposent sur une chaîne de traitement de l’information : innovation, diffusion, prestations de services, etc. Cette série de prestations permet de surmonter, de façon positive, l’éventuel déséquilibre entre la démographie et la capacité de production. La croissance démographique, qui multiplie les interlocuteurs potentiels, augmente par conséquent la quantité d’informations à traiter. Elle peut donc provoquer une tension d’échelle qui, en l’absence de hiérarchies séquentielles, peut être résolue par la hiérarchisation ou la création de niveaux hiérarchiques supplémentaires93. La contradiction peut, toutefois, se résoudre de façon négative, par une baisse démographique plus ou moins maîtrisée : contraception, hausse de l’âge du mariage, émigration, guerre, épidémie, famine. Ces observations et leurs implications nous invitent à intégrer dans nos approches des méthodes adaptées aux systèmes dont l’évolution est réfractaire à la prévision : les systèmes chaotiques. Malgré leur complexité, on a vu que ces systèmes ne sont pas totalement aléatoires. Il existe des états préférentiels, des états attracteurs, bref une structure sous-jacente à découvrir. Il y a tout lieu de penser que la structure du type économie-monde constitue l’un de ces états-attracteurs.

Conclusion

Il a, tout d’abord, semblé nécessaire de justifier l’emploi de modèles, souci impensable dans les disciplines scientifiques parvenues à maturité où chacun sait qu’il n’y a pas de recherche sans modèle. En revanche, l’ancrage typologique de l’exercice a seulement été évoqué et mérite quelques commentaires. La base chronoculturelle a été soigneusement vérifiée. Ceci fait, la mise en correspondance des changements de types d’objets et des modifications structurelles a pu être réalisée. Ce travail a permis de localiser et de hiérarchiser les ruptures d’évolution. Les blocs ainsi obtenus ne signifient pas qu’entre deux ruptures, la vie s’est arrêtée, mais qu’à certains moments, le changement s’accélère et se généralise. Ces moments, repérables à l’aide de sériations, pourraient correspondre aux fameuses bifurcations de Prigogine, c’est-à-dire, à ces moments où le système, arrivé à un blocage, doit se modifier pour survivre. Cette conception aurait l’avantage de donner une signification plus sociologique aux tiroirs trop rigides de nos systèmes typo-chrono-culturels. Ainsi, l’âge du Fer ne constitue évidemment pas un bloc intangible, et, chose moins évidente, il en va de même pour chacune de ses subdivisions chronologiques. Il n’y a pas de période immobile, ni même d’état d’équilibre. Le changement est permanent, comme l’illustre bien la diagonale que dessinent les matrices ordonnées d’association de types d’objets : de nouveaux types ne cessent d’apparaître et c’est la disparition simultanée d’un grand nombre d’entre eux qui révèle les ruptures, autrement dit, les bifurcations accomplies par le système. Dans le présent article, seules les ruptures majeures ont été sélectionnées et représentées. Elles ne sont cependant pas limitatives et l’on peut envisager d’affiner le modèle à l’avenir.

L’organisation spatiale des sites tient une très large place dans l’argumentaire. Deux points méthodologiques méritent ici d’être rappelés. A priori, on ignore l’extension des configurations spatiales recherchées. Aussi, convient-il d’adopter une échelle d’observation très large, afin de les appréhender dans leur globalité. L’échelle du continent paraît constituer une dimension correcte pour commencer. Ensuite, il importe de focaliser sur des espaces plus restreints ; au niveau de la micro-région, en particulier, pour relever les indices concernant la densité du peuplement et la hiérarchie fonctionnelle des sites. Des effets de zoom sont alors nécessaires pour détecter l’échelle d’intégration, c’est-à-dire la taille de l’ensemble des sites intégrés dans un même système autonome. Les zones où la documentation se prête à l’exercice sont peu nombreuses et l’on ne peut que postuler la représentativité de l’échantillon imposé. Ce problème est inhérent à toute documentation archéologique et il faut faire avec. Le second point concerne l’évolution temporelle des configurations spatiales repérées. Elles apparaissent, disparaissent, se modifient, se déplacent… L’archéologie seule permet d’observer leurs transformations sur le très long terme. Cet avantage compense partiellement les lacunes d’une analyse uniquement synchronique.

L’évolution de la complexification sociale révèle une dynamique du type diastole/systole, un cycle d’évolution/dévolution94 (fig. 10) qui se conforme au modèle des structures dissipatives. Ce phénomène oblige à reconnaître dans l’intensification agricole une condition nécessaire à la consolidation du processus de complexification. Ce constat ne nous renvoie pas pour autant dans l’inextricable nœud des contradictions internes. Les approches nouvelles exprimées en termes de systèmes chaotiques laissent pressentir un dépassement de ce blocage. Je me suis borné ici à une exploitation métaphorique et simplifiée de ces approches. Elles ont cependant suscité de très encourageantes applications mathématiques en écologie et en géographie95. Il convient d’essayer de les mettre en œuvre dans notre discipline qui souffre certes de graves lacunes documentaires, mais dispose d’une profondeur de temps exceptionnellement favorable pour étudier de tels phénomènes.

Fig. 10. Modèle d'évolution de la complexification sociale dans le complexe nord-alpin selon le modèle des structures dissipatives ; ici, les variables utilisées, le temps et la portion d'espace politiquement autonome, sont réelles. Tandis que pendant l'âge du Bronze un certain seuil paraît indépassable, l’âge du Fer est marqué par deux tentatives réussies d’élargissement de l'échelle d'intégration : celle du premier âge du Fer qui finit par échouer, celle du deuxième âge du Fer qui réussit tellement bien qu'elle se pérennise sous l'Empire romain ; dans un cas comme dans l'autre, la documentation ne permet pas de distinguer si une ou plusieurs bifurcations intermédiaires ont été dépassées pour parvenir à chaque apogée (?).
Fig. 10. Modèle d’évolution de la complexification sociale dans le complexe nord-alpin selon le modèle des structures dissipatives ; ici, les variables utilisées, le temps et la portion d’espace politiquement autonome, sont réelles. Tandis que pendant l’âge du Bronze un certain seuil paraît indépassable, l’âge du Fer est marqué par deux tentatives réussies d’élargissement de l’échelle d’intégration : celle du premier âge du Fer qui finit par échouer, celle du deuxième âge du Fer qui réussit tellement bien qu’elle se pérennise sous l’Empire romain ; dans un cas comme dans l’autre, la documentation ne permet pas de distinguer si une ou plusieurs bifurcations intermédiaires ont été dépassées pour parvenir à chaque apogée (?).

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EAN html : 9782356134585
ISBN html : 978-2-35613-458-5
ISBN pdf : 978-2-35613-460-8
Volume : 5
ISSN : 2827-1912
Posté le 22/12/2025
25 p.
Code CLIL : 4117; 3122;
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Licence ouverte Etalab

Comment citer

Brun, Patrice, “La complexification sociale en Europe moyenne pendant l’âge du Fer : essai de modélisation”, in : Brun, Patrice, Comprendre l’évolution sociale sur le temps long, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 5, 2025, 297-322, [URL] https://una-editions.fr/la-complexification-sociale-en-europe-moyenne
Illustration de couverture • Première : Nebra Sky Disc, bronze and gold, ca. 3600 years before present; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták ;
Quatrième : The Nebra hoard with Sky Disc, swords, axes, chisel and arm spirals; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták
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