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Entre la métaphore et le concept :
heurs et malheurs du qualificatif “princier” en archéologie

Brun, P. (2006) : “Entre la métaphore et le concept : heurs et malheurs du qualificatif ‘princier’ en archéologie”, in : Darcque, P., Fotiadis, M., Polychronopoulou, O., éd. : Mythos, La préhistoire égéenne du XIXe au XXIe siècle après J.-C., Bulletin de Correspondance Hellénique Suppl. 46, 317‑336.


Après avoir subi les critiques du courant postmoderniste pour avoir considéré les vastes oppida de la fin de l’âge du Fer comme de véritables villes, et les résidences princières hallstattiennes comme des capitales centralisées de chefferies complexes, je me suis laissé aller à exagérer le niveau de complexité de ces centres politiques majeurs en notant que les fouilles récentes pouvaient évoquer une véritable urbanisation. C’est pourquoi je me suis efforcé ici d’apporter un net bémol à cette idée en montrant qu’il s’agissait tout au plus de sites, certes en cours d’urbanisation, mais demeurés inachevés.

After having been criticized by the postmodernist movement for considering the vast oppida of the late Iron Age as real cities, and the princely Hallstattian residences as centralized capitals of complex chiefdoms, I let myself exaggerate the level of complexity of these major political centers by noting that recent excavations could evoke real urbanization. This is why I have endeavored here to put a definite damper on this idea, by showing that these were, at most, sites that were certainly in the process of being urbanized, but that remained unfinished.


Les sites archéologiques de diverses périodes, dont les vestiges suggèrent l’existence de potentats, ont souvent été qualifiés de “princiers”. Toutefois, les notions de “tombes princières” et de “résidences princières” ont surtout été utilisées par les chercheurs travaillant sur les sites majeurs des VIe et Ve s. a.C. dans le complexe culturel nord­alpin (fig. 1) et ont été contestées par quelques-uns ces dernières années. Les découvertes d’H. Schliemann sur les sites d’époque mycénienne ont servi de déclencheur pour l’utilisation de ces termes dans ces contextes dépourvus de sources textuelles. Je rappellerai pourtant que ce qualificatif possède une histoire bien plus ancienne et que son utilisation en archéologie oscille entre deux acceptions : l’une simplement métaphorique, l’autre conceptuellement plus exigeante. Cette dernière a cependant subi de virulentes critiques dans la veine postmoderne. Je vais tenter de montrer que ces critiques reposent sur le postulat de simplicité et d’étrangeté radicale des sociétés protohistoriques. Un changement des pratiques de terrain, ouvrant la possibilité d’examiner les phénomènes en question à l’échelle adéquate, commence à prouver le caractère erroné de cet a priori.

Fig. 1. Zones des sites dits princiers en Europe (zones rouges). Elles sont situées sur d'importantes voies de communication et en relation avec les cités-États (zones noires) et les colonies (étoiles noires) grecques et étrusques.
Fig. 1. Zones des sites dits princiers en Europe (zones rouges). Elles sont situées sur d’importantes voies de communication et en relation avec les cités-États (zones noires) et les colonies (étoiles noires) grecques et étrusques.

D’abord, une simple analogie historique

Les concepts de “tombes princières” et de “résidences princières” ont sans doute été inspirés par les résultats d’H. Schliemann à Mycènes en 1876. Dès l’année suivante, en effet, E. Paulus a qualifié de “princières” les tombes qu’il venait de mettre au jour à Hundersingen, au lieu-dit Giessübel, sur la rive gauche du Danube (fig. 2). Il s’agissait d’une série de tombes riches en orfèvrerie, marquées dans le paysage par des tumulus élevés tout près de la Heuneburg, citadelle préhistorique non encore datée avec précision à l’époque1. Mais, avons-nous affaire, ici, à la simple transposition d’un modèle élaboré à partir de données grecques ? En réalité, Schliemann a, lui-même, appliqué aux données mycéniennes une conception issue des principautés allemandes du Moyen Âge et compatible avec les sources homériques. Il faut se souvenir que la notion de principauté s’avère spécifiquement prégnante en Allemagne, pays très tardivement unifié ; le fouilleur Paulus rendait d’ailleurs compte au conservateur du patrimoine de l’État indépendant du Wurtemberg.

Fig. 2. Sites dits princiers, ou agglomérations riches en importations grecques ou étrusques, dans la zone nord-alpine.
Fig. 2. Sites dits princiers, ou agglomérations riches en importations grecques ou étrusques, dans la zone nord-alpine.

Chez Schliemann, comme chez Paulus, la notion de “prince” possède un sens plutôt large, celui de princeps, signifiant “premier”, détenteur d’un statut élevé, grand seigneur. Homère chante ces princes achéens, dont le plus puissant est appelé roi. Pour l’archéologue, c’est d’abord le caractère ostentatoire du tombeau qui suggère un tel statut. Le qualificatif “princier” est ainsi souvent utilisé en archéologie, quel que soit le contexte, pour peu qu’une tombe individuelle renferme un dépôt funéraire nettement plus luxueux, plus somptueux que la moyenne. Cela relève de cette citation de Balzac figurant dans le dictionnaire Robert : “Tout ce luxe, dit princier par des gens qui ne savent plus ce qu’est un vrai prince”. Cette conception, guère plus que métaphorique, ne justifie pas de discussion. Un débat intéressant peut, en revanche, avoir lieu pour les tombes dites princières des VIe et Ve s. a.C., car elles sont beaucoup plus nombreuses et mieux documentées.

Un essai de formalisation

Ce modèle princier a été formalisé en 1969, dans un article séminal de W. Kimmig, professeur à l’université de Tübingen. Il a été repris par plusieurs auteurs, avec néanmoins des nuances sensibles sur les critères de définition. Je résume d’abord ici la teneur d’un article récent publié sur l’histoire de ces notions2. W. Kimmig avait proposé, pour ces sites qu’il avait nommés Adelssitze, c’est-à-dire résidence aristocratique ou nobiliaire, afin d’insister sur le caractère dynastique du pouvoir, quatre critères : 1) la présence d’une acropole fortifiée, d’un faubourg et de quartiers artisanaux ; 2) la présence d’importations méditerranéennes et d’imitations locales ; 3) la proximité de tombes riches ; 4) la localisation sur un important carrefour de voies, notamment fluviales. Le site de la Heuneburg étant le seul à avoir été fouillé sur une surface suffisante, le premier critère est bien entendu resté non vérifié. W. Kimmig, lui-même, en était bien conscient. Il ne retient d’ailleurs plus que trois critères dans ses écrits plus récents3 : 1) la position sur une voie naturelle principale ; 2) la présence de tombes princières à proximité immédiate ; 3) la présence d’objets méditerranéens. F. Fischer a souligné qu’il convenait de réserver le qualificatif princier aux individus reposant dans les tombes à importations méditerranéennes4. Il introduisait, de la sorte, l’idée d’une hiérarchie à l’intérieur même de l’élite sociale. Dans une perspective analogue, W. Dehn a divisé les sites fortifiés du Hallstatt D (625-475 a.C. environ) en trois catégories : 1) les centres de pouvoir politique ou résidences princières (Fürstensitze) ; 2) les résidences de chefs, ou seigneurs locaux (Herrensitze) ; 3) les places fortes de refuge temporaire5. Ces hiérarchies de structures archéologiques impliquaient une hiérarchie sociale à, au moins, trois niveaux : un niveau ordinaire, un niveau de chefs subalternes et un niveau de chefs suprêmes exerçant leur pouvoir depuis leur citadelle fortifiée.

S. Frankenstein et M. Rowlands ont fait progresser le sujet dans deux domaines : d’une part ils ont repris la notion de cadeau diplomatique développée par F. Fischer à partir du modèle de l’Antiquité grecque et l’ont identifié comme le signe d’une véritable économie du don ou des biens de prestige, ce qui permettait de mieux comprendre la logique et la portée des contacts avec les Méditerranéens ; d’autre part, ils ont mis en œuvre une méthode plus objective pour repérer la hiérarchie interne des tombes de l’élite sociale6. H. Härke a, de façon très fructueuse, analysé la dimension territoriale du phénomène princier en mobilisant les moyens de la géographie humaine. Cela permettait d’obtenir des indices sur la taille des principautés, c’est-à-dire sur l’échelle d’intégration atteinte par ces formations sociales. Pensant que les résidences princières se divisaient en trois niveaux, en fonction de leur importance au sein du réseau de sites, il a présenté une application des polygones de Thiessen qui tenait compte de cette pondération7. Il manquait un essai de validation de ces territoires, ce que j’ai tenté8. L’examen de la répartition de certaines parures, en particulier le décompte des types de fibules les plus représentés, aboutit à un faisceau d’indices convergeant vers l’idée d’une fonction économique centrale des résidences princières, notamment de leur rôle redistributeur au sein de leur territoire théorique respectif. J’en arrivais à proposer comme critère de définition supplémentaire la fonction économique centrale, idée reprise par M. Eggert9.

Dans la décennie qui a suivi la diffusion de la première vraie théorisation du concept de résidence princière10, le phénomène socio-historique impliqué a suscité une rafale d’études destinées à en préciser, ou modifier l’interprétation11. Toutes mettaient l’accent sur l’importance des contacts avec les sociétés plus développées de la zone méditerranéenne dans le processus d’émergence et dans le fonctionnement des centres dits princiers. Puis, les effets du “stimulus” gréco-étrusque ont été assez radicalement remis en question par certains au début des années 198012. Ensuite, tandis que des chercheurs poursuivaient dans cette contestation13, d’autres reconnaissaient à leur tour le caractère déterminant des contacts méridionaux en procédant à une application systématique du modèle de l’économie-monde14.

Cet engouement s’explique par une nécessité intellectuelle. Les résidences princières matérialisent un phénomène sociologique et historique qui ne peut être ignoré. Elles suggèrent, en effet, l’émergence et le maintien pendant 25 à 75 ans d’une échelle d’intégration politique jamais atteinte auparavant en Europe tempérée. Réfléchir au changement social exige, par conséquent, de se pencher sur ce phénomène. Les thèses principales concernant ce phénomène peuvent être commodément schématisées à travers trois questions : l’émergence, la fonction et le déclin des “résidences princières”15.

Pour expliquer l’émergence de ces sites, les contacts avec les sociétés méditerranéennes ont, dès le départ, été privilégiés. P. Wells et D. Nash ont été très explicites en faisant des conditions externes – le commerce massaliète – les causes du rythme et de l’étendue du changement social16. Pour J. Bintliff et C. Gosden, au contraire, le contrôle de la production locale, des matières premières et de la force de travail est une condition nécessaire et suffisante ; ils considèrent le flux de biens importés comme mineur et, par conséquent, peu significatif17. Dans le même sens, C. Pare insiste sur le fait que la hiérarchisation sociale a précédé l’arrivée des biens gréco­étrusques18 ; pour lui, à la suite de L. Pauli19, il ne se produit, du Hallstatt D1 (625-530 a.C. environ) au D2-3 (530-475 a.C. environ), qu’une simple concentration du pouvoir. L’idée selon laquelle la complexification sociale a débuté sur place, indépendamment de la Méditerranée, n’est pas nouvelle. W. Kimmig, puis H. Zürn, considéraient que le statut des plus puissants était passé de celui de primus inter pares à celui de “seigneur féodal20”. A. Jockenhövel voyait dans les tombes riches à ciste en pierre du Hallstatt B2-3 (930-800 a.C. environ), liées à des sites fortifiés complexes, des seigneurs locaux, ancêtres (Ahnherren) des princes de la fin du Hallstatt D (530-475 a.C. environ)21. Tout comme W. Kimmig, S. Frankenstein et M. Rowlands, P. Brun, L. Olivier, P. Nicholson ne disent pas que les contacts externes sont la cause unique des résidences princières, mais pensent qu’ils ont causé l’intensification et l’adaptation du système social préexistant, c’est-à-dire l’émergence d’un niveau d’intégration supplémentaire22.

Pour la question de la fonction de ces sites, c’est la fonction économique qui a été la plus fréquemment abordée. R. Joffroy, V. Megaw, W. Kimmig, H. Zürn, W. Kimmig et E. Gersbach, F. Fischer, M. Rowlands ont vu très tôt dans ces sites des postes de commerce, des centres de distribution primaire, impliqués dans le réseau commercial méditerranéen23. Les preuves d’un travail sur place de l’ambre et du corail ne laissaient aucune ambiguïté et la qualité des produits métalliques ou de certains produits céramiques suggère la présence d’artisans très spécialisés. L’étude de S. Champion sur le corail allait dans le même sens, montrant que la distribution de cette matière importée de la Méditerranée se trouvait concentrée autour des résidences princières et supposait la présence d’ateliers sur ces sites sous le patronage du “prince”24. La fonction politique se trouve clairement formulée chez W. Kimmig25 et est admise par tous les auteurs. T. Champion a proposé de considérer l’ensemble de ces principautés contiguës comme des peer polities selon C. Renfrew, c’est-à-dire comme des entités politiques en compétition, mais en même temps interdépendantes, cette interaction étant nécessaire à la survie commune et donc à l’explication de leur déclin commun26. Je pense aussi que les principautés forment un système, plus exactement un sous-système du système-monde européen27. Pauli va assez loin dans son interprétation du fonctionnement politique des principautés qu’il voit comme de véritables États primitifs dont les élites seraient organisées sur un principe matrilinéaire, voire matriarcal28. La fonction idéologique, religieuse, a été émise à titre d’hypothèse par W. Kimmig29. L. Pauli a, là encore, été beaucoup plus loin, attribuant aux princes des fonctions de chaman qui seraient révélées par des pratiques bisexuelles, plus précisément de travestissement. Il insiste sur le changement religieux potentiellement causé par l’arrivée d’idées nouvelles qui affectent aussi les domaines artistiques et politiques30. Plusieurs auteurs ont insisté, à juste raison, sur les cas de pillages opérés peu de temps après l’enterrement (Hohmichele, Grafenbühl et Ütliberg) ; le pillage du Magdalenenberg, moins d’un demi-siècle après la construction de la chambre funéraire, montre d’ailleurs que les interdits idéologiques n’étaient déjà plus respectés par tous avant même le plein épanouissement du phénomène princier. En fait, la plupart des auteurs voient dans les résidences princières de véritables capitales multifonctionnelles. Frankenstein et Rowlands ont, avec le modèle de l’économie des biens de prestige, explicité l’interrelation du pouvoir économique et du statut social31. P. Wells a repris l’idée de K. Polanyi concernant l’enchevêtrement des fonctions sociales dans les sociétés ignorant l’économie de marché ; le “prince” y est le principal représentant indigène dans les relations avec les étrangers32. Wells a souligné aussi que seul ce qui pouvait renforcer la stratégie traditionnelle de pouvoir parvenait en Europe tempérée. M. Dietler a, pour sa part, insisté sur la relation qui pouvait exister entre le processus de consommation des boissons alcoolisées, importées ou non, et l’économie politique33.

Pour la question de l’émergence du phénomène princier, il est clair que la complexification sociale avait commencé à s’accentuer indépendamment des contacts avec les civilisations grecques et étrusques. Il paraît pourtant difficile d’écarter toute influence de ces dernières. Les biens méditerranéens montrent une nette tendance à se localiser soit dans les tombes les plus pourvues en mobilier local et les plus élaborées, soit sur les sites d’habitat voisins de ces tombes. Ces lieux de concentration de biens méridionaux se trouvent, de plus, répartis avec une certaine régularité du Berry à la Bavière occidentale, malgré des recherches opérées sans programme d’ensemble, par des individus qui s’ignoraient souvent d’une région à l’autre. Une distribution spatiale aussi spécifique peut difficilement être considérée comme le fruit du hasard. Des indices concordent enfin avec l’hypothèse selon laquelle ces sites auraient été les plus importants centres de redistribution de produits locaux. Au total, il semble bien qu’un véritable saut de l’échelle d’intégration (taille des territoires politiquement autonomes) se soit alors produit ; un saut non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, car un territoire de 50 km de rayon ne peut être géré comme un territoire de 15 à 20 km de rayon. Un territoire de 50 km de rayon exige au moins un niveau de chefs subalternes répartis à une journée de marche du fait de la distance qui constitue une contrainte majeure pour les transports et les communications34. Soulignons encore que d’autres “centres princiers” sont à attendre dans et hors de la zone bien connue (fig. 2). À l’Est, W. Kimmig en avait proposé plusieurs, parmi lesquels le Hellbrunner Berg de Salzbourg, en Autriche, semble très probable en raison de la proximité du complexe du Dürrnberg, déjà bien documenté35. L’établissement de Závist, en Bohème, représente un autre candidat sérieux, avec son sanctuaire bâti sur d’impressionnants podiums de pierres. Au nord, au pied de l’établissement fortifié du Glauberg, près de Büdingen, la récente découverte de la monumentale tombe à torque en or et, tout près, de la statue grandeur nature représentant le défunt36 est venue confirmer une autre hypothèse de Kimmig37. Plus en amont, dans le bassin du Main, le site de hauteur fortifié d’Ehrenbürg a fourni une fiole en verre38. En Sarre, sur la frontière franco-allemande, la tombe tumulaire de Reinheim et le site fortifié proche signalent probablement un puissant centre politique39. À l’Ouest, près de Vichy, où des tombes auraient contenu de la céramique attique, le site de hauteur fortifié de Bègues a livré un fragment d’anse étrusque40 et appelle de la sorte un passionnant programme de vérification. La zone des principautés supposées devrait, de la sorte, s’étendre à l’avenir à l’intérieur de l’auréole intermédiaire du système économique européen. Une dynamique interne de cette zone a été suggérée d’emblée par Kimmig, mise en application et discutée par Frankenstein et Rowlands, puis par moi-même et tout récemment B. Chaume41. Malgré sa faible durée, le phénomène voit, en effet, des “centres princiers”, en contact avec les cités-États méditerranéennes, se développer et décliner de façon un peu décalée les uns par rapport aux autres, avant que de nouvelles prémices émergent plus loin vers le nord.

Des critiques de niveau très inégal

Nombre de désaccords tiennent sans doute à des conceptualisations spatiales d’échelles différentes. Outre les problèmes méthodologiques qui rendent délicate l’articulation entre les données archéologiques et les théories anthropologiques, le refus du modèle des “résidences princières” relève souvent de l’intime conviction de ce que les contrastes hiérarchiques et la dimension des systèmes d’échanges, que ce modèle suppose, sont exagérés. Qu’elle soit fondée sur des analogies ethnographiques discutables42 ou sur tout autre a priori, cette perspective privilégie inévitablement les causes internes. Or, le monde nord­alpin était ouvert sur l’extérieur, notamment pour permettre le transit de l’étain dont les Grecs avaient grand besoin ; raison pour laquelle l’activité commerciale à longue distance peut être érigée en fonction dominante des “résidences princières”. L’incertitude majeure porte sur l’échelle d’intégration politique : les pôles “princiers” sont-ils seulement des centres de communautés locales plus riches que leurs voisines, ou correspondent-ils à des sortes de capitales politiques pour des ensembles fédérant plusieurs communautés43 ? Des indices archéologiques d’une intégration au moins économique ont été détectés, mais nous ne disposons toujours pas d’élément décisif sur l’existence d’un pouvoir hiérarchisé, rayonnant sur une cinquantaine de kilomètres en moyenne. Remarquons toutefois que la distribution spatiale et la hiérarchie fonctionnelle des sites suggèrent un modèle du type “place centrale”, sauf à résulter d’un hasard bien improbable. Ajoutons encore que les sources écrites dont on dispose à propos de phénomènes princiers analogues et contemporains, comme en Ukraine44, stipulent l’existence d’organisations politiques dotées de plusieurs niveaux intégrés.

Parmi les auteurs qui critiquent la proposition que je défends avec d’autres, rares sont ceux qui ont proposé une explication globale des données disponibles. Pour M. Dietler, ces dernières sont également compatibles avec une exploitation grecque limitée aux zones côtières, à partir desquelles les objets se disperseraient graduellement vers l’intérieur45. Dans cette hypothèse, le nombre d’objets, ou plutôt de sites recelant de tels objets (cela, afin d’amoindrir les déformations dues à l’inégale intensité des recherches archéologiques), devrait décroître avec la distance à partir des cités grecques. Or, tandis que ce nombre devrait décroître constamment avec l’éloignement, les courbes montrent, sans exception, au moins un pic à une distance intermédiaire46. Cela indique que la diffusion ne s’est pas effectuée de proche en proche, par une longue chaîne de communautés locales, mais, au contraire, qu’elle était contrôlée par des centres redistributeurs. Pour J. Bintliff, plus radical, les importations méditerranéennes n’ont joué aucun rôle significatif sur le monde nord-alpin47. En d’autres termes, les changements sociaux observables se seraient opérés de façon indépendante. Les objets grecs ou étrusques ne seraient, pour lui, que des curiosités exotiques, offertes par des chefs établis plus près des cités méditerranéennes. D’une part, nous venons de voir que, dans chaque zone, les diffusions ne correspondent pas à la courbe de régression que suppose cette explication. D’autre part, il convient de rappeler qu’il n’existe aucun cas d’une croissance équivalente du niveau et de l’échelle d’intégration hors de ces zones qui se trouvaient en contact avec des États ; de tels cas devraient, s’ils existaient, se traduire par des configurations similaires de sites parfois très riches ou monumentaux, bien que dépourvus de pièces grecques, étrusques ou phéniciennes.

Hormis ces réflexions de bon niveau, les critiques émises à l’encontre de ce qui n’est qu’un scénario probable sont d’une virulence parfois étonnante. Elles ont aussi pour particularité d’être partielles et de ne pas proposer d’interprétation alternative globale, c’est­ à-dire de même niveau. A. Sherratt a montré avec humour les insuffisances de ces postures hypercritiques, dans les milieux anglophones48. Les critiques n’ont été ni moins vives, ni moins partielles en France. S. Verger ne remet pourtant pas en question l’émergence, à la fin du VIe s. a.C., de formations sociales plus hiérarchisées qu’auparavant et en relation avec des États méditerranéens49. Il ne s’écarte de mes propres propositions que sur l’évolution ultérieure de ces formations, au cours du Ve s. a.C. J’envisageais un effondrement des unités politiques dominées par les personnages enterrés fastueusement à proximité de leur citadelle-capitale, à la fin du Hallstatt D3 (vers 475 a.C.), provoqué par l’interposition d’autres intermédiaires, au sein du système transeuropéen d’échanges à longue distance. Des intermédiaires situés en Italie du Nord seraient parvenus à contourner les princes hallstattiens les plus proches, en établissant des liens privilégiés avec des subalternes, à la périphérie de chaque “principauté” et, surtout, avec d’autres leaders sur les confins occidentaux et septentrionaux de la zone des “principautés”. Pour S. Verger, deux réseaux distincts se trouvent en compétition, dès le début du Ve s. a.C. : le premier, le plus ancien, relie les colonies grecques d’Italie du Sud aux puissantes principautés hallstattiennes ; le second, qui va l’emporter après le premier quart du Ve s. a.C., des aristocraties d’Italie du Nord et du centre-est de la Gaule. Ce dernier serait matérialisé par des pratiques funéraires communes, en particulier l’incinération en urne métallique, et la configuration urbaine des sites dominants : Bragny-sur-Saône et surtout Bourges. La différence est que, pour lui, la complexité politique ne diminuerait pas ; les changements de rites funéraires, mais aussi l’abandon des citadelles, ne traduiraient que des changements de conception du pouvoir, du territoire et des relations diplomatiques.

Chez P.-Y. Milcent aussi, l’approche se veut la plus factuelle possible. Il insiste d’ailleurs sur la complexité quasi irréductible des phénomènes en question. Sur cette posture de principe, il élabore une critique presque systématique des scénarios d’une certaine ampleur spatiale et temporelle élaborés au cours des trente dernières années ; ceux­là seraient dénués de pertinence parce que trop généraux et, par conséquent, simplificateurs50. Or, inévitablement, l’auteur sort lui-même de sa réserve et avance un ensemble de propositions qu’il cherche à maintenir compatibles entre elles, c’est-à-dire un scénario qui constitue une esquisse déjà fort épurée par rapport au foisonnement du réel, ce qui est communément appelé un modèle. L’interprétation emprunte beaucoup à S. Verger. Le site de Bourges est conçu comme une grande ville, sorte de clone de cité étrusque ou “golaseccienne” (de la culture de Golasecca, dans le bassin du Tessin), isolée loin en territoire barbare, tandis que les surfaces fouillées demeuraient alors étriquées et dispersées sur une assez vaste surface. Considérant les débats que suscite l’usage du qualificatif urbain pour les grands oppida de La Tène D (130-30 a.C. environ), on reste un peu stupéfait de trouver cette interprétation sous la plume d’un tenant zélé de la prudence, de la mesure, du strict respect des faits.

À côté de ce traditionalisme revendiqué, s’exprime, dans les travaux récents de L. Olivier, un point de vue proche de celui des postprocessualistes. Cet auteur déploie un appareil critique encore plus nourri à l’encontre de l’idée selon laquelle les sociétés en question sont hiérarchisées et forment un système avec les États méditerranéens51. Tout y passe, du vocabulaire aux soubassements idéologiques qu’il induirait, en passant par l’incapacité irrémédiable, selon lui, de l’archéologie à tenir quelque discours historique que ce soit. Il conclut, malgré tout, lui aussi, sur des propositions étonnamment conformes aux interprétations qu’il fustige : les “résidences princières” sont bien des “centres de pouvoir” et l’augmentation du commerce avec des sociétés plus complexes entraîne bien le développement de rapports de domination entre tribus, ou à l’intérieur même des communautés. L’écart qu’il recherche consiste, somme toute, à atténuer les composants :

  • les sociétés hallstattiennes sont fondamentalement “primitives”, c’est-à-dire “contre l’État”, même si, convient-il, leur hiérarchisation apparente paraît bien aller de pair avec une mise en cause du modèle égalitaire ancestral, à la fin du VIe s. a.C. ;
  • les centres de pouvoir ne sont pas forcément aussi importants, ni ne contrôlent des territoires aussi vastes que ce que suggèrent les données archéologiques connues ;
  • les importations méditerranéennes étaient irrégulières et peu abondantes.

Le parti pris se montre résolument primitiviste, bien que non contradictoire, en fait, avec ce qu’il prétend démolir. Enfin, les critiques idéologiques s’avèrent dépourvues de pertinence, puisqu’elles s’adressent à des cibles qu’il a lui-même fabriquées à la va-vite. Dans un papier, paru en réalité en 2002, le procédé devient proprement caricatural52.

Une fois les fausses oppositions dégonflées, il reste que ces contributions soulèvent une vraie difficulté : nous ignorons, en effet, le degré de représentativité des données observables aujourd’hui, par rapport à la réalité de ce lointain passé. Cette difficulté affecte tout particulièrement les vestiges de pratiques funéraires, que ces trois auteurs exploitent en priorité. Nous connaissons, en effet, par le raisonnement logique et les lieux communs de l’histoire ancienne et de l’ethnologie, le caractère trompeur de ces données :

  • l’absence de tombes riches ou monumentales ne signifie pas forcément l’absence de hiérarchie sociale ;
  • une société très différenciée peut avoir traité ses dominants morts avec faste, tout en ne laissant aucune trace au sol, donc détectable aujourd’hui ;
  • une société très différenciée peut avoir traité ses dominants morts dans la plus grande sobriété, pour des raisons idéologiques, notamment religieuses ;
  • une tombe luxueuse peut honorer quelqu’un d’autre qu’un potentat, comme un héros par exemple53.

Il est, par conséquent, difficile de saisir le niveau de complexité sociale, à partir de vestiges aussi sujets à des choix idéels ; a fortiori d’approcher la nature du pouvoir, comme le fait, sans aucun indice, S. Verger. Il ne dit évidemment pas comment décider, à partir des tombes, que la conception du pouvoir aristocratique des uns serait religieuse et politique, tandis que celle des autres serait, au contraire, militaire et commerciale. Il n’explique pas non plus comment, dans les sociétés protohistoriques, des animateurs de réseaux à longue distance pourraient s’affranchir d’une assise politique territoriale.

L. Baray est plus pertinent lorsqu’il fait l’hypothèse d’un changement, lors de l’abandon de la plupart des “résidences princières”, non pas en termes de hiérarchie, mais en termes de régime politique : un régime plus démocratique se substituant selon lui, vers 475 a.C., au régime plus despotique des “princes”54. Les indices archéologiques susceptibles d’étayer cette stimulante proposition restent à découvrir. On peut, par ailleurs, se demander si une société plus démocratique est moins complexe, ou même moins hiérarchisée qu’une société à pouvoir despotique ; autrement dit, si les deux notions se situent bien au même niveau d’analyse. Avec le caractère fondamentalement ambigu des pratiques funéraires, on se trouve, quoi qu’il en soit, dans une aporie, sur laquelle je reviendrai en fin d’article.

B. Chaume s’est bien gardé de prendre le contre-pied des acquis antérieurs, stratégie facile et faussement innovante, car insuffisamment fondée sur une documentation devenue très abondante. Il a bien vu que la faiblesse des propositions antérieures résidait dans leurs imprécisions à propos de l’échelle des phénomènes en jeu. Il a ainsi entrepris de dépasser les conceptions antérieures en visant une chronologie plus fine de cette séquence pourtant courte, tout en inscrivant sa réflexion dans la longue durée. Du point de vue de l’espace aussi, il a examiné la distribution des vestiges archéologiques concernés à plusieurs échelles : au niveau local, au niveau régional et à celui, interrégional, de la totalité du monde hallstattien d’une part, et de l’ensemble des partenaires économiques incluant les cités grecques et étrusques de l’autre. Outre une mise à plat exhaustive des connaissances sur le complexe de Vix, il produit de la sorte des propositions à la fois innovantes (une telle approche demeure rarissime, au-delà des pétitions de principe) et compatibles avec toutes les données disponibles55.

Une complexité sociale sous-estimée

L’interprétation, en termes de “principautés” polarisées par des lieux centraux, a subi des critiques, en particulier parce qu’il est censé plaquer un schéma artificiel et exogène56. Or, l’usage d’un modèle globalisant n’implique en aucun cas de gommer les différences individuelles et micro-sociales. En effet, un modèle n’est évidemment pas une expression de la réalité. C’est une esquisse, réduisant la réalité à quelques lignes de force jugées déterminantes à une échelle donnée, afin de faciliter la mémorisation et la réflexion. Opposer – ce qui revient à ramener au même niveau – la redoutable complexité de l’humain et les modèles (globalisants par définition) est une erreur. Seul peut être légitimement critiqué l’usage que tel ou tel chercheur fait d’un modèle ; en particulier, s’il finit lui aussi par confondre l’esquisse et la réalité. Or, tous les auteurs ou utilisateurs des modèles cités ici ont été explicitement conscients de ce risque. Plutôt que d’asséner cette critique en porte-à-faux sur les modèles, il convient de reconnaître la fonction heuristique de ces outils. Les erreurs à ne pas commettre dans l’usage des modèles ont été suffisamment répertoriées dans des manuels d’économie, de géographie, de sociologie ou d’histoire, ainsi que dans plusieurs ouvrages d’archéologie, pour qu’il soit besoin d’y revenir. La fréquente évocation d’une opposition binaire, parfaitement artificielle, entre la préférence donnée aux dissemblances par les uns et celle donnée aux ressemblances par les autres, n’est pas mieux fondée ; dissemblances et ressemblances ne sont pas de nature ; elles sont de degré et de niveau, et dépendent par conséquent de l’échelle d’observation choisie.

À propos de l’économie-monde de F. Braudel, c’est-à-dire du système-monde d’I. Wallerstein, je voudrais insister sur le fait que son application à l’âge du Fer ne résulte pas d’une simple transposition suggérée par d’approximatives analogies. Elle procède d’une confrontation avec les données. J’avais, moi-même, commencé l’étude de la question des tombes princières avec l’objectif d’invalider non seulement le modèle canonique de W. Kimmig, qui me semblait résulter d’un placage du modèle féodal sur la société hallstattienne, mais aussi le modèle des places centrales brillamment adapté par H. Härke, mais que je trouvais trop beau pour être vrai. Les données ont pourtant bel et bien résisté, à moi comme aux autres, et, jusqu’à présent, aucune interprétation générale alternative du phénomène n’a été proposée. Comme je le montre ci-dessus, les critiques formulées envers le modèle en vigueur soit portent sur une caricature du modèle en question (son apparence “moderniste” en particulier), soit émanent d’une utilisation de données trop partielles. Je voudrais aussi souligner combien rares sont les archéologues dont les connaissances englobent l’ensemble du continent, et que ce sont ceux-là mêmes qui éprouvent le besoin d’un outil théorique du type du système-monde. Ce dernier demeure, à vrai dire, le seul qui permette de rendre compte des interrelations entre des sociétés de niveaux de développement différents sur de très vastes espaces et dont le gradient de complexité s’accentue dès le Néolithique. Une des priorités aujourd’hui est de faire comprendre à nos collègues que les modèles sont indispensables. Il faut certes enrichir, perfectionner, voire corriger les propositions de K. Polanyi, M. Mauss, L. Gernet, F. Braudel et autres, mais il faut d’abord bien les connaître et éviter de penser ou laisser penser qu’il est possible de s’en passer, mais aussi que l’effort de critique vaut l’effort de proposition.

Il se trouve que l’intuition de Paulus et la proposition de Kimmig, jugées exagérées par la plupart des critiques, étaient en dessous de la réalité. Les données récentes suggèrent que les centres “princiers” possédaient, au moins pour deux d’entre eux, des caractéristiques urbaines ; phénomène que l’on pensait ne voir émerger, en Europe tempérée humide, que quatre siècles plus tard. La surprise est venue du site de la Heuneburg à Hundersingen. Nous savions que des installations existaient hors les murs, au pied de la colline, depuis la reprise des fouilles sur les tertres du Giessübel : ceux-ci avaient été érigés sur les ruines de grands bâtiments ; d’où l’hypothèse d’un faubourg, chez Kimmig. Mais nous avons appris que l’occupation de cette période du Hallstatt D2-3 (530-475 a.C. environ) s’étendait en réalité sur plus de 20 ha, à l’est de la forteresse. De plus, une levée de terre, vestige d’une délimitation défensive attribuée par hypothèse au Moyen Âge, en raison de ses grandes dimensions, s’est révélée remonter à la même date, à la suite des sondages réalisés sur l’environnement du site, lui-même cerné par les tombeaux des dirigeants (fig. 3). Ces investigations, effectuées à une échelle enfin adéquate pour répondre aux questions sociologiques et historiques que l’archéologie se pose aujourd’hui, ont montré, de surcroît, la densité particulièrement forte des installations agricoles dans un rayon de 5 km autour de l’agglomération57 (fig. 4).

Fig. 3. Le site de la Heuneburg, à Hundersingen (Allemagne) : la citadelle (C), les zones basses où des traces d'occupation ont été découvertes, notamment au lieu-dit Giessübel-Talhau, sous quatre des tertres riches (pastilles noires) érigés à la périphérie de l'établissement et la ligne fortifiée en avant de l'agglomération (L) ; les grosses flèches signifient la forte présomption d'une occupation plus large (d'après Kurz 1998).
Fig. 3. Le site de la Heuneburg, à Hundersingen (Allemagne) : la citadelle (C), les zones basses où des traces d’occupation ont été découvertes, notamment au lieu-dit Giessübel-Talhau, sous quatre des tertres riches (pastilles noires) érigés à la périphérie de l’établissement et la ligne fortifiée en avant de l’agglomération (L) ; les grosses flèches signifient la forte présomption d’une occupation plus large (d’après Kurz 1998).
Fig. 4. Le territoire polarisé par le centre “princier” de la Heuneburg, à Hundersingen (Allemagne). Le nombre de petits établissements de la même période s'y montre particulièrement élevé (d'après Kurz 1998).
Fig. 4. Le territoire polarisé par le centre “princier” de la Heuneburg, à Hundersingen (Allemagne). Le nombre de petits établissements de la même période s’y montre particulièrement élevé (d’après Kurz 1998).

Ces nouvelles données confèrent un sens plus crédible aux suppositions formulées à propos du site de Bourges, pour l’occupation datée de la fin du VIe à la fin du Ve s. a.C. Quelques fouilles ponctuelles conduites dans la ville historique avaient prouvé une occupation étendue dès la période en question. Là aussi, des tombes luxueuses et monumentales avaient été installées en périphérie. Contrairement à la Heuneburg, nous avons affaire à Bourges à un environnement actuel très urbanisé, si bien que nous ne pouvons vérifier le caractère continu ou non de l’occupation. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que des établissements contemporains, dont des ateliers de production de biens métalliques, étaient présents de manière relativement dense dans un rayon de 5 km58 (fig. 5).

Fig. 5. Le site de Bourges (France) ; plusieurs sondages réalisés dans la ville historique (hachures) suggèrent une occupation de la fin du VIe à la fin du Ve s. a.C., mais d'autres occupations de la même période ont été découvertes en périphérie (zones grises), ainsi que de riches tombeaux (pastilles rouges). D'après le Service archéologique municipal, cartographie C.N.A.U. 1995, C. Guilloteau del.
Fig. 5. Le site de Bourges (France) ; plusieurs sondages réalisés dans la ville historique (hachures) suggèrent une occupation de la fin du VIe à la fin du Ve s. a.C., mais d’autres occupations de la même période ont été découvertes en périphérie (zones grises), ainsi que de riches tombeaux (pastilles rouges). D’après le Service archéologique municipal, cartographie C.N.A.U. 1995, C. Guilloteau del.

Ce centre puissant possédait, au total, des caractéristiques probablement analogues à celles du célèbre site allemand et qui laissent penser à de véritables villes selon la définition préconisée par certains géographes59. Nous pouvons les suivre avec profit, comme nous l’avions fait à propos des oppida60, pour penser qu’une ville est une agglomération permanente de populations et d’activités destinées à favoriser le développement local et régional des relations sociales. Au niveau local, un tel site valorise la proximité en matière de contrôle politique, d’efficacité économique, de contact culturel, de reproduction sociale, etc., en permettant des économies dites justement “d’agglomération”. Au niveau régional et au-delà, une ville valorise une situation dans un réseau, c’est-à-dire une position relative dans une hiérarchie complexe de fonctions productives, sociales, territoriales et jusque dans l’espace des représentations mentales. Cette conception se distingue des définitions de la ville fondées sur les seules spécificités internes et surtout architecturales d’un établissement, pour privilégier la fonction de l’agglomération dans un espace plus large. Plus pertinente, elle se montre aussi plus aisée à utiliser en archéologie, si des investigations ont pu être développées à la bonne échelle, comme c’est le cas lors des opérations d’archéologie préventive.

En somme, Bourges était probablement une ville, comme certains auteurs l’avaient supposé, mais pas une ville isolée, car une ville s’inscrit nécessairement dans un réseau d’établissement équivalents. Ces deux sites éloignés, l’un dans le Wurtemberg, l’autre dans le Berry, révèlent très vraisemblablement l’existence d’un système urbanisé, loin de la Méditerranée, dès la fin du VIe s. a.C. Cela signifie que l’hypothèse des principautés centralisées, jugée d’un “actualocentrisme” moderniste excessif, était insuffisante. Les formations sociales en question étaient d’une plus grande complexité organisationnelle encore : nettement centralisées et hiérarchisées. Elles n’en furent pas moins éphémères, les unes plus que les autres, mais n’excédant guère un siècle pour la plus durable : Bourges. Avec ces résultats, notre connaissance de l’urbanisation est bouleversée, puisque l’on n’accordait jusqu’à présent le titre de ville qu’à des oppida, dont les plus anciens n’apparaissaient que quatre siècles plus tard. Mais ce sont, plus généralement, la problématique et l’histoire de l’urbanisation en Europe qui s’en trouvent transformées. Avec ces vastes agglomérations, nous avons affaire à des établissements assez comparables aux principaux oppida du dernier siècle a.C. Ces groupements de plusieurs milliers de personnes, en un même lieu, pendant quelques dizaines d’années, impliquent une organisation territoriale et sociale déjà très complexe. Mais leur disparition pendant les trois siècles qui ont suivi suggère la fragilité des formations sociales nord-alpines. Il s’agit, par conséquent, d’un nouvel exemple de la non-linéarité de l’histoire de la complexification sociale.

Ce bel exemple montre qu’il convient de se méfier, non pas des idées, mais de leur usage pauvre et, en particulier, binaire. Si l’on s’en tient aux “critères intrinsèques”, selon les termes de J.-C. Gardin61, du concept de “prince”, celui-ci reste une simple analogie illustrative, une métaphore dépourvue de vertu explicative, à laquelle s’oppose le contre-exemple mis en exergue par I. Morris : la tombe du héros, tout aussi riche, mais répondant à une situation circonstancielle. Il en va tout autrement si l’on intègre, comme le préconise P. Ruby, des critères extrinsèques, c’est-à-dire les relations spatiales, temporelles et fonctionnelles de la tombe ou de l’établissement en question62. C’était le postulat non formulé de Paulus. C’est ce que Kimmig avait tenté de vérifier. C’est ce que j’appelle une fois de plus à inscrire dans toute stratégie de recherche archéologique. Là réside également le moyen d’échapper à l’aporie soulignée plus haut. La signification sociale d’une tombe ne peut être comprise indépendamment de la connaissance d’un large échantillon, non seulement de tombes contemporaines, dans la même région, mais aussi d’établissements suffisamment divers pour révéler leur hiérarchie. Cela exige des investigations sur de vastes surfaces et incluses dans des programmes pluriannuels de recherche archéologique intensive d’échelle micro-régionale. C’est la mise en œuvre de moyens de cet ordre, en archéologie préventive, qui ont fourni les surprenantes données nouvelles sur l’émergence, quatre siècles plus tôt que prévu, du phénomène urbain en Europe non méditerranéenne. Cela appelle un changement d’échelle des pratiques archéologiques. Les sociétés développées, grandes destructrices de vestiges archéologiques, mais soucieuses de leur mémoire, doivent s’en donner les moyens.


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  21. Jockenhövel 1974.
  22. Brun 1987 ; Frankenstein & Rowlands 1978 ; Nicholson 1989 ; Olivier 1988.
  23. Fischer 1973 ; Joffroy 1960 ; Kimmig 1969 ; Kimmig & Gersbach 1971 ; Megaw 1966 ; Rowlands 1973 ; Zürn 1970.
  24. Champion 1982a.
  25. Kimmig 1969.
  26. Champion 1982b.
  27. Brun 1987 ; Brun 1992.
  28. Pauli 1972.
  29. Kimmig 1969.
  30. Pauli 1972.
  31. Frankenstein & Rowlands 1978.
  32. Polanyi 1957 ; Wells 1980.
  33. Dietler 1990.
  34. Brun 1993.
  35. Kimmig 1983.
  36. Herrmann 1996.
  37. Kimmig 1983.
  38. Abels 1989.
  39. Reinhard 1997.
  40. Bouloumié 1982.
  41. Brun 1987 ; Chaume 2001 ; Frankenstein & Rowlands 1978 ; Kimmig 1969.
  42. Eggert 1997.
  43. Brun & Chaume, éd. 1997.
  44. Rolle 1980.
  45. Dietler 1990.
  46. Brun 1995a, fig. 3.
  47. Bintliff 1984.
  48. Sherratt 1995.
  49. Verger 1995 ; Verger 1997.
  50. Milcent 1999.
  51. Olivier 2000a.
  52. Olivier 2000b. Le propos de l’article consiste à dénoncer une supposée “contamination”, par l’idéologie nazie, de l’archéologie française du Premier âge du Fer. Cette “infection” aurait pour symptôme l’usage de notions comme celle de “résidence princière” : “L’histoire de la recherche montre que cette notion de “princes” (en allemand : Fürsten) dans les sociétés européennes anciennes est un concept remodelé par l’archéologie raciale du IIIe Reich… “ (p. 118). Un peu plus loin : “Ce travail d’examen critique des sources de l’archéologie de l’âge du Fer, qui met ici au jour la nature des liens entretenus entre la recherche allemande des années 1940 et la géopolitique européenne du IIIe Reich, me paraît aujourd’hui utile (… ) : il peut contribuer (… ) à nous aider à mieux comprendre la filiation – et par là la portée – des concepts actuels, comme celui de “résidences princières” hallstattiennes, qui nous intéressera plus particulièrement ici” (p. 118). Et en conclusion : “C’est ce déficit de conscience individuelle, que fabrique particulièrement le nazisme, qui a permis la contamination en profondeur de la discipline. Car ce sont les faits archéologiques eux-mêmes qui sont infectés depuis l’origine, comme le montre à l’évidence l’exemple des tombes et des résidences “princières” hallstattiennes. Cet aveuglement des chercheurs vis-à-vis de la fabrication idéologique des matériaux archéologiques (c’est-à-dire de ce que nous appelons communément les “découvertes” archéologiques) explique la contamination de la discipline par-delà l’effondrement du nazisme : c’est bien parce que les archéologues ont cru – ou ont voulu croire – que les données archéologiques produites sous le national-socialisme pouvaient l’avoir été indépendamment des orientations idéologiques du régime nazi que ces productions archéologiques ont pu naturellement constituer la base documentaire de la recherche européenne d’après-guerre… “ (p. 138-139). Outrancier et infondé, ce point de vue ne mérite qu’une note de bas de page, par souci d’être complet sur le sujet ; d’autant que son auteur, inconscient de ses contradictions, ou cherchant à faire croire qu’il ne pensait pas vraiment ce qu’il a écrit, est l’un des organisateurs de l’exposition, présentée du 4 avril au 29 septembre 2003 au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, intitulée Tombes à char. Princesses celtes en Lorraine.
  53. Morris 1987.
  54. Baray 2004.
  55. Chaume 2001.
  56. Gras 2000.
  57. Kurz 1998.
  58. Augier et al. 2001.
  59. Pumain et al. 1989.
  60. Brun et al. 2000.
  61. Gardin 1979.
  62. Ruby 1999.
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Pessac
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EAN html : 9782356134585
ISBN html : 978-2-35613-458-5
ISBN pdf : 978-2-35613-460-8
Volume : 5
ISSN : 2827-1912
Posté le 22/12/2025
19 p.
Code CLIL : 4117; 3122;
licence CC by SA
Licence ouverte Etalab

Comment citer

Brun, Patrice, “Entre la métaphore et le concept : heurs et malheurs du qualificatif ‘princier’ en archéologie”, in : Brun, Patrice, Comprendre l’évolution sociale sur le temps long, Pessac, Ausonius éditions, collection B@sic 5, 2025, 343-362, [URL] https://una-editions.fr/heurs-et-malheurs-du-qualificatif-princier-en-archeologie
Illustration de couverture • Première : Nebra Sky Disc, bronze and gold, ca. 3600 years before present; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták ;
Quatrième : The Nebra hoard with Sky Disc, swords, axes, chisel and arm spirals; © LDA Sachsen-Anhalt, photo Juraj Lipták
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