Němčice site is located roughly in the centre of Moravia, in the fertile lowland region known as Haná. The agglomeration was discovered in 2000 by amateur archaeologists during their surface and metal detector surveys. They found numerous artefacts associated with the La Tène period, including gold and silver coins. Between 2002 and 2006 the Institute for Archaeological Heritage Brno led by Miloš Čižmář conducted systematic surface surveys followed magnetometric and aerial survey. The finds resulted in surprising findings about the existence of a centre of power of the La Tène culture as a predecessor of Late La Tène oppida and with key evidence of specialised crafts and extensive long-distance trading, especially in the Mediterranean. Evidence of specialised production is related to bronze metallurgy as well as the minting of coins and glass production.
Geophysical survey carried out by Roman Křivánek from the Institute of Archaeology of the Czech Academy of Sciences (2002, 2004-2006, 2007-2009, 2010-2012, review in 2021) helped determine the size and structure of the unique La Tène site. In some 10 seasons of measuring, an area of 44.31 hectares was surveyed and the main inhabited part occupies some 30 hectares. Fortification has not been confirmed.
Since 2016, in reaction to illegal activities of looters with new technologies, resumed the Institute for Archaeological Heritage Brno systematic prospections. In this time, there were already available digital detectors with excellent separation properties and higher or multi-frequencies. This allows to find very small items, which means the makeup of the finds and coin values has changed significantly. The data are collecting in the long run and every find is localised with maximum accuracy. Artefacts are further categorised and used to obtain a better idea about the size of the site. Also, it´s possible to predict manufacturing and trade areas.
One of the outcomes of the current surveys is the exact localisation of a glass workshop based on the discovery of large volumes of waste from glass production. The concentration of glass on the whole site is quite uniform, but in recent years a lot of glass was discovered in small place, where two hundred fragments in total were found. They include fragments of bracelets, glass fibres, type 117 beads and their semi-products and rejects.
Within the framework of the Science Foundation of the Czech Republic focused on interdisciplinary study of the site started the excavation of the newly localised glass workshop. Seventeen archaeological features dated to LT C2 were detected, most of which are unusual in some form. Based on the finds and character of features there was identified a production area specialising in several types of production (processing of iron, bronze, amber and especially glass).
Le site de Němčice est situé à peu près au centre de la Moravie, dans la plaine fertile connue sous le nom de Haná. L’agglomération a été découverte en 2000 par des archéologues amateurs lors de leurs prospections de surface et au détecteur de métaux. Ils ont trouvé de nombreux artefacts associés à la période de La Tène, notamment des pièces d’or et d’argent. Entre 2002 et 2006, l’Institut du patrimoine archéologique de Brno, dirigé par Miloš Čižmář, a effectué des sondages systématiques en surface, suivis de relevés magnétométriques et aériens. Les découvertes ont abouti à des conclusions surprenantes sur l’existence d’un centre de pouvoir datant de La Tène qui avait précédé une période d’oppida; elles ont présenté également des témoignages d’un artisanat spécialisé et d’un commerce sur de longues distances, notamment en Méditerranée. Les preuves de production spécialisée sont liées à la métallurgie du bronze ainsi qu’à la frappe de monnaie et à la production de verre.
L’étude géophysique menée par Roman Křivánek de l’Institut d’archéologie de l’Académie des sciences tchèque (2002, 2004-2006, 2007-2009, 2010-2012, révision en 2021) a permis de déterminer la taille et la structure du site unique de La Tène. Durant 10 années de fouilles, une superficie de 44,31 hectares a été prospectée et la principale partie habitée occupe environ 30 hectares. La fortification n’a pas été confirmée.
Depuis 2016, en réaction aux activités illégales des pilleurs avec les nouvelles technologies, des prospections de l’Institut du patrimoine archéologique de Brno ont repris. À cette époque, il existait déjà des détecteurs numériques avec d’excellentes propriétés de séparation et des fréquences supérieures ou multiples. Cela permet de trouver de très petits objets, ce qui signifie que la composition des découvertes et la valeur des pièces ont considérablement changé. Les données sont collectées à long terme et chaque trouvaille est localisée avec une précision maximale. Les artefacts sont ensuite catégorisés et utilisés pour obtenir une meilleure idée de la taille du site. Il est également possible de prédire les zones de fabrication et de commerce.
L’un des résultats des enquêtes actuelles est la localisation exacte d’un atelier de verrerie, grâce à la découverte de grands volumes de déchets provenant de la production de verre. La concentration de verre sur l’ensemble du site est assez uniforme, mais ces dernières années, une grande quantité de verre a été découverte à un petit endroit, où deux cents fragments au total ont été trouvés. Il s’agit de fragments de bracelets, de fibres de verre, de perles de type 117, ainsi que de leurs produits semi-finis et de leurs déchets.
Dans le cadre de la Fondation scientifique de la République tchèque, axée sur l’étude interdisciplinaire du site, les fouilles de l’atelier de verre nouvellement localisé ont commencé. Dix-sept éléments archéologiques datés du LT C2 ont été détectés, dont la plupart sont inhabituels sous une forme ou une autre. Sur la base des découvertes et du caractère des éléments, on a identifié une zone de production spécialisée dans plusieurs types de production (traitement du fer, du bronze, de l’ambre et surtout du verre).
La Tène period; agglomeration; coinage; bronze metallurgy; secondary glass workshop; geophysical survey; surface survey; metal detectors;
La Tène ; agglomération ; monnayage ; métallurgie du bronze ; atelier de verre secondaire ; étude géophysique ; étude de surface ; détecteurs de métaux ;
Le site
Le vaste centre de commerce et de production de Němčice (distr. Prostějov, République Tchèque) est l’un les sites les plus importants de l’époque de La Tène en Europe centrale. Le site, classé monument historique en 2009, se trouve approximativement au centre de la Moravie (fig. 1), dans la plaine fertile de Haná, dans l’emprise cadastrale des communes de Němčice nad Hanou et de Víceměřice. Localisé en position stratégique (sur une butte modeste offrant une vue d’ensemble sur les vastes environs), le site fut occupé dès l’âge du Bronze et au premier âge du Fer. Néanmoins, l’occupation et les activités de production principales datent de la période de La Tène moyenne, essentiellement des phases de LT C1 – LT C2 (approx. milieu du IIIe – milieu du IIe s. a.C.).
Le site a été découvert par deux archéologues amateurs en 2000. Lors de prospections pédestres à l’aide des détecteurs de métaux, ces derniers ont collecté une quantité considérable d’artefacts laténiens. Il convient de mettre en exergue un lot considérable de monnaies d’or et d’argent. C’est Miloš Čižmář, spécialiste de la période de La Tène et archéologue à l’Institut de la protection des monuments archéologiques (Brno) qui, le premier, perçoit l’importance du mobililer archéologique recueilli et le rôle majeur de l’agglomération. Ce chercheur a dirigé, de façon systématique, des prospections pédestres et géophysiques, complétées par des prises de vues aériennes. L’étude des centaines d’objets recueillis a permis de caractériser l’un des principaux centres de pouvoir supra-régional connus jusqu’alors pour la période de La Tène, Le site se présente comme un centre de production artisanale spécialisée et comme un nœud de commerce entretenant des échanges à longue distance. Il s’agit également de l’un des sites laténiens les plus précoces, antérieurs aux oppida de la fin de La Tène. Une évaluation préalable a été publiée en 2006 et 20081. Des monographies thématiques ont également été publiées sur les monnaies, les fibules et les objets en verre2.
Parmi les artefacts archéologiques découverts, les parures prédominent, avec de nombreux éléments de chaînes de ceintures (maillons, pendentifs, agrafes de ceintures), des fibules (principalement de type Mötschwil daté de LT C2), des bijoux annulaires, différents types d’amulettes (anneaux à tampons, cercles segmentés), des rivets décorés, etc. Une catégorie spécifique concerne des petites statuettes animales et humaines. Parmi celles-ci, il faut mentionner une collection de plusieurs dizaines de figurines d’oiseaux, de figurines masculines stylisées ou de têtes humaines3. Jusqu’à présent, des centaines de pièces de monnaies en or, en argent et en bronze – provenant de presque tout le monde antique – ont été découverts4. Parmi les autres matériaux, on peut mentionner des artefacts en fer : le plus souvent des fibules, des bracelets, des ceintures et des éléments de panoplie de guerrier. Le matériel archéologique découvet comprend également une grande quantité de céramiques et quelques objets en os.
Une grande partie des découvertes concerne les artefacts en verre. Il s’agit de centaines de perles, de bracelets et de bagues – sans soudure – typiques de la période laténienne. Tous ces indices font de Němčice le site ayant livré, pour la période de La Tène, la collection la plus conséquente d’objet en verre : notons tout particulièrement la découverte de près de 700 fragments de bracelets en verre5.
De multiples indices de production d’artisanat verrier ont également été mis en évidence. Ici, il convient de signaler la découverte de matière première (sous la forme de lingot), de déchets de production6, de semi-produits. Ces vestiges confirment la présence à Němčice du plus ancien atelier de production de verre connu en Europe transalpine, dont les premières productions sont datées de LT C1. Les déchets de production sont majoritarement de couleur bleu, mais des fragments de verre fondus et des fils de couleur jaune ont également été retrouvés en plus faible quantité. Jusqu’à présent, la production de parure en verre était supposée sur plusieurs sites – sur la base des densités de parures découvertes et, éventuellement, par la présence de verre brut. Néanmoins, des preuves directes de l’existence d’ateliers de verriers, et de leurs fours, n’étaient pas encore connues7. À Němčice, le traitement des métaux précieux et la frappe de monnaies en or et en argent ont été également identifiés8. La métallurgie de bronze est confirmée par la présence de scories, de semi-produits ou de ratés de production reliés à la fabrication de ceintures, de pendentifs et de maillons aux plaques latérales aplaties et à moulures centrales9 (de “type Němčice”). Lors des fouilles récentes, on a pu démontrer que l’ambre jaune brute a été utilisée pour la confection de perles.
Le faciès des objets archéologiques trouvés à Němčice s’assimilent étroitement à celui d’autres agglomérations de la période de La Tène moyenne situés le long du corridor dit “de la Route de l’Ambre” : Roseldorf10 (Autriche) et Nowa Cerekwia11 (Pologne).
Prospections géophysiques
Les prospections géophysiques ont été réalisées en plusieurs phases par Roman Křivánek (Institut Archéologique de l’Académie des Sciences de la République Tchèque) entre les années 2002 et 2021. Celles-ci ont permis de mieux cerner l’étendue et l’organisation du site. Des carrés de 50 × 50 m ont été tracés géodésiquement et ont servi de trame à l’acquisition des mesures. Les prospections géophysiques répondaient à plusieurs objectifs : appréhender l’étendue du site ; mieux caractériser l’occupation et l’organisation de l’habitat ; confirmer l’absence ou la présence de fortification autour du site ; distinguer de potentiels lieux de production artisanale, et plus particulièrement la présence de structures de chauffe ou de matériaux ayant subi l’action du feu12.
En une dizaine d’années, une surface de 44,31 ha a pu être explorée par méthode magnétique. La partie principale de l’habitat, de forme ovalaire, occupe 30 ha, la plus grande densité des structures se trouvant le long de sa couronne extérieure. Vers le centre, on observe une zone considérablement moins dense en anomalies. Cependant, cette lacune pourrait être due à l’érosion de la butte centrale ou à d’autres processus taphonomiques. Dans certains secteurs, où la concentration en structures est plus faible, on a mis en évidence la présence de bâtiments carrés dont les côtés mesurent 10 à 20 m (fig. 2). Des structures analogues ayant ont observées à Roseldorf13 (Basse Autriche), on peut supposer qu’il s’agit d’édifices sacrés. Suite à une zone moins dense, le cœur du site présente à nouveau des traces d’une occupation intense. En dehors de la partie centrale, on note certaines concentrations de structures, comme par exemple de nombreuses cabanes dont quelques-unes sont alignées. Aucune fortification n’a été mise en évidence. S’il existait une clôture de type palissade, celle-ci n’aurait certainement pas pu être identifiée en raison de l’intensité des travaux agricoles12.
Prospections pédestres
Tôt après la découverte du site de Němčice, des explorations systématiques non destructives ont démarré, notamment d’intenses prospections pédestres réalisées à l’aide de détecteurs de métaux. Cependant, la publication d’informations et l’intérêt croissant pour le site ont entraîné des conséquences négatives pour l’intégrité du site. Le pillage a été très important et n’a pu être évité ni par la police ni par la proclamation du site comme monument classé. Malgré ces difficultés, les prospections officielles ont perduré, avec une intensité variable, jusqu’en 2012, (les années 2004–2006 sont celles où les recherches ont été les plus importantes). Le projet se trouvait confronté à plusieurs difficultés, dont la faible participation de professionnels aux prospections avec détecteurs de métaux. Les détecteurs de l’époque présentant également des limites technologiques. L’état des terrains n’était pas toujours pris en considération et les prospections par détecteur étaient souvent réalisées lorsque les conditions n’étaient pas les plus favorables à la collecte de données (déchaumage grossier, sols en labour). La prospection systématique du site s’est terminée en 2012 à la suite du décès de Miloš Čižmář qui en avait assuré la responsabilité dès le début. Depuis quelques années déjà, on observait une baisse qualitative et quantitative des nouvelles découvertes. La collection d’objets rassemblée jusqu’alors semblait suffisamment représentative. L’étude de la documentation recueillie a permis de catégoriser Němčice comme l’un des sites les plus importants sites de l’époque laténienne (LT C) en Europe.
Un nouveau chapitre a débuté en 2016. Des informations nous parvenaient, témoignant d’un accroissement des prospections clandestines – essentiellement nocturnes – sur le site. Les détecteurs, plus modernes, offrant une meilleure sensibilité et permettant de discriminer plus aisément les découvertes. En réponse à cette situation, les prospections officielles ont repris sous l’égide de l’Institut pour la protection des monuments archéologiques (Brno). Elles ont été réalisées par Ivan Čižmář et Miroslav Popelka de façon systématique et en mettant à contribution les méthodes et outils les plus sophistiqués. Tandis que, jusqu’en 2012, on ne se servait qu’essentiellement de détecteurs à basse sensibilité et à faible portée14, depuis 2016 on utilise avant tout des détecteurs digitaux15. Ces derniers ont renouvelé le spectre des monnaies et des objets trouvés, surtout en ce qui concerne ceux de taille réduite.
La reprise des prospections est lié au changement des approches liées aux détecteurs de métaux. L’objectif principal est d’agir afin d’éviter le pillage constant du site et la perte irrémédiable des objets trouvés par les chercheurs clandestins. La condition essentielle pour la réussite des prospections concerne l’état et la préparation des champs explorés. Le site se trouve à la limite de trois parcelles cadastrales et il est recouvert par neuf champs exploités par cinq agriculteurs différents. Au cours de deux premières saisons (2016–2017), nous avons constaté que les conditions de prospection n’étaient pas toutes favorables16. Le dialogue qui a été noué avec les agriculteurs s’est révélé très important. Cela permet à l’équipe de prospection d’arriver sur le site directement après les travaux agricoles (et avant les chercheurs illégaux n’aient le temps d’intervenir). L’équipe est composée de bénévoles disciplinés et expérimentés, disposant de références préalables. Seuls les objets superficiels, se trouvant dans les couches touchées par les activités agricoles, sont détectés. Les couches archéologiques intactes ne sont pas touchées. Au cours des prospections magnétiques, seuls les objets en bronze et ceux en métaux précieux, qui sont les plus menacés par les activités illégales17, sont principalement collectés18. De plus, les objets en verre ou en pierre visibles à la surface, ainsi que les fragments intéressants d’objets et de céramique sont également ramassés. Pour aboutir à une efficacité accrue et à de meilleurs résultats, les techniques de prospection (linéaire, croisée, concentrique, de style libre) sont combinées. Chaque découverte est précisément localisée afin de pouvoir carographier les artefacts trouvés, qui sont ensuite catégorisés. Ces prospections permettent de préciser l’étendue du site et d’appréhender – sur la base des concentrations des types d’artefacts – les fonctions de certains secteurs (possible zone de production, de commerce…)19.
Entre 2016 et fin 2021, plus de 4 000 artefacts ont été découverts (fig. 3A), dont 968 pièces de monnaie. 1055 pièces avaient été précédemment collectées8. Le corpus des objets trouvés s’est donc accru de 90% au cours d’une période de prospection deux fois plus courte. Cela est dû à l’intensification des activités de prospection, et au développement d’une équipe de prospection de plus en plus expérimentée et efficace. La protection du site s’est améliorée, probablement en raison des prospections désormais encadrées et régulées20. Il apparaît que les pièces de monnaie de haute valeur, découvertes dans les étapes précédentes, n’apparaissent que sporadiquement dans les couches labourées actuellement. Par contre, on constate un accroissement des découvertes d’objets plus petits et de pièces de monnaie de plus petite dénomination apparaissent, et de fragments de lingots d’or qui pourraient être liés à la production locale de monnaies.
Les prospections ont permis de corréler la cartographie issue des prospections géophysiques avec la répartition des artefacts trouvés. Cela confirme que les zones les plus denses en anomalies géophysiques sont également celles qui livrent le plus de vestiges ; une corrélation inverse s’observe également (zones vides – moins de découverte). Statistiquement, la plus grande proportion des monnaies trouvées est constituée de fractions en argent, suivies par les 1/24e de statères en or. Le nombre de monnaies trouvées par année ne baisse pas ; au contraire, il augmente grâce à une meilleure connaissance du terrain, à l’organisation des prospections et à une équipe plus expérimentée. La statistique comparant le nombre de monnaies à la quantité totale des artefacts montre qu’un objet découvert sur quatre est une pièce de monnaie, ce chiffre évolue d’une année à l’autre (fig. 3B). Ceci est dû au fait que les monnaies sont de petits objets et leur collecte dure, à long terme, plus longtemps que celle des objets plus volumineux21 (fig. 3D, E). En ce qui concerne la quantité totale des artefacts mis au jour et le temps nécessaire à leur acquisition, on observe à nouveau une tendance qui s’améliore : de fait, l’équipe de travail collecte plus d’objets au cours de prospections pourtant moins nombreuses. Il en est de même pour la durée de travail des archéologues et de leurs collaborateurs. Bien qu’elle ait diminué de plus de moitié au cours de cinq ans, les résultats obtenus sont meilleurs que dans les étapes initiales (fig. 3B, C).
Exploration de l’atelier de verre
L‘un des principaux résultats issus des prospections actuelles est la localisation exacte de l’atelier d’artisanat du verre grâce à la découverte d’une grande quantité de déchets de prodution de verre. Jusqu’à présent, la distribution des objets en verre paraissait plus ou moins régulière à l’échelle du site. Néanmoins, ces dernières années, les ramassages de surface mettent en exergue une grande quantité de fragments de verre dans la partie nord-ouest de l’agglomération. En deux ans, on a trouvé dans ce secteur plus de 200 artefacts en verre comprenant des fragments de bracelets, des perles du type 117, des semi-produits et des ratés de fabrication associés à ces perles, des fils de verre et des morceaux de verre fondu (fig. 4A).
Sur la base de ces découvertes, un projet a été approuvé par la GAČR (Agence Nationale de la Recherche Tchèque) avec l’objectif de développer une recherche interdisciplinaire de l’agglomération de Němčice, site qui revêt, à plusieurs égards, une importance européenne. Le projet prévoit plusieurs campagnes de fouilles, dont la première a été réalisée en 2021.
Déroulement des fouilles
À l’été 2021, une campagne de fouille a ciblé l’emplacement potentiel de l’atelier de verre suggéré par les collectes de surface. Un sondage de 10 × 18 m a été réalisé à l’endroit offrant la plus grande concentration en découvertes (fig. 4B). La terre arable, de 20 cm d’épaisseur environ, a été décapée mécaniquement. L’emprise de fouille a été divisée en segments de 1 × 1 m. La fouille s’est ensuite déroulé manuellement, les déblais étant partiellement passés au tamis électrique (mailles de 4 × 4 mm). Pour chaque segment, un échantillon de 20 l environ a été prélevé.
Sous la terre arable, 17 structures archéologiques ont été mises au jour. La fouille des structure s’accompagne de l’enregistrement systématique du mobilier et des données de terrain (relevés, photographie, topographie). Les structures les plus significatives ont fait l’objet d’un prélèvement de sédiment pour flottage. À titre d’exemple, un fond de cabane et un atelier de production ont livré des restes micromorphologiques (en cours d’analyse).
Description des contextes
La phase d’occupation la plus ancienne découverte lors des fouilles de 2021 se rattache à l’âge du Bronze. Deux structures d’habitat, datée de cette période, ont livré de la céramique commune, de la faune et du torchis. Il convient également de signaler la mise au jour d’une inhumation datée de l’âge du Bronze récent – accompagnée d’un mobilier funéraire relativement riche –, ainsi que de quelques tombes à incinération partiellement détruites. Ces vestiges, se trouvant à l’interface entre les niveaux de labour et le sol géologique (loess), étaient très perturbés par les travaux agricoles. L’inhumation de l’âge du Bronze – qui fera l’objet d’une étude spécifique – se révèle particulièrement intéressante du fait de la prédominance habituelle des incinérations dans les pratiques funéraires régionales. Ces découvertes sont essentielles car elles éclairent certains aspects de l’occupation du site sur sa diachronie. La mise au jour régulière, lors de prospections, de matériel attribuable à l’âge du Bronze semble pouvoir s’expliquer par la présence d’une nécropole partiellement détruite par les labours.
Tous les autres niveaux mis au jour sont attribuables au second âge du Fer et plus particulièrement à La Tène C. L’emprise de fouilles a livré deux grandes structures contenant un riche mobilier archéologique. La première d’entre elles est une cabane (structure 503) de plan carré qui se détache du standard des habitations de l’époque laténienne durant laquelle la forme rectangulaire est la plus courante22. Dans la partie sud-ouest de la structure se trouvait une niche avec un banc dans lequel une fosse circulaire peu profonde était creusée (fig. 5A).
Le cabane a livré une quantité considérable de faune et de céramique. Les centaines de tessons fragmentés contrastent avec la présence d’un vase pratiquement complet et décorré, sous le col, par un cordon et des lignes lissées perpendiculaires (fig. 5F). Parmi le mobilier céramique, il faut mentionner le bord d’une situle commune avec l’addition de graphite orné de rainures perpendiculaires. On mentionnera également un lot de petites rondelles de céramique (fig. 5E) qui sont souvent interprétées, entre autre, comme des jetons de jeux23. Cette hypothèse semble appuyée par la découverte d’un dé à jouer et d’un fragment d’une figurine grossièrement façonnée. Une fibule du type Mötschwil (fig. 5C) permet de dater le contexte à LT C2. Cette datation paraît corroborée par la présence de trois oboles d’argent de type Roseldorf/Němčice II et d’un 1/24e de statère en or de type Athena Alkidemos.
Parmi les petits objets trouvés, nous pouvons évoquer des fragments de fibules en fer et de bracelets en verre, de nombreuses perles en verre ainsi que leurs ratés de fabrication, des petits fragments de verre et des morceaux fondus. Enfin, la découverte de nombreux morceaux d’ambre jaune (fig. 5D), y compris une perle, doit être signalée.
La deuxième structure (n° 510) était également de plan quadratique mais aux coins arrondis (fig. 5B). Contrairement à la cabane 503, ses parois n’étaient pas perpendiculaires mais descendaient, de façon irrégulière jusqu’à c. 2 m de profondeur. La structure présentait un fond irrégulier et un remplissage qui contenait des couches brûlées. Parallèlement à la faune et à la céramique, on y a trouvé des fragments de bracelet en verre, des perles de verre et leurs demi-produits, des petits morceaux de verre ainsi qu’une quantité considérable de scories de fer et de l’ambre brut. De telles structures, analogue à n°510, irrégulières, volumineuses et incluant des dispositifs de chauffage sont plutôt exceptionnelles en Moravie24, l’interprétation de la fonction de ces bâtiments reste incertaine. Le mobilier qui en provient (semi-produits, ratés de fabrication, fragments fondus, scories) semble lié à la production artisanale, et plus particulièrement au travail du fer ou du bronze.
À côté de ces deux grandes structures on a découvert une fosse-silo et plusieurs trous de poteau plus petits (structures 504, 505, 508, 509, 512, 515) qui ont livré, outre le mobilier habituel (faune, céramique), des fragments de parure en verre (notamment des perles), et des morceaux d’ambre brut. Une autre fosse-silo (structure 516) présentait un remplissage constitué pour la plupart de torchis contenant, par endroits, des fragments de céramique fine dont les formes ont pu être reconstituées.
Conclusion
Dans le cadre du projet du GAČR, une première fouille a été effectuée sur le site qui, jusqu’à présent, avait uniquement été appréhendé par des méthodes non-destructives (prospections géophysiques, ramassages de surface). La confrontation entre la cartographie géophysique du site et les découvertes réalisées en prospection pédestre (fig. 3A et 4A) met en exergue la parfaite adéquation et la complémentarité de ces approches. Il est désormais possible de proposer une première esquisse de l’organisation de l’habitat sur presque toute l’étendue du site.
Lors des fouilles de 2021, 17 structures archéologiques ont été identifiées, parmi lesquelles certaines se sont révélées singulières. On peut ainsi évoquer la tombe à inhumation de l’âge du Bronze récent, la cabane de plan quadrangulaire, les fosses-silos, peu habituelles à l’époque laténienne et la structure de production non spécifiée pour laquelle peu de parallèles sont connus.
Pour la plupart, les structures attribuables à l’âge du Fer ont été datées de LT C2 sur la base du mobilier en contexte (oboles Roseldorf/Němčice II, fibule de type Mötschwil, décor céramique, …). Dans toutes les structures, de même que dans certains trous de poteau, note la présence significative d’objet et de semi-produits en verre (fragments de perles, morceaux fondus, ratés de fabrication ou petits fragments), d’ambre brut et de scories de fer. La fosse-silo (n° 516), qui contenait des vases en matériau fin caractéristiques de la période plus ancienne (LT C1), constitue une exception.
Au cours des fouilles, 431 artefacts en verre ont été collectés. Il s’agit principalement de perles en verre, des fragments de perles en verre, de ratés de fabrication et de semi-produits (105), suivis par les fragments de bracelets en verre (20), des fils de verre (46), des morceaux fondus (31) et de petits fragments de verre (229). Si l’on ajoute ces objets à ceux trouvés lors des prospections pédestres (plus de 200 pièces en verre), ce secteur – où se situe l’atelier verrier présumé – a livré plus de 600 artefacts en verre.Il convient de noter que les structures de chauffe pouvant servir au travail du verre, du bronze ou du fer se matérialisent, en règle générale, par des fours situés en élévation, au-dessus du niveau de sol. Ces vestiges ne laissent souvent que peu de traces et peuvent être difficilement perceptibles lors de fouilles25. Les opérations menées en 2021 à Němčice n’ont révélé aucun four pouvant être directement relié à la production du verre. Ceci est peut-être dû à un biais taphonomique : les niveaux archéologiques se trouvant à une faible profondeur sous le sol actuel, on peut raisonnablement envisager que les dispositifs de chauffe aient été détruits par les labours26. En effet, l’existence d’un atelier de verre à cet endroit ne semble laisser guère de doute au regard de la forte concentration de déchets de fabrication et de semi-produits. Au regard des observations effectuées, on a pu démontrer que le probable atelier verrier faisait partie d’un secteur artisanal où plusieurs types de production sont attestés avec, parallèlement au verre, le travail du fer, des alliages cuivreux et de l’ambre.27
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- Rudnicki, M. (2014) : “Nowa Cerekwia – the Middle La Tène centre of power north of the Carpathians”, in : Čižmářová, J., Venclová, N., Březinová, G. éd. : Moravské křižovatky. Střední Podunají mezi pravěkem a historií, Brno, 421-438.
- Varadzin, L., Venclová, N. (2007) : “Laténské a předlaténské nálezy z Libušína”, Pravěk Nová řada, 16/2006, 405-421.
- Venclová, N. (2016) : Němčice and Staré Hradisko. Glass and glass-working in Central Europe. With a contribution by R. Křivánek, Praha.
- Venclová, N., Hulínský, V., Frána, J., Fikrle, M. (2009) : “Němčice a zpracování skla v laténské Evropě”, Archeologické rozhledy, 61, 383-426.
Notes
- Čižmář & Kolníková 2006 ; Čižmář et al. 2008.
- Kolníková 2012 ; Čižmář et al. 2018 ; Venclová 2016.
- Čižmář 2012.
- Čižmář & Kolníková 2006.
- Čižmářová 2021.
- On peut évoquer les ratés liés à la production de petites perles de couleur bleu cobalt (groupes 117 et 155).
- Venclová et al. 2009, 384.
- Kolníková 2012.
- Čižmář & Kolníková 2006, 264.
- Holzer 2009.
- Rudnicki 2014.
- Křivánek 2014.
- Holzer 2014.
- Ces appareils sont capables de trouver de petits objets à grande conductivité ou des pièces de monnaie de de plus grand module.
- Ces appareils présentent plusieurs avantages : meilleure discrimination, haute sensibilité, choix de la fréquence. Les plus fréquents sont les détecteurs de la marque française XP (DEUS), suivis par le Minelab australien (Equinox).
- Conditions favorables : printemps – émottage profond du labour décomposé pendant l‘hiver et préparation pour les semailles. Conditions moins favorables : automne – labour profond récent, traitement après-récolte, émottage de surface.
- Nous avons constaté que les objets en fer sont, à long terme, le plus souvent ignorés par les détectoristes sur les sites exploités par l’agriculture. Ceci est dû au grand nombre de fragments récents qui, sans l’utilisation d’une discrimination appropriée, réduisent la probabilité de découverte d’objets archéologiques.
- cf. Čižmář et al. 2008, 128.
- Par exemple dans le cas des produits en verre, éventuellement des semi-produits ou produits ratés, les résultats des prospections ont servi de point de départ à la fouille en 2021de l’atelier de verre supposé.
- Au cours des veilles de nuit plusieurs personnes ont été arrêtés auxquelles les détecteurs ont été confisqués et les amendes infligées.
- La profondeur de détection varie en fonction de la taille de l’artefact. Par exemple, un objet de grande dimension (telle une fibule ou une boucle de ceinture) se détecte à 15 ou 20 cm de profondeur, alors qu’un petit objet (obole d’argent ou 1/24e de statère) est imperceptible au-delà de 4 cm. Ainsi, si le site est labouré à 10 ou 15 cm de profondeur, les objets volumineux n’apparaissent plus, car déjà ramassés lors de précédentes prospections ; en revanche, les petites monnaies – rapprochées de la surface – continuent à être collectés.
- Meduna 1980, 48.
- Varadzin & Venclová 2007, 416.
- Par exemple Napajedla : Fojtík & Popelka 2019, 237 ; Počenice : Popelka & Fojtík 2021, 278.
- Rolland 2021, 171-172.
- La perturbation des niveaux archéologiques a été constatée en fouille, avec la présence de sillons de labours profonds ayant altéré les sols.
- This work was supported by the Czech Science Foundation project 21-24234S ‘Central agglomeration Němčice nad Hanou. Interdisciplinar research of the key site of La Tène period in Moravia’.